CHAPITRE 1: INTRODUCTION
1.1. Problématique
La République Démocratique du Congo,
2ième réserve forestière mondiale après
l'Amazonie, regorge d'autres énormes potentialités en termes des
ressources naturelles: plus de 50 % des eaux du continent africain, une gamme
assez variée des minerais dont 80 % des réserves mondiales de
colombo tantale ou coltan, 2,5 % de Diamant, 6 % de Cuivre, 34 % du Cobalt, 7 %
de la Cassitérite, 3 % de Zinc, plus de 1 % de l'Or, ... (Geenen, 2011 ;
Pact. Inc. 2010 ; Comité de la Fédération, sans date).
A part ces minerais abondants et les plus diversifiés
possibles sur une superficie de 2.344.785 kilomètres carrés
(Population data), son sol et son sous-sol regorgent encore beaucoup
d'autres potentialités minérales dont on ne parle
pas beaucoup notamment les matériaux de construction parmi lesquels on
peut citer les pierres précieuses et non précieuses, les
graviers, le sable, le calcaire, l'argile, etc.
Les minerais ont reçu, depuis l'époque de la
colonisation jusqu'à ce jour, une attention particulière des
investisseurs et prédateurs tant nationaux qu'étrangers compte
tenu de revenus monétaires qu'ils rapportent et leur poids
géostratégique dans le concert des nations (Mbelo, 2003
:16)1.
Qu'il s'agisse des minerais ou d'autres substances
minérales comme les matériaux de construction, la gestion de
toutes ces ressources naturelles relève de la règlementation
minière coulée dans le code minier de la RD Congo, tout
particulièrement en ses chapitres 1, 2 et 3 Titre V (Loi 007/2002
portant Code minier).
Les substances minérales et les matériaux de
construction sont traités conjointement mais avec des points de
différence notamment le caractère d'exploitation uniquement
artisanal des matériaux de construction, un marché libre non
organisé par le pouvoir public, un plan d'atténuation et de
réhabilitation sans étude d'impact environnemental au
préalable. Le code
1 Ce qu'il faut déplorer est le fait que
malgré l'exploitation de ces ressources, la RD Congo est restée
au bas du classement de la richesse mondiale par habitant avec une population
vivant d'un revenu en dessous de 1 $ USD, affiche l'une des espérances
de vie les plus basses (48 ans), l'un des taux de mortalité infantile le
plus élevé de la planète, ... (Muzigwa, 2000 :47),
(Boltanski, 2012 :80). L'existence et la découverte des ressources
naturelles, au lieu de permettre le développement des pays africains,
engendrent des convoitises qui constituent la principale source des conflits
intra et inter Etats semant désolation et chagrin au sein de leurs
populations (Sadigh, 2009 :72 ; Harmon & Barouski, 2006).
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minier ne parle presque pas de possibilité
d'exploitation industrielle et d'exportation des produits de carrières
pendant que les substances minérales admettent une chaîne de
valeurs impliquant plusieurs acteurs privés et publics tant nationaux
qu'internationaux. Les procédures d'octroi du permis d'exploitation
et/ou de commercialisation des substances minérales est plus
élaboré et rigoureux que lorsqu'on vire du côté des
matériaux de construction.
Entre ces ressources naturelles et les conflits armés
vécus en RD Congo pendant plus de deux décennies existe une
relation qui explique en partie les guerres à répétition
(1996, 1998, ...) consécutives à l'afflux massif des
réfugiés Hutus rwandais à l'Est de la RD Congo en 1994.
Ces guerres ont donné naissance à une multitude des groupes
armés tant nationaux qu'étrangers qui ont cruellement investi
plusieurs localités de la Province du Sud-Kivu obligeant les populations
locales aux déplacements internes vers les localités encore
vivables. Ces groupes armés tant nationaux qu'étrangers
persistent jusqu'à ce jour et continuent à perpétrer des
exactions allant à des tueries et massacres parmi les populations vivant
à l'intérieur de la Province.
Face à cette instabilité récurrente en
milieux ruraux, une grande partie de citoyens de ces entités ont
été contraints à l'exode rural. Bukavu étant le
chef-lieu de la Province, elle est l'entité qui a et qui continue
à recevoir des ménages en quête de sécurité
et des conditions de vie acceptables. Cet exode rural forcé,
couplé à la croissance démographique traditionnelle,
explique les proportions actuelles galopantes de 851.685 habitants, au
30/06/2013 sur une superficie de 60 kilomètres carrés, soit une
densité de 14.194 habitants (Institut National de la Statistique,
2013).
La population globale de la ville de Bukavu est ainsi
passée, de 2008 à 2012, de 619.916 à 800.574 habitants ;
soit un accroissement de 180.658 habitants sur 5 ans avec un taux de croissance
quinquennal de 22,56 % et un taux de croissance annuel s'élevant
à 4,51 % (INS Sud-Kivu, 2013). Lorsqu'on cherche à savoir comment
le pouvoir public répond au besoin de cette population croissante en
infrastructures d'accueil (logement et autres services sociaux), on se rend
compte malheureusement que sa réponse n'en est pas à la hauteur.
C'est ainsi que les archives à la Division provinciale de l'Urbanisme et
de l'Habitat renseignent que les lotissements officiels les plus récents
sont celui de la cité Miruho du Quartier Panzi, Commune d'Ibanda (1999)
et celui de l'Avenue Irambo, Quartier Nyalukemba, Commune
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d'Ibanda (2000). Ces deux lotissements ont servi 715 personnes
(Division provinciale du cadastre, 2013).
La Division Provinciale de l'Urbanisme et de l'Habitat a
réceptionné, de 2008 à 2012, 627 demandes d'autorisations
de bâtir (Division provinciale de l'Urbanisme et l'Habitat, 2013). De ces
données précédentes, il découle que ce flux
migratoire, accompagné par la croissance démographique, multiplie
aujourd'hui le besoin en logements dans une ville déjà
saturée. Ce besoin qui est loin d'être satisfait, explique
aujourd'hui la prolifération actuelle des chantiers des maisons
construites souvent anarchiquement et à l'écart des normes
urbanistiques. Ces constructions justifient le foisonnement et l'importance des
carrières d'exploitation artisanale des moellons et des graviers
établies dans la ville et à sa périphérie.
Quoique intéressants aujourd'hui suite au besoin en
logement qui se pose avec acuité, un agent de la Division Provinciale
des mines rappelle que « ces matériaux de construction sont
restés, depuis longtemps, moins convoités et ipso facto moins
exploités. Ceux qui les ont exploités le faisaient en fonction de
besoins limités dans le temps et dans l'espace ; c'est le cas des
projets des missionnaires, de quelques privés et d'autres projets
d'infrastructures destinées à accueillir des services sociaux de
base ».
Avec la croissance démographique décrite ci-haut
et non accompagnée par la création des richesses, nombreuses
personnes se sont introduites, pour des raisons de survie, dans l'exploitation
artisanale des matériaux de construction. C'est ainsi que depuis un
certain temps, on observe, dans la ville de Bukavu et sa
périphérie, un développement effréné des
carrières d'exploitation artisanale des moellons et de graviers. Dans
ces carrières, on peut noter la présence d'une multitude de
personnes qui y travaillent directement ou indirectement dans un ensemble
cohérent organisé en chaîne de valeurs. On remarque qu'un
grand réseau de transporteurs s'y développe, des champs de
cultures et des petits boisements rasés, des terrains
décrétés impropres aux cultures et à l'habitat
envahis par les creuseurs artisanaux des moellons et des graviers, ...
L'exploitation artisanale des moellons et des graviers
relève du secteur informel qui prend de plus en plus de l'ampleur
à telle enseigne qu'au moins 95% de la population active de la RD Congo
y oeuvre (Malikwisha, 2000 :7). Bien que ce secteur connait des limites
relatives à la formation des entrepreneurs informels, à
l'accès au crédit et au financement formels, à la
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confusion de l'entreprise avec la famille, ... (De Herdt, T.
et Marysse, S. 1996 :107, 111), il demeure pourvoyeur d'emplois.
Au Sud-Kivu, toutes les carrières d'exploitations
artisanales des moellons et des graviers sont de type temporaire parce qu'il
n'y existe aucune carrière de type permanent conformément au
Règlement minier en vigueur en RD Congo (Division Provinciale des Mines,
2013).
A l'instar d'autres provinces du pays, ce secteur est
exclusivement géré, au Sud-Kivu, par la Division provinciale des
Mines contrairement à l'exploitation des minerais où
interviennent d'autres services para publics notamment le Service d'Assistance
et d'Encadrement du Small Scale Mining (SAESSCAM), le Centre d'Expertise,
d'Evaluation et de Certification des substances minérales
précieuses et semi-précieuses (CEEC), le Service du cadastre
minier (CAMI) ... à côté de la Division de tutelle (Kabila,
J. , 2002).
Dans la ville de Bukavu et dans les Territoires l'environnant
(Kabare et Walungu), les statistiques de la Division des Mines font état
d'au moins 150 exploitants chefs des carrières des moellons et des
graviers et un nombre important de creuseurs au service de ces responsables des
carrières des moellons (Division des Mines, 2011). Ces creuseurs sont
répartis sur un total de 31 sites d'exploitation dont les plus nombreux
et importants se trouvent localisés dans le Territoire de Kabare.
Dans la période de mars à décembre 2011,
les creuseurs de ces 31 sites avaient globalement contribué au budget
provincial à la hauteur de 3.779,8 $ pour une quantité vendue de
18.889 Tonnes de moellons et des graviers, non compris les frais administratifs
versés pour le fonctionnement de la Division de tutelle.
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