II - LES ENJEUX AVENIRS DE LA LUTTE CONTRE LA
DEFORESTATION ET LA DEGRATION DE L'ENVIRONNEMENT
Les enjeux de la lutte contre la déforestation et la
dégradation de l'environnement sont multiples et diversifiés. Ils
sont tant nationaux qu'internationaux.
A- LES ENJEUX NATIONAUX
Sur le plan national, ces enjeux tournent autour de
l'économie, la biodiversité et la société.
1- L'enjeu économique
La lutte contre la déforestation revêt un
intérêt important sur l'économie nationale. Car de
l'exploitation forestière à la commercialisation des produits
forestiers non ligneux en passant par la commercialisation des plantes
médicinales, ces secteurs d'activité contribuent à
l'économie nationale.
L'exploitation forestière est un secteur
économique au même pied d'égalité que le
pétrole et les produits agricoles. Il est aujourd'hui le
troisième contributeur au PIB après l'agriculture et le
pétrole0.
La forêt camerounaise est exploitée depuis le
début du XX è siècle. L'exploitation industrielle commence
dans les années 19600. Les revenus de cette exploitation ne
représentaient pas beaucoup dans l'économie du pays. Mais en
1986, suite à la chute des matières premières (cacao,
café, coton) dans le marché mondiale et à la crise
économique qui
0 `' Le ministère des forêts et de
la faune au Cameroun», http. // Cameroon 50, 2010 0
`'Audit économique et financier», MINEFI, septembre 2006,
p. 18.
130
a mis le pays au bord de la faillite après 1988, les
autorités camerounaises s'appuient sur les exportations des bois
tropicaux pour relever son économie0.
Cette période marque le début de l'importance
des revenus de l'exploitation forestière à l'économie
nationale. Malgré une exploitation abusive, les revenus issus de ce
secteur parviennent à satisfaire les autorités du pays. Mais les
pertes dues à l'abattage illégal sont énormes. Le tableau
suivant illustre ce constat.
Tableau n°8: L'estimation des revenus et
les pertes de l'exploitation du bois entre 1992 et 1996
Année
|
Total revenus des impôts (en milliards de
FCFA)
|
Pertes de revenus estimées (en milliards de
FCFA)
|
92-93
|
1,53
|
1,8
|
93-94
|
2,49
|
2,4
|
94-95
|
2,6
|
2,6
|
95-96
|
4,11
|
?
|
Source : Verbelen,
«Exploitation abusive des forêts», 1999, p. 25.
Selon F. Verbelen, si des contrôles sur le terrain, plus
réguliers et plus efficaces avaient été
réalisés, les revenus de l'industrie du bois pour l'Etat auraient
été, d'après les estimations, de deux à trois fois
plus élevés. Un effort particulier de service juridique du MINEF
a permis l'encaissement entre 1994 et 1995 de 162 millions de FCFA d'amande
(pour infraction à la législation forestière) par rapport
à 25 million de FCFA l'année
précédente0.
Beaucoup d'efforts restent à faire par les pouvoirs
publics pour assainir le secteur des forêts afin que celui-ci donne des
rendements financiers qu'on attend de lui. La preuve est que plus ce secteur
connait une évolution sur le plan des contrôles et la
surveillance, les revenus qu'il génère font un bon en avant et sa
contribution au PIB devient importante. Ce n'est pas le tableau suivant qui va
démentir.
Tableau n°9 : Evolution de la
contribution du secteur forestier à la formation du PIB entre
2000 et 2004.
En milliards de F CFA courant
Produit intérieur brut
|
Valeur apportée du secteur forestier
|
Pourcentage du PIB
|
Valeur ajoutée du secteur forestier informel inclus
|
Pourcentage du PIB
|
2000/1 6909,8
|
174
|
2,5%
|
273,3
|
3,95%
|
0 Verbelen, `'Exploitation abusive des forêts», 1999,
p. 6. 0 Ibid.
131
2004
|
8311,4
|
258
|
3,1%
|
380,9
|
4,6%
|
Source : `'Audit économique et
financier», MINEFI, Septembre 2006, p. 43
Si nous nous referons aux chiffres de ce tableau, nous pouvons
remarquer que plus l'évolution du temps apporte des améliorations
dans la gestion du secteur forestier, sa contribution à
l'économie du pays s'augmente. C'est pourquoi nous pensons que dans
l'avenir, ce secteur pourrait être plus prometteur si on le
débarrasse des mauvaises pratiques que nous avons eu à
énumérer plus haut. En plus il contribue à créer de
l'emploi pour les Camerounais.
D'après le ministre des forêts et de la faune,
l'exploitation forestière génère 45 000 d'emplois, dont
22000 sont enregistrés officiellement et les autres de manière
informelle. Ces chiffres sur l'emploi grimpent aussi avec l'amélioration
des méthodes de gestion de ce secteur. Nous pouvons constater que de
2000 à 2004, ces chiffres ont connu une augmentation, ceci est dû
à la rigueur qui semble s'installer dans la gestion de ce secteur. Le
tableau suivant est un exemple qui illustre mieux cette évolution.
Tableau n°10 : Evolution de l'emploi
dans le secteur formel selon les données de l'INS entre 2000 et 2004.
Année
|
2000/2004
|
2001/2002
|
2002/2003
|
2004
|
Exploitation
|
5272
|
5933
|
6432
|
4497
|
Transformation
|
8494
|
8924
|
5383
|
5820
|
Transport
|
2249
|
2283
|
2895
|
2954
|
Total
|
16015
|
17140
|
14710
|
13270
|
Source : « Audit
économique et financier», MINEFI, 2006, p.43
A travers l'évolution des chiffres d'emploi dans ce
secteur, nous pouvons tirer la conclusion selon laque1le dans l'avenir, il
pourra employer plus de Camerounais s'il y a plus de sérieux. Toutes ces
données montrent l'important rôle que jouent les forêts dans
la création des revenus et des emplois. Mais pour beaucoup d'experts,
ils ne représentent pas grande chose par rapport à ce qu'ils
devraient être si l'exploitation du bois était durable. C'est
pourquoi la lutte contre la déforestation semble être une solution
pour que le secteur forestier arrive à créer des revenus et des
emplois égaux à ses capacités. En dehors des revenus et
des emplois issus de l'exploitation du bois, d'autres produits restent à
valoriser.
Il s'agit des produits forestiers non ligneux. La
déforestation est une grande menace pour la survie de ces richesses.
C'est pourquoi la protection des forêts assurerait l'existence de
ceux-ci. Aujourd'hui, leur importance dans l'économie du pays est sous
évaluée. Pourtant beaucoup de personnes semblent d'accord que si
ce secteur était exploité normalement, il
132
rapporterait plusieurs millions de dollars USA à l'Etat.
Nous avons l'exemple de ce tableau qui montre la faiblesse que connait encore
la commercialisation de ces PFNL.
Tableau n°11 : Exportation des produits
forestiers secondaires
Produits
|
1991
|
1992
|
1993
|
1994
|
|
Tonnage
|
Valeur x 1000
FCFA
|
|
|
|
|
|
|
Feuilles
|
|
|
146
|
14,491
|
314
|
21,896
|
531
|
29,365
|
Noix de cola
|
1,336
|
21,614
|
3,302
|
53,510
|
1,127
|
11,152
|
2,875
|
25,365
|
Yohimbe
|
2,025
|
80,702
|
1,608
|
87,566
|
881
|
48,073
|
1,054
|
54,882
|
Strophantus
|
273
|
35,472
|
1,520
|
152,080
|
372
|
37,836
|
5
|
1,326
|
Bambous
|
24
|
707
|
16
|
937
|
|
|
5
|
479
|
Rotin
|
|
|
|
|
|
|
11,913
|
849,824
|
Autres écorces
|
10,189
|
2,045
|
3,085
|
518,807
|
5,104
|
523,500
|
|
|
Autres plantes
|
|
59
|
6,534
|
774,949
|
|
|
|
|
Source : Foumete Nembot, Tchanou, La
gestion des écosystèmes, 1998, p.62.
D'ailleurs même mal exploité les exportations de
ndjansang, du gnetum africana, mangues sauvages et les plantes
médicinales contribuent à l'économie du pays. Alors, vue
l'importance que revêtent tous ces produits forestiers, il est sans doute
certain que la lutte contre la déforestation développera la
valorisation et la commercialisation de ces produits secondaires pour que
à long terme ce secteur devienne rentable. Ce que corrobore Maurice
Kamto qui pense que :
L'exploitation durable consiste à ne prélever
des ressources renouvelables en quantité qui n'affecte pas leur aptitude
à se renouveler, mais aussi à utiliser rationnellement les
ressources non renouvelables et affecter les bénéfices
tirés de leur utilisation à la recherche des matériaux de
remplacement, ainsi que des techniques de réutilisation et de recyclage
des ressources0.
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