2 - Certains hauts cadres camerounais : partenaires ou
écrans de certaines entreprises étrangères
L'activité forestière tant bien que
dominée par les étrangers au Cameroun, connait une forte
implication des nationaux. Ceux-ci seraient dans la majorité des hommes
du sérail ou proches du sérail0. Par manque de moyens
pourtant propriétaires des concessions, certains signent des
partenariats forestiers néfastes avec des sociétés
étrangères, d'autres jouent simplement le rôle
d'écran pour certaines entreprises contribuant à cet effet
à la destruction de leur propre forêt.
0 `'Audit économique et financier», MINEFI, 2006, p.
94.
0 Ibid.
0 Ibid. p. 90.
0 Une lettre de voiture est un document que l'administration
des forêts délivre contre un paiement à tous les
transporteurs des produits forestiers (grumes, débités, bois de
sciages, charbon de bois, gnetum africana) au début de chaque
année. Ce certificat définit la nature et la quantité du
produit transporté. Ici, il s'agit du transport des grumes et du bois de
sciages des forêts communautaires. Ministère de l'économie
et des finances, `'l'Audit économique et financier», sept 2006, p.
35
0 `'Audi économique et financier», MINEFI, 2006, pp.
35-36.
0Ibid.
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Beaucoup de cadres d'Etat et d'homme d'affaires camerounais
dans le but de s'enrichir très vite malgré leur inaptitude dans
la profession forestière due à leur manque de moyens financiers
et techniques se sont lancés dans l'activité
forestière0.
Certains de ces hommes sont en partenariat avec les
sociétés étrangères. C'est-à-dire, ils ont
les forêts mais ce sont les sociétés
étrangères qui exploitent ces forêts. Il y a plusieurs
risques d'exploitation illégale ici. L'exemple de ce cas d'étude
nous vient de l'UFA 10-023 de la société forestière de
commerce et de services (SFCS) de Mne Batibo, exploitée par son
partenaire TTS0. D'après notre informateur Abdoulaye,
`'depuis 2007 jusqu'aujourd'hui, TTS ne respecte aucune réglementation
dans l'exploitation de sa parcelle de forêt. Elle n'applique aucune
politique d'aménagement car d'après sa direction, elle ne serait
pas concernée par les sanctions''0. Ce cas n'est qu'un
échantillon de ce genre de choses. Parfois ces nationaux
protègent leurs partenaires étrangers.
A côté des partenariats de pillage, il y a la
stratégie d'écran adoptée par les entreprises
étrangères. Elles nomment tout simplement au sein de leur conseil
d'administration un homme influent dans le gouvernement. C'est une pratique qui
daterait de très longtemps. Ces nationaux sélectionnés
parfois dans les cimes du pouvoir sont de véritables soutien et
boucliers anti sanctions pour les sociétés hors la loi.
Sur ce point, Verschaves stipule que dans les années
2000, les grumes destinées aux scies de Patrice Bois0avaient
la fâcheuse habitude de sortir de la forêt sans le moindre
marquage, rendant les pistes fiscales assez fangeuses. Ceci était
dû au fait que l'administration de cette société
forestière dont la scierie se trouvait à Yaoundé avait
pour président du conseil d'administration un certain tout puissant
honorable, délégué du gouvernement de la communauté
urbaine de Yaoundé, président du groupe des parlementaires
francophone le feu Nicolas Amougou Noma0.
Le cas de Patrice bois est un échantillon pour ce genre
de pratiques. Conscientes de cette nature de soutiens, ces
sociétés violent librement toutes les dispositions juridiques,
entrainant la déforestation sans être inquiétées.
Car elles savent que grâce à l'intervention de leurs
0Wafo, `'La clairière au détour du sentier'', 1998,
p. 4.
0 Entretien avec Ndoumba Bernard, 37 ans environ,
chargé de la communication et du suivi des activités
d'exploitation et de la transformation à la TTS, Masséa, 6
novembre 2010.
0 Entretien avec Abdoulaye, 33 ans environ, virgile de la SFCS,
Masséa, 6 novembre 2010.
0 Patrice Bois est une société forestière
italienne appartenant aux familles Giancarlo Fuzer et Patrizio Deitos. Elle est
la plus grande société forestière dont la scierie se
trouve à Yaoundé. Pendant les appels d'offres de 2001, elle
s'accaparait de quatre UFA pour un total de 250 000 hectares, ceci grâce
à ses soutiens.
0 Labrousse, Verschaves, Les pillards de la forêt,
2002, p. 77.
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partenaires ou leurs complices nationaux, certaines de leurs
sanctions ou procès judiciaires sont abandonnés et leur
société blanchie. Entre 1995 et 1998, 13 procès en justice
d'infractions contre certaines sociétés pour un pourcentage de
21% ont été abandonnés suite aux interventions de
certaines personnes influentes du pays0.
Cette situation facilite la destruction des forêts au
Cameroun par les sociétés étrangères. Elle serait
nourrie par la corruption, puisque ces personnes qui jouent le rôle
d'écran bénéficieraient des fortes sommes d'argent.
Alors, à la somme de tous ces facteurs, on ajoute les
effets de dévaluation du franc CFA, l'urbanisation, le
développement des infrastructures énergétiques et
routières, le secteur informel, le bois de construction et le bois de
feu. C'est donc cet ensemble de causes qui sont responsables de la
déforestation. Ceci entraine des graves conséquences.
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