Le mysticisme dans un enfant à tout prix de Charles Sohpar Elsa Gamnye Souop Universite - Licence es lettres bilingues 2021 |
II.2- Les manifestations du mysticisme dans l'oeuvreAyant donné les raisons qui animent le couple plus haut, il sera question pour nous maintenant d'examiner leur cheminement sur cette voie qu'est le mysticisme. Dans le roman, nous voyons que le mysticisme se manifeste pour tomber enceinte, et pour la délivrance. II.2.1- Tomber enceintePour connaitre la joie d'être un jour des parents, le couple n'hésite pas à consulter de nombreux guérisseurs, qui leur donnent des prescriptions, chacun selon son expertise. Xavier mentionne le fait qu'au préalable, ils sont allés chez des guérisseurs qui les ont arnaqués. On nous dit aussi qu'il y avait un autre, un pygmée, qui avait aussi travaillé sur eux. Ces derniers avaient été aussi incompétents les uns comme les autres. L'auteur cherche sans doute à nous montrer que le désespoir peut mener à accomplir des actes à l'aveuglette, sans toutefois évaluer dès le départ, si le chemin que nous empruntons est le bon. Selon « L'action des guérisseurs traditionnels » (2006)6(*), article d'Itai Madamombe, « la médecine traditionnelle relève d'un système de pensées qui reste essentiel dans la vie de la plupart des Africains ». Il dit aussi des guérisseurs qu'ils sont, le plus souvent, le seul et unique ressort contre des maux qui ruinent la vie humaine. Le résultat est que les africains ont le plus souvent confiance en ces guérisseurs et en leurs traitements, qu'en la médecine moderne, parce que pour l'africain, tout ce qui se produit a une explication. C'est peut-être à cause de ce système de pensée que dans Un enfant à tout prix, l'auteur détail de fond en comble le traitement rituel que reçoit Victoire au bord de la rivière. L'objectif de ce rituel est de purifier Victoire de tout ce qui l'empêche de concevoir et, en quelque sorte, préparer la venue imminente de leur enfant. On voit là que le guérisseur est sûr de son traitement, et que le couple aussi est prêt à prendre tous les risques nécessaires pour devenir parents. L'auteur, quelque part, cherche à exposer le fait que les couples, et surtout les femmes, sont prêts à tout lorsqu'il s'agit d'enfanter, même si cela va à l'encontre de leurs croyances religieuses. En effet, Victoire est une fervente chrétienne, mais nous voyons qu'elle se livre corps et âme à ce rite. II.2.2- La délivranceLa délivrance se définit comme la fin d'un mal, d'un tourment, d'où résulte une impression agréable. Il a pour synonyme soulagement. Dans notre texte, le désir de soulagement apparait après la naissance de Jonbé Pamphile, quand il est découvert que ce dernier est en fait un serpent déguisé. Pour se débarrasser de l'enfant et être libre, un inconnu propose à Xavier d'abandonner l'enfant dans la forêt. Comment cet inconnu a-t-il fait pour savoir que leur enfant est un serpent, reste un mystère. Nous pouvons toutefois supposer qu'il a des dons de voyance, puisqu'il dit : « ...j'ai le don de lire, et je vois... La souffrance du serpent se lit sur votre visage...je vois aussi un serpent qui vous enserre... » (P.113). La consigne est claire : Xavier devait déposer l'enfant dans une broussaille au bord de l'eau, dans une forêt, puis s'en aller en courant sans se retourner. Dans « symbolisme de la forêt et des arbres dans le folklore »7(*), article de Judith Crews, il est dit que les arbres et la forêt ont une certaine mystification depuis l'antiquité. Clarissa Pinkola dit : « Si tu ne vas pas dans les bois, jamais rien n'arrivera, jamais ta vie ne commencera. Va dans les bois, va »8(*). Nous apprenons aussi dans « le symbolisme de la forêt »9(*) que la forêt peut être synonyme d'oppression ou de libération. Pour expliquer ces citations, on dira que c'est justement pour ces deux raisons que l'inconnu invite Xavier à se rendre dans la forêt : pour que sa vie prenne une tournure nouvelle dans cette forêt, qui est un lieu de libération. Autre instance de délivrance apparait quand le prêtre et les paroissiens effectuent le chemin de croix autour de la borne fontaine habitée par le serpent. Durant cette séance, des prières sont faites, et, peu à peu, le serpent libère la fontaine : « Plus la prière était forte, plus elle semblait provoquer la montée en force d'une eau boueuse qui jaillissait du robinet... La force de leurs prières semblait augmenter la pression de l'eau noire et boueuse... » (P.149-150). Au préalable, le serpent s'était immiscé dans le lit du curé : « [il trouva] un énorme serpent grisâtre lové dans sa couverture. [Il] porta la main au crucifix qui pendait toujours à son cou... [et] lentement et majestueusement, le serpent descendit du lit, puis il sortit de la chambre en frôlant la soutane du père Lesco. » (P.141) Cette scène pourrait être traduite comme un défi direct lancé à Dieu, avec comme intention de faire régner la loi du plus fort. Pamphile a des blessures au dos, suite aux prières faites par les paroissiens autour de la borne fontaine. Il a ces plaies parce que son double, le serpent, est aspergé d'eau bénite dans la fontaine. Ceci nous montre que l'enfant est capable de se dédoubler, et d'être à deux endroits à la fois. Toujours dans l'optique de la délivrance, le dénommé Su Fo Ngang s'engage à libérer la famille de Xavier de cet enfant serpent. Pour ce faire « Le groupe se mit en marche en pleine nuit pour le cimetière... [Su Fo Ngang avait] autour de son cou... une amulette d'argent en forme de coquille d'escargot...il leur avait demandé de s'oindre les pieds et les mains avec un produit noir et gluant... » (P.156). Afin de pousser le double animal à se dévoiler, « ...Su Fo Ngang se mit [à chanter,] à pleurer en battant le tambourin et en exécutant une danse mystique » (P.158), après quoi « un monstrueux serpent » apparait. Nous voyons dans cette scène que le mysticisme est à son comble parce que toutes les actions menées, que ce soit l'oignement des membres ou encore le chant, ont une connotation non dévoilée par l'auteur. Mais nous pouvons supposer que l'oignement sert à les blinder, et le chant sert à cajoler le serpent. Le jujube, pour les africains en général et le peuple bamiléké en particulier, est, par essence, le symbole de la paix. Ceci explique pourquoi Su Fo Ngang donne un mélange à base de jus de jujube au couple et à l'enfant de boire. Vu que c'est un fruit sacré, l'enfant quand il le prend, ne le supporte pas, et, regardant le feu « [dégage] une odeur animale...et...son visage prit progressivement une couleur effrayante... » (P.164) * 6 https://www.un.org/africarenewal/fr/ * 7 https://www.fao.org/ * 8 Femmes qui courent avec les loups, 1992 * 9 Adrien Choeur, https://www-jepense-org |
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