UNIVERSITÉ DE BUEA
UNIVERSITY OF BUEA
FACULTÉ DES ARTS FACULTY OF ARTS
DÉPARTEMENT DE FRANÇAIS
DEPARTMENT OF FRENCH
LE MYSTICISME DANS UN ENFANT À TOUT
PRIX DECHARLES SOH
251658240
Mémoire complémentaire en vue de
l'obtention du diplôme de licence ès lettres bilingues
(anglais/français)
Présenté par :
GAMNYE SOUOP ELSA
AR18A005
Sous la direction de :
ABOSSOLO PIERRE MARTIAL
Maître de Conférences - HDR
Buea, 13 juillet 2021
UNIVERSITÉ DE BUEA
UNIVERSITY OF BUEA
FACULTÉ DES ARTS
FACULTY OF ARTS
DÉPARTEMENT DE FRANÇAIS
DEPARTMENT OF
FRENCH
LE MYSTICISME DANS UN ENFANT À TOUT
PRIX DECHARLES SOH
251659264
Mémoire complémentaire en vue de
l'obtention du diplôme de licence ès lettres bilingues
(anglais/français)
Présenté par :
GAMNYE SOUOP ELSA
AR18A005
Sous la direction de :
ABOSSOLO PIERRE MARTIAL
Maître de Conférences - HDR
Buea, 13 juillet 2021
CERTIFICAT DE CONFORMITÉ
Je soussigné Abossolo Pierre Martial, enseignant au
département de français de l'Université de Buea, certifie
avoir dirigé et approuvé le travail de recherche de
l'étudiante Gamnye Souop Elsa
(AR18A005)intitulé « Le mysticisme dans
Un enfant à tout prix de Charles Soh », en
vue de l'obtention de la Licence ès-Lettres Bilingues
(Français/Anglais).
En foi de quoi la présente attestation lui est
délivrée pour servir et valoir ce que de droit
Fait à Buea, le juillet 2021
Le Directeur de recherches
Prof Pierre Martial Abossolo,
Maitre de Conférences
DÉDICACE
Je dédie ce mémoire à mes parents, qui
oeuvrent chaque jour pour ma réussite.
REMERCIEMENTS
Je remercie le Seigneurpour le souffle de vie, et pour la
grâce qu'il m'a donné d'achever ma formation dans des conditions
favorables.
J'adresse ma gratitude au Professeur Abossolo pour sa rigueur,
sa disponibilité et sa compréhension, durant la rédaction
de ce mémoire.
Je suis aussi reconnaissante à tous mes enseignants des
départements de français et d'anglais, dont leur enseignements et
conseils m'ont permises d'aller jusqu'au bout de mon parcours.
Ma reconnaissance s'adresse aussi à mes parents pour
leur soutien moral, spirituel et financier.
À tous ceux qui de près ou de loin ont
contribués à l'achèvement de ce travail, je vous en
remercie.
SOMMAIRE
CERTIFICAT DE
CONFORMITE....................................................................
i
DEDICACE...............................................................................................
ii
REMERCIEMENTS....................................................................................
iii
INTRODUCTION
GENERALE.......................................................................
1
CHAPITRE I :LE MYSTICISME DANS LA LITTERATURE
AFRICAINE
I.1- Thèmes
abordés......................................................................................
3
I.2- Les fonctions du surnaturel dans la littérature
africaine....................................... 10
CHAPITRE II :LE RECOURS AU MYSTICISME DANS UN
ENFANT À TOUT PRIX
II.1- Motivation
..........................................................................................
14
II.2- Manifestations
....................................................................................
18
II.3-
Conséquences.......................................................................................
21
CHAPITRE III :LE SENS D'UNE ÉCRITURE DU
MYSTIQUE DANS UN ENFANT À TOUT PRIX DE CHARLES SOH
III.1- Sensibilisation sur les effets du mysticisme
.................................................. 26
III.2- Souligner l'hybridité culturelle de l'africain
................................................. 28
III.3- Exposer les réalités mystiques
................................................................. 32
CONCLUSION GÉNÉRALE
....................................................................... 36
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
......................................................... 37
INTRODUCTION GÉNÉRALE
La littérature, comme le définit Louis Vicomte
de Bonald1(*), «
est l'expression de la société, comme la parole est
l'expression de l'homme ». En tant que tel, la littérature se
propose de montrer les différentes facettes de la vie humaine bonnes
ou mauvaises. Les sujets de la littérature sont donc multiples et celui
qui va être traité dans ce travail est le mysticisme. Ce terme
peut se définir comme « ...une notion relative au secret
» (Joseph Priera, 2020 : 489).
Parler du mysticisme revient à s'interroger sur tout ce
qui dépasse l'entendement humain. C'est une réalité assez
présente dans l'Afrique d'hier et d'aujourd'hui ; « Souvent
liée à la religion, la marque du mystique entoure aussi une bonne
partie des pratiques et réalités africaines » (Joseph
Priera, 2020 : 489). On dira donc que le mysticisme est un mode de vie, qui
rassemble un bon nombre de communautés africaines, et laisse percevoir
que ce monde parallèle relève d'une force qui domine les
pensées et les actions de ce peuple fortement croyant (religieux).
Domination qui se reflète dans le quotidien des africains.
La prépondérance du mystique dans la vie se
perçoit dans Un enfant à tout prix de Charles Soh, roman
dans lequel l'étude des phénomènes mystiques sera faite.
Ce roman est choisi pour illustrer ces propos de Joseph Priera (2020 : 489) :
« le roman africain permet de mieux découvrir l'Afrique dans
son intégralité à travers la représentation de
certaines croyances culturelles et cultuelles des peuples noir ». La
littérature est donc proche des réalités sociales.
Le problème qui se pose dans notre étude est de
savoir comment s'opère le mysticisme en Afrique. Raison pour laquelle
nous nous posons la question de savoir comment se présente le mysticisme
dans Un enfant à tout prix, et pourquoi en parle-t-on.
Parlant du surnaturel, H. Leenhardt dit qu'il ne peut
être le résultat de causes naturelles, parce que des
phénomènes surnaturels ne suivent pas l'ordre naturel de ce qu'on
appelle « lois de la nature ». Le surnaturel se présente donc
comme un « extra-naturel » des choses.
Dans Unenfant à tout prix, l'auteur nous fait
découvrir une société dans laquelle des pratiques
magico-religieuses sont prépondérantes, et le christianisme,
presque relégué au second plan. Ce roman aussi expose ce que
vivent de nombreuses personnes aujourd'hui. On y voit des personnages plus ou
moins puissants, et un couple désespéré, qui
n'hésite pas à s'en remettre aux voies traditionnelles
africaines, et les effets sont plus que dévastateurs. D'où notre
intérêt pour les réalités mystiques en Afrique.
Notre objectif est donc d'étudier comment se manifeste le mysticisme en
Afrique et d'examiner les raisons qui poussent des gens à opter pour
cette voie surnaturelle. Pour y parvenir nous comptons utiliser les approches
thématiques et sociologiques. La première nous permettra de
prendre connaissance des différentes préoccupations de l'auteur
dans son roman, et la seconde nous aidera à comprendre un peu plus
l'environnement dans lequel l'auteur écrit.
Ce travail comprend trois chapitres qui permettent de
parcourir le monde mystique sur le continent africain, au travers de la
littérature. Dans le premier chapitre, nous verrons quelques centres
d'intérêts d'auteurs africains, et les raisons pour lesquelles ces
auteurs parlent de l'univers mystique dans leurs oeuvres. Dans le
deuxième chapitre, nous entrerons dans notre corpus, pour étudier
comment l'auteur, use de ces réalités magico-religieuses dans son
texte pour ressortir le bien-fondé de ce choix. Dans le dernier
chapitre, nous nous proposons de donner quelques raisons pour lesquelles nous
pensons que l'auteur décide d'écrire sur ce monde
parallèle.
CHAPITRE
I :
LE MYSTICISME DANS LA LITTÉRATURE AFRICAINE
Le mysticisme est une réalité assez vivante dans
le contexte africain, étant donné les diverses croyances et
pratiques ou rites qui sont perpétuées jusqu'à nos jours
dans bon nombre de cultures africaines. Suite à cette partie importante
que joue le mystique dans la vie quotidienne africaine, nombreux sont ces
auteurs africains qui se sont inspirés de ces faits traditionnels, qui
pour la plupart tendent vers le mystique, pour montrer à leurs lecteurs
que ces phénomènes, qui pour beaucoup semblent être
irréels, sont en fait une facette essentielle, et assez vivante d'une
communauté africaine typique. Il est nécessaire de noter qu'
« Il n'y a pas, en effet, un « homme africain » qui
représente un type valable pour tout le continent, du nord au sud et de
l'est à l'ouest. Il y a l'homme africain du nord, habitant le bassin de
la Méditerranée ou les côtes de l'océan Atlantique.
Il y a l'homme du Sahara, qui voisine avec celui de la savane. Il y a enfin
l'homme de la forêt. Autant de types de caractère, de
comportement, autant d'ethnies, autant de formes religieuses
traditionnelles.»2(*) (Amadou Hampâté, cité par Jada
Miconi, 2013 : 12)
Il sera question pour nous dans ce chapitre de faire le tour
de quelques thèmes abordés dans la littérature africaine,
et de présenter ensuite les différentes fonctions du surnaturel,
ou encore les diverses raisons qui poussent des auteurs africains à
écrire sur le monde mystique.
I.1 - Les thèmes abordés
Dans la littérature africaine de nature mystique, nous
apercevons plusieurs sujets ou centres d'intérêts des auteurs, qui
à travers leurs oeuvres, peignent une image assez vive des
réalités du mystique dans la vie de tous les jours. Parmi ces cas
se retrouvent : la mort, la superstition, le sacrifice, la
métamorphose, la voyance, la tradition et la rivalité, qui seront
tous présentés avec l'aide de certaines oeuvres mystiques
africaine.
I.1.1- La mort
Le Petit Robert définit la mort comme
« une cessation définitive de la vies d'un être
vivant ». C'est un chemin du quel on ne revient pas. À ce
sujet, on dira que « la mort est un vêtement que tout le
monde portera », ou encore que « la mort engloutit
l'homme, elle n'engloutit pas son nom et sa réputation. »
Quoiqu'il en soit, la mort reste ce qu'elle est, l'inexistence. Cette
définition reste cependant quelque peu figée. Alors, dirions-nous
que cette conception de la mort s'applique ou est acceptable dans tous les
contextes ?
On dit que la mort signifie la cessation définitive de
la vie d'un être vivant. Or, on remarque qu'en Afrique, le plus souvent,
il est dit que les morts ne meurent pas, qu'ils sont toujours parmi les
vivants, que ce soit sous forme de d'esprit ou d'animaux, ou encore en tant
qu'hommes. Ces propos, nous allons les illustrer avec le poème
« Souffle » de Birago Diop, qui écrit :
Ceux qui sont morts ne sont jamais partis : Ils sont dans
l'Ombre qui s'éclaire Et dans l'ombre qui s'épaissit. Les Morts
ne sont pas sous la Terre... Les Morts ne sont pas morts. Écoute
plus souvent Les Choses que les Êtres... Écoute dans le Vent Le
Buisson en sanglots : C'est le Souffle des Ancêtres morts, Qui ne sont
pas partis Qui ne sont pas sous la Terre Qui ne sont pas morts.
Cette conception que nous présente ce poète nous
semble quelque peu mystique, voire surréaliste, vu que les morts ne sont
plus censés être parmi les vivants sous quelque forme que ce
soit.
Néanmoins, il semblerait bien que nos auteurs africains
aient pris goût à ce phénomène de
« mort-vivants » ou encore de
« vampires » pour donner un peu de saveur à leurs
textes littéraires. Comme illustration, on aura Sylvie Ntsame qui, dans
son roman Malédiction, s'inspire de la croyance de
« non-mort » des morts, donc, des esprits.
Dans ce texte, nous sommes témoins des
répercussions négatives sur la vie du protagoniste, Joël,
suite à son refus d'admettre que la loi traditionnelle qui régit
sa société est au-dessus de lui, et que nul ne peut
échapper au châtiment qu'il mérite après avoir
osé défier cette autorité suprême. La
résultante donc de son mépris lui a valu la mort de sa
fiancée, Josiane, et de sa mère, qui sont toutes deux des
dégâts collatéraux. Ces décès ne sont
certainement pas le fruit du hasard : c'est Sandrine, fiancée qu'il
devait épouser mais qui a vu sa vie s'arrêter grâce à
la colère, et au dédain de Joël. Ces décès
qu'elle orchestre est pour elle une manière de se venger de l'affreux
traitement qu'elle a reçu de la part de Joël (à cause de son
comportement ignoble, il a gagné la fureur de Sandrine). Il nous faut
remarquer que Sandrine est morte, mais son esprit continue de roder sur terre
autour de Joël.
I.1.2- La superstition
Ce terme se définit comme le fait de croire que
certains actes ou signes entrainent automatiquement des conséquences
bonnes ou mauvaises, qui généralement seraient de provenance
occulte (Le Petit Robert). Il est impossible parfois de croire en quelque
chose, aussi débile qu'elle soit ; sauf qu'une croyance
démesurée entraine de la superstition, qui est irrationnelle.
Elle est aussi basée sur la peur ou l'ignorance, ce qui donne un
caractère surnaturel à certains phénomènes. C'est
dans ce sens qu'il est dit dans l'article « Afrique et
superstition » qu'« en Afrique, la perception du surnaturel
semble tellement naturelle que c'est le naturel qui devient
surnaturel », ce qui explique que la superstition soit assez
rependue dans l'Afrique d'hier et d'aujourd'hui. On se demande à quoi
les choses ressembleraient si les superstitions venaient un jour à
disparaitre.
Dans « Afrique et superstition » encore,
il est écrit que « la vie de la communauté
[africaine], son organisation sociale et son équilibre sont
basées sur des croyances supposées ou avérées,
[qui] pour la plupart du temps, tirent leurs sources dans des contes et des
légendes qui n'ont rien à voir avec une expérience
directe ». Quelques superstitions les plus rependues en Afrique
sont : ne pas balayer la nuit, parce que cela appellera dérage les
esprits ou que des sorciers se montreront. Pour ceux qui croient en la
réincarnation, il est déconseillé de montrer un miroir
à un enfant, car il est dit que celui-ci pourrait se souvenir de ses
précédentes vies, ou que le miroir pourrait emprisonner son
âme.
Il est presque impossible de confirmer que ces superstitions,
une fois brisées produisent quelques effets que ce soit, n'empêche
que jusqu'à ce jour, bon nombre de ces superstitions s'appliquent dans
leurs différents contextes.
Encore, pour ce qui est des jumeaux, ce
phénomène est considéré en Afrique comme une
malédiction parce que, selon la superstition populaire, ce sont des
êtres malveillants ou malfaisants ; avec l'idée que l'un
d'eux n'a pas de place dans le monde des vivants, mais celui des esprits. C'est
la raison pour laquelle les jumeaux étaient mis à mort dans
plusieurs coutumes africaines.
Dans Ceux qui sortent dans la nuit de Mutt-Lon,
Ngambi dit : « Je viens de buter [mon orteil] contre une
pierre en montant ici...Ça signifie qu'il y a des gens qui sont en train
de me calomnier quelque part dans ce village. » (P. 234) Ceci se
révèle être une superstition parce qu'il n'est pas
prouvé que se faire mal à l'orteil est synonyme de calomnie.
Un autre exemple de superstition se trouve dans le roman
Afoh Ahkom, de Christian Tiako, où il nous ait dit que :
« Depuis dix heures, par pure superstition, des filles versaient
à intervalle de temps régulier du sel sur le feu. Certains
prétendaient que ce manège était susceptible de provoquer
la pluie. » (P. 9)
I.1.3- La métamorphose
La métamorphose selon Le Petit Robert est un
changement de forme, de nature ou de structure telle que l'objet ou la chose
métamorphosé n'est plus reconnaissable, exemple un homme ou un
animale. Ce mot peut avoir pour synonyme la transformation.
Il serait faux de croire qu'en Afrique la métamorphose
soit une chose étrange, parce que nous avons à travers le temps,
eu à entendre des contes ou des légendes dans lesquels on
retrouvait souvent des scènes de transformations d'hommes en
animaux : ce qui aurait certainement poussé certains auteurs
africains à inclure des scènes de métamorphose dans leurs
récits mystiques et surnaturels. Parmi ces auteurs donc, nous retrouvons
Charles Soh, qui dans Un enfant à tout prix fait transparaitre
la transformation d'un enfant en un serpent énorme.
Dans son article « Écriture du surnaturel et
contexte : du fantastique occidental au réalisme magico-religieux
africain », P. Abossolo dit : « l'explication à
donner à cette façon de concevoir la métamorphose comme un
phénomène naturel réside dans un trait fondamental de
l'anthropologie africaine : l'être vivant n'étant pas
uniquement constitué de ce qui tombe sous la vue, il faut lui
reconnaitre la capacité de se mouvoir et de se métamorphoser
selon les circonstances. » (P. Abossolo : 2010, P.37) Cette
intervention nous fait comprendre que, la métamorphose est un
phénomène qu'on pourrait décrire comme étant
normalisée dans le cadre africain. Dans L'homme-dieu de Bisso
d'Étienne Yanou par exemple, les autochtones de Bisso (village fictif)
croient fermement que « certains individus peuvent se
dédoubler en chouettes, oiseaux auxquels on prêtait le pouvoir
magique de soutirer le sang du coeur ou de couper une partie du
poumon ». Cette croyance que des êtres humains peuvent se
changer en animaux est confirmée, quand à l'ouverture du texte,
nous sommes informés de la présence d'un homme-panthère,
et plus tard dans le texte, des hommes-chouettes.
Un autre cas de métamorphose est dans Un enfant
à tout prix, quand Victoire beigne l'enfant dans le lac
sacré de Baleng, et que celui-ci se transforme sous ses yeux.
I.1.4- La tradition
Il n'existe pas de communauté sans tradition. La
tradition est, nous pouvons dire, l'élément même qui fait
d'une société ce qu'elle est. On définira donc la
tradition comme la manière d'agir ou de penser transmise de
génération en génération à
l'intérieur d'un groupe. Le dictionnaire Le Petit Robert la
définit comme une « manière de penser, de faire ou
d'agir qui est un héritage du passé ». Pour
Honorat Aguessy3(*), ce
terme exprime « ce qui, du plus profond de l'histoire de la vie
d'une population, ne cesse d'être charrié et transmis à
travers les multiples transformations et qui donne du poids aux faits, gestes
et coutumes, et aux pensées de cette population. Non statique
encombrant, mais changement enrichissant. » (Cité par
René Tabard dans « Religions et cultures traditionnelles
africaines : Un défi à la formation
théologique », 2010)
Dans Ceux qui sortent dans la nuit, lors de la
cérémonie d'adieux de la jeune Dodo, certains rites sont faits de
la manière la plus traditionnel possible : « Ce
matin-là, on posa une cuvette sur sa tombe, remplie d'une mixture de
feuilles et écorces de la brousse...Certains murmuraient quelque chose
comme s'ils parlaient à la disparue, avant de se laver les mains dans la
cuvette. Ici on est attentifs à peu de traditions qui subsistent, et il
reste un ou deux patriarches qui savent organiser la cérémonie
des adieux. » (P.8-9) Nous voyons là que cette
communauté est rigoureuse lorsqu'il s'agit de l'application des rites
ancestraux, ce qui montre l'intérêt de l'auteur sur la question.
Raison pour laquelle il décide d'en parler dans son texte.
Parlant toujours de la tradition africaine, on entrera dans
Malédiction, pour voir à quel point l'auteure met
l'emphase sur ce point. La tradition dans ce texte joue au niveau du
mépris de Joël vis-à-vis d'elle, et des conséquences
douloureuses auxquelles il a dû faire face ; pour dire que la
tradition en Afrique est une chose sacrée, et nul n'a le droit de
commettre des actes qui pourraient le mettre dans la même situation que
Joël.
I.1.5- La sorcellerie
Le Petit Robert défini la sorcellerie comme
« [des] pratiques de sorciers ; magie de caractère
populaire ou rudimentaire, qui accorde une grande place aux pratiques
secrètes, illicites ou effrayantes ».
D'après Augé, la sorcellerie est :
« un ensemble de croyances structurées et partagées
par une population donnée touchant à l'origine du malheur, de la
maladie ou de la mort, et l'ensemble des pratiques de détection, de
thérapie et de sanction qui correspondent à ces
croyances. » (Augé, 1974 : 55, cité par Laura
Coakley, 2015 : 12)
La sorcellerie est une réalité sociale et
culturelle bien imprégnée sur le continent africain, avec des
rites propres à elle qui se pratiquent dans presque toutes les
communautés africaines. La sorcellerie de ce fait accompli ce qui en
temps normal ne pourrait être accompli, exemple : les
transformations d'hommes en objets, ou en animaux. On prendra là un
extrait de La Bête noire d'Isaïe Koulibaly, où il
est écrit : « La sorcellerie. Je faisais partie d'une
confrérie de sorciers dans ce village. Et c'est moi qui ai livré
ton père. On l'a transformé en singe pour le manger, la veille
d'une fête chrétienne » (P. 50)
On notera que : « La notion de sorcellerie,
bien qu'elle ait une sémiologie plurielle, peut être
définie, dans une grande partie des pays africains, comme une
capacité de nuire à une personne grâce au pouvoir mystique.
Par conséquent, le sorcier ou la sorcière incarne ce
personnage maléfique, poussé à faire du mal sous
l'influence de cette force/pouvoir de lasorcellerie. »(Cimpric,
2010 : 5)
I.2 - Les fonctions du surnaturel dans la
littérature africaine
H. Leenhardt dans « Essai sur la notion du
surnaturel » dit à propos du surnaturel : qu'on ne peut
lui donner une définition précise parce que
« n'étant pas l'objet d'une appréhension
sensorielle directe, ni d'une conception rationnelle [il ne saurait] être
qu'objet de croyance et non objet de connaissance. ». C'est dire
qu'il est difficile de définir ce terme parce que ce n'est pas quelque
chose de concret, ou quelque chose que l'on peut prouver facilement.
Par « fonction du surnaturel », on entend
le rôle joué par le surnaturel en littérature africaine,
et, nous voyons, au vu des différents thèmes abordés plus
haut, que le surnaturel occupe une place primordiale dans une
société africaine lambda. Les raisons pour lesquelles on
décide d'en parler constitueront la suite de ce travail. On verra donc
dans cette partie : les fonctions sociales et politiques du surnaturel en
littérature africaine au travers desquelles les auteurs nous montrent
les situations sociales et politiques du surnaturel en Afrique,
c'est-à-dire, comment les gens emploient le surnaturel pour mener
à bien leurs activités.
I.2.1- Les fonctions sociales
Quand on parle de « sociale », on parle de
la société, et en littérature africaine les
évènements relatés (aussi incroyable qu'ils soient) sont
inspirés du vécu passé et présent des africains.
S'agissant donc des fonctions sociales du surnaturel, on
pourrait avoir le désir de nombreux d'acquérir un statut
respectable, prestigieux dans la société, ce qui pousserait des
auteurs à en parler dans leurs textes littéraires. Exemple dans
La Bête noire, Monsieur Yantala use du pouvoir mystique pour
sortir de la misère dans laquelle il se trouvait, et de se faire
respecter par tout le monde.
Dans des textes comme Ceux qui sortes dans la nuit,
on retrouve des personnes qui s'immiscent dans le monde occulte, pas pour
gagner quelque statut que ce soit en société, mais juste parce
que c'est leur mode de vie (pratique transmise de génération en
génération). Là, on verra la vielle Mispa par exemple qui
est dans ce monde mystique depuis fort longtemps, et tente d'y initier sa
petite-fille, mais celle-ci est tuée parce qu'elle a
« parlé », chose qui est interdite.
Une autre fonction sociale du mysticisme est l'acquisition du
pouvoir absolu. Pour cela, nous prendrons le cas de La Bête
noire, où nous voyons Frédéric Yantala, qui,
poussé par le désir d'être puissant, rejoint dans des
cercles mystique, et va jusqu'à sacrifier des personnes, juste pour
être considéré grandement dans la société. Le
texte nous dit que : « Fédy était professeur
d'histoire et géographie et ne voulait plus vivre dans la
misère » (P.9). Ceci explique pourquoi le jeune-homme
s'engage sur ce chemin ténébreux qui tôt ou tard aura des
conséquences importantes dans sa vie.
I.2.2- Les fonctions politiques
Le mot « politique » est
« relatif à l'organisation, et à l'exercice du
pouvoir dans une société organisée » (Le
Petit Robert).
Vu que la politique est le plus souvent liée au
pouvoir, on se rend compte que de plus en plus, les gens s'engagent dans le
monde mystique pour assouvir leur soif de ce pouvoir qui semble interminable,
et de fait rendent ses victimes insatiables, car « le pouvoir est
par nature criminel » (Marquis de Sade). Le
« pouvoir » par définition signifie être en
position de puissance, être au-dessus, au contrôle des personnes
sous soi. Ce mot pourrait aussi tout simplement signifier avoir de
l'autorité, la puissance de faire quelque chose, ou encore la
« puissance particulière de quelqu'un ou de quelque
chose » (Dictionnaire Larousse).
Dans la littérature africaine, on est parfois
exposé à des scènes de rituels ou d'incantations auxquels
des gens font part, ou pratiquent pour se sécuriser une place favorable
dans le cercle restreint de ceux qui règnent, de ces gens-là qui,
du haut de leurs statuts, font la loi. On pourrait se demander pourquoi de plus
en plus de personnes se ruent vers de tels actes pour acquérir le
pouvoir, et on répondrait en disant que ces gens-là, parfois, se
sentent rapetissés par ceux qui sont en position de pouvoir. Une autre
raison pour laquelle des gens tendent vers des voies mystiques peut être
que ces personnes seraient juste orgueilleux, et ne voudraient pas être
considérés aux mêmes égards que leurs
collègues, c'est-à-dire qu'ils cherchent de plus en plus à
être au-dessus des autres.
Pour illustrer ce concept de la quête du pouvoir et du
recours au surnaturel, on prendra le cas de La Bête noire
d'Isaïe Koulibaly, roman dans lequel l'auteur nous plonge dans une Afrique
contemporaine, où le désir du pouvoir met en péril
l'existence de certains au profit de celle des autres.
Dans ce roman, nous rencontrons Frédéric Darco
Yantala, le personnage principal, qui n'a qu'un seul rêve :
être riche et puissant et pour cela, il n'hésite pas à
consulter des marabouts, et à faire partie d'une société
mystique. Tout ceci dans le but d'atteindre le sommet. Dans sa quête du
pouvoir, on le voit réciter une prière
ésotérique que lui avait remise un de ses camarades de
cabaret... ; fréquenter des marabouts ; et
même tuer des personnes.
Il a été question pour nous dans ce chapitre
d'explorer le mystique, tel qu'il est perçu en Afrique, au travers des
différents thèmes abordés dans des textes
littéraires portant sur le mystique et de donner les raisons pour
lesquels des personnes décident de s'engager sur la voie du surnaturel
dans la société africaine. Dans le chapitre suivant on entrera
dans le vif du sujet, c'est-à-dire qu'on présentera l'univers
mystique dans notre roman.
CHAPITRE II :
LE RECOURS AU MYSTICISME DANS UN ENFANT À TOUT
PRIX : MOTIVATIONS, MANIFESTATIONS ET CONSÉQUENCES
La croyance au paranormal est assez rependue, que devient
naturel ce qui est surnaturel, et mystique ce qui est naturel. La
résultante de cette croyance, le plus souvent, est que des personnes
sont parfois accusées à tort de sorcellerie à cause de
leur état physique (handicap), leur âge, ou encore d'un lien
quelconque avec une personne accusée, comme il est le cas pour nous
ici.
Le mysticisme peut assez bien se définir, selon
l'étymologie, comme le " sens du mystère " (du grec fermer), le
sens de l'au-delà, de l'autre monde ", qui dépasse les limites de
notre expérience objective, soit dans la vie présente, soit dans
une survie éventuelle.
Comme nous l'avons dit dans le chapitre
précédent, le recours au mysticisme se fait pour plusieurs
raisons, mais dans notre cas, il est une bouée de sauvetage, une porte
de secours. Le mysticisme est employé comme tel parce que dans le texte,
nous voyons le couple Mbah qui s'engage vers des voies mystiques, dans le but
de sauver leur union, et ils sont prêts à tout pour y parvenir. Il
sera question au long de ce chapitre, de faire ressortir les motivations du
couple, d'examiner les manifestations du mysticisme, et d'évaluer les
effets du mystique sur leur vie.
II.1- Motivations/raisons du recours au mysticisme
Dans notre corpus, les motivations du couple sont : le
tempérament de Xavier, le regard des autres, et l'incompétence
des gynécologues.
II.1.1- Le tempérament de Xavier
Le tempérament se définit comme une disposition
de l'humeur et de la sensibilité d'un sujet, en relation avec soi et
avec l'extérieur. On pourrait aussi le définir comme un ensemble
de caractères physiologiques propres à un individu.
Dans le corpus soumis à notre étude, nous avons
tout d'abord la détresse, le désespoir et la haine de Xavier face
à leur situation. Celui-ci devient « ...nerveux,
grincheux, agressif » (P.31), parce qu'il n'arrive pas à
se faire à l'idée qu'ils n'aient pas d'enfants après six
années de vie commune. Il est aussi dit qu'il « supportait
de moins en moins les absences répétées de son
épouse et s'irritait du fait que malgré ses interminables
soirées de prières...elle continuait à croire qu'un
miracle viendra...pour la rendre enceinte » (P.32). Cette
persévérance dans la prière de son épouse alimente
de plus en plus sa haine contre le fait que malgré tout cela, elle n'est
toujours pas enceinte.
En psychologie, on distingue quatre types de
tempéraments, dont le tempérament nerveux, dont souffre Xavier.
Nous lisons dans « les quatre tempéraments de la
naturopathie » que les personnes avec des tempéraments nerveux
sont tout le temps agités et inquiets.
Xavier en a marre d'entendre parler de ce Dieu bon et
miséricordieux, comme le décrit Victoire, qui ne daigne pas
exaucer les supplications de son épouse, au vue de toutes les
prières auxquels elle assiste sans faute :
Et franchement, je me demande à quoi te servent les
messes tous les dimanches, la chorale, les interminables prières [...]
[tu] as tenu à te marier à l'Église [...] pour lui confier
ton mariage...ton mari, tes enfants...on ne peut pas dire qu'il t'a entendue.
Il s'est arrangé à ne même pas te donner un enfant
handicapé...Réveille-toi Victoire [...] Tu sais, tu devrais avoir
honte de continuer à croire à ces conneries. (P.37-38)
Dans cet extrait nous voyons un Xavier furieux, qui
n'hésite pas de reprocher à son épouse d'être trop
naïve, parce que malgré l'absence d'une réponse favorable de
Dieu, elle demeure ferme dans sa foi, et n'hésite pas à
confronter son époux s'il le faut : « Dieu a d'autres
manières d'exaucer les prières des gens. Ses voies ne sont pas
les nôtres, et il n'agit pas toujours selon nos
désirs. » (P.37)
Dans son amertume toujours, il martèle
ceci : « Si ce Dieu que tu pries tous les jours
t'écoutait, tu aurais au moins trois à quatre enfants aujourd'hui
comme tes amies. C'est dommage que ton Dieu soit sourd à toutes ces
nuits de prières... » (P.38) Ceci parce que Victoire
s'obstine à prier ce Dieu, qui pour Xavier, n'a visiblement aucune
intention de tourner vers eux son regard, et donc il est inutile de poursuivre
ce chemin de croyance à l'aveugle.
La mélancolie de Xavier se perçoit quand on dit
: « ...les larmes de Xavier coulaient à
l'intérieure, il pleurait au-dedans de lui-même. Il était
devenu un masque, comme si le manque d'enfant avait laissé sur son
visage une épouvantable grimace » (P.40). On voit
là que Xavier est à bout, au point de composer une chanson dans
un moment de profonde tristesse, mélodie dédiée à
cet enfant qui tarde à arriver.
II.1.2- Le regard des autres
Selon l'article « pourquoi a-t-on peur du regard des
autres », le regard des autres « a un impact
décisif sur la manière dont nous nous percevons. Il influe
sur notre jugement ». Jean-Paul Sartre aussi, dit :
« Nous ne sommes nous qu'aux regards des autres et c'est à
partir du regard des autres que nous nous assumons comme nous-mêmes
»4(*).
Nous lisons dans le texte que « ...les voisins
s'interrogeaient. Les amis de son mari étaient gênés par
cette situation qu'ils ne comprenaient pas, eux qui étaient tous
pères... » (P.31)Ces remarques ont suscité en eux
un sentiment de peine qui était déjà très
présent dans leurs esprits. Cette peine qu'ils ressentent relève
du fait qu'ils sont constamment jugés par tous. Dans l'article en ligne
« Pourquoi a-t-on peur du regard des autres »5(*), nous lisons que le jugement
constat des autres influence ses faits et gestes, parce qu'on a peur de
décevoir.
Toujours dans cet article, nous apprenons que la
société met en avant la notion de compétitivité et
de performance, qui rend parfois difficile l'intégration sociale. En
effet, des clichés tels que le fait qu'il y ait un manque d'enfant dans
une maison signifient automatiquement que ce couple n'est pas conforme parce
que les autres en ont. Dans notre texte, la mère de Victoire dit :
« [la présence d'un enfant] justifierait leur
présence sur terre » (P.51), ce qui veut dire que
l'absence d'un enfant dans leur foyer les rend, socialement parlant, des
« gens inutiles ».
II.1.3- La pression familiale
La pression familiale est aussi un point qui prompte le couple
à s'engager sur cette voie mystique. Nous disons cela parce qu'à
la page 37, Xavier dit à Victoire que : « Bon...
Euh... cette histoire d'une deuxième femme, tu sais que c'est mon
père qui fait pression, moi...bon...tu sais...on a fait le tour des
guérisseurs qui nous ont arnaqués ». Nous savons
qu'en Afrique, il est primordial pour une femme de donner des enfants à
son époux, surtout un fils, et que quand la première
épouse est « incompétente » ou dans
l'incapacité de lui en donner, l'idée d'une deuxième
épouse se pose. Raison pour laquelle les parents de Xavier lui demandent
de prendre une deuxième épouse, pour pouvoir avoir une
progéniture. En effet, il se pourrait que ce soit à cause du
refus de Xavier de céder à cette pression de prendre une seconde
épouse, que tous deux persévèrent dans leurs efforts
d'enfanter, et finissent par s'en remettre aux voies magico-religieuses.
Ces points viennent nous montrer à quel point l'opinion
des autres sur soi peut pousser à accomplir des actes à la
hâte, sans toutefois songer aux conséquences.
II.1.4- L'incompétence des gynécologues
Une autre raison qui aurait pu pousser le couple à
emprunter la voie du mysticisme est, selon Xavier, l'incompétence des
gynécologues. En effet, nous apprenons de ce dernier qu'ils ont
« ...fait le tour des gynécologues » sans
aucun résultat : « ...vous savez, vos
collègues me disent la même chose depuis six ans, et pourtant rien
ne change... Nous avons fait le tour des gynécologues de la
ville... » (P.35) On voit que Xavier a atteint ses limites, et
veut des résultats concrets, et non des estimations.
II.2- Les manifestations du mysticisme dans
l'oeuvre
Ayant donné les raisons qui animent le couple plus
haut, il sera question pour nous maintenant d'examiner leur cheminement sur
cette voie qu'est le mysticisme. Dans le roman, nous voyons que le mysticisme
se manifeste pour tomber enceinte, et pour la délivrance.
II.2.1- Tomber enceinte
Pour connaitre la joie d'être un jour des parents, le
couple n'hésite pas à consulter de nombreux guérisseurs,
qui leur donnent des prescriptions, chacun selon son expertise. Xavier
mentionne le fait qu'au préalable, ils sont allés chez des
guérisseurs qui les ont arnaqués. On nous dit aussi qu'il y avait
un autre, un pygmée, qui avait aussi travaillé sur eux. Ces
derniers avaient été aussi incompétents les uns comme les
autres. L'auteur cherche sans doute à nous montrer que le
désespoir peut mener à accomplir des actes à l'aveuglette,
sans toutefois évaluer dès le départ, si le chemin que
nous empruntons est le bon.
Selon « L'action des guérisseurs
traditionnels » (2006)6(*), article d'Itai Madamombe, « la
médecine traditionnelle relève d'un système de
pensées qui reste essentiel dans la vie de la plupart des
Africains ». Il dit aussi des guérisseurs qu'ils sont, le
plus souvent, le seul et unique ressort contre des maux qui ruinent la vie
humaine. Le résultat est que les africains ont le plus souvent confiance
en ces guérisseurs et en leurs traitements, qu'en la médecine
moderne, parce que pour l'africain, tout ce qui se produit a une explication.
C'est peut-être à cause de ce système de pensée que
dans Un enfant à tout prix, l'auteur détail de fond en
comble le traitement rituel que reçoit Victoire au bord de la
rivière. L'objectif de ce rituel est de purifier Victoire de tout ce qui
l'empêche de concevoir et, en quelque sorte, préparer la venue
imminente de leur enfant. On voit là que le guérisseur est
sûr de son traitement, et que le couple aussi est prêt à
prendre tous les risques nécessaires pour devenir parents.
L'auteur, quelque part, cherche à exposer le fait que
les couples, et surtout les femmes, sont prêts à tout lorsqu'il
s'agit d'enfanter, même si cela va à l'encontre de leurs croyances
religieuses. En effet, Victoire est une fervente chrétienne, mais nous
voyons qu'elle se livre corps et âme à ce rite.
II.2.2- La délivrance
La délivrance se définit comme la fin d'un mal,
d'un tourment, d'où résulte une impression agréable. Il a
pour synonyme soulagement. Dans notre texte, le désir de soulagement
apparait après la naissance de Jonbé Pamphile, quand il est
découvert que ce dernier est en fait un serpent déguisé.
Pour se débarrasser de l'enfant et être libre, un
inconnu propose à Xavier d'abandonner l'enfant dans la forêt.
Comment cet inconnu a-t-il fait pour savoir que leur enfant est un serpent,
reste un mystère. Nous pouvons toutefois supposer qu'il a des dons de
voyance, puisqu'il dit : « ...j'ai le don de lire, et
je vois... La souffrance du serpent se lit sur votre visage...je vois aussi un
serpent qui vous enserre... » (P.113). La consigne est
claire : Xavier devait déposer l'enfant dans une broussaille
au bord de l'eau, dans une forêt, puis s'en aller en courant sans se
retourner. Dans « symbolisme de la forêt et des arbres dans le
folklore »7(*),
article de Judith Crews, il est dit que les arbres et la forêt ont une
certaine mystification depuis l'antiquité. Clarissa Pinkola dit :
« Si tu ne vas pas dans les bois, jamais rien n'arrivera, jamais
ta vie ne commencera. Va dans les bois, va »8(*). Nous apprenons aussi dans
« le symbolisme de la forêt »9(*) que la forêt peut
être synonyme d'oppression ou de libération. Pour expliquer ces
citations, on dira que c'est justement pour ces deux raisons que l'inconnu
invite Xavier à se rendre dans la forêt : pour que sa vie
prenne une tournure nouvelle dans cette forêt, qui est un lieu de
libération.
Autre instance de délivrance apparait quand le
prêtre et les paroissiens effectuent le chemin de croix autour de la
borne fontaine habitée par le serpent. Durant cette séance, des
prières sont faites, et, peu à peu, le serpent libère la
fontaine : « Plus la prière était forte,
plus elle semblait provoquer la montée en force d'une eau boueuse qui
jaillissait du robinet... La force de leurs prières semblait augmenter
la pression de l'eau noire et boueuse... » (P.149-150). Au
préalable, le serpent s'était immiscé dans le lit du
curé : « [il trouva] un énorme serpent
grisâtre lové dans sa couverture. [Il] porta la main au crucifix
qui pendait toujours à son cou... [et] lentement et majestueusement, le
serpent descendit du lit, puis il sortit de la chambre en frôlant la
soutane du père Lesco. » (P.141) Cette scène
pourrait être traduite comme un défi direct lancé à
Dieu, avec comme intention de faire régner la loi du plus fort.
Pamphile a des blessures au dos, suite aux prières
faites par les paroissiens autour de la borne fontaine. Il a ces plaies parce
que son double, le serpent, est aspergé d'eau bénite dans la
fontaine. Ceci nous montre que l'enfant est capable de se dédoubler, et
d'être à deux endroits à la fois.
Toujours dans l'optique de la délivrance, le
dénommé Su Fo Ngang s'engage à libérer la famille
de Xavier de cet enfant serpent. Pour ce faire « Le groupe se mit
en marche en pleine nuit pour le cimetière... [Su Fo Ngang avait] autour
de son cou... une amulette d'argent en forme de coquille d'escargot...il leur
avait demandé de s'oindre les pieds et les mains avec un produit noir et
gluant... » (P.156). Afin de pousser le double animal à
se dévoiler, « ...Su Fo Ngang se mit [à chanter,]
à pleurer en battant le tambourin et en exécutant une danse
mystique » (P.158), après quoi « un
monstrueux serpent » apparait.
Nous voyons dans cette scène que le mysticisme est
à son comble parce que toutes les actions menées, que ce soit
l'oignement des membres ou encore le chant, ont une connotation non
dévoilée par l'auteur. Mais nous pouvons supposer que l'oignement
sert à les blinder, et le chant sert à cajoler le serpent.
Le jujube, pour les africains en général et le
peuple bamiléké en particulier, est, par essence, le symbole de
la paix. Ceci explique pourquoi Su Fo Ngang donne un mélange à
base de jus de jujube au couple et à l'enfant de boire. Vu que c'est un
fruit sacré, l'enfant quand il le prend, ne le supporte pas, et,
regardant le feu « [dégage] une odeur animale...et...son
visage prit progressivement une couleur effrayante... »
(P.164)
II.3- Conséquences du mysticisme dans
l'oeuvre
II.3.1- Grossesse de Victoire
L'effet immédiat de ce choix est que Victoire tombe
enfin enceinte : « Deux mois après, la nouvelle fut
confirmée... Elle est effectivement enceinte ». Leur vie
de couple semble voir un nouveau jour : « L'amour dans leur coeur
avait transformé la maison en un havre de bonheur » (P.60).
Ces idées nous montrent que grâce à la grossesse de
Victoire, le couple file le parfait amour, et ils se sentent de plus en plus
considérés par leur entourage, car rappelons nous, tout le monde
les voyait différemment : ils étaient comme exclus.
II.3.2- L'affrontement
On entend par affrontement l'action de défier. Nous
retrouvons dans Un enfant à tout prix un instant d'affrontement
entre Victoire et un serpent. Victoire, mue par une curiosité excessive,
s'aventure à toucher un énorme serpent que présente un
marchand d'illusions aux passants faibles d'esprit : « ...sa
main droite effleura le corps de l'énorme serpent... L'animal se
retourna d'un geste sec, leurs yeux se croisèrent en une fraction de
seconde. Un ange passa » (P.63-64)
Nous considérons cet affrontement visuel comme une
conséquence du mystique parce que nous ne pensons pas que le serpent
l'ait fixé autant par hasard, vu qu'elle n'était pas la seule
personne présente. En effet, nous croyons que le traitement de Môt
aurait laissé des traces senties par le serpent. Ceci parce que ledit
traitement était un processus de « lavage » qui
consistait à la mettre en contact avec les « serpents
fertiles ». Coïncidence ou pas, toujours est-il que cet
échange de regards a bouleversé Victoire, malgré le fait
qu'elle l'ait mis sur le compte de l'émotion.
II.3.3- Naissance de Pamphile
Cette décision d'user des voies mystiques a permis au
couple de donner naissance à un garçon, qui malheureusement
présente d'énormes déficiences. Ces anormalités
montrent clairement qu'il y a un énorme problème en ce qui
concerne le fond ou la provenance de cet enfant. Nous pensons là au
traitement de Môt, ou encore à la rencontre de Victoire avec le
serpent. Quoi qu'il en soit, cet enfant handicapé serait le fruit de ces
nombreuses procédures quelque point douteuses par lesquels le couple est
passé. On pense ceci parce qu'il est dit dans le texte que l'enfant
ne supportait pas les prières faites par sa mère et les gens de
l'église.
Étant donné que cet enfant n'est pas tout
à fait ordinaire, les paragraphes qui suivent porteront sur les effets
de son passage dans la vie du couple et de leur entourage.
Jonbé Pamphile est un enfant serpent, comme nous
l'informe Mevom, la soeur d'un guérisseur chez qui le couple est
allé traiter l'enfant, et le guérisseur
lui-même : « C'est un serpent qui est
entré chez vous. Je ne sais pas comment ni pourquoi. Il ne sera jamais
un enfant, c'est un serpent qui se cache dans la peau d'un enfant [...] C'est
un animal qui se nourrit de sang et de viande fraîche. Je l'ai vu dans
ses yeux. » (P.91) De ce passage on apprend que Mevom a le don
de voyance, qui est un trait particulier dans l'univers mystique. Sans doute
elle aurait aperçu un serpent dans l'enfant.
II.3.4- La peur
La peur est un sentiment d'angoisse éprouvé en
présence ou à la pensée d'un danger réel ou
supposé, d'une menace. (Dictionnaire Larousse). Ce mot est issu du latin
pavor qui signifie l'effroi, l'épouvante.
La peur dans notre corpus se ressent à chaque fois
qu'un individu croise le regard de Pamphile,« Cet enfant faisait
peur » (P.82). Non seulement il est effrayant, mais il dispose
d'un outil lui permettant de se défendre, sa salive. Le texte dit que
cette salive est « irritant comme de
l'acide » (P.83). On voit là que l'enfant a des traits
caractéristiques du serpent, qui emmène les gens être
épouvantés par son seul regard. Nous remarquons aussi que cet
enfant est imposant et féroce, qui prouvent qu'il est bien loin de ce
qu'on pourrait appeler un enfant ordinaire. Il est de ce fait maléfique.
Ce serpent crée une psychose dans l'esprit des personnes qui croisent
son chemin.
II.3.5- La mort
Une autre répercussion du mysticisme est que cet enfant
mène à mort des hommes comme des animaux. La mort s'entend comme
la cessation définitive de la vie d'un être vivant. Il est
communément appelé le voyage sans retour. Dans le roman, Pamphile
entraine à mort plusieurs, hommes comme animaux.
a) Mort des hommes
Sa première victime fut un chauffeur de taxi, qui
trouva la mort dans une décharge d'ordures. C'est Pamphile, sous forme
de serpent, qui en est responsable.
Une autre de ses victimes était un homme
surnommé "Go help man", qui « fut retrouvé un matin sur
le pas de sa porte, mort. Une plaie béante sur son visage
déchiqueté. » (P.140)
b) Mort des animaux
Après que sa famille et lui se soient refugiés
au village, Pamphile, pour assouvir sa faim démesuré, mange,
toujours sous forme de serpent, une truie, des poussins.
Il orchestre ces morts pour satisfaire sa faim, suite au refus
de son de continuer à gaver de viande un enfant qui refuse de
guérir.
II.3.6- La délivrance
Suite au chemin de croix fait par les paroissiens autour de la
borne fontaine, le serpent qui avait pris refuge à l'intérieur
fut expulsé. Cette expulsion se fit grâce aux prières, et
à l'eau bénite aspergé par le curé. Bernard Berger
dans La Formidable Puissance de l'Eau Bénite (2009) dit de
l'eau bénite qu'elle est purificatrice. Cela dit, l'usage qu'en fait le
curé est plus que judicieux dans cette circonstance, parce que son
objectif est de chasser le serpent, tout en purifiant la fontaine de tout ce
que ce dernier aurait pu laisser.
Au terme de ce chapitre, il apparait que le mystique dans
Un enfant à tout prix sert d'échappatoire pour le
couple, pour espérer atteindre ses objectifs (celui d'être
parents). Ce chapitre a traitédes différents facteurs qui ont,
d'une manière ou d'une autre encouragé le couple à s'en
remettre aux voies mystiques. Ensuite nous avons vu comment se
présentent les différentes pratiques ou méthodes
employés dans l'accomplissement de ce souhait, puis nous avons
analysés les conséquences de ce choix dans leur vie et de celle
de leur entourage, proche comme éloigné. Dans le troisième
chapitre, une analyse des intentions de l'auteursera faite.
CHAPITRE III :
LE SENS D'UNE ECRITURE DU MYSTIQUE DANS UN ENFANT
À TOUT PRIX DE CHARLES SOH
Le mysticisme est le principal intérêt de Charles
Soh dans Un enfant à tout prix. C'est un sujet assez
préoccupant, qui transparait tout le long du récit. Nous
donnerons dans ce chapitre les raisons pour lesquelles nous pensons que
l'auteur aurait choisi d'écrire sur ce thème, basé sur les
évènements qu'il décrit dans son texte.
III.1- Sensibilisation sur les effets du mysticisme
Sensibiliser veut dire informer sur quelque chose au quel on
ne prête pas attention. Plusieurs optent pour des méthodes
mystiques pour résoudre leurs problèmes, sans toutefois chercher
à prendre connaissance des risques ou des bienfaits de leur
démarche. Dans notre corpus, l'auteur nous présente le bon, ainsi
que le mauvais côté de cet univers si présent dans nos
vies.
III.1.1- Les méfaits du mysticisme
Des contacts avec les guérisseurs, voyants et autres
médiums peuvent avoir des répercussions, parfois
sérieuses, dans les vies de ceux qui y font appel. Emmanuel Maennlein
dans « L'intérêt pour l'occultisme et ses
conséquences » (2012) pense que les conséquences de ces
pratiques sont rarement abordées, et qu'il vaut la peine de parler de
cette face cachée souvent banalisé.
Dans ce roman, les effets dévastateurs sont les plus
soulignés. L'auteur nous met en garde contre cette dépendance
qu'on a souvent à se tourner vers des chemins qui ne sont pas toujours
fiables. En voulant arranger les choses, nous nous empressons le plus souvent
pour rendre notre existence plus complexe qu'elle ne l'est déjà.
Nous avons l'exemple du couple Mbah qui, dans sa quête pour un enfant,
consultent des guérisseurs, pas toujours fiables, et se retrouvent avec
un serpent pour enfant.
On peut citer un autre cas, celui de Mutt-Lon, qui dans
Ceux qui sortent dans la nuit, relate que Mispa, la grand-mère,
introduit la jeune Dodo, sa petite-fille, dans le monde des ewusu,
pour perpétuer la tradition ; mais cette dernière fini par
trouver la mort. Ceci à cause de ce monde aux lois rigoureuses qu'elle
a, par inadvertance, transgressé. L'auteur ici souligne la
sévérité avec laquelle ce monde mystique traite les
transgressions, sans considération d'âge. C'est dans cette
lumière que nous lisons dans « les conséquences
à la course de la richesse mystique »10(*) qu'un homme a perdu la vie,
parce qu'il était incapable d'offrir les sacrifices
réclamés pour s'enrichir. On se rend compte que ce monde est
très demandant en matière de respect de certaines ordonnances.
L'auteur en écrivant son roman cherchait à
montrer que dans l'univers mystique, tous les évènements
relèvent du paranormal : de la scène où Victoire
touche le serpent, passant par la scène où Xavier abandonne
l'enfant dans la forêt, jusqu'à la scène du
cimetière où Su Fo chante pour attirer le totem de Pamphile. De
toutes ces scènes, nous remarquons qu'aucune d'entre elles ne peut
réellement être expliquée de manière rationnelle.
III.1.2- Les bienfaits du mysticisme
Le mysticisme comporte certes des effets néfastes, mais
il y a aussi du bon dans cette sa pratique, comme quoi, ce n'est pas parce que
c'est « mystique » que c'est forcément mauvais.
Le mysticisme dans Un enfant à tout prix
résout le problème de l'enfant dans le couple Mbah. Au vu des
évènements décrits dans le texte, il est plus
qu'évident que l'enfant qu'ont Victoire et Xavier arrive en partie
grâce au traitement du guérisseur Môt.
Dans Ceux qui sortent dans la nuit, Mutt-Lon emploie
le mysticisme comme solution à un problème scientifique qui se
pose, celui du « dégagement
matériel » (P.107). C'est grâce aux efforts de ses
compères qu'Alain Nsona réussit à rentrer dans le
passé et récupérer la formule nécessaire pour cette
expérience.
III.2- Souligner l'hybridité culturelle de
l'africain
Dans le mot hybridité on voit
« hybride ». Le Petit Robert dit qu'est hybride,
ce qui est « composé de deux éléments de nature
différente anormalement réunis ». C'est dans le cadre
de la religion que cette hybridité s'impose. Dans Un enfant à
tout prix, Charles Soh fait un mélange de christianisme et de
religions africaines pour faire passer son message.
Pour G. Van der Leeuw, cité par E. Dammann, la religion
est la « relation avec une Transcendance », qui en
effet, contient deux choses essentielles : la Puissance, supérieure
à l'homme (en face de quoi il est objet) ; et la relation
qu'entretien l'homme et cette puissance. Selon Le petit Larousse, la
religion est « un ensemble de croyances et de dogmes
définissant le rapport de l'homme avec le sacré »,
ou encore « un ensemble de pratiques et rites propres à
chacune de chacune de ces croyances ».
L'Afrique, à la base, a un peuple très croyant.
La rencontre entre les cultures noires et occidentales s'est faite d'abord par
le biais de la religion. « La religion imprègne toute la
trame de la vie individuelle et communautaire en Afrique. Ce n'est pas
seulement un ensemble de croyances, mais un mode de vie, le fondement de la
culture, de l'identité et des valeurs morales » (A.A.
Mazrui et C. Wondji, 1998 : 325). La religion traditionnelle en Afrique a
été, depuis les temps anciens, un moyen pour l'africain
d'explorer les forces de la nature (plantes), et d'user de ces connaissances
pour son bien-être. Les religions en Afrique sont, pour la plupart,
animistes. L'animisme est une religion qui croit que tout ce qui vit a une
âme. Selon Philippe Descola, dans « L'animisme est-il une
religion ? » (2006), l'animisme « se
conçoit mieux comme une façon de voir le monde, présent de
tout temps dans l'esprit humain»11(*).
Le christianisme quant à lui est une
« religion fondée sur l'enseignement, la personne et la
vie de Jésus-Christ » (Dictionnaire Le Robert). Le
dictionnaire Larousse le définit comme l' « ensemble
des religions fondées sur la personne et les écrits rapportant
les paroles et la pensée de Jésus-Christ » ;
ou encore, c'est une « religion chrétienne :
système de croyance religieuse monothéiste dont les pratiques
sont fondées sur l'Ancient Testament et les enseignements de
Jésus contenus dans le Nouveau Testament ; le christianisme insiste
sur le rôle de Jésus comme Sauveur »12(*). De toutes ces
définitions, on remarque quelque chose de commun :
Jésus-Christ et son enseignement.
Après avoir défini le christianisme et religions
africaines, nous remarquons que ces deux religions n'ont rien en commun, ou
presque. La seule chose qui les unis est le concept de
« croyance ». La croyance selon Le Petit Robert,
est « le fait de croire une chose vraie, vraisemblable ou
possible ». Il peut avoir comme synonyme la foi. En effet, dans
les religions africaines la foi est mise en des divinités, et dans le
christianisme, la foi est mise en Jésus Christ.
III.2.1- La gestion du conflit de la religion dans Un
enfant à tout prix
En combinant les religions traditionnelles africaines et le
christianisme, l'auteur a voulu montrer que l'homme africain est hybride, qu'il
a une double identité : celle de chrétien, et une autre
traditionnelle. Nous adhérons donc aux propos de René Tabard, qui
dit : « ... le baptême d'un adulte ne fait pas disparaitre
dans l'eau bénite toute la culture qui le constitue dans son être
d'Homme et d'Africain » (René Tabard, 2010 : 192).
Nous retenons de cet extrait que l'africain reste fortement attaché aux
méthodes africaines, malgré la prépondérance du
Christianisme. Xavier est un exemple adéquat parce que c'est lui qui
prend l'initiative, malgré les contraintes de son épouse, de
résoudre aux méthodes traditionnelles africaines. Su Fo
Ngang est aussi un exemple palpable parce que nous constatons qu'il a chez lui
« une grosse image de Jésus...un prie-Dieu et une sorte de
sanctuaire avec une statue de la Vierge Marie » (P.153), donc il
est chrétien catholique, mais en même temps il emprunte la voie la
plus traditionnellement possible pour délivrer les Mbahs de l'enfant
serpent. Ces deux religions fonctionnent dans le texte quand Victoire cherche
à concevoir, et quand le couple doit se protéger de leur enfant.
Au début du roman quand le couple Mbah tente par tous
les moyens d'avoir un enfant, nous apprenons qu'ils ont, au préalable,
consultés de nombreux guérisseurs, qui fussent tous d'aucune
aide : « Elle avait consulté les guérisseurs
traditionnels un peu partout [...] elle multipliait les veillées de
prières et les retraites spirituelles » (P.31-32). Plus tard,
ils vont encore à la rencontre d'un autre, et là, Victoire
s'aventure à rencontrer les « serpents fertiles » en
suivant à la lettre les instructions de Môt. Sauf qu'après
avoir rencontré ces « serpents », elle va vers Dieu,
lui demander un miracle de sa part : « Seigneur
Jésus...me voici à genoux devant toi... Donne-moi mon
miracle... » (P.54). Nous voyons là que l'auteur
s'inspire de ce qui se produit réellement dans la société,
car nombreuses sont ces personnes qui s'aventurent à magner Dieu et
surnaturel pour avoir un enfant.
La naissance de Pamphile vient avec beaucoup de complications.
Il a d'énormes déficiences. Pour tenter donc de le sauver des
griffes de cette maladie inconnue, ses parents n'hésitent pas à
consulter des voyants (le vieillard d'Olembé, sa soeur Mevom, et le
guérisseur de Bameka) : « Il ne peut pas entrer
ici... J'ai vu quel genre d'enfant il est » (P.89). Après
avoir consulté ces gens, Victoire
dit : « Pourquoi m'as-tu abandonnée,
Seigneur ? Pourquoi m'as-tu abandonnée ? »
(P.100). On voit là une sorte de cause à effet parce que quand
elle se fie à ces guérisseurs et qu'ils échouent, elle
s'en va vers Dieu pour savoir pourquoi est-ce que ces gens-là n'ont pas
réussi. Ce phénomène est typique même dans la vie en
société parce que, de plus en plus, on a tendance à
questionner Dieu quand ce que nous entreprenons de nous-mêmes n'aboutit
pas en notre faveur.
Pour protéger le couple des griffes de l'enfant
serpent, l'époux est conseillé par un inconnu de se
débarrasser de l'enfant d'une certaine manière : poser
l'enfant dans une forêt et courir les jambes à son cou sans se
retourner. Dans cette scène, nous voyons Xavier prier Dieu de le sauver
lui et son enfant, lui qui était sceptique :
« Seigneur, soupira-t-il, aide-moi, sauve cet enfant, Seigneur,
sauve mon enfant » (P.117). Ceci nous montre que dans la vie,
malgré le fait que nous nous obstinons à aller à
l'encontre des voies de Dieu, nous finissons tôt ou tard, à
reconnaitre que lui seul peut nous sortir de gouffre dans lequel nous sommes
entrés, comme le fait Xavier, après s'être engagé
dans un couloir sombre sous instructions d'un inconnu.
Dans la scène où Su Fo Ngang s'apprête
à dévoiler le totem de Pamphile, on voit Victoire égrainer
son chapelet en s'approchant du cimetière. Elle le fait
peut-être avec l'intention de se protéger de tout ce qui pourrait
se produire une fois arrivé. Ce geste deVictoire pourrait aussi
être traduit comme un désengagement de ce qui pourrait se produire
dans le cimetière.
La purification qu'effectue Victoire dans le lac est la suite
du traitement commandité par Su Fo Ngang. Il nous est dit dans le texte
qu'avant d'accéder à cette eau purificatrice, il y a une
formalité à remplir : « saluer les gardiens
des lieux qui attendent dans une vieille case en toit de
paille » (P.170). Une fois dans l'eau, nous voyons Victoire
prier l'eau, le soleil, et Dieu, tout en immergeant l'enfant dans l'eau du lac.
Cette action est un mélange fulgurant de Dieu et dieux dans le sens
où elle termine une séance d'augure mystique, et s'avance une
fois de plus vers Dieu, demandant à ce dernier de prendre pitié
d'elle, et de libérer l'enfant. L'on croirait que ce mélange de
Dieu et des dieux est une sorte de moquerie envers soi, mais surtout envers
Dieu, parce qu'il dit dans sa parole qu'il est le seul et l'unique, et qu'il
n'y a pas deux comme lui.
Terminant cette sous-section, nous dirons que l'amalgame du
christianisme et du mysticisme dans ce roman entretien une relation de cause
à effet. Ce qui veut dire que les personnages, quand ils s'engagent sur
la voie du mysticisme et que celle-ci ne produit pas le résultat
espéré, reviennent vers Dieu, comme pour lui demander pourquoi
cette voie d'à côté ne fonctionne pas.
III.3- Exposer les réalités mystiques
L'univers mystique, comme nous l'avons dit tantôt,
relève de tout ce qui est caché. C'est un monde parallèle
qui est très présent en contexte africain. La plupart du temps,
on entend juste parler du mysticisme, sans toutefois savoir comment celle-ci se
manifeste. Ce roman montrecomment se manifeste réellement le
mysticisme. Cette étude se fera sous quatre thèmes : le
lavage, le blindage, le chant et la danse.
III.3.1- Le rite de lavage
Ce rite a pour mission principale de purifier, et la
purification « a pour fonction première d'éloigner le
mauvais sort et de redorer notre blason d'or aux yeux des esprits
protecteurs »13(*). Les motifs pour lesquels des rites de purification
sont effectués sont pour la chance, le désenvoutement et la
guérison entre autres. Dans notre cas, le rite de lavage est fait dans
le but de guérir de la stérilité. Pour traiter Victoire
donc, et la rendre féconde, le guérisseur lui fait effectuer des
rites de « lavage » en pleine nuit :
Au coeur de la nuit... Môt remit une petite jarre
remplie d'un produit visqueux et gluant à Victoire. Il lui remit aussi
cinq oeufs de cane et un chasse-mouches. - Tu vas te laver avec ce
produit en cassant les oeufs sur ta tête l'un après l'autre [...]
Mélangé aux oeufs qu'elle cassait, le produit avec lequel elle se
lavait exhalait une odeur nauséabonde. Lorsqu'elle eut fini, Môt
jeta le bout de pagne dans les ruisseaux... la consigne
« stricte » voulait qu'elle marche nue jusqu'à la
maison et qu'ils « jouent cette nuit-là le match de leur
vie » (P.53-54)
Nous assistons là à un rite de purification, qui
s'opère la nuit, loin des regards indiscrets et qui relève du
mystique, parce qu'il est anormal de se baigner dans une rivière en
pleine nuit.
III.3.2- Le blindage
Le blindage est le fait de se protéger par des moyens
contre le mauvais sort14(*). Les méthodes de blindage sont diverses. Dans
Un enfant à tout prix, le blindage se fait avec des colliers,
des boissons, et des oignements.
Dans la scène du cimetière, nous lisons :
« Autour de son cou, attaché à une cordelette
bleue, pendait une amulette d'argent en forme de coquille d'escargot...il leur
avait demandé de s'oindre les mains et les pieds avec un produit noir et
gluant extrait d'une petite boite [...] » (P.156). Nous voyons
là que le guérisseur avant d'entamer le processus de
révélation prend soin de se protéger avec une amulette
surement destiné pour cette occasion, et incite les autres à
s'oindre avec le produit noir et gluant. Le fait déjà de chercher
des moyens de protection signifie que les choses ne sont pas claires, et que
l'action qu'ils s'apprêtent à entreprendre a une portée
mystique. L'heure aussi et le lieu font douter de la nature de leur
mission ; ils s'avancent vers le cimetière, dans une nuit de pleine
lune.
III.3.3- Les chansons
Les chansons sont des textes accompagnés de
mélodies qui plaisent à l'oreille. Le chant est cet
élément qui connecte en profondeur, l'homme et l'Haut
delà. Les chants peuvent avoir diverses significations en fonction du
contexte. Ils signifier la jubilation ou la tristesse. Dans le roman, nous
lisons :« Sous la pleine lune, au milieu des tombes...il
enchaînait avec un chant d'une très grande
tristesse » :
Si tu es serpent, serpent, serpent, viens, nous voulons te
libérer.
Si tu es vampire, vampire, viens, nous allons te
libérer.
Oh ! oh ! oh !
...
Sors de ta cachette, viens sous la lune de cette nuit.
...
Qui es-tu donc ?
Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?
...
Viens donc, viens mon ami, viens voir qui est
là.
(P.158)
Il fait ceci dans le but de cajoler le double animal de
Pamphile, et de le faire sortir de sa cachette. Cette chanson, il la chante au
rythme du tambourin qu'il battait de plus en plus fort, en pleurant, comme pour
réveiller se double animal si jamais il s'était endormi. Les
larmes que versent le guérisseur et les autres font croire que la
chanson a une tonalité pathétique.
III.3.4- La danse
Une danse se fait le plus souvent sur une chanson. Il existe
plusieurs types de danses, dont la danse mystique. Cette danse mystique est
réalisée par Su Fo, pendant qu'il chantait sur son
tambourin : « Su Fo se mit à pleurer en battant le
tambourin et en exécutant une danse mystique. Un petit cercle de deuil
se forma autour de lui. Toute la famille pleurait ».
Les éléments ci-dessus présentés
montrent que l'auteur se soucie de faire connaitre comment se présente
le mysticisme, qui le plus souvent, reste inconnu.
A la fin de ce chapitre, on retiendra que la religion fait
partie de la vie de l'homme en générale, et de l'africain en
particulier. Nous voyons dans ce chapitre que le couple Mbah, malgré sa
christianité, combine à leur foi chrétienne,
l'espérance aux voies magico-religieuses. Etre chrétien africain
ne veut certainement pas dire qu'il nous faut oublier qu'avant
l'avènement du christianisme, ces pratiques mises sur le compte du mal,
étaient notre manière de vivre. Nous serons de ce fait d'accord
avec Pacere F. Ttinga, qui dit : « Si la branche veut
fleurir, qu'elle honore ses racines »15(*), qui veut dire que l'homme
africain ne doit pas abandonner sa culture à lui, au profit de celle
d'un autre.
CONCLUSION GÉNÉRALE
Ce mémoire avait pour titre « Le mysticisme
dans Un enfant à tout prix ». Nous nous sommes rendu
compte que le mysticisme est un phénomène assez rependu en
Afrique noire, et qu'ils étaient nombreux ces auteurs-là qui se
sont engagés à étayer des faits d'augures mystiques dans
leurs textes littéraires. Nous nous sommes proposées
d'étudier dans Un enfant à tout prixles
différentes facettes du monde mystique, et d'émettre des
hypothèses sur ce que pensait l'auteur de ce monde-là dans la
rédaction de son roman.
Le premier chapitre de notre travail portait sur les
généralités. Dans ce chapitre, nous avons
présenté le mysticisme en Afrique au travers de la
littérature, car le texte littéraire reproduit juste ce qui se
passe en société. Dans ce parcours du mysticisme en Afrique, nous
avons évoqué quelques thèmes développés par
des auteurs africains dans leurs oeuvres. Nous avons après
analysé le rôle que joue le surnatureldans la littérature
africaine, sur les plans social et politique.
Dans notre deuxième chapitre, nous avons
étudié les motivations des personnages à emprunter les
voies mystiques, où nous avons vu que le regard des autres sur sa
situation est un facteur crucial. Les manifestations de ce mysticisme
étaient l'une de nos préoccupations dans cette partie du travail.
Là, nous y avons explicité comment le mystique s'opère
dans le roman. Autre centre d'intérêt dans ce chapitre
était les effets du mysticisme sur les personnages.
Le troisième et dernier chapitre de notre travail a
traité de la signification du mysticisme dans l'oeuvre.Là, nous
avons vu entre autres, l'amalgame du christianisme et du mysticisme.
Arrivée au terme de cette analyse, nous remarquons que le mysticisme est
ancré dans la société africaine, et qu'il est difficile de
s'en défaire radicalement. Une question se pose à la fin de cette
étude : le mysticisme peut-il participer au développement
de l'Afrique au vu de sa prépondérance sur le continent ?
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Corpus
- Soh, Charles, Un enfant à tout prix, Paris,
L'Harmattan, 2011.
Ouvrages et Articles
a) Articles
- Abossolo, Pierre Martial, « Du conflit des formes
dans le roman moderne camerounais : une lecture ethno-structurale de
Le sorcier signe et persiste de Camille Nkoa Atenga et L'A-fric
de Jacques Fame Ndongo » in Nnomo, Marcelline et al, Rupture
et transversalité de la littérature camerounaise,
Yaoundé, Éditions CLE, 2010.
- Abossolo, Pierre Martial, « Écriture du
surnaturel et contexte : du fantastique occidental au réalisme
magico-religieux africain » in Revue internationale des arts,
lettres et sciences sociales (RIALSS) volume 1, n°4, Yaoundé,
Les grandes éditions, 2011.
- Assouman, Bamba, « L'Afrique entre Dieu et
dieux : le mouvement pendulaire de la foi » in Identity,
Culture and Politics: an Afro-Asian Dialogue,volume 12,
n°2, Université de Bouaké, Côte
d'Ivoire, p.67-82, 2011.
- Cimpric, Aleksandra, Les enfants accusés de
sorcellerie. Étude anthropologique des pratiques contemporaines
relatives aux enfants en Afrique, UNICEF Bureau Afrique de l'ouest et du
centre (BRAOC), Dakar, 2010.
- Journet, Nicolas, « L'animisme est-il une
religion ? » in Les Grands dossiers des sciences
humaines, 2006.
- Leendhart, Henry, « Essai sur la notion du
surnaturel » in Revue d'Histoire de philosophie religieuse,
p.212-244, 1932.
- Tabard, René, « Religions et cultures
traditionnelles africaines : Un défi à la formation
théologique » in Revue des sciences religieuse 84 n°
2, p.191-205, 2010.
- Lucien, Lévy-Bruhl, Le surnaturel et la nature
dans la mentalité primitive, 1931.
b) Romans
- Koulibaly, Isaïe, La Bête noire,
Abidjan, Éditions Frat Mat, 2008.
- Mutt-Lon, Ceux qui sortent dans la nuit,
Éditions Grasset et Fasquelle, 2013.
- Ntsame, Sylvie, Malédiction, Paris,
L'Harmattan, 2005.
- Tiako, Christian, Afoh Ahkom, Yaoundé,
Éditions Ifrikiya, 2014.
-Yanou, Etienne, L'homme-dieu de Bisso,
Éditions CLE, 1984.
c) Ouvrages critiques
- Agoussou, Médèwalé-Jacob,
Christianisme africain. Une fraternité au-delà de
l'ethnie, Paris, Éditions Karthala, 1987.
- Dammann, Ernest, Les Religions de l'Afrique, Paris,
Éditions Payot, 1978.
- Holas, B., Les dieux d'Afrique noire, Paris,
Librairie Orientaliste Paul Geuthner S.A., 1968.
- A.A. Mazrui et C. Wondji, Histoire générale de
l'Afrique tome 8 : L'Afrique depuis 1935, Édicef, 1998.
Webographie
- « Afrique et superstition », extrait de
« Univers Énergie Phosphénique » en ligne
www.phosphenisme.com/afrique-et-superstition/
- « Attirance et protection »,
https://m.facebook.com/Attiranceetprotection/
- Joseph Preira, « Le récit mystique dans le roman
africain francophone », Revue Akofena en ligne
https://www.jstor.org/stable/25836486 p.489-502, 2020.
- Judith Crews,« Le symbolisme de la forêt et
des arbres dans le folklore », http://www.fao.org
- Maennlein, Emmanuel, « L'intérêt pour
l'occultisme et ses conséquences » in Les Cahiers de
l'École pastorale, https://www.croirepublications.com, 2012.
- Adrien Choeur,« Le symbolisme de la
forêt », https://www-jepense-org
Thèses et mémoires
- Miconi, Jada, Orchestrer le Réel et le Surnaturel
: Dissonances passagères et constitutives dans le roman africain
contemporain, Thèse de Doctorat, Université de Milan
2013.
- Coakley, Laura, Impact de la sorcellerie en Afrique
francophone subsaharienne : des femmes agissantes dans les nouvelles de Florent
Couao-Zotti et d'Éveline Mankou, Mémoire de Master,
Université de Waterloo 2015.
- Mewa Taptue Saurelle, Étude du mystique dans la
littérature africaine : cas de Mistirijo, la mangeuse
d'âmes de Djaili Ahmadou Amal, Mémoire de
licence, Université de Buea, 2019.
- Wanko Nono Prudence, Le problème de la religion
dans le roman camerounais : les cas de Le Pauvre Christ de
Bomba et de White man of God, Mémoire de
licence, Université de Buea, 2000.
Dictionnaires
- Le Petit Robert, 2013.
- Dictionnaire Larousse
* 1Pensées sur divers
sujets
* 2Amadou Hampâté
BÂ, Aspects de la civilisation africaine : personne, culture,
religion, africaine, cit. P. 113
* 3 H.AGUESSY, La religion
africaine comme valeur de culture et de civilisation, Colloque
international de Kinshasa, Religions africaines et christianisme, Janvier
1978.
* 4 L'Etre et le Néant,
1943
* 5Emma R., article en ligne
www.cosmopolitan.fr
* 6
https://www.un.org/africarenewal/fr/
* 7 https://www.fao.org/
* 8 Femmes qui courent avec les
loups, 1992
* 9 Adrien Choeur,
https://www-jepense-org
* 10
templierindien.centerblog.net
* 11 Propos recueillis par
Nicolas Journet, Grands Dossiers n°5- Décembre 2006 - janvier -
février 2007
* 12 Dictionnaire tv5monde, en
ligne :
https://langue-francaise.tv5monde.com/decouvrir/dictionnaire/c/christianisme
* 13« Le "lavage" ou
"bain de purification" », en ligne www.visionchannelafrica.com
* 14 Dictionnaire des
francophones
* 15Pensées
africaines : Proverbes, dictons et sagesse des anciens, l'Harmattan
2004, P.9
|