Annexe 10 : Synthèse d'entretien - Guillaume
Martin
Guillaume est membre actif d'Avenir Climatique depuis 6 ans.
Il a 27 ans, un bac S et une formation d'ingé-nieur, et travaille dans
le cabinet de conseil B&L Evolution, pour accompagner entreprises et
territoires dans l'intégration des enjeux énergie/climat. Le but
de cet entretien était de comprendre la vision qu'il avait des facteurs
clés d'engagement d'Avenir Climatique. Ce document synthétise les
points les plus importants et utiles qui sont ressortis de cet entretien
vis-à-vis de mon objet d'étude.
Estimation de l'impact d'Avenir Climatique
Il n'y a aucune étude ou indicateur pour essayer de
quantifier la force d'impact d'Avenir Climatique. Guillaume donne les
estimations suivantes :
- Sphère d'influence : entre 10 000 et 100 000
personnes (ayant été un jour touché par une action d'AC) -
Sphère de contributeurs : entre 100 et 1000 personnes (ayant
aidé, contribué ou porté un projet d'AC) - Sphères
de membres actifs : entre 10 et 100 personnes (actives dans les projets de
l'asso)
Très difficile à estimer car de nombreuses
personnes utilisent les outils d'AC sans qu'on le sache.
Une stratégie pour engager des personnes au
sein d'Avenir Climatique
Il y a 3-4 ans, l'association a failli s'arrêter faute
de membres, de moyens et d'énergie. Mais des membres se sont
réunis et ont réfléchi à des façons d'aller
au-delà de la sensibilisation en engageant des personnes. C'est de
là que sont partis les projets de l'UEDAC et de l'ACademy, devenus deux
projets phares de l'association, et les deux projets qui permettent d'engager
des membres et d'augmenter les forces vives de l'association.
Il y a plusieurs exemples de stratégies qui ont
été pensées dans le but de « séduire » et
d'engager des personnes. Par exemple, une grande importance est accordée
aux repas de l'UEDAC et de l'ACademy. Il faut qu'elle soit à la fois en
accord avec les valeurs de l'association (végétarien, bio, local)
pour montrer l'exemple, mais aussi de qualité gustativement, pour
associer cela à quelque chose de positif et le rendre désirable.
Guillaume parle même de manipulation dans cette stratégie
d'engagement, qui pour lui n'est pas un mot négatif. Il s'agit
d'orienter des comportements, des conduites dans le sens qu'on désire et
sans que la personne s'en rende compte, ce qui nous arrive tout le temps au
quotidien, ce qui peut expliquer que le mot soit connoté
négativement. Mais on peut manipuler à des fins utiles et
positives.
La connaissance et l'expertise technique de
l'association
Pour Guillaume, l'objectif clé de l'association est de
donner les clés de compréhension des enjeux
énergie-climat. L'association a été créée
par un groupe d'ingénieur, et a en son coeur la rigueur technique et
scientifique des messages et informations qu'elle porte et transmet.
La compréhension des enjeux énergie-climat est
donc centrale. Le fait de s'axer plus sur le constat que sur les solutions est
volontaire : l'objectif est d'outiller les personnes pour qu'elles soient
à même de prendre elles-
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mêmes leurs décisions. « Dans la Big Conf,
on ne dit pas ce qu'il faut faire, mais on donne les clés pour que les
personnes comprennent la situation et arrivent aux bonnes conclusions d'action
tous seuls. Autre exemple : pour le bilan carbone, on ne dit pas ce qu'il faut
faire, mais la personne regarde sa situation, où elle en est, et
identifie elle-même les actions qui lui correspondent par rapport
à la marge de manoeuvre qu'elle veut lui donner. »
Convivialité et épanouissement au coeur
de l'association
L'épanouissement de chacun est aussi essentiel. En
effet, un message porté par des personnes épanouies a plus de
résonnance et d'impact. Surtout, le fait que les gens puissent
s'épanouir et s'en rendent compte favorise leur engagement. « En
termes d'identité, Avenir Climatique est vraiment une bande de potes.
Les personnes prennent généralement beaucoup de temps de
façon bénévole. C'est lié certes au message
important qu'ils veulent passer, à la cause noble portée, mais
s'ils le font c'est aussi parce qu'ils se sentent bien avec le reste des
membres. Entre nous, on parle souvent de « communauté » ou de
« famille » en parlant d'AC. La bière ou le verre de la
soirée est aussi dans l'ADN de l'asso : après chaque
événement AC (causerie, ACademy...), les membres vont prendre
ensemble un verre. L'UEDAC aussi est un peu marketée. »
L'exemplarité
Ça relève de chaque individu dans l'association
de véhiculer une certaine exemplarité, de montrer aux personnes
que c'est possible.
Laisser liberté et autonomie aux
personnes
Guillaume voit AC comme « un véhicule qui peut
permettre aux gens de faire des choses autour de l'énergie et du climat
». « La seule chose dont on doit être garant est la justesse du
discours d'un point de vue technique et scientifique, mais il est essentiel que
les personnes se sentent libres de porter des projets de la façon
qu'elles le souhaitent. C'est par exemple pour cela que la conclusion de TBC
reste vague : pour laisser aux personnes la possibilité de la faire
comme ils le souhaitent, de se l'approprier. C'est important que les gens
adaptent même le contenu de la conférence pour se sentir à
l'aise avec. Mettre plus ou moins d'émotions, parler de telle ou telle
chose, parler de soi personnellement, être plutôt pessimiste ou
plutôt optimiste... Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise façon de
la faire, mais une bonne façon de la faire par rapport à toi, par
rapport à ta personnalité, par rapport aussi au moment où
tu en es dans ta vie... ».
Modèle d'organisation horizontal
« Avenir Climatique n'a pas d'organigramme, pas de
bureau, pas de hiérarchie, pas de chef. Il y a des personnes qui sortent
du lot pour gérer les choses, certaines font partie du CADAC.
L'organisation se veut la plus horizontale possible, à la fois pour que
l'association ne repose pas sur 1 ou 2 personnes, mais aussi et surtout pour
que chacun se sente libre et légitime de faire des choses, sans avoir
à rendre de comptes. »
« Il y a des limites à cette organisation, ce
n'est pas facile à mettre en place. On est dans une
société tellement habituée à des rôles
définis, des responsabilités et de la hiérarchie, que
quand on essaie de construire quelque chose d'horizontal et où les
responsabilités sont éclatées, il y a des
difficultés. Ce n'est pas dans notre ADN, c'est un apprentissage qu'il
faut faire. C'est parfois flou sur les responsabilités, ça peut
créer un peu de mal-être pour certaines personnes. »
Guillaume donne un exemple qui l'a marqué. A l'UEDAC il y a un atelier
« présenter AC », et aucun organisateur ne voulait l'animer,
alors qu'ils étaient dans l'association depuis 3-4 ans ; certains ne se
sentaient pas légitimes. C'est aussi quelque chose de personnel,
certaines personnes ne se sentent pas à l'aise avec ce genre d'exercice,
ont besoin d'être préparées. C'est pour cela que
l'association essaie de faire des fiches d'animation, pour que tout le monde
s'y retrouve. Mais il manque encore de la formalisation.
Une place croissante mais encore faible laissée
aux émotions
« Historiquement, AC est une association
d'ingénieurs un peu « froids et renfermés ». Ça
a beaucoup changé dernièrement, avec des personnes qui ont
amené de l'émotion, de la culture, des éléments un
peu moins « rationnels » dans l'asso et dans les projets. »
116
Guillaume explique qu'un de ses ateliers
préférés à l'ACademy est celui des «
sensibilisateurs anonymes », où les participants échangent
sur leurs difficultés à convaincre, à vivre leur
engagement. « C'est en fait un atelier qui a été
complètement improvisé il y a deux ans ; il y avait beaucoup de
discussions, les gens étaient très émotionnels, on a
ressenti le besoin de faire ça. Et depuis, c'est resté !
»
Selon lui, l'approche des émotions et l'approche plus
technique et rationnelle ne touchent pas les mêmes personnes, elles sont
complémentaires et non opposables.
Mais de façon générale, dans les projets
de l'association, il y a peu de choses qui s'éloignent du rationnel.
Pour Guillaume, le côté rationnel et technique doit rester le
coeur de l'asso ; il ne faudrait pas perdre l'expertise et la capacité
technique d'AC qui fait son identité.
Ouverture d'esprit
« Je ne pense pas qu'on soit assez ouverts d'esprit
à AC. Sous couvert de bienveillance, il y a des moments où ce
n'est pas le cas. » Guillaume se rappelle un moment marquant du WE3 pour
illustrer ses propos. Lors de l'atelier des sensibilisateurs anonyme, où
chacun pouvait exprimer ses difficultés au quotidien, une personne
parlait de sa difficulté à cuisiner elle-même par manque de
temps. Elle a alors évoqué l'idée de faire payer quelqu'un
pour faire ses courses ou sa cuisine. « Elle s'est pris un mur dans la
gueule, avec beaucoup de pression sociale, des gens presque agressifs sans s'en
rendre compte. Donc j'ai l'impression qu'on n'est parfois pas si ouverts que
ça ».
« Il y a aussi des personnes qui m'ont déjà
fait remonter des choses. Notamment des gens qui ne viennent pas du même
milieu social ou culturel, et qui ont du mal à s'intégrer au sein
d'AC, et qui d'ailleurs ne se sont pas intégrés au sein d'AC. Par
exemple, au WE1, il est arrivé que des personnes soient venues voir les
organisateurs pour savoir s'ils pouvaient aller acheter un sandwich car ils
avaient envie de viande. Et ces personnes ne sont pas revenues au week-end
suivant. On a toujours des pertes de charge. »
« L'association se veut apartisane, mais les individus
sont ancrés politiquement d'un certain côté du
débat, ce qui peut bloquer des personnes. Il faut que des gens incarnent
cette ouverture d'esprit dans la parole. De la même façon qu'il y
a des gens de l'association qui incarnent le féminisme. Il y a eu aussi
un moment où des personnes se sont posé des questions sur tout ce
qui est distribution de la parole, comment incarner ça. Car ce n'est pas
parce qu'on a appris 3 gestes qu'on sait faire de la communication non
violente. Il faut former des gens, aller chercher des expertises, s'inspirer
d'autres organisations... »
« On fait au mieux, mais il ne faut pas se gargariser de
ça car c'est loin d'être le cas. Nous ne sommes pas exemplaires,
et il y a des effets culturels qu'on ne maîtrise pas. Dans la plupart des
cas il n'y a pas de problème, mais cela peut arriver, et c'est important
de garder un regard critique ».
Biais de représentation
Guillaume parle aussi d'un biais de représentation
très important lié aux catégories socio-professionnelles
des membres.
Par exemple, le carbone à ras ne peut pas être
animé dans un milieu social difficile. Il y a des vignettes avec
350€ de matériel informatique, avec des voyages en avion... Ce qui
est loin de la réalité de beaucoup de personnes. « On a
quand même ancré tous nos outils pour un certain milieu, ce qui
n'est pas une mauvaise chose en soi, mais il faut en avoir conscience et ne pas
se sentir universel ».
Le coeur de cible d'AC reste les étudiants du
supérieur qui sont entre les études et la vie professionnelle.
Pour Guillaume, si AC veut toucher d'autres publics, il faudra qu'elle le fasse
avec d'autres organisations.
Il explique que c'est tout de même bien de tester des
choses avec AC, mais il le voit plus comme une façon d'augmenter
l'apprentissage des membres : en se confrontant à des publics
différents, ils peuvent aussi évoluer et s'enrichir. Mais pour
lui, ce n'est pas AC qui maximisera l'impact sur des catégories sociales
inférieures. « Ce n'est pas dans notre identité, et c'est
tout un métier. Il faudrait le faire avec d'autres assos qui ont cette
expertise et ce savoir-faire. Travailler avec d'autres assos pour adapter nos
outils, avec leur expertise, oui. Mais transformer AC, non. » Chacun peut
aussi, au sein de l'asso, adapter les outils en fonction du public, ce qui est
déjà fait.
117
Un impact surtout pour les membres
« Dans tout projet associatif, on est convaincu d'avoir
un réel impact, c'est ça qui fait avancer. Quand on fait une Big
Conf, on est souvent convaincu d'avoir un vrai impact sur les personnes
extérieures. Or le vrai impact, c'est surtout sur ceux qui font la conf.
L'impact des projets est finalement faible, mais l'impact sur les individus qui
les portent est considérable. Pendant toute leur vie ils auront ce
marquage. »
Retour au mémoire Questionnaire
Annexe 11 : Méthodologie de la répartition des
groupes Retour au mémoire
Question
|
Possibilités de
ré- ponses
|
Groupe 1
|
Groupe 2
|
Groupe 3
|
Quel est selon toi le degré de gravité des crises
so- cio-écologiques ?
|
1 à 10
|
En dessous de 6
|
7 et 8
|
9 et 10
|
Que penses-tu du déve- loppement durable ?
|
Réponse libre
|
Avis négatif
|
Avis très positif
|
Avis positif sur le principe, critique dans la
réalité
|
Penses-tu avoir personnellement un rôle à jouer pour
faire face aux crises socio-écologiques ?
|
Réponse libre
|
Non
|
Oui mais mi- nime
|
Oui
|
Moyenne niveau de prise de conscience
|
Note de 1 à 3
|
Pour chaque type d'enga- gement, indique à quel
degré tu penses te situer
|
Pas engagé / peu en- gagé / engagé /
très en- gagé / engagé à fond
|
Pas engagé
|
Peu engagé
|
Très engagé et engagé à fond
|
Engagement profession- nel
|
idem
|
Pas engagé
|
Peu engagé
|
Très engagé et engagé à fond
|
Engagement associatif
|
idem
|
Pas engagé
|
Peu engagé
|
Très engagé et engagé à fond
|
Engagement militant
|
idem
|
Pas engagé
|
Peu engagé
|
Très engagé et engagé à fond
|
Moyenne niveau d'enga-gement
|
Note de 1 à 3
|
TOTAL
|
Moyenne niveau de prise de conscience +
en- gagement
|
2 personnes
|
80 personnes
|
105 personnes
|
Annexe 12 : Profil des répondants Retour au
mémoire
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119
Retour au mémoire
|