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Compréhension du processus d'engagement écologique - l'importance du collectif, des connaissances et des émotions pour une transformation intérieure et extérieure de nos représentations


par Laurie Benisti
Institut Catholique de Paris - Politiques environnementales et management du développement durable 2018
  

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Annexe 10 : Synthèse d'entretien - Guillaume Martin

Guillaume est membre actif d'Avenir Climatique depuis 6 ans. Il a 27 ans, un bac S et une formation d'ingé-nieur, et travaille dans le cabinet de conseil B&L Evolution, pour accompagner entreprises et territoires dans l'intégration des enjeux énergie/climat. Le but de cet entretien était de comprendre la vision qu'il avait des facteurs clés d'engagement d'Avenir Climatique. Ce document synthétise les points les plus importants et utiles qui sont ressortis de cet entretien vis-à-vis de mon objet d'étude.

Estimation de l'impact d'Avenir Climatique

Il n'y a aucune étude ou indicateur pour essayer de quantifier la force d'impact d'Avenir Climatique. Guillaume donne les estimations suivantes :

- Sphère d'influence : entre 10 000 et 100 000 personnes (ayant été un jour touché par une action d'AC) - Sphère de contributeurs : entre 100 et 1000 personnes (ayant aidé, contribué ou porté un projet d'AC) - Sphères de membres actifs : entre 10 et 100 personnes (actives dans les projets de l'asso)

Très difficile à estimer car de nombreuses personnes utilisent les outils d'AC sans qu'on le sache.

Une stratégie pour engager des personnes au sein d'Avenir Climatique

Il y a 3-4 ans, l'association a failli s'arrêter faute de membres, de moyens et d'énergie. Mais des membres se sont réunis et ont réfléchi à des façons d'aller au-delà de la sensibilisation en engageant des personnes. C'est de là que sont partis les projets de l'UEDAC et de l'ACademy, devenus deux projets phares de l'association, et les deux projets qui permettent d'engager des membres et d'augmenter les forces vives de l'association.

Il y a plusieurs exemples de stratégies qui ont été pensées dans le but de « séduire » et d'engager des personnes. Par exemple, une grande importance est accordée aux repas de l'UEDAC et de l'ACademy. Il faut qu'elle soit à la fois en accord avec les valeurs de l'association (végétarien, bio, local) pour montrer l'exemple, mais aussi de qualité gustativement, pour associer cela à quelque chose de positif et le rendre désirable. Guillaume parle même de manipulation dans cette stratégie d'engagement, qui pour lui n'est pas un mot négatif. Il s'agit d'orienter des comportements, des conduites dans le sens qu'on désire et sans que la personne s'en rende compte, ce qui nous arrive tout le temps au quotidien, ce qui peut expliquer que le mot soit connoté négativement. Mais on peut manipuler à des fins utiles et positives.

La connaissance et l'expertise technique de l'association

Pour Guillaume, l'objectif clé de l'association est de donner les clés de compréhension des enjeux énergie-climat. L'association a été créée par un groupe d'ingénieur, et a en son coeur la rigueur technique et scientifique des messages et informations qu'elle porte et transmet.

La compréhension des enjeux énergie-climat est donc centrale. Le fait de s'axer plus sur le constat que sur les solutions est volontaire : l'objectif est d'outiller les personnes pour qu'elles soient à même de prendre elles-

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mêmes leurs décisions. « Dans la Big Conf, on ne dit pas ce qu'il faut faire, mais on donne les clés pour que les personnes comprennent la situation et arrivent aux bonnes conclusions d'action tous seuls. Autre exemple : pour le bilan carbone, on ne dit pas ce qu'il faut faire, mais la personne regarde sa situation, où elle en est, et identifie elle-même les actions qui lui correspondent par rapport à la marge de manoeuvre qu'elle veut lui donner. »

Convivialité et épanouissement au coeur de l'association

L'épanouissement de chacun est aussi essentiel. En effet, un message porté par des personnes épanouies a plus de résonnance et d'impact. Surtout, le fait que les gens puissent s'épanouir et s'en rendent compte favorise leur engagement. « En termes d'identité, Avenir Climatique est vraiment une bande de potes. Les personnes prennent généralement beaucoup de temps de façon bénévole. C'est lié certes au message important qu'ils veulent passer, à la cause noble portée, mais s'ils le font c'est aussi parce qu'ils se sentent bien avec le reste des membres. Entre nous, on parle souvent de « communauté » ou de « famille » en parlant d'AC. La bière ou le verre de la soirée est aussi dans l'ADN de l'asso : après chaque événement AC (causerie, ACademy...), les membres vont prendre ensemble un verre. L'UEDAC aussi est un peu marketée. »

L'exemplarité

Ça relève de chaque individu dans l'association de véhiculer une certaine exemplarité, de montrer aux personnes que c'est possible.

Laisser liberté et autonomie aux personnes

Guillaume voit AC comme « un véhicule qui peut permettre aux gens de faire des choses autour de l'énergie et du climat ». « La seule chose dont on doit être garant est la justesse du discours d'un point de vue technique et scientifique, mais il est essentiel que les personnes se sentent libres de porter des projets de la façon qu'elles le souhaitent. C'est par exemple pour cela que la conclusion de TBC reste vague : pour laisser aux personnes la possibilité de la faire comme ils le souhaitent, de se l'approprier. C'est important que les gens adaptent même le contenu de la conférence pour se sentir à l'aise avec. Mettre plus ou moins d'émotions, parler de telle ou telle chose, parler de soi personnellement, être plutôt pessimiste ou plutôt optimiste... Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise façon de la faire, mais une bonne façon de la faire par rapport à toi, par rapport à ta personnalité, par rapport aussi au moment où tu en es dans ta vie... ».

Modèle d'organisation horizontal

« Avenir Climatique n'a pas d'organigramme, pas de bureau, pas de hiérarchie, pas de chef. Il y a des personnes qui sortent du lot pour gérer les choses, certaines font partie du CADAC. L'organisation se veut la plus horizontale possible, à la fois pour que l'association ne repose pas sur 1 ou 2 personnes, mais aussi et surtout pour que chacun se sente libre et légitime de faire des choses, sans avoir à rendre de comptes. »

« Il y a des limites à cette organisation, ce n'est pas facile à mettre en place. On est dans une société tellement habituée à des rôles définis, des responsabilités et de la hiérarchie, que quand on essaie de construire quelque chose d'horizontal et où les responsabilités sont éclatées, il y a des difficultés. Ce n'est pas dans notre ADN, c'est un apprentissage qu'il faut faire. C'est parfois flou sur les responsabilités, ça peut créer un peu de mal-être pour certaines personnes. » Guillaume donne un exemple qui l'a marqué. A l'UEDAC il y a un atelier « présenter AC », et aucun organisateur ne voulait l'animer, alors qu'ils étaient dans l'association depuis 3-4 ans ; certains ne se sentaient pas légitimes. C'est aussi quelque chose de personnel, certaines personnes ne se sentent pas à l'aise avec ce genre d'exercice, ont besoin d'être préparées. C'est pour cela que l'association essaie de faire des fiches d'animation, pour que tout le monde s'y retrouve. Mais il manque encore de la formalisation.

Une place croissante mais encore faible laissée aux émotions

« Historiquement, AC est une association d'ingénieurs un peu « froids et renfermés ». Ça a beaucoup changé dernièrement, avec des personnes qui ont amené de l'émotion, de la culture, des éléments un peu moins « rationnels » dans l'asso et dans les projets. »

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Guillaume explique qu'un de ses ateliers préférés à l'ACademy est celui des « sensibilisateurs anonymes », où les participants échangent sur leurs difficultés à convaincre, à vivre leur engagement. « C'est en fait un atelier qui a été complètement improvisé il y a deux ans ; il y avait beaucoup de discussions, les gens étaient très émotionnels, on a ressenti le besoin de faire ça. Et depuis, c'est resté ! »

Selon lui, l'approche des émotions et l'approche plus technique et rationnelle ne touchent pas les mêmes personnes, elles sont complémentaires et non opposables.

Mais de façon générale, dans les projets de l'association, il y a peu de choses qui s'éloignent du rationnel. Pour Guillaume, le côté rationnel et technique doit rester le coeur de l'asso ; il ne faudrait pas perdre l'expertise et la capacité technique d'AC qui fait son identité.

Ouverture d'esprit

« Je ne pense pas qu'on soit assez ouverts d'esprit à AC. Sous couvert de bienveillance, il y a des moments où ce n'est pas le cas. » Guillaume se rappelle un moment marquant du WE3 pour illustrer ses propos. Lors de l'atelier des sensibilisateurs anonyme, où chacun pouvait exprimer ses difficultés au quotidien, une personne parlait de sa difficulté à cuisiner elle-même par manque de temps. Elle a alors évoqué l'idée de faire payer quelqu'un pour faire ses courses ou sa cuisine. « Elle s'est pris un mur dans la gueule, avec beaucoup de pression sociale, des gens presque agressifs sans s'en rendre compte. Donc j'ai l'impression qu'on n'est parfois pas si ouverts que ça ».

« Il y a aussi des personnes qui m'ont déjà fait remonter des choses. Notamment des gens qui ne viennent pas du même milieu social ou culturel, et qui ont du mal à s'intégrer au sein d'AC, et qui d'ailleurs ne se sont pas intégrés au sein d'AC. Par exemple, au WE1, il est arrivé que des personnes soient venues voir les organisateurs pour savoir s'ils pouvaient aller acheter un sandwich car ils avaient envie de viande. Et ces personnes ne sont pas revenues au week-end suivant. On a toujours des pertes de charge. »

« L'association se veut apartisane, mais les individus sont ancrés politiquement d'un certain côté du débat, ce qui peut bloquer des personnes. Il faut que des gens incarnent cette ouverture d'esprit dans la parole. De la même façon qu'il y a des gens de l'association qui incarnent le féminisme. Il y a eu aussi un moment où des personnes se sont posé des questions sur tout ce qui est distribution de la parole, comment incarner ça. Car ce n'est pas parce qu'on a appris 3 gestes qu'on sait faire de la communication non violente. Il faut former des gens, aller chercher des expertises, s'inspirer d'autres organisations... »

« On fait au mieux, mais il ne faut pas se gargariser de ça car c'est loin d'être le cas. Nous ne sommes pas exemplaires, et il y a des effets culturels qu'on ne maîtrise pas. Dans la plupart des cas il n'y a pas de problème, mais cela peut arriver, et c'est important de garder un regard critique ».

Biais de représentation

Guillaume parle aussi d'un biais de représentation très important lié aux catégories socio-professionnelles des membres.

Par exemple, le carbone à ras ne peut pas être animé dans un milieu social difficile. Il y a des vignettes avec 350€ de matériel informatique, avec des voyages en avion... Ce qui est loin de la réalité de beaucoup de personnes. « On a quand même ancré tous nos outils pour un certain milieu, ce qui n'est pas une mauvaise chose en soi, mais il faut en avoir conscience et ne pas se sentir universel ».

Le coeur de cible d'AC reste les étudiants du supérieur qui sont entre les études et la vie professionnelle. Pour Guillaume, si AC veut toucher d'autres publics, il faudra qu'elle le fasse avec d'autres organisations.

Il explique que c'est tout de même bien de tester des choses avec AC, mais il le voit plus comme une façon d'augmenter l'apprentissage des membres : en se confrontant à des publics différents, ils peuvent aussi évoluer et s'enrichir. Mais pour lui, ce n'est pas AC qui maximisera l'impact sur des catégories sociales inférieures. « Ce n'est pas dans notre identité, et c'est tout un métier. Il faudrait le faire avec d'autres assos qui ont cette expertise et ce savoir-faire. Travailler avec d'autres assos pour adapter nos outils, avec leur expertise, oui. Mais transformer AC, non. » Chacun peut aussi, au sein de l'asso, adapter les outils en fonction du public, ce qui est déjà fait.

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Un impact surtout pour les membres

« Dans tout projet associatif, on est convaincu d'avoir un réel impact, c'est ça qui fait avancer. Quand on fait une Big Conf, on est souvent convaincu d'avoir un vrai impact sur les personnes extérieures. Or le vrai impact, c'est surtout sur ceux qui font la conf. L'impact des projets est finalement faible, mais l'impact sur les individus qui les portent est considérable. Pendant toute leur vie ils auront ce marquage. »

Retour au mémoire Questionnaire

Annexe 11 : Méthodologie de la répartition des groupes Retour au mémoire

Question

Possibilités de ré-
ponses

Groupe 1

Groupe 2

Groupe 3

Quel est selon toi le degré de gravité des crises so- cio-écologiques ?

1 à 10

En dessous
de 6

7 et 8

9 et 10

Que penses-tu du déve- loppement durable ?

Réponse libre

Avis négatif

Avis très positif

Avis positif sur le
principe, critique
dans la réalité

Penses-tu avoir personnellement un rôle à jouer pour faire face aux crises socio-écologiques ?

Réponse libre

Non

Oui mais mi-
nime

Oui

Moyenne niveau de prise de conscience

Note de 1 à 3

Pour chaque type d'enga- gement, indique à quel degré tu penses te situer

Pas engagé / peu en-
gagé / engagé / très en-
gagé / engagé à fond

Pas engagé

Peu engagé

Très engagé et
engagé à fond

Engagement profession- nel

idem

Pas engagé

Peu engagé

Très engagé et
engagé à fond

Engagement associatif

idem

Pas engagé

Peu engagé

Très engagé et
engagé à fond

Engagement militant

idem

Pas engagé

Peu engagé

Très engagé et
engagé à fond

Moyenne niveau d'enga-gement

Note de 1 à 3

TOTAL

Moyenne niveau de prise de conscience + en-
gagement

2 personnes

80 personnes

105 personnes

Annexe 12 : Profil des répondants Retour au mémoire

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard