La présomption d'innocence en cas d'infractions flagrantes en droit procédural congolaispar Dominique Mutongo Hamisi Université Officielle de Bukavu - Graduat 2020 |
B. De la responsabilité civileLa responsabilité pénale ci-haut examinée a pour seul et unique but de punir le coupable d'une peine (emprisonnement, amende) et non de réparer un préjudice causé à un particulier. Les amendes prononcées sont au profit de l'Etat. Ainsi la responsabilité pénale ne répond pas du tout au besoin de réparation du dommage causé à autrui. Elle n'est pas une source d'obligation car la condamnation pénale n'établit pas un lien de créancier à un débiteur entre la victime et le coupable. A son art. 15, le CP prévoit les allocations des dommages et intérêts. Mais il convient préciser que pour que le tribunal se prononce sur ces derniers la victime doit se constituer en partie civile, sauf si le juge trouve qu'il a lieu d'allouer les dommages et intérêts d'office. Parallèlement au droit pénal, le droit civil impose à celui qui cause un dommage à autrui, l'obligation à le réparer. De ce point de vue, il ne se préoccupe nullement de châtier le coupable mais d'indemniser une victime en lui allouant par exemple : les dommages et intérêts qui ne doivent pas être compris comme une sanction (à la différence de l'amende) mais comme la justice et exacte réparation d'un préjudice. Tel est l'objet de la responsabilité civile qui se propose l'indemnisation de tous les dommages injustes qu'ils aient été causés par une infraction pénale ou comme c'est le cas le plus souvent par un comportement non réprimé par la loi pénale. Par exemple : en matière des contrats, celui qui n'exécute pas dans les délais ou qui exécute mal ou pas du tout cause un préjudice à son co-contractant sans en courir pour autant une condamnation pénale87(*). Il se remarque alors que la plus part des infractions pénales entraînent un préjudice sur le plan civil si bien que les deux responsabilités peuvent être encourues par une même personne. Ainsi, compte tenu de la différence des règles des deux matières, cela entraîne d'importantes interactions au niveau de l'action en réparation. En matière de prescription, l'action en dommages et intérêts obéit aux délais de prescription pénale. Les délais de prescription pénale vont varier suivant la gravité de la peine de chaque infraction. On remarque qu'on fait suivre la prescription de l'action civile à celle de l'action pénale. 1. Le fondement de l'obligation de réparer : Faute et Risque Il est de principe que : « Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute du quel il est arrivé à le réparer »88(*). Pendant très longtemps, on a considéré qu'obliger les individus en dehors de leur volonté devait être exceptionnel. Il fallait une justification impérieuse qu'on s'accordait à trouver dans l'idée de faute et non ailleurs. Sera alors écartée de la présente analyse la notion de risque (qui venait de naitre récemment suite aux avancées industrielles et technologiques) pour ne retenir compte que de la faute (d'où le dommage résultant qu'une infraction pénale). Ainsi la démarche consistait à se tourner vers l'auteur du dommage et à porter une appréciation sur sa conduite. Tel était l'esprit du code civil et cette conception a donné pleine satisfaction pendant plus d'un siècle. Les articles 258 et 259 du CCLIII nous montrent que les dommages peuvent être causés soit par des fautes intentionnelles soit par des fautes non intentionnelles. Il y a faute intentionnelle lorsque l'auteur a accompli le fait dommageable avec l'intention de nuire. Il a voulu non seulement l'acte mais aussi son résultat. Cependant qu'elle soit intentionnelle ou non, l'auteur du dommage doit le réparer. La responsabilité civile dont il est question ici doit être directe. Elle repose sur trois éléments : la faute, le dommage, la relation de cause à effet entre la faute et le dommage. a) La faute Dans notre droit positif, le fait personnel ne peut être que la faute mais la loi n'en donne pas la définition. Il revient à l'interprète notamment le juge de déterminer s'il y a faute ou pas. En effet, suivant les auteurs, la faute est définie comme un fait illicite ou comme la violation d'une obligation préexistante ou encore comme un écart de conduite. Le coupable connaissant la loi ne devait donc pas commettre un fait portant atteinte à la dignité du tiers et particulièrement à la présomption d'innocence. Ajoutons en définitive qu'il y a une catégorie spéciale de faute qu'on appelle « abus de droit ». La théorie de l'abus de droit est jurisprudentielle. L'abus de droit est une faute commise dans l'exercice de son droit en exerçant un droit légitime. C'est le cas par exemple des journalistes qui, dans l'exercice de leurs fonctions se rendent coupables de la diffamation. Ils ont certes, le droit à la liberté d'expression mais ils ne doivent pas en abuser. Ainsi, s'il existe plusieurs manières d'exercer ses droits pour aboutir à la même utilité, il n'est pas permis de choisir la manière dommageable pour autrui, auquel cas il y a abus de droit. S'agissant de la preuve de la faute, il incombe en réalité au demandeur d'apporter la preuve de ses prétentions. b) Le dommage La faute n'engage la responsabilité délictuelle que si elle a causé un dommage à autrui. Et il y a dommage lors qu'il y a lésion d'un droit reconnu. Par exemple, l'atteinte la présomption d'innocence expose à des dommages et intérêts parce qu'il s'agit d'un droit reconnu par la loi. Précisons que tous les dommages ne donnent pas lieu à une réparation. Le dommage réparable est celui qui est actuel et certain. Le dommage est certain lorsqu'il est réel, lorsqu'il est incontestable, lorsqu'il est fondé sur des faits précis et non sur des simples hypothèses. Le dommage doit être aussi actuel c'est-à- dire qu'il doit être réalisé et qu'il doit être acquis au moment où on demande la réparation. Face à l'infraction de l'imputation dommageable dont nous sommes en train d'analyser la responsabilité civile du coupable, il sied de retenir que seul le dommage moral (pretium doloris) compte car c'est bien lui qui atteint les intérêts moraux de la victime dans sa dignité, dans son honneur, dans ses sentiments, dans sa sensibilité89(*), etc. Faisons remarquer que le dommage moral ne peut être réparable. Certaines plumes vont même jusqu'à le nier en ce sens que l'on ne peut savoir sa vraie valeur. Il revient, très souvent, alors au juge de l'évaluer conformément à la demande de la victime. C'est une compensation telle que nous l'avons dit ci-haut. La fixation du montant suivra le principe « du juste et du bon ». c) Le lien de causalité entre la faute et le dommage Sans lien causal entre le dommage et la faute, il n'y a pas de responsabilité. C'est comme qui dirait en matière pénale : imputabilité + culpabilité = responsabilité. Sans l'un il n'y a pas l'autre. C'est suite donc à ces trois éléments que le coupable est tenu de réparer son acte préjudiciable au tiers présumé innocent avant que son acquittement ou sa condamnation ne soit prononcé(e) par le juge. Nous ne pouvons ne pas également souligner que ces règles ne sont prescrites à peine de nullité. Elles peuvent être renversées par des preuves contraires et dans ce cas le coupable ne sera plus tenu responsable. * 87Jean-Marie Barambona, cours de droit des obligations, 3e graduat-Droit, Université Officielle de Bukavu (UOB), Inédit, année 2019-2020, p. 149. * 88Art. 258 CCL III. * 89 Peuvent être également retenues dans ce sens les infractions d'injure et de dénonciation calomnieuse. Ces infractions sont prévues et punies par les articles 75-77 CP congolais. |
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