WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Quelle image le cinéma renvoie-t-il de la femme?


par Noor Ben Addi
Lycée Maria Assumpta -  2020
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

1

 

QUELLE IMAGE LE CINEMA RENVOIE-T-IL

DE LA FEMME ?

Travail de fin d'étude

Professeur Guide : Madame Inès Dubuisson
Lycée Maria Assumpta

Année scolaire : 2020- 2021

Ben Addi Noor

6G3

2

Avant toute chose laissez-moi présenter mes sincères remerciements à Madame Dubuisson, qui a contribué à l'élaboration de ce travail en me suivant tout le long de cette période. Son soutien et ses conseils m'ont été d'une grande aide. Je tiens à lui exprimer ma gratitude pour avoir consacré de son temps à m'écouter, à répondre à mes questions et mes incertitudes.

Je tiens aussi à remercier mon lecteur/ lectrice. Pour la patience qu'il/ elle va accorder à la lecture de mon travail.

Du plus profond de moi-même, je remercie mes parents pour le soutien qu'ils m'ont apporté, ainsi que pour m'avoir accordé de leur temps à relire mon travail et surtout mon orthographe.

Enfin, je remercie Mr. Peeters et Mme Wyns, professeurs du Lycée Maria Assumpta de m'avoir guidée et donné des conseils quant à la mise en page de mon travail de fin d'étude.

3

NB : je tenais à publier mon TFE car il n'y a pas énormément d'informations sur le sujet et encore moins en français. Si jamais vous avez une question, vous pouvez me contacter à noor.benaddi@gmail.com.

4

TABLE DES MATIERES

Introduction 5

Première Partie 6

1.1. Historique 6

1.2. Chiffres 7

1.3. Pourquoi la représentation est-elle importante ? 8

1.4. Les rôles féminins types dans le cinéma grand public. 9

1.5. La représentation des femmes de couleurs et ses conséquences. 14

Deuxième Partie 19

2.2.1. Le cinéma vu par les hommes 19

2.1.2. L'avenir du « male gaze » 21

2.1.3. Quelles sont les répercussions sur nos comportements? 22

2.1.4. Quel regard porte la société sur les rôles féminins ? 23

2.2. Le cinéma vu par les femmes 24

Conclusion 26

Bibliographie 27

5

INTRODUCTION

Avez-vous déjà entendu parler des femmes dans le cinéma ?

Dès que j'ai commencé à m'intéresser au septième art, j'ai vite compris que la façon de représenter les femmes n'était pas la même que celle des hommes. Les femmes ne sont pas filmées de la même manière que leurs homologues masculins, les personnages joués sont drastiquement différents.

J'ai moi-même souvent eu du mal à m'identifier aux personnages féminins du Box-Office, trop de clichés qui ne me correspondaient pas ni à moi ni aux femmes qui m'entourent. Je me suis donc mise à la place du premier rôle masculin car il est plus présent à l'écran. Ce qui a poussé, beaucoup d'autres femmes et moi-même, à regarder à travers les yeux du protagoniste masculin.

Cette constatation m'amène à me poser une série de questions : Pourquoi les femmes sont représentées si différemment ? Sur quoi sont basés ces stéréotypes ? Qui décide de représenter la femme comme tel ? Marquée par toutes ces interrogations, j'ai essayé de condenser en une seule question cette liste non exhaustive d'interrogations pour en faire découler une réflexion personnelle soutenue par des recherches approfondies sur le sujet.

Dans cette optique, je me suis intéressée à la représentation féminine des films du monde occidental qui partage plus ou moins les mêmes codes. (Europe, Etats Unis). En gardant à l'esprit que nous vivons dans une société patriarcale qui privilégie les hommes et les positionne au pouvoir. Cette inégalité est aussi visible dans le monde du cinéma au niveau des postes occupés devant et derrière la caméra. Ce qui n'est pas une raison de ne pas exiger du changement car les médias, les films et les séries nous influencent et dictent notre conception des genres et des relations hommes-femmes.

6

PREMIERE PARTIE

1.1. HISTORIQUE

Dès la création du cinéma, les femmes étaient présentes. L'Histoire a simplement décidé de ne pas les citer. Les frères Lumières faisaient principalement des documentaires. On doit le cinéma tel qu'on le connait à Alice Guy. Elle a inventé le film de fiction et le plan rapproché, plan se concentrant sur le visage de l'acteur/trice afin de capturer ses émotions et les transmettre aux

 

Alice Guy

spectateurs. Iris Brey, spécialiste de la représentation du genre et des sexualités au cinéma, explique : "Dans les années 1910-1920, énormément de femmes travaillaient à Hollywood. Des monteuses, des cheffes opératrices, des réalisatrices... ». La critique et essayiste indique qu'à partir des années 1930, l'usine à rêves a commencé à se masculiniser. "Quand on comprend que c'est une industrie qui va générer de l'argent, les hommes décident de l'investir et d'en éradiquer les femmes". Force est de constater que l'opération fut efficace. Il faudra attendre 1977 pour qu'une femme, Lina Wertmüller, soit nommée pour l'Oscar de la Meilleure réalisation.1

Aux Etats Unis, il existe des quotas, « l'inclusion rider », mis en place en 2018 par la société de production Warner et Michael B. Jordan, acteur de Black Panther. Cela sert à s'assurer que le casting d'un film et sa régie soient représentatifs de la population américaine. A Hollywood, il s'agirait d'avoir 50% de femmes, 40% de minorités ethniques, 20% de personnes handicapées et 5% de LGBTQ+. Cette volonté de discrimination positive existe en réalité depuis 1964, même si elle vise seulement la représentation à l'écran et lui vaut d'être souvent critiquée. On lui reproche d'être superficielle, mal effectuée et de n'avoir aucun effet sur les réelles inégalités.

1 (Bris, 2018)

7

En France, il est difficile d'imposer des quotas. Le CNC (Centre National du Cinéma et de l'image animée) incite à donner les postes à responsabilité à des femmes en apportant un soutien financier supplémentaire à la production du film. Cette incitation a le mérite de porter ses fruits et de sensibiliser au changement d'habitudes ainsi que d'arrêter de se tourner en permanence vers les mêmes hommes au pouvoir. Nous sommes loin du 50/50 mais nous tendons vers cela. Mais pourquoi à tout prix vouloir atteindre cette égalité ? Est-il vraiment important de représenter la société dans son entièreté ? Le septième art est souvent critiqué pour son manque d'inclusion. Mais quel impact le cinéma a -t-il sur notre manière de voir la vie ?

1.2. CHIFFRES

Afin d'introduire au mieux les inégalités dans le cinéma, voici quelques chiffres ; Dans les écoles de cinéma, les femmes représentent 55% des étudiants. Mais on en retrouve seulement 30% dans la vie active. En 2014, seuls 21,1% des dirigeants de productions cinématographiques étaient des femmes.

En 2015, 21% des réalisatrices étaient programmées et entre 1976 et 2016 seulement 6% ont été récompensées par le César du « meilleur film » ou de la « meilleure réalisation ».

A l'écran, 37% des personnages principaux sont des femmes. Nous nous sommes rendus compte que 40% des films américains étudiés entre 1995 et 2015 ne passent pas le test de Bechdel. Ce test consiste à se poser trois questions lorsqu'on regarde un programme ; Y a -t-il au moins deux personnages féminins nommés ? Si elles sont présentées à l'écran, interagissent-elles entre elles ? Et parlent-elles d'autre chose que d'un protagoniste?

Au niveau salaire, une réalisatrice gagne 42% de moins qu'un homme. Une étude statistique

réalisée de 1980 à 2015 montre qu'une actrice est payée 1 million de dollars de moins par film qu'un acteur. Les femmes ne reçoivent pas non plus les mêmes moyens budgétaires pour

réaliser un film. Entre 2008 et 2015, 28% des projets aidés par le CNC étaient ceux de femmes et 15% des fonds publics européens alloués au cinéma allaient à des femmes2.

2 (Bris, 2018)

8

(Bris, 2018)

Les inégalités résident partout que ce soit devant ou derrière l'écran. Même si le public réclame en priorité une meilleure représentation dans les films, il est difficile de dépeindre correctement un personnage issue d'une minorité sans avoir subi tout ce qui peut en découler. C'est pourquoi il est important de diversifier une équipe dès l'écriture du scénario.

1.3. POURQUOI LA REPRESENTATION EST-ELLE IMPORTANTE ?

Le cinéma a toujours influencé les foules. Il avait déjà été utilisé comme outil de propagande par les nazis durant la deuxième guerre mondiale. Aujourd'hui, il représente toujours un bon moyen de faire passer une idée, de véhiculer un stéréotype ou une vision sans même que nous nous en apercevions.

La manière dont les femmes sont dépeintes dans les films/séries influence inconsciemment le comportement de celles-ci. Une bonne représentation peut avoir des effets très positifs sur le développement des jeunes filles. Par exemple ; si elles grandissent en voyant des femmes influentes, cela va les encourager à poursuivre une grande carrière.

Dans le cinéma américain les femmes jouent le plus souvent le rôle d'infirmière, serveuse, professeure, caissière ou encore de secrétaire. Ce sont des représentations nécessaires mais qui se doivent d'être élargies. Le but étant de toucher un plus grand nombre et que chaque femme puisse s'identifier à l'écran afin de se sentir légitime de s'exprimer dans notre société.

9

1.4. LES ROLES FEMININS TYPES DANS LE CINEMA GRAND PUBLIC.

Vous avez sûrement remarqué les différents stéréotypes liés à la femme au cinéma. Ces rôles portent un nom, on appelle ça un « trope ». Je vais vous en exposer quelques-uns afin de rendre compte de ces appellations.

Regina Georges dans « Mean Girl »

Les plus présents sont la « mean girl » ou la méchante fille, vous l'avez vue dans presque tous les films pour adolescent. Le

meilleur exemple est Regina Georges dans « Mean Girl » ou

encore Blair Waldorf dans « Gossip Girl ». Physiquement, elle apparait comme une fille riche, populaire, jolie, hyper féminine,

stéréotypée comme jalouse et superficielle. Pourtant, elle est ambitieuse, forte et elle a confiance en elle. Malgré ça, elle éprouve de la rage et de la colère à l'égard de l'héroïne principale. Elle se cache derrière une gentillesse de façade pour effectuer des agressions relationnelles sur d'autres jeunes filles parce que seule une femme sait comment parfaitement en blesser une autre. En observant bien, nous remarquons que derrière cette méchanceté se cache une stratégie de défense. Elle reproduit des comportements des personnes élitistes et superficielles qui l'entourent. La « mean girl » est souvent comparée à la reine des abeilles, mais pourtant, elle ne contrôle pas son école et au contraire elle se plie aux attentes de la société. C'est ce qui la pousse à détester le personnage principal qui sort du lot et qui ne se sent pas contrainte. L'héroïne du film va essayer de descendre ce système de caste afin d'atteindre ses objectifs. De l'autre côté, la « mean girl » a compris le système hiérarchique de son école ou de la société et elle a décidé d'en profiter pour atteindre le sommet. Au final, la vilaine adolescente se sent claustrophobe d'un monde injuste et sexiste où elle ne peut pas exprimer son plein potentiel. Elle a juste besoin de trouver une manière plus saine de ressortir sa colère.

La « smart girl » ou la fille intelligente, pourrait être représentée par Liza Simpsons dans « Les Simpsons » en tête d'affiche ou encore avec les deux héroïnes du film Booksmart de Olivia Wilde. Souvent accessoirisée de lunettes parce qu'elle voit des choses que les autres ne voient pas. Ce personnage a conscience d'elle-même,

 

Liza Simpsons dans « Les Simpsons »

10

elle se sait intelligente et en est fière. Elle est ambitieuse et est déterminée à réussir sa carrière. De l'extérieur, elle est vue comme arrogante et intolérante aux gens moins intelligents. La « smart girl » qui a tendance à trop réfléchir, se rend compte qu'elle ne rentre pas dans le moule. Elle ressent la pression de se conformer et va réajuster sa personnalité en essayant de paraitre moins « je sais tout » afin de plaire aux autres et de ne pas être mise sur le côté. Au cours des dernières années, on a pu assister à une évolution de ce trope. Au départ, une femme intelligente avait des agissements semblables à ceux d'un homme et elle représentait souvent une menace. Dans son propre développement, elle va connaitre l'échec, et par conséquent gagner en maturité. La « smart girl » d'aujourd'hui n'est plus unidimensionnelle. Elle montre que les femmes ne sont plus soit intelligentes soit jolies, elles peuvent être les deux à la fois. Les femmes intelligentes de ce monde ont souvent une fibre artistique ou sont engagées pour une cause (Malala, Greta Thunberg...). Dans les films ou dans la vie, elles cherchent désormais à avoir un impact sur le monde.

La « weird girl » ou la fille bizarre, qualifiée de bizarre parce que nous ne la comprenons pas. Elle a un style et des intérêts peu habituels. Elle a peu ou pas d'amis et est perçue comme inapte à avoir un partenaire amoureux. Sa sexualité est vue comme déviante ; c'est soit une « salope », soit une « lesbienne ». Il existe cinq sous-genres de « weird girl » ; la gothique, la maligne (the smartass), le cas désespéré (the basket case), la tête en l'air (the space cadet) et la marginale (the akward misfit).

La gothique, avec Wednesday Adams dans « La Famille Adams », est le plus souvent habillée de noir. Elle s'intéresse aux choses auxquelles les autres ne portent pas attention. C'est comme ça que dans certains films, elle parviendra à communiquer avec des éléments du fantastique comme des fantômes. La « goth » ne va pas changer pour les autres, elle reste elle-même en toute circonstance.

La maligne, avec Daria, utilise le sarcasme pour se protéger. Elle se définit elle-même par ce qu'elle n'est pas plutôt que par ce qu'elle est. Elle n'est pas comme les autres, d'ailleurs elle les juge trop normaux.

 

Daria dans « Daria »

11

Le cas désespéré, avec Allison Reynold dans « The Breakfast Club », est la version la plus chaotique et dramatique de la « weird girl ». Elle performe sa bizarrerie pour attirer l'attention.

La tête en l'air, avec Phoebe Buffay dans « Friends », existe dans son propre monde et par conséquent, elle ne se soucie pas de l'avis des autres. Souvent sous-estimée, elle se révèle plus intelligente que nous le pensons.

 

Phoebe Buffay dans « Friends »

La marginale est la version la plus triste. Son manque d'habilité à s'intégrer lui vaut un harcèlement de la part de ses camarades. Ces agressions à répétitions ne lui seront aucunement bénéfique et elle aura tendance à reproduire ces comportements quand elle sera en position de force.

Quel que soit la forme de la « weird girl », elle représente la peur de son époque. Une fille était considérée comme bizarre si elle se comportait comme un homme, si elle ne portait pas d'intérêt au mariage, ou si elle voulait avoir accès à une éducation et voyager. La fille décalée est toujours restée indépendante malgré le cliché qui traine dans certains films qu'elle aurait besoin d'un homme pour être normalisée et même sauvée. Aujourd'hui, c'est une bonne chose d'être « bizarre » car la différence est plus acceptée voire glorifiée. Ce qui rendait une fille masculine avant rentre aujourd'hui dans la norme.

La seule et l'unique « manic pixie dream girl », (MPDG), est un trope introduit par le critique

Claire Colburn dans « Elisabethtown »

Nathan Rabin, en 2007, pour caractériser un type de personnage féminin récurent qui n'existe que dans l'imagination des réalisateurs/scénaristes. Il visait le personnage de Claire Colburn dans « Elisabethtown ». Elle est sociable, c'est elle qui approchera le protagoniste masculin en première et celui-ci en opposition sera timide et distant. La MPDG a des goûts et un style bien à elle, « elle n'est pas comme les autres ». Mais surtout elle n'abandonne jamais le

premier rôle masculin, elle est toujours enjouée, de bonne humeur et elle se fout du regard

des gens. Elle est là pour apporter un développement à l'homme du film, elle va lui redonner

la joie de vivre. Ce trope à la base fait pour mettre l'accent sur un comportement sexiste de

12

certains réalisateurs a fini par se retourner contre lui-même. Utilisé à tort pour décrédibiliser un film ou trop vite le ranger dans une case sans plus analyser le personnage féminin. Ce terme est même utilisé comme insulte pour désigner une fille « manquant de personnalité » dont le seul but est d'attirer l'attention d'un homme.

Mikaela Banes dans « Transformers »

La « Cool girl » ou la fille cool, est encore un autre fantasme masculin. C'est un homme dans le corps d'une femme belle et sexy, elle aime les activités traditionnellement d'hommes, la bière et les hamburgers. Nous parlons de ce trope comme un mythe créé par les hommes et perpétué par les femmes qui après l'avoir vu dans autant de films ont fini par

l'incarner. Le problème avec la cool girl c'est qu'elle est appréciée par les hommes qui l'entoure tant qu'elle reste à leur niveau, il ne faudrait pas qu'elle les challenge. C'est

pourquoi, elle ne dit rien sur la hiérarchie homme-femme qui la pousse toujours au second rang malgré ses qualifications. Celle-ci est facile à vivre et elle ne se fâche jamais sur son homme. Mais la cool girl moderne se détache de ce monde d'homme et vit selon ses propres règles comme nous l'avons vu dans les nouveaux Marvel.

Greene Lanterne

Nous avons le personnage féminin réduit à son minimum ; « The Fridge Lady » ou « la femme dans un réfrigérateur ». Ce trope tient son nom de l'écrivaine Gail Simone qui l'a utilisé en référence à l'épisode de la bande dessinée « Greene Lanterne ». Dans lequel la copine du héros est tuée et enfermée dans le réfrigérateur de celui-ci pour offrir un développement à son histoire. Ce personnage féminin meurt au début de l'histoire sans que nous ayons appris à la connaitre. Son copain ou mari essayera de la venger et de sauver le monde

par la même occasion. La mort d'un être aimé nous permet de sympathiser avec lui et lui offre

un passé triste. Le problème de cette représentation est qu'il réduit la femme à une propriété.

En effet, nous avons remarqué que dans la majorité des scénarios « ma femme » aurait pu

être remplacé par « mon chien » ou « ma voiture ». Nous pouvons reprocher cela surtout à la

mauvaise écriture de ce personnage car la mort d'un être cher aurait plus d'impact si celui-ci

13

était multidimensionnel. Le souci c'est aussi la manière dont ces femmes sont tuées ; le meurtre est violent et sexuel comme si la femme existait seulement pour qu'une série de mauvaises choses lui arrive et que la pureté de son corps devait absolument être protégée par un homme.

La féministe est présente dans les films depuis longtemps mais elle était représentée négativement. Dépeinte comme une femme pas féminine, moche et détestant les hommes. Elle souhaite l'égalité des sexes parce qu'aucun garçon ne veut d'elle. Nous avons eu droit à la « straw feminist », parodie de la féministe réelle. Elle réagit excessivement à des situations minimes pour réduire et ridiculiser la cause à l'écran. Aujourd'hui, elle est toujours présente pour montrer les conséquences lorsque nous perdons des yeux la cause principale et que nous nous laissons emporter par la haine. Le trope de la féministe était souvent présent en opposition au personnage féminin principal qui, pourtant, regroupe les caractéristiques d'une réelle féministe mais qui se comporte comme individualiste dans sa quête de succès.

Scène de la série « Sex Education ,,

Aujourd'hui, on assiste à la prise de conscience des personnages féminins. Elles se rendent

compte de la société misogyne qui les entoure et de la culture du viol bien présente. Elles se joignent à la cause pour trouver une sorte de liberté.

Nous allons finir avec la femme fatale qui consacre sa vie à détruire le ou les protagonistes

Ramon et Destiny dans « Queens ,,

masculins. Elle est irrésistible. Elle fait habituellement une première apparition remarquée dans le film. Elle a une vision du monde cynique. Elle est froide et distante. La femme fatale est guidée par la soif d'argent pour arriver à ses fins elle utilise la manipulation et sa sexualité dont elle a le plein contrôle. Elle représente l'anxiété de son époque dans le sens où elle refuse les normes imposées aux femmes, elle sort, travaille, refuse de porter l'enfant d'un homme. Elle a

généralement droit à deux sortes de fin. La première, nous nous rendons compte qu'elle n'est

pas mauvaise et elle a droit à une fin heureuse. Ou la deuxième qui est plus courante, elle

s'avère être pourrie jusqu'à la moelle et elle est punie par la mort ou la prison. La femme fatale

peut paraître féministe car elle reprend son pouvoir, sa vie et sa sexualité lui appartiennent

14

mais la manière dont elle nous est montrée est plutôt misogyne. Nous la voyons comme mauvaise ou comme une victime de la société lorsque nous avons droit à une rétrospection.

Il existe encore une liste non exhaustive de trope, certains personnages reflètent des caractéristiques de plusieurs d'entre eux à la fois. Plus un personnage est multidimensionnel plus il correspondra à différentes catégories. Bien que ces personnages récurrents ne soient pas toujours glorifiant, il en existe de nombreux. Mais peut-être l'avez-vous remarqué ; ils sont à quelques exceptions près toujours représentés par des femmes blanches, fixées comme la norme. Cette observation nous amène à nous poser la question suivante : Y'a -t-il des tropes spécifiques aux femmes de couleurs ?

1.5. LA REPRESENTATION DES FEMMES DE COULEURS ET SES

CONSEQUENCES.

Regardons nos classiques et réfléchissons, y'a -t-il un personnage féminin de couleur ? Nous ne pourrions pas en citer beaucoup. Les femmes et les personnes de couleurs sont déjà sous-représentées, alors imaginez les femmes de couleurs. Il est difficile de trouver une femme noire, magrébine ou issue d'autre minorité dans un film. Lorsqu'il y en a une, elle est souvent caractérisée par des stéréotypes raciaux. Nous allons parcourir ensemble les différents tropes dans lequel sont enfermées ces femmes.

Commençons avec la minorité la plus présente aux Etats Unis. Par conséquent, elle a plus de représentation que les autres. Nous allons nous pencher sur la « Strong Black Women » ou la femme noire forte. Elle a été initialement créée par les femmes noires afin de démanteler les trois autres tropes fortement réducteurs qui régnaient sur le cinéma américain. Le premier étant « The Mamy », en français, la Mama est une esclave ou une servante pour une famille blanche. Elle est toujours souriante et elle aime servir cette famille.

Suivie de près par « The Jezebel » ou Jezabél, selon l'histoire biblique, est sexuellement insatiable et elle éprouve des désirs animaux. Ce cliché a donc souvent été utilisé pour justifier les abus sexuels que les propriétaires d'esclaves faisaient subir aux femmes noires.

Arrive ensuite « The Angry Black Women » ou la femme noire en colère, représentée comme masculine, elle s'exprime fort et s'énerve vite. Ce trope reflète la peur de la société de cette colère que peut éprouver la femme noire. Ce qualificatif est utilisé à tort et à travers.

15

Notamment pour la réduire chaque fois qu'elle tente de mettre la lumière sur les discriminations auxquelles elle fait face au quotidien. Ce qui la pousse à devoir supprimer ses émotions pour éviter d'être catégorisée et invalidée.

Shuri dans « Black Panther »

Vers les années 50- 60, prend place la femme noire forte en même temps que la fin de l'apartheid américain. Elle est de nature nourricière, elle aide les autres jusqu'à ignorer ses propres besoins et elle a un grand sens de la morale. Durant sa vie, elle a subi toutes sortes de traumas et a su surpasser tous les obstacles. Représentée comme femme surhumaine voire fantastique. Nous pouvons parfaitement lui appliquer le slogan « ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ». Nous pensons donc aux femmes noires immunisées contre la peine. Alors nous n'avons pas besoin de changer le système car elle peut tout endurer et elle ira toujours bien. Cette manière de penser en plus d'être moralement fausse à de graves conséquences sur la santé mentale et physique des femmes noires. En effet, elles ont le taux le plus élevé de dépression tout en étant sous-traitées. Elles n'ont pas le même accès aux soins qu'une personne blanche. Beaucoup de médecins ont cette idée erronée, perpétuée encore plus par ce trope, que les personnes noires sont plus résistantes. Malgré cela, ce trope plait. L'audience aime voir la femme noire représentée de cette façon. La preuve, sur douze femmes noires nominées pour l'oscar de la meilleure actrice depuis la création de la cérémonie, huit l'étaient pour des rôles de « Strong Black women ». Ce trope est un second personnage qui est là pour épauler le premier rôle blanc. Son personnage n'est pas traité en profondeur ni dans toute sa complexité. Elle nous est présentée pour ce qu'elle fait et non pour ce qu'elle est. Nous ne connaissons jamais ce qui se passe dans sa vie personnelle. Finalement bien que cette représentation renvoie une bonne image de la femme noire, elle n'a pas fait beaucoup pour améliorer la condition de celle-ci.

Vers 2010, nous avons eu droit à une autre représentation beaucoup plus positive de la femme noire. « The Quirky/ Awkward Black Girl » ou la fille noire excentrique/ bizarre. Ce trope, lui aussi créé par des femmes noires, pour se libérer des trois autres tropes originels, fait son apparition avec la websérie « The Mis-Adventure of Awckward Black Girl » d'Issa Rae qui est

Issa Dee et Molly Carter dans « Insecure ,,

16

d'ailleurs aujourd'hui devenue réalisatrice. Cet archétype dépeint les femmes noires de manières multidimensionnelles. Il ne les laisse plus dans le rôle de personnage solidaire au protagoniste principal blanc. Il n'est donc pas comparable au trope de la meilleure amie noire. La femme noire excentrique appartient à la classe moyenne et elle a grandi dans un quartier

majoritairement blanc. Elle sera souvent la seule personne noire de son groupe d'amis, ce qui n'exclut pas qu'il y ait quand même de la diversité. Elle a des centres d'intérêts qui ne sont pas habituellement attribués aux noirs. Elle offre une représentation plus inclusive et réaliste.

Marisa Ventura dans « Coup de foudre à Manhattan ,,

La « spicy latina », ou l'exotique femme d'Amérique latine, incarne la femme volatile et sexuelle. Elle est voluptueuse, porte des vêtements moulants et peu couvrant. Elle a des cheveux foncés, une peau olive et une bouche pulpeuse. Elle a un fort caractère, parle sans filtre, elle est bruyante. Elle représente un fantasme de l'homme blanc, américain. La rumeur est qu'elle volera ton homme juste parce qu'elle en a le pouvoir. Le mythe de la « spicy latina » a commencé dès le XIXe siècle avec le film « Carmen ». Carmen est une jeune femme libre et intense qui séduit un soldat américain. Cette passion va amener la jeune fille à le tuer. Cette image sera ensuite perpétuée avec la montée du Vaudeville et des salles de bal. Les femmes latines seront surnommées « Spicy Senoritas » ou « Hot Tamales ». Sous-entendu, qu'elles sont agréables mais douloureuses à aimer car elles ne sont pas dignes de confiance. Les grandes actrices qui ont joué ce rôle à répétition se sont retrouvées marginalisées lorsque ce personnage a cessé d'être à la mode. Elles se sont retrouvées sans autre proposition de film. Elles sont mortes jeunes, d'alcoolisme ou en se suicidant, accentuant une autre caractéristique de la « spicy latina » qui se sabote. Bien plus tard, nous avons vu apparaitre une variante de ce trope la « life changing bombshel latina ». Celle-ci, souvent issue de la classe ouvrière apparait dans la vie d'un homme blanc plus fortuné. Par exemple, sous l'apparence d'une femme de ménage invisible qui attend d'être

Rosa Diaz et Amy Santiago dans « Brooklyn 99 »

17

sauvée. Elle apparait souvent en opposition avec la femme blanche de celui-ci qui est froide et fausse. Elle représente le désir de l'homme. Malgré sa personnalité imposante, la « spicy latina » est le plus souvent un second rôle, là pour encourager les autres et les inciter à se défendre eux même. Le problème de ce type de trope c'est qu'il pousse toutes les femmes d'une même origine à s'identifier à un personnage qui pose des standards impossibles. Il pousse les femmes latines à s'hyper sexualiser à un très jeune âge. Elles apporteront une forte importance à leur apparence ce qui peut provoquer des problèmes d'anxiété, de dysmorphie et d'alimentation de type anorexie et boulimie. Ils poussent aussi les hommes à les réduire à leurs corps. 77% des femmes d'origine latine déclarent avoir subi des agressions sexuelles sur leur lieu de travail. Si cette femme reste sous représentée, nous pouvons voir des évolutions quant aux rôles qui lui sont présentés comme dans « Brooklyn 99 » avec Rosa Diaz et Amy Santiago.

La « model minority » ou la minorité exemplaire, ce trope-ci vise les personnes asiatiques mais concentrons-nous sur les femmes. La « model minority » travaille dure. Elle est naturellement intelligente, souvent mal à l'aise en société. Elle suit les règles qui lui sont imposées. Mais malgré ses aptitudes, elle ne représente jamais une menace pour le premier rôle blanc. Elle lui apporte plutôt un soutien. Ce trope ne challenge pas la hiérarchie raciale et promeut l'idée erronée que le racisme peut être surmonté en travaillant dur. Ce qui offre une justification aux discriminations que peuvent subir d'autres minorités ethniques. Représentant les asiatiques comme les bons immigrés, cela créé un fossé entre ceux qui sont perçus comme des voyous, membres de gang comme les noirs ou les latinos aux Etats Unis. Malgré leur bonne image, nous constatons que ces minorités exemplaires ne tendent pas à évoluer professionnellement. Elles restent coincées sous un plafond de verre. Ce trait de soumission se retrouve chez un autre trope qui colle aux femmes asiatiques. « The Asian Hooker » ou la prostituée asiatique, celui-ci n'a aucun découlé positif sur les femmes asiatiques. Il est même

18

 

une des causes des violentes agressions auxquelles font face les femmes asiatiques surtout aux Etats Unis dernièrement. Ce stéréotype fait son entrée dans les années 1960-1970 avec l'arrivée des forces militaires américaines en Asie. Les soldats allaient chercher du réconfort chez les femmes de ces

« Full Metal Jacket »

Devi Vishwakumar dans « Never Have I Ever »

pays en développement qui vendaient leurs corps afin de subvenir à leurs besoins. La femme asiatique est réduite à son appareil génital et tous les clichés qui l'entourent comme sa petitesse. Quarante-et-une femmes asiatiques vivants dans une société occidentale sur soixante-six ont déjà subi des violences physiques ou sexuelles par un partenaire. Il est difficile d'améliorer le trope de la prostituée asiatique. Par contre, nous avons vu une large amélioration quant à la « model minority » qui a eu droit à ses propres séries ou films. Comme dans « Never Have I Ever », où Devi Vishwakumar, le personnage principal vit sa vie de lycéenne. Même si, elle rêve d'aller à Princeton, une grande université, sa personnalité ne se résume pas à ça. Nous voyons le personnage dans toute sa complexité et contrairement à ses prédécesseurs, elle est triste, en colère et a les mêmes centre d'intérêts que les filles de son âge.

La dernière femme de couleur que nous allons passer en revue est la femme arabe/ maghrébine/ musulmane, car le cinéma occidental ne fait pas la différence entre les cultures ou la religion. Comme nous avons pu le voir avec la princesse Disney, Jasmine, où le moyen orient et la culture arabe se mélangent. Les repères spatio-temporels et identitaires sont confondus. Le seul point commun entre ces cultures est le rattachement à l'Islam. Nous remarquons que toutes ces femmes, pratiquantes ou non, tombent dans le trope de la femme musulmane opprimée. L'histoire se déroule en général de cette façon : tout allait bien, puis cette femme va rentrer dans un milieu majoritairement blanc que ce soit une école ou simplement le pays. Elle rencontre un homme blanc, si elle porte le foulard elle le retira pour

19

 

celui-ci, si elle ne le porte pas elle se rebellera d'une autre manière. Dans les deux cas, c'est présenté comme une volonté de s'émanciper puisqu'auparavant, elle était soumise aux hommes de sa famille et sa religion. Ce trope a des conséquences directes sur notre société. Nous l'avons vu dernièrement en Belgique avec l'arrêt autorisant les hautes écoles et universités à prohiber le

Nadia dans « Elite »

port du voile. Ce qui pousse les femmes musulmanes qui ont décidé de se voiler à choisir une école, non pas en fonction de leurs études mais en fonction de la liberté d'exister. La femme musulmane oppressée permet une justification à l'islamophobie de nombreux dirigeants politiques. Ils prétendent protéger les jeunes filles de la pression familiale excluant l'idée que cela pourrait simplement être un choix religieux.

Finalement, le cinéma doit contrôler les différentes images qu'il renvoie de la femme car celles-ci ont des conséquences au quotidien. Le but n'étant jamais de supprimer ces tropes mais toujours de les nuancer et de permettre un développement aux personnages qui les incarne. Un seul cliché perpétué par le cinéma influence toute la vision d'une société sur une femme d'une certaine ethnie et dicte les comportements à adopter avec celle-ci.

DEUXIEME PARTIE

2.2.1. LE CINEMA VU PAR LES HOMMES

A ce stade-ci, nous nous demandons sûrement pourquoi les femmes sont-elles si mal dépeintes ? Pourquoi l'image renvoyée est souvent très éloigné de la réalité ? Pour faire court, la réponse est le « male gaze », traduit par le regard masculin. Ce concept a été théorisé en 1975 par l'écrivaine Laura Mulvey. Il s'agit de la manière dont l'homme va regarder puis filmer la femme comme un objet du désir. Les hommes étant plus présents à tous les niveaux du cinéma. Le regard masculin est posé comme la base, le regard neutre. Ce qui participe au renforcement de la domination masculine générale. Les personnages féminins sont regardés à travers trois visions : celle du personnage masculin, celle de l'homme derrière la caméra et

20

celle du spectateur masculin. Le « male gaze » se caractérise par de longues scènes de sexe injustifiées, des plans se concentrant sur une seule partie du corps de la femme. Son corps est toujours montré avant son visage. Nous précisons que seules les femmes sont sexualisées, la caméra ne s'attarde pas sur les atouts des acteurs masculins. Les corps représentés sont toujours conventionnellement attirants ; pas de bourrelets, pas de poils ni de vergetures. Même lorsque le personnage féminin est au plus bas, elle sera toujours présentable et même maquillée. Ce qui pousse certaines femmes à mépriser leur corps qui n'atteint pas ce niveau de perfection irréaliste. Au sein d'un même film deux femmes ne seront pas filmées de la même manière, le premier rôle sera montré comme belle tandis que sa meilleure amie sera dépeinte comme banale. Un autre trait propre au male gaze est la scopophilie, le plaisir de voyeurisme. L'homme regarde la femme sans que celle-ci le voit, à travers une serrure ou grâce à des jumelles. Cela nous apprend à prendre du plaisir en objectivant les femmes. Dans cette position, l'homme à le pouvoir, cela fait partie de notre intégration de la domination masculine. Tous ces réflexes qu'ont les réalisateurs ont tendance à déshumaniser la femme.

 

Le réalisateur enchainé au male gaze est Abdelatif Kechiche qui relance le débat à la sortie de chacun de ses films. Les corps de femmes ont toujours été présents dans son travail, ils sont devenus son empreinte. Ses dernières oeuvres peuvent se résumer à une masse de courbes féminines. Nous découvrons le

Abdelatif Kechiche et Hafzia Herzi

corps de Hafzia Herzi qui effectue une danse du ventre de seize minutes dans « La Graine et le Mulet ». Puis, il y a aussi les nombreuses scènes de sexes entre Léa Seydoux et d'Adèle Exarchopoulos dans « La Vie d'Adèle ». Les deux actrices avaient critiqué les conditions difficiles de tournage. Kechiche obtient ses plans naturels grâce à la stratégie de l'épuisement. Une fois fatigués par les nombreuses prises, les acteurs ne font plus attention aux caméras et se laissent aller dans leurs jeux. Une manière de faire souvent questionnée, et sur laquelle il ne souhaite plus s'exprimer. Le deuxième reproche fait à ce film est le regard trop présent du réalisateur pour une histoire de femmes. En effet, La Vie d'Adèle raconte un amour entre deux jeunes filles et pourtant nous le regardons du point de vue de l'homme derrière la caméra. Les scènes de sexes nous mettent mal à l'aise puisqu'elles ne représentent pas vraiment deux femmes prenant du plaisir mais plutôt comment un homme voudrait les regarder. Ce « male gaze » reste omniprésent dans la suite de ses oeuvres comme avec « Mektoub My Love : Canto

21

Uno », en 2017. Cette manière de filmer les femmes nous parait logique au début du film puisque nous les regardons du point de vue de Amin, le personnage principal. Pourtant, cette caméra s'éloigne de son regard tout en continuant de sexualiser celles-ci (sauf les mères) .Nous ne savons plus à qui nous identifier à part à un regard d'homme en général. Les caméras de Kechiche filment au plus près chaque mouvement des formes féminines. Trop près, c'est ce qui est reproché au second volume de la saga ; « Mektoub My Love : Intermezzo », dans lequel nous comptons une totalité de 178 plans de fesses. Il a fait beaucoup de bruit lors de son avant-première au festival de Cannes de 2019. En partie à cause de la scène de sexe oral d'une longueur de douze minutes. Ce film ne verra jamais le jour en dehors du festival. Au cours de sa carrière, Abdellatif filme de plus en plus de femmes en les sexualisant toujours plus mais refuse systématiquement de filmer le corps masculin de cette façon. Le patriarcat est toujours plus présent au point que les femmes du film ne savent plus parler entre elles, si ce n'est d'hommes. Elles sont incapables de prendre des décisions pour elles-mêmes lorsque l'une d'elle se retrouve face à une grossesse non-désirée et elles sont incapables de jouir lors de ce fameux cunnilingus. Globalement, le film représente bien le peu d'importance accordé au consentement mais n'a pas pour but d'approfondir plus que ça. Le film effleure les ennuis des femmes sans plus les développer. Beaucoup décrivait le visionnage de « Mektoub My Love : Intermezzo » comme éprouvant. Il réussit à transmettre une forte émotion d'étouffement, de malaise et d'épuisement. Est-ce que cela résulte du génie du réalisateur ou de la lourdeur des images telles qu'elles nous lavent le cerveau ?

2.1.2. L'AVENIR DU « MALE GAZE ».

Gardons l'exemple du film jamais distribué d'Abdellatif Kechiche. Les avis le concernant étaient complètement divisés entre l'ébahissement face au génie et le dégoût face à tant de misogynie. Selon les uns, la présence de tant de fesses et de seins garde un aspect esthétique et brut à l'exécution. Ses défenseurs parlent d'art radical, allant à l'encontre des règles de la bienséance puisqu'il s'agit de cinéma presque pornographique. Abdellatif dit dans la conférence de presse s'être inspiré de toutes les statues de femmes bien en chaire présentes dans Paris et du code couleur présent dans les toiles de Picasso (rouge, bleu et magenta). Ses détracteurs quant à eux s'offusquent de la violence du « male gaze », sexualisant et

Ophélie Beau

22

deshumanisant les femmes. Mais surtout de la différence des prises de plans de femmes et d'hommes. Quand celles-ci sont filmées jusque dans leur intimité, nous n'apercevons pas plus que le torse d'un homme. La différence entre ces deux points de vue dépend de notre interprétation. Bien sûr que le « male gaze » est présent et il est d'autant plus dérangeant que nous ne connaissons pas les conditions de travail des actrices. L'actrice Ophélie Beau, qui recevait ce cunnilingus, n'est pas restée dans la salle lors de la projection, pour une affaire de contrat non respectée, elle n'était pas d'accord avec ce qu'elle allait voir. C'est cela qui dérange le plus.

Le « male gaze » n'est pas si détestable à condition de savoir l'identifier. Les réalisateurs et réalisatrices ont tendance à le reproduire sans même s'en rendre compte car c'est cette façon de filmer qui leur est inculquée. Cela reste une manière de voir le monde et une valeur esthétique non- négligeable dans le cinéma. Malheureusement, le « male gaze » n'est pas sans effets secondaires. Justement quels sont ces conséquences sur nos comportements ?

2.1.3. QUELLES SONT LES REPERCUSSIONS SUR NOS COMPORTEMENTS?

A force de regarder des histoires racontées d'un point de vue masculin, nous finissons par inconsciemment internaliser ce regard. Nous nous regardons sans cesse à travers un spectre et performons l'image que nous avons appris comme plaisante pour l'homme. Nous agissons comme si nous étions en permanence observés par un regard masculin. Nous sommes conditionnés à rechercher la validation des hommes puisque celui-ci à plus de valeur aux yeux de la société. Laura Mulvey dit que se détacher de ce regard de spectateur masculin et de se remettre dans sa peau de spectatrice, nous permet de prendre une distance, d'avoir un regard critique sur le film et sur cette façon sexuelle qu'ont les réalisateurs de filmer les femmes. Souvent cette distanciation laisse place à du dégoût.

La domination du « male gaze » affecte aussi les hommes lorsqu'ils vont tenter d'agir comme les personnages des films pour attirer les femmes. Les hommes les voient comme des êtres unidimensionnels et s'ils se comportent assez bien, elles tomberont amoureuses. Pourtant dans la réalité, les femmes ne réagissent pas comme les réalisateurs l'ont décidé. Elles ont d'autres priorités que l'amour ou ne sont tout simplement pas intéressées par le garçon en

23

question. Ces règles d'attraction des femmes aussi été fixées par des hommes alors qu'ils sont loin d'être les principaux concernés. Ceux-ci sont aussi influencés par le « male gaze » mais au dépend des femmes. Ils vont tenter de les blesser pour impressionner les autres hommes de leur entourage. Nous nous retrouvons à devoir déconstruire ce que les médias nous ont appris surtout en terme de relation homme-femme si nous voulons avoir des rapports plus sains.

2.1.4. QUEL REGARD PORTE LA SOCIETE SUR LES ROLES FEMININS ?

 

Les femmes continuent à être sexualisées car la société aime les voir dans cette position. En 2015, sort le film « Mustang » de Deniz Gamze Ergüven, réalisatrice franco-turque. Il raconte l'histoire de cinq soeurs qui évoluent en Turquie, où à partir d'un certain âge, chacun de leur mouvement et de leur parole sont vus comme sexuels. Les

Deniz Gamze Ergüven

actrices sont très belles et ne sont pas toujours fort couvertes mais la caméra ne les sexualise jamais. Durant les interviews françaises, la réalisatrice devait sans cesse se justifier. Elle voulait éviter les étiquettes politiques car la dénonciation de la situation des femmes en Turquie n'était pas son but recherché. Elle voit son film comme un conte. Les journalistes ne semblaient pas comprendre qu'une femme puisse faire un film pour l'art. Ils pointaient sans cesse l'érotisme et la sensualité des actrices qui sont pourtant toutes mineures dans le film et certaines dans la réalité. Les chroniqueurs la coupaient lorsqu'elle parlait, la prenaient de haut, essayaient de la convaincre que seul leur vision est la bonne. Au final, il s'agissait d'un discours de sourds où on ne laisse pas la chance aux femmes de se défendre ou de s'exprimer.3 Même lorsque le film est réalisé par une femme, sans sexualiser ses actrices. Si elles rentrent dans les critères de beauté, les gens auront tendance à les érotiser et feront tout pour trouver une justification à cela. Nous pouvons comprendre par cela que nous n'avons pas besoin d'être sexy pour être sexualisée puisqu'une femme est avant tout vue comme un objet du désir.

3 (Erguven, 2015)

2.2. LE CINEMA VU PAR LES FEMMES.

24

Comme nous l'avons vu dans l'historique, les femmes ont toujours été présentes dans le septième art, par déduction le regard des femmes aussi. Le « female gaze » a lui aussi été étouffé au profit du « male gaze » bien plus présent. Ce terme, comme son confrère, a été introduit par Laura Mulvey. Le « female gaze » ne doit pas forcément être créé par des femmes. Il adopte pleinement le point de vue et l'expérience du personnage féminin. Comme dans le Titanic, réalisé par James Cameron, le film est raconté d'un point de vue féminin. Le « female gaze » n'est pas là en opposition au « male gaze », il est là pour apporter une nouvelle forme de cinéma. Les spectatrices ne veulent pas que les rôles féminins remplacent ceux des hommes dans leurs histoires, elles veulent avoir les leurs, où elles sont écoutées et elles peuvent juste exister. Le « female gaze » dépend énormément de la mise en scène, les corps ne sont pas des objets fixes, ils sont en mouvement. La caméra ne se concentre pas sur une partie sexuelle comme les fesses mais joue avec les plans et nos sens. Le spectateur est actif dans son visionnage, là où dans le male gaze on lui impose le plaisir scopophile. Il va participer à l'expérience cinématographique par des techniques qui activent le regard tel que l'adresse directe à la caméra, la voix off ou encore la caméra subjective qui prend le point de vue directe de l'héroïne. Selon Iris Brey, pour savoir si un film participe au « female gaze », nous devons nous poser les questions suivantes : Est-ce que le personnage principal s'identifie en tant que femme ? Est-ce que l'histoire est racontée du point de vue du personnage principal féminin ? Est-ce que l'histoire remet en question l'ordre patriarcal ? Est-ce que la mise en scène permet au spectateur ou, à la spectatrice de ressentir l'expérience féminine ? Si les corps sont érotisés, est-ce que le geste est conscientisé ? Est-ce que le plaisir des spectateurs est produit par autre chose qu'une pulsion scopique ?

 

Récemment, nous avons vu plusieurs films réalisés avec un regard féminin. Des oeuvres comme « Insecure », « Booksmart », « Le portrait de la jeune fille en feu » et bien d'autres. Nous voyons à quel point deux histoires peuvent être racontées différemment en fonction du regard. Comme le personnage de Harley Quinn qui est présent dans « Suicide Squad », film réalisé avec un regard masculin. Puis, elle a droit à sa propre oeuvre

cinématographique dans « Birds of Prey », réalisé avec un regard féminin. Les deux interprétations sont complétement différentes. Dans « Birds of Prey », Harley Quinn a la possibilité d'être complètement elle-même, d'exprimer sa bizarrerie sans être sexualisée et d'être sujette au voyeurisme. Le « female gaze » permet aux jeunes filles de se construire par un regard de femme et non dans le but de plaire aux hommes comme le pousse le male gaze.

25

Harley Quinn dans « Birds of Prey " Harley Quinn dans « Suicide

Squad "

CONCLUSION

Après avoir pris connaissance des disparités de postes entre les femmes et les hommes dans le monde du cinéma et donc de la domination masculine sur celui-ci, nous avons pu comprendre pourquoi les tropes féminins récurrents étaient parfois si éloignés de la réalité. Les films reflètent la société ou plutôt la manière dont le réalisateur, homme souvent privilégié, voit celle-ci. C'est pourquoi les rôles des femmes de couleur sont si stéréotypés et dégradants. Même si nous tendons vers une évolution grâce à la mise en lumière de réalisatrices, scénaristes et cheffes opératrices.

Nous avons davantage pris conscience de l'emprise masculine sur les médias et donc, de son influence sur le monde au travers du male gaze et de son exécution intuitive. Nous avons observé les conséquences d'un unique point de vue sur la société. Et nous avons compris pourquoi ce regard est si apprécié et présent dans le système. En l'identifiant, nous avons pu reprendre un regard féminin grâce à la popularisation du « female gaze ».

Ce dernier raisonnement nous amène à nous poser quelques questions supplémentaires ; Est-ce que le « female gaze » peut vraiment exister dans une société patriarcale ? Comment la femme est-elle représentée dans d'autres horizons et cultures ?

26

Voilà quelques pistes qui méritent d'être approfondies...

27

BIBLIOGRAPHIE

Abdellatif KECHICHE, r.-s. S. (2019, mai 24). MEKTOUB MY LOVE INTERMEZZO - Conference de presse - Cannes 2019 - VF.

Amandamaryanna. (2020, juillet 29). The quirky/ akward black girl. Récupéré sur Youtube: https://www.youtube.com/watch?v=LDoFkIeJmYg&list=WL&index=40&t=12s

Brey, I. (s.d.). "Mektoub my love : intermezzo", l'apologie du male gaze par Kechiche. Récupéré sur Marie Claire: https://www.marieclaire.fr/mektoub-my-love-intermezzo-abdellatif-kechiche-notre-critique,1312643.asp

Brey, I. (2020). Le regard féminin Une révolution à l'écran. Éditions de l'Olivier.

Bris, V. L. (2018, février 15). LES FEMMES ET LE CINÉMA EN CHIFFRES. Récupéré sur Le prix Alice Guy: https://www.prixaliceguy.com/les-femmes-et-le-cinema-en-chiffres/

Browman, M. (2020, mars 29). Unpacking the Male Gaze: Birds of Prey vs. Suicide Squad.

Récupéré sur Youtube:
https://www.youtube.com/watch?v=0d3Pv4wk1QU&list=WL&index=80

Deruisso, B. (2021, mars 17). Iris Brey : «On est tou·tes le produit du male gaze». Récupéré sur les Inrockuptibles: https://www.lesinrocks.com/2020/02/06/cinema/actualite-cinema/iris-brey-on-est-tous-le-produit-du-male-gaze/

Erguven, D. G. (2015, juin 13). Deniz Gamze Erguven - On n'est pas couché 13 juin 2015 #ONPC. (L. R. Caron, Intervieweur)

folly, w. a. (2021, mars 31). Feminine Gaze & Transformative Stories. Récupéré sur youtube: https://www.youtube.com/watch?v=pwtwsyoKUFo

Galliot, E. L. (2021, mars 17). Comment les inégalités hommes-femmes au cinéma influencent

nos comportements. Récupéré sur les Inckoruptibles:
https://mobile.lesinrocks.com/2019/10/09/cinema/actualite-cinema/que-nous-apprend-letude-qui-analyse-comment-les-inegalites-homme-femme-au-cinema-faconnent-le-comportement-des-jeunes-femmes/

28

Giuliani, M. (s.d.). "Mektoub, My Love : Intermezzo" : le film hypersexuel d'Abdellatif Kechiche révulse Cannes. Récupéré sur Marie Claire: https://www.marieclaire.fr/mektoub-my-love-intermezzo-abdellatif-kechiche-critique,1312586.asp

Lyra, J. (2019, mai 26). J'ai vu Mektoub my Love : Intermezzo. Récupéré sur Youtube: https://www.youtube.com/watch?v=TEh7uxNZo4I

Regard féminin. (s.d.). Récupéré sur Wikipédia:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Regard_f%C3%A9minin

Stereotype Asian Hooker. (s.d.). Récupéré sur Fandom:

https://allthetropes.fandom.com/wiki/Asian_Hooker_Stereotype

The Take. (2019, décembre 13). The Cool Girl Trope, Explained. Récupéré sur Youtube: https://www.youtube.com/watch?v=bEKNFX7LWRk&list=WL&index=77

The Take. (2019, novembre 27). The Mean Girl Trope, Explained. Récupéré sur Youtube: https://www.youtube.com/watch?v=3AgCDkiKlhE&list=WL&index=78

The Take. (2020, septembre 01). The Feminist Trope, Explained. Récupéré sur Youtube: https://www.youtube.com/watch?v=5D0URXgUIrk&list=PLY8-JHLY9yDPIaO3VhNdSN9Axbsw4WzVD&index=25

The Take. (2020, avril 8). The Femme Fatale Trope, Explained. Récupéré sur Youtube: https://www.youtube.com/watch?v=XjAKd-Lfmt0&list=PLY8-JHLY9yDPIaO3VhNdSN9Axbsw4WzVD&index=7

The Take. (2020, avril 19). The Manic Pixie Dream Girl Trope, Explained. Récupéré sur Youtube: https://www.youtube.com/watch?v=b_gxo8l9j8s&list=PLY8-JHLY9yDPIaO3VhNdSN9Axbsw4WzVD&index=8

The Take. (2020, août 22). The Model Minority Trope, Explained. Récupéré sur Youtube: https://www.youtube.com/watch?v=LDoFkIeJmYg&list=WL&index=40&t=12s

The Take. (2020, février 01). The Smart Girl Trope, Explained. Récupéré sur Youtube: https://www.youtube.com/watch?v=JQcrIm5L-mA&list=WL&index=76

29

The Take. (2020, novembre 10). The Spicy Latina Trope, Explained. Récupéré sur Youtube: https://www.youtube.com/watch?v=8CviaikflJw&list=WL&index=68

The Take. (2020, mai 14). The Strong Black Woman Trope, Explained. Récupéré sur Youtube: https://www.youtube.com/watch?v=b_gxo8l9j8s&list=PLY8-JHLY9yDPIaO3VhNdSN9Axbsw4WzVD&index=8

The Take. (2020, mars 17). The Weird Girl Trope, Explained. Récupéré sur Youtube: https://www.youtube.com/watch?v=VDWzxeo6984&list=PLY8-JHLY9yDPIaO3VhNdSN9Axbsw4WzVD&index=5

The Take. (2020, septembre 24). The women in Refregirators Trope, Explained. Récupéré sur Youtube: https://www.youtube.com/watch?v=0d3Pv4wk1QU&list=WL&index=80

Titti, N. (2020, février 08). Oscars, sexisme et discrimination raciale : l'interminable combat des minorités pour la diversité à Hollywood. Récupéré sur France Culture: https://www.franceculture.fr/cinema/oscars-sexisme-et-discrimination-raciale-linterminable-combat-des-minorites-pour-la-diversite-a






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon