1. Quelles sont les initiatives majeures que vous mettez en
place au sein de la Ligue Auvergne-Rhône-Alpes pour fidéliser et
attirer des licenciés ?
Le problème de la baisse des licenciés est un
faux problème. Ce n'est pas le problème majeur. Le
problème majeur est plus dans la façon dont les gens aujourd'hui
consomment le sport en général.
La licence, qui est quelque chose d'institutionnel et qui
existe depuis toujours, n'est plus forcément adaptée aux modes de
consommation. On a vécu une période faste du tennis dans les
années 1980, 1990 où le tennis était le sport à la
mode, le sport tendance où les gens allaient dans les clubs, faisaient
des stages de tennis. On avait des appels entrants dans les clubs, il y avait
presque la queue et on avait 1,4 millions de licenciés. Le concept de la
pratique du sport dans ces années était : je pratique le sport
dans un club affilié à une fédération avec une
licence.
Dans les années 1990, est apparue une nouvelle
génération qu'on appelle dans le marketing sportif la
génération de "glisse". Cette génération de glisse
est née avec le roller, le skate. Mais en fait elle correspondait
à une façon de consommer le sport toute nouvelle et
différente. C'était, "je pratique du sport où je veux,
quand je veux, avec même parfois mes propres règles". Les
pratiquants créent leurs propres règles. Tout cela c'était
hors cadre clubs, licences, fédérations. En même temps est
apparue la génération "zapping", c'est-à-dire que les gens
sont amenés à consommer, à picorer des activités
à droite, à gauche. Pendant deux mois, je vais dans une salle de
gym, pendant deux mois, je vais faire du ski, ensuite, je vais faire du tennis
et autre chose. La façon de consommer du sport est devenue très
différente.
Et nous, pour revenir sur la baisse du nombre de
licenciés, toute cette période-là pour arriver
jusqu'à maintenant, 2020, le tennis n'est plus d'abord le sport tendance
et le sport à la mode. Le tennis a pris sa place, et une très
belle place puisqu'on est le deuxième sport en France en termes de
licenciés. Mais est-ce que la licence aujourd'hui est la
référence dans la mesure où les études montrent
qu'il y a
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environ 3 millions, 4 millions de pratiquants de tennis, sans
qu'on tout soit exact, mais il y a énormément de courts de tennis
qui sont non affiliés à la FFT, qui se situent dans des campings,
dans des universités, dans les communes avec les courts municipaux
où on va jouer gratuitement.
Donc la vraie réflexion par rapport à cette
problématique, il faut absolument réfléchir sur la
licence. La licence n'a quasiment pas bougé. Alors qu'il y avait eu dans
des études des résultats qui montraient l'inverse. On
était parti d'un verbatim sur les demandes qui pouvaient émaner
des pratiquants, des présidents de clubs, des non-licenciés qui
jouaient au tennis. Ce verbatim n'a pas été respecté, n'a
pas été pris en compte et donc on a abouti en fin 2019 a une
non-réforme. La licence n'a pas été réformée
alors que je pense pour surmonter la baisse du nombre de licenciés, il
faut réformer la licence.
À mon avis le problème est assez vaste, beaucoup
plus vaste parce que cela touche la licence, mais touche aussi la façon
dont les gens aujourd'hui consomment et pratique le sport. On est dans un
phénomène qui est beaucoup plus large, qui est sociétal.
On a eu le siècle dernier qui a été le siècle de
l'industrialisation et là, on vient de rentrer dans un siècle
nouveau, on va au contraire s'éloigner de l'industrialisation parce que
maintenant on a tous les outils. Les gens maintenant sont aussi sur une notion
de partage, on a BlaBlaCar, Airbnb. Il y a des tas de choses qui font que le
phénomène qui est en train de se passer va nous emmener à
reconsidérer aussi plein de choses dans notre façon de vivre.
Et nos clubs de tennis, alors j'en viens à la licence
et à nos clubs, la réforme elle est très large, elle va
porter sur la licence, mais elle va reporter aussi sur l'existence même
de nos clubs. Le principe d'un club, c'est qu'il est fermé. Un club veut
dire vous êtes membres ou vous n'êtes pas membre. Aujourd'hui, nos
clubs de tennis et bien ils sont réservés et les autres, ils
n'ont pas le droit de rentrer. Il y a même des gens qui aimeraient
peut-être pratiquer le tennis, mais je ne suis pas membre, je n'ai pas le
droit d'aller dans un club.
Aujourd'hui, l'image, la caricature qu'on pourrait avoir :
autour d'un club, il y a des barrières, des barbelés. Il s'agit
d'une caricature mais vous êtes "in or out". Quand vous êtes membre
vous pouvez aller dans le club. Mais sans être un membre, même si
vous êtes un petit peu attiré, la réponse est "je ne suis
pas membre, je n'ai pas le droit d'y aller". La réforme
générale, elle est peut-être sur le fait que ces
barrières de club doivent tomber. Parce que cela caractérise
quelqu'un qui est dans un club et quelqu'un qui n'est pas membre. Et là
c'est la licence, le fait d'être membre, mais membre cela veut dire
automatiquement une licence. Et donc, aujourd'hui, on ne différencie pas
la licence du
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compétiteur et du non-compétiteur. Je pense
qu'il s'agit de la société qui change et que la façon de
consommer le sport qui va nous amener à faire des modifications. Ces
modifications vont porter sur la licence, mais pas seulement.
Je pense qu'il y a une énorme réforme à
faire dans la façon dont on forme les enseignants. Effectivement, la
première qualité qu'on demande aujourd'hui à un enseignant
est l'humain, il faut aimer les individus. Si on a quelqu'un qui est
introverti, qui a du mal à communiquer cela va être
compliqué. La première qualité est l'humain et la passion.
Dans les critères de formation, il s'agit d'un élément
très fort.
On a maintenant les CQP AT (Certificat de Qualification
Professionnelle Animation Tennis) et CQP ET (Certificat de Qualification
Professionnelle Enseignant Tennis). Des formations sont faites, il y en
très peu malheureusement pour l'instant, mais cela existe pour des gens
qui voudraient jouer ce rôle de G.O, des organisateurs comme au Club Med,
dans un club. Cela est indispensable. C'est un rôle d'animation mais qui
doit faire partir de la formation de l'enseignant. Je vais exagérer mais
l'enseignement du coup droit et du revers vient après. Première
qualité, c'est l'humain. Deuxième qualité, c'est aimer les
autres, être capable de jouer ce rôle dans un club. Après,
bien évidemment, il faut apprendre le coup droit et le revers, mais cela
vient derrière. Et en matière de formation, il y a effectivement
un certain nombre de choses qu'il faut revoir. On est pareil sur un
modèle très ancien de formation avec le besoin d'évaluer
le formateur. Il y a tout un programme. Il y a un combat aujourd'hui qui se
mène entre le ministère des Sports et la FFT. Les
fédérations veulent récupérer la formation et le
diplôme. Il ne faut pas oublier que les diplômes d'enseignants sont
des diplômes d'État, c'est sous la coupe du ministère de la
Jeunesse et des Sports mais que les fédérations voudraient en
fonction de leurs sports faire évoluer le diplôme. La
volonté est de ne plus avoir un diplôme d'État, mais un
diplôme fédéral. Il y a un match en ce moment entre les
fédérations sportives et le ministère pour
récupérer le contenu et puis adapter justement le contenu et dont
l'animation fait partie.
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