5. Discussion
La question de la perception locale est de plus en plus
considérée dans les études portant sur l'évolution
des écosystèmes en relation avec les changements climatiques
(Roncoli, 2006 ; Thomas et al., 2007 ; Ouoba, 2013). En Afrique, les
informations ethnobotaniques restent l'un des moyens les plus indiqués
pour obtenir d'informations sur les dynamiques de la végétation.
Elles permettent largement de suppléer les photographies
aériennes et images satellitaires et donnent le point de vue et le
niveau de conscience des populations par rapport au phénomène.
5.1. Évolution des espèces
Les espèces ligneuses fournissent la grande
majorité de l'énergie domestique, de l'artisanat, des
matériaux de construction et de la pharmacopée (Sop et
al., 2011). Beaucoup de ces espèces contribuent à
l'alimentation du bétail par leurs feuilles et fruits (Hiernaux et
al., 2006). Il y a aussi des espèces ligneuses très
importantes dans l'alimentation des populations par leurs fruits et feuilles
(Lykke et al., 2004). Bien que les hommes et les femmes valorisent les
mêmes espèces, elles ne sont pas privilégiées de la
même manière. Parmi les espèces d'utilité d'autres
sont très sollicitées pour leur multiple usage. C'est le cas de
Anogeissus leiocarpa, Prosopis africana, Combretum nigricans, Khaya
senegalensis, Pterocarpus erinaceus, Vitellaria paradoxa sur lesquelles
une forte pression est exercée pour satisfaire les besoins en
médecine, en énergie domestique, élevage et construction.
Ainsi, comme bois de construction, les hommes priorisent Anogeissus
leiocarpa alors que les femmes mettent cette espèce en
deuxième position. L'hypothèse de départ stipulant que les
hommes et les femmes n'accordent pas la même importance aux
espèces est donc vérifiée.
C'est l'évolution actuelle de la
végétation qui a conduit à la commercialisation de
certaines espèces végétales autre fois accessibles
à tous et d'aucune utilité commerciale. Néanmoins
seulement quelques espèces de grande utilité pour la nutrition
font objet de commercialisation surtout pour leurs feuilles et fruits. Il
s'agit de Adansonia digitata, Senna obtusifolia, Balanites aegyptiaca,
Vitellaria paradoxa, Vitex doniana, Tapinanthus dodoneifolius
(épiphyte du Karité). Les nombreuses utilisations de ces
espèces ont conduit à une modification de la
végétation ces dernières années.Le patrimoine
naturel est l'ensemble des actifs, matériels et immatériels,
produits ou offerts par la nature, qui permettent notre vie. C'est aussi ce que
nous avons hérité de nos ancêtres et ce que nous devons
léguer aux générations futures. Les considérations
à long terme y jouent un rôle essentiel, pour que
l'évolution que connait ce patrimoine ces dernières années
ne conduise pas à l'éradication de toutes formes de vie sur
terre.
La végétation a connu ces dernières
années une évolution marquée par la régression et
la disparition de certaines espèces d'une part et l'augmentation
d'autres espèces végétales dans le milieu d'autre part.Les
connaissances locales ont révélées que plusieurs
espèces régressent comparativement au passé et certains de
ces espèces ont totalement disparues de la périphérie du
Parc W, dans la commune de Karimama. La majorité des espèces
disparues ou en voie de disparition sont celles ayant une grande importance
socio culturelle comme l'ont dit (Wezel et al., 2006). L'utilisation
de ces espèces nécessite pour la plupart leur élimination
car sollicitées pour le feu domestique et la construction. C'est le cas
du Khaya senegalensis, Afzelia africana, Kigelia africana qui sont
très sollicitées pour leur bois et qui aujourd'hui ont disparues
de la périphérie du Parc W. La diminution du Tapinanthus
dodoneifolius, sous arbrisseaux du Vitellaria paradoxa est une
évidence car son hôte est en forte régression. Les autres
espèces à faible importance socio culturelle qui disparaissent ou
diminuent sont celles qui subissent les effets de l'avancé du front
agricole et/ou de l'accroissement démographique. Les espèces
fortement préférées et régressives sont
principalement celles utilisées pour leur bois et produits forestiers
non ligneux.
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L'évolution régressive de la
végétation ligneuse perçue par la population dans la zone
d'étude pose le problème de durabilité de cette ressource
naturelle. Le nombre très important des espèces en diminution et
en voie d'extinction et l'envahissement des espèces ligneuses telles que
Balanites aegyptiaca constituent une menace pour le maintien de
l'équilibre écologique et de la diversité biologique dans
la zone d'étude.
Le nombre d'espèces qui augmentent est supérieur
à celui des espèces qui diminuent ou disparaissent. Ceci peut
être expliqué par le fait que ces espèces ne sont pas d'une
grande valeur socio-économique et donc ne subissent pas trop de
pression.
Parmi eux il y a des espèces de jachères donc de
reconstitution apparaissant sur des sols dégradées telles que
Cacia sieberiana, Combretum nigricans, Terminalia
laxiflora, Ficus exasperata, des herbacées périodiques
telles Senna obtusifolia, ainsi que des espèces
conservées pour l'utilisation de leur fruit, écorce ou feuille en
alimentation et en médecine Diospyros mespiliformis, Mangifera
indica, Moringa oleifera,, Anacardium occidentale, Ximenia americana. Ce
sont des espèces des milieux perturbé, ce qui prouve l'impact de
la régression du couvert végétal.
La prise de conscience aujourd'hui dans le milieu facilite la
reconstitution des espèces de façon naturelle ou sur initiative
précis des populations.
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