2.2- REVUE DE LA LITTERATURE
Il existe beaucoup d'écrits sur la gouvernance des
entreprises, mais peu sur la gouvernance des coopératives (Cornforth,
2005) et notamment sur la gouvernance organisationnelle des
coopératives. Or la gouvernance constitue un enjeu majeur pour toute
organisation notamment pour les coopératives puisqu'elle leur permet
d'affirmer leur identité qui est distincte de celle des entreprises
capitalistes.
Henri Desroche (op.cit) a travaillé notamment sur la
gestion démocratique et la communication dans les coopératives.
Il a élaboré à travers son étude le
quadrilatère coopératif. Ce quadrilatère sert à
analyser le fonctionnement démocratique de la coopérative, la
communication et les relations entre les différents acteurs (membres,
dirigeants, employés et gérants) de l'organisation. Desroche
(op.cit) a schématisé la complexité des relations dans le
quadrilatère coopératif, laissant apparaître des
subdivisions qui peuvent opposer les différents acteurs selon leur place
dans l'organisation des pouvoirs. La figure ci-après, présente le
quadrilatère coopératif et les possibilités de clivage
qu'il peut y avoir dans la gestion et la communication.
Figure 2 : Quadrilatère
coopératif et ses clivages
S : Sociétaires ou membres ; A
: Conseil d'administration de la coopérative ;
M : Managers ou gérants ; E
: Employés de la coopérative.
Le quadrilatère met en exergue quatre catégories
d'acteurs que sont : les sociétaires, le conseil d'administration ou
responsables de la coopérative, les managers et les
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employés. Les membres de la coopérative
élisent en Assemblée Générale les responsables de
la coopérative. Ces derniers recrutent l'équipe de gérants
pour assurer la gestion de l'entreprise coopérative. Ensuite, les
managers recrutent des employés qui servent dans l'entreprise et
fournissent des services aux sociétaires et aux usagers. Sur la figure
ci-dessus, en partant de la gauche pour la droite, différentes
observations peuvent être faites sur les quadrilatères. Le premier
quadrilatère représente l'équilibre entre les quatre
principaux acteurs de la coopérative. C'est une situation où la
communication et les relations entre les différents acteurs fonctionnent
normalement. C'est l'idéal souhaité pour toute coopérative
dans sa gestion démocratique. Mais des cas de conflits peuvent survenir
au cours de la vie de la coopérative. Ainsi, il y a deux
possibilités de rupture qui peuvent s'observer. Le deuxième
quadrilatère montre un clivage vertical. Il exprime un type de rupture
entre la partie associative (conseil d'administration et sociétaires) et
la partie entreprise (managers et employés). Le troisième
quadrilatère représente une fracture horizontale dans la gestion
démocratique de la coopérative. Il montre un type de tension
où les mandataires (conseil d'administration et managers) forment une
coalition contre les sociétaires et les employés. L'une des
insuffisances du quadrilatère coopératif est qu'il ne permet pas
d'analyser le fonctionnement des petites coopératives comme les GVPR qui
ne disposent ni d'employés, ni de gérants mais seulement de
sociétaires et managers.
Pour Bouchard (2005), la question de la gouvernance, telle
qu'elle est présentée dans les travaux sur les entreprises
capitalistes, paraît peu adaptée aux coopératives. Pour
elle, l'organisation des coopératives favorise la participation à
la gouvernance de toutes les parties prenantes. Pour analyser la gouvernance
dans les coopératives, Bouchard exploite des conceptions établies
par Schawn Turnbull (2000) qui se fondent sur différents modèles
d'analyse de la gouvernance.
Dans leur ouvrage, Regnard et Rousseau (op.cit) montrent que
la clé de voûte du fonctionnement coopératif est le
sociétaire. Ils utilisent le schéma du sablier pour expliquer le
fonctionnement institutionnel et organisationnel des coopératives.
Malgré que le sociétaire détient effectivement les
pouvoirs de propriété et de contrôle, ses droits sont
limités et ses capacités effectives restreintes. Alors, pour une
bonne
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gouvernance organisationnelle des coopératives, il faut
une forte participation des coopérateurs à la vie de
l'organisation.
L'implication des sociétaires dans la gouvernance de la
coopérative sera aussi évoquée par Morin (op.cit). Il a
réalisé une étude sur les principaux mécanismes
favorisant l'équilibre entre le management et la gouvernance
organisationnelle au sein des entreprises d'économie sociale. Ces
entreprises sont : les coopératives, les mutuelles et les associations.
Il identifie six éléments essentiels qui permettent d'assurer la
bonne gouvernance dans une coopérative. Ces éléments sont
: l'implication des acteurs dans les instances décisionnelles, la
communication et la transparence, le respect des champs de compétences,
l'enracinement dans le milieu, le leadership, la planification.
Tremblay et al. (2007) ont également
étudié la gouvernance dans les coopératives de
solidarité. Ils ont analysé la gouvernance suivant cinq (5)
dimensions principales que sont : les pouvoirs et respect des champs de
compétences, la transparence et la communication, la gestion
démocratique, le leadership, l'éducation - formation.
Pour Pasquet et Liarte (2012), il faut changer le mode de
gouvernance dans les coopératives. Ils utilisent la théorie de
l'agence pour déceler les pratiques déviantes et les effets
paradoxaux observables dans la gouvernance des coopératives. La
théorie de l'agence conçoit la firme dans sa globalité
comme un noeud de contrats.
Cartier et al. (2014) ont analysé la
gouvernance dans les coopératives à la lumière de trois
principales théories des organisations que sont : la théorie des
coûts de transaction, la théorie de l'agence et la théorie
des parties prenantes. Il ressort de leur étude que l'un des enjeux des
coopératives est de devenir des organisations de référence
dans l'application du modèle des parties prenantes tout en étant
viables économiquement.
Quant à Chris Cornforth (op.cit), il a travaillé
sur les différentes tensions qu'il peut y avoir dans la gouvernance
d'une coopérative. Les différentes théories sur la
gouvernance des entreprises prises individuellement ne permettent pas de
comprendre ces tensions. Alors, il appelle à élaborer un nouveau
cadre conceptuel qui pourrait intégrer les appréhensions des
diverses théories. Il avance une perspective en termes de paradoxe.
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Face à l'inadéquation des théories
classiques pour expliquer la gouvernance des coopératives, Morin
(op.cit), le Centre d'Etude de l'Entrepreneuriat Coopératif (2006), etc.
ont évoqué la théorie de la
dégénérescence de l'idéal démocratique.
Cette théorie stipule qu'au cours de la vie de la coopérative il
survient une perte des valeurs et principes démocratiques qui sont
sensés la gouverner. Les règles de gestion démocratique
sont abandonnées au profit d'autres méthodes de gestion qui ne
devraient pas être appliquées dans les coopératives.
La CCR-B (op.cit) dans son plan stratégique 2009 -
2013, a fait de la gouvernance organisationnelle une préoccupation
centrale pour le développement de l'organisation. Dans une analyse
diagnostic et prospective de la filière riz dans la vallée de
l'Ouémé, Agbaka et al. (2007) évoquent le
problème de la gouvernance au sein des organisations rizicoles. Ils
démontrent que la faible gouvernance organisationnelle des groupements
de riziculteurs produit des effets néfastes sur le développement
de la filière. Mais cette étude n'a pas recherché les
causes de cette faible gouvernance.
Les différents ouvrages consultés reconnaissent
l'importance de la gouvernance organisationnelle dans la vie des
coopératives. Plusieurs théories et approches ont
été utilisées par les auteurs pour analyser la gouvernance
dans les coopératives. Quelles que soit les théories
utilisées pour l'analyser, la gouvernance et notamment la gouvernance
organisationnelle reste une problématique majeure dans les petites
coopératives comme les GVPR. Or, très peu d'auteurs ont
abordé en profondeur la question de la gouvernance organisationnelle
dans les coopératives en milieu africain et principalement au
Bénin. La plupart des études portent sur de grandes
coopératives notamment occidentales, dont le fonctionnement est
comparable à celui des firmes capitalistes. Ce qui justifie d'ailleurs
l'utilisation par bon nombre d'auteurs des théories classiques de
gouvernance des entreprises capitalistes. Ainsi, l'aspect qui reste le moins
abordé est la gouvernance organisationnelle dans les petites
coopératives comme les groupements villageois. La plupart des auteurs
pensent qu'en raison de la taille relativement réduite, du nombre
d'adhérents et l'assise géographique peu étendue de ces
coopératives, leur gouvernance ne souffrirait d'aucun problème.
Mais le paradoxe est que la problématique de la faible gouvernance
organisationnelle se pose aussi dans ces groupements villageois. Alors, la
question reste posée de savoir :
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La gouvernance organisationnelle dans les Groupements
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quels sont les fondements de la faible gouvernance
organisationnelle dans les petites coopératives comme les groupements
villageois ? La présente recherche s'attellera à
déterminer ces fondements en prenant pour terrain d'étude les
GVPR de Zè.
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