CONCLUSION GENERALE
Notre préoccupation centrale dans cette
réflexion était d'élucider l'évolution et
l'impact des politiques agricoles sur le développement économique
et le secteur rural camerounais. Nous avons eu recours à une approche
thématique et chronologique dans une analyse systémique, qui
impose l'interdisciplinarité et un examen critique des
différentes sources d'informations. Cette approche nous a permis
de rendre compte de la situation de l'action publique agricole et son
incidence sur le développement économique du Cameroun en
générale depuis 1960. Elle nous a également permis de
retracer la situation de l'agriculteur camerounais et en particulier le paysan
dans les différentes phases de l'évolution des politiques
agricoles au Cameroun.
Le constat est clair. Les politiques agricoles sont une
réalité antérieure à la souveraineté du
Cameroun en 1960. Instaurées par les allemands à travers la
politique des grandes concessions et des grandes plantations, elles se
poursuivent pendant la période française à travers les
plans agricoles dont la concrétisation fut l'encouragement de la culture
des rentes, le développement des cultures vivrières, la promotion
du développement coopératif et la mise en place d'une
série d'instrument de mise en oeuvre des stratégies agricole. Ce
développement des politiques agricoles pendant la période
coloniale fit du territoire, une zone essentiellement agricole dont la
production était destinée au ravitaillement de la
métropole. La rentabilité du secteur échappait ainsi aux
indigènes au profit des colons.
Depuis l'accession du pays à l'indépendance, la
stratégie de développement agricole au Cameroun a
changé en fonction de l'évolution globale de
l'économie nationale. Ainsi pendant les deux premiers plans
quinquennaux, le gouvernement est dans la continuité de la politique
agricole coloniale en optant pour l'interventionnisme étatique et la
primauté accordée aux cultures de rente. Ces mesures
héritées de la colonisation placèrent le pays dans une
dépendance qui se matérialisait par l'apport des instruments de
la relation UE-ACP à savoir le Stabex et les FED.
La période allant de 1970 à 1985 constitua un
véritable tournant dans la formulation et la mise en oeuvre des
politiques agricole au Cameroun. Cette période faste fut celle de
l'accroissement de l'intervention de l'Etat à travers une augmentation
des entreprises agricoles publiques et parapubliques, des Missions et Projets
de développement. L'action de l'Etat continua à accordé
un privilège aux cultures d'exportation héritée de la
colonisation. Celles-ci apportèrent d'importantes devises avec une
contribution significative au PIB. L'encadrement agricole était
organisé et assuré par l'Etat à travers le
déploiement d'équipes techniques. La primauté aux cultures
de rentes ne signifiait pas une continuité de la marginalisation du
secteur vivrier qui reçut également des actions gouvernementales
via des structures telles que la MIDEVIV. Les agriculteurs avaient dès
lors un rôle et surtout une responsabilité relativement
réduite car les services à l'agriculture relevaient des
structures mises en place par l'Etat: approvisionnement, financement,
commercialisation. Cette période fit de l'agriculture le principal
moteur de croissance économique du Cameroun et le capital social du
paysan permit à ce dernier de favoriser l'ascension scolaire de ses
enfants et d'avoir un statut social prisé.
Avec la crise économique intervenue dans les
années 80 à la suite de la chute des cours mondiaux des produits
de rente et la dépréciation du dollar, l'Etat fut
confronté à l'obligation de restructurer son action dans le
secteur agricole. Il décida ainsi de réduire ses
dépenses et revit son rôle au niveau général de
l'économie avec comme principales orientations : la
libéralisation, la privatisation et le désengagement. Au niveau
agricole, l'Etat se désengagea de la plupart des services
autrefois assumés (encadrement technique, financement,
commercialisation, etc.) et encouragea l'émergence d'acteurs
privés et de dynamiques paysannes pour assurer désormais ces
activités à travers les lois de la libéralisation
adoptée en 1990. Toutes ces mesures furent confinées dans la NPA
adoptée en 1990. Ces mesures bien qu'elles permirent une reprise
sensible de la croissance, diminuèrent considérablement le
capital social du paysan. La libéralisation agricole remit en cause le
droit à la sécurité alimentaire des plus faibles, en
déstabilisant les agricultures locales et en renchérissant le
coût de la facture alimentaire. Elle provoqua également un
renchérissement des intrants agricoles dont le corolaire fut la
dégradation de la santé des plantations, une évolution
à pat de tortue de la production agricole, augmentant ainsi la
pauvreté en milieu rurale et l'exode rural. Cette dernière eut
pour corollaire un vieillissement de la population agricole. Ainsi la
libéralisation agricole ne fut guère bénéfique au
paysan camerounais, elle favorisa plutôt l'émergence du
fonctionnaire agriculteur qui présentait une situation crédible
face aux institutions financières et aux IMF par rapport au petit
producteur.
Le début des 2000 constitua un retour de
l'interventionnisme étatique et de la planification stratégique
du développement économique à travers la formulation des
documents stratégiques. Deux ans après la révision de la
NPA, le gouvernement avec l'appuie des IFI, adopta le Document de
Stratégie de Développement du Secteur Rural qui traduisait la
volonté du gouvernement de reprendre en main la question du
développement rurale. Il fut associé au Document de
Stratégie de Réduction de la Pauvreté qui s'inscrit dans
la stratégie à long terme du gouvernement de devenir un pays
émergent à l'horizon 2035. Sa révision conduit à
l'adoption du Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi dont
les objectifs visent globalement à moderniser et à rendre plus
productif le secteur agricole camerounais. C'est dans cette ligne
stratégique que le chef de l'Etat lança la nouvelle politique
agricole de deuxième génération (NPADG) au comice
agro-pastorale d'Ebolowa en 2011. C'est cette nouvelle politique dont la phase
pilote a débuté avec le programme des Agropoles qui couvre la
période.
De ce fait une analyse à mi-parcours a permis de
déceler la continuité des obstacles qui peuvent servir de frein
à l'émergence agricole du Cameroun à savoir une
continuité de la cherté des intrants, un financement
marginalisant le petit producteur et une dégradation de la
sécurité alimentaire. Des propositions furent ainsi faites
à savoir une croissance du volume de production accompagnée d'une
introduction des mutations technologique, un recadrage de la place du paysan
dans la question agricole et le développement rural, une mise en place
des instruments de financement spécifiques et accessibles par le petit
producteur et un recadrage du système éducatif camerounais. C'est
dire qu'aujourd'hui, comme il y a 50 ans, le secteur agricole reste au coeur
des préoccupations de l'Etat camerounais dont les projets et programmes
ne doivent pas restés confiné dans les tiroirs ou donner
naissances à des gouffres financiers ou des éléphants
blancs. Il doit promouvoir le développement rural dans le but de
favoriser l'augmentation de la classe moyenne dont le pourcentage constitue un
indicateur important du développement économique d'une Etat.
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