II. ENVIRONNEMENT ORGANISATIONNEL
1. Les acteurs de l'organisation
Le Gbônnô est avant tout un rite traditionnel
faisant parti des us et coutumes du village. Il est tout à fait
indiqué donc que la responsabilité de l'organisation incombe de
chef au pouvoir traditionnel du village, c'est-à-dire la chefferie.
C'est d'ailleurs elle qui en est à l'origine, puisque c'est elle qui a
la charge des défunts animistes dont les funérailles
définitives ont lieu pendant l'évènement. C'est aussi elle
qui détermine la fin et le début de l'année selon le
calendrier traditionnel, fixe la date de l'évènement et autorise
le début de la célébration. Elle est au coeur de toutes
les cérémonies qui meublent l'évènement et
détient le droit exclusif de tous les rituels qui accompagnent la
célébration. C'est dire au total que la chefferie apparaitcomme
l'organisateur principal de l'évènement.
Cependant, bien d'autres catégories de personnes aux
rôles déterminantsinterviennent dans le déroulement de la
célébration. Il s'agit notamment des femmes, les sacrificateurs,
les porteuses des charges contenant l'âme des défunts,
l'association des jeunes du village et les scouts.
Les femmes occupent une place de choix dans l'organisation du
Gbônnô, spécialement en ce qui concerne son volet
funérailles ou lourri.Elles interviennent en amont dans la
préparation de la boisson traditionnelle qui sert pour les rituels.
Cette tâche leur est exclusivement confiée dans la logique de leur
place dans la société en tant que chargées des
tâches ménagères, surtout que dans l'environnement
linguistique des Gur dont les Dègah font partir, la vente de cette
boisson est une activité commerciale réservée aux femmes
qui ont un savoir-faire exceptionnel en la matière. Pendant tout le
déroulement des rites funéraires, elles restent en permanence
dans les familles de deuil jusqu'au Côta qui symbolise
l'accompagnement des morts et la fin des funérailles. C'est aussi elles
qui, dans la logique de leur fonction maternelle, confectionnent le
Côta-coûliî qu'elles donnent elles-mêmes en
offrande aux défunts comme dernier repas avant leur départ
définitif au pays des morts. Toute la durée de
l'évènement, elles restent à la tâche pour soutenir
les hommes et faire à manger à leurs familles et aux
étrangers qui arrivent nombreux pour la circonstance. C'est ce
mérite qui leur vaut d'être célébrées lors de
la cérémonie officielle de la fête du nouvel an à
travers les honneurs qu'on leur rend par les défilés qu'on leur
permet.
Il y'a aussi les sacrificateurs et les porteuses des
Lacôhlî ou charges contenant l'âme des
défunts. Ces personnes ne sont pas choisies au hasard. Pour chaque
famille en deuil, il existe une famille alliée à qui il revient
ces deux (2) responsabilités. C'est de cette famille alliée que
viennent forcément celui qui offre les animaux en sacrifice et celle qui
va porter la charge. Cette coutume s'explique par les rapports interculturels
et alliances qui existent entre les deux familles. En effet, en cas de litige
dans une famille donnée, la médiation de la famille alliée
contraint les protagonistes à trouver un accord et à faire la
paix. De même, les défunts doivent impérativement
agréer les prières qui leur sont adressées et accepter de
quitter définitivement les siens dès l'instant où un
membre de la famille alliée intervient dans les rituels.
Un autre acteur important de l'organisation de
l'évènement est la jeunesse du village. Celle-ci intervient
quelques fois aux côtés des sages qu'ils observent pour apprendre
auprès d'eux en vue d'assurer valablement leur relève et pour
garantir la transmission et la pérennité de la coutume. Mais dans
l'entendement des jeunes, le Gbônnô est avant tout la plus grande
fête du village dont ils ont l'obligation de s'approprier pour en
garantir le succès. C'est pourquoi ils s'investissent pleinement dans
l'organisation au sein d'un comité d'organisation dont la charge
principale est la gestion des moyens matériels requis notamment les
bâches, chaises et sonorisation, et l'organisation des danses
traditionnelles.
La jeunesse intervient également aux côtés
des scouts du village dans le maintien d'ordre et la sécurité
pendant les activités. Les scouts sont réputés pour leur
expérience qu'ils acceptent volontairement de mettre au service du
village par leur intervention notamment lors du Côtaou
l'accompagnement des morts et pendant la fête solennelle du nouvel an
pour assurer l'ordre et la sécurité. Cette participation des
scouts témoigne du caractère festif et socioculturel de
l'évènement bien qu'ayant un fondement traditionnel.
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