L'esthétique du titre de fiction sérielle, vers un système scriptovisuel du genre narratif.( Télécharger le fichier original )par Morgane LONGUEPEE Sciences du langage, de là¢â‚¬â„¢information et de la communication de Limoges - Master 1 Sémiotique et Stratégies 2015 |
2.2. ANALYSE DE CORPUS FILMIQUE FANTASTIQUENous allons analyser l`identité visuelle à travers les fictions sérielles appartenant au genre fantastique. L`art de choisir la bonne typographie dépend de nombreux paramètres qui sont parfois subjectifs. De l`histoire des polices de caractères aux connotations actuelles, nous allons voir comment les polices d`écritures servent des projets spécifiques comme l`esthétique textuelle ou d`autres finalités de séries télévisées fantastiques. 50 2.2.1. LE GENREFANTASTIQUED?ÉPOUVANTE ILLUSTRÉPAR LA FICTION SÉRIELLEAMERICAN HORROR STORY51 52 Le genre fantastique d?epouvante illustré par la fiction sérielle American Horror Story American Horror Story est une série horrifique d'anthologie. En effet, celle-ci aborde chaque saison de manière à illustrer une intrigue, un lieu, une époque et des personnages différents ; dont le dénouement vient mettre fin à l`histoire pour laisser place à une tout autre intrigue indépendante dans la saison suivante. À travers les saisons, le casting est quasiment identique cependant, les acteurs endossent des rôles dont les caractères et les identités varient. Cette série tient sa particularité en cela, puisque même si un fil conducteur relie les saisons entre elles, l`ambiance, la thématique fantastique et les personnages sont changeants. Comme si l`on observait les différentes vies antérieures de cette tribu de personnages inexorablement liés par un passé, un présent et peut-être un futur. Plan de l'expression Sur le plan de l`expression, la typographie utilisée pour American Horror Story, est le résultat d`un assemblage de deux polices de caractères soit, Rennie mackintosh et Willow. La typographie Rennie Mackintosh s`inspire des travaux d`écriture et des dessins du designer et architecte écossais Charles Rennie Mackintosh, un artiste réputé pour ses constructions, intérieurs et meubles très avant-gardistes, créés au tournant du siècle à Glasgow en Écosse. La Rennie Mackintosh fut créée en 1993 par George R. Grant pour le Willow Tea Room en Écosse qui appartient à la Charles Rennie Mackintosh Font Company (CRMFontCo). La police Rennie Mackintosh est une police sans sérif qui possède un style tout à fait unique, dont les caractères majuscules et minuscules inclus sont traités comme des capitales. Les majuscules « A » et « H » disposent d`une double barre transversale et leurs minuscules d`une triple barre transversale. Les caractères « Q » et « O » sont très intéressants lorsque l`on met en parallèle le traitement des majuscules et des minuscules. En effet, alors que le « Q » majuscule détient un grand bol ainsi qu`une descendante prolongée qui atteint le niveau de référence, le « Q » minuscule quant à lui possède un bol plutôt réduit et une descendante qui s`arrête au-dessus du niveau de référence. La police d`origine Willow regular a été conçue par Joy Redick en 1990, et fait partie de l'Adobe Originals Woodtype Collection. ITC Willow a été conçu par Tony Forster en 1990. Une police contemporaine, telle que Willow, évoque le style Arts and Crafts écossais rendu populaire par le peintre et réformateur social Jessie Marion King (1875 à 1949), ainsi que l'architecte et designer 53 Le genre fantastique d?epouvante illustré par la fiction sérielle American Horror Story Charles Rennie Mackintosh (1868-1928) de l'école de Glasgow. La typographie s`inspire de la devanture du Willow tea Room, un des trois salons de thé à Glasgow conçu par Mackintosh. La police de caractères se distingue par ses barres doubles transversales sur les majuscules « A » et « H » et le design inhabituel de la majuscule « O », qui est soulevé au-dessus du niveau de base, avec deux points centrés au-dessous du bol. Ces typographies ont été entremêlées et retravaillées en 2011 afin de servir l`image de la série d`anthologie. Ainsi, la typographie d`American Horror Story est une police sans empattement de la famille des antiques. Elle présente de faibles contrastes entre pleins et déliés. Il y a un contraste intéressant entre un oeil relativement petit comparativement à de longs jambages inférieurs ou encore une certaine inclinaison de l`axe des lettres. La police se distingue par les doubles barres transversales sur la majuscule « H », et la conception inhabituelle de la majuscule « O », qui est soulevée au-dessus du niveau de référence, avec un point centré sous le bol. L`oeil du caractère « O » s`est élargi, mais reste pourtant petit en comparaison avec les autres caractères. Ce caractère se pose maintenant en dessous du niveau de référence, une caractéristique qui n`existait ni dans Willow ni dans Rennie Mackintosh.
Le « R » quant à lui, présente une alternance des largeurs au niveau des déliés qui contrastent avec les pleins. Ces déliés contrastent avec l`apparence linéale des autres caractères afin d`appuyer la différenciation de cette police de caractères. Plan du contenu La typographie est basée sur l'écriture de Charles Rennie Mackintosh. Celle-ci fut travaillée en 1904 pour le Willow Tea Room. Mackintosh s`est inspiré du nom « Sauchiehall » qui, en vieux 54 Le genre fantastique d?epouvante illustré par la fiction sérielle American Horror Story Écossais, se traduit par « à l'Allée des Saules »55. La signification celtique du saule possède une longue histoire associée au symbolisme des pratiques métaphysiques et rituelles. Le saule, depuis les temps antiques, a toujours été associé à la mort. En Europe du Nord, le mot « witch » (sorcière) et « wicked » (mauvais) sont dérivés du nom « willow » (saule). En effet, l`origine du mot « witch » vient de "wei" qui signifie « pour tordre » et provient du latin « vicis » qui veut dire le « changement ». « Witch » est aussi quelque chose fait d'osier; quelque chose qui pourrait être plié facilement, comme une branche de saule. On le considère comme un arbre d'enchantement. Dans la mythologie celte, il est associé au mythe de la création de deux oeufs écarlates d`un serpent de mer, qui contenaient le soleil et la terre. Ces oeufs ont été cachés dans les branches du saule jusqu'à ce qu'ils aient éclos, de ce fait apportant la vie terrestre. Le saule est également associé à la mort, car c'est la conclusion évidente à la naissance et à la vie. Il représente aussi la santé et la fertilité. Une autre caractéristique du saule est sa grande flexibilité. Le saule est l'un des rares arbres qui peuvent se plier dans des poses extravagantes sans rupture. Ceci constitue une métaphore puissante pour ceux d'entre nous sur un chemin spirituel. Le message ici est de s`adapter à la vie plutôt que de la combattre. Outre sa capacité d'adaptation, le saule est capable non seulement de survivre, mais aussi de prospérer dans certaines conditions des plus difficiles. Le saule est un producteur prolifique, il est capable de prendre racine à partir d`une seule branche56. À travers ces références mythologiques celtes, la typographie du Willow Tea Room de la même manière que celle de la série American Horror Story s`imprègne de ces valeurs associées à la vie, à la mort, mais aussi à la renaissance ; des thématiques au coeur de la trame narrative de la série. Ainsi, la réédition de la police de caractères Charles Rennie Mackintosh correspond parfaitement à American Horror Story. En dehors du contexte de la fiction, ces lettres sinistres ne semblent pas seulement donner au lecteur un sentiment d'élégance ou de distinction. En effet, les barres horizontales du A et du H sont toutes les deux très proches du niveau supérieur. Ce qui les rend inégales, mais également menaçantes du fait de leur hauteur de jambage comme si elles se tenaient debout prêtes à bondir. Par ailleurs, dans American Horror Story les caractères pourraient métaphoriser des maisons, des asiles et l'autorité incontestable de cette force supérieure qui exerce constamment son emprise sur les personnages. La typographie de la fiction arbore un style appelé « all-caps ». Alice Robb s'est penchée sur la question pour le magazine américain The New Republic. Redirigée par un linguiste vers des groupes de discussion Usenet, précurseurs des forums, elle cite, entre autres, le message posté par 55 The willow tea rooms, History, disponible sur http://www.willowtearooms.co.uk/ [consulté le 02.03.2016]. 56 Celtic Meaning of the Willow Tree, disponible sur http://www.whats-your-sign.com/celtic-meaning-willow-tree.html [consulté le 02.05.2016]. 55 Le genre fantastique d?epouvante illustré par la fiction sérielle American Horror Story un certain Dave Decot, en 1984, qui définit l'usage des lettres capitales. Selon lui, « il y a trois façons de mettre en exergue son discours. La première serait d`utiliser les lettres capitales pour que les mots sonnent plus fort, la deuxième serait d`entourer d'astérisques les mots sur lesquels on voudrait mettre l'accent. Et enfin, la troisième serait d`espacer les caractères »57. Pour la typographie de la série, la sobriété et la discrétion ne sont pas de mise. En effet, en décidant de mettre en exergue son titre avec ce style all-caps, American Horror Story adopte une position de supériorité hiérarchique, créant non en s'excusant des situations inconfortables pour le téléspectateur. Dans l'univers fantastique et horrifique, il y a des irrégularités entre le réel et l`irréel. Dans la police de caractères d`American Horror Story, l`exemple parfait est celui de la lettre « O ». Contrairement aux autres caractères, il semble être parfaitement circulaire; une perfection qui, dans le contexte, semble hors de propos. Contrebalancer cette lettre circulaire, d'une taille disproportionnée et d`un petit point carré qui le soulève, inverse cette notion de normalité typographique. À l`envers, on peut remarquer que le « O » a un signe diacritique. Les traverses du « E » sont alignées et le terminal supérieur du « S » est prématurément attaché. Ceci ajoute un aspect disproportionné aux caractères. Le jambage inférieur du « R » est semblable à une faucille, répété à cinq reprises dans le titre. Bien qu`il ait de l`espace entre chaque caractère, le « O » mentionné ci-dessus semble être compressé entre les caractères environnants, créant une claustrophobie légère. Ces caractères disproportionnés, la structure irrégulière, les crénages serrés et des caractères aiguisés, cette police de caractères particulière évoquent la singularité de la fiction. Niveau fonctionnel L`enjeu de la typographie de cette série est tout autant esthétique que pragmatique. Esthétique tout d`abord, car, elle met en avant un style innovant et précurseur. En effet, cette typographie élégante est en adéquation avec l`art nouveau, les influences japonaises, les formes naturelles, et les lignes courbées qui ont inspiré Charles Rennie Mackintosh. Tin second enjeu d`ordre pragmatique est également en cause, car ces caractères novateurs vont susciter l`intérêt et la curiosité de la cible. Celle-ci sera donc dans une démarche introspective au regard de cette série arborant une typographie d`un nouveau genre. 57 A. ROBB, How Capital Letters Became Internet Code for Yelling, And why we should lay off the all-caps key, 17.04.2014, disponible sur https://newrepublic.com/article/117390/netiquette-capitalization-how-caps-became-code-yelling [consulté le 03.05.2016]. 56 |
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