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Une agriculture urbaine durable à Kigali.( Télécharger le fichier original )par Felicien SEBUHINJA Universite du Maine - Master 2010 |
VII.1.3. Cette prise en compte préserve-t-elle des espaces qui permettront aux fonctions de production de l'agriculture de grands espaces de s'exprimer de façon lisible?La carte des zones d'enjeux met en évidence que c'est dans les zones à enjeux environnementaux forts (zones pentues et zones humides) que l'agriculture des grands espaces a été réservée. L'agriculture des zones humides aura probablement tendance à diminuer au cours des prochaines années, sous l'effet conjugué de l'urbanisation et d'une possible relocalisation des activités agricoles par les acteurs de l'environnement. Avec 35% du territoire situé dans des zones ayant une pente supérieure à 20%, il ne sera pas possible d'y installer une agriculture effectivement productive. ZONES URBAINES Réserves naturelles, Agroforesterie, Peuplement contrôlés (managed woodlots) Forêts existantes Pâturages/élevage Reforestation Agroforesterie Reforestation Agriculture ZONES Agriculture traditionnelle et Commerciale Jardins de subsistance Coopératives agricoles sèche R Agriculture à petite échelle (small scale agriculture), agroforesterie ésidentiel rural RURALES agriculture commerciale et coopératives agricolecs Réserves naturelles jardins communautaires, Zones humides Faible densité Potagers et communautaires Jardins Densité moyenne Jardins dans des conteneurs Parcs artificiels, Vases sur balcons, arbres de rue Haute densité Jardins su les toits des maisons Centre urbain 62 Figure 5: Transect de localisation de l'agriculture urbaine selon le master plan Source : adapté du master plan par SEBUHINJA (2 010) Organismes de financement : FAO, ONG, institutions financières et banques RECO RWASCO + MININFRA Figure 6:Schémas d'acteurs Acteurs de la société civile (syndicats,...) ELUS URBAINS Acteurs absents REMA + Ministère de tutelle Administration urbaine +MINALOC NAFA + Ministère de tutelle Légende du schéma d'acteurs: Logique de gouvernance Logique de participation Logique de compétitivité et/ou de complémentarité Logique de partenariat financier/technique/logistique ESPACES AGRICOLES ET AGRICULTURE URBAINE Service des Terres, Urbanisme et Habitat RADA, RARDA, RHODA + ministère de tutelle (MINAGRI) Institutions scientifiques et techniques (enseignement, ISAR,...) Service agricole urbain Projet PAPUK Acteurs annexes Mines, carrières et tourisme + leurs ministères de tutelle Service d'infrastructure et environnement Service de l'eau, assainissement et énergie Porteurs de projets agricoles 63 VII.1.4. Comment s'organisent et se dessinent les jeux d'acteurs ? VII.1.4.1. Le schéma d'acteurs64 VII.1.4.2. Caractérisation sommaire des acteursa) Les acteurs institutionnels Dans cette catégorie d'acteurs, on trouve notamment le RADA, le RARDA, le RHODA, le REMA, le NAFA, le RBS, le FDC, la ville de Kigali et ses districts, les différents ministères concernés (MINAGRI, ministère des terres et de l'environnement, ministères des forêts, ministère de l'administration locale, ministères des infrastructures ainsi que les institutions gouvernementales de soutien (eau et électricité, ....). Le RADA est chargé entre autre de mettre en oeuvre la politique agricole nationale et le RARDA met en oeuvre la politique agricole nationale en matière d'élevage tandis que le RHODA est chargé de la promotion et du développement des produits horticoles. Bien que le ministère de l'agriculture n'accorde aucune importance spécifique à l'agriculture urbaine , il finance néanmoins certaines activités des districts urbains. Le RADA distribue des semences sélectionnées et des engrais et donne des formateurs au besoin. Il achète aussi la production aux producteurs. Un projet intitulé `'Rainwater harvesting project» logé au RADA aide certaines écoles comme l'école secondaire saint André à faire l'irrigation au goutte à goute des cultures maraichères. Le RARDA donne des vaccins pour bétail, distribue des vaches dans le cadre du projet `'one cow one family» ainsi que des produits vétérinaires ad hoc et des semences fourragères. Il paye aussi les techniciens vétérinaires de secteur. Le REMA est l'organe chargé de contrôler, de faire le suivi et de s'assurer de l'intégration des aspects environnementaux dans tous les programmes de développement national au Rwanda. Outre ces tâches, le REMA intervient entre autre dans la stabilisation des berges des rivières notamment la Nyabarongo et la récolte des eaux de pluie en collaboration avec la ville de Kigali. Il autorise les activités après analyse de leur impact environnemental. Le fonds de développement communautaire (FDC) finance les projets des districts (y compris les projets agricoles des districts urbains). Le Rwanda Bureau of Standards (RBS) fait la normalisation notamment des produits d'élevage et autres. Il contrôle la qualité des produits agricoles par rapport à ces standards fixés. 65 Un cadre d'échange regroupant le MINAGRI et ses offices et la ville de Kigali et ses districts et techniciens a été décidé lors d'une séance de validation du plan stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine. Une diversité de vues existe entre les acteurs de l'agriculture, de l'environnement et de l'urbanisme sur le programme de l'agriculture urbaine et périurbaine (document de plan stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine, 2009, p.30). Au Rwanda, la deuxième phase de décentralisation de 2005 a transféré les pouvoirs et l'autorité du Gouvernement Central vers les Gouvernements Locaux rendant ainsi les Districts des entités légalement et administrativement autonomes. Avec cette décentralisation, trois rôles et responsabilités ont été dévolus au niveau central (national) : la formulation des politiques, la mobilisation des ressources et le renforcement des capacités. En matière d'agriculture urbaine et ses espaces, trois acteurs de la ville de Kigali sont directement concernés : - les élus urbains ; - l'administration et - les services techniques (agricoles) ainsi que le projet PAPUK. Les élus urbains constituent le conseil de la ville et du district, comité exécutif de la ville et du district, conseil de développement de la ville ou du district L'administration de la ville est constituée par le comité exécutif de la ville ou du district, le conseil de district, secrétariat exécutif de la ville ou du district. Les services techniques exécutent chacun en ce qui le concerne (eau, assainissement et énergie, agriculture, infrastructures et environnement, terres, urbanisme et habitat, ...). En matière agricole, le service agricole et le projet PAPUK financé actuellement par la FAO, sont directement concernés. Sur le terrain, ils rencontrent d'autres acteurs dans une logique de participation, de gouvernance, de compétitivité et/ou de complémentarité, de partenariat financier, technique ou logistique.
Ce sont les acteurs clés de la filière. La ville de Kigali compte environs 2 158 agriculteurs et éleveurs regroupés dans 119 coopératives et associations reconnues officiellement au niveau de la Mairie et repartis dans différentes filières de l'agriculture urbaine et péri -urbaine dont 3 spécialisées en gestion de pépinières fruitières ou d'agroforesterie , 4 en apiculture, 30 dans l'agrobusiness, 20 dans l'agriculture et l'élevage, 22 dans les champignons, 12 dans l'agriculture pure, 16 dans l'horticulture et 12 dans l'élevage pure (stratégie d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine de Kigali, p.33). L'option coopérative est la plus préférée par la mairie mais les coopératives agricoles connaissent des problèmes de gestion. 67 Une analyse des perceptions sur l'agriculture urbaine a permis de constater trois catégories d'agriculteurs urbains à Kigali (SEBUHINJA, 2009): - des agriculteurs héritiers d'une culture agricole menacée dont certains pratiquent l'agriculture faute de mieux ; - des agriculteurs innovateurs et - ceux revendiquant un statut d'entrepreneurs. La première catégorie est la plus dominante mais tout semble faire croire que s'ils trouvaient mieux, ils abandonneraient carrément l'agriculture urbaine. Les deux dernières catégories sont peu nombreuses et cela pourrait signifier que les gens hésitent à s'engager dans l'agriculture. En matière d'élevage, les acteurs sont pour la plupart des fonctionnaires, des militaires, des commerçants,... en démarche entrepreneuriale mais brillant par l'absentéisme car ils ont d'autres occupations. Les acteurs industriels sont constitués de laiterie (deux laiteries présentes dans la ville), d'abattoirs (deux abattoirs présents), de transformateurs de produits agricoles et leurs dérivés (minoterie, fabrication de purée de tomate, boulangerie, boucherie charcuterie, fabrications de bières et limonades, transformations de cuirs et peaux, fabrication d'aliment pour bétail,...). Selon des informations recueillies sur le terrain, un grand projet de culture irriguée à Masaka est en cours d'étude en collaboration avec le ministère de l'agriculture et des ressources animales tandis qu'un grand marché régional de légumes et fleurs de 20 ha va être installé à Masaka (Kicukiro). Le projet PAPUK en collaboration avec le service environnement compte installer des jardins potagers arrosés à l'eau de pluie dans 50 ménages par secteurs.
A Kigali, tout comme dans tous les districts du Rwanda, dans le cadre de la décentralisation, il a été créé un organe dit « Joint Action Forum » ou « Forum d'Action Conjointe » de partenariat 68 entre tous les acteurs de développement et l'administration des Districts. Ce Forum d'Action Conjointe est un Forum réunissant tous les représentants des acteurs de développement du District (bailleurs, programmes/projets, société civile, secteur privé, confessions religieuses, ONGs, organisations philanthropiques, etc.) qui agissent d'une manière ou d'une autre et qui ont un rôle direct et ou indirect dans le développement du District. Cet organe qui réunit à la fois des acteurs du secteur public, du secteur privé ainsi que ceux de la société civile contribue au développement durable du District depuis la planification jusqu'à l'évaluation en passant par l'exécution des actions de développement.
Leurs objectifs sont en général ceux de leurs membres : organiser la filière et attribuer à chacun des acteurs la place qui lui convient le mieux pour assurer la progression du secteur entier, en profitant des synergies possibles. 9 En période que l'on pourrait qualifier de normale, la tendance des prêteurs est de s'orienter vers des projets rentables dont le retour sur investissement et la production sont les plus rapides possibles. L'agriculture étant une économie à cycle long et soumise à beaucoup d'impondérables, elle s'en trouve pénalisée. D'autre part, la question de la lisibilité foncière est centrale et stratégique pour la pérennité économique de l'agriculture périurbaine. En effet, pour reprendre une exploitation comme pour créer une activité nouvelle, un agriculteur a besoin d'une visibilité au moins égale à la durée de remboursement de ses emprunts, soit entre dix et vingt ans en moyenne (Certu et al., 2008). Si la ville ne lui offre pas cette visibilité, les banques ne prendront pas le risque de l'accompagner et il ne pourra faire les investissements nécessaires à son activité (foncier, bâtiments, cheptel, machinisme... ). 69 i) Les absents des jeux de la filière Ces acteurs seront amenés, à jouer un rôle important, sans pour autant intervenir directement sur le destin de la trajectoire de développement de la filière. En effet, un fait avéré et étiqueté comme tel est que, à Kigali, l'urbanisation est inéluctable. Les services d'habitat et d'infrastructures vont être très sollicités tandis que les services d'environnement seront dépassés par les impacts de cette urbanisation sur l'environnement (gestion des eaux dont le taux de ruissellement aura été augmenté par l'artificialisation des espaces, gestion des déchets. Les espaces prévus pour les constructions suffiront-t-il ? Que se passera-t-il si, au lieu de l'hypothèse standard (5,43% de taux de croissance) c'est l'hypothèse haute (8% de taux de croissance) qui se produit. Les espaces agricoles résisteront-ils à cette urbanisation et à son impact ? Les acteurs actifs aujourd'hui auront un intérêt à y voir une opportunité d'actions proactives de leur part ou une menace à faire sauter ou contourner. |
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