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Une agriculture urbaine durable à  Kigali.

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par Felicien SEBUHINJA
Universite du Maine - Master 2010
  

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UNIVERSITE DU MAINE

Faculté des Lettres, Langues et Sciences Humaines

Master Sciences Humaines et Sociales

Mention géographie et aménagement

Spécialité Politiques territoriales et Développement durable

UNE AGRICULTURE URBAINE

DURABLE A KIGALI

(RWANDA)

Félicien SEBUHINJA

Mémoire de Master 2

Sous la Direction de Fréderic FORTUNEL

Soutenu le 29 Septembre 2010

Composition du Jury : Fréderic FORTUNEL, Moise Tzayem DEMAZE Maîtres de conférences

i

Année universitaire 2009-2010

ii

RESUME

Le concept de durabilité de l'agriculture, dans le contexte urbain, renvoie pour beaucoup, aux conditions de pérennisation in situ de l'occupation agricole de l'espace et à la contribution de l'agriculture au développement durable de la ville. Abordant cette question de la durabilité de l'agriculture urbaine dans la ville de Kigali, la présente recherche s'est interrogée sur les dispositifs mis en oeuvre pour lever un certain nombre de contraintes liées au devenir de ce type d'agriculture à Kigali.

Les résultats montrent que l'agriculture a toute sa place dans cette ville dont le relief est montagneux d'Ouest en Est. Cependant, la question de la mise en exergue de la fonction de production face à la fonction identitaire reste encore posée ; C'est dans les espaces à enjeux forts (zones pentues, zones humides) que l'agriculture des grands espaces a été particulièrement localisée. Une diversité de vues existe entre les acteurs de l'agriculture, de l'environnement et de l'urbanisme sur le programme de l'agriculture urbaine et périurbaine à adopter. La question qui se pose alors est de savoir comment gérer les espaces et les activités agricoles par rapport à la ville, à la fonction de production de l'agriculture et aux exigences du développement durable: faut-il cloisonner ces trois aspects ou tenter de les réconcilier ?

L'optique d'un développement durable reviendrait à calculer la valeur hors marché de l'agriculture et à examiner sous quelle forme on pourrait assurer la rémunération des services qu'elle rend à la société. L'utilité sociale ainsi créée permettrait de justifier les investissements nécessaires à son maintien ou à son développement. Un tel raisonnement ne pouvant pas s'appliquer aux biens environnementaux, cette recherche conclue que sous l'effet combiné de l'urbanisation et ses impacts sur l'environnement, il y aura probablement relocation de l'agriculture des zones humides par les acteurs de l'environnement tandis que celle des montagnes sera adaptée à son contexte (reforestation et pâturage). La durabilité intrinsèque de cette agriculture est donc compromise par des facteurs environnementaux et territoriaux.

Dès lors, ces résultats suggèrent qu'au-delà du projet de master plan, un outil jugé juridiquement non contraignant par lui-même, les dynamiques futures des espaces et activités agricoles de la ville de Kigali, dépendent des choix politiques qui seront faits par les élus de la ville et les acteurs de l'environnement.

Mots-clés : développement durable, agriculture urbaine durable, jeux d'acteurs

iii

ABSTRACT

The concept of sustainable agriculture in the urban context refers to the conditions for the sustainability in situ of the agricultural occupation of the space and the contribution of the agriculture to the sustainable development of the city. Tackling this question of the sustainability of the urban agriculture in the city of Kigali, the present research analyzed the tools used to remove a number of constraints relating to the future of this urban agriculture in Kigali.

The results show that the agriculture has its place in this city where the terrain is mountainous West to East. However, the question about the definition of the production function against the identity function of the agriculture remains. The big spaces agriculture was localized in zones with strong stakes (high sloping zones, wetland zones). There is a diversity of views between stakeholders in the agriculture, environment and town planning on the agenda of the urban and periurban agriculture. The question that arises is how to handle spaces and agricultural activities over the city, the production function of agriculture and sustainable development requirements: should these three aspects be compartmentalized or reconciled?

The perspective of a sustainable development would be to calculate the value of non-market agriculture and to consider what form it could ensure in payment for the services rendered to the society. The social utility thus created would justify the investment required for its maintenance or development. However, such reasoning can not be applied to environmental goods. This research concluded that with the combined effect of urbanization and its environmental impacts, there will be probably a relocation of wetlands agriculture by actors from environment while the dry agriculture will be adapted to its context (reforestation and grazing). The internal durability of this agriculture is then compromised by environmental and territorial factors.

From then on, these results show that, beyond the master plan project, which is not legally constraining by itself, the future dynamics of the agricultural farmland and agricultural activities in the city of Kigali depend on policy choices to be made by the city officials and the actors. A dialogue between elected officials, stakeholders and users, accompanied by an organized agricultural production should be fostered.

Keywords: sustainable development, sustainable urban agriculture, actors' interplays

iv

TABLE DES MATIERES

RESUME ii

ABSTRACT iii

TABLE DES MATIERES iv

LISTE DES TABLEAUX vii

LISTE DES FIGURES vii

LISTE DES CARTES vii

LISTE DES PHOTOS vii

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS viii

REMERCIEMENTS ix

INTRODUCTION 1

Ière partie : CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIQUE DE LA

RECHERCHE 4

I. LA PROBLEMATIQUE 4

II. OBJECTIFS DE LA RECHERCHE 6

III. HYPOTHESES 6

IV. CADRE METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE 6

IV.1. L'entretien semi-directif 6

IV.2.Analyse des jeux d'acteurs 7

IV.2.1. La matrice intérêt-pouvoir, adaptée de Mendelow 8

IV.3. L'analyse de contenu 9

V. CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE 11

V.1. De la durabilité de l'agriculture urbaine 11

V.2. De l'émergence de la question d'agriculture urbaine durable 13

V.3. La construction de la place de l'agriculture dans le territoire urbain 18

V.3.1. L'organisation du territoire 18

V.3.2. L'identité territoriale 19

V.3.3. L'environnement 19

V.3.4. L'économie agricole 19

V.3.5. La capacité des acteurs 19

V.4.

v

PRISE EN COMPTE DE L'AGRICULTURE ET SES ESPACES 20

V.4.1. Les espaces agricoles dans le territoire urbain 20

V.4.1.1. Des surfaces agricoles à enjeux prioritaires 20

V.4.1.2. Des surfaces agricoles à enjeux forts 20

V.4.1.3.Des surfaces agricoles à enjeu faible ou nul 20

V.4.2. Les questions agricoles dans les schémas d'aménagement 20

V.5. PROTECTION DES ESPACES AGRICOLES 22

V.5.1. Pourquoi protéger les espaces agricoles ? 22

V.5.2. Les outils de protection des espaces agricoles 24

V.5.2.1. Les directives de développement 24

V.5.2.2. Le zonage 25

V.5.2.3. L'acquisition de propriété 26

V.5.2.4. Les techniques d'incitation 28

V.6. La mise en exergue de la fonction de production de l'agriculture devant

les fonctions identitaires 31

V.7. Outils d'analyse des pratiques d'acteurs à questionner pour la durabilité de

l'agriculture urbaine 33

V.8. Différentes visions de l'agriculture urbaine et ses espaces 36

V.8.1. Agriculture des grands espaces 36

V.8.2. Agriculture des espaces confinés 36

V.8.3.Agriculture de reliance dans les espaces intermédiaires 38

V.9. Quels acteurs du schéma d'aménagement sur les questions agricoles? 38

V.9.1. Les acteurs institutionnels 38

V.9.2. Les instituts d'expertise, de conseil, de recherche et de formation 39

V.9.3. Les institutions d'enseignement et de formation 39

V.9.4. Les porteurs de projet (agriculteurs, coopératives, entreprises agricoles...) 39

V.9.5. Les organismes professionnels agricoles 39

V.9.5.1. La chambre d'agriculture 40

V.9.5.2. Les autres organismes agricoles et forestiers : syndicats et autres organisations

agricoles 40

V.9.6. Les acteurs de la société civile 40

V.9.7. Les organismes de crédit 41

V.9.8. Les acteurs « annexes » 41

vi

V.9.9. Les absents des jeux de la filière 41

DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION DU CADRE DE L'ETUDE 42

VI.!. Un contexte favorable à l'émergence de la question agricole dans le projet

de territoire urbain mais contraint par le milieu physique 42

VI.2. Un territoire en mutations 43

VI.3. L'agriculture dans les enjeux et jeux d'acteurs de la gouvernance 48

territoriale urbaine 48

VI.3.1. Etat des lieux 48

VI.3.2. Orientations d'aménagement et de développement 48

VI.3.2.1. Orientation gouvernementale 48

VI.3.2. L'agriculture urbaine dans le projet de territoire urbain 50

VI.3.2.1. L'agriculture dans le master plan de la ville de Kigali 50

VI.3.2.2. L'agriculture urbaine dans le plan stratégique d'appui à l'agriculture

urbaine et périurbaine 56

a) Objectifs de la stratégie pour l'agriculture urbaine et périurbaine 56

b) Actions envisagées 56

TROISIEME PARTIE : PRESENTATION, ANALYSE ET DISCUSSION

DES RESULTATS 60

VII.!. Présentation des résultats 60

VII.1.1. Place de l'agriculture qui justifierait les choix d'aménagement 60

VII.1.2. Comment l'agriculture est-elle prise en compte et protégée ? 60

VII.1.3. Fonctions de production de l'agriculture de grands espaces 61

VII.1.4. Comment s'organisent et se dessinent les jeux d'acteurs ? 63

VII.1.4.1. Le schéma d'acteurs 63

VII.1.4.2. Caractérisation sommaire des acteurs 64

VII.1.4.3. Les jeux d'acteurs 69

VII.2. Analyse et discussion des résultats 75

CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATIONS 79

PERSPECTIVES 84

BIBLIOGRAPHIE 85

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : la matrice intérêt-pouvoir, adaptée de Mendelow 9

Tableau 3: Projection de la population par district 44

Tableau 4 : Evolution de la densité de population 44

Tableau 5: Répartition des espaces ouverts de la ville de Kigali 51

Tableau 6 : Infrastructures vertes de la zone rurale de la ville de Kigali 54

Tableau 7 : Infrastructures vertes de la zone urbaine de la ville de Kigali 55

Tableau 8 : Place de l'agriculture urbaine selon le master plan et le plan stratégique 60

Tableau 9 : Agriculture urbaine dans les espaces ruraux et les zones humides 61

Tableau 10 : Agriculture urbaine dans les espaces denses et intermédiaires 61

LISTE DES FIGURES

Figure 1: L'espace dialogique 34

Figure 2: Espace dialogique et développement durable 34

Figure 3: Evolution de la population urbaine jusqu'à l'atteinte de la capacité de charge

maximale 45
Figure 4: Evolution de la densité de population de 2005 jusqu'à l'atteinte de la capacité de

charge maximale 45

Figure 5: Transect de localisation de l'agriculture urbaine selon le master plan 62

Figure 7:Schémas d'acteurs 63

Figure 8:la carte objet-acteurs de l'agriculture urbaine de Kigali 71

Figure 9: La carte intérêt-pouvoir appliquée à l'agriculture urbaine à Kigali 74

LISTE DES CARTES

Carte 1 : Répartition spatiale de la population urbaine en 2005 46

Carte 2: Répartition de la population urbaine à l'atteinte de la capacité maximale 46

Carte 3: Répartition spatiale de la densité de population en 2005 47

Carte 4: Densité de peuplement à l'atteinte de la capacité maximale 47

LISTE DES PHOTOS

vii

Photo 1: zone pentue .42

viii

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

AOC : Appellation d'origine contrôlée

AUP : Agriculture urbaine et périurbaine

BPA : Bonnes Pratiques agricoles

FDC : fonds de développement communautaire

CESE : Conseil Economique et Social Européen

CRDI : Centre de recherche pour le Développement international

EDD : Education au Développement Durable

FAO : Fonds des nations pour l'Alimentation et l'Agriculture

ICT : Information and Communication Technologies

ISAE : Institut Supérieur d'Agriculture

MINAGRI : Ministère de l'Agriculture et des Ressources animales

OMS : Organisation mondiale de la santé

ONG : Organisation non gouvernementale

PAPUK : Projet d'agriculture urbaine et periurbaine de Kigali

PIB : Produit Intérieur Brut

PNUD : Programme des Nations Unies pour le développement

PPI : Portail Phytosanitaire International

PRSP : Plan stratégique pour la réduction de la pauvreté

PSTA : Plan stratégique de transformation de l'agriculture

PURPLE : Periurban Regions Platform Europe

RADA : Rwanda Agriculture Development Authority

RARDA : Rwanda Animal Resources Development Authority

RBS : Rwanda Bureau of Standards

RDC : République Démocratique du Congo

REMA : Rwanda Environmental Management Authority

RHODA : Rwanda Horticulture Development Authority

RUAF : Ressources Centre on Urban Agriculture and Forestation

SRP : Stratégie de réduction de la pauvreté

ZAP : Zone agricole protégée

ix

REMERCIEMENTS

L'élaboration de ce mémoire a bénéficié du concours de nombreuses personnes que nous tenons à remercier ici.

Nous pensons spécialement :

- à Monsieur Fréderic Fortunel, Maître de conférences à l'université du Maine, pour avoir accepté de nous diriger tout au long de ce mémoire. Ses conseils, remarques et son accompagnement tout au long du mémoire nous ont été d'une grande utilité ;

- à Cathy Mestail, Secrétaire du Master sciences humaines et sociales à l'université du

Maine, pour ses promptes interventions chaque que fois que nous en avions besoin ;

- à Monsieur NAHIMANA Pascal, Agronome chargé de l'agriculture urbaine dans la mairie

de la ville de Kigali pour nous avoir bien accueilli et aidé au cours de nos recherches ;

- à Monsieur RUGABA Silas, Coordinateur du Projet d'Agriculture Urbaine et Périurbaine

de Kigali (PAPUK), pour ses orientations combien utiles ;

- aux autorités de la ville de Kigali pour nous avoir autorisé à faire nos recherches dans la ville de Kigali ;

- aux agronomes de districts de Kicukiro et Gasabo pour leur accueil chaleureux et leurs informations promptes et utiles ;

Finalement, j'adresse toute mon affection à ma famille qui a vécu et partagé avec moi des moments de joie et des périodes laborieuses. Merci de votre compréhension infinie !

Que tous ceux qui, de près ou de loin, nous ont assisté d'une façon ou d'une autre, trouvent ici l'expression de notre profonde reconnaissance.

1

INTRODUCTION

Ce mémoire est le résultat d'un travail commencé en 2007 lors de ma dernière année de licence à l'Université Ouverte, Campus de Goma (RDC). Pendant cette année de licence, j'ai été amené, de manière un peu fortuite, à étudier la problématique des fermes laitières de la ville de Kigali en perspectives de la vision 20201. Je voulais étudier si, au regard de ce plan prospectif du Rwanda à l'horizon 2020, les fermes laitières de la ville de Kigali jouissaient de certains atouts pour être davantage modernisées et intensifiées. En master 1 à l'Université du Maine (France), mes investigations ont porté sur l'agriculture urbaine dans une démarche également diagnostique.

Le mémoire de licence avait conclu qu'en définitive, la simple reconduction des arbitrages qui structuraient la situation des fermes laitières de la ville de Kigali conduirait à leur suppression totale en ville. Les contraintes environnementale et démographique obligeaient à faire ce choix.

Le mémoire de master 1 a montré que, bien que l'agriculture urbaine et périurbaine fût bel et bien prise en compte par le nouveau master plan de la ville de Kigali, la question sur la façon dont elle redéfinissait sa place et son rôle restait toujours posée. Les enjeux (territoriaux, productifs, sociaux, environnementaux et paysagers,...) et les contraintes (techniques et matérielles, institutionnelles, socio-économiques, physiques et naturelles) étaient vraiment nombreux.

Dès lors, les questions qui se posaient à moi étaient les suivantes :

Comment l'agriculture et ses espaces sont-ils pris en compte et protégés ?

Quelle réelle capacité ont les acteurs concernés pour piloter le devenir de cette agriculture et élaborer et mettre en oeuvre, à cet effet, des actions de développement durable ?

Cette problématique générale sur le devenir de l'agriculture urbaine dans la ville de Kigali devait donc être envisagée lors de mon mémoire de master 2. Pour les besoins de ce mémoire, j'ai choisi le thème intitulé `'Une Agriculture urbaine durable à Kigali». Parmi les nombreuses définitions qui sont données à l'agriculture urbaine, ce mémoire a retenu celle de Moustier et M'Baye (1998, cités par Dabat, Aubry et Ramamonjisoa, 2006) qui définissent l'agriculture urbaine par une localisation géographique dans la ville et sa proche périphérie,

1 La vision 2020 est le plan prospectif du Rwanda à l'horizon 2O20

2

la destination au moins partielle vers la ville de ses produits, et l'existence d'une alternative entre usage agricole et urbain non agricole des ressources. L'alternative ouvre sur des concurrences voire sur des complémentarités (Moustier et al., 2004, cités par BOUCHER , 2009): foncier bâti et foncier agricole, eau destinée aux besoins des villes et eau d'irrigation ; travail non agricole et travail agricole, déchets ménagers et industriels et intrants agricoles ; coexistence en ville d'une multiplicité de savoir-faire dus à des migrations, cohabitation d'activités agricoles et urbaines génératrices d'externalités négatives (vols, nuisances) et positives (espaces verts).

L'agriculture est ainsi en compétition et en interaction avec d'autres usagers des espaces et d'autres secteurs économiques urbains. La nature et l'importance des interactions qu'elle entretient avec ces autres usagers de l'espace ainsi qu'avec les nombreuses activités relevant d'autres secteurs économiques et sociaux vont déterminer son statut.

Dans un contexte marqué par le changement, le qualificatif `'durable» accolé à agriculture urbaine à Kigali, en référence au développement durable, voudrait interroger l'avenir de cette activité. En effet, la rénovation des schémas et plans d`urbanisme pose la question du devenir des espaces agricoles confrontés d'une part à l'affectation des terres pour la production agricole en complément de l'approvisionnement en provenance du milieu rural ou des importations et, d'autre part, à la revendication spatiale de la croissance urbaine qui consomme de façon rapide et mal contrôlée les espaces et fragilise le secteur agricole.

Ce mémoire postule que l'urbanisation et la rapide croissance démographique à Kigali vont grignoter les espaces et les terres agricoles de la ville. L'agriculture disparaîtra petit à petit.

Jusqu'à récemment, les différents schémas directeurs d'aménagement urbains de Kigali ont relégué l'agriculture urbaine dans les réserves foncières. Le premier plan directeur de la ville de Kigali, établi en 1964, avait délimité une vaste réserve foncière en prévision de l'extension de Kigali. Cette réserve foncière servait pour l'agriculture urbaine en attendant son urbanisation. Le schéma directeur d'aménagement urbain de 1981 avait prévu que les activités agricoles devaient se faire dans les zones maraîchères et le milieu rural résiduel.

Depuis 2007, le territoire urbain fait objet d'une planification concertée qui s'inspire des stratégies inclues dans la vision 2020 du pays. C'est dans ce cadre qu'un master plan de la ville de Kigali a été élaboré. L'agriculture constitue une composante importante de ce

3

« nouveau territoire urbain matérialisé par le master plan».

Elle est placée parmi les 5 premiers secteurs des finances publiques de la ville de Kigali à savoir :

1. Le transport, infrastructure et ICT ;

2. Urbanisme et habitat ;

3. Agriculture, forêt et environnement ;

4. Eau et assainissement ;

5. Enseignement

Le présent mémoire va tenter de rendre compte de ses travaux en suivant un plan organisé en trois parties:

- une première partie donne le cadre conceptuel et méthodologique de la recherche. A ce niveau sont définis la problématique, les objectifs, l'hypothèse et la méthodologie de la recherche ainsi qu'un cadre théorique et conceptuel destiné à mieux appréhender le thème considéré ;

- la deuxième partie est consacrée au cadre de l'étude pour mieux appréhender le terrain de la recherche ;

- la troisième partie s'attachera à présenter, analyser et discuter les résultats.

4

Ière partie : CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

I. LA PROBLEMATIQUE

En analysant les données sur la population de la ville de Kigali et sa projection, la ville aurait une capacité d'accueil maximale d'un peu plus de trois millions d'habitants. Cette capacité maximale serait atteinte, selon les projections, aux environs de 2030 (hypothèse standard) ou en 2020 selon les projections hautes (2 993 100 habitants).

Les contraintes physiques limitent en théorie les superficies constructibles pour le futur ; en retenant seulement les superficies situées sur des pentes fortes (supérieures à 20 %) ou recouvrant des marais, 50 % du territoire de la ville n'est pas constructible2. Ces espaces pourraient donc abriter l'agriculture urbaine sous toutes ses formes.

Cependant, au vu de l'augmentation de la population durant les prochaines années, il semble inévitable qu'il y aura un empiètement de l'urbanisation sur des terres utilisées pour l'agriculture. Sans orientation et sans volonté de la part de la ville pour préserver une agriculture urbaine et périurbaine, l'agriculture disparaîtra petit à petit. Le grignotage des terres par l'installation de nouvelles parcelles d'habitation réduira fortement, dans un futur proche, la possibilité de cultiver.

Ce qui est en jeu ici, ce sont les espaces et les terres agricoles qui sont des supports des activités agricoles et de l'agriculture urbaine en général. En effet, alors qu'à la campagne on évolue vers la microparcellisation3, la ville grignote les espaces et les terres agricoles qui l'entourent. Les espaces agricoles ne devant pas être considérés uniquement comme de possibles espaces à urbaniser, la société, dans son ensemble, a donc intérêt à rechercher un équilibre entre l'agriculture et l'urbain. Aussi est-il que selon Serge Bonnefoy cité par Grumbach & Associés, 2008, p.23) « Il est difficile de protéger les espaces agricoles pour eux-mêmes sans trouver un sens social à l'agriculture et sans la rapprocher de la ville et des

2 Les pentes supérieures à 20% occupent 35% du territoire urbain soit 25 785 hectares tandis que les zones humides n'occupent que 14% soit 10109 ha. Il ne reste alors que 37 000 ha qui peuvent être développés (Kigali conceptual master plan, 2007, p.34).

3 La terre est, à chaque génération, divisée entre tous les fils et filles d'un même père. Ainsi, selon le National Institute of Statistics of Rwanda, la terre cultivable disponible par exploitation familiale agricole est passée de 1 ha en 1983 à 0,72 ha en 2006. Cependant, la nouvelle loi foncière de 2005 interdit de diviser des propriétés d'une superficie égale ou inférieure à 1 ha . L'exploitation regroupée (consolidation des terres) est plutôt encouragée.

5

citadins!» car « aucun outil ne se suffit à lui seul, il faut à la fois du réglementaire, du projet et du développement économique et des outils fiscaux ».

Si à Kigali, les premiers pas ont été posés en reconnaissant l'agriculture urbaine et ses espaces dans le nouveau master plan de la ville et en élaborant un projet d'agriculture urbaine et périurbaine ainsi qu'un plan stratégique d'appui à cette agriculture, force est de constater que ces initiatives représentent certes un encadrement important mais pas suffisant pour maintenir durablement une agriculture urbaine et périurbaine.

Le cheminement d'un territoire est le produit de forces internes et externes, y compris les politiques qui articulent son évolution (Calthorpe, 2006, Claval, 2006, cités par Ghalia et al.) et le type d'agriculture retrouvé sur un territoire est la réponse du milieu agricole aux besoins et aux attentes de la société d'une part et à leurs propres besoins et choix d'orientation d'autre part (Bryant, 1984 cité par Ghalia et al.).

Dès lors, la prise en compte des enjeux et des différentes fonctions de l'agriculture ainsi que l'importance à lui accorder vont dépendre des jeux d'acteurs locaux qui vont porter ces enjeux dans le débat selon différents registres (Jarrige et al. 2006).

Nous nous interrogeons alors sur les dispositifs mis en oeuvre pour lever un certain nombre de contraintes liées au devenir de l'agriculture urbaine à Kigali. Les questions se déclinent ainsi :

1. Quelle place l'agriculture est-elle appelée à jouer et qui justifierait les choix d'aménagement ?

2. Comment les espaces et les activités agricoles sont-ils pris en compte et protégés dans la mise en oeuvre du master plan de la ville de Kigali?

3. Cette prise en compte de l'agriculture dans les dispositifs d'aménagement favorise ou préserve-t-elle des espaces où l'agriculture de grands espaces peut permettre aux fonctions de production de l'agriculture de contribuer à l'expression de facteurs identitaires lisibles ? Permet-elle l'émergence d'agricultures : de reliance dans les espaces dits intermédiaires où se jouent une mixité entre urbain et rural et celles des espaces confinés dans les espaces urbains denses ?

4. Comment se dessinent et s'organisent les jeux d'acteurs gravitant autour de l'agriculture urbaine et ses espaces ?

6

II. OBJECTIFS DE LA RECHERCHE

L'objectif principal de ce mémoire est de contribuer à la bonne compréhension de la durabilité des espaces et activités agricoles et donc d'aider à la décision pour privilégier des modèles de développement durable. En effet, sans omettre l'importance économique et les enjeux qui pèsent sur l'agriculture, le développement durable est devenu depuis sa consécration et sa mondialisation par le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992 un nouveau référentiel pour l'action collective. N'étant plus possible d'ignorer les villes pour le développement durable ou d'ignorer les questions de Rio pour les villes, les choix politiques devraient se baser sur des expertises scientifiques objectives afin que décideurs et agriculteurs envisagent des projets de développement agriurbains réellement durables.

III. HYPOTHESES

Ce mémoire teste l'hypothèse selon laquelle le maintien de l'agriculture urbaine et périurbaine dépend de sa multifonctionnalité et par l'appropriation de cette multifonctionnalité par les acteurs locaux. Au-delà des outils classiques de prise en compte et de protection des espaces et activités agricoles, le meilleur moyen de protéger les espaces agricoles est de maintenir la rentabilité de l'agriculture.

Une deuxième hypothèse serait que la durabilité de l'agriculture urbaine n'est pas qu'une question de technique. Elle nécessite un intérêt fort des principaux acteurs. Les choix politiques et les conflits d'intérêt sont les principaux points de levier pour le changement.

IV. CADRE METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE

En sus de la recherche documentaire, nous avons principalement eu à faire recours à l'entretien semi-directif, à l'analyse des jeux d'acteurs par la matrice intérêt-pouvoir, adaptée de Mendelow et à l'analyse de contenus.

IV.1. L'entretien semi-directif

Après avoir constaté que les questions agricoles autour du master plan n'étaient portées que par les services agricoles de la ville de Kigali et ses districts ainsi que le projet PAPUK, nous avons opté pour un entretien semi-directif avec ces services.

7

IV.2.Analyse des jeux d'acteurs

L'acteur est un groupe d'individus organisés, voire un groupe d'organisations, poursuivant un certain nombre de projets en commun et disposant de capacités de réactions communes (Roubelat [1993b, p. 272] cité par MOATI, 2003, p. 12). Une question préalable d'importance capitale est de définir qui sont les acteurs qu'il convient de prendre en compte. Godet ([2001c, p. 181cité par MOATI, 2003, p.12]) considère qu'il convient de prendre en compte, les acteurs qui « de près ou de loin commandent les variables clés identifiées.

Comprendre les relations d'interdépendance entre les différents groupes d'acteurs, voir en quoi leurs actions, choix ou décisions peuvent avoir une influence sur la trajectoire de développement de l'agriculture urbaine, projeter des positionnements futurs possibles ou probables afin d'intégrer au mieux la dynamique inhérente à ces processus de jeux d'acteurs, nécessite en premier lieu l'identification des acteurs, et leur classification en fonction de critères pertinents.

Il s'agit donc d'identifier et de recenser les acteurs qui déterminent, influencent ou subissent les choix de l'implémentation future de l'agriculture urbaine. En effet, un ensemble de groupes de composition plus ou moins homogène vont intervenir pour donner forme à sa trajectoire de développement. Un certain nombre de ces groupes sont visibles, déjà activement impliqués dans la détermination de la forme de cette trajectoire - alors que d'autres ne disposent pas encore de point d'entrée concernant la problématique de développement de cette filière. Or, tous ces groupes vont, in fine, exercer une influence à travers leur positionnement et leurs actions, conditionnées par leur liberté, leur pouvoir, leurs positions respectives, ainsi que leurs interactions avec les autres acteurs.

En s'appuyant sur les groupes d'acteurs qui ont pu être identifiés - qu'ils soient présents et actifs, qu'ils restent passifs, ou qu'ils puissent être qualifiés d'« acteurs cachés » - une deuxième étape consiste à mettre à jour les différents systèmes de valeur en présence, ainsi que les représentations que les acteurs ont construit de la problématique. Les relations que les acteurs entretiennent les uns avec les autres, des affrontements ou des alliances potentiels, seront déterminés entre autres par la concordance ou la divergence des systèmes de valeurs sous-jacents, ainsi que des relations de confiance ou de discorde existants.

Afin de mener à bien l'analyse des jeux d'acteurs, différents méthodes et outils sont disponibles mais leurs objectifs et leur portée diffèrent. Ainsi avons-nous choisi, dans le cas

8

présent de l'analyse des jeux d'acteurs relatifs à la trajectoire de développement futur de l'agriculture urbaine, de ne retenir qu'une seule méthode d'analyse: la matrice intérêt-pouvoir, adaptée de Mendelow.

Une analyse des situations de pouvoir et des jeux entre acteurs aujourd'hui permet de déterminer la forme et le fond des actions liées à la mise en oeuvre d'une gouvernance inclusive. Il est possible d'utiliser ces espaces pour analyser la situation et le positionnement des groupes d'acteurs de l'agriculture urbaine à Kigali et analyser leurs comportements à l'aide des classes de décision à l'horizon où la population atteindra un niveau insoutenable et où les impacts de l'urbanisation sur l'environnement commenceront à se poser avec acuité.

IV.2.1. La matrice intérêt-pouvoir, adaptée de Mendelow

Initialement, Mendelow [in Gilomini, 2007 cité par PFEIFLE, 2008] présente une matrice destinée aux entreprises pour analyser le traitement qu'il convient d'accorder aux diverses parties prenantes afin de tenir compte des divers jeux de pouvoir entre acteurs, de déterminer les acteurs clés et de satisfaire l'ensemble des parties prenantes autant que possible afin d'améliorer la situation de l'entreprise agissante elle-même. Il est possible d'adapter cette analyse organisationnelle au niveau sociétal. En effet, en identifiant les divers groupes d'acteurs, il devient possible de les placer dans la matrice proposée en fonction de l'intérêt que portent ces parties prenantes à une décision, et en fonction de leur pouvoir d'influence sur la décision.

Mendelow distingue alors quatre types d'acteurs dont chacun mérite un traitement propre (Pfeifle, 2008, p.25):

- Les acteurs dont l'intérêt pour le problème traité est faible et qui n'ont pas de pouvoir d'influence sur les choix ne font, a priori, l'objet d'aucun effort (de communication, d'implication) de la part des acteurs souhaitant exercer une influence sur la direction et la forme que peut prendre, par exemple, la trajectoire de développement d'une filière technologique. En effet, les ressources disponibles (financières, humaines, en temps...) étant rares par nature, le nécessaire arbitrage quant à leur utilisation se fera en fonction du résultat escompté par rapport à l'objectif poursuivi.

- Les acteurs dont l'intérêt est élevé (parce qu'ils sont directement concernés, par exemple) mais le pouvoir d'influence faible peuvent être satisfaits en les gardant informés des avancements effectués ou prévus.

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- Les acteurs disposant a priori d'un niveau d'influence élevé, mais d'un intérêt (encore) faible pour le problème sont à surveiller étroitement : les garder satisfaits permet à ceux souhaitant piloter le problème de « gérer » au mieux la contrainte potentielle que pourrait devenir une opposition de la part de ce groupe d'acteurs. Si l'intérêt de ce groupe augmente, alors ils sont à compter parmi

- les acteurs clés : ceux qui non seulement disposent d'un pouvoir d'influence théorique, mais qui l'exercent également pour atteindre leurs objectifs propres. Ce dernier groupe d'acteurs est celui qui façonnera in fine non seulement le problème, mais aussi la solution qui peut y être apportée, ainsi que le mode de prise de décision ou le mode de mise en oeuvre de la solution.

Tableau 1 : la matrice intérêt-pouvoir, adaptée de Mendelow

Intérêt pour la décision

Pouvoir

d'influence sur le choix

 

Faible

Élevé

Faible

Effort minimal

À garder informés

Élevé

À garder satisfaits

Acteurs clés

Source : Pfeifle, 2008

La position de chaque acteur dans la matrice permet également de faire des projections sur les comportements futurs des acteurs, que ce soit pour soutenir ou alors pour rendre plus difficile le développement de l'agriculture urbaine.

Dans un deuxième temps, il devient possible de représenter les relations entre certains acteurs à l'intérieur de la matrice : ainsi, un lien de coalition ou d'opposition peut être représenté, tout comme des relations conflictuelles ou généralement coopératives entre acteurs.

Le futur, ou plutôt les futurs possibles, peuvent être approchés ou faire l'objet de projections, en partant de la situation observée, en extrapolant et interprétant les signaux (parfois faibles) émis : il n'y a pourtant pas de relation déterministe entre l'image obtenue ici et la réalisation de la situation future.

IV.3. L'analyse de contenu

L'analyse de contenu est une technique de recherche utilisée pour la description objective, systématique et quantitative du contenu manifeste des communications et ayant pour but de les interpréter (Michael Kelley cité par Mammadou Diouf,sd).

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L'analyse de contenu a pour objectif de recueillir et traiter des données mentionnées dans un texte pour le caractériser ou caractériser son auteur (personne, groupe ou organisation). Le texte peut être unique ou constituer une compilation d'articles, sites web, comptes-rendus, projets, transcriptions d'entretiens, réponses à des questions ouvertes, etc.

Deux démarches de travail sont possibles ( Aubert-Lotarski,2007):

- repérer dans le(s) document(s) des informations répondant à des questions au préalable identifiées ;

- faire émerger des régularités, des tendances ou des singularités

Pour cela, on élabore une grille thématique, décrivant les faits, idées, opinions... que l'on s'attend à trouver et un « code book » sorte de questionnaire sur le texte qu'on utilise pour noter la présence des thèmes dans la réponse ou le fragment de texte considéré. Le travail d'analyse consiste à lire le texte en isolant les passages significatifs pour l'étude et en notant les thèmes qu'ils contiennent.

Nous avons surtout fait appel à l'analyse de contenu afin notamment de:

a) Mieux appréhender les objectifs affichés ou associés, les finalités recherchées, les stratégies développées et les moyens mis en oeuvre pour favoriser, préserver et redynamiser l'agriculture urbaine à Kigali ;

b) Mesurer les niveaux d'articulation et de mise en cohérence entre les différents outils et dispositifs de planification en vigueur en matière d'agriculture urbaine.

C'est pour toutes ces raisons que nos principales sources ont été la mairie de la ville de Kigali. De fait, tous les documents consultés ont été des documents émis (produits) par ou pour le compte de la mairie (documents de planification stratégique ou sectorielle, textes d'orientation, ...). Deux documents ont particulièrement retenu notre attention. Il s'agit du master plan de la ville de Kigali et de la stratégie d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine de Kigali.

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V. CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE

Toute pratique est informée par une théorie, que celle-ci soit consciente ou non (Fragnière, 1986, p.23). C'est pourquoi nous avons préféré rédiger cette partie théorique pour mieux mettre en contexte notre recherche.

V.1. De la durabilité de l'agriculture urbaine

La définition la plus usuelle du développement durable est celle qu'en a donnée la commission Brundtland en 1987 et reprise en 1992 à la Conférence de Rio : "Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre à leurs propres besoins". C'est une notion qui a fortement émergé depuis quelques décennies du fait de la prise de conscience de la limitation des ressources à notre disposition (matières premières, biodiversité, espace disponible, eau, etc.) et des problèmes environnementaux provoqués par les activités humaines. Cette notion se situe à la croisée de trois piliers ou objectifs fondamentaux :

- un pilier économique qui vise à continuer à produire des richesses pour satisfaire les

besoins de la population mondiale ;

- un pilier social qui veille à réduire les inégalités à travers le monde ;

- un pilier environnemental qui cherche à préserver l'environnement que les générations futures recevront en héritage.

Quelque soit l'option retenue, l'optique d'un développement durable amène inévitablement à respecter les règles suivantes (Pearce-Turner-1990, cité par Monédiaire, 1999) :

- puiser dans les ressources renouvelables à un taux de cueillette inférieur au taux de renouvellement ;

- rejeter dans l'environnement des déchets à un taux inférieur à la capacité d'assimilation du milieu.

A ces conditions le développement sera durable, à la nuance près du stock de ressources épuisables, et il sera limité à la durée de vie de ce stock. Pour acquérir des degrés de liberté supplémentaires, plusieurs solutions sont possibles (Monédiaire, 1999) :

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- substituer des ressources renouvelables aux ressources épuisables, ce qui en milieu urbain concerne les politiques de transports, d'énergie, de construction...Il s'agit ensuite de substituer du capital artificiel au capital naturel quand cela est justifié4

- efficacité : le but est techniquement et économiquement accessible ;

- durabilité : la durée d'utilisation des produits détermine le rythme auquel ceux-ci sont remplacés, et par conséquent le montant des ressources utilisées ainsi que la quantité de déchets rejetés. Si on passait à un système de remplacement lent, on diviserait par deux la consommation des ressources et le montant de déchets. Pour ce faire, plusieurs stratégies complémentaires sont envisageables sans restreindre le niveau de vie des populations : réutilisation des produits, réparation, remise en état, recyclage. C'est dans cette perspective qu'il faudrait voir le rôle que pourrait jouer l'agriculture urbaine.

Appliqué à l'agriculture, le terme durable intègre, tout comme lorsqu'il est rapporté au développement, des dimensions à la fois économiques, sociales et environnementales, sur diverses échelles, spatiales et temporelles. En agriculture, les différentes voies développées en direction de la durabilité visent à atteindre des rendements acceptables tout en réduisant les impacts environnementaux négatifs. Ce sont des approches systémiques qui considèrent l'activité agricole dans ses interactions avec le milieu naturel l'environnant. Elles s'appuient à des niveaux variés sur la prise en compte des équilibres écologiques, voire tentent de reproduire le fonctionnement des systèmes naturels pour améliorer la productivité à long terme du système agricole (François Laurent, 2006).

Dans le contexte urbain, la notion d'agriculture durable fait écho aux liens entre agriculture et ville (AWA BA et AUBRY, 2010). Deux types de durabilité des exploitations de l'agriculture urbaine sont distingués par Awa et Aubry (2010):

- une durabilité appréhendée par les facteurs internes : la viabilité économique, la vivabilité de l'exploitation, dont témoignent la transmissibilité et la reproductibilité de l'exploitation elle-même, ainsi que ses impacts environnementaux.

- Une durabilité externe: vision que les décideurs urbains et les résidents ont sur le futur de cette agriculture comparativement à d'autres utilisations possibles de l'espace (logements, industries, espaces verts, etc.).

4 C'est-à-dire quand le surcroit de productivité du capital artificiel est supérieur au surcroit de ressources naturelles qu'il a fallu pour le produire.

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Le croisement de ces deux durabilités semble approprié pour le contexte urbain (idem): durable « intrinsèquement », une exploitation agricole urbaine peut être condamnée par l'existence de projets urbains (d'infrastructures par exemple) jugés prioritaires ; a contrario, les urbains peuvent souhaiter conserver, par exemple pour des raisons d'aménités paysagères (Donadieu et Fleury, 2005), des exploitations agricoles dont la viabilité économique ou la vivabilité sociale ne sont pas assurées.

Pour Godard et Hubert (2002) cités par BA et AUBRY, la durabilité de l'agriculture s'entend, d'une part, par la durabilité autocentrée de l'exploitation, d'autre part, par sa contribution à la durabilité du territoire qui l'inclut. Le concept de durabilité de l'agriculture5, dans le contexte urbain, renvoie pour beaucoup, d'une part, aux conditions de pérennisation in situ de l'occupation agricole de l'espace, étant donné que la construction sur un espace agricole est un phénomène largement irréversible ; d'autre part, à la contribution de l'agriculture au développement durable de la ville (Dabat, Aubry et Ramamonjisoa, 2006).

La durabilité à long terme de l'agriculture urbaine et périurbaine est conditionnée par la capacité des agriculteurs et des fonctionnaires urbains à exploiter les avantages de l'environnement tout en réduisant les problèmes et en trouvant les moyens de garantir aux producteurs l'accès à la terre (FAO-Comité de l'agriculture, 1999).

V.2. De l'émergence de la question d'agriculture urbaine durable

"Agriculture urbaine" est une expression qui semble assez paradoxale au premier abord la ville étant définie en dehors de l'agriculture. Pourtant, l'association de ces deux termes a priori antinomiques désigne une pratique bien réelle et qui prend sa source au coeur d'anciennes civilisations. Des fouilles archéologiques ont ainsi révélé de vastes systèmes agricoles (réseaux d'irrigation, systèmes de rotation des cultures, potagers et vergers) au sein d'importantes zones urbaines, qu'ils s'agissent de cités grecques du IVème siècle avant J.C., de villes fortifiées de l'Europe médiévale ou de métropoles aztèques datant de plus de quatre mille ans ( Oboulo.com, 2008). Il y a 4000 ans, dans les villes semi désertiques de perse, une forme d'agriculture intensive y était pratiquée et elle utilisait les déchets de la communauté comme terreau (Vijoen A., et al. 2005, p.IX).

5 On entend par agriculture durable une agriculture qui, dans ses processus de développement, est économiquement viable, socialement vivable et qui préserve les ressources écologiques, pour le présent et pour le futur (notion de solidarité intergénérationnelle issue du rapport Bruntland « Our Common Future » de 1987).

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En 1600, des citadins d'Angleterre ont été incités à cultiver en ville afin de contrer une possible invasion espagnole. L'idée fut reprise lors des deux guerres mondiales alors que les gouvernements américain et britannique ont fait pression sur leurs citoyens pour que ceux-ci transforment tous les espaces inutilisés de la ville en « Victory Garden » afin de supporter l'effort de guerre (Keven Boutin , 2009).

En 1943, deux ans à peine après le début de la guerre, 20 millions de jardins de la victoire produisaient 30 à 40% des légumes consommés dans le pays. Des milliers de terrains abandonnés en ville étaient défrichés et cultivés collectivement par les habitants du quartier. Le Bureau de la Défense Civile encourageait et habilitait ces initiatives, mais ce phénomène se mettait en place sans cela parce que les citoyens qui n'étaient pas au front voulaient participer à l'effort de guerre, et le jardinage était, finalement, une façon très agréable de servir la patrie (Chip WARD, 2009).

Désignant ainsi une pratique ancestrale, l'expression est cependant récente. On accorde à Pierre Vennetier, par son enquête sur l'agriculture urbaine au Congo à la fin des années 1950, le mérite d'avoir ouvert ce domaine d'étude et la création de l'expression en question. Ce chercheur utilise en effet le terme de « vie agricole urbaine » en 1961.

Si certains auteurs affirment que c'est depuis les années 1970 que le terme d'agriculture urbaine est clairement utilisé, d'autres comme Pierre Donadieu et André Fleury avancent que le terme d'agriculture urbaine, utilisé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), semble avoir été inventé à la fin des années quatre vingt pour rendre compte de processus émergents dans les villes pauvres de la zone tropicale (Donadieu et Fleury, 2004, p.18). Les tenants des années 1970 partent sans doute du constat que c'est depuis la fin des années 1970 que l'agriculture urbaine progresse dans bien des régions du monde. En effet, durant cette période, on rapporte une résurgence de l'agriculture urbaine dans les villes comme Bogota, Madrid, Moscou, New York, Vancouver et dans beaucoup d'autres coins du globe ((Vijoen A. et al. 2005, p.IX). Une enquête des Nations Unies conduite dans 20 pays à travers le monde et les bibliothèques en 1991-1993 conclus qu'un nouveau système alimentaire urbain était en train d'émerger (idem).

La reconnaissance de l'agriculture urbaine comme activité productive a démarré de façon très fragmentée: un chercheur intéressé ici, un projet de développement là. C'est vraiment à partir de 1990 que cette reconnaissance s'est étendue, grâce à l'émergence rapide d'un maillage plus

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cohérent à différentes échelles (Nasr J., De Bon H., Dubbeling M.. 2005). Le processus de transformation, y compris divers efforts de mise en réseau (certains plus aboutis que d'autres) sera opéré à travers la mise place de deux centres de ressources et têtes de réseaux (UAN et RUAF) ainsi que le rôle important de soutien du CRDI canadien et du gouvernement hollandais. Ensuite, d'autres réseaux plus régionaux seront créés: en Amérique latine et Caraïbe, le réseau AGUILA a été le premier à apparaître comme tel; en Asie du sud, le réseau est une des composantes d'un projet axé sur l'approvisionnement des villes; enfin au Moyen Orient et en Afrique du Nord, le réseau passe actuellement à l'état émergent, avec une phase d'incubation.

De 1975 à 1985, les autorités d'au moins 22 pays ( 10 en Asie, 6 en Afrique et 6 autres en Amérique latine ) appuyaient dans ce domaine des initiatives qui visaient à fournir des terrains et autres intrants pour la production, des initiatives d'aide technique, de production et de distribution de denrées alimentaires domestiques, de phytotechnie en arboriculture et de zootechnie en élevage de petits animaux, de remplacement des importations alimentaires, de nutrition et de distribution, d'entreposage et de conservation d'aliments ( Wade, 1987, p. 38- 41 cité par Mougeot, 2005).

Malgré l'essor qu'elle connaît et sa prise en compte croissante tant par des programmes internationaux, des travaux de recherche, des politiques publiques ou encore des associations visant à la promouvoir, force est de constater que ce type d'agriculture reste dans le domaine de l'informel et doit faire face à nombre de préjugés et de contraintes. Beaucoup de villes ont probablement fourni les moyens d'encouragement et les terrains d'essai grâce auxquels on a puisé les innovations de systèmes agricoles plus intensifs et plus productifs. Par contre, d'autres l'ont harcelé même en période de crise alimentaire (Mougeot, 2005).

De plus, il est à noter un point central, des différences fondamentales existent au sein de l'agriculture urbaine selon qu'elle est pratiquée dans le « Nord » ou dans le « Sud ». Ces différences font référence aux formes mêmes que prend cette agriculture, mais avant tout au rôle de celle-ci. Tandis qu'au « Nord », à l'époque contemporaine, elle connaît un essor surtout en tant que pratique récréative pour répondre à un besoin grandissant de nature de la part des citadins, en lien avec la place croissante des préoccupations environnementales dans les sociétés occidentales (agriculture d'agrément) ; au « Sud », elle relève souvent avant tout de

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la simple survie en particulier dans les villes pauvres de la zone tropicale où un jardinage à finalité nourricière s'est développé ( agriculture de crise).

Plus tard, de nouvelles fonctions relationnelles recomposant son lien à la ville lui seront reconnues. Des formes originales seront développées (agriculture de toit en Amérique du Sud ou en Asie ou fermes urbaines en Amérique du Nord). Des finalités de convivialité de quartiers, d'insertion sociale (de malades, de réfugiés, de délinquants, etc.) ou parfois plus politiques comme à New-York (green guerillas) et des objectifs particuliers, propres au groupe social concerné lui seront attribués.

C'est pourquoi la production alimentaire urbaine est devenue une industrie complexe et florissante. Selon le PNUD (1996 cité par Donadieu P., 2003 ), 800 millions de personnes sont, surtout pour des raisons alimentaires, directement concernées par l'agriculture urbaine, ainsi que 200 millions d'agriculteurs, souvent à temps partiel.

Dans un récent rapport (CESE, 2004, cité par Peltier, 2006), le Conseil économique et social européen a pris position pour l'intégration de la question de l'agriculture urbaine et périurbaine dans le cadre de la préparation de la nouvelle PAC pour 2007-2013. L'European conference on city and countryside organisée le 21 octobre 2004 à La Haye a permis le croisement des différents réseaux et l'adoption de la motion PURPLE19 (idem).

Deux lignes s'en dégagent : une ligne « pays du Nord » soucieux plutôt d'une agriculture entrepreneuriale, adaptée à la « nature en ville » et assurant un entretien des espaces ouverts à des coûts raisonnables; une ligne « pays du Sud » plutôt soucieux d'une agriculture familiale, de promouvoir les produits de qualité et l'identité culturelle de l'agriculture périurbaine.

Au coeur même de la justification de la promotion de ce changement d'attitude, il y a les indications qui se multiplient sur la contribution qu'apporte l'agriculture urbaine à la sécurité alimentaire des villes.

Cependant, un des changements les plus remarquables de ces évolutions, sera l'inversion des valeurs traditionnelles. L'agriculture prend un sens urbain très fort. Le maintien de son espace est devenu si nécessaire qu'il doit devenir durable (Fleury A. et Donadieu P., 2004).

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Récemment haïssable pour ses défauts (FAO, 1996, cité par SEBUHINJA, 2009) :

- pollutions et autres nuisances spécifiques à l'agriculture ;

- ponction des ressources naturelles (terre, eau, sol, etc.) ;

- risques pour la santé (eau potable, contamination par le plomb, hygiène);

- détérioration écologique (usure des sols, risque de contamination de la nappe phréatique);

- besoins en infrastructures ou adaptation des équipements;

- criminalité due aux vols ;

- conflits sociaux dus à une utilisation mixte des terres,

elle a entrepris la reconquête de son image : elle apprend à être productive sans nuisances. La totalité de ses productions doit être reconnue, et pour cela, elle doit tirer un profit de la production d'un bien rare, le paysage (Fleury A. et Donadieu P., 2004, p.14).

Ce sont les problèmes alimentaires mais aussi de création d'emplois et de revenus et d'amélioration du cadre de vie que vivent des millions de citadins à travers le monde qui ont favorisé la réflexion sur l'intégration de l'agriculture à la ville (AWA, 2007).

Deux facteurs ont cependant joué en faveur de la réinsertion de l'agriculture dans la logique urbaine (Roland Vidal et André Fleury, 2009) :

- Le premier est que, dans les pays de vieille culture agraire comme en Europe du Nord-Ouest, ou en Amérique du Nord (Nouvelle Angleterre, Nouvelle France), l'agriculture reste une constituante essentielle de l'identité nationale ; ainsi, à Ottawa, la ceinture de verdure rend hommage à l'eau, à l'agriculture et à la forêt comme éléments fondateurs du pays. Il en est de même en France où son retrait, matérialisé par la friche, est néanmoins davantage vécu comme un recul de la civilisation que comme retour de la nature.

- Le second facteur, d'émergence récente, est la conscience croissante du coût environnemental de la distance de l'approvisionnement alimentaire, avec un nouveau mot-clé, le compte des food-miles. Ce concept, apparu en Amérique du Nord, voudrait mettre en avant le fait que la protection de l'environnement passe aussi par une réduction de la distance, mesurée en miles, que parcourent les aliments avant d'arriver dans l'assiette des consommateurs.

Forts de ce constat, les praticiens de l'agriculture urbaine ont mis alors au point ou adapté une diversité remarquable de systèmes de production et de techniques de sélection de cultures. Ce

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qui leur permet en principe de tirer le meilleur parti possible du climat, de la topographie et des autres contraintes ou atouts d'ordre géographique de la trame urbaine. De la sorte, l'agriculture est devenue un bien et un service commun aux citadins et c'est ensemble qu'espaces cultivés et espaces bâtis participent au processus d'urbanisation et forment le territoire de la ville. Elle combine les traits de l'agriculture et le développement de la ville. Sa mise en valeur en zone urbaine suppose donc la remise en cause de certaines pratiques de l'aménagement urbain.

V.3. La construction de la place de l'agriculture dans le territoire urbain

Les propos qui justifient les choix d'aménagement des schémas directeurs sont des choix stratégiques qui révèlent une perspective de développement global cohérent de la région urbaine. Deux objectifs sont présentés (Schéma Directeur de la région Grénobloise, 1998 cité par Bertrand et Rousier, 2003) :

- favoriser la croissance économique dont on peut s'attendre à ce qu'elle soit consommatrice d'espaces et

- soutenir une attractivité reposant sur la qualité de l'environnement, c'est-à-dire sur la préservation de l'environnement et la mise en valeur des espaces naturels.

Certains territoires font le choix d'ouvrir plus largement leurs réflexions aux acteurs agricoles. Une réelle difficulté réside cependant, dans la construction d'un compromis qui pourra ensuite être porté au niveau décisionnel et être intégré dans les documents du schéma d'aménagement territorial.

Lorsque les commissions sont ouvertes aux acteurs, la plupart du temps, compte tenu de leur caractère transversal et multifonctionnel, agriculture et forêt sont abordées dans deux commissions : « économie » et « environnement », qui peuvent revêtir des noms aux couleurs plus locales. Les commissions spécifiquement agricoles sont exceptionnelles.

Dans tous les cas, le projet de territoire urbain convoque l'agriculture explicitement ou implicitement pour quatre grands thèmes (Certu et al., 2008): l'organisation du territoire, l'identité territoriale, l'environnement et l'économie agricole.

V.3.1. L'organisation du territoire

L'objectif est de « tenir le territoire » afin d'éviter l'étalement urbain et de préserver la qualité de vie. Il s'agit donc d'associer l'agriculture au devenir de la ville.

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V.3.2. L'identité territoriale

C'est un cran supplémentaire dans la recherche de l'organisation du territoire.

Une première approche sera plus ruraliste et défensive: conserver et valoriser le rapport de dualité et de complémentarité qui enrichit le territoire, et faire en sorte que les intérêts de l'économie agricole et de la ruralité puissent être préservés au mieux. Une deuxième approche cherchera à s'appuyer sur la production agricole pour valoriser l'identité globale. L'agriculture participe à la structuration du territoire en s'appuyant sur la qualité des terroirs et des appellations.

V.3.3. L'environnement

Il s'agit bien entendu de l'acception `'environnement» comme protection du milieu naturel. Cette acception interroge les pratiques agricoles. Dans les territoires où le sujet n'est pas conflictuel, des préconisations agro-environnementales sont mentionnées expressément.

V.3.4. L'économie agricole

C'est in fine l'aune à laquelle on évaluera la manière dont un projet d'aménagement s'empare de la question agricole. Et c'est bien évidemment pour la profession l'enjeu majeur qui déterminera à ses yeux une bonne prise en compte de l'agriculture.

V.3.5. La capacité des acteurs

La place de l'agriculture sur des territoires soumis à l'influence urbaine dépend fortement de la capacité des agriculteurs locaux et des autres acteurs à se structurer et à participer à un projet de développement. Les groupements agricoles s'investissent comme acteurs de l'aménagement local. D'autres acteurs, élus, associations, habitants, s'emparent de la question agricole et renouvellent le débat sur les fonctions de l'agriculture. Ils deviennent forces de proposition, participent au processus d'élaboration de projets de territoire et interviennent dans la négociation des politiques territoriales.

Par cette capacité des acteurs à dialoguer sur les enjeux locaux, à construire des projets, des formes de structuration de territoires spécifiques sont définies où l'agriculture trouve une place. Les fonctions de l'agriculture ne se renouvellent pas seulement sous l'influence des évolutions dans les conceptions de la ville chez les aménageurs et les urbanistes. Elles

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dépendent aussi du jeu des acteurs dans les dynamiques de développement local et pour une part, dans la capacité des agriculteurs à se structurer autour d'un projet de développement et à nouer des alliances avec d'autres acteurs (Peyrache-Gadeau, Fleury, 2005).

V.4. PRISE EN COMPTE DE L'AGRICULTURE ET SES ESPACES

V.4.1. Les espaces agricoles dans le territoire urbain

En ville, les espaces agricoles deviennent l'une des trois composantes de l'espace urbain à savoir les espaces urbanisés, les espaces naturels et les espaces agricoles.

Les espaces agricoles, groupés dans ce que l'on appelle les espaces ouverts ou espaces « verts » en milieu urbain (parcs urbains, jardins communautaires ou d'agréments, forêts...), pourront être catégorisés en trois sortes de surfaces agricoles (chambre d'agriculture de la Savoie, de la Haute Savoie et le parc naturel régional du massif des Bauges, 2008) :

V.4.1.1. Des surfaces agricoles à enjeux prioritaires :

- parcelles présentant des bonnes conditions d'exploitation : surfaces mécanisables

et facilement accessibles,

- grands blocs d'exploitations, vierges de toute construction,

- pâturages de proximité aux abords des lieux de traite,

- parcelles incluses dans le périmètre AOC viticole.

V.4.1.2. Des surfaces agricoles à enjeux forts :

- surfaces présentant des conditions d'exploitation plus difficiles (terrains pentus ou difficilement mécanisables du fait de la présence d'arbres ou de talus),

- îlots d'exploitation de petites surfaces, isolés ou à proximité de grands ensembles déjà urbanisés et répondant à une logique d'urbanisation à moyen terme.

V.4.1.3.Des surfaces agricoles à enjeu faible ou nul :

- parcelles totalement enclavées dans des zones bâties,

- terrains utilisés à des fins privatives (jardins...), situés à l'intérieur ou en limite de secteurs déjà urbanisés et répondant à une logique d'urbanisation à court terme.

V.4.2. Les questions agricoles dans les schémas d'aménagement

Les questions agricoles sont abordées dans les schémas d'aménagement sous deux angles différents, qui méritent d'être distingués (Certu et al., 2008) :

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- celui de l'espace agricole comme structurant le territoire avec sa dimension multifonctionnelle qui croise le paysage, l'identité, l'environnement, les loisirs... et

- celui de l'agriculture comme activité économique qui porte le regard sur les exploitations agricoles, les filières, le foncier, la pérennité des structures...

Un diagnostic agricole est toujours nécessaire. Deux approches peuvent être utilisées pour appréhender la question agricole lors du diagnostic agricole (Certu et al., 2009) :

- L'approche à dominante technico-économique porte un regard centré sur l'activité des exploitations agricoles du territoire et leurs contraintes propres, notamment spatiales (organisation du parcellaire, déplacements agricoles...), saisonnières... Elle réalise un état des lieux par filière et ne doit pas omettre de considérer l'amont et l'aval des différentes filières car le poids en emplois de l'agroalimentaire et des services liés à l'agriculture est souvent supérieur à celui des emplois agricoles directs. Cette approche identifie les forces et faiblesses des filières dans leur globalité, éventuellement les liens entre filières (productions végétales-alimentation animale...) pour réussir à considérer l'économie agricole dans son ensemble.

- L'approche à dominante territoriale croise le regard agronomique sur les bassins de production, les terroirs (AOC...) ou des petites régions agricoles et le regard géographique sur les systèmes d'exploitation (ex : lien entre la vallée, les coteaux et les alpages en agriculture de montagne). Ce type de diagnostic, dégage des unités agro-paysagères qu'il faut mettre en lien avec les autres usages de l'espace (loisirs, production d'eau potable, gestion des risques d'incendie, d'inondation...). Cette approche pose la question de l'échelle pertinente pour traiter de l'agriculture dans un schéma d'aménagement et du niveau de précision nécessaire dans le diagnostic: en fonction des problématiques locales, certains constats vaudront pour tout le territoire mais certaines zones à la sensibilité particulière pourront mériter des études plus précises du parcellaire ou sur les mutations du bâti agricole par exemple.

Qu'il comporte une entrée à dominante territoriale ou technico-économique, le diagnostic agricole tiendra à :

- relier l'agriculture au territoire (toutes les facettes reliant l'agriculture à la ville sont traitées, les réalités vecues par les agriculteurs:[pression foncière, difficultés de déplacement,...] et les ressentis [hypersensibilité des voisins aux nuisances agricoles, invasion du territoire agricole par les pratiquants de loisirs verts...] sont ressortis.

- poser les bases du dialogue: il identifie les leviers d'actions mobilisables par le schéma d'aménagement, mais les acteurs doivent aussi prendre conscience des limites de l'outil de

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planification : tous les enjeux relevés ne pourront trouver leur réponse dans le schéma, mais pourront déboucher sur des actions complémentaires.

- aboutir aux enjeux qui seront traduits dans le projet d'aménagement et de développement durable (PADD). Dans ce projet, les textes à portée juridique normative cèdent de plus en plus la place à des textes à portée politique déterminant des objectifs à poursuivre. Il appartiendra ensuite au Document d'Orientations Générales (DOG) de traduire ce PADD dans des prescriptions respectueuses de la loi.

V.5. PROTECTION DES ESPACES AGRICOLES

V.5.1. Pourquoi protéger les espaces agricoles ?

Liés à un niveau de richesse et à une conscience environnementale renforcée, des arguments ont été avancés pour protéger les espaces agricoles au titre d'enjeux économiques, esthétiques et environnementaux (AFT, 2003 cités par Dissart, 2006).

Selon l'argument économique, les espaces agricoles devraient être protégés car il s'agit de maintenir la base du système agroalimentaire, important pour les économies en termes de balance commerciale, de création d'emploi et de revenu. Le maintien des espaces agricoles permet d'accompagner l'augmentation de la demande globale liée à l'augmentation de la population et des revenus et à l'ouverture des marchés. Les produits locaux sont les mieux placés pour répondre à la demande de qualité et de traçabilité, sans oublier le principe de la souveraineté alimentaire, selon lequel la population doit avoir accès à la production alimentaire de sa région. Outre son rôle primaire de produire des denrées alimentaires, l'agriculture urbaine gagnerait à se diversifier en exploitant des niches économiques liées à la proximité de l'agglomération, comme la gestion de déchets verts (compostage et épandage des déchets) et la production d'énergie renouvelable à l'aide de la paille issue de la grande culture ou de copeaux de bois.

Les espaces agricoles et naturels devraient également être protégés pour des raisons fiscales : un développement urbain éparpillé se traduit par des coûts d'équipement élevés qui sont financés par des impôts accrus ; de manière générale, les espaces naturels sont sources d'aménités qui augmentent les valeurs des propriétés et les revenus issus du tourisme (Brabec, 1994 cité par Dissart, 2006).

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La valeur des espaces agricoles et naturels, toutefois, va au-delà de critères économiques : exploitations agricoles et paysages attrayants contribuent à la singularité d'une communauté, fournissant des repères dans l'espace et augmentant la qualité de vie locale.

Dans une perspective environnementale, les espaces agricoles et naturels fournissent aussi des services écologiques comme le maintien de la biodiversité, la protection des zones humides, le filtrage des eaux résiduaires, le rechargement des nappes phréatiques, la séquestration de carbone, la résorption des pollutions agricoles et une contribution à la qualité de l'air. Les sols devraient être économisés au titre de ressource finie et non renouvelable.

Le monde agricole peut être un partenaire des collectivités pour la gestion de risques naturels comme les feux de forêt (lutte contre la friche), les inondations (gestion des zones d'expansion des crues), les risques d'avalanches en montagne (pâturages, estives)... L'agriculture peut avoir un rôle central pour la production de biomasse et la lutte contre l'effet de serre (bois-énergie et cultures énergétiques) ainsi que pour la valorisation des déchets urbains (épandage des boues de station d'épuration, méthanisation, co-compostage)...

Aussi, est-il que l'activité agricole s'accommode mal de la proximité de zones habitées, la présence de riverains compliquant le fonctionnement des exploitations et constituant un frein potentiel à leur développement. Pour son fonctionnement, l'activité agricole doit en effet disposer de bâtiments et d'un matériel importants. La bonne circulation entre le siège de l'exploitation et les terrains exploités est également un élément vital.

Par ailleurs, l'élevage engendre naturellement diverses nuisances, bruits, odeurs, circulation des cheptels, épandage des effluents, qui peuvent générer des conflits de voisinage susceptibles de se multiplier, en particulier dans les espaces périurbains. Il s'agit alors d'assurer aux entreprises agricoles des conditions optimales de fonctionnement, en maintenant les zones d'urbanisation à distance des sièges d'exploitation, en réservant un dégagement suffisant de la zone cultivée, lorsque l'exploitation est adossée à une zone construite, en conservant des circulations adaptées et dégagées pour accéder aux terres cultivées.

En outre, pour fonctionner, l'exploitation doit bénéficier non seulement d'un espace agricole préservé, mais aussi de conditions favorables pour évoluer et se développer. L'espace exploité est affecté à un usage strictement agricole, pour en garantir la pérennité. Il s'agit d'éviter des installations et implantations d'activités annexes, voire concurrentes, de

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l'agriculture, qui contribuent au mitage de l'espace agricole et renforcent la pression sur le foncier.

Des exigences, parfois trop sévères aux yeux des entreprises agricoles les plus proches de l'agglomération (qui limitent leurs projets de construction) sont imposées par certaines municipalités : hangars, caves, changement d'affectation de bâtiments agricoles, etc.

L'ensemble des espaces agricoles et naturels autant que l'activité agricole sont donc menacés par l'urbanisation, dans les zones d'urbain dense comme dans les zones d'urbain dispersées. L'enjeu devient alors d'assurer une préservation à long terme de l'espace agricole, dont une partie non négligeable présente un intérêt écologique.

En revanche, des arguments ont également été avancés contre la protection des espaces agricoles (Gordon & Richardson, 1998 cités par Dissart, 2006). D'abord, les niveaux de productivité actuels sont tels que la perte d'espace agricole ne constitue pas une menace pour l'offre alimentaire nationale. Ensuite, l'agriculture ne crée pas autant d'emplois que les autres secteurs économiques, si bien que la protection de ce secteur se traduit par un gaspillage de ressources. Les critiques font également remarquer les coûts environnementaux de l'agriculture liés à la pollution diffuse. Enfin, en matière d'aménagement, il est reproché à la plupart des programmes de protection d'être coûteux et inefficaces parce qu'ils ne font que rediriger l'urbanisation et, dans certains cas, contribuent à l'étalement des zones bâties.

V.5.2. Les outils de protection des espaces agricoles

Il existe plusieurs classifications des techniques de protection des espaces agricoles et naturels (Adelaja & Schilling, 1999 ; AFT, 2002 ; AFT, 1997 ; Beesley, 1999 cités par Dissart, 2006). La classification proposée ici s'inspire de Daniels (1999b cité par Dissart, 2006) qui la présente comme un ensemble de techniques de gestion de la croissance dans les espaces périurbains. Quatre outils tirés principalement du modèle américain ont été répertoriés : les directives de développement, le zonage, l'acquisition de propriété et les techniques d'incitation.

V.5.2.1. Les directives de développement

Sous le registre des directives de développement on trouve principalement le master plan (schéma directeur) et l'urban growth boundary (limite de croissance urbaine).

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Le master plan

Le but du master plan est de définir une vision et de guider le développement sur la base de projections de population et des besoins fonciers correspondants. Les avantages de ce plan, sont nombreux : donne une base légale au zonage et autres règles d'usage du sol, définit des objectifs de croissance et de protection, identifie des zones ciblées pour une gamme d'utilisations du sol, promeut le développement ordonné des équipements. Ses inconvénients principaux sont qu'il n'est pas légalement contraignant par lui-même, n'a pas à promouvoir de vision régionale, et peut être ignoré dans les décisions quotidiennes. Le master plan peut promouvoir la protection des espaces agricoles et naturels en encourageant la définition de limites de croissance urbaine ou l'adoption d'une zone agricole protégée ou encore en incorporant l'utilisation de programmes d'achat ou de transfert de droit à bâtir.

b) La limite de croissance

Mise en place par un État, une limite de croissance urbaine a pour objectif de gérer l'extension urbaine en contrôlant son timing et en déterminant les usages du sol permis aux niveaux local et régional. Ligne théorique tracée autour d'une agglomération, cette limite définit une zone permettant d'accommoder la croissance anticipée à 10-20 ans et limite l'extension des équipements. Cette mesure demande également aux collectivités d'identifier les sols à forte valeur de ressource et de les protéger de l'artificialisation. En conséquence, elle promeut un développement plus compact, moins coûteux en termes de service, décourage l'étalement urbain et peut protéger les espaces agricoles et naturels si elle est combinée à d'autres techniques. Cependant, elle nécessite un zonage restrictif au-delà de la limite et une politique de phasage de la croissance à l'intérieur. Si elle sous-estime les besoins, elle peut aussi entraîner une augmentation du coût du foncier liée à la restriction de l'offre.

V.5.2.2. Le zonage

Le zonage définit les usages du terrain permis dans des zones spécifiques délimitées. Il comprend principalement deux techniques : la délimitation d'une zone agricole protégée et le zonage en grappe (cluster zoning).

Principalement mise en oeuvre au niveau local, une zone agricole protégée identifie une ou plusieurs zones où l'agriculture est l'usage privilégié du sol et décourage (sinon interdit)

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d'autres usages. Le but est de limiter les conflits d'usage en séparant les activités agricoles des autres et de protéger une masse critique d'exploitations et de terres agricoles. L'identification de la zone est généralement basée sur des critères de localisation et de qualité du sol. Ce type de zonage peut aussi spécifier le nombre d'habitations par km2, la taille minimale des terrains ou autoriser des activités commerciales (vente directe). Au-delà de son impact sur l'activité agricole, ce zonage permet aussi de maintenir l'espace non bâti et de limiter la spéculation immobilière, le tout à un coût réduit pour le contribuable. Cette technique, toutefois, requiert des terrains importants (ou nombreux) et contigus et des éléments sur la taille minimale des lots. De plus, la zone ciblée peut être parsemée de propriétés ; les propriétaires fonciers ne sont pas indemnisés pour la restriction d'usage ; les collectivités peuvent changer le zonage et les terrains sont vulnérables à l'annexion.

Également mis en oeuvre au niveau local, le zonage en grappes permet ou exige que les bâtiments soient groupés sur des terrains dont la taille minimale est importante. Ce zonage est parfois utilisé, aussi, pour accorder aux promoteurs un bonus de densité sur un site tandis que la portion du terrain qui n'est pas bâtie est sujette à une servitude de protection. Le zonage en grappes permet un développement moins coûteux que le mode périurbain classique et plus sensible à la protection de l'environnement. Les détracteurs de cette technique soulignent qu'elle protège davantage le foncier que l'activité agricole parce que les propriétaires du terrain protégé peuvent ne pas vouloir louer leur propriété en raison des nuisances potentiellement associées à l'agriculture.

V.5.2.3. L'acquisition de propriété

Il existe trois principaux outils d'acquisition de propriété pour la protection des espaces agricoles et naturels : le programme d'achat de droit à bâtir (purchase of development right), le programme de transfert de droit à bâtir (transfer of development right) et la fiducie foncière privée (private land trust), qui tous reposent sur un droit à bâtir négociable. D'autres techniques existent, comme l'achat de propriété traditionnel (qui porte sur l'ensemble du faisceau de droits) ou l'expropriation.

Essentiellement mis en oeuvre par les États, le programme d'achat de droit à bâtir consiste à payer les propriétaires fonciers pour qu'ils ne construisent pas sur leur terrain, ce qui offre une protection plus forte et plus durable que le zonage. Un propriétaire vend le droit à bâtir à une agence gouvernementale ou une organisation de conservation privée, qui en général lui

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paie la différence entre la valeur du foncier non bâti et celle constructible : la valeur de la servitude. Cette dernière correspond à l'usage « le meilleur et le plus élevé » (highest and best use), en général résidentiel ou commercial. Ainsi, l'acheteur acquiert la responsabilité d'imposer la servitude de protection tandis que le vendeur est indemnisé pour la perte du droit à bâtir. Les États peuvent jouer plusieurs rôles dans l'exécution de ce type de programme, dont le partenariat avec les collectivités locales pour acheter des servitudes.

Le programme d'achat de droit à bâtir est intéressant pour les propriétaires et la société. Pour les propriétaires, la technique capte la plus-value du terrain et l'indemnité peut servir à rembourser des emprunts ou réaliser des investissements. La valeur plus faible du terrain devenu non constructible facilite la reprise des exploitations ou les nouvelles installations. De plus, les propriétaires peuvent recevoir des crédits d'impôt et restreindre l'accès à la propriété qui demeure privée. Par rapport à la société, cet outil permet une protection permanente, aide à maintenir une masse critique de foncier non bâti et évite la question du taking. Les collectivités peuvent aussi cibler les terrains. Cependant, ce programme peut s'avérer coûteux pour une commune, avec opposition possible des contribuables. Il peut ainsi être difficile de protéger une surface significative et le programme peut résulter en un archipel de terrains protégés. Une diversité de moyens existe pour lever les fonds nécessaires, y compris dons privés, contributions croisées des collectivités et taxation locale.

Généralement établi au niveau local, un programme de transfert de droit à bâtir est utilisé pour déplacer le développement d'une zone agricole ou naturelle vers une zone de croissance plus proche des équipements. Le droit de construction est transféré d'une zone émettrice vers une zone réceptrice, de sorte qu'une servitude de protection permanente restreint l'usage de la zone émettrice tandis que la zone réceptrice peut être bâtie à une densité plus élevée que celle normalement permise par le zonage. Le gouvernement peut assumer plusieurs rôles : soit les collectivités approuvent les transactions entre propriétaires privés et promoteurs et contrôlent les servitudes ; soit les collectivités créent des banques de transfert qui achètent les droits à bâtir des propriétaires et les revendent à des promoteurs souhaitant construire à des densités plus élevées (Daniels & Bowers, 1997 cités par Dissart, 2006).

Ainsi, mettre en place un programme de transfert requiert : 1) l'identification d'une zone à protéger, 2) l'identification d'une zone de croissance, 3) un ensemble de droits à bâtir, et 4) une procédure par laquelle les droits de construction sont transférés d'une propriété à l'autre

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(Daniels & Bowers, 1997 cité par Dissart, 2006). Un programme de transfert offre tous les avantages d'un programme d'achat. De plus, il est davantage guidé par le marché et peut ne pas requérir de fonds publics. Ce programme est flexible, pouvant servir à protéger des terres agricoles aussi bien que des zones écologiquement sensibles ou des monuments historiques.

Bien que théoriquement efficace, la technique de transfert n'a pas été beaucoup utilisée en raison de sa complexité. Les propriétaires voisins de la zone réceptrice peuvent aussi s'opposer à une densité plus élevée (phénomène NIMBY). Enfin, les crédits de transfert sont généralement basés sur la surface possédée et pas nécessairement sur la localisation, la qualité des sols ou l'accès aux équipements (Daniels, 1999b cité par Dissart, 2006).

Une fiducie foncière est une organisation de conservation privée, à but non lucratif, créée pour protéger les ressources naturelles (ainsi que les monuments historiques) pour le public. Une fiducie foncière achète ou accepte des dons de servitudes de protection, d'argent ou de propriété. Elle a aussi pour mission d'éduquer le public et peut conseiller les collectivités et particuliers en matière de planification immobilière. Les avantages de cet outil sont multiples : protection permanente du foncier, possibilité de forger des partenariats publics-privés à faible coût pour la collectivité, déductions fiscales pour les donateurs alors que le terrain demeure en propriété privée, enfin le terrain reste dans l'assiette fiscale. Les inconvénients incluent le manque de fonds, la possibilité de créer des îlots de protection dispersés, peu de contrôle des collectivités sur la désignation des zones à protéger et des incitations fiscales insuffisantes pour nombre de propriétaires. Toutefois, Daniels (1999b cité par Dissart, 2006) estime que les fiducies foncières sont des outils prometteurs en zone périurbaine.

V.5.2.4. Les techniques d'incitation

Les techniques d'incitation pour la protection des espaces agricoles et naturels comprennent principalement la taxation préférentielle sur la propriété, le district agricole et la loi sur le droit-à-exploiter.

La taxation préférentielle sert à encourager les propriétaires à maintenir le foncier en usage agricole ou naturel. Cet outil repose sur l'hypothèse que des impôts plus élevés réduisent les profits et que le manque de rentabilité est un facteur majeur de la conversion des terrains. Deux types de programme existent : 1) circuit breaker tax relief credit, qui offre un crédit

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d'impôt lorsque la taxe sur la propriété est supérieure à un pourcentage donné du revenu de l'exploitant ; 2) current use valuation, évaluation à l'usage courant, qui exige des collectivités qu'elles estiment le terrain agricole à sa valeur d'usage (non bâti) et non sa valeur (constructible) sur le marché. La technique peut effectivement encourager les propriétaires à garder leur terrain en usage non bâti, mais est critiquée pour ses règles d'éligibilité souvent laxistes. De plus, elle peut être utilisée par les spéculateurs fonciers ou les exploitants à temps partiel et peut se traduire par un manque à gagner significatif pour les collectivités.

Autorisé par un État et appliqué localement, un district agricole est une zone créée pour une durée fixe et renouvelable, où l'activité agricole est encouragée par les avantages procurés aux propriétaires. Ces avantages peuvent inclure des limites sur la construction des équipements, une plus grande protection par rapport à l'annexion et l'expropriation, une éligibilité pour un programme d'achat de droit à bâtir et, souvent, une taxation préférentielle sur la propriété. Adaptable aux conditions locales, cet outil est flexible et plus efficace s'il est combiné au zonage agricole. L'inscription dans un district agricole, toutefois, est strictement volontaire, les avantages peuvent ne pas être assez attrayants pour les exploitants (surtout en zone périurbaine) et les sanctions liées au retrait du programme peuvent ne pas être suffisamment fortes pour empêcher la construction. Les districts agricoles peuvent encourager l'aménagement local, par exemple en limitant les autorisations de districts aux collectivités dotées de schémas spécifiques de protection des espaces agricoles et naturels.

Enfin, les lois sur le droit-à-exploiter sont conçues pour protéger les exploitants agricoles contre les procès pour nuisance. Certaines dispositions incluent une mention portée sur le titre des propriétés situées en zone agricole qui prévient les acheteurs de la possibilité de bruit, poussière, odeurs et autres inconvénients liés à l'activité agricole. Ces lois renforcent la position légale des agriculteurs vis-à-vis de nouveaux voisins non-agriculteurs et peuvent éduquer les résidents par rapport aux besoins de l'agriculture. Elles peuvent ne pas décourager l'engagement de poursuites pour nuisance.

En conclusion, des outils présentés ci-dessus, le zonage de protection agricole, la taxation à valeur d'usage, l'achat de droit à bâtir et la loi sur le droit-à-exploiter sont les plus utilisés (AFT, 2002 cité par Dissart, 2006). Certaines communautés combinent le zonage agricole, l'achat de droits à bâtir et le district agricole : le zonage stabilise rapidement la base foncière et l'inscription dans un district aide à prévenir la conversion de surfaces importantes tandis

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que les exploitants attendent de vendre une servitude de protection permanente sur leur terrain.

Les techniques présentées contribuent à protéger les espaces agricoles et naturels. La plupart des observateurs de l'usage du foncier estiment que les incitations fiscales sont l'outil de préservation le moins efficace, alors que des stratégies intégrées et complètes, qui combinent approches incitatives et réglementaires, sont les plus prometteuses pour une protection à long terme (AFT, 2002 ; Alterman, 1997 ; Beesley, 1999 cités par Dissart, 2006).

La protection la plus efficace implique donc une combinaison d'outils adaptée à la situation politique locale, aux propriétaires, à l'économie des espaces visés et à la pression d'urbanisation (Daniels & Bowers, 1997 cités par Dissart, 2006). Cette combinaison devrait viser un équilibre entre, d'une part, développement des ressources pour accommoder l'urbanisation et, d'autre part, protection de ces espaces.

En effet, un ensemble de techniques coordonnées constitue un facteur d'atténuation de la conversion des espaces agricoles et naturels, mais la volonté politique (et donc le soutien des populations locales) et les collaborations sont essentielles (Dissart, 2006).

Les techniques de protection devraient servir à garantir qu'une surface critique est protégée (contiguïté), que cette protection est durable (long terme), que les prix du foncier restent abordables (installation et agrandissement des exploitations) et que les conflits avec le monde non agricole sont minimisés (Daniels & Bowers, 1997 cité par Dissart, 2006). Outre les techniques décrites, des initiatives susceptibles d'améliorer la viabilité des exploitations comprennent la diversification des produits, la vente directe ou l'agri-tourisme. Le meilleur moyen de protéger les espaces agricoles et naturels, étant cependant, de maintenir la rentabilité de l'agriculture, de sorte que les exploitations restent en activité.

Au total, les outils et techniques décrits par Dissart en s'inspirant principalement des travaux de Daniels & Bowers (1997) pourraient être appliquées à la protection des espaces agricoles et naturels présentant une valeur productive, esthétique, paysagère, écologique ou récréative. La mise en oeuvre et l'efficacité de ces mesures dépendent non seulement des efforts coordonnés de tous les niveaux de gouvernements, des propriétaires fonciers et autres acteurs de l'aménagement, mais aussi de l'intégration des enjeux économiques, sociaux et environnementaux dans des programmes de protection complets.

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V.6. La mise en exergue de la fonction de production de l'agriculture devant les fonctions identitaires

Une recherche menée en Guadeloupe par Dulcire et Chia (2004) a donné les résultats suivants sur ce débat:

«Les points de vue des différents acteurs peuvent être agrégés autour des trois fonctions prioritairement attribuées à l'agriculture:

La fonction économique : d'abord la production

L'agriculture est considérée comme une activité économique parmi d'autres. Sa fonction principale est de produire des richesses, par lesquelles elle participe au bon fonctionnement de la société. Elle est un secteur important de préservation et de création d'emplois directs et indirects par le biais d'activités de diversification non agricoles (tourisme rural, salariat à temps partiel). Elle contribue à l'identité culturelle et à son expression territoriale : création de paysages, structuration et aménagement du territoire.

Cette vision agrège deux sous-groupes de représentations distincts en relation avec les deux « modèles » de l'agriculture, et la prise en compte ou non de l'ensemble des activités : pour le premier sous-groupe, l'agriculture est d'abord une activité de production qui contribue à la richesse « nationale » en contribuant au PIB, à l'emploi, à la dynamique rurale. Pour l'autre sous-groupe, la fonction majeure de l'agriculture reste de produire. Mais d'abord des aliments : elle doit « nourrir un peuple », en commençant par l'agriculteur et sa famille. Pour cela, elle doit être performante et productive, c'est-à-dire, explicitement, menée par des agriculteurs « professionnels » à temps plein : elle s'oppose à la pluriactivité. Les impacts environnementaux négatifs sont à relativiser compte tenu du rôle stratégique de l'agriculture. Ces acteurs considèrent que certaines pollutions sont inévitables car inhérentes à l'activité agricole et par ailleurs exacerbées par les caractéristiques du milieu : insularité, pentes, sols fragiles, saturation foncière.

La fonction environnementale : d'abord la nature

L'activité agricole entretient une relation conflictuelle avec l'environnement qu'elle protège autant qu'elle le menace : elle ne représente même, chez certains, qu'un mal acceptable, l'absence totale d'utilisation du milieu constituant la solution idéale. La fonction de

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conservation de l'espace et de préservation de la biodiversité de l'agriculture est prioritaire. L'agriculture pratiquée doit être non-polluante, permettre un bon contrôle de l'érosion et ne pas faire l'objet d'aménagements destructeurs du milieu.

La fonction territoriale identitaire : d'abord la cohésion sociale

L'agriculture est (...) « naturellement » multifonctionnelle. Elle a une dimension sociale (défense de l'emploi), alimentaire (autosuffisance), d'aménagement territorial, économique (production directe de valeur, ancrage de systèmes d'activités complexes), paysagère, mais aussi culturelle (dynamisme des valeurs locales). Aucune fonction n'a a priori de prééminence sur les autres. La hiérarchisation ne peut être faite que par rapport à une problématique territoriale et faire l'objet d'un consensus entre les différentes forces vives du territoire.

Deux sous-groupes peuvent, là aussi, être distingués : un premier, pour lequel le renforcement des valeurs culturelles (...) est le résultat principal attendu d'une renaissance de l'agriculture. Un second, pour lequel cette composante identitaire, prégnante, représente le lien qui « donne sens » aux différentes fonctions assumées conjointement par l'agriculture».

L'analyse de ces différentes idéologies montre que les missions attribuées à l'agriculture sont très différentes et parfois contradictoires : production intensive, maintien de la biodiversité, maintien des traditions, maintien d'un paysage ouvert, recyclage des déchets urbains....

La question qui se pose maintenant est de savoir comment gérer les espaces agricoles par rapport à la ville, à la fonction de production de l'agriculture et aux exigences du développement durable: faut-il cloisonner ces trois aspects ou tenter de les réconcilier ?

L'optique d'un développement durable reviendra à calculer la valeur hors marché de l'agriculture et à examiner sous quelle forme on pourrait assurer la rémunération des services qu'elle rend à la société. L'utilité sociale ainsi créée permettrait de justifier les investissements nécessaires à son maintien ou à son développement.

Mais un tel raisonnement ne peut pas s'appliquer aux biens environnementaux. En effet, d'après Kah E. (2003), les biens environnementaux étant des biens non marchands, ils ne sont pas intégrés au marché, ce qui signifie qu'ils n'y sont pas monétarisés, alors qu'ils ne sont pas dénués de valeur.

V.7. Outils d'analyse des pratiques d'acteurs à questionner pour la durabilité de l'agriculture urbaine

Penser des projets agricoles durables dans un espace incertain comme l'espace urbain ou périurbain, renvoie nécessairement aux valeurs propres des acteurs et à la manière dont chacun est capable de les transcender dans le souci d'un champ d'application plus large que le sien propre.

Parmi les outils disponibles pour apprécier la durabilité de l'intégration de projets agricoles dans des projets de développement des aires urbaines, l'ANT6 (Callon, 1986 ; Latour, 1987 ; Law, 1992 cités par Peltier C.) et la démocratie dialogique (Callon et al, 2001, cités par Peltier , 2010) nous offrent un cadre propice.

La figure 1 présente le schéma de Callon et al. sur la construction d'un espace dialogique visant la construction d'un monde commun selon les axes de l'exploration des mondes possibles et de la composition du collectif.

Pour prendre en compte la durabilité dans les processus de développement territorial, Peltier (2010) y a ajouté un autre schéma (Figure 2) selon deux axes également : le passage de la logique de secteur à la logique de territoire, l'affirmation de la durabilité des questions de société allant de la négation à l'éducation pour un développement durable (EDD).

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6 Actor-network Theory

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Figure 1: L'espace dialogique

Source : Callon et al, 2001, Agir dans un monde incertain, Le Seuil (cité par Peltier, 2010).

Figure 2: Espace dialogique et développement durable Source : Peltier (2010)

L'axe de la « territorialisation » propose comme exploration des mondes possibles un élargissement des acteurs parties prenantes de la question (Peltier, 2010):

·

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secteur - les acteurs sont confinés dans un cloisonnement thématique (conception technique du métier) ; les acteurs du cadre interne » (secteur professionnel, technique, considéré) sont informés ;

· secteur « territorialisé » - les acteurs « hors du cadre interne » sont consultés ;

· ouverture territoriale - les acteurs « hors du cadre interne » sont informés ;

· inscription territoriale - décision partagée.

L'axe de l'« intégration d'une durabilité forte » apprécie, comme exploration du collectif, l'état d'avancement, de composition, d'une culture commune en développement durable :

· durabilité niée- les groupes constitués nient la question ;

· durabilité concédée - sous la pression sociétale, les groupes constitués, dominants, acceptent l'intégration de la préoccupation, un questionnement en termes de durabilité, donc de groupes émergents ayant une vision différente de la leur ;

· durabilité assumée- la question est devenue incontournable et est au coeur des problèmes et de leur résolution ;

· EDD - la question de l'éducation pour le développement durable est au coeur des questions abordées.

Relevant d'une pédagogie constructiviste bachelardienne, cette construction théorique d'un monde commun en durabilité cherche à identifier chez les acteurs en présence les blocages et obstacles à la construction de ce monde commun en durabilité. Elle est sensible aux valeurs que ceux-ci portent tout autant qu'à une éthique considérée comme hiérarchisation des valeurs en accord avec l'horizon commun vers lequel les acteurs cherchent à tendre (Massé, 2003 cité par Peltier, 2010). Elle est basée sur la formulation d'hypothèses comme des trajectoires possibles pour la diversité des acteurs. S'appuyant sur les nécessités fonctionnelles du milieu, elle intègre tout à la fois les normes, le possible, le souhaité et le souhaitable (Fabre & Fleury, 2007 cité par Peltier, 2010).

Ce dernier outil nous permet d'apprécier différentes situations territoriales concernant l'intégration de la question agricole à la question urbaine. On distinguera ainsi différentes situations allant des cas extrêmes où les acteurs en présence, restent enfermés dans leur logique de secteur et nient une réelle prise en compte des valeurs et objectifs du développement durable, intègrent la voix de l'autre dans leurs propres décisions et mettent en oeuvre une véritable démarche pédagogique d'éducation au développement durable aussi bien

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pour leurs propres structures que pour les autres acteurs du territoire, tout en sachant que cette démarche peut être déstabilisante pour eux-mêmes.

V.8. Différentes visions de l'agriculture urbaine et ses espaces

Répondant à diverses pressions spécifiques, chaque type de territoire se forme selon sa dynamique et ses composantes sociales internes propres. Dans les faits, la réaction du milieu (urbain et agricole) aux forces et pressions internes et externes contribue à définir la trajectoire qui primera dans un territoire agricole donné. Les interactions spécifiques entre les systèmes agricoles urbains et l'environnement dans lequel ils se déroulent créent des opportunités spécifiques diverses au travers desquelles, on peut identifier trois types d'agriculture (Janin et Perron, 2005): l'agriculture des grands espaces ; l'agriculture des espaces confinés dans les espaces urbains denses et une agriculture de reliance dans les espaces intermédiaires.

V.8.1. Agriculture des grands espaces

L'agriculture des grands espaces se trouve dans les entités lui offrant de `'grands espaces» avec des potentiels agronomiques et de relief favorable. Les recettes tirées de l'activité agricole sont suffisamment importantes pour justifier le maintien des terres dans le secteur, et il n'existe guère de pressions en faveur d'une urbanisation. Les terres peuvent être mises hors production par les exploitants agricoles, mais elles ne sont généralement pas vendues et peuvent de nouveau être mises en exploitation si les conditions économiques le justifient.

La gestion de ces terres peut également être modifiée soit en raison de leur affectation à la production de cultures différentes, soit en vue d'intensifier la production d'un produit agricole donné. Elle est orientée vers la production de masse et nécessite des ressources spatiales importantes pour atteindre une dimension économique suffisante. Ces agricultures sont sensibles aux disponibilités en ressources spatiales liées à l'espace-support : foncier, degré de liberté des flux, niveau d'indépendance par rapport au voisinage,...

V.8.2. Agriculture des espaces confinés

A l'intérieur de la zone urbaine, l'agriculture urbaine se pratique dans les interstices du bâti à l'intérieur du périmètre urbain. Il s'agit d'espaces inconstructibles du fait de leur vocation agricole affirmée et juridiquement consolidée, ou bien de terres en exploitation temporaire, en attendant une valorisation suffisante pour réaliser la rente foncière. En outre, en vue de leur

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développement ultérieur, les zones urbaines comportent une "réserve de terres", dans laquelle on observe souvent des activités agricoles, d'où la présence d'un nombre significatif d'exploitations à l'intérieur des limites des agglomérations.

En situation plus urbaine dominent des tissus d'exploitation orientés vers des productions se satisfaisant d'espaces plus confinés parce que moins gourmandes en ressources spatiales. Ces agricultures d'espaces «confinés» dans l'urbain ont la capacité d'inscrire plus facilement leur fonction de production dans les tissus urbains. Souvent, la réaction des agriculteurs concernés consiste à affirmer leur fonction économique dans une logique de défense des ressources spatiales (foncier, lutte contre le morcellement...).Cette stratégie est d'autant plus facilement reconnue que ces formes d'agriculture sont une pièce du projet identitaire de la collectivité. Ce sont essentiellement des productions à haute valeur ajoutée telles que le maraîchage et l'horticulture.

Au Nord comme au Sud, la culture en zones denses se heurte au manque d'espaces : l'agriculture verticale prend alors le relais, hors-sols, dans les centres-villes. Des cultures en sacs ont ainsi été développées dans les bidonvilles de Nairobi (Kenya) par l'ONG Solidarités et les expériences de potagers sur les toits fleurissent au Canada. En version technologique et futuriste, des prototypes de serre biologique verticale en ville laissent penser qu'il serait possible de produire, pour une occupation au sol d'un hectare, l'équivalent de 10 hectares cultivés. Des architectes planchent très sérieusement sur l'idée de tours agricoles pour cultiver dans les étages ( Grollier K., 2009)

Plusieurs facteurs sont en jeu. En premier lieu, étant donné l'avantage que lui procure sa localisation, le foncier coûte plus cher. Toutes les études foncières montrent que la différence entre le prix de la terre à vocation agricole et celle qui est promise, à court et moyen terme, à la construction, est considérable. La valeur peut être multipliée par un facteur qui varie de 20 à plus de 300 (Donadieu, 2004). D'autre part, la terre y est généralement de meilleure qualité, de nombreux sites urbains s'étant initialement développés dans les zones les plus favorables à l'agriculture. En deuxième lieu, les types d'activité agricole pratiqués sur ces espaces ont généralement une meilleure productivité par hectare, mais demandent également une importante main-d'oeuvre par hectare et atteignent un niveau d'efficience minimale sur une superficie relativement faible. En troisième lieu, enfin, contrairement à ce qui se passe pour les exploitations plus éloignées, les ménages agricoles vivant à proximité immédiate des zones urbaines sont largement en mesure d'allouer leur main-d'oeuvre à des activités non

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agricoles. Autrement dit, les exploitations à temps partiel sont plus fréquentes, et les ménages travaillant à temps partiel ont généralement des exploitations de plus petite taille du fait qu'ils disposent de moins de main-d'oeuvre pour l'agriculture.

V.8.3.Agriculture de reliance dans les espaces intermédiaires

Entre l'urbain dense et le rural dense se distinguent des espaces intermédiaires. Tissus urbains et agricoles, parfois tissus naturels s'y côtoient et s'imbriquent en des figures variées. Située en bordure des villes, les usages des terres et la nature des activités agricoles sont fortement influencés par les activités urbaines. Une forte dynamique d'urbanisation y est observée. Ces terres agricoles font l'objet de spéculations foncières : leur valeur sur le marché foncier n'est plus en rapport avec leur potentiel agricole mais avec leur potentiel d'urbanisation ( Bacchialoni, 2001). De nombreuses exploitations s'y trouvant sont alors obligées de modifier leur système que ce soit en changeant leur production ou encore de stratégie (vers le maraîchage). Cette diversification est mise en place, soit dans le prolongement de l'activité de production par la transformation ou la mise en vente directe de celle-ci, soit dans des activités nouvelles, voire non agricoles (pisciculture, accueil, tourisme, services aux collectivités...). On observe notamment une plus grande diversité dans la spécialisation des exploitations, dans la structure socio-économique, dans les filières de commercialisation, et un plus grand développement du marketing direct.

Ces diversifications peuvent être considérées comme un processus d'innovation, dans la mesure où elles nécessitent d'activer de nouvelles ressources pour développer d'autres fonctions locales de l'agriculture : fournitures de produits locaux identifiés, gestion du cadre de vie et de l'environnement, accueil de fonctions récréatives, développement de fonctions pédagogiques...

Ces espaces mixtes sont au coeur d'enjeux et sont les lieux de tous les risques : risques de tensions liées au foncier ou de conflits d'usage ou de voisinage. A contrario ces espaces peuvent être des lieux privilégiés de mise en relation entre groupes sociaux différents.

V.9. Quels acteurs du schéma d'aménagement sur les questions agricoles? V.9.1. Les acteurs institutionnels

Ce type d'acteur regroupe les services de l'Etat (central et services décentralisés).Les services de l'Etat interviennent en priorité pour fournir le `'porter à connaissance» préalable au

39

diagnostic (Certu et al., 2008). Ensuite, ils peuvent être impliqués dans le processus. Dans d'autres cas, cette catégorie d'acteur est sollicitée pour donner des avis aux documents et projets en cours d'élaboration.

V.9.2. Les instituts d'expertise, de conseil, de recherche et de formation

Les instituts d'expertise et de conseil ont pour mission de fournir des conseils, une expertise extérieure et un appui au développement direct des diverses activités de la filière. Ils participent à un ensemble de projets de recherche fondamentale ou appliquée, ils conseillent et appuient les acteurs qui travaillent à la préparation et/ou mise en oeuvre d'opérations, pilotes ou non. En assistant les partenaires opérationnels, les institutions de recherche jouent un rôle essentiel dans la détermination de la trajectoire de développement de la filière.

V.9.3. Les institutions d'enseignement et de formation

Les écoles et les universités, ainsi que les divers instituts de formation (continue ou non) ou les instituts d'expertises organisant des sessions de formation, jouent un rôle important dans le développement futur de l'ensemble des technologies liées à l'agriculture urbaine.

Si les acteurs souhaitent développer la filière et assurer son avenir, il est indispensable d'assurer la disponibilité de personnes dont la formation permet la mise en oeuvre du plan de développement technologique.

V.9.4. Les porteurs de projet (agriculteurs, coopératives, entreprises agricoles...)

Ce sont les acteurs clés de la filière. Un large segment de producteurs urbains est issu des couches sociales les plus pauvres. On trouve aussi des agriculteurs de la classe moyenne, des fonctionnaires subalternes et de catégories intermédiaires, des enseignants et d'autres professionnels qui s'activent dans l'agriculture, ou même des personnes plus riches qui sont à la recherche d'un bon retour sur investissement de leur capital.

V.9.5. Les organismes professionnels agricoles

Ces acteurs sont entre autres représentés par les chambres d'agriculture et les syndicats agricoles.

40

V.9.5.1. La chambre d'agriculture

La chambre d'agriculture peut cumuler trois rôles qui relèvent de postures différentes (Certu et al., 2008, p.41) :

Rôle consulaire - la posture institutionnelle

Représentant officiel de la profession sous toutes ses formes, la chambre d'agriculture est consultée en tant que représentant consulaire ; elle doit défendre les « intérêts collectifs de la profession ». Pour ce faire, elle s'appuie le plus souvent sur un examen technique des dispositions du schéma d'aménagement, discutées, le cas échéant, dans un groupe ad hoc ou par la commission aménagement de la chambre afin d'élaborer un avis validé par le bureau puis porté politiquement auprès du maître d'ouvrage du schéma d'aménagement.

Rôle d'expert technique - la posture de prestataire

Les chambres d'agriculture sont de logiques fournisseurs de données de référence sur les secteurs agricoles et agroalimentaires. Elles peuvent parfois aller plus loin et éventuellement devenir prestataires d'études et d'analyses (diagnostic, cartographie, préconisations), associées aux équipes, agences d'urbanisme et bureaux d'études en charge de l'ingénierie du schéma d'aménagement.

Rôle d'animateur territorial - la posture de partenariat

De nombreuses chambres d'agriculture mettent en place, contribuent fortement à faire émerger, des groupes locaux d'animation territoriale. Plus ou moins liés à la chambre d'agriculture selon les départements, ces groupes sont des relais d'animation locale et permettent l'implication d'acteurs de terrain.

V.9.5.2. Les autres organismes agricoles et forestiers : syndicats et autres organisations agricoles

Ces organisations peuvent être sollicitées pour leurs connaissances spécifiques sur certains thèmes (questions foncières,...) ou pour leur diagnostic.

V.9.6. Les acteurs de la société civile

Il s'agit entre autres des conseils de développement qui rassemblent les représentants des différentes forces de la société (chambres consulaires, organisations syndicales et patronales, associations d'environnement et de consommateurs...). Ils peuvent être le lieu d'expression des attentes plurielles de la société civile sur l'agriculture (multifonctionnalité, pratiques

41

agricoles et environnement...), sur la forêt, les espaces naturels, mais ils peuvent également être un lieu libre d'expression et d'explication du monde agricole sur ses réalités et ses contraintes, en dehors de tout contexte revendicatif. Certains conseils de développement s'impliquent spécifiquement dans la réflexion sur l'agriculture.

V.9.7. Les organismes de crédit

Ce groupe d'acteurs est destiné à accorder des crédits pour financer les projets agricoles. En effet, le financement des activités agricoles recourt souvent au crédit, car la plupart des opérateurs n'ont pas toujours de moyens propres pour développer leurs activités.

V.9.8. Les acteurs « annexes »

Dans ces acteurs, nous comptons non seulement les diverses entreprises de conseil et de communication engagées par les autres acteurs du secteur pour travailler sur l'accompagnement du développement de la filière (information de la population, activités de communication et de diffusion d'information, organisation de processus consultatifs et de concertation), mais également les divers clubs et regroupements d'autres acteurs (environnement, eau et assainissement, infrastructures ...).

Leurs objectifs sont en général ceux de leurs membres : organiser la filière et attribuer à chacun des acteurs la place qui lui convient le mieux pour assurer la progression du secteur entier, en profitant des synergies possibles.

V.9.9. Les absents des jeux de la filière

Dans cette catégorie d'acteurs, sont classés les acteurs non concernés directement par l'agriculture urbaine mais qui peuvent y avoir une influence. Il s'agit principalement des acteurs chargés de l'habitat, des infrastructures, des mines et carrières ainsi que les riverains.

DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION DU CADRE DE L'ETUDE

VI.1. Un contexte favorable à l'émergence de la question agricole dans le projet de territoire urbain mais contraint par le milieu physique

Le territoire est entièrement compris entre 1350 m et 1850 m d'altitude. D'Ouest en Est, le relief se décompose en deux éléments : un relief montagneux à l'Ouest et des collines à l'Est. Entre les collines coulent des rivières ou des ruisseaux entourées de vallées profondes remblayées d'alluvions. Les vallées ont un fond plat et marécageux. La ville bénéficie d'un climat équatorial de hautes terres avec des températures douces (20oC) et des pluies modérées (1000 mm d'eau par an). Une portion assez importante de la population vit dans la zone urbano-rurale ou périurbaine où elle pratique une agriculture de subsistance sur de petites exploitations (Document de plan stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine de Kigali, 2009, p.8).

La ville est bâtie sur des collines massives faites de gros versants convexes où les pentes très fortes dans les bas-fonds (40-60%) s'affaiblissent progressivement en convergeant vers des sommets aplanis. 35% du territoire sont situés sur des pentes supérieures à 20% .

Parallèlement, le contexte politique et le cadre institutionnel sont propices au développement de l'agriculture urbaine et périurbaine.

 

Des pentes abruptes s'affaissent dans des vallées à fonds plat et marécageux

42

Photo !: zone pentue : 35% du territoire sont situés sur des pentes supérieures à 20% Source : master plan

43

VI.2. Un territoire en mutations

Construite à l'origine sur le flanc de la colline Nyarugenge dès 1907 selon le choix du Docteur Kandt, premier Gouverneur résident Allemand, la ville de Kigali, s'est progressivement agrandie pour occuper 45 ha en 1945, 250 ha à l'époque de l'indépendance (1962), 112 km2 avec la création de la ville de Kigali en 1990, 349 km2 avec le lancement officiel du processus de décentralisation qui en a fait un gouvernement local et aujourd'hui 731km2.

Avec l'avènement de l'indépendance, Kigali devint la capitale du Rwanda. Un premier plan directeur de la ville de Kigali fut établi en 1964 avec l'aide du ministère français de la coopération. Les années 80 verront la confection des plans directeurs qui s'érigeaient contre l'habitat spontané. Ne pouvant pas résoudre les problèmes spécifiques de la ville, la commune urbaine de Nyarugenge fut remplacée par la préfecture de la ville de Kigali (PVK) le 05/10/1990. Passant de 8 districts administratifs avec le lancement officiel du processus de décentralisation, la ville compte actuellement trois districts ( Nyarugenge, Kicukiro, Gasabo), 35 secteurs, 161 cellules et 1061 villages. Chaque district est divisé à son tour en secteurs dirigés par un secrétaire exécutif. Chaque secteur est divisé en cellules dirigées à leur tour par un Conseil de Cellules et d'un secrétaire exécutif de cellule. Les cellules sont aussi divisées en village (imidugudu). Chaque district est dirigé par un maire élu au suffrage universel. Les trois maires sont coiffés par le maire de la ville de Kigali ayant rang de Gouverneur de province

Après la guerre et le génocide de 1994, Kigali fut caractérisé par la rentrée massive des réfugiés de 1959 et le retour de ceux de 1994. D'autres mouvements migratoires intenses vers la capitale s'ensuivirent.

La ville de Kigali, présente ainsi une croissance démographique soutenue. De 1960 à 2000, la population est passée de 6000 habitants sur 3 km2 à environ 604 966 habitants sur 349 km2. En 2006, elle était estimée à 1,1 million d'habitants dont approximativement 60% vivent dans la zone urbanisée (Kigali Master plan, 2007, P.23). La réorganisation du territoire qui a eu lieu à la fin de l'année 2005 et a porté la ville de Kigali à 731 km2, y a contribué grandement.

La capacité d'accueil maximale a été estimée à un peu plus de trois millions. Cette capacité maximale serait atteinte aux environs de 2030 (hypothèse standard) ou 2020 (hypothèse haute). Le district de Gasabo recevra 60% de cette population tandis que Kicukiro et

44

Nyarugenge devront accueillir respectivement 30% et 10% (Kigali conceptual master plan, p.68). Cette population se concentrera principalement dans les secteurs Masaka, Rusororo, Ndera et Gahanga. Les tableaux et les figures ainsi que les cartes suivantes essayent de présenter graphiquement cette dynamique de population.

Tableau 2: Projection de la population par district

District

Population 2005

Population 2012

Population 2020

Capacité maximale

Taux de

Croissance annuel (%)

Superficie en

km2

Gasabo

397 430

595 285

922 923

1 733 387

5,65

430,3

Kicukiro

217 899

351 636

577 340

897 229

6,58

166,7

Nyarugenge

265 060

349 396

488 301

451 129

4,06

134

Total

880 390

1 296 317

1 988 564

3 081 745

5,43

731

Source : master plan et site web de la ville de Kigali

Tableau 3 : Evolution de la densité de population

District

Superficie

Potentiel de croissance

DENSITE (hab/km2)

 
 
 

2005

2012

2020

2020

Gasabo

430,3

65

924,25

1383,42

2144, 83

4028,32

Kicukiro

166,7

44

1307

2109,39

3463

5382,29

Nyarugenge

134

28

1978

2607,43

3644,03

3366,6

Ville de

Kigali

731

 

1204,36

1773,34

2720,33

4215,79

Source : SEBUHINJA ( calcul à partir des données du master plan)

3 500 000

3 000 000

2 500 000

2 000 000

1 500 000

1 000 000

500 000

0

2005 2012 2020 CAPACITE DE

CHARGE

GASABO KICUKIRO NYARUGENGE VILLE DE KIGALI

45

Figure 3: Evolution de la population urbaine jusqu'à l'atteinte de la capacité de charge maximale

Source : SEBUHINJA (2010)

6 000

5 000

4 000

3 000

2 000

1 000

0

2005 2012 2020 2030

GASABO KICUKIRO NYARUGENGE VILLE DE KIGALI

Figure 4: Evolution de la densité de population de 2005 jusqu'à l'atteinte de la capacité de charge maximale

Source : SEBUHINJA F. (2010) à partir des données du master plan (2007)

46

Carte 1 : Répartition spatiale de la population urbaine en 2005 Source: SEBUHINJA F. (2010)

Carte 2: Répartition de la population urbaine à l'atteinte de la capacité maximale Source : SEBUHINJA F. (2010) à partir des données du master plan

47

Carte 3: Répartition spatiale de la densité de population en 2005 Source : SEBUHINJA (2010)

Carte 4: Densité de peuplement à l'atteinte de la capacité maximale Source: SEBUHINJA (2010)

48

VI.3. L'agriculture dans les enjeux et jeux d'acteurs de la gouvernance territoriale urbaine

VI.3.1. Etat des lieux

A Kigali, le non-suivi des schémas directeurs d'aménagement urbain a favorisé un développement anarchique de l'agriculture urbaine parallèle à un habitat anarchique et une croissance démographique sans planification. A cet état de fait correspondent des logiques d'implantation particulières, dépendantes de trois facteurs principaux :

- la présence de terrains libres au sein de quartiers à vocation agricoles;

- la présence d'un réseau hydrographique dense et

- la présence de nombreux marais et bas-fonds.

Avec 731 km2, le territoire de la ville de Kigali est occupé par une agriculture à faible intensité sur près de 40% du territoire, soit 29 157 ha. 40 000 ménages correspondant à 200 000 personnes dont 2 500 du district de Nyarugenge, 47 500 du district de Kicukiro et 150 000 personnes du district de Gasabo vivent directement de la production agricole vivrière (document de plan stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine de Kigali, 2009, p.18). Sur base d'une population estimée à 1 100 000 habitants dont 200 000 pratiquent l'agriculture, l'agriculture urbaine et périurbaine occuperait alors au total, 18% de la population urbaine. 75% de ces agri-éleveurs appartiennent au district de Gasabo. Les productions de la ville de Kigali sont négligeables par rapport à la production nationale : moins de 1% pour l'ensemble des productions (idem). Les productions obtenues sont vendues dans les petits marchés locaux de la ville ou autoconsommées. Il n'a pas encore été établi dans quelle mesure l'agriculture urbaine et périurbaine approvisionne la demande de la ville de Kigali.

VI.3.2. Orientations d'aménagement et de développement VI.3.2.1. Orientation gouvernementale

La vision du Gouvernement en matière de développement agricole s'oriente vers la réduction de la pauvreté en particulier du monde rural avec une population jouissant d'une sécurité alimentaire durable grâce à :

49

- Une agriculture familiale modernisée, innovatrice, professionnelle et spécialisée ; génératrice d'emplois et de revenus et orientée d'une manière volontaire vers le marché (domestique, sous-régional, régional et international) ;

- Une agriculture intégrée et diversifiée et régionalement spécialisée qui assure la sécurité alimentaire de la population et une distribution équitable des ressources et des revenus ;

- Une agriculture soucieuse de la préservation de l'environnement et des ressources naturelles.

a) Intention et objectif du gouvernement

L'objectif global de la politique nationale agricole est de:

- Assurer une croissance économique soutenue ;

- Contribuer à la réduction de la pauvreté dans le monde rural et aux accroissements des

revenus des producteurs.

Les aspects suivants qui dérivent de ceux du Plan Stratégique de Réduction de la Pauvreté

(PSRP) constituent les orientations prioritaires de cette politique :

-Réduction de la pauvreté et croissance économique en relation avec la Stratégie de Réduction

de la Pauvreté (SRP) ;

-Modernisation de l'agriculture dans un contexte de développement durable ;

-Sécurité alimentaire.

Cette politique nationale agricole est appuyée par un plan stratégique de transformation de

l'agriculture (PSTA) qui insiste particulièrement sur : l'intensification, la professionnalisation,

la régionalisation et la commercialisation.

b) Attentes signifiées à la mairie de la ville de Kigali

Dans le cadre de la spécialisation régionale préconisée par le Ministère de l'agriculture et des Ressources Animales (MINAGRI), la ville de Kigali a retenu les spéculations suivantes qu'elle doit promouvoir (document de plan stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine de Kigali, p.47) :

a) les cultures maraîchères ;

b) l'arboriculture fruitière ;

c) l'agroforesterie ;

d) le petit élevage ;

e) la production laitière;

f) les cultures ornementales;

g)

50

la production des champignons;

h) l'apiculture ;

i) le sisal ;

j) les bambous et le mûrier

La spécialisation par district est la suivante (RADA et PASNVA, 2007) :

- cultures maraîchères, le mûrier, le géranium et le café dans le district de Kicukiro

- cultures maraîchères, cultures fruitières et café dans le district de Nyarugenge

- le sorgho, le maïs, cultures maraîchères, le haricot, le café et les cultures ornementales dans

le district de Gasabo.

c) Soutien et engagements gouvernementaux

L'Etat gère l'agriculture par le biais du Ministère de l'Agriculture et des Ressources Animales (MINAGRI) à travers ses structures décentralisées au niveau des villes, districts et secteurs.

Le Ministère de l'Agriculture et de l'Elevage ne consacre pas d'importance spécifique à l'agriculture urbaine et périurbaine dans sa politique au niveau national ni au niveau des districts ou des secteurs.

VI.3.2. L'agriculture urbaine dans le projet de territoire urbain VI.3.2.1. L'agriculture dans le master plan de la ville de Kigali

D'après le master plan l'agriculture sèche sera la première occupation dans les zones réservées à l'agriculture sèche et les zones résidentielles rurales. Les utilisations agricoles vont de l'agriculture commerciale à des coopératives agricoles, aux petits jardins potagers des ménages et aux zones de pâturage du bétail.

Dans les zones urbaines, le pourcentage de terres consacrées à l'agriculture va diminuer et les usages agricoles seront moins fréquents. Les petits jardins potagers des ménages continueront à exister dans la moyenne et basse densité. Dans les zones à haute densité, l'agriculture sera quasi inexistante mais des jardins sur les toits des maisons (rooftopgardens) seront possibles. Les espaces ouverts seront utilisés plus pour des raisons esthétiques, de loisirs et d'infrastructures que pour les utilisations biologiques et écologiques.

51

Les zones humides et les forêts devront surtout rester intactes. Ces zones ont une plus haute valeur environnementale, écologique et biologique pour Kigali, et devront être protégées contre l'urbanisation dans la mesure du possible.

Le master plan a déterminé les zones où seront installées et développées les activités d'agriculture urbaine qui sera réservée uniquement aux producteurs et n'aura pas une densité élevée de population (10 personnes par hectares).Ce plan a identifié 47 000 hectares soit 65% de la superficie de la Ville de Kigali comme zones naturelles (natural features) classés et répartis comme suit :

Tableau 4: Répartition des espaces ouverts de la ville de Kigali

Zones à usage rural

Hectares

Pourcentage

Agriculture sèche

3,481

7.4%

Forêts existantes

3,123

6.6%

Parcs et espaces ouverts

3,277

7 %

Reforestation

16,996

36.2 %

Zones humides

10,108

21.5 %

Residentiel-Rural

10,021

21,3 %

Total

47,005

Source : Kigali conceptual master plan (2007, pp 70-72)

Ainsi, 45% des espaces verts ont été désignés pour la reforestation, 20% pour l'agriculture et 6% pour les parcs et espaces ouverts. La plupart de ces espaces est localisée dans le district de Gasabo, le district le plus rural. Environ 30 000ha soit 70% de la superficie de ce district resteront rural (Kigali conceptual master plan, p.72).

a) Objectifs assignés à l'agriculture urbaine par le master plan

Les objectifs assignés à l'agriculture selon le master plan (Kigali conceptual master plan,

2007, p. 120) sont les suivants:

- aider les résidents en transition de la sphère rurale à la sphère urbaine;

- utiliser l'agriculture urbaine comme une technique destinée à couvrir les besoins pratiques

des citadins tout en participant à l'amélioration écologique et environnementale du paysage;

- Valoriser les zones de Kigali qui ne peuvent pas être densément développées ;

- Perpétuer l'héritage culturel et agricole du Rwanda en l'utilisant comme un

élément structurant du paysage urbain là où c'est possible.

52

b) Stratégies et actions prévues par le master plan

· protéger les droits fonciers et préserver le choix individuel dans l'exploitation agricole.

· Encourager l'utilisation rationnelle et durable des exploitations agricoles en offrant des options pour l'agriculture collective dans les cas où il peut être plus productive.

· Mettre en oeuvre la régularisation foncière.

· Protéger et promouvoir l'accès des femmes aux ressources en terres et à leur utilisation en veillant à leur participation à la réforme foncière dans les lieux où ils peuvent facilement aller participer (non loin de leurs domiciles ou à des moments inappropriés).

· Soutenir la croissance des possibilités d'emploi hors ferme, l'approvisionnement et la distribution des opportunités selon la localisation judicieuse de ces activités par rapport à d'autres parties de la chaîne de valeur.

· créer "des centres d'innovation» au niveau des secteurs et des districts qui regroupent l'ensemble des diverses activités liées à l'intensification agricole en appui de la politique nationale qui identifie l'agriculture comme un tremplin pour la transition économique à l'appui de ce programme ;

· Mettre en évidence les possibilités d'éducation et de renforcement des capacités pour la transition agricole, une agriculture et un entrepreneuriat à forte intensité, axé sur la valeur ajoutée et orienté vers le marché ;

· Utiliser l'éducation publique et des médias pour renforcer les capacités sur les techniques de l'agriculture urbaine et les stratégies utilisées dans d'autres villes en Afrique et dans d'autres parties du monde ;

· promouvoir et soutenir l'agriculture urbaine dans des endroits appropriés en tant que stratégie urbaine moderne et progressive pour la durabilité environnementale, économique et sociale ;

· Utiliser l'agriculture urbaine dans la planification urbaine.

· Mettre en oeuvre des outils de planification (SIG et des études de potentiel des terres) et le renforcement des capacités au niveau du district, du secteur et de la communauté pour mettre en oeuvre les stratégies énumérées ci-dessus ;

Plusieurs actions en appui à l'agriculture urbaine et péri urbaine sont prévues (stratégie d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine, 2009) :

1. La collecte et le recyclage des déchets ;

2. Le compostage ;

3.

53

L'agroforesterie et la sylviculture ;

4. La protection des marais et l'agriculture des marais ;

5. L'agriculture commerciale et la transformation (des produits agricoles et d'élevage) C) Enjeux

- Risques associés à la diminution de la production d'aliments locaux ou des cultures de subsistance et les problèmes liés à la transition entre les cultures vivrières de subsistance aux cultures de rente ;

- Coûts de démarrage élevés associés à l'adoption de nouvelles pratiques agricoles ou de nouvelles cultures ;

- Intégration des petits agriculteurs marginaux dans des programmes agricoles plus efficaces et plus productifs ;

- Intégration des programmes d'éducation et d'auto-assistance axée sur la transition des pratiques agricoles ;

- Marginalisation des femmes dans l'agriculture et la reconnaissance de l'importance de leur rôle dans les pratiques agricoles actuelles à travers le pays ;

- Manque de sécurité foncière, et la nécessité de finaliser le programme de régularisation foncière ;

- Manque de plans de gestion des ressources / cartes pour aider les agriculteurs et les planificateurs à prendre des décisions d'utilisation des terres et la gestion des exploitations.

54

Tableau 5 : Infrastructures vertes de la zone rurale de la ville de Kigali

 

Forêts existantes

Reforestation

Agriculture sèche

Zone résidentielle rurale

Zones humides (wetlands)

En résumé

Seront protégées.

De vastes zones seront

L'agriculture traditionnelle et

Cette zone n'est pas appropriée

Les zones rangées dans la catégorie de

 

mises de côté pour être

commerciale sous forme de

au développement urbain suite

zones humides ou zone tampon des

Leurs exploitations

reboisées.

production végétale ou animale

au manque de routes et autres

zones humides (wetland buffers) seront

seront extrêmement

 

sera la première utilisation dans

infrastructures ainsi que sa

protégées.

limitées: récolte de bois

L'usage résidentiel n'y est

cette zone.

topographie arpentée.

Elles seront les principaux composants

de chauffage, collecte

pas permis

 

Une agriculture à petite échelle

des zones de traitement

de plantes médicinales, chasse, etc

 

Aucun nouveau peuplement ne peut se faire dans cette zone.

(small-scale agriculture) et une
faible densité de peuplement
(autour de 10 habitants ou 2

environnementales et aideront dans

l'amélioration de la qualité de l'eau ainsi que le traitement des eaux usées.

L'usage résidentiel y est

 

L'usage résidentiel sera limité

logements par ha) seront la

Economiquement, les zones humides

interdit

 

aux familles engagées dans la

première utilisation de cette

constituent une source de revenus en

 
 

production agricole.

zone.

L'agroforesterie et l'agriculture des zones humides adjacentes sont encouragées.

supportant diverses formes d'agricultures humides allant de la culture de canne à sucre à la culture de riz. Aucun usage résidentiel n'est permis dans les 20m de cette zone.

Type

d'infrastructure verte

Réserves naturelles Peuplement contrôlés Agroforesterie

Pâturage/élevage

Reforestation et
agroforesterie

Agriculture commerciale Jardins de subsistance Coopératives agricoles

 

Réserves naturelles, jardins communautaires,

agriculture commerciale, coopératives
agricoles

Source : Kigali conceptual master plan (2007, p.82)

55

Tableau 6 : Infrastructures vertes de la zone urbaine de la ville de Kigali

 

ZONE DE FAIBLE DENSITE

ZONE DE DENSITE

MOYENNE

ZONE DE HAUTE DENSITE

CENTRE URBAIN

En résumé

-Densité moyenne : 40 habitants par

-Densité : 85 habitants ou 17

- Densité : 250 habitants/ha

Zone à usage mixte similaire à la

ha ou

logements par hectares

- immeubles de plus de 4 étages

zone avec haute densité mais avec

10 logements par ha.

- Usage résidentiel avec des

avec appartements.

une concentration élevée

- usage résidentiel avec un peu de

immeubles de moins de 4 étages.

-Développement de copropriété et

d'équipements culturels et publics

commerce et d'industries.

-Parcelle de 1000m2 en moyenne. - L'habitat sera du haut standing au medium standing avec des centres commerciaux aux intersections.

- parcelle moyen standing et bas standing de 500m2 en moyenne.

- centres commerciaux avec des

services sociaux comme
pharmacies et écoles maternelles

parcelle bas standing

- parcelle de 200m2 en moyenne

- usage résidentiel mais
dominance de l'usage commercial

avec des centres de services

régionaux: hôpitaux, universités,

écoles secondaires et primaires,

bâtiments gouvernementaux,

départements de police, stades,

bureaux multi-étages, maisons de

-pente supérieure à 10%.

aux intersections

- pentes supérieures à 5%

sociaux comme centres de santé, écoles, terrain de sports, ...

détail, centre de commerce en salle et en ligne

 
 

-pente de moins de 5%

Cette zone sera installée au sommet des collines sur des pentes de moins

 
 
 

de 5%

Type d'infrastructure

Drainage avec de la végétation

Jardins dans des conteneurs et

Parcs artificiels

Jardins sur les toits des maisons

verte

(vegetated drainage), potagers de

jardins communautaires

Vases sur les balcons

 
 

cuisine, terrains de loisir

 

Arbres de rues

Arbres de rue

Source : Kigali conceptual master plan (2007, p.82)

56

VI.3.2.2. L'agriculture urbaine dans le plan stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine

a) Objectifs de la stratégie pour l'agriculture urbaine et périurbaine

Le plan stratégique élaboré par la mairie donne comme objectif global de l'agriculture urbaine et péri urbaine de contribuer à la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations urbaines par l'amélioration de la disponibilité et de l'accessibilité durables des produits agricoles de qualité, frais et diversifiés, tout au long de l'année, tout en créant des emplois et des possibilités de revenus en faveurs des producteurs et éleveurs urbains et péri urbain à faibles ressources (Document de plan stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine, p.10).

b) Actions envisagées

La stratégie d'appui à l'Agriculture Urbaine et Périurbaine (AUP) repose sur 5 axes qui correspondent aux principaux défis à relever, à savoir (idem, p.12) :

Sécuriser la disponibilité en terre et en eau (réserves d'espaces et d'eau de qualité pour l'AUP)

Les interventions proposées consistent à :

- Affiner les spécifications des espaces disponibles et préciser leur vocation pour des activités sélectives d'AUP

- Cartographier, borner et enregistrer au cadastre les espaces, et terres qui pourront être réservées aux activités de l'AUP : 15 000 ha selon le master plan

- Adopter des dispositions légales suffisantes pour les réserver et les protéger pour les activités de l'AUP

- Faire le bilan des ressources en eau disponibles pour l'AUP (eau de surface, de nappe phréatique, de pluie)

- Développer l'irrigation avec un coefficient élevé d'utilisation de l'eau (irrigation au goutte à goutte) pour les cultures à haute valeur ajoutée.

Ainsi, après inventaire et appréciation de la valeur agricole de ces terres, leur cartographie et bornage et leur inscription au cadastre qui va délivrer un document d'enregistrement, ces

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terres seront données aux associations/coopératives qui vont les exploiter. Les marais et les zones de culture sèche seront aménagés, pourvus de drainage et d'irrigation en fonction des besoins et des potentialités et les groupements bénéficiaires formés à leur usage et maintenance.

Sécuriser la qualité et l'innocuité des produits et la protection de l'environnement Les interventions proposées consistent à :

- Préciser les protocoles de production et de distribution des produits de l'AUP afin d'assurer la conformité avec les normes de qualité et d'innocuité et la préservation de l'environnement

- Assurer la formation des encadreurs et des producteurs ainsi que le suivi technique pour la mise en oeuvre de ces protocoles,

- Renforcer la capacité pour le contrôle de qualité.

- Prendre les dispositions pour éviter la pollution des ressources en eau et vérifier que leur

qualité soit conforme aux normes pour les eaux d'irrigation établies par la FAO et l'OMS - Assurer le recyclage des déchets ménagers et urbains et les transformer en compost de

qualité ou autres sous-produits utiles tels que les briquettes d'énergie.

Les principes des Bonnes Pratiques Agricoles -BPA7- et du Portail Phytosanitaire International -PPI8- pour l'intensification et la diversification des productions agricoles de qualité seront établis et mis en oeuvre. Les cadres techniques et les producteurs seront formés tandis que les associations paysannes seront formées et informées à l'approche de l'école au champ.

Les déchets organiques de la ville et des ménages seront récupérés et transformés en compost ou en briquettes énergétiques. Des normes d'hygiène et de qualité seront mises au point et contrôlées.

Les zones vertes de la ville ainsi que les zones forestières et agroforestières de la Ville de Kigali seront maintenues et protégées (Urban Greening).

7 Les BPA est un ensemble de règles à respecter pendant l'implantation et la gestion des cultures. Selon la FAO (2002), le cadre pour de bonnes pratiques agricoles présente les principes directeurs de bonne agriculture en regroupant dans 11 éléments de ressources (sol, eau, production végétale et fourragère, protection des cultures, production animale, santé animale, bien-être des animaux, récolte et transformation sur l'exploitation, et entreposage, gestion de l'énergie et des déchets, bien-être, santé et sécurité des humains, faune sauvage et paysage) les problèmes, les disciplines et les pratiques pertinents. Il est possible d'élaborer, à l'aide du cadre proposé, des directives de gestion détaillées pour les différents systèmes de production au sein d'agro-écosystèmes spécifiques.

8 Le PPI est le mécanisme électronique mis en place par le Secrétariat de la Convention Internationale pour la Protection des Végétaux (CIPV) dans le but de faciliter les échanges d'informations phytosanitaires officielles (y compris les communications sur les organismes nuisibles) entre Organisations Nationales de Protection des Végétaux (ONPV), Organisations Régionales de Protection des Végétaux (ORPV) et/ou le Secrétariat de la CIPV

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Sécuriser l'appropriation durable de l'agriculture urbaine et périurbaine par les acteurs de la filière

Les interventions proposées consistent à :

- Assurer la disponibilité et l'accès aux intrants de qualité (semences et produits agro-chimiques selon les principes des BPA)

- Assurer un mécanisme d'accès au micro crédit adapté au contexte et aux spéculations de l'AUP

- Faciliter et promouvoir l'organisation des producteurs en groupements professionnels

- Mettre en place un système de gestion et de capitalisation des connaissances y compris un système de suivi évaluation susceptible d'appréhender l'impact du plan stratégique.

Des activités productives de la filière AUP seront mises en oeuvre et gérées par des

groupements, des familles individuelles ou des institutions dans une logique de
professionnalisation.

Sécuriser les débouchés

Les interventions proposées consistent à :

- Conduire une démarche proactive pour créer la demande basée sur une alimentation mieux équilibrée incluant la consommation de fruits et légumes pour la santé ;

- Développer les opportunités de transformation en respectant les normes d'hygiène et de qualité en la matière ;

- Explorer et favoriser les modalités de commercialisation adaptées au contexte urbain et

notamment la vente directe et de proximité au niveau des « Imidugudu » (villages) ;

- Négocier des accords avec des consommateurs « institutionnels » et « commerciaux » ;

- Valoriser des opportunités à l'exportation de produits à haute valeur (i.e. plantes

ornementales, condimentaires, médicinales, aromatiques, à huiles essentielles)

Sécuriser le contexte politique, institutionnel et opérationnel

Les interventions proposées consistent à :

- Renforcer la place de l'AUP dans les documents clé de politique à savoir dans le plan national de l'agriculture, PSTA II, et autres documents de politiques sectorielles y compris la politique nationale en matière de l'habitat.

- Mettre en place et opérationnaliser un mécanisme de concertation et participation des acteurs et partenaires de la filière AUP,

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- Consolider le contexte institutionnel par le renforcement du PAPUK, son ancrage au niveau de la Mairie avec des liens multidisciplinaires avec les partenaires du secteur public et privé.

- Activer un mécanisme de gestion et de concertation de l'AUP pour la mise en oeuvre d'un plan d'actions en intégrant les diverses initiatives (Conseil PAPUK).

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TROISIEME PARTIE : PRESENTATION, ANALYSE ET DISCUSSION DES RESULTATS

VII.1. Présentation des résultats

VII.1.1. Quelle place l'agriculture est-elle appelée à jouer et qui justifierait les choix d'aménagement ?

Tableau 7 : Place de l'agriculture urbaine selon le master plan et le plan stratégique

SELON LE MASTER PLAN l'agriculture urbaine est appelée à

 

Selon le plan stratégique d'appui

à l'agriculture urbaine et

périurbaine, l'agriculture est
appelée à

1. Aider les résidents ruraux en transition vers la sphère urbaine

 

1. contribuer à la sécurité

alimentaire et nutritionnelle des
populations urbaines

2. Couvrir les besoins pratiques des citadins en participant à l'amélioration écologique et environnemental du paysage urbain

tout

2. créer des emplois et des
possibilités de revenus en faveur
des producteurs et éleveurs urbains

3. Valoriser les zones qui ne peuvent pas être densément développées

 
 
 
 

Source : SEBUHINJA (2010) sur base des données du master plan et du plan stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine

VII.1.2. Comment l'agriculture est-elle prise en compte et protégée ?

Le master plan a localisé les espaces strictement agricoles et d'autres espaces où l'agriculture est possible. Ces espaces strictement agricoles par ailleurs estimés à 20% des espaces ouverts, seront cartographiés, bornés, inscrits au cadastre et attribués aux coopératives qui auront été formées aux bonnes pratiques agricoles et au portail phytosanitaire international.

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Tableau 8 : Agriculture urbaine dans les espaces ruraux et les zones humides

Dans

Il sera possible d'y installer

Les espaces ruraux

des pâturages pour l'élevage, des jardins de subsistance, des

coopératives agricoles et de faire de la reforestation et
l'agroforesterie

Les zones humides

Les jardins communautaires, l'agriculture commerciale et les

coopératives agricoles

Source : SEBUHINJA (2010) sur base des données du master plan

Dans la zone urbaine, la distribution spatiale de l'agriculture sera fonction de la densité de population. Ainsi :

Tableau 9 : Agriculture urbaine dans les espaces denses et intermédiaires

Dans

Il sera possible d'y installer

la zone de faible densité

Des jardins potagers

la zone de densité moyenne

Jardins dans des conteneurs et des jardins communautaires

la zone de haute densité

Parcs artificiels, des vases sur les balcons et des arbres de rues

Le centre urbain

Jardins sur les toits des maisons et des arbres de rue

Source : SEBUHINJA (2010) sur base des données du master plan

VII.1.3. Cette prise en compte préserve-t-elle des espaces qui permettront aux fonctions de production de l'agriculture de grands espaces de s'exprimer de façon lisible?

La carte des zones d'enjeux met en évidence que c'est dans les zones à enjeux environnementaux forts (zones pentues et zones humides) que l'agriculture des grands espaces a été réservée. L'agriculture des zones humides aura probablement tendance à diminuer au cours des prochaines années, sous l'effet conjugué de l'urbanisation et d'une possible relocalisation des activités agricoles par les acteurs de l'environnement. Avec 35% du territoire situé dans des zones ayant une pente supérieure à 20%, il ne sera pas possible d'y installer une agriculture effectivement productive.

ZONES URBAINES

Réserves naturelles,

Agroforesterie,

Peuplement contrôlés (managed woodlots)

Forêts existantes

Pâturages/élevage

Reforestation Agroforesterie

Reforestation Agriculture

ZONES

Agriculture

traditionnelle et

Commerciale

Jardins de subsistance

Coopératives

agricoles

sèche R

Agriculture à petite échelle (small scale agriculture), agroforesterie

ésidentiel rural

RURALES

agriculture commerciale et coopératives agricolecs Réserves

naturelles

jardins communautaires,

Zones

humides Faible

densité

Potagers

et

communautaires

Jardins

Densité moyenne

Jardins dans des conteneurs

Parcs artificiels, Vases sur balcons, arbres de rue

Haute densité

Jardins su les toits des maisons

Centre urbain

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Figure 5: Transect de localisation de l'agriculture urbaine selon le master plan Source : adapté du master plan par SEBUHINJA (2 010)

Organismes de financement : FAO, ONG, institutions financières et banques

RECO RWASCO + MININFRA

Figure 6:Schémas d'acteurs

Acteurs de la société civile (syndicats,...)

ELUS URBAINS

Acteurs absents

REMA + Ministère de tutelle

Administration urbaine +MINALOC

NAFA + Ministère de tutelle

Légende du schéma d'acteurs:

Logique de gouvernance

Logique de participation

Logique de compétitivité et/ou de complémentarité Logique de partenariat financier/technique/logistique

ESPACES AGRICOLES ET AGRICULTURE URBAINE

Service des Terres, Urbanisme et Habitat

RADA, RARDA, RHODA + ministère de tutelle (MINAGRI)

Institutions scientifiques et techniques (enseignement, ISAR,...)

Service agricole urbain

Projet PAPUK

Acteurs annexes

Mines, carrières et tourisme + leurs ministères de tutelle

Service

d'infrastructure et environnement

Service de l'eau, assainissement et énergie

Porteurs de projets agricoles

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VII.1.4. Comment s'organisent et se dessinent les jeux d'acteurs ?

VII.1.4.1. Le schéma d'acteurs

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VII.1.4.2. Caractérisation sommaire des acteurs

a) Les acteurs institutionnels

Dans cette catégorie d'acteurs, on trouve notamment le RADA, le RARDA, le RHODA, le REMA, le NAFA, le RBS, le FDC, la ville de Kigali et ses districts, les différents ministères concernés (MINAGRI, ministère des terres et de l'environnement, ministères des forêts, ministère de l'administration locale, ministères des infrastructures ainsi que les institutions gouvernementales de soutien (eau et électricité, ....).

Le RADA est chargé entre autre de mettre en oeuvre la politique agricole nationale et le RARDA met en oeuvre la politique agricole nationale en matière d'élevage tandis que le RHODA est chargé de la promotion et du développement des produits horticoles. Bien que le ministère de l'agriculture n'accorde aucune importance spécifique à l'agriculture urbaine , il finance néanmoins certaines activités des districts urbains. Le RADA distribue des semences sélectionnées et des engrais et donne des formateurs au besoin. Il achète aussi la production aux producteurs. Un projet intitulé `'Rainwater harvesting project» logé au RADA aide certaines écoles comme l'école secondaire saint André à faire l'irrigation au goutte à goute des cultures maraichères.

Le RARDA donne des vaccins pour bétail, distribue des vaches dans le cadre du projet `'one cow one family» ainsi que des produits vétérinaires ad hoc et des semences fourragères. Il paye aussi les techniciens vétérinaires de secteur.

Le REMA est l'organe chargé de contrôler, de faire le suivi et de s'assurer de l'intégration des aspects environnementaux dans tous les programmes de développement national au Rwanda. Outre ces tâches, le REMA intervient entre autre dans la stabilisation des berges des rivières notamment la Nyabarongo et la récolte des eaux de pluie en collaboration avec la ville de Kigali. Il autorise les activités après analyse de leur impact environnemental.

Le fonds de développement communautaire (FDC) finance les projets des districts (y compris les projets agricoles des districts urbains).

Le Rwanda Bureau of Standards (RBS) fait la normalisation notamment des produits d'élevage et autres. Il contrôle la qualité des produits agricoles par rapport à ces standards fixés.

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Un cadre d'échange regroupant le MINAGRI et ses offices et la ville de Kigali et ses districts et techniciens a été décidé lors d'une séance de validation du plan stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine.

Une diversité de vues existe entre les acteurs de l'agriculture, de l'environnement et de l'urbanisme sur le programme de l'agriculture urbaine et périurbaine (document de plan stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine, 2009, p.30).

Au Rwanda, la deuxième phase de décentralisation de 2005 a transféré les pouvoirs et l'autorité du Gouvernement Central vers les Gouvernements Locaux rendant ainsi les Districts des entités légalement et administrativement autonomes.

Avec cette décentralisation, trois rôles et responsabilités ont été dévolus au niveau central (national) : la formulation des politiques, la mobilisation des ressources et le renforcement des capacités.

En matière d'agriculture urbaine et ses espaces, trois acteurs de la ville de Kigali sont directement concernés :

- les élus urbains ;

- l'administration et

- les services techniques (agricoles) ainsi que le projet PAPUK.

Les élus urbains constituent le conseil de la ville et du district, comité exécutif de la ville et du district, conseil de développement de la ville ou du district

L'administration de la ville est constituée par le comité exécutif de la ville ou du district, le conseil de district, secrétariat exécutif de la ville ou du district.

Les services techniques exécutent chacun en ce qui le concerne (eau, assainissement et énergie, agriculture, infrastructures et environnement, terres, urbanisme et habitat, ...).

En matière agricole, le service agricole et le projet PAPUK financé actuellement par la FAO, sont directement concernés. Sur le terrain, ils rencontrent d'autres acteurs dans une logique de participation, de gouvernance, de compétitivité et/ou de complémentarité, de partenariat financier, technique ou logistique.

b) 66

Les instituts d'expertise, de conseil, de recherche et de formation

Le rôle de telles institutions dans l'agriculture urbaine à Kigali n'est pas encore visible. Cependant, l'Institut des sciences agronomiques du Rwanda chargé de la recherche agricole, distribue entre autres des plants d'arbres agroforestiers.

c) Les institutions d'enseignement et de formation

L'impact de leurs activités ne se voit pas encore, mais aura une influence sur la trajectoire de développement de la filière à moyen et long terme.

Les formations actuellement proposées sont en rapport avec la filière agricole classique. On peut s'attendre à ce que ces cycles de formation se développent proportionnellement au développement de la filière : plus la filière prendra de l'importance, plus ces formations seront proposées. Le projet PAPUK a mis en place un centre de vulgarisation des microjardins à Gatenga et va installer des centres de formation et de démonstration en agriculture urbaine. En collaboration avec le service environnement de la ville des microjardins irrigués à l'eau de pluie vont être installés dans des ménages par le projet PAPUK en guise de démonstration tandis que le Gako organic farming training centre situé à Kabuga donne des formations en agriculture durable aux intéressés à ce type d'agriculture capable de payer les frais de formation (18 dollars US/personne/jour : http://www.ifoam.org/growing_organic/7_training/t_opportunities/africa/Orga nic_Farming_Training_Centre.html)..

d) Les porteurs de projet (agriculteurs, coopératives, entreprises agricoles,...)

Ce sont les acteurs clés de la filière. La ville de Kigali compte environs 2 158 agriculteurs et éleveurs regroupés dans 119 coopératives et associations reconnues officiellement au niveau de la Mairie et repartis dans différentes filières de l'agriculture urbaine et péri -urbaine dont 3 spécialisées en gestion de pépinières fruitières ou d'agroforesterie , 4 en apiculture, 30 dans l'agrobusiness, 20 dans l'agriculture et l'élevage, 22 dans les champignons, 12 dans l'agriculture pure, 16 dans l'horticulture et 12 dans l'élevage pure (stratégie d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine de Kigali, p.33). L'option coopérative est la plus préférée par la mairie mais les coopératives agricoles connaissent des problèmes de gestion.

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Une analyse des perceptions sur l'agriculture urbaine a permis de constater trois catégories d'agriculteurs urbains à Kigali (SEBUHINJA, 2009):

- des agriculteurs héritiers d'une culture agricole menacée dont certains pratiquent l'agriculture faute de mieux ;

- des agriculteurs innovateurs et

- ceux revendiquant un statut d'entrepreneurs.

La première catégorie est la plus dominante mais tout semble faire croire que s'ils trouvaient mieux, ils abandonneraient carrément l'agriculture urbaine. Les deux dernières catégories sont peu nombreuses et cela pourrait signifier que les gens hésitent à s'engager dans l'agriculture.

En matière d'élevage, les acteurs sont pour la plupart des fonctionnaires, des militaires, des commerçants,... en démarche entrepreneuriale mais brillant par l'absentéisme car ils ont d'autres occupations.

Les acteurs industriels sont constitués de laiterie (deux laiteries présentes dans la ville), d'abattoirs (deux abattoirs présents), de transformateurs de produits agricoles et leurs dérivés (minoterie, fabrication de purée de tomate, boulangerie, boucherie charcuterie, fabrications de bières et limonades, transformations de cuirs et peaux, fabrication d'aliment pour bétail,...).

Selon des informations recueillies sur le terrain, un grand projet de culture irriguée à Masaka est en cours d'étude en collaboration avec le ministère de l'agriculture et des ressources animales tandis qu'un grand marché régional de légumes et fleurs de 20 ha va être installé à Masaka (Kicukiro). Le projet PAPUK en collaboration avec le service environnement compte installer des jardins potagers arrosés à l'eau de pluie dans 50 ménages par secteurs.

e) Les organismes professionnels agricoles

A Kigali, malgré l'existence d'une chambre d'agriculture, son rôle dans l'agriculture urbaine n'est pas visible. Le syndicat agricole Imbaraga est actif dans les secteurs ruraux de la ville où il dispose des animateurs agricoles.

f) Les acteurs de la société civile

A Kigali, tout comme dans tous les districts du Rwanda, dans le cadre de la décentralisation, il a été créé un organe dit « Joint Action Forum » ou « Forum d'Action Conjointe » de partenariat

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entre tous les acteurs de développement et l'administration des Districts. Ce Forum d'Action Conjointe est un Forum réunissant tous les représentants des acteurs de développement du District (bailleurs, programmes/projets, société civile, secteur privé, confessions religieuses, ONGs, organisations philanthropiques, etc.) qui agissent d'une manière ou d'une autre et qui ont un rôle direct et ou indirect dans le développement du District.

Cet organe qui réunit à la fois des acteurs du secteur public, du secteur privé ainsi que ceux de la société civile contribue au développement durable du District depuis la planification jusqu'à l'évaluation en passant par l'exécution des actions de développement.

g) Les organismes de crédit

Ce groupe d'acteurs est destiné à accorder des crédits pour financer les projets agricoles. On peut y recenser entre autres organismes : Banque Rwandaise de Développement, Banque Populaire, Fonds de Développent Communautaire (FDC), Quelques organisations de micro finances, Quelques projets du MINAGRI comme RSSP (Rural Sector Support Project),...

L'accès au crédit est difficile dans la ville de Kigali, surtout s'il s'agit d'un crédit agricole9. Pourtant le financement des activités agricoles recourt souvent au crédit, car la plupart des opérateurs n'ont pas toujours de moyens propres pour développer leurs activités (document de stratégie d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine, 2009, p.48).

h) Les acteurs « annexes »

Leurs objectifs sont en général ceux de leurs membres : organiser la filière et attribuer à chacun des acteurs la place qui lui convient le mieux pour assurer la progression du secteur entier, en profitant des synergies possibles.

9 En période que l'on pourrait qualifier de normale, la tendance des prêteurs est de s'orienter vers des projets rentables dont le retour sur investissement et la production sont les plus rapides possibles. L'agriculture étant une économie à cycle long et soumise à beaucoup d'impondérables, elle s'en trouve pénalisée. D'autre part, la question de la lisibilité foncière est centrale et stratégique pour la pérennité économique de l'agriculture périurbaine. En effet, pour reprendre une exploitation comme pour créer une activité nouvelle, un agriculteur a besoin d'une visibilité au moins égale à la durée de remboursement de ses emprunts, soit entre dix et vingt ans en moyenne (Certu et al., 2008). Si la ville ne lui offre pas cette visibilité, les banques ne prendront pas le risque de l'accompagner et il ne pourra faire les investissements nécessaires à son activité (foncier, bâtiments, cheptel, machinisme... ).

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i) Les absents des jeux de la filière

Ces acteurs seront amenés, à jouer un rôle important, sans pour autant intervenir directement sur le destin de la trajectoire de développement de la filière.

En effet, un fait avéré et étiqueté comme tel est que, à Kigali, l'urbanisation est inéluctable. Les services d'habitat et d'infrastructures vont être très sollicités tandis que les services d'environnement seront dépassés par les impacts de cette urbanisation sur l'environnement (gestion des eaux dont le taux de ruissellement aura été augmenté par l'artificialisation des espaces, gestion des déchets. Les espaces prévus pour les constructions suffiront-t-il ? Que se passera-t-il si, au lieu de l'hypothèse standard (5,43% de taux de croissance) c'est l'hypothèse haute (8% de taux de croissance) qui se produit. Les espaces agricoles résisteront-ils à cette urbanisation et à son impact ? Les acteurs actifs aujourd'hui auront un intérêt à y voir une opportunité d'actions proactives de leur part ou une menace à faire sauter ou contourner.

VII.1.4.3. Les jeux d'acteurs

La partie précédente a caractérisé 9 catégories d'acteurs, la dernière qualifiée d'acteurs absents étant un regroupement d'acteurs assez hétérogène. En analysant, on peut remarquer que parmi les neuf catégories, seuls la ville de Kigali et ses districts via les services agricoles et le projet PAPUK appuyé par la FAO sont actuellement très actifs.

Ils sont entourés par des porteurs de projets qui hésitent à s'investir (agriculteurs en particulier) et des acteurs institutionnels (MINAGRI et ses institutions) plutôt orientés vers le milieu rural10 (Sans pour autant s'opposer à l'agriculture urbaine). Seuls les acteurs industriels (laiterie, boulangerie, ...) sont réellement actifs mais ne reflètent en rien l'agriculture urbaine. Les acteurs annexes interviennent, le plus souvent, sur demande des acteurs principaux (dans le cas d'entreprises spécialisées dans la communication, par exemple), ou alors suivent la volonté de leurs composants (environnement,...). Gako organic farming training centre donne des formations en agriculture durable pour ceux qui le veulent et sont capables de payer.

10 La politique nationale agricole est plutôt orientée vers le milieu rural. C'est peut-être pourquoi, avec la nouvelle organisation de la mairie, on a enlevé les agronomes dans les secteurs urbains pour ne les garder que dans les secteurs ruraux de la ville et introduit un organe appelé agribusiness et développement rural sans faire apparaître l'appellation agriculture urbaine ou services agricoles.

70

L'ensemble des acteurs cités jusqu'ici ont en commun la volonté de ne pas s'opposer à l'agriculture urbaine mais leurs motivations divergent. Le domaine est encore nouveau. Ceux qui élaborent les connaissances et ceux qui les transmettent, n'ont pas encore investi la filière càd que les connaissances et technologies possibles en agriculture urbaine manquent encore.

Ces acteurs ne vont pas évoluer librement dans l'espace des possibles trajectoires de développement de l'agriculture urbaine à Kigali, mais seront en relation directe ou indirecte les uns avec les autres. Plus la filière prendra de l'importance, plus il sera possible d'observer aussi bien des efforts coopératifs que des jeux de concurrence, parfois entre les mêmes acteurs mais sur des étapes différentes du processus de développement de la ville de Kigali. L'ensemble de ces relations et jeux de pouvoir et d'influence déterminera alors l'avenir de la filière et son développement. Leur explicitation et leur analyse sont ainsi d'un grand intérêt pour pouvoir analyser les futures trajectoires de développement possibles. Néanmoins, des considérations d'ordre économique, législatif et réglementaire, ou encore fiscal joueront certainement un rôle lors de la détermination de la trajectoire de développement de l'agriculture urbaine à Kigali. Il en est ainsi des indications incluses dans le master plan de la ville de Kigali qui confinent l'agriculture dans les espaces périphériques.

Pour une meilleure compréhension des relations actuelles entre les acteurs, il est possible de dresser des cartographies des acteurs. Nous allons proposer deux cartes distinctes : la première propose une analyse globale des acteurs, en fonction de leur proximité avec la filière (et donc leur intérêt à l'avancement technologique), la deuxième s'inspire de l'analyse de Mendelow qui permet de grouper les acteurs selon le degré d'intérêt qu'ils auraient à influencer les décisions à prendre, et selon leur pouvoir d'influence, que ce soit par des moyens financiers, des outils juridiques et réglementaires ou du lobbying, par exemple.

a) Cartographies de positionnements des acteurs

La cartographie d'acteurs vise à mettre en perspective les positions et rapports de force de l'ensemble des parties prenantes. Une carte représente alors leurs relations à un moment donné, dans une situation donnée. Établie en partant de l'objet (agriculture urbaine), les acteurs sont placés sur cette carte, plus ou moins distants de l'objet, en cercles concentriques. Les frontières

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entre les « champs d'implication » sont perméables, un acteur ou un groupe d'acteurs peuvent les chevaucher ou transgresser.

Si l'on suppose qu'au coeur de la filière agriculture urbaine se trouve le potentiel de développement, on obtient trois champs d'implication : la zone rouge désigne une implication forte avec la volonté de faire progresser la filière, la zone jaune regroupe les acteurs avec une implication indirecte dans le développement, la zone blanche est réservée aux acteurs qui actuellement ne sont pas ou très faiblement impliqués.

a) La carte objet-acteurs

Expertise, conseil, recherche et formation

Enseignement et formation

ACTEURS ABSENTS

Porteurs de projets

(agriculteurs, coopératives, entreprises,..)

Acteurs annexes

VILLE DE KIGALI

Organismes professionnels agricoles (chambre d'agriculture, syndicats agricoles,...

Organismes de crédit

ACTEURS

INSTITUTIONNELS

Figure 7:la carte objet-acteurs de l'agriculture urbaine de Kigali Source : SEBUHINJA (2010)

En analysant le positionnement actuel des acteurs de l'agriculture urbaine à Kigali, on peut observer que le gros fardeau est porté par la ville de Kigali. Même les porteurs de projets ne sont pas totalement impliqués.

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b) La carte intérêt-pouvoir, adapté de Mendelow

Les jeux de pouvoir et d'influence entre les divers groupes d'acteurs identifiés peuvent être analysés, en appliquant la carte intérêt-pouvoir adaptée de Mendelow [1991 cité par PFEIFLE, 2008], en termes de l'intérêt que ces groupes portent (actuellement) sur l'objet, et du pouvoir propre dont ils disposent pour co-déterminer les trajectoires de développement possible. Ce pouvoir de co-détermination des groupes d'acteurs dépend d'une part des ressources dont ils disposent dans le domaine considéré et qui leur permettent d'agir (ressources financières, humaines, mais aussi relationnelles, par exemple) directement, d'autre part de la position actuelle qu'ils occupent dans la filière agriculture urbaine et de celle qu'ils souhaitent atteindre dans le futur.

Cette carte permet non seulement de rendre graphiquement compte de la position que les divers groupes d'acteurs identifiés occupent aujourd'hui. Elle permet également, en adoptant le point de vue de l'un ou de l'autre des groupes d'acteurs représentés, de donner des indications quant aux options stratégiques de positionnement par rapport aux autres groupes possibles et souhaitables, compte tenu de la stratégie poursuivie par ce groupe d'acteurs.

Les porteurs de projets font partie des acteurs clés pour la détermination de la trajectoire de développement de l'agriculture urbaine à Kigali : la mise en oeuvre de tout projet à taille réelle nécessite leur concours en termes d'engagement, d'organisation et même de financement car les institutions financières hésitent encore à donner des crédits au secteur agricole. Or, dans la mesure oil les développements techniques nécessaires, mais également la formation des ressources humaines à l'application des nouvelles technologies ne peut être pris en charge entièrement par ces acteurs, le groupe « Expertise, recherche, enseignement et formation » se trouve également dans les acteurs clés.

De la même façon, la mise en oeuvre des différentes technologies de l'agriculture urbaine est tributaire du cadre législatif et juridique à élaborer. Ainsi, les acteurs institutionnels occupent également une position clé pour la trajectoire de développement de la filière à Kigali. Sans pour autant s'opposer à l'agriculture urbaine, les différents plans de référence au niveau national, sont plutôt orientés vers le milieu rural.

73

Le groupe des acteurs annexes (médias,...) ne détient pas de pouvoir élevé d'influence sur la trajectoire de développement de l'agriculture urbaine à Kigali. En effet, il intervient dans le domaine sur la demande des porteurs de projets, et donc en cas de besoin. Ainsi, ce groupe annexe permet aux porteurs de projets de mettre en oeuvre leur stratégie d'influence, mais ne prend, a priori, pas de décision autonome quant à la direction que poursuit la trajectoire de développement. Leur intervention est conditionnée par les besoins des acteurs clés qu'ils assistent. Pour les acteurs clés, ce groupe constitue une ressource nécessaire lors de la mise en oeuvre d'actions stratégiques, et leur disponibilité peut influer sur les possibilités d'action des acteurs clés. Ainsi, ces derniers ont intérêt à garder le groupe des acteurs annexes informé de leurs options d'action envisagées : une information à temps est nécessaire afin de permettre aux acteurs annexes de mettre les ressources souhaitées à la disponibilité des acteurs.

Finalement, les acteurs aujourd'hui absents ne veulent pas ou ne disposent pas de l'information nécessaire pour prendre une position claire vis-à-vis de l'agriculture urbaine, ou encore pour influer sur sa trajectoire de développement future. Même si leur absence est partiellement due au manque d'intérêt que ce groupe d'acteurs manifeste par rapport à la filière, il ne faut pas en déduire qu'il en restera ainsi. En effet, on peut supposer que, une fois que ce groupe disposera d'un minimum d'information - ou encore, une fois que l'objet « agriculture urbaine et sa trajectoire de développement » entrera dans l'arène du débat public-, leur intérêt pour la problématique augmente. Dans le même temps, force est de constater que l'opinion publique peut devenir co-déterminante pour des développements technologiques : le pouvoir d'influence de ce groupe hétérogène d'acteurs est loin d'être négligeable.

Dans la carte présentée ci-dessous, nous avons marqué cette évolution perceptible mais non encore arrivée à terme en représentant non pas une seule, mais deux positions pour ce groupe d'acteurs : la première reprend leur positionnement actuel, le lien vers la seconde représente le mouvement actuellement observable. En effet, si aucun problème ne se pose pas aujourd'hui, il n'en sera pas de même au moment oil :

- la capacité d'accueil maximale de la ville de Kigali (3 millions d'habitants) aura été atteinte (soit en 2030 selon les projections) et qu'il faudra chercher d'autres espaces pour construire les logements et autres infrastructures urbaines;

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- les impacts de l'urbanisation commenceront à voir le jour (gestion des eaux, des déchets, impact sur les écosystèmes et les paysages,...)

Alors que les acteurs clés (porteurs de projets) piétinent, trois acteurs pouvant avoir une influence déterminante dans la définition de la trajectoire de développement de l'agriculture urbaine de Kigali doivent être satisfaits : les acteurs institutionnels (actuellement calmes), les organismes de crédit et les acteurs absents.

Intérêt pour la décision

Pouvoir d'influence sur le choix

 

Faible

Élevé

Faible

Pas d'effort spécifique

Acteurs absents

(riverains, associations pour

l'environnement,...)

À informer

Acteurs annexes

Acteurs de la société civile

Acteurs absents

 

Expertise, conseil, recherche, enseignement et formation, organismes professionnels agricoles

Élevé

À satisfaire

 

Acteurs

institutionnels

Porteurs de projets

Organismes de financement

 
 

Figure 8: La carte intérêt-pouvoir appliquée à l'agriculture urbaine à Kigali Source : SEBUHINJA (2010)

75

VII.2. Analyse et discussion des résultats

Après inventaire et appréciation de leur valeur agricole, les terres réservées à l'agriculture, seront cartographiées, bornées et inscrites au cadastre qui va délivrer un document d'enregistrement. Les marais et les zones de culture sèche seront aménagés, pourvus de drainage et d'irrigation en fonction des besoins et des potentialités. Les protocoles de production et de distribution seront précisés et ces terres seront données aux groupements coopératifs qui vont les exploiter. Ces groupements bénéficiaires seront formés à leur usage et maintenance ainsi qu'aux bonnes pratiques agricoles et au portail phytosanitaires international. Les déchets organiques de la ville et des ménages seront récupérés et transformés en compost ou en briquettes énergétiques. Des normes d'hygiène et de qualité seront mises au point et contrôlées. Des ?centres d'innovations? seront créés au niveau des secteurs et des districts et le contexte institutionnel de l'agriculture urbaine sera consolidé.

Ainsi se résume les stratégies déployées à Kigali pour favoriser et maintenir l'agriculture urbaine à Kigali telles que stipulées dans le plan stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine et le master plan. L'analyse des jeux d'acteurs montre une divergence de vues des acteurs de l'agriculture, de l'environnement et de l'urbanisme sur le programme de l'agriculture urbaine et périurbaine. On note aussi une position relativement « calme » des acteurs institutionnels (MINAGRI et ses institutions,...) alors que la politique agricole nationale ne donne aucune importance spécifique à l'agriculture urbaine. La répartition actuelle des acteurs indique que c'est surtout la ville de Kigali, via ses services agricoles et le projet PAPUK financé par la FAO qui sont aujourd'hui actifs. Ils sont entourés de porteurs de projets qui hésitent à s'investir.

Ces résultats suggèrent que malgré les bonnes stratégies dressées, la marge de manoeuvre pour l'agriculture urbaine des grands espaces est vraiment très limitée.

L'accroissement de population va entraîner une forte demande en logements11, et l'urbanisation va progresser. En relation avec la généralisation de l'habitat pavillonnaire, l'accroissement de l'espace moyen consommé par nouvel habitant, s'il n'est pas enrayé par une densification de l'habitat, va accentuer la pression sur les espaces ouverts en périphérie de la ville. En particulier, pour le district de Gasabo dont le master plan prévoit que 70% de sa superficie demeurera rural

11 Il est prévu qu'il faudra construire 1/2 millions de nouveaux logements avec en moyenne 4,58 personnes par ménage (Kigali conceptual master plan, 2007, P.50)

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alors que son potentiel de croissance développable est de 65%, il ne sera pas possible de respecter cet objectif car les enjeux démographiques en ville dépassent largement ceux de l'agriculture.

En outre, la forte urbanisation engendre des risques pour le milieu naturel : pression sur la ressource en eau du territoire, problèmes croissants de l'assainissement des eaux usées et du traitement des déchets, artificialisation des sols. A ce titre, les espaces naturels de la ville de Kigali présentent un caractère remarquable avec de nombreuses zones d'intérêt écologique, qu'il s'agisse des zones humides ou des massifs collinaires environnants, ou encore des vallées alluviales. Cela va porter préjudice à l'agriculture des zones humides (wetland agriculture). En effet, certains aménagements et certaines pratiques ayant porté préjudice à la conservation de ces territoires, il sera difficile d'y maintenir et développer certaines productions agricoles dans un contexte d'urbanisation rapide. Malgré qu'elles puissent abriter certaines cultures comme la canne à sucre ou le riz, la plupart si ce n'est pas toutes seront probablement protégées pour ne servir que comme zone de traitement environnemental (Environmental Traitment Zone) et de réserves naturelles. Pour l'agriculture sèche, située à la périphérie de la ville et dans les zones résidentielles rurales, elle sera confrontée aux contraintes physiques. Les zones avec pentes supérieures à 20% qui couvrent 35% du territoire urbain serviront probablement à la reforestation. Eu égard à la pression démographique, des études supplémentaires quant à leur constructibilté seront probablement menées.

Les porteurs de projets constituent les acteurs clés. Or, leur engagement n'est pas aujourd'hui total, leur organisation n'est pas assurée et leur capacité de financement laisse à désirer. Les groupements coopératifs, attributaires des espaces agricoles connaissent des problèmes réels de gestion. Ces coopératives éprouvent, en outre, des difficultés dans le recrutement de leurs membres comme dans la mobilisation des fonds à investir dans les affaires (Task force pour la promotion des coopératives, 2006, p.29).

Les récentes mutations des agronomes vers les secteurs ruraux constituent un signe précurseur qui montre que le volet agricole doit migrer vers les secteurs ruraux de la ville. L'utilisation des vases sur les balcons et des jardins sur les toits au titre agricole au lieu d'agrément (fleurs) dépendra de l'interprétation du master plan par les élus de la ville.

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Un dernier point qui mérite d'être signalé est la marginalisation de l'agriculture par les citadins de Kigali. L'agriculture était mal notée par tous les citadins abordés dans l'étude d'identification des besoins du master plan. Elle n'était votée que par les gens en provenance des zones périphériques de la ville (Kigali conceptual master plan, 2007).

Une ville, un pays ou un terroir peut-il vivre des seuls importations de l'extérieur12 ? Pourquoi l'agriculture est-elle si marginalisée alors qu'elle est le seul secteur à fournir la nourriture dont l'humanité a besoin pour vivre? L'agriculture ne peut-elle pas susciter le démarrage du développement comme le pensent ces citadins? Autant de questions suscitées par notre recherche ?

A la question sur la capacité de l'agriculture à susciter le démarrage du développement, les économistes néoclassiques comme Hirschmann ou marxistes répondront par la négative. Selon eux, l'agriculture ne peut constituer le point de départ du développement du fait de la faiblesse des `'effets de liaison»13 qu'elle suscite. Dans cette perspective, le `'vrai» développement ne peut être qu'industriel (Henri de France, 2001, p.144). Cette affirmation ne peut pas être généralisée aux pays du Tiers-Monde (encore moins pour le Rwanda). D'abord, parce qu'une implantation volontariste d'unités de production industrielle dans un pays du Tiers-Monde peut y demeurer à l'état de corps étranger, sans exercer les effets de liaison escomptés. Puis, parce qu'à contrario les activités agricoles peuvent générer des effets induits d'industrialisation (idem, p.145). Le même auteur donne l'exemple asiatique où en Asie de l'Est, une augmentation d'un point de pourcentage de la croissance de l'agriculture a en général entraîné une hausse de 1,5 point de pourcentage de la croissance du secteur non agricole.

12 Selon Drechsel et al.(1999, p. 19 cité par SEBUHINJA, 2009), pour une ville de 3 à 4 millions d'habitants, le besoin en aliment avoisine les 3 000 tonnes par jour ou l'équivalent de 1 000 camions par jour chaque camion étant chargé de 3 tonnes. Ceci suppose l'entrée en ville de 2 camions toutes les 3 minutes. Kigali Centre peut-il relever ce défi sans l'agriculture urbaine ?

13 L'effet de liaison traduit la spécificité qu'ont certains investissement à en induire d'autres nouveaux investissements (ou arrivent à le faire plus rapidement que le reste). On peut considérer que deux mécanismes d'induction jouent à l'intérieur du secteur des activités directement productives. Le premier, l'approvisionnement en inputs, la demande dérivée ou les effets de liaison en amont : c'est-à-dire que toute activité économique déterminera les efforts pour produire localement les inputs qui lui sont nécessaires. Le deuxième, l'utilisation des outputs, ou les effets de liaison en aval : c'est-à-dire que toute activité qui, par nature, ne répond pas exclusivement à des demandes finales déterminera des efforts pour utiliser ses outputs comme inputs dans des nouvelles activités (Hirschman, 1958, p. 100 cité par Elies Furio-Blasco, 2002). D'après Hirschman A.O., l'agriculture ne stimule pas directement, par des effets de liaison, la création de nouvelles branches d'activité.

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Ces éléments font ressortir le dynamisme requis à l'agriculture urbaine de Kigali dans une ville alimentée par un flux migratoire soutenu14. Dans une telle situation, comment maintenir durablement cette agriculture urbaine alors que tous les éléments l'en éloignent ? Les enjeux territoriaux peuvent être traduits par les principes du développement durable, consistant ici à associer la croissance économique à la croissance démographique, tout en préservant le potentiel de ressources du territoire. L'agriculture apparaît à ce titre comme une composante majeure, en tant qu'élément du cadre de vie et de la culture locale, génératrice de paysage et activité économique à part entière. Elle constitue à ce titre un actif spécifique remarquable, à condition de faire l'objet d'une véritable activation-requalification en tant que ressource du territoire (Pecqueur, 2003 ; Peyrache-Gadeau, Pecqueur, 2004 cité par JARRIGE, THINON et NOUGAREDES, 2006).

14 Il est projeté que, dans les prochains 25 ans, plus de 1 million d'habitants vont migrer vers les villes du Rwanda (Kigali master plan, 2007). Kigali recevra la plus grosse part de ces migrants.

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CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATIONS

Au final, ce travail montre que l'agriculture urbaine et ses espaces à Kigali sont bel et bien pris en compte et protégés par les documents réglementaires de la ville ;

Alors que le master plan lui donne un rôle plutôt multifonctionnel, le plan stratégique abonde dans le sens d'économie agricole. Il y a donc diversité de vues des acteurs sur le programme à adopter pour l'agriculture urbaine et périurbaine.

Au regard du postulat qui prédit la disparition à long terme de l'agriculture de la ville de Kigali, on se pose alors la question si le master plan et l'inscription au cadastre offrent-ils une protection suffisante? Vont-ils conduire à une agriculture urbaine durable ?

Ce master plan devrait jouer un rôle de dispositif de gouvernance, c'est-à- dire permettre à l'ensemble des utilisateurs de l'espace d'élaborer des projets, de partager un langage commun, d'imaginer des procédures de consultation et de dialogue entre les différentes parties prenantes et de définir des règles de coordination et d'apprentissage. Cependant à partir de la diversité de vues entre les acteurs de l'agriculture, de l'environnement et de l'urbanisme sur le programme de l'agriculture urbaine et périurbaine, on peut craindre que ce rôle risque de ne pas être pleinement joué.

Les principaux acteurs vont créer des routines défensives là où il faut innover pour aborder réellement le problème des relations entre agriculture et ville et entre agriculture et développement urbain durable, en les centrant d'abord sur la perception des enjeux réels. Cette ambition est éloignée de la simple préoccupation d'adapter un dispositif, potentiellement novateur, à une réalité inchangée car l'intérêt du changement n'est pas perçu et compris. La restriction des débats sur l'agriculture urbaine aux seules parties actives tel que nous l'avons constaté à Kigali, quand certains individus abordés hésitaient à nous donner des rendez-vous pour un entretien sur l'agriculture urbaine, masque des enjeux globaux ou des enjeux locaux de parties non actives en particulier les acteurs que nous avons qualifiés d'acteurs absents. Des jeux de pouvoirs ou des détournements des dispositifs mis en place peuvent se produire au profit de quelques acteurs coalisés. Sans volontés politiques originales, les capacités des acteurs aujourd'hui actifs pour tracer la trajectoire de développement de l'agriculture urbaine se trouveront limitées.

80

La forme à donner aux débats devrait dépasser les enjeux catégoriels et l'approche par filière. Il faudrait dépasser l'enfermement sur les enjeux strictement agricoles et prendre en compte la multiplicité des usages des ressources territoriales. Bien que le master plan soit un document réglementaire, force est de constater qu'il n'est pas légalement contraignant par lui-même et l'inscription au cadastre bien qu'elle atteste la reconnaissance de la propriété sur un espace donné est plutôt plus orientée vers la fiscalité.

D'autre part, le meilleur moyen de protéger les espaces agricoles étant de maintenir la rentabilité de l'agriculture de sorte que les exploitations restent en activité, il a été constaté que, à Kigali, la rentabilité est compromise par des contraintes topographiques et environnementales.

Ainsi, au-delà du projet de master plan, les dynamiques futures des espaces et activités agricoles dépendent des choix politiques qui seront faits par les élus de la ville et les acteurs de l'environnement. La multiplicité des enjeux se doublant de celle des acteurs, c'est bien un dialogue permanent qu'il faudrait favoriser entre le monde urbain (ses élus, ses techniciens, ses habitants) et les représentants du monde agricole dans sa diversité. Cette concertation construite dans des rapports de confiance entre élus, acteurs et usagers devrait être accompagnée d'une production agricole organisée.

Néanmoins, les questions de l'adaptation des organisations professionnelles agricoles traditionnelles face aux « nouvelles problématiques territoriales» et de leur représentativité dans les dispositifs de concertation développés par les nouveaux modes de gouvernance territoriale restent posées. La légitimité des organisations de producteurs urbains apparaît, en particulier, problématique sur leur capacité à porter les formes d'agricultures innovantes, souvent à développer par de nouveaux acteurs, hors des sentiers battus du monde agricole ? traditionnel?.

Quel développement durable est-il alors envisageable pour cette activité ?

La durabilité de cette agriculture se pose en termes d'aménagement et de gouvernance. En termes d'aménagement, les documents de planification des dernières décennies ont montré qu'il ne suffisait pas de préserver le foncier pour assurer la pérennité de ces espaces. Il est également indispensable de garantir les conditions permettant un développement économiquement viable des activités agricoles et un fonctionnement durable des écosystèmes. La législation et la

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planification doivent évoluer vers une prise en compte de ces logiques. Ce qui implique nécessairement une transformation en termes de gouvernance. Celle-ci suppose : la création des organisations ou des institutions territoriales efficaces, l'élaboration des politiques d'aménagement performantes en matière d'économie d'espace et, enfin, la mise en oeuvre raisonnée du projet agricole dans le territoire urbain. Ces trois étapes doivent être soutenues par des volontés politiques originales.

Dès lors, les recommandations suivantes peuvent être formulées pour une agriculture urbaine durable de Kigali:

1. Reconnaître que l'agriculture urbaine est différente de l'agriculture rurale et qu'elle peut contribuer à la sécurité alimentaire, à la sécurisation environnementale et sociale

A Kigali, l'analyse de la perception des acteurs sur l'agriculture urbaine montre qu'elle est perçue par rapport à son marché (le marché existe), à ses produits (produit de haute valeur ajoutée) et ses espaces (marais et bas-fonds et autres espaces à caractère rural). Elle est méconnue par rapport à la diversité de ses systèmes culturaux et ses technologies alors que ce sont ces divers systèmes d'exploitation et ses diverses technologies qui la permettront de résister à la pression urbaine, de s'adapter et d'occuper un énorme créneau dans l'écosystème urbain. Comme elle se fait en milieu inhospitalier où elle est en concurrence avec d'autres activités, reconnaître cette différence permettrait de lui allouer les ressources nécessaires.

2. Développer les capacités des acteurs autour de la question agricole

L'agriculture urbaine à Kigali est un concept nouveau qui, pour être accepté pleinement nécessite une vulgarisation soutenue. Il est donc indispensable de sensibiliser les différents publics (élus, agriculteurs, citoyens urbains, chambre d'agriculture, syndicats agricoles, associations locales de développement agricole, presse,...) en construisant un argumentaire spécifique pour que chacun de ces acteurs du territoire se mobilise, comprenne les enjeux d'une bonne prise en compte de l'agriculture et participe activement tout au long du processus, dans le cadre de la concertation, à la construction du projet de territoire.

3.

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Créer une instance de dialogue autour de la mise en oeuvre du master plan dans lequel les acteurs agricoles sont associés

Le fait que la question agricole ne soit portée aujourd'hui que par les seuls services agricoles et le projet PAPUK constitue en soi une menace. Une instance de dialogue éviterait l'enfermement en approche par filière préjudiciable à l'avenir de l'agriculture. Les attendus de cette instance seraient : dialogue et coordination, production de normes et régulation pour la mise en oeuvre des règles et règlements.

4. Développer de nouvelles formes d'agriculture

L'inscription de nouvelles formes d'agricultures dans les tissus sociaux et économiques passe par une activation de ressources nouvelles. En effet, l'environnement urbain encourage la maximisation de la production à partir de surfaces minimales (Prain, Henk de Zeeuw, 2008) :

- cultures hors saison à fort rendement économique moyennant une irrigation et/ou
recouvrement des cultures...,

- adoption de variétés à haut rendement, application de pratiques de maraîchage bio intensives et de permaculture.

- une utilisation maximale des ressources naturelles disponibles lorsque celles-ci n'étaient pas préalablement utilisées pour l'agriculture. Cela inclut l'utilisation des eaux usées comme source d'eau mais aussi comme source de nutriments (Buechler et al., 2006 cité par Gordon Prain, Henk de Zeeuw, 2008 ), l'utilisation de déchets solides urbains compostés (Cofie and Bradford, 2006 cité par Gordon Prain, Henk de Zeeuw, 2008) et l'utilisation de parcelles de terre abandonnées ou marginales

- Une utilisation intensive d'espaces verticaux limités (utilisation de terrasses, de toits, de caves et de balcons ; l'usage de divers types de systèmes de conteneur et de paniers suspendus, la culture sur murs, cascades, ou pyramides);

- l'utilisation de systèmes sans substrats terrestres comme l'agriculture hydroponique (Marulanda et Izquierdo, 2003 cité par Gordon Prain, Henk de Zeeuw, 2008) et organoponique (Premat, 2005 cité par Gordon Prain, Henk de Zeeuw, 2008 ), aéroponique, aquaponiques et autres technologies à utilisation «d'espace limité, sans utilisation d'espace».

- Des projets de fermes verticales.

Pour ce faire, la recherche devrait se saisir du problème et imaginer ces nouvelles formes d'agriculture plus esthétiques et plus à même de répondre aux exigences du master plan quant à la zone urbaine.

5. Développer de nouveaux modes de gouvernance de l'agriculture urbaine

L'agriculture devrait servir comme un des outils de gestion des espaces ouverts de la ville de Kigali.

6. Privilégier des engagements d'agriculteurs assortis d'aides publiques

Les enjeux environnementaux des espaces réservés à l'agriculture sont tellement forts que sans engagements assortis d'aides publiques, l'agriculteur seul ne parviendrait pas à préserver les équilibres environnementaux nécessaires. En effet, l'exploitation agricole devrait contribuer à la préservation des ressources naturelles et à l'occupation et l'aménagement de l'espace urbain en vue notamment de lutter contre l'érosion, de préserver la qualité des sols, la ressource en eau, la biodiversité et les paysages. Cet objectif ne peut pas être atteint sans aides publiques destinées entre autres à compenser le manque à gagner au titre de la protection environnementale.

7. Privilégier une forme d'organisation professionnelle qui donne un statut d'agriculteur en nom propre

L'option coopérative privilégiée aujourd'hui ne donnera pas, à mon humble avis des résultats probants dans un futur proche, à cause des problèmes de gestion de ces coopératives. L'expérience collective n'est pas encore totalement acquise. Dès lors, il faut plutôt créer des groupements totaux (regroupement des exploitations) ou partiels (regroupements des fruits du travail pour les vendre par exemple) pour exploiter les espaces agricoles à délimiter.

8. Privilégier des aménagements économes d'espaces

La priorité devrait être accordée au renouvellement urbain et à la densification de l'habitat

10. Soumettre tout grand projet à la rédaction d'un porter à connaissance

83

Cela éviterait des délocalisations ultérieures

84

PERSPECTIVES

Cette recherche ayant été placée dans une approche prospective, il aurait été nécessaire d'établir des scénarios possibles en fonction des variables identifiées ou à identifier. Cela n'a pas été possible. En outre, alors qu'initialement, il était prévu d'étudier la perception de tous les acteurs -actifs ou inactifs- sur l'agriculture urbaine afin de cerner les représentations qu'ils se sont fait de la problématique, la descente sur le terrain a coïncidé avec la période des élections présidentielles au Rwanda. II était alors difficile voire impossible d'obtenir un rendez-vous d'une quelconque autorité non directement concernée par l'agriculture. On s'est alors limité aux seuls acteurs actuellement actifs et à caractériser sommairement les autres acteurs à partir des informations trouvées dans les documents officiels en place.

Néanmoins, ce travail aura appris qu'inscrire l'agriculture dans une perspective de développement durable appelle indéniablement une nouvelle vague d'innovations et particulièrement des innovations technologiques vis-à-vis de la société. L'agriculture n'est plus un secteur bien délimité, qui ne concernerait que les producteurs eux-mêmes, mais bien une affaire de société. De nouvelles exigences lui sont exprimées par l'industrie, les consommateurs et la société toute entière. Des interactions se multiplient entre nature, société et science. Ce qui place l'agriculture à l'interface d'enjeux globaux (sécurité alimentaire, changement climatique, concurrence entre production alimentaire et énergétique) et locaux (approvisionnement, circuits courts, lien social, gestion des paysages). Face aux enjeux environnementaux et territoriaux, les démarches déjà utilisées avec succès dans la phase «productiviste» sont devenues inopérantes.

De nouveaux modèles d'agriculture urbaine et périurbaine pouvant contribuer au développement durable des villes doivent donc être constamment recherchés plus particulièrement pour des villes comme Kigali. A Kigali, l'urbanisation y est inéluctable et la possibilité de développer le secteur agricole classique de la zone périurbaine et celui des zones humides est limitée par les contraintes physiques et environnementales.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein