UNIVERSITE DU MAINE
Faculté des Lettres, Langues et Sciences
Humaines
Master Sciences Humaines et Sociales
Mention géographie et
aménagement
Spécialité Politiques territoriales et
Développement durable
UNE AGRICULTURE URBAINE
DURABLE A KIGALI
(RWANDA)
Félicien SEBUHINJA
Mémoire de Master 2
Sous la Direction de Fréderic
FORTUNEL
Soutenu le 29 Septembre 2010
Composition du Jury : Fréderic FORTUNEL, Moise
Tzayem DEMAZE Maîtres de conférences
i
Année universitaire 2009-2010
ii
RESUME
Le concept de durabilité de l'agriculture, dans
le contexte urbain, renvoie pour beaucoup, aux conditions de
pérennisation in situ de l'occupation agricole de l'espace et
à la contribution de l'agriculture au développement durable de la
ville. Abordant cette question de la durabilité de l'agriculture urbaine
dans la ville de Kigali, la présente recherche s'est interrogée
sur les dispositifs mis en oeuvre pour lever un certain nombre de contraintes
liées au devenir de ce type d'agriculture à Kigali.
Les résultats montrent que l'agriculture a
toute sa place dans cette ville dont le relief est montagneux d'Ouest en Est.
Cependant, la question de la mise en exergue de la fonction de production face
à la fonction identitaire reste encore posée ; C'est dans les
espaces à enjeux forts (zones pentues, zones humides) que l'agriculture
des grands espaces a été particulièrement
localisée. Une diversité de vues existe entre les acteurs de
l'agriculture, de l'environnement et de l'urbanisme sur le programme de
l'agriculture urbaine et périurbaine à adopter. La question qui
se pose alors est de savoir comment gérer les espaces et les
activités agricoles par rapport à la ville, à la fonction
de production de l'agriculture et aux exigences du développement
durable: faut-il cloisonner ces trois aspects ou tenter de les
réconcilier ?
L'optique d'un développement durable
reviendrait à calculer la valeur hors marché de l'agriculture et
à examiner sous quelle forme on pourrait assurer la
rémunération des services qu'elle rend à la
société. L'utilité sociale ainsi créée
permettrait de justifier les investissements nécessaires à son
maintien ou à son développement. Un tel raisonnement ne pouvant
pas s'appliquer aux biens environnementaux, cette recherche conclue que sous
l'effet combiné de l'urbanisation et ses impacts sur l'environnement, il
y aura probablement relocation de l'agriculture des zones humides par les
acteurs de l'environnement tandis que celle des montagnes sera adaptée
à son contexte (reforestation et pâturage). La durabilité
intrinsèque de cette agriculture est donc compromise par des facteurs
environnementaux et territoriaux.
Dès lors, ces résultats suggèrent
qu'au-delà du projet de master plan, un outil jugé
juridiquement non contraignant par lui-même, les dynamiques futures des
espaces et activités agricoles de la ville de Kigali, dépendent
des choix politiques qui seront faits par les élus de la ville et les
acteurs de l'environnement.
Mots-clés : développement durable,
agriculture urbaine durable, jeux d'acteurs
iii
ABSTRACT
The concept of sustainable agriculture in the urban
context refers to the conditions for the sustainability in situ of the
agricultural occupation of the space and the contribution of the agriculture to
the sustainable development of the city. Tackling this question of the
sustainability of the urban agriculture in the city of Kigali, the present
research analyzed the tools used to remove a number of constraints relating to
the future of this urban agriculture in Kigali.
The results show that the agriculture has its place in
this city where the terrain is mountainous West to East. However, the question
about the definition of the production function against the identity function
of the agriculture remains. The big spaces agriculture was localized in zones
with strong stakes (high sloping zones, wetland zones). There
is a diversity of views between stakeholders in the agriculture, environment
and town planning on the agenda of the urban and periurban agriculture. The
question that arises is how to handle spaces and agricultural activities over
the city, the production function of agriculture and sustainable development
requirements: should these three aspects be compartmentalized or
reconciled?
The perspective of a sustainable development would be
to calculate the value of non-market agriculture and to consider what form it
could ensure in payment for the services rendered to the society. The social
utility thus created would justify the investment required for its maintenance
or development. However, such reasoning can not be applied to environmental
goods. This research concluded that with the combined effect of urbanization
and its environmental impacts, there will be probably a relocation of wetlands
agriculture by actors from environment while the dry agriculture will be
adapted to its context (reforestation and grazing). The internal durability of
this agriculture is then compromised by environmental and territorial
factors.
From then on, these results show that, beyond the
master plan project, which is not legally constraining by itself, the
future dynamics of the agricultural farmland and agricultural activities in the
city of Kigali depend on policy choices to be made by the city officials and
the actors. A dialogue between elected officials, stakeholders and users,
accompanied by an organized agricultural production should be
fostered.
Keywords: sustainable development, sustainable urban
agriculture, actors' interplays
iv
TABLE DES MATIERES
RESUME ii
ABSTRACT iii
TABLE DES MATIERES iv
LISTE DES TABLEAUX vii
LISTE DES FIGURES vii
LISTE DES CARTES vii
LISTE DES PHOTOS vii
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS viii
REMERCIEMENTS ix
INTRODUCTION 1
Ière partie : CADRE CONCEPTUEL ET
METHODOLOGIQUE DE LA
RECHERCHE 4
I. LA PROBLEMATIQUE 4
II. OBJECTIFS DE LA RECHERCHE 6
III. HYPOTHESES 6
IV. CADRE METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE
6
IV.1. L'entretien semi-directif 6
IV.2.Analyse des jeux d'acteurs 7
IV.2.1. La matrice intérêt-pouvoir,
adaptée de Mendelow 8
IV.3. L'analyse de contenu 9
V. CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE
11
V.1. De la durabilité de l'agriculture urbaine
11
V.2. De l'émergence de la question
d'agriculture urbaine durable 13
V.3. La construction de la place de l'agriculture
dans le territoire urbain 18
V.3.1. L'organisation du territoire 18
V.3.2. L'identité territoriale 19
V.3.3. L'environnement 19
V.3.4. L'économie agricole 19
V.3.5. La capacité des acteurs 19
V.4.
v
PRISE EN COMPTE DE L'AGRICULTURE ET SES ESPACES
20
V.4.1. Les espaces agricoles dans le territoire
urbain 20
V.4.1.1. Des surfaces agricoles à enjeux
prioritaires 20
V.4.1.2. Des surfaces agricoles à enjeux forts
20
V.4.1.3.Des surfaces agricoles à enjeu faible
ou nul 20
V.4.2. Les questions agricoles dans les
schémas d'aménagement 20
V.5. PROTECTION DES ESPACES AGRICOLES 22
V.5.1. Pourquoi protéger les espaces agricoles
? 22
V.5.2. Les outils de protection des espaces agricoles
24
V.5.2.1. Les directives de développement
24
V.5.2.2. Le zonage 25
V.5.2.3. L'acquisition de propriété
26
V.5.2.4. Les techniques d'incitation 28
V.6. La mise en exergue de la fonction de production
de l'agriculture devant
les fonctions identitaires 31
V.7. Outils d'analyse des pratiques d'acteurs
à questionner pour la durabilité de
l'agriculture urbaine 33
V.8. Différentes visions de l'agriculture
urbaine et ses espaces 36
V.8.1. Agriculture des grands espaces 36
V.8.2. Agriculture des espaces confinés
36
V.8.3.Agriculture de reliance dans les espaces
intermédiaires 38
V.9. Quels acteurs du schéma
d'aménagement sur les questions agricoles? 38
V.9.1. Les acteurs institutionnels 38
V.9.2. Les instituts d'expertise, de conseil, de
recherche et de formation 39
V.9.3. Les institutions d'enseignement et de formation
39
V.9.4. Les porteurs de projet (agriculteurs,
coopératives, entreprises agricoles...) 39
V.9.5. Les organismes professionnels agricoles
39
V.9.5.1. La chambre d'agriculture 40
V.9.5.2. Les autres organismes agricoles et forestiers :
syndicats et autres organisations
agricoles 40
V.9.6. Les acteurs de la société civile
40
V.9.7. Les organismes de crédit 41
V.9.8. Les acteurs « annexes »
41
vi
V.9.9. Les absents des jeux de la filière
41
DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION DU CADRE DE L'ETUDE
42
VI.!. Un contexte favorable à l'émergence
de la question agricole dans le projet
de territoire urbain mais contraint par le milieu
physique 42
VI.2. Un territoire en mutations 43
VI.3. L'agriculture dans les enjeux et jeux d'acteurs de
la gouvernance 48
territoriale urbaine 48
VI.3.1. Etat des lieux 48
VI.3.2. Orientations d'aménagement et de
développement 48
VI.3.2.1. Orientation gouvernementale 48
VI.3.2. L'agriculture urbaine dans le projet de
territoire urbain 50
VI.3.2.1. L'agriculture dans le master plan de la ville
de Kigali 50
VI.3.2.2. L'agriculture urbaine dans le plan
stratégique d'appui à l'agriculture
urbaine et périurbaine 56
a) Objectifs de la stratégie pour l'agriculture
urbaine et périurbaine 56
b) Actions envisagées 56
TROISIEME PARTIE : PRESENTATION, ANALYSE ET
DISCUSSION
DES RESULTATS 60
VII.!. Présentation des résultats
60
VII.1.1. Place de l'agriculture qui justifierait les
choix d'aménagement 60
VII.1.2. Comment l'agriculture est-elle prise en compte
et protégée ? 60
VII.1.3. Fonctions de production de l'agriculture de
grands espaces 61
VII.1.4. Comment s'organisent et se dessinent les jeux
d'acteurs ? 63
VII.1.4.1. Le schéma d'acteurs 63
VII.1.4.2. Caractérisation sommaire des acteurs
64
VII.1.4.3. Les jeux d'acteurs 69
VII.2. Analyse et discussion des résultats
75
CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATIONS 79
PERSPECTIVES 84
BIBLIOGRAPHIE 85
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : la matrice intérêt-pouvoir,
adaptée de Mendelow 9
Tableau 3: Projection de la population par district
44
Tableau 4 : Evolution de la densité de population
44
Tableau 5: Répartition des espaces ouverts de la
ville de Kigali 51
Tableau 6 : Infrastructures vertes de la zone rurale de
la ville de Kigali 54
Tableau 7 : Infrastructures vertes de la zone urbaine de
la ville de Kigali 55
Tableau 8 : Place de l'agriculture urbaine selon le
master plan et le plan stratégique 60
Tableau 9 : Agriculture urbaine dans les espaces ruraux
et les zones humides 61
Tableau 10 : Agriculture urbaine dans les espaces denses
et intermédiaires 61
LISTE DES FIGURES
Figure 1: L'espace dialogique 34
Figure 2: Espace dialogique et développement
durable 34
Figure 3: Evolution de la population urbaine
jusqu'à l'atteinte de la capacité de charge
maximale 45 Figure 4: Evolution de la densité
de population de 2005 jusqu'à l'atteinte de la capacité
de
charge maximale 45
Figure 5: Transect de localisation de l'agriculture
urbaine selon le master plan 62
Figure 7:Schémas d'acteurs 63
Figure 8:la carte objet-acteurs de l'agriculture urbaine
de Kigali 71
Figure 9: La carte intérêt-pouvoir
appliquée à l'agriculture urbaine à Kigali 74
LISTE DES CARTES
Carte 1 : Répartition spatiale de la population
urbaine en 2005 46
Carte 2: Répartition de la population urbaine
à l'atteinte de la capacité maximale 46
Carte 3: Répartition spatiale de la densité
de population en 2005 47
Carte 4: Densité de peuplement à l'atteinte
de la capacité maximale 47
LISTE DES PHOTOS
vii
Photo 1: zone pentue .42
viii
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
AOC : Appellation d'origine
contrôlée
AUP : Agriculture urbaine et
périurbaine
BPA : Bonnes Pratiques agricoles
FDC : fonds de développement
communautaire
CESE : Conseil Economique et Social
Européen
CRDI : Centre de recherche pour le
Développement international
EDD : Education au Développement
Durable
FAO : Fonds des nations pour l'Alimentation et
l'Agriculture
ICT : Information and Communication
Technologies
ISAE : Institut Supérieur
d'Agriculture
MINAGRI : Ministère de l'Agriculture et des
Ressources animales
OMS : Organisation mondiale de la
santé
ONG : Organisation non gouvernementale
PAPUK : Projet d'agriculture urbaine et periurbaine de
Kigali
PIB : Produit Intérieur Brut
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
développement
PPI : Portail Phytosanitaire International
PRSP : Plan stratégique pour la
réduction de la pauvreté
PSTA : Plan stratégique de transformation de
l'agriculture
PURPLE : Periurban Regions Platform Europe
RADA : Rwanda Agriculture Development
Authority
RARDA : Rwanda Animal Resources Development
Authority
RBS : Rwanda Bureau of Standards
RDC : République Démocratique du
Congo
REMA : Rwanda Environmental Management
Authority
RHODA : Rwanda Horticulture Development
Authority
RUAF : Ressources Centre on Urban Agriculture and
Forestation
SRP : Stratégie de réduction de la
pauvreté
ZAP : Zone agricole protégée
ix
REMERCIEMENTS
L'élaboration de ce mémoire a
bénéficié du concours de nombreuses personnes que nous
tenons à remercier ici.
Nous pensons spécialement :
- à Monsieur Fréderic Fortunel,
Maître de conférences à l'université du Maine, pour
avoir accepté de nous diriger tout au long de ce mémoire. Ses
conseils, remarques et son accompagnement tout au long du mémoire nous
ont été d'une grande utilité ;
- à Cathy Mestail, Secrétaire du Master
sciences humaines et sociales à l'université du
Maine, pour ses promptes interventions chaque que fois
que nous en avions besoin ;
- à Monsieur NAHIMANA Pascal, Agronome
chargé de l'agriculture urbaine dans la mairie
de la ville de Kigali pour nous avoir bien accueilli et
aidé au cours de nos recherches ;
- à Monsieur RUGABA Silas, Coordinateur du Projet
d'Agriculture Urbaine et Périurbaine
de Kigali (PAPUK), pour ses orientations combien utiles
;
- aux autorités de la ville de Kigali pour nous
avoir autorisé à faire nos recherches dans la ville de Kigali
;
- aux agronomes de districts de Kicukiro et Gasabo pour
leur accueil chaleureux et leurs informations promptes et utiles ;
Finalement, j'adresse toute mon affection à ma
famille qui a vécu et partagé avec moi des moments de joie et des
périodes laborieuses. Merci de votre compréhension infinie
!
Que tous ceux qui, de près ou de loin, nous ont
assisté d'une façon ou d'une autre, trouvent ici l'expression de
notre profonde reconnaissance.
1
INTRODUCTION
Ce mémoire est le résultat d'un travail
commencé en 2007 lors de ma dernière année de licence
à l'Université Ouverte, Campus de Goma (RDC). Pendant cette
année de licence, j'ai été amené, de manière
un peu fortuite, à étudier la problématique des fermes
laitières de la ville de Kigali en perspectives de la vision
20201. Je voulais étudier si, au regard de ce plan prospectif
du Rwanda à l'horizon 2020, les fermes laitières de la ville de
Kigali jouissaient de certains atouts pour être davantage
modernisées et intensifiées. En master 1 à
l'Université du Maine (France), mes investigations ont porté sur
l'agriculture urbaine dans une démarche également
diagnostique.
Le mémoire de licence avait conclu qu'en
définitive, la simple reconduction des arbitrages qui structuraient la
situation des fermes laitières de la ville de Kigali conduirait à
leur suppression totale en ville. Les contraintes environnementale et
démographique obligeaient à faire ce choix.
Le mémoire de master 1 a montré que,
bien que l'agriculture urbaine et périurbaine fût bel et bien
prise en compte par le nouveau master plan de la ville de Kigali, la
question sur la façon dont elle redéfinissait sa place et son
rôle restait toujours posée. Les enjeux (territoriaux, productifs,
sociaux, environnementaux et paysagers,...) et les contraintes (techniques et
matérielles, institutionnelles, socio-économiques, physiques et
naturelles) étaient vraiment nombreux.
Dès lors, les questions qui se posaient à
moi étaient les suivantes :
Comment l'agriculture et ses espaces sont-ils pris en
compte et protégés ?
Quelle réelle capacité ont les acteurs
concernés pour piloter le devenir de cette agriculture et
élaborer et mettre en oeuvre, à cet effet, des actions de
développement durable ?
Cette problématique générale sur
le devenir de l'agriculture urbaine dans la ville de Kigali devait donc
être envisagée lors de mon mémoire de master 2. Pour les
besoins de ce mémoire, j'ai choisi le thème intitulé `'Une
Agriculture urbaine durable à Kigali». Parmi les nombreuses
définitions qui sont données à l'agriculture urbaine, ce
mémoire a retenu celle de Moustier et M'Baye (1998, cités par
Dabat, Aubry et Ramamonjisoa, 2006) qui définissent l'agriculture
urbaine par une localisation géographique dans la ville et sa proche
périphérie,
1 La vision 2020 est le plan
prospectif du Rwanda à l'horizon 2O20
2
la destination au moins partielle vers la ville de ses
produits, et l'existence d'une alternative entre usage agricole et urbain non
agricole des ressources. L'alternative ouvre sur des concurrences voire sur des
complémentarités (Moustier et al., 2004, cités par BOUCHER
, 2009): foncier bâti et foncier agricole, eau destinée aux
besoins des villes et eau d'irrigation ; travail non agricole et travail
agricole, déchets ménagers et industriels et intrants agricoles ;
coexistence en ville d'une multiplicité de savoir-faire dus à des
migrations, cohabitation d'activités agricoles et urbaines
génératrices d'externalités négatives (vols,
nuisances) et positives (espaces verts).
L'agriculture est ainsi en compétition et en
interaction avec d'autres usagers des espaces et d'autres secteurs
économiques urbains. La nature et l'importance des interactions qu'elle
entretient avec ces autres usagers de l'espace ainsi qu'avec les nombreuses
activités relevant d'autres secteurs économiques et sociaux vont
déterminer son statut.
Dans un contexte marqué par le changement, le
qualificatif `'durable» accolé à agriculture urbaine
à Kigali, en référence au développement durable,
voudrait interroger l'avenir de cette activité. En effet, la
rénovation des schémas et plans d`urbanisme pose la question du
devenir des espaces agricoles confrontés d'une part à
l'affectation des terres pour la production agricole en complément de
l'approvisionnement en provenance du milieu rural ou des importations et,
d'autre part, à la revendication spatiale de la croissance urbaine qui
consomme de façon rapide et mal contrôlée les espaces et
fragilise le secteur agricole.
Ce mémoire postule que l'urbanisation et la
rapide croissance démographique à Kigali vont grignoter les
espaces et les terres agricoles de la ville. L'agriculture disparaîtra
petit à petit.
Jusqu'à récemment, les différents
schémas directeurs d'aménagement urbains de Kigali ont
relégué l'agriculture urbaine dans les réserves
foncières. Le premier plan directeur de la ville de Kigali,
établi en 1964, avait délimité une vaste réserve
foncière en prévision de l'extension de Kigali. Cette
réserve foncière servait pour l'agriculture urbaine en attendant
son urbanisation. Le schéma directeur d'aménagement urbain de
1981 avait prévu que les activités agricoles devaient se faire
dans les zones maraîchères et le milieu rural
résiduel.
Depuis 2007, le territoire urbain fait objet d'une
planification concertée qui s'inspire des stratégies inclues dans
la vision 2020 du pays. C'est dans ce cadre qu'un master plan de la
ville de Kigali a été élaboré. L'agriculture
constitue une composante importante de ce
3
« nouveau territoire urbain
matérialisé par le master plan».
Elle est placée parmi les 5 premiers secteurs
des finances publiques de la ville de Kigali à savoir :
1. Le transport, infrastructure et ICT ;
2. Urbanisme et habitat ;
3. Agriculture, forêt et environnement
;
4. Eau et assainissement ;
5. Enseignement
Le présent mémoire va tenter de rendre
compte de ses travaux en suivant un plan organisé en trois
parties:
- une première partie donne le cadre conceptuel
et méthodologique de la recherche. A ce niveau sont définis la
problématique, les objectifs, l'hypothèse et la
méthodologie de la recherche ainsi qu'un cadre théorique et
conceptuel destiné à mieux appréhender le thème
considéré ;
- la deuxième partie est consacrée au
cadre de l'étude pour mieux appréhender le terrain de la
recherche ;
- la troisième partie s'attachera à
présenter, analyser et discuter les résultats.
4
Ière partie : CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIQUE
DE LA RECHERCHE
I. LA PROBLEMATIQUE
En analysant les données sur la population de
la ville de Kigali et sa projection, la ville aurait une capacité
d'accueil maximale d'un peu plus de trois millions d'habitants. Cette
capacité maximale serait atteinte, selon les projections, aux environs
de 2030 (hypothèse standard) ou en 2020 selon les projections hautes (2
993 100 habitants).
Les contraintes physiques limitent en théorie
les superficies constructibles pour le futur ; en retenant seulement les
superficies situées sur des pentes fortes (supérieures à
20 %) ou recouvrant des marais, 50 % du territoire de la ville n'est pas
constructible2. Ces espaces pourraient donc abriter l'agriculture
urbaine sous toutes ses formes.
Cependant, au vu de l'augmentation de la population
durant les prochaines années, il semble inévitable qu'il y aura
un empiètement de l'urbanisation sur des terres utilisées pour
l'agriculture. Sans orientation et sans volonté de la part de la ville
pour préserver une agriculture urbaine et périurbaine,
l'agriculture disparaîtra petit à petit. Le grignotage des terres
par l'installation de nouvelles parcelles d'habitation réduira
fortement, dans un futur proche, la possibilité de cultiver.
Ce qui est en jeu ici, ce sont les espaces et les
terres agricoles qui sont des supports des activités agricoles et de
l'agriculture urbaine en général. En effet, alors qu'à la
campagne on évolue vers la microparcellisation3, la ville
grignote les espaces et les terres agricoles qui l'entourent. Les espaces
agricoles ne devant pas être considérés uniquement comme de
possibles espaces à urbaniser, la société, dans son
ensemble, a donc intérêt à rechercher un équilibre
entre l'agriculture et l'urbain. Aussi est-il que selon Serge Bonnefoy
cité par Grumbach & Associés, 2008, p.23) « Il est
difficile de protéger les espaces agricoles pour eux-mêmes sans
trouver un sens social à l'agriculture et sans la rapprocher de la ville
et des
2 Les pentes supérieures à 20% occupent
35% du territoire urbain soit 25 785 hectares tandis que les zones humides
n'occupent que 14% soit 10109 ha. Il ne reste alors que 37 000 ha qui peuvent
être développés (Kigali conceptual master plan, 2007,
p.34).
3 La terre est, à
chaque génération, divisée entre tous les fils et filles
d'un même père. Ainsi, selon le National Institute of Statistics
of Rwanda, la terre cultivable disponible par exploitation familiale agricole
est passée de 1 ha en 1983 à 0,72 ha en 2006. Cependant, la
nouvelle loi foncière de 2005 interdit de diviser des
propriétés d'une superficie égale ou inférieure
à 1 ha . L'exploitation regroupée (consolidation des terres) est
plutôt encouragée.
5
citadins!» car « aucun outil ne se suffit
à lui seul, il faut à la fois du réglementaire, du projet
et du développement économique et des outils fiscaux
».
Si à Kigali, les premiers pas ont
été posés en reconnaissant l'agriculture urbaine et ses
espaces dans le nouveau master plan de la ville et en élaborant un
projet d'agriculture urbaine et périurbaine ainsi qu'un plan
stratégique d'appui à cette agriculture, force est de constater
que ces initiatives représentent certes un encadrement important mais
pas suffisant pour maintenir durablement une agriculture urbaine et
périurbaine.
Le cheminement d'un territoire est le produit de
forces internes et externes, y compris les politiques qui articulent son
évolution (Calthorpe, 2006, Claval, 2006, cités par Ghalia et
al.) et le type d'agriculture retrouvé sur un territoire est la
réponse du milieu agricole aux besoins et aux attentes de la
société d'une part et à leurs propres besoins et choix
d'orientation d'autre part (Bryant, 1984 cité par Ghalia et
al.).
Dès lors, la prise en compte des enjeux et des
différentes fonctions de l'agriculture ainsi que l'importance à
lui accorder vont dépendre des jeux d'acteurs locaux qui vont porter ces
enjeux dans le débat selon différents registres (Jarrige et al.
2006).
Nous nous interrogeons alors sur les dispositifs mis
en oeuvre pour lever un certain nombre de contraintes liées au devenir
de l'agriculture urbaine à Kigali. Les questions se déclinent
ainsi :
1. Quelle place l'agriculture est-elle appelée
à jouer et qui justifierait les choix d'aménagement ?
2. Comment les espaces et les activités
agricoles sont-ils pris en compte et protégés dans la mise en
oeuvre du master plan de la ville de Kigali?
3. Cette prise en compte de l'agriculture dans les
dispositifs d'aménagement favorise ou préserve-t-elle des espaces
où l'agriculture de grands espaces peut permettre aux fonctions de
production de l'agriculture de contribuer à l'expression de facteurs
identitaires lisibles ? Permet-elle l'émergence d'agricultures : de
reliance dans les espaces dits intermédiaires où se jouent
une mixité entre urbain et rural et celles des espaces confinés
dans les espaces urbains denses ?
4. Comment se dessinent et s'organisent les jeux
d'acteurs gravitant autour de l'agriculture urbaine et ses espaces
?
6
II. OBJECTIFS DE LA RECHERCHE
L'objectif principal de ce mémoire est de
contribuer à la bonne compréhension de la durabilité des
espaces et activités agricoles et donc d'aider à la
décision pour privilégier des modèles de
développement durable. En effet, sans omettre l'importance
économique et les enjeux qui pèsent sur l'agriculture, le
développement durable est devenu depuis sa consécration et sa
mondialisation par le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992 un
nouveau référentiel pour l'action collective. N'étant plus
possible d'ignorer les villes pour le développement durable ou d'ignorer
les questions de Rio pour les villes, les choix politiques devraient se baser
sur des expertises scientifiques objectives afin que décideurs et
agriculteurs envisagent des projets de développement agriurbains
réellement durables.
III. HYPOTHESES
Ce mémoire teste l'hypothèse selon
laquelle le maintien de l'agriculture urbaine et périurbaine
dépend de sa multifonctionnalité et par l'appropriation de cette
multifonctionnalité par les acteurs locaux. Au-delà des outils
classiques de prise en compte et de protection des espaces et activités
agricoles, le meilleur moyen de protéger les espaces agricoles est de
maintenir la rentabilité de l'agriculture.
Une deuxième hypothèse serait que la
durabilité de l'agriculture urbaine n'est pas qu'une question de
technique. Elle nécessite un intérêt fort des principaux
acteurs. Les choix politiques et les conflits d'intérêt sont les
principaux points de levier pour le changement.
IV. CADRE METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE
En sus de la recherche documentaire, nous
avons principalement eu à faire recours à l'entretien
semi-directif, à l'analyse des jeux d'acteurs par la matrice
intérêt-pouvoir, adaptée de Mendelow et à l'analyse
de contenus.
IV.1. L'entretien semi-directif
Après avoir constaté que les questions
agricoles autour du master plan n'étaient portées que
par les services agricoles de la ville de Kigali et ses districts ainsi que le
projet PAPUK, nous avons opté pour un entretien semi-directif avec ces
services.
7
IV.2.Analyse des jeux d'acteurs
L'acteur est un groupe d'individus organisés,
voire un groupe d'organisations, poursuivant un certain nombre de projets en
commun et disposant de capacités de réactions communes (Roubelat
[1993b, p. 272] cité par MOATI, 2003, p. 12). Une question
préalable d'importance capitale est de définir qui sont les
acteurs qu'il convient de prendre en compte. Godet ([2001c, p. 181cité
par MOATI, 2003, p.12]) considère qu'il convient de prendre en compte,
les acteurs qui « de près ou de loin commandent les variables
clés identifiées.
Comprendre les relations d'interdépendance
entre les différents groupes d'acteurs, voir en quoi leurs actions,
choix ou décisions peuvent avoir une influence sur la trajectoire de
développement de l'agriculture urbaine, projeter des positionnements
futurs possibles ou probables afin d'intégrer au mieux la dynamique
inhérente à ces processus de jeux d'acteurs, nécessite en
premier lieu l'identification des acteurs, et leur classification en fonction
de critères pertinents.
Il s'agit donc d'identifier et de recenser les acteurs
qui déterminent, influencent ou subissent les choix de
l'implémentation future de l'agriculture urbaine. En effet, un ensemble
de groupes de composition plus ou moins homogène vont intervenir pour
donner forme à sa trajectoire de développement. Un certain nombre
de ces groupes sont visibles, déjà activement impliqués
dans la détermination de la forme de cette trajectoire - alors que
d'autres ne disposent pas encore de point d'entrée concernant la
problématique de développement de cette filière. Or, tous
ces groupes vont, in fine, exercer une influence à travers leur
positionnement et leurs actions, conditionnées par leur liberté,
leur pouvoir, leurs positions respectives, ainsi que leurs interactions avec
les autres acteurs.
En s'appuyant sur les groupes d'acteurs qui ont pu
être identifiés - qu'ils soient présents et actifs, qu'ils
restent passifs, ou qu'ils puissent être qualifiés d'«
acteurs cachés » - une deuxième étape consiste
à mettre à jour les différents systèmes de valeur
en présence, ainsi que les représentations que les acteurs ont
construit de la problématique. Les relations que les acteurs
entretiennent les uns avec les autres, des affrontements ou des alliances
potentiels, seront déterminés entre autres par la concordance ou
la divergence des systèmes de valeurs sous-jacents, ainsi que des
relations de confiance ou de discorde existants.
Afin de mener à bien l'analyse des jeux
d'acteurs, différents méthodes et outils sont disponibles mais
leurs objectifs et leur portée diffèrent. Ainsi avons-nous
choisi, dans le cas
8
présent de l'analyse des jeux d'acteurs
relatifs à la trajectoire de développement futur de l'agriculture
urbaine, de ne retenir qu'une seule méthode d'analyse: la matrice
intérêt-pouvoir, adaptée de Mendelow.
Une analyse des situations de pouvoir et des jeux
entre acteurs aujourd'hui permet de déterminer la forme et le fond des
actions liées à la mise en oeuvre d'une gouvernance inclusive. Il
est possible d'utiliser ces espaces pour analyser la situation et le
positionnement des groupes d'acteurs de l'agriculture urbaine à Kigali
et analyser leurs comportements à l'aide des classes de décision
à l'horizon où la population atteindra un niveau insoutenable et
où les impacts de l'urbanisation sur l'environnement commenceront
à se poser avec acuité.
IV.2.1. La matrice intérêt-pouvoir,
adaptée de Mendelow
Initialement, Mendelow [in Gilomini, 2007 cité
par PFEIFLE, 2008] présente une matrice destinée aux entreprises
pour analyser le traitement qu'il convient d'accorder aux diverses parties
prenantes afin de tenir compte des divers jeux de pouvoir entre acteurs, de
déterminer les acteurs clés et de satisfaire l'ensemble des
parties prenantes autant que possible afin d'améliorer la situation de
l'entreprise agissante elle-même. Il est possible
d'adapter cette analyse organisationnelle au niveau sociétal. En effet,
en identifiant les divers groupes d'acteurs, il devient possible de les placer
dans la matrice proposée en fonction de l'intérêt que
portent ces parties prenantes à une décision, et en fonction de
leur pouvoir d'influence sur la décision.
Mendelow distingue alors quatre types d'acteurs dont
chacun mérite un traitement propre (Pfeifle, 2008, p.25):
- Les acteurs dont l'intérêt pour le
problème traité est faible et qui n'ont pas de pouvoir
d'influence sur les choix ne font, a priori, l'objet d'aucun effort (de
communication, d'implication) de la part des acteurs souhaitant exercer une
influence sur la direction et la forme que peut prendre, par exemple, la
trajectoire de développement d'une filière technologique. En
effet, les ressources disponibles (financières, humaines, en temps...)
étant rares par nature, le nécessaire arbitrage quant à
leur utilisation se fera en fonction du résultat escompté par
rapport à l'objectif poursuivi.
- Les acteurs dont l'intérêt est
élevé (parce qu'ils sont directement concernés, par
exemple) mais le pouvoir d'influence faible peuvent être satisfaits en
les gardant informés des avancements effectués ou
prévus.
9
- Les acteurs disposant a priori d'un niveau
d'influence élevé, mais d'un intérêt (encore) faible
pour le problème sont à surveiller étroitement : les
garder satisfaits permet à ceux souhaitant piloter le problème de
« gérer » au mieux la contrainte potentielle que pourrait
devenir une opposition de la part de ce groupe d'acteurs. Si
l'intérêt de ce groupe augmente, alors ils sont à compter
parmi
- les acteurs clés : ceux qui non seulement
disposent d'un pouvoir d'influence théorique, mais qui l'exercent
également pour atteindre leurs objectifs propres. Ce dernier groupe
d'acteurs est celui qui façonnera in fine non seulement le
problème, mais aussi la solution qui peut y être apportée,
ainsi que le mode de prise de décision ou le mode de mise en oeuvre de
la solution.
Tableau 1 : la matrice intérêt-pouvoir,
adaptée de Mendelow
Intérêt pour la décision
|
Pouvoir
d'influence sur le choix
|
|
Faible
|
Élevé
|
Faible
|
Effort minimal
|
À garder informés
|
Élevé
|
À garder satisfaits
|
Acteurs clés
|
Source : Pfeifle, 2008
La position de chaque acteur dans la matrice permet
également de faire des projections sur les comportements futurs des
acteurs, que ce soit pour soutenir ou alors pour rendre plus difficile le
développement de l'agriculture urbaine.
Dans un deuxième temps, il devient possible de
représenter les relations entre certains acteurs à
l'intérieur de la matrice : ainsi, un lien de coalition ou d'opposition
peut être représenté, tout comme des relations
conflictuelles ou généralement coopératives entre
acteurs.
Le futur, ou plutôt les futurs possibles,
peuvent être approchés ou faire l'objet de projections, en partant
de la situation observée, en extrapolant et interprétant les
signaux (parfois faibles) émis : il n'y a pourtant pas de relation
déterministe entre l'image obtenue ici et la réalisation de la
situation future.
IV.3. L'analyse de contenu
L'analyse de contenu est une technique de recherche
utilisée pour la description objective, systématique et
quantitative du contenu manifeste des communications et ayant pour but de les
interpréter (Michael Kelley cité par Mammadou
Diouf,sd).
10
L'analyse de contenu a pour objectif de recueillir et
traiter des données mentionnées dans un texte pour le
caractériser ou caractériser son auteur (personne, groupe ou
organisation). Le texte peut être unique ou constituer une compilation
d'articles, sites web, comptes-rendus, projets, transcriptions d'entretiens,
réponses à des questions ouvertes, etc.
Deux démarches de travail sont possibles (
Aubert-Lotarski,2007):
- repérer dans le(s) document(s) des
informations répondant à des questions au préalable
identifiées ;
- faire émerger des régularités, des
tendances ou des singularités
Pour cela, on élabore une grille
thématique, décrivant les faits, idées, opinions... que
l'on s'attend à trouver et un « code book » sorte de
questionnaire sur le texte qu'on utilise pour noter la présence des
thèmes dans la réponse ou le fragment de texte
considéré. Le travail d'analyse consiste à lire le texte
en isolant les passages significatifs pour l'étude et en notant les
thèmes qu'ils contiennent.
Nous avons surtout fait appel à l'analyse de
contenu afin notamment de:
a) Mieux appréhender les objectifs
affichés ou associés, les finalités recherchées,
les stratégies développées et les moyens mis en oeuvre
pour favoriser, préserver et redynamiser l'agriculture urbaine à
Kigali ;
b) Mesurer les niveaux d'articulation et de mise en
cohérence entre les différents outils et dispositifs de
planification en vigueur en matière d'agriculture urbaine.
C'est pour toutes ces raisons que nos principales
sources ont été la mairie de la ville de Kigali. De fait, tous
les documents consultés ont été des documents émis
(produits) par ou pour le compte de la mairie (documents de planification
stratégique ou sectorielle, textes d'orientation, ...). Deux documents
ont particulièrement retenu notre attention. Il s'agit du master
plan de la ville de Kigali et de la stratégie d'appui à
l'agriculture urbaine et périurbaine de Kigali.
11
V. CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE
Toute pratique est informée par une
théorie, que celle-ci soit consciente ou non (Fragnière, 1986,
p.23). C'est pourquoi nous avons préféré rédiger
cette partie théorique pour mieux mettre en contexte notre
recherche.
V.1. De la durabilité de l'agriculture urbaine
La définition la plus usuelle du
développement durable est celle qu'en a donnée la commission
Brundtland en 1987 et reprise en 1992 à la Conférence de Rio :
"Un développement qui répond aux besoins du présent
sans compromettre la capacité des générations futures de
répondre à leurs propres besoins". C'est une notion qui a
fortement émergé depuis quelques décennies du fait de la
prise de conscience de la limitation des ressources à notre disposition
(matières premières, biodiversité, espace disponible, eau,
etc.) et des problèmes environnementaux provoqués par les
activités humaines. Cette notion se situe à la croisée de
trois piliers ou objectifs fondamentaux :
- un pilier économique qui vise à continuer
à produire des richesses pour satisfaire les
besoins de la population mondiale ;
- un pilier social qui veille à réduire les
inégalités à travers le monde ;
- un pilier environnemental qui cherche à
préserver l'environnement que les générations futures
recevront en héritage.
Quelque soit l'option retenue, l'optique d'un
développement durable amène inévitablement à
respecter les règles suivantes (Pearce-Turner-1990, cité par
Monédiaire, 1999) :
- puiser dans les ressources renouvelables à un
taux de cueillette inférieur au taux de renouvellement ;
- rejeter dans l'environnement des déchets
à un taux inférieur à la capacité d'assimilation du
milieu.
A ces conditions le développement sera durable,
à la nuance près du stock de ressources épuisables, et il
sera limité à la durée de vie de ce stock. Pour
acquérir des degrés de liberté supplémentaires,
plusieurs solutions sont possibles (Monédiaire, 1999) :
12
- substituer des ressources renouvelables aux
ressources épuisables, ce qui en milieu urbain concerne les politiques
de transports, d'énergie, de construction...Il s'agit ensuite de
substituer du capital artificiel au capital naturel quand cela est
justifié4
- efficacité : le but est techniquement et
économiquement accessible ;
- durabilité : la durée d'utilisation
des produits détermine le rythme auquel ceux-ci sont remplacés,
et par conséquent le montant des ressources utilisées ainsi que
la quantité de déchets rejetés. Si on passait à un
système de remplacement lent, on diviserait par deux la consommation des
ressources et le montant de déchets. Pour ce faire, plusieurs
stratégies complémentaires sont envisageables sans restreindre le
niveau de vie des populations : réutilisation des produits,
réparation, remise en état, recyclage. C'est dans cette
perspective qu'il faudrait voir le rôle que pourrait jouer l'agriculture
urbaine.
Appliqué à l'agriculture, le terme
durable intègre, tout comme lorsqu'il est rapporté au
développement, des dimensions à la fois économiques,
sociales et environnementales, sur diverses échelles, spatiales et
temporelles. En agriculture, les différentes voies
développées en direction de la durabilité visent à
atteindre des rendements acceptables tout en réduisant les impacts
environnementaux négatifs. Ce sont des approches systémiques qui
considèrent l'activité agricole dans ses interactions avec le
milieu naturel l'environnant. Elles s'appuient à des niveaux
variés sur la prise en compte des équilibres écologiques,
voire tentent de reproduire le fonctionnement des systèmes naturels pour
améliorer la productivité à long terme du système
agricole (François Laurent, 2006).
Dans le contexte urbain, la notion d'agriculture
durable fait écho aux liens entre agriculture et ville (AWA BA et AUBRY,
2010). Deux types de durabilité des exploitations de l'agriculture
urbaine sont distingués par Awa et Aubry (2010):
- une durabilité appréhendée par
les facteurs internes : la viabilité économique, la
vivabilité de l'exploitation, dont témoignent la
transmissibilité et la reproductibilité de l'exploitation
elle-même, ainsi que ses impacts environnementaux.
- Une durabilité externe: vision que les
décideurs urbains et les résidents ont sur le futur de cette
agriculture comparativement à d'autres utilisations possibles de
l'espace (logements, industries, espaces verts, etc.).
4 C'est-à-dire quand
le surcroit de productivité du capital artificiel est supérieur
au surcroit de ressources naturelles qu'il a fallu pour le
produire.
13
Le croisement de ces deux durabilités semble
approprié pour le contexte urbain (idem): durable «
intrinsèquement », une exploitation agricole urbaine peut
être condamnée par l'existence de projets urbains
(d'infrastructures par exemple) jugés prioritaires ; a
contrario, les urbains peuvent souhaiter conserver, par exemple pour des
raisons d'aménités paysagères (Donadieu et Fleury, 2005),
des exploitations agricoles dont la viabilité économique ou la
vivabilité sociale ne sont pas assurées.
Pour Godard et Hubert (2002) cités par BA et
AUBRY, la durabilité de l'agriculture s'entend, d'une part, par la
durabilité autocentrée de l'exploitation, d'autre part, par sa
contribution à la durabilité du territoire qui l'inclut. Le
concept de durabilité de l'agriculture5, dans le contexte
urbain, renvoie pour beaucoup, d'une part, aux conditions de
pérennisation in situ de l'occupation agricole de l'espace,
étant donné que la construction sur un espace agricole est un
phénomène largement irréversible ; d'autre part, à
la contribution de l'agriculture au développement durable de la ville
(Dabat, Aubry et Ramamonjisoa, 2006).
La durabilité à long terme de
l'agriculture urbaine et périurbaine est conditionnée par la
capacité des agriculteurs et des fonctionnaires urbains à
exploiter les avantages de l'environnement tout en réduisant les
problèmes et en trouvant les moyens de garantir aux producteurs
l'accès à la terre (FAO-Comité de l'agriculture,
1999).
V.2. De l'émergence de la question d'agriculture
urbaine durable
"Agriculture urbaine" est une
expression qui semble assez paradoxale au premier abord la ville étant
définie en dehors de l'agriculture. Pourtant, l'association de ces deux
termes a priori antinomiques désigne une pratique bien
réelle et qui prend sa source au coeur d'anciennes civilisations. Des
fouilles archéologiques ont ainsi révélé de vastes
systèmes agricoles (réseaux d'irrigation, systèmes de
rotation des cultures, potagers et vergers) au sein d'importantes zones
urbaines, qu'ils s'agissent de cités grecques du IVème
siècle avant J.C., de villes fortifiées de l'Europe
médiévale ou de métropoles aztèques datant de plus
de quatre mille ans (
Oboulo.com,
2008). Il y a 4000 ans, dans les villes semi désertiques de perse, une
forme d'agriculture intensive y était pratiquée et elle utilisait
les déchets de la communauté comme terreau (Vijoen A., et al.
2005, p.IX).
5 On entend par agriculture
durable une agriculture qui, dans ses processus de développement, est
économiquement viable, socialement vivable et qui préserve les
ressources écologiques, pour le présent et pour le futur (notion
de solidarité intergénérationnelle issue du rapport
Bruntland « Our Common Future » de 1987).
14
En 1600, des citadins d'Angleterre ont
été incités à cultiver en ville afin de contrer une
possible invasion espagnole. L'idée fut reprise lors des deux guerres
mondiales alors que les gouvernements américain et britannique ont fait
pression sur leurs citoyens pour que ceux-ci transforment tous les espaces
inutilisés de la ville en « Victory Garden » afin de
supporter l'effort de guerre (Keven Boutin , 2009).
En 1943, deux ans à peine après le
début de la guerre, 20 millions de jardins de la victoire produisaient
30 à 40% des légumes consommés dans le pays. Des milliers
de terrains abandonnés en ville étaient défrichés
et cultivés collectivement par les habitants du quartier. Le Bureau de
la Défense Civile encourageait et habilitait ces initiatives, mais ce
phénomène se mettait en place sans cela parce que les citoyens
qui n'étaient pas au front voulaient participer à l'effort de
guerre, et le jardinage était, finalement, une façon très
agréable de servir la patrie (Chip WARD, 2009).
Désignant ainsi une pratique ancestrale,
l'expression est cependant récente. On accorde à Pierre
Vennetier, par son enquête sur l'agriculture urbaine au Congo à la
fin des années 1950, le mérite d'avoir ouvert ce domaine
d'étude et la création de l'expression en question. Ce chercheur
utilise en effet le terme de « vie agricole urbaine » en
1961.
Si certains auteurs affirment que c'est depuis les
années 1970 que le terme d'agriculture urbaine est clairement
utilisé, d'autres comme Pierre Donadieu et André Fleury avancent
que le terme d'agriculture urbaine, utilisé par le Programme des Nations
Unies pour le développement (PNUD), semble avoir été
inventé à la fin des années quatre vingt pour rendre
compte de processus émergents dans les villes pauvres de la zone
tropicale (Donadieu et Fleury, 2004, p.18). Les tenants des années 1970
partent sans doute du constat que c'est depuis la fin des années 1970
que l'agriculture urbaine progresse dans bien des régions du monde. En
effet, durant cette période, on rapporte une résurgence de
l'agriculture urbaine dans les villes comme Bogota, Madrid, Moscou, New York,
Vancouver et dans beaucoup d'autres coins du globe ((Vijoen A. et al. 2005,
p.IX). Une enquête des Nations Unies conduite dans 20 pays à
travers le monde et les bibliothèques en 1991-1993 conclus qu'un nouveau
système alimentaire urbain était en train d'émerger
(idem).
La reconnaissance de l'agriculture urbaine comme
activité productive a démarré de façon très
fragmentée: un chercheur intéressé ici, un projet de
développement là. C'est vraiment à partir de 1990 que
cette reconnaissance s'est étendue, grâce à
l'émergence rapide d'un maillage plus
15
cohérent à différentes
échelles (Nasr J., De Bon H., Dubbeling M.. 2005). Le processus de
transformation, y compris divers efforts de mise en réseau (certains
plus aboutis que d'autres) sera opéré à travers la mise
place de deux centres de ressources et têtes de réseaux (UAN et
RUAF) ainsi que le rôle important de soutien du CRDI canadien et du
gouvernement hollandais. Ensuite, d'autres réseaux plus régionaux
seront créés: en Amérique latine et Caraïbe, le
réseau AGUILA a été le premier à apparaître
comme tel; en Asie du sud, le réseau est une des composantes d'un projet
axé sur l'approvisionnement des villes; enfin au Moyen Orient et en
Afrique du Nord, le réseau passe actuellement à l'état
émergent, avec une phase d'incubation.
De 1975 à 1985, les autorités d'au moins
22 pays ( 10 en Asie, 6 en Afrique et 6 autres en Amérique latine )
appuyaient dans ce domaine des initiatives qui visaient à fournir des
terrains et autres intrants pour la production, des initiatives d'aide
technique, de production et de distribution de denrées alimentaires
domestiques, de phytotechnie en arboriculture et de zootechnie en
élevage de petits animaux, de remplacement des importations
alimentaires, de nutrition et de distribution, d'entreposage et de conservation
d'aliments ( Wade, 1987, p. 38- 41 cité par Mougeot, 2005).
Malgré l'essor qu'elle connaît et sa
prise en compte croissante tant par des programmes internationaux, des travaux
de recherche, des politiques publiques ou encore des associations visant
à la promouvoir, force est de constater que ce type d'agriculture reste
dans le domaine de l'informel et doit faire face à nombre de
préjugés et de contraintes. Beaucoup de villes ont probablement
fourni les moyens d'encouragement et les terrains d'essai grâce auxquels
on a puisé les innovations de systèmes agricoles plus intensifs
et plus productifs. Par contre, d'autres l'ont harcelé même en
période de crise alimentaire (Mougeot, 2005).
De plus, il est à noter un point central, des
différences fondamentales existent au sein de l'agriculture urbaine
selon qu'elle est pratiquée dans le « Nord » ou dans le «
Sud ». Ces différences font référence aux formes
mêmes que prend cette agriculture, mais avant tout au rôle de
celle-ci. Tandis qu'au « Nord », à l'époque
contemporaine, elle connaît un essor surtout en tant que pratique
récréative pour répondre à un besoin grandissant de
nature de la part des citadins, en lien avec la place croissante des
préoccupations environnementales dans les sociétés
occidentales (agriculture d'agrément) ; au « Sud », elle
relève souvent avant tout de
16
la simple survie en particulier dans les villes
pauvres de la zone tropicale où un jardinage à finalité
nourricière s'est développé ( agriculture de
crise).
Plus tard, de nouvelles fonctions relationnelles
recomposant son lien à la ville lui seront reconnues. Des formes
originales seront développées (agriculture de toit en
Amérique du Sud ou en Asie ou fermes urbaines en Amérique du
Nord). Des finalités de convivialité de quartiers, d'insertion
sociale (de malades, de réfugiés, de délinquants, etc.) ou
parfois plus politiques comme à New-York (green guerillas) et des
objectifs particuliers, propres au groupe social concerné lui seront
attribués.
C'est pourquoi la production alimentaire urbaine est
devenue une industrie complexe et florissante. Selon le PNUD (1996 cité
par Donadieu P., 2003 ), 800 millions de personnes sont, surtout pour des
raisons alimentaires, directement concernées par l'agriculture urbaine,
ainsi que 200 millions d'agriculteurs, souvent à temps
partiel.
Dans un récent rapport (CESE, 2004, cité
par Peltier, 2006), le Conseil économique et social européen a
pris position pour l'intégration de la question de l'agriculture urbaine
et périurbaine dans le cadre de la préparation de la nouvelle PAC
pour 2007-2013. L'European conference on city and countryside organisée
le 21 octobre 2004 à La Haye a permis le croisement des
différents réseaux et l'adoption de la motion PURPLE19
(idem).
Deux lignes s'en dégagent : une ligne «
pays du Nord » soucieux plutôt d'une agriculture entrepreneuriale,
adaptée à la « nature en ville » et assurant un
entretien des espaces ouverts à des coûts raisonnables; une ligne
« pays du Sud » plutôt soucieux d'une agriculture familiale, de
promouvoir les produits de qualité et l'identité culturelle de
l'agriculture périurbaine.
Au coeur même de la justification de la
promotion de ce changement d'attitude, il y a les indications qui se
multiplient sur la contribution qu'apporte l'agriculture urbaine à la
sécurité alimentaire des villes.
Cependant, un des changements les plus remarquables de
ces évolutions, sera l'inversion des valeurs traditionnelles.
L'agriculture prend un sens urbain très fort. Le maintien de son espace
est devenu si nécessaire qu'il doit devenir durable (Fleury A. et
Donadieu P., 2004).
17
Récemment haïssable pour ses défauts
(FAO, 1996, cité par SEBUHINJA, 2009) :
- pollutions et autres nuisances spécifiques
à l'agriculture ;
- ponction des ressources naturelles (terre, eau, sol,
etc.) ;
- risques pour la santé (eau potable,
contamination par le plomb, hygiène);
- détérioration écologique (usure
des sols, risque de contamination de la nappe phréatique);
- besoins en infrastructures ou adaptation des
équipements;
- criminalité due aux vols ;
- conflits sociaux dus à une utilisation mixte des
terres,
elle a entrepris la reconquête de son image :
elle apprend à être productive sans nuisances. La totalité
de ses productions doit être reconnue, et pour cela, elle doit tirer un
profit de la production d'un bien rare, le paysage (Fleury A. et Donadieu P.,
2004, p.14).
Ce sont les problèmes alimentaires mais aussi
de création d'emplois et de revenus et d'amélioration du cadre de
vie que vivent des millions de citadins à travers le monde qui ont
favorisé la réflexion sur l'intégration de l'agriculture
à la ville (AWA, 2007).
Deux facteurs ont cependant joué en faveur de
la réinsertion de l'agriculture dans la logique urbaine (Roland Vidal et
André Fleury, 2009) :
- Le premier est que, dans les pays de vieille culture
agraire comme en Europe du Nord-Ouest, ou en Amérique du Nord (Nouvelle
Angleterre, Nouvelle France), l'agriculture reste une constituante essentielle
de l'identité nationale ; ainsi, à Ottawa, la ceinture de verdure
rend hommage à l'eau, à l'agriculture et à la forêt
comme éléments fondateurs du pays. Il en est de même en
France où son retrait, matérialisé par la friche, est
néanmoins davantage vécu comme un recul de la civilisation que
comme retour de la nature.
- Le second facteur, d'émergence
récente, est la conscience croissante du coût environnemental de
la distance de l'approvisionnement alimentaire, avec un nouveau mot-clé,
le compte des food-miles. Ce concept, apparu en Amérique du
Nord, voudrait mettre en avant le fait que la protection de l'environnement
passe aussi par une réduction de la distance, mesurée en
miles, que parcourent les aliments avant d'arriver dans l'assiette des
consommateurs.
Forts de ce constat, les praticiens de l'agriculture
urbaine ont mis alors au point ou adapté une diversité
remarquable de systèmes de production et de techniques de
sélection de cultures. Ce
18
qui leur permet en principe de tirer le meilleur parti
possible du climat, de la topographie et des autres contraintes ou atouts
d'ordre géographique de la trame urbaine. De la sorte, l'agriculture est
devenue un bien et un service commun aux citadins et c'est ensemble qu'espaces
cultivés et espaces bâtis participent au processus d'urbanisation
et forment le territoire de la ville. Elle combine les traits de l'agriculture
et le développement de la ville. Sa mise en valeur en zone urbaine
suppose donc la remise en cause de certaines pratiques de l'aménagement
urbain.
V.3. La construction de la place de l'agriculture dans le
territoire urbain
Les propos qui justifient les choix
d'aménagement des schémas directeurs sont des choix
stratégiques qui révèlent une perspective de
développement global cohérent de la région urbaine. Deux
objectifs sont présentés (Schéma Directeur de la
région Grénobloise, 1998 cité par Bertrand et Rousier,
2003) :
- favoriser la croissance économique dont on
peut s'attendre à ce qu'elle soit consommatrice d'espaces et
- soutenir une attractivité reposant sur la
qualité de l'environnement, c'est-à-dire sur la
préservation de l'environnement et la mise en valeur des espaces
naturels.
Certains territoires font le choix d'ouvrir plus
largement leurs réflexions aux acteurs agricoles. Une réelle
difficulté réside cependant, dans la construction d'un compromis
qui pourra ensuite être porté au niveau décisionnel et
être intégré dans les documents du schéma
d'aménagement territorial.
Lorsque les commissions sont ouvertes aux acteurs, la
plupart du temps, compte tenu de leur caractère transversal et
multifonctionnel, agriculture et forêt sont abordées dans deux
commissions : « économie » et « environnement », qui
peuvent revêtir des noms aux couleurs plus locales. Les commissions
spécifiquement agricoles sont exceptionnelles.
Dans tous les cas, le projet de territoire urbain
convoque l'agriculture explicitement ou implicitement pour quatre grands
thèmes (Certu et al., 2008): l'organisation du territoire,
l'identité territoriale, l'environnement et l'économie
agricole.
V.3.1. L'organisation du territoire
L'objectif est de « tenir le territoire »
afin d'éviter l'étalement urbain et de préserver la
qualité de vie. Il s'agit donc d'associer l'agriculture au devenir de la
ville.
19
V.3.2. L'identité territoriale
C'est un cran supplémentaire dans la recherche
de l'organisation du territoire.
Une première approche sera plus ruraliste et
défensive: conserver et valoriser le rapport de dualité et de
complémentarité qui enrichit le territoire, et faire en sorte que
les intérêts de l'économie agricole et de la
ruralité puissent être préservés au mieux. Une
deuxième approche cherchera à s'appuyer sur la production
agricole pour valoriser l'identité globale. L'agriculture participe
à la structuration du territoire en s'appuyant sur la qualité des
terroirs et des appellations.
V.3.3. L'environnement
Il s'agit bien entendu de l'acception
`'environnement» comme protection du milieu naturel. Cette acception
interroge les pratiques agricoles. Dans les territoires où le sujet
n'est pas conflictuel, des préconisations agro-environnementales sont
mentionnées expressément.
V.3.4. L'économie agricole
C'est in fine l'aune à laquelle on
évaluera la manière dont un projet d'aménagement s'empare
de la question agricole. Et c'est bien évidemment pour la profession
l'enjeu majeur qui déterminera à ses yeux une bonne prise en
compte de l'agriculture.
V.3.5. La capacité des acteurs
La place de l'agriculture sur des territoires soumis
à l'influence urbaine dépend fortement de la capacité des
agriculteurs locaux et des autres acteurs à se structurer et à
participer à un projet de développement. Les groupements
agricoles s'investissent comme acteurs de l'aménagement local. D'autres
acteurs, élus, associations, habitants, s'emparent de la question
agricole et renouvellent le débat sur les fonctions de l'agriculture.
Ils deviennent forces de proposition, participent au processus
d'élaboration de projets de territoire et interviennent dans la
négociation des politiques territoriales.
Par cette capacité des acteurs à
dialoguer sur les enjeux locaux, à construire des projets, des formes de
structuration de territoires spécifiques sont définies où
l'agriculture trouve une place. Les fonctions de l'agriculture ne se
renouvellent pas seulement sous l'influence des évolutions dans les
conceptions de la ville chez les aménageurs et les urbanistes.
Elles
20
dépendent aussi du jeu des acteurs dans les
dynamiques de développement local et pour une part, dans la
capacité des agriculteurs à se structurer autour d'un projet de
développement et à nouer des alliances avec d'autres acteurs
(Peyrache-Gadeau, Fleury, 2005).
V.4. PRISE EN COMPTE DE L'AGRICULTURE ET SES ESPACES
V.4.1. Les espaces agricoles dans le territoire
urbain
En ville, les espaces agricoles deviennent l'une des
trois composantes de l'espace urbain à savoir les espaces
urbanisés, les espaces naturels et les espaces agricoles.
Les espaces agricoles, groupés dans ce que l'on
appelle les espaces ouverts ou espaces « verts » en milieu urbain
(parcs urbains, jardins communautaires ou d'agréments, forêts...),
pourront être catégorisés en trois sortes de surfaces
agricoles (chambre d'agriculture de la Savoie, de la Haute Savoie et le parc
naturel régional du massif des Bauges, 2008) :
V.4.1.1. Des surfaces agricoles à enjeux
prioritaires :
- parcelles présentant des bonnes conditions
d'exploitation : surfaces mécanisables
et facilement accessibles,
- grands blocs d'exploitations, vierges de toute
construction,
- pâturages de proximité aux abords des
lieux de traite,
- parcelles incluses dans le périmètre AOC
viticole.
V.4.1.2. Des surfaces agricoles à enjeux forts
:
- surfaces présentant des conditions
d'exploitation plus difficiles (terrains pentus ou difficilement
mécanisables du fait de la présence d'arbres ou de
talus),
- îlots d'exploitation de petites surfaces,
isolés ou à proximité de grands ensembles
déjà urbanisés et répondant à une logique
d'urbanisation à moyen terme.
V.4.1.3.Des surfaces agricoles à enjeu faible ou
nul :
- parcelles totalement enclavées dans des zones
bâties,
- terrains utilisés à des fins
privatives (jardins...), situés à l'intérieur ou en limite
de secteurs déjà urbanisés et répondant à
une logique d'urbanisation à court terme.
V.4.2. Les questions agricoles dans les schémas
d'aménagement
Les questions agricoles sont abordées dans les
schémas d'aménagement sous deux angles différents, qui
méritent d'être distingués (Certu et al., 2008)
:
21
- celui de l'espace agricole comme structurant le
territoire avec sa dimension multifonctionnelle qui croise le paysage,
l'identité, l'environnement, les loisirs... et
- celui de l'agriculture comme activité
économique qui porte le regard sur les exploitations agricoles, les
filières, le foncier, la pérennité des
structures...
Un diagnostic agricole est toujours nécessaire.
Deux approches peuvent être utilisées pour appréhender la
question agricole lors du diagnostic agricole (Certu et al., 2009)
:
- L'approche à dominante
technico-économique porte un regard centré sur l'activité
des exploitations agricoles du territoire et leurs contraintes propres,
notamment spatiales (organisation du parcellaire, déplacements
agricoles...), saisonnières... Elle réalise un état des
lieux par filière et ne doit pas omettre de considérer l'amont et
l'aval des différentes filières car le poids en emplois de
l'agroalimentaire et des services liés à l'agriculture est
souvent supérieur à celui des emplois agricoles directs. Cette
approche identifie les forces et faiblesses des filières dans leur
globalité, éventuellement les liens entre filières
(productions végétales-alimentation animale...) pour
réussir à considérer l'économie agricole dans son
ensemble.
- L'approche à dominante territoriale croise le
regard agronomique sur les bassins de production, les terroirs (AOC...) ou des
petites régions agricoles et le regard géographique sur les
systèmes d'exploitation (ex : lien entre la vallée, les coteaux
et les alpages en agriculture de montagne). Ce type de diagnostic,
dégage des unités agro-paysagères qu'il faut mettre en
lien avec les autres usages de l'espace (loisirs, production d'eau potable,
gestion des risques d'incendie, d'inondation...). Cette approche pose la
question de l'échelle pertinente pour traiter de l'agriculture dans un
schéma d'aménagement et du niveau de précision
nécessaire dans le diagnostic: en fonction des problématiques
locales, certains constats vaudront pour tout le territoire mais certaines
zones à la sensibilité particulière pourront
mériter des études plus précises du parcellaire ou sur les
mutations du bâti agricole par exemple.
Qu'il comporte une entrée à dominante
territoriale ou technico-économique, le diagnostic agricole tiendra
à :
- relier l'agriculture au territoire (toutes les
facettes reliant l'agriculture à la ville sont traitées, les
réalités vecues par les agriculteurs:[pression foncière,
difficultés de déplacement,...] et les ressentis
[hypersensibilité des voisins aux nuisances agricoles, invasion du
territoire agricole par les pratiquants de loisirs verts...] sont
ressortis.
- poser les bases du dialogue: il identifie les
leviers d'actions mobilisables par le schéma d'aménagement, mais
les acteurs doivent aussi prendre conscience des limites de l'outil
de
22
planification : tous les enjeux relevés ne
pourront trouver leur réponse dans le schéma, mais pourront
déboucher sur des actions complémentaires.
- aboutir aux enjeux qui seront traduits dans le
projet d'aménagement et de développement durable (PADD). Dans ce
projet, les textes à portée juridique normative cèdent de
plus en plus la place à des textes à portée politique
déterminant des objectifs à poursuivre. Il appartiendra ensuite
au Document d'Orientations Générales (DOG) de traduire ce PADD
dans des prescriptions respectueuses de la loi.
V.5. PROTECTION DES ESPACES AGRICOLES
V.5.1. Pourquoi protéger les espaces agricoles
?
Liés à un niveau de richesse et à
une conscience environnementale renforcée, des arguments ont
été avancés pour protéger les espaces agricoles au
titre d'enjeux économiques, esthétiques et environnementaux (AFT,
2003 cités par Dissart, 2006).
Selon l'argument économique, les espaces
agricoles devraient être protégés car il s'agit de
maintenir la base du système agroalimentaire, important pour les
économies en termes de balance commerciale, de création d'emploi
et de revenu. Le maintien des espaces agricoles permet d'accompagner
l'augmentation de la demande globale liée à l'augmentation de la
population et des revenus et à l'ouverture des marchés. Les
produits locaux sont les mieux placés pour répondre à la
demande de qualité et de traçabilité, sans oublier le
principe de la souveraineté alimentaire, selon lequel la population doit
avoir accès à la production alimentaire de sa région.
Outre son rôle primaire de produire des denrées alimentaires,
l'agriculture urbaine gagnerait à se diversifier en exploitant des
niches économiques liées à la proximité de
l'agglomération, comme la gestion de déchets verts (compostage et
épandage des déchets) et la production d'énergie
renouvelable à l'aide de la paille issue de la grande culture ou de
copeaux de bois.
Les espaces agricoles et naturels devraient
également être protégés pour des raisons fiscales :
un développement urbain éparpillé se traduit par des
coûts d'équipement élevés qui sont financés
par des impôts accrus ; de manière générale, les
espaces naturels sont sources d'aménités qui augmentent les
valeurs des propriétés et les revenus issus du tourisme (Brabec,
1994 cité par Dissart, 2006).
23
La valeur des espaces agricoles et naturels,
toutefois, va au-delà de critères économiques :
exploitations agricoles et paysages attrayants contribuent à la
singularité d'une communauté, fournissant des repères dans
l'espace et augmentant la qualité de vie locale.
Dans une perspective environnementale, les espaces
agricoles et naturels fournissent aussi des services écologiques comme
le maintien de la biodiversité, la protection des zones humides, le
filtrage des eaux résiduaires, le rechargement des nappes
phréatiques, la séquestration de carbone, la résorption
des pollutions agricoles et une contribution à la qualité de
l'air. Les sols devraient être économisés au titre de
ressource finie et non renouvelable.
Le monde agricole peut être un partenaire des
collectivités pour la gestion de risques naturels comme les feux de
forêt (lutte contre la friche), les inondations (gestion des zones
d'expansion des crues), les risques d'avalanches en montagne (pâturages,
estives)... L'agriculture peut avoir un rôle central pour la production
de biomasse et la lutte contre l'effet de serre (bois-énergie et
cultures énergétiques) ainsi que pour la valorisation des
déchets urbains (épandage des boues de station
d'épuration, méthanisation, co-compostage)...
Aussi, est-il que l'activité agricole
s'accommode mal de la proximité de zones habitées, la
présence de riverains compliquant le fonctionnement des exploitations et
constituant un frein potentiel à leur développement. Pour son
fonctionnement, l'activité agricole doit en effet disposer de
bâtiments et d'un matériel importants. La bonne circulation entre
le siège de l'exploitation et les terrains exploités est
également un élément vital.
Par ailleurs, l'élevage engendre naturellement
diverses nuisances, bruits, odeurs, circulation des cheptels, épandage
des effluents, qui peuvent générer des conflits de voisinage
susceptibles de se multiplier, en particulier dans les espaces
périurbains. Il s'agit alors d'assurer aux entreprises agricoles des
conditions optimales de fonctionnement, en maintenant les zones d'urbanisation
à distance des sièges d'exploitation, en réservant un
dégagement suffisant de la zone cultivée, lorsque l'exploitation
est adossée à une zone construite, en conservant des circulations
adaptées et dégagées pour accéder aux terres
cultivées.
En outre, pour fonctionner, l'exploitation doit
bénéficier non seulement d'un espace agricole
préservé, mais aussi de conditions favorables pour évoluer
et se développer. L'espace exploité est affecté à
un usage strictement agricole, pour en garantir la pérennité. Il
s'agit d'éviter des installations et implantations d'activités
annexes, voire concurrentes, de
24
l'agriculture, qui contribuent au mitage de l'espace
agricole et renforcent la pression sur le foncier.
Des exigences, parfois trop sévères aux
yeux des entreprises agricoles les plus proches de l'agglomération (qui
limitent leurs projets de construction) sont imposées par certaines
municipalités : hangars, caves, changement d'affectation de
bâtiments agricoles, etc.
L'ensemble des espaces agricoles et naturels autant
que l'activité agricole sont donc menacés par l'urbanisation,
dans les zones d'urbain dense comme dans les zones d'urbain dispersées.
L'enjeu devient alors d'assurer une préservation à long terme de
l'espace agricole, dont une partie non négligeable présente un
intérêt écologique.
En revanche, des arguments ont également
été avancés contre la protection des espaces agricoles
(Gordon & Richardson, 1998 cités par Dissart, 2006). D'abord, les
niveaux de productivité actuels sont tels que la perte d'espace agricole
ne constitue pas une menace pour l'offre alimentaire nationale. Ensuite,
l'agriculture ne crée pas autant d'emplois que les autres secteurs
économiques, si bien que la protection de ce secteur se traduit par un
gaspillage de ressources. Les critiques font également remarquer les
coûts environnementaux de l'agriculture liés à la pollution
diffuse. Enfin, en matière d'aménagement, il est reproché
à la plupart des programmes de protection d'être coûteux et
inefficaces parce qu'ils ne font que rediriger l'urbanisation et, dans certains
cas, contribuent à l'étalement des zones
bâties.
V.5.2. Les outils de protection des espaces
agricoles
Il existe plusieurs classifications des techniques de
protection des espaces agricoles et naturels (Adelaja & Schilling, 1999 ;
AFT, 2002 ; AFT, 1997 ; Beesley, 1999 cités par Dissart, 2006). La
classification proposée ici s'inspire de Daniels (1999b cité par
Dissart, 2006) qui la présente comme un ensemble de techniques de
gestion de la croissance dans les espaces périurbains. Quatre outils
tirés principalement du modèle américain ont
été répertoriés : les directives de
développement, le zonage, l'acquisition de propriété et
les techniques d'incitation.
V.5.2.1. Les directives de
développement
Sous le registre des directives de
développement on trouve principalement le master plan
(schéma directeur) et l'urban growth boundary (limite de
croissance urbaine).
a) 25
Le master plan
Le but du master plan est de définir
une vision et de guider le développement sur la base de projections de
population et des besoins fonciers correspondants. Les avantages de ce plan,
sont nombreux : donne une base légale au zonage et autres règles
d'usage du sol, définit des objectifs de croissance et de protection,
identifie des zones ciblées pour une gamme d'utilisations du sol,
promeut le développement ordonné des équipements. Ses
inconvénients principaux sont qu'il n'est pas légalement
contraignant par lui-même, n'a pas à promouvoir de vision
régionale, et peut être ignoré dans les décisions
quotidiennes. Le master plan peut promouvoir la protection des espaces
agricoles et naturels en encourageant la définition de limites de
croissance urbaine ou l'adoption d'une zone agricole protégée ou
encore en incorporant l'utilisation de programmes d'achat ou de transfert de
droit à bâtir.
b) La limite de croissance
Mise en place par un État, une limite de
croissance urbaine a pour objectif de gérer l'extension urbaine en
contrôlant son timing et en déterminant les usages du sol permis
aux niveaux local et régional. Ligne théorique tracée
autour d'une agglomération, cette limite définit une zone
permettant d'accommoder la croissance anticipée à 10-20 ans et
limite l'extension des équipements. Cette mesure demande
également aux collectivités d'identifier les sols à forte
valeur de ressource et de les protéger de l'artificialisation. En
conséquence, elle promeut un développement plus compact, moins
coûteux en termes de service, décourage l'étalement urbain
et peut protéger les espaces agricoles et naturels si elle est
combinée à d'autres techniques. Cependant, elle nécessite
un zonage restrictif au-delà de la limite et une politique de phasage de
la croissance à l'intérieur. Si elle sous-estime les besoins,
elle peut aussi entraîner une augmentation du coût du foncier
liée à la restriction de l'offre.
V.5.2.2. Le zonage
Le zonage définit les usages du terrain permis
dans des zones spécifiques délimitées. Il comprend
principalement deux techniques : la délimitation d'une zone agricole
protégée et le zonage en grappe (cluster
zoning).
Principalement mise en oeuvre au niveau local, une
zone agricole protégée identifie une ou plusieurs zones où
l'agriculture est l'usage privilégié du sol et décourage
(sinon interdit)
26
d'autres usages. Le but est de limiter les conflits
d'usage en séparant les activités agricoles des autres et de
protéger une masse critique d'exploitations et de terres agricoles.
L'identification de la zone est généralement basée sur des
critères de localisation et de qualité du sol. Ce type de zonage
peut aussi spécifier le nombre d'habitations par km2, la
taille minimale des terrains ou autoriser des activités commerciales
(vente directe). Au-delà de son impact sur l'activité agricole,
ce zonage permet aussi de maintenir l'espace non bâti et de limiter la
spéculation immobilière, le tout à un coût
réduit pour le contribuable. Cette technique, toutefois, requiert des
terrains importants (ou nombreux) et contigus et des éléments sur
la taille minimale des lots. De plus, la zone ciblée peut être
parsemée de propriétés ; les propriétaires fonciers
ne sont pas indemnisés pour la restriction d'usage ; les
collectivités peuvent changer le zonage et les terrains sont
vulnérables à l'annexion.
Également mis en oeuvre au niveau local, le
zonage en grappes permet ou exige que les bâtiments soient groupés
sur des terrains dont la taille minimale est importante. Ce zonage est parfois
utilisé, aussi, pour accorder aux promoteurs un bonus de densité
sur un site tandis que la portion du terrain qui n'est pas bâtie est
sujette à une servitude de protection. Le zonage en grappes permet un
développement moins coûteux que le mode périurbain
classique et plus sensible à la protection de l'environnement. Les
détracteurs de cette technique soulignent qu'elle protège
davantage le foncier que l'activité agricole parce que les
propriétaires du terrain protégé peuvent ne pas vouloir
louer leur propriété en raison des nuisances potentiellement
associées à l'agriculture.
V.5.2.3. L'acquisition de
propriété
Il existe trois principaux outils d'acquisition de
propriété pour la protection des espaces agricoles et naturels :
le programme d'achat de droit à bâtir (purchase of development
right), le programme de transfert de droit à bâtir
(transfer of development right) et la fiducie foncière
privée (private land trust), qui tous reposent sur un droit
à bâtir négociable. D'autres techniques existent, comme
l'achat de propriété traditionnel (qui porte sur l'ensemble du
faisceau de droits) ou l'expropriation.
Essentiellement mis en oeuvre par les États, le
programme d'achat de droit à bâtir consiste à payer les
propriétaires fonciers pour qu'ils ne construisent pas sur leur terrain,
ce qui offre une protection plus forte et plus durable que le zonage. Un
propriétaire vend le droit à bâtir à une agence
gouvernementale ou une organisation de conservation privée, qui en
général lui
27
paie la différence entre la valeur du foncier
non bâti et celle constructible : la valeur de la servitude. Cette
dernière correspond à l'usage « le meilleur et le plus
élevé » (highest and best use), en
général résidentiel ou commercial. Ainsi, l'acheteur
acquiert la responsabilité d'imposer la servitude de protection tandis
que le vendeur est indemnisé pour la perte du droit à
bâtir. Les États peuvent jouer plusieurs rôles dans
l'exécution de ce type de programme, dont le partenariat avec les
collectivités locales pour acheter des servitudes.
Le programme d'achat de droit à bâtir est
intéressant pour les propriétaires et la société.
Pour les propriétaires, la technique capte la plus-value du terrain et
l'indemnité peut servir à rembourser des emprunts ou
réaliser des investissements. La valeur plus faible du terrain devenu
non constructible facilite la reprise des exploitations ou les nouvelles
installations. De plus, les propriétaires peuvent recevoir des
crédits d'impôt et restreindre l'accès à la
propriété qui demeure privée. Par rapport à la
société, cet outil permet une protection permanente, aide
à maintenir une masse critique de foncier non bâti et évite
la question du taking. Les collectivités peuvent aussi cibler
les terrains. Cependant, ce programme peut s'avérer coûteux pour
une commune, avec opposition possible des contribuables. Il peut ainsi
être difficile de protéger une surface significative et le
programme peut résulter en un archipel de terrains
protégés. Une diversité de moyens existe pour lever les
fonds nécessaires, y compris dons privés, contributions
croisées des collectivités et taxation locale.
Généralement établi au niveau
local, un programme de transfert de droit à bâtir est
utilisé pour déplacer le développement d'une zone agricole
ou naturelle vers une zone de croissance plus proche des équipements. Le
droit de construction est transféré d'une zone émettrice
vers une zone réceptrice, de sorte qu'une servitude de protection
permanente restreint l'usage de la zone émettrice tandis que la zone
réceptrice peut être bâtie à une densité plus
élevée que celle normalement permise par le zonage. Le
gouvernement peut assumer plusieurs rôles : soit les collectivités
approuvent les transactions entre propriétaires privés et
promoteurs et contrôlent les servitudes ; soit les collectivités
créent des banques de transfert qui achètent les droits à
bâtir des propriétaires et les revendent à des promoteurs
souhaitant construire à des densités plus élevées
(Daniels & Bowers, 1997 cités par Dissart, 2006).
Ainsi, mettre en place un programme de transfert
requiert : 1) l'identification d'une zone à protéger, 2)
l'identification d'une zone de croissance, 3) un ensemble de droits à
bâtir, et 4) une procédure par laquelle les droits de construction
sont transférés d'une propriété à
l'autre
28
(Daniels & Bowers, 1997 cité par Dissart,
2006). Un programme de transfert offre tous les avantages d'un programme
d'achat. De plus, il est davantage guidé par le marché et peut ne
pas requérir de fonds publics. Ce programme est flexible, pouvant servir
à protéger des terres agricoles aussi bien que des zones
écologiquement sensibles ou des monuments historiques.
Bien que théoriquement efficace, la technique
de transfert n'a pas été beaucoup utilisée en raison de sa
complexité. Les propriétaires voisins de la zone
réceptrice peuvent aussi s'opposer à une densité plus
élevée (phénomène NIMBY). Enfin, les crédits
de transfert sont généralement basés sur la surface
possédée et pas nécessairement sur la localisation, la
qualité des sols ou l'accès aux équipements (Daniels,
1999b cité par Dissart, 2006).
Une fiducie foncière est une organisation de
conservation privée, à but non lucratif, créée pour
protéger les ressources naturelles (ainsi que les monuments historiques)
pour le public. Une fiducie foncière achète ou accepte des dons
de servitudes de protection, d'argent ou de propriété. Elle a
aussi pour mission d'éduquer le public et peut conseiller les
collectivités et particuliers en matière de planification
immobilière. Les avantages de cet outil sont multiples : protection
permanente du foncier, possibilité de forger des partenariats
publics-privés à faible coût pour la collectivité,
déductions fiscales pour les donateurs alors que le terrain demeure en
propriété privée, enfin le terrain reste dans l'assiette
fiscale. Les inconvénients incluent le manque de fonds, la
possibilité de créer des îlots de protection
dispersés, peu de contrôle des collectivités sur la
désignation des zones à protéger et des incitations
fiscales insuffisantes pour nombre de propriétaires. Toutefois, Daniels
(1999b cité par Dissart, 2006) estime que les fiducies foncières
sont des outils prometteurs en zone périurbaine.
V.5.2.4. Les techniques d'incitation
Les techniques d'incitation pour la protection des
espaces agricoles et naturels comprennent principalement la taxation
préférentielle sur la propriété, le district
agricole et la loi sur le droit-à-exploiter.
La taxation préférentielle sert à
encourager les propriétaires à maintenir le foncier en usage
agricole ou naturel. Cet outil repose sur l'hypothèse que des
impôts plus élevés réduisent les profits et que le
manque de rentabilité est un facteur majeur de la conversion des
terrains. Deux types de programme existent : 1) circuit breaker tax relief
credit, qui offre un crédit
29
d'impôt lorsque la taxe sur la
propriété est supérieure à un pourcentage
donné du revenu de l'exploitant ; 2) current use valuation,
évaluation à l'usage courant, qui exige des collectivités
qu'elles estiment le terrain agricole à sa valeur d'usage (non
bâti) et non sa valeur (constructible) sur le marché. La technique
peut effectivement encourager les propriétaires à garder leur
terrain en usage non bâti, mais est critiquée pour ses
règles d'éligibilité souvent laxistes. De plus, elle peut
être utilisée par les spéculateurs fonciers ou les
exploitants à temps partiel et peut se traduire par un manque à
gagner significatif pour les collectivités.
Autorisé par un État et appliqué
localement, un district agricole est une zone créée pour une
durée fixe et renouvelable, où l'activité agricole est
encouragée par les avantages procurés aux propriétaires.
Ces avantages peuvent inclure des limites sur la construction des
équipements, une plus grande protection par rapport à l'annexion
et l'expropriation, une éligibilité pour un programme d'achat de
droit à bâtir et, souvent, une taxation
préférentielle sur la propriété. Adaptable aux
conditions locales, cet outil est flexible et plus efficace s'il est
combiné au zonage agricole. L'inscription dans un district agricole,
toutefois, est strictement volontaire, les avantages peuvent ne pas être
assez attrayants pour les exploitants (surtout en zone périurbaine) et
les sanctions liées au retrait du programme peuvent ne pas être
suffisamment fortes pour empêcher la construction. Les districts
agricoles peuvent encourager l'aménagement local, par exemple en
limitant les autorisations de districts aux collectivités dotées
de schémas spécifiques de protection des espaces agricoles et
naturels.
Enfin, les lois sur le droit-à-exploiter sont
conçues pour protéger les exploitants agricoles contre les
procès pour nuisance. Certaines dispositions incluent une mention
portée sur le titre des propriétés situées en zone
agricole qui prévient les acheteurs de la possibilité de bruit,
poussière, odeurs et autres inconvénients liés à
l'activité agricole. Ces lois renforcent la position légale des
agriculteurs vis-à-vis de nouveaux voisins non-agriculteurs et peuvent
éduquer les résidents par rapport aux besoins de l'agriculture.
Elles peuvent ne pas décourager l'engagement de poursuites pour
nuisance.
En conclusion, des outils présentés
ci-dessus, le zonage de protection agricole, la taxation à valeur
d'usage, l'achat de droit à bâtir et la loi sur le
droit-à-exploiter sont les plus utilisés (AFT, 2002 cité
par Dissart, 2006). Certaines communautés combinent le zonage agricole,
l'achat de droits à bâtir et le district agricole : le zonage
stabilise rapidement la base foncière et l'inscription dans un district
aide à prévenir la conversion de surfaces importantes
tandis
30
que les exploitants attendent de vendre une servitude
de protection permanente sur leur terrain.
Les techniques présentées contribuent
à protéger les espaces agricoles et naturels. La plupart des
observateurs de l'usage du foncier estiment que les incitations fiscales sont
l'outil de préservation le moins efficace, alors que des
stratégies intégrées et complètes, qui combinent
approches incitatives et réglementaires, sont les plus prometteuses pour
une protection à long terme (AFT, 2002 ; Alterman, 1997 ; Beesley, 1999
cités par Dissart, 2006).
La protection la plus efficace implique donc une
combinaison d'outils adaptée à la situation politique locale, aux
propriétaires, à l'économie des espaces visés et
à la pression d'urbanisation (Daniels & Bowers, 1997 cités
par Dissart, 2006). Cette combinaison devrait viser un équilibre entre,
d'une part, développement des ressources pour accommoder l'urbanisation
et, d'autre part, protection de ces espaces.
En effet, un ensemble de techniques coordonnées
constitue un facteur d'atténuation de la conversion des espaces
agricoles et naturels, mais la volonté politique (et donc le soutien des
populations locales) et les collaborations sont essentielles (Dissart,
2006).
Les techniques de protection devraient servir à
garantir qu'une surface critique est protégée
(contiguïté), que cette protection est durable (long terme), que
les prix du foncier restent abordables (installation et agrandissement des
exploitations) et que les conflits avec le monde non agricole sont
minimisés (Daniels & Bowers, 1997 cité par Dissart, 2006).
Outre les techniques décrites, des initiatives susceptibles
d'améliorer la viabilité des exploitations comprennent la
diversification des produits, la vente directe ou l'agri-tourisme. Le meilleur
moyen de protéger les espaces agricoles et naturels, étant
cependant, de maintenir la rentabilité de l'agriculture, de sorte que
les exploitations restent en activité.
Au total, les outils et techniques décrits par
Dissart en s'inspirant principalement des travaux de Daniels & Bowers
(1997) pourraient être appliquées à la protection des
espaces agricoles et naturels présentant une valeur productive,
esthétique, paysagère, écologique ou
récréative. La mise en oeuvre et l'efficacité de ces
mesures dépendent non seulement des efforts coordonnés de tous
les niveaux de gouvernements, des propriétaires fonciers et autres
acteurs de l'aménagement, mais aussi de l'intégration des enjeux
économiques, sociaux et environnementaux dans des programmes de
protection complets.
31
V.6. La mise en exergue de la fonction de production de
l'agriculture devant les fonctions identitaires
Une recherche menée en Guadeloupe par Dulcire
et Chia (2004) a donné les résultats suivants sur ce
débat:
«Les points de vue des différents acteurs
peuvent être agrégés autour des trois fonctions
prioritairement attribuées à l'agriculture:
La fonction économique : d'abord la
production
L'agriculture est considérée comme une
activité économique parmi d'autres. Sa fonction principale est de
produire des richesses, par lesquelles elle participe au bon fonctionnement de
la société. Elle est un secteur important de préservation
et de création d'emplois directs et indirects par le biais
d'activités de diversification non agricoles (tourisme rural, salariat
à temps partiel). Elle contribue à l'identité culturelle
et à son expression territoriale : création de paysages,
structuration et aménagement du territoire.
Cette vision agrège deux sous-groupes de
représentations distincts en relation avec les deux «
modèles » de l'agriculture, et la prise en compte ou non de
l'ensemble des activités : pour le premier sous-groupe, l'agriculture
est d'abord une activité de production qui contribue à la
richesse « nationale » en contribuant au PIB, à l'emploi,
à la dynamique rurale. Pour l'autre sous-groupe, la fonction majeure de
l'agriculture reste de produire. Mais d'abord des aliments : elle doit «
nourrir un peuple », en commençant par l'agriculteur et sa famille.
Pour cela, elle doit être performante et productive, c'est-à-dire,
explicitement, menée par des agriculteurs « professionnels »
à temps plein : elle s'oppose à la pluriactivité. Les
impacts environnementaux négatifs sont à relativiser compte tenu
du rôle stratégique de l'agriculture. Ces acteurs
considèrent que certaines pollutions sont inévitables car
inhérentes à l'activité agricole et par ailleurs
exacerbées par les caractéristiques du milieu :
insularité, pentes, sols fragiles, saturation
foncière.
La fonction environnementale : d'abord la
nature
L'activité agricole entretient une relation
conflictuelle avec l'environnement qu'elle protège autant qu'elle le
menace : elle ne représente même, chez certains, qu'un mal
acceptable, l'absence totale d'utilisation du milieu constituant la solution
idéale. La fonction de
32
conservation de l'espace et de préservation de
la biodiversité de l'agriculture est prioritaire. L'agriculture
pratiquée doit être non-polluante, permettre un bon contrôle
de l'érosion et ne pas faire l'objet d'aménagements destructeurs
du milieu.
La fonction territoriale identitaire : d'abord la
cohésion sociale
L'agriculture est (...) « naturellement »
multifonctionnelle. Elle a une dimension sociale (défense de l'emploi),
alimentaire (autosuffisance), d'aménagement territorial,
économique (production directe de valeur, ancrage de systèmes
d'activités complexes), paysagère, mais aussi culturelle
(dynamisme des valeurs locales). Aucune fonction n'a a priori de
prééminence sur les autres. La hiérarchisation ne peut
être faite que par rapport à une problématique territoriale
et faire l'objet d'un consensus entre les différentes forces vives du
territoire.
Deux sous-groupes peuvent, là aussi, être
distingués : un premier, pour lequel le renforcement des valeurs
culturelles (...) est le résultat principal attendu d'une renaissance de
l'agriculture. Un second, pour lequel cette composante identitaire,
prégnante, représente le lien qui « donne sens » aux
différentes fonctions assumées conjointement par
l'agriculture».
L'analyse de ces différentes idéologies
montre que les missions attribuées à l'agriculture sont
très différentes et parfois contradictoires : production
intensive, maintien de la biodiversité, maintien des traditions,
maintien d'un paysage ouvert, recyclage des déchets
urbains....
La question qui se pose maintenant est de savoir
comment gérer les espaces agricoles par rapport à la ville,
à la fonction de production de l'agriculture et aux exigences du
développement durable: faut-il cloisonner ces trois aspects ou tenter de
les réconcilier ?
L'optique d'un développement durable reviendra
à calculer la valeur hors marché de l'agriculture et à
examiner sous quelle forme on pourrait assurer la rémunération
des services qu'elle rend à la société. L'utilité
sociale ainsi créée permettrait de justifier les investissements
nécessaires à son maintien ou à son
développement.
Mais un tel raisonnement ne peut pas s'appliquer aux
biens environnementaux. En effet, d'après Kah E. (2003), les biens
environnementaux étant des biens non marchands, ils ne sont pas
intégrés au marché, ce qui signifie qu'ils n'y sont pas
monétarisés, alors qu'ils ne sont pas dénués de
valeur.
V.7. Outils d'analyse des pratiques d'acteurs à
questionner pour la durabilité de l'agriculture urbaine
Penser des projets agricoles durables dans un espace
incertain comme l'espace urbain ou périurbain, renvoie
nécessairement aux valeurs propres des acteurs et à la
manière dont chacun est capable de les transcender dans le souci d'un
champ d'application plus large que le sien propre.
Parmi les outils disponibles pour apprécier la
durabilité de l'intégration de projets agricoles dans des projets
de développement des aires urbaines, l'ANT6 (Callon, 1986 ;
Latour, 1987 ; Law, 1992 cités par Peltier C.) et la démocratie
dialogique (Callon et al, 2001, cités par Peltier , 2010) nous offrent
un cadre propice.
La figure 1 présente le schéma de Callon
et al. sur la construction d'un espace dialogique visant la construction d'un
monde commun selon les axes de l'exploration des mondes possibles et de la
composition du collectif.
Pour prendre en compte la durabilité dans les
processus de développement territorial, Peltier (2010) y a ajouté
un autre schéma (Figure 2) selon deux axes également : le passage
de la logique de secteur à la logique de territoire, l'affirmation de la
durabilité des questions de société allant de la
négation à l'éducation pour un développement
durable (EDD).
33
6 Actor-network
Theory
34
Figure 1: L'espace dialogique
Source : Callon et al, 2001, Agir dans un monde
incertain, Le Seuil (cité par Peltier, 2010).
Figure 2: Espace dialogique et développement
durable Source : Peltier (2010)
L'axe de la « territorialisation » propose
comme exploration des mondes possibles un élargissement des acteurs
parties prenantes de la question (Peltier, 2010):
·
35
secteur - les acteurs sont confinés dans un
cloisonnement thématique (conception technique du métier) ; les
acteurs du cadre interne » (secteur professionnel, technique,
considéré) sont informés ;
· secteur « territorialisé » -
les acteurs « hors du cadre interne » sont consultés
;
· ouverture territoriale - les acteurs «
hors du cadre interne » sont informés ;
· inscription territoriale - décision
partagée.
L'axe de l'« intégration d'une
durabilité forte » apprécie, comme exploration du collectif,
l'état d'avancement, de composition, d'une culture commune en
développement durable :
· durabilité niée- les groupes
constitués nient la question ;
· durabilité concédée -
sous la pression sociétale, les groupes constitués, dominants,
acceptent l'intégration de la préoccupation, un questionnement en
termes de durabilité, donc de groupes émergents ayant une vision
différente de la leur ;
· durabilité assumée- la question
est devenue incontournable et est au coeur des problèmes et de leur
résolution ;
· EDD - la question de l'éducation pour
le développement durable est au coeur des questions
abordées.
Relevant d'une pédagogie constructiviste
bachelardienne, cette construction théorique d'un monde commun en
durabilité cherche à identifier chez les acteurs en
présence les blocages et obstacles à la construction de ce monde
commun en durabilité. Elle est sensible aux valeurs que ceux-ci portent
tout autant qu'à une éthique considérée comme
hiérarchisation des valeurs en accord avec l'horizon commun vers lequel
les acteurs cherchent à tendre (Massé, 2003 cité par
Peltier, 2010). Elle est basée sur la formulation d'hypothèses
comme des trajectoires possibles pour la diversité des acteurs.
S'appuyant sur les nécessités fonctionnelles du milieu, elle
intègre tout à la fois les normes, le possible, le
souhaité et le souhaitable (Fabre & Fleury, 2007 cité par
Peltier, 2010).
Ce dernier outil nous permet d'apprécier
différentes situations territoriales concernant l'intégration de
la question agricole à la question urbaine. On distinguera ainsi
différentes situations allant des cas extrêmes où les
acteurs en présence, restent enfermés dans leur logique de
secteur et nient une réelle prise en compte des valeurs et objectifs du
développement durable, intègrent la voix de l'autre dans leurs
propres décisions et mettent en oeuvre une véritable
démarche pédagogique d'éducation au développement
durable aussi bien
36
pour leurs propres structures que pour les autres
acteurs du territoire, tout en sachant que cette démarche peut
être déstabilisante pour eux-mêmes.
V.8. Différentes visions de l'agriculture urbaine et
ses espaces
Répondant à diverses pressions
spécifiques, chaque type de territoire se forme selon sa dynamique et
ses composantes sociales internes propres. Dans les faits, la réaction
du milieu (urbain et agricole) aux forces et pressions internes et externes
contribue à définir la trajectoire qui primera dans un territoire
agricole donné. Les interactions spécifiques entre les
systèmes agricoles urbains et l'environnement dans lequel ils se
déroulent créent des opportunités spécifiques
diverses au travers desquelles, on peut identifier trois types d'agriculture
(Janin et Perron, 2005): l'agriculture des grands espaces ; l'agriculture des
espaces confinés dans les espaces urbains denses et une agriculture
de reliance dans les espaces intermédiaires.
V.8.1. Agriculture des grands espaces
L'agriculture des grands espaces se trouve dans les
entités lui offrant de `'grands espaces» avec des potentiels
agronomiques et de relief favorable. Les recettes tirées de
l'activité agricole sont suffisamment importantes pour justifier le
maintien des terres dans le secteur, et il n'existe guère de pressions
en faveur d'une urbanisation. Les terres peuvent être mises hors
production par les exploitants agricoles, mais elles ne sont
généralement pas vendues et peuvent de nouveau être mises
en exploitation si les conditions économiques le justifient.
La gestion de ces terres peut également
être modifiée soit en raison de leur affectation à la
production de cultures différentes, soit en vue d'intensifier la
production d'un produit agricole donné. Elle est orientée vers la
production de masse et nécessite des ressources spatiales importantes
pour atteindre une dimension économique suffisante. Ces agricultures
sont sensibles aux disponibilités en ressources spatiales liées
à l'espace-support : foncier, degré de liberté des flux,
niveau d'indépendance par rapport au voisinage,...
V.8.2. Agriculture des espaces confinés
A l'intérieur de la zone urbaine, l'agriculture
urbaine se pratique dans les interstices du bâti à
l'intérieur du périmètre urbain. Il s'agit d'espaces
inconstructibles du fait de leur vocation agricole affirmée et
juridiquement consolidée, ou bien de terres en exploitation temporaire,
en attendant une valorisation suffisante pour réaliser la rente
foncière. En outre, en vue de leur
37
développement ultérieur, les zones
urbaines comportent une "réserve de terres", dans laquelle on observe
souvent des activités agricoles, d'où la présence d'un
nombre significatif d'exploitations à l'intérieur des limites des
agglomérations.
En situation plus urbaine dominent des tissus
d'exploitation orientés vers des productions se satisfaisant d'espaces
plus confinés parce que moins gourmandes en ressources spatiales. Ces
agricultures d'espaces «confinés» dans l'urbain ont la
capacité d'inscrire plus facilement leur fonction de production dans les
tissus urbains. Souvent, la réaction des agriculteurs concernés
consiste à affirmer leur fonction économique dans une logique de
défense des ressources spatiales (foncier, lutte contre le
morcellement...).Cette stratégie est d'autant plus facilement reconnue
que ces formes d'agriculture sont une pièce du projet identitaire de la
collectivité. Ce sont essentiellement des productions à haute
valeur ajoutée telles que le maraîchage et
l'horticulture.
Au Nord comme au Sud, la culture en zones denses se
heurte au manque d'espaces : l'agriculture verticale prend alors le relais,
hors-sols, dans les centres-villes. Des cultures en sacs ont ainsi
été développées dans les bidonvilles de Nairobi
(Kenya) par l'ONG Solidarités et les expériences de potagers sur
les toits fleurissent au Canada. En version technologique et futuriste, des
prototypes de serre biologique verticale en ville laissent penser qu'il serait
possible de produire, pour une occupation au sol d'un hectare,
l'équivalent de 10 hectares cultivés. Des architectes planchent
très sérieusement sur l'idée de tours agricoles pour
cultiver dans les étages ( Grollier K., 2009)
Plusieurs facteurs sont en jeu. En premier lieu,
étant donné l'avantage que lui procure sa localisation, le
foncier coûte plus cher. Toutes les études foncières
montrent que la différence entre le prix de la terre à vocation
agricole et celle qui est promise, à court et moyen terme, à la
construction, est considérable. La valeur peut être
multipliée par un facteur qui varie de 20 à plus de 300
(Donadieu, 2004). D'autre part, la terre y est généralement de
meilleure qualité, de nombreux sites urbains s'étant initialement
développés dans les zones les plus favorables à
l'agriculture. En deuxième lieu, les types d'activité agricole
pratiqués sur ces espaces ont généralement une meilleure
productivité par hectare, mais demandent également une importante
main-d'oeuvre par hectare et atteignent un niveau d'efficience minimale sur une
superficie relativement faible. En troisième lieu, enfin, contrairement
à ce qui se passe pour les exploitations plus éloignées,
les ménages agricoles vivant à proximité immédiate
des zones urbaines sont largement en mesure d'allouer leur main-d'oeuvre
à des activités non
38
agricoles. Autrement dit, les exploitations à
temps partiel sont plus fréquentes, et les ménages travaillant
à temps partiel ont généralement des exploitations de plus
petite taille du fait qu'ils disposent de moins de main-d'oeuvre pour
l'agriculture.
V.8.3.Agriculture de reliance dans les espaces
intermédiaires
Entre l'urbain dense et le rural dense se distinguent
des espaces intermédiaires. Tissus urbains et agricoles, parfois tissus
naturels s'y côtoient et s'imbriquent en des figures variées.
Située en bordure des villes, les usages des terres et la nature des
activités agricoles sont fortement influencés par les
activités urbaines. Une forte dynamique d'urbanisation y est
observée. Ces terres agricoles font l'objet de spéculations
foncières : leur valeur sur le marché foncier n'est plus en
rapport avec leur potentiel agricole mais avec leur potentiel d'urbanisation (
Bacchialoni, 2001). De nombreuses exploitations s'y trouvant sont alors
obligées de modifier leur système que ce soit en changeant leur
production ou encore de stratégie (vers le maraîchage). Cette
diversification est mise en place, soit dans le prolongement de
l'activité de production par la transformation ou la mise en vente
directe de celle-ci, soit dans des activités nouvelles, voire non
agricoles (pisciculture, accueil, tourisme, services aux
collectivités...). On observe notamment une plus grande diversité
dans la spécialisation des exploitations, dans la structure
socio-économique, dans les filières de commercialisation, et un
plus grand développement du marketing direct.
Ces diversifications peuvent être
considérées comme un processus d'innovation, dans la mesure
où elles nécessitent d'activer de nouvelles ressources pour
développer d'autres fonctions locales de l'agriculture : fournitures de
produits locaux identifiés, gestion du cadre de vie et de
l'environnement, accueil de fonctions récréatives,
développement de fonctions pédagogiques...
Ces espaces mixtes sont au coeur d'enjeux et sont les
lieux de tous les risques : risques de tensions liées au foncier ou de
conflits d'usage ou de voisinage. A contrario ces espaces peuvent
être des lieux privilégiés de mise en relation entre
groupes sociaux différents.
V.9. Quels acteurs du schéma
d'aménagement sur les questions agricoles? V.9.1. Les acteurs
institutionnels
Ce type d'acteur regroupe les services de l'Etat
(central et services décentralisés).Les services de l'Etat
interviennent en priorité pour fournir le `'porter à
connaissance» préalable au
39
diagnostic (Certu et al., 2008). Ensuite, ils peuvent
être impliqués dans le processus. Dans d'autres cas, cette
catégorie d'acteur est sollicitée pour donner des avis aux
documents et projets en cours d'élaboration.
V.9.2. Les instituts d'expertise, de conseil, de
recherche et de formation
Les instituts d'expertise et de conseil ont pour
mission de fournir des conseils, une expertise extérieure et un appui au
développement direct des diverses activités de la filière.
Ils participent à un ensemble de projets de recherche fondamentale ou
appliquée, ils conseillent et appuient les acteurs qui travaillent
à la préparation et/ou mise en oeuvre d'opérations,
pilotes ou non. En assistant les partenaires opérationnels, les
institutions de recherche jouent un rôle essentiel dans la
détermination de la trajectoire de développement de la
filière.
V.9.3. Les institutions d'enseignement et de
formation
Les écoles et les universités, ainsi que
les divers instituts de formation (continue ou non) ou les instituts
d'expertises organisant des sessions de formation, jouent un rôle
important dans le développement futur de l'ensemble des technologies
liées à l'agriculture urbaine.
Si les acteurs souhaitent développer la
filière et assurer son avenir, il est indispensable d'assurer la
disponibilité de personnes dont la formation permet la mise en oeuvre du
plan de développement technologique.
V.9.4. Les porteurs de projet (agriculteurs,
coopératives, entreprises agricoles...)
Ce sont les acteurs clés de la filière.
Un large segment de producteurs urbains est issu des couches sociales les plus
pauvres. On trouve aussi des agriculteurs de la classe moyenne, des
fonctionnaires subalternes et de catégories intermédiaires, des
enseignants et d'autres professionnels qui s'activent dans l'agriculture, ou
même des personnes plus riches qui sont à la recherche d'un bon
retour sur investissement de leur capital.
V.9.5. Les organismes professionnels agricoles
Ces acteurs sont entre autres
représentés par les chambres d'agriculture et les syndicats
agricoles.
40
V.9.5.1. La chambre d'agriculture
La chambre d'agriculture peut cumuler trois
rôles qui relèvent de postures différentes (Certu et al.,
2008, p.41) :
Rôle consulaire - la posture
institutionnelle
Représentant officiel de la profession sous
toutes ses formes, la chambre d'agriculture est consultée en tant que
représentant consulaire ; elle doit défendre les «
intérêts collectifs de la profession ». Pour ce faire, elle
s'appuie le plus souvent sur un examen technique des dispositions du
schéma d'aménagement, discutées, le cas
échéant, dans un groupe ad hoc ou par la commission
aménagement de la chambre afin d'élaborer un avis validé
par le bureau puis porté politiquement auprès du maître
d'ouvrage du schéma d'aménagement.
Rôle d'expert technique - la posture de
prestataire
Les chambres d'agriculture sont de logiques
fournisseurs de données de référence sur les secteurs
agricoles et agroalimentaires. Elles peuvent parfois aller plus loin et
éventuellement devenir prestataires d'études et d'analyses
(diagnostic, cartographie, préconisations), associées aux
équipes, agences d'urbanisme et bureaux d'études en charge de
l'ingénierie du schéma d'aménagement.
Rôle d'animateur territorial - la posture de
partenariat
De nombreuses chambres d'agriculture mettent en place,
contribuent fortement à faire émerger, des groupes locaux
d'animation territoriale. Plus ou moins liés à la chambre
d'agriculture selon les départements, ces groupes sont des relais
d'animation locale et permettent l'implication d'acteurs de
terrain.
V.9.5.2. Les autres organismes agricoles et forestiers
: syndicats et autres organisations agricoles
Ces organisations peuvent être
sollicitées pour leurs connaissances spécifiques sur certains
thèmes (questions foncières,...) ou pour leur
diagnostic.
V.9.6. Les acteurs de la société
civile
Il s'agit entre autres des conseils de
développement qui rassemblent les représentants des
différentes forces de la société (chambres consulaires,
organisations syndicales et patronales, associations d'environnement et de
consommateurs...). Ils peuvent être le lieu d'expression des attentes
plurielles de la société civile sur l'agriculture
(multifonctionnalité, pratiques
41
agricoles et environnement...), sur la forêt,
les espaces naturels, mais ils peuvent également être un lieu
libre d'expression et d'explication du monde agricole sur ses
réalités et ses contraintes, en dehors de tout contexte
revendicatif. Certains conseils de développement s'impliquent
spécifiquement dans la réflexion sur l'agriculture.
V.9.7. Les organismes de crédit
Ce groupe d'acteurs est destiné à
accorder des crédits pour financer les projets agricoles. En effet, le
financement des activités agricoles recourt souvent au crédit,
car la plupart des opérateurs n'ont pas toujours de moyens propres pour
développer leurs activités.
V.9.8. Les acteurs « annexes »
Dans ces acteurs, nous comptons non seulement les
diverses entreprises de conseil et de communication engagées par les
autres acteurs du secteur pour travailler sur l'accompagnement du
développement de la filière (information de la population,
activités de communication et de diffusion d'information, organisation
de processus consultatifs et de concertation), mais également les divers
clubs et regroupements d'autres acteurs (environnement, eau et assainissement,
infrastructures ...).
Leurs objectifs sont en général ceux de
leurs membres : organiser la filière et attribuer à chacun des
acteurs la place qui lui convient le mieux pour assurer la progression du
secteur entier, en profitant des synergies possibles.
V.9.9. Les absents des jeux de la filière
Dans cette catégorie d'acteurs, sont
classés les acteurs non concernés directement par l'agriculture
urbaine mais qui peuvent y avoir une influence. Il s'agit principalement des
acteurs chargés de l'habitat, des infrastructures, des mines et
carrières ainsi que les riverains.
DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION DU CADRE DE L'ETUDE
VI.1. Un contexte favorable à l'émergence
de la question agricole dans le projet de territoire urbain mais contraint par
le milieu physique
Le territoire est entièrement compris entre
1350 m et 1850 m d'altitude. D'Ouest en Est, le relief se décompose en
deux éléments : un relief montagneux à l'Ouest et des
collines à l'Est. Entre les collines coulent des rivières ou des
ruisseaux entourées de vallées profondes remblayées
d'alluvions. Les vallées ont un fond plat et marécageux. La ville
bénéficie d'un climat équatorial de hautes terres avec des
températures douces (20oC) et des pluies
modérées (1000 mm d'eau par an). Une portion assez importante de
la population vit dans la zone urbano-rurale ou périurbaine où
elle pratique une agriculture de subsistance sur de petites exploitations
(Document de plan stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et
périurbaine de Kigali, 2009, p.8).
La ville est bâtie sur des collines massives
faites de gros versants convexes où les pentes très fortes dans
les bas-fonds (40-60%) s'affaiblissent progressivement en convergeant vers des
sommets aplanis. 35% du territoire sont situés sur des pentes
supérieures à 20% .
Parallèlement, le contexte politique et le
cadre institutionnel sont propices au développement de l'agriculture
urbaine et périurbaine.
|
Des pentes abruptes s'affaissent dans des vallées
à fonds plat et marécageux
|
42
Photo !: zone pentue : 35% du territoire sont
situés sur des pentes supérieures à 20% Source : master
plan
43
VI.2. Un territoire en mutations
Construite à l'origine sur le flanc de la
colline Nyarugenge dès 1907 selon le choix du Docteur Kandt, premier
Gouverneur résident Allemand, la ville de Kigali, s'est progressivement
agrandie pour occuper 45 ha en 1945, 250 ha à l'époque de
l'indépendance (1962), 112 km2 avec la création de la
ville de Kigali en 1990, 349 km2 avec le lancement officiel du
processus de décentralisation qui en a fait un gouvernement local et
aujourd'hui 731km2.
Avec l'avènement de l'indépendance,
Kigali devint la capitale du Rwanda. Un premier plan directeur de la ville de
Kigali fut établi en 1964 avec l'aide du ministère
français de la coopération. Les années 80 verront la
confection des plans directeurs qui s'érigeaient contre l'habitat
spontané. Ne pouvant pas résoudre les problèmes
spécifiques de la ville, la commune urbaine de Nyarugenge fut
remplacée par la préfecture de la ville de Kigali (PVK) le
05/10/1990. Passant de 8 districts administratifs avec le lancement officiel du
processus de décentralisation, la ville compte actuellement trois
districts ( Nyarugenge, Kicukiro, Gasabo), 35 secteurs, 161 cellules et 1061
villages. Chaque district est divisé à son tour en secteurs
dirigés par un secrétaire exécutif. Chaque secteur est
divisé en cellules dirigées à leur tour par un Conseil de
Cellules et d'un secrétaire exécutif de cellule. Les cellules
sont aussi divisées en village (imidugudu). Chaque district est
dirigé par un maire élu au suffrage universel. Les trois maires
sont coiffés par le maire de la ville de Kigali ayant rang de Gouverneur
de province
Après la guerre et le génocide de 1994,
Kigali fut caractérisé par la rentrée massive des
réfugiés de 1959 et le retour de ceux de 1994. D'autres
mouvements migratoires intenses vers la capitale s'ensuivirent.
La ville de Kigali, présente ainsi une
croissance démographique soutenue. De 1960 à 2000, la population
est passée de 6000 habitants sur 3 km2 à environ 604
966 habitants sur 349 km2. En 2006, elle était estimée
à 1,1 million d'habitants dont approximativement 60% vivent dans la zone
urbanisée (Kigali Master plan, 2007, P.23). La réorganisation du
territoire qui a eu lieu à la fin de l'année 2005 et a
porté la ville de Kigali à 731 km2, y a
contribué grandement.
La capacité d'accueil maximale a
été estimée à un peu plus de trois millions. Cette
capacité maximale serait atteinte aux environs de 2030 (hypothèse
standard) ou 2020 (hypothèse haute). Le district de Gasabo recevra 60%
de cette population tandis que Kicukiro et
44
Nyarugenge devront accueillir respectivement 30% et
10% (Kigali conceptual master plan, p.68). Cette population se concentrera
principalement dans les secteurs Masaka, Rusororo, Ndera et Gahanga. Les
tableaux et les figures ainsi que les cartes suivantes essayent de
présenter graphiquement cette dynamique de population.
Tableau 2: Projection de la population par
district
District
|
Population 2005
|
Population 2012
|
Population 2020
|
Capacité maximale
|
Taux de
Croissance annuel (%)
|
Superficie en
km2
|
Gasabo
|
397 430
|
595 285
|
922 923
|
1 733 387
|
5,65
|
430,3
|
Kicukiro
|
217 899
|
351 636
|
577 340
|
897 229
|
6,58
|
166,7
|
Nyarugenge
|
265 060
|
349 396
|
488 301
|
451 129
|
4,06
|
134
|
Total
|
880 390
|
1 296 317
|
1 988 564
|
3 081 745
|
5,43
|
731
|
Source : master plan et site web de la ville de
Kigali
Tableau 3 : Evolution de la densité de
population
District
|
Superficie
|
Potentiel de croissance
|
DENSITE (hab/km2)
|
|
|
|
2005
|
2012
|
2020
|
2020
|
Gasabo
|
430,3
|
65
|
924,25
|
1383,42
|
2144, 83
|
4028,32
|
Kicukiro
|
166,7
|
44
|
1307
|
2109,39
|
3463
|
5382,29
|
Nyarugenge
|
134
|
28
|
1978
|
2607,43
|
3644,03
|
3366,6
|
Ville de
Kigali
|
731
|
|
1204,36
|
1773,34
|
2720,33
|
4215,79
|
Source : SEBUHINJA ( calcul à partir des
données du master plan)
3 500 000
3 000 000
2 500 000
2 000 000
1 500 000
1 000 000
500 000
0
2005 2012 2020 CAPACITE DE
CHARGE
GASABO KICUKIRO NYARUGENGE VILLE DE KIGALI
45
Figure 3: Evolution de la population urbaine
jusqu'à l'atteinte de la capacité de charge maximale
Source : SEBUHINJA (2010)
6 000
5 000
4 000
3 000
2 000
1 000
0
2005 2012 2020 2030
GASABO KICUKIRO NYARUGENGE VILLE DE KIGALI
Figure 4: Evolution de la densité de population de
2005 jusqu'à l'atteinte de la capacité de charge
maximale
Source : SEBUHINJA F. (2010) à partir des
données du master plan (2007)
46
Carte 1 : Répartition spatiale de la population
urbaine en 2005 Source: SEBUHINJA F. (2010)
Carte 2: Répartition de la population urbaine
à l'atteinte de la capacité maximale Source : SEBUHINJA F. (2010)
à partir des données du master plan
47
Carte 3: Répartition spatiale de la densité
de population en 2005 Source : SEBUHINJA (2010)
Carte 4: Densité de peuplement à l'atteinte
de la capacité maximale Source: SEBUHINJA (2010)
48
VI.3. L'agriculture dans les enjeux et jeux d'acteurs
de la gouvernance territoriale urbaine
VI.3.1. Etat des lieux
A Kigali, le non-suivi des schémas directeurs
d'aménagement urbain a favorisé un développement
anarchique de l'agriculture urbaine parallèle à un habitat
anarchique et une croissance démographique sans planification. A cet
état de fait correspondent des logiques d'implantation
particulières, dépendantes de trois facteurs principaux
:
- la présence de terrains libres au sein de
quartiers à vocation agricoles;
- la présence d'un réseau hydrographique
dense et
- la présence de nombreux marais et
bas-fonds.
Avec 731 km2, le territoire de la ville de
Kigali est occupé par une agriculture à faible intensité
sur près de 40% du territoire, soit 29 157 ha. 40 000 ménages
correspondant à 200 000 personnes dont 2 500 du district de Nyarugenge,
47 500 du district de Kicukiro et 150 000 personnes du district de Gasabo
vivent directement de la production agricole vivrière (document de plan
stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine
de Kigali, 2009, p.18). Sur base d'une population estimée à 1 100
000 habitants dont 200 000 pratiquent l'agriculture, l'agriculture urbaine et
périurbaine occuperait alors au total, 18% de la population urbaine. 75%
de ces agri-éleveurs appartiennent au district de Gasabo. Les
productions de la ville de Kigali sont négligeables par rapport à
la production nationale : moins de 1% pour l'ensemble des productions (idem).
Les productions obtenues sont vendues dans les petits marchés locaux de
la ville ou autoconsommées. Il n'a pas encore été
établi dans quelle mesure l'agriculture urbaine et périurbaine
approvisionne la demande de la ville de Kigali.
VI.3.2. Orientations d'aménagement et de
développement VI.3.2.1. Orientation gouvernementale
La vision du Gouvernement en matière de
développement agricole s'oriente vers la réduction de la
pauvreté en particulier du monde rural avec une population jouissant
d'une sécurité alimentaire durable grâce à
:
49
- Une agriculture familiale modernisée,
innovatrice, professionnelle et spécialisée ;
génératrice d'emplois et de revenus et orientée d'une
manière volontaire vers le marché (domestique,
sous-régional, régional et international) ;
- Une agriculture intégrée et
diversifiée et régionalement spécialisée qui assure
la sécurité alimentaire de la population et une distribution
équitable des ressources et des revenus ;
- Une agriculture soucieuse de la préservation
de l'environnement et des ressources naturelles.
a) Intention et objectif du gouvernement
L'objectif global de la politique nationale agricole est
de:
- Assurer une croissance économique soutenue
;
- Contribuer à la réduction de la
pauvreté dans le monde rural et aux accroissements des
revenus des producteurs.
Les aspects suivants qui dérivent de ceux du Plan
Stratégique de Réduction de la Pauvreté
(PSRP) constituent les orientations prioritaires de cette
politique :
-Réduction de la pauvreté et croissance
économique en relation avec la Stratégie de
Réduction
de la Pauvreté (SRP) ;
-Modernisation de l'agriculture dans un contexte de
développement durable ;
-Sécurité alimentaire.
Cette politique nationale agricole est appuyée par
un plan stratégique de transformation de
l'agriculture (PSTA) qui insiste particulièrement
sur : l'intensification, la professionnalisation,
la régionalisation et la
commercialisation.
b) Attentes signifiées à la mairie de la
ville de Kigali
Dans le cadre de la spécialisation
régionale préconisée par le Ministère de
l'agriculture et des Ressources Animales (MINAGRI), la ville de Kigali a retenu
les spéculations suivantes qu'elle doit promouvoir (document de plan
stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine
de Kigali, p.47) :
a) les cultures maraîchères ;
b) l'arboriculture fruitière ;
c) l'agroforesterie ;
d) le petit élevage ;
e) la production laitière;
f) les cultures ornementales;
g)
50
la production des champignons;
h) l'apiculture ;
i) le sisal ;
j) les bambous et le mûrier
La spécialisation par district est la suivante
(RADA et PASNVA, 2007) :
- cultures maraîchères, le mûrier, le
géranium et le café dans le district de Kicukiro
- cultures maraîchères, cultures
fruitières et café dans le district de Nyarugenge
- le sorgho, le maïs, cultures
maraîchères, le haricot, le café et les cultures
ornementales dans
le district de Gasabo.
c) Soutien et engagements gouvernementaux
L'Etat gère l'agriculture par le biais du
Ministère de l'Agriculture et des Ressources Animales (MINAGRI) à
travers ses structures décentralisées au niveau des villes,
districts et secteurs.
Le Ministère de l'Agriculture et de l'Elevage
ne consacre pas d'importance spécifique à l'agriculture urbaine
et périurbaine dans sa politique au niveau national ni au niveau des
districts ou des secteurs.
VI.3.2. L'agriculture urbaine dans le projet de
territoire urbain VI.3.2.1. L'agriculture dans le master plan de la ville de
Kigali
D'après le master plan l'agriculture
sèche sera la première occupation dans les zones
réservées à l'agriculture sèche et les zones
résidentielles rurales. Les utilisations agricoles vont de l'agriculture
commerciale à des coopératives agricoles, aux petits jardins
potagers des ménages et aux zones de pâturage du
bétail.
Dans les zones urbaines, le pourcentage de terres
consacrées à l'agriculture va diminuer et les usages agricoles
seront moins fréquents. Les petits jardins potagers des ménages
continueront à exister dans la moyenne et basse densité. Dans les
zones à haute densité, l'agriculture sera quasi inexistante mais
des jardins sur les toits des maisons (rooftopgardens) seront possibles. Les
espaces ouverts seront utilisés plus pour des raisons
esthétiques, de loisirs et d'infrastructures que pour les utilisations
biologiques et écologiques.
51
Les zones humides et les forêts devront surtout
rester intactes. Ces zones ont une plus haute valeur environnementale,
écologique et biologique pour Kigali, et devront être
protégées contre l'urbanisation dans la mesure du
possible.
Le master plan a déterminé les zones
où seront installées et développées les
activités d'agriculture urbaine qui sera réservée
uniquement aux producteurs et n'aura pas une densité
élevée de population (10 personnes par hectares).Ce plan a
identifié 47 000 hectares soit 65% de la superficie de la Ville de
Kigali comme zones naturelles (natural features) classés et
répartis comme suit :
Tableau 4: Répartition des espaces ouverts de
la ville de Kigali
Zones à usage rural
|
Hectares
|
Pourcentage
|
Agriculture sèche
|
3,481
|
7.4%
|
Forêts existantes
|
3,123
|
6.6%
|
Parcs et espaces ouverts
|
3,277
|
7 %
|
Reforestation
|
16,996
|
36.2 %
|
Zones humides
|
10,108
|
21.5 %
|
Residentiel-Rural
|
10,021
|
21,3 %
|
Total
|
47,005
|
Source : Kigali conceptual master plan (2007, pp
70-72)
Ainsi, 45% des espaces verts ont été
désignés pour la reforestation, 20% pour l'agriculture et 6% pour
les parcs et espaces ouverts. La plupart de ces espaces est localisée
dans le district de Gasabo, le district le plus rural. Environ 30 000ha soit
70% de la superficie de ce district resteront rural (Kigali conceptual master
plan, p.72).
a) Objectifs assignés à l'agriculture
urbaine par le master plan
Les objectifs assignés à l'agriculture
selon le master plan (Kigali conceptual master plan,
2007, p. 120) sont les suivants:
- aider les résidents en transition de la
sphère rurale à la sphère urbaine;
- utiliser l'agriculture urbaine comme une technique
destinée à couvrir les besoins pratiques
des citadins tout en participant à
l'amélioration écologique et environnementale du
paysage;
- Valoriser les zones de Kigali qui ne peuvent pas
être densément développées ;
- Perpétuer l'héritage culturel et agricole
du Rwanda en l'utilisant comme un
élément structurant du paysage urbain
là où c'est possible.
52
b) Stratégies et actions prévues par le
master plan
· protéger les droits fonciers et
préserver le choix individuel dans l'exploitation agricole.
· Encourager l'utilisation rationnelle et durable
des exploitations agricoles en offrant des options pour l'agriculture
collective dans les cas où il peut être plus
productive.
· Mettre en oeuvre la régularisation
foncière.
· Protéger et promouvoir l'accès des
femmes aux ressources en terres et à leur utilisation en veillant
à leur participation à la réforme foncière dans les
lieux où ils peuvent facilement aller participer (non loin de leurs
domiciles ou à des moments inappropriés).
· Soutenir la croissance des possibilités
d'emploi hors ferme, l'approvisionnement et la distribution des
opportunités selon la localisation judicieuse de ces activités
par rapport à d'autres parties de la chaîne de valeur.
· créer "des centres d'innovation» au
niveau des secteurs et des districts qui regroupent l'ensemble des diverses
activités liées à l'intensification agricole en appui de
la politique nationale qui identifie l'agriculture comme un tremplin pour la
transition économique à l'appui de ce programme ;
· Mettre en évidence les possibilités
d'éducation et de renforcement des capacités pour la transition
agricole, une agriculture et un entrepreneuriat à forte
intensité, axé sur la valeur ajoutée et orienté
vers le marché ;
· Utiliser l'éducation publique et des
médias pour renforcer les capacités sur les techniques de
l'agriculture urbaine et les stratégies utilisées dans d'autres
villes en Afrique et dans d'autres parties du monde ;
· promouvoir et soutenir l'agriculture urbaine dans
des endroits appropriés en tant que stratégie urbaine moderne et
progressive pour la durabilité environnementale, économique et
sociale ;
· Utiliser l'agriculture urbaine dans la
planification urbaine.
· Mettre en oeuvre des outils de planification (SIG
et des études de potentiel des terres) et le renforcement des
capacités au niveau du district, du secteur et de la communauté
pour mettre en oeuvre les stratégies énumérées
ci-dessus ;
Plusieurs actions en appui à l'agriculture urbaine
et péri urbaine sont prévues (stratégie d'appui à
l'agriculture urbaine et périurbaine, 2009) :
1. La collecte et le recyclage des déchets
;
2. Le compostage ;
3.
53
L'agroforesterie et la sylviculture ;
4. La protection des marais et l'agriculture des marais
;
5. L'agriculture commerciale et la transformation (des
produits agricoles et d'élevage) C) Enjeux
- Risques associés à la diminution de la
production d'aliments locaux ou des cultures de subsistance et les
problèmes liés à la transition entre les cultures
vivrières de subsistance aux cultures de rente ;
- Coûts de démarrage élevés
associés à l'adoption de nouvelles pratiques agricoles ou de
nouvelles cultures ;
- Intégration des petits agriculteurs marginaux
dans des programmes agricoles plus efficaces et plus productifs ;
- Intégration des programmes d'éducation
et d'auto-assistance axée sur la transition des pratiques agricoles
;
- Marginalisation des femmes dans l'agriculture et la
reconnaissance de l'importance de leur rôle dans les pratiques agricoles
actuelles à travers le pays ;
- Manque de sécurité foncière, et
la nécessité de finaliser le programme de régularisation
foncière ;
- Manque de plans de gestion des ressources / cartes
pour aider les agriculteurs et les planificateurs à prendre des
décisions d'utilisation des terres et la gestion des
exploitations.
54
Tableau 5 : Infrastructures vertes de la zone rurale de
la ville de Kigali
|
Forêts existantes
|
Reforestation
|
Agriculture sèche
|
Zone résidentielle rurale
|
Zones humides (wetlands)
|
En résumé
|
Seront protégées.
|
De vastes zones seront
|
L'agriculture traditionnelle et
|
Cette zone n'est pas appropriée
|
Les zones rangées dans la catégorie
de
|
|
mises de côté pour être
|
commerciale sous forme de
|
au développement urbain suite
|
zones humides ou zone tampon des
|
Leurs exploitations
|
reboisées.
|
production végétale ou animale
|
au manque de routes et autres
|
zones humides (wetland buffers) seront
|
seront extrêmement
|
|
sera la première utilisation dans
|
infrastructures ainsi que sa
|
protégées.
|
limitées: récolte de bois
|
L'usage résidentiel n'y est
|
cette zone.
|
topographie arpentée.
|
Elles seront les principaux composants
|
de chauffage, collecte
|
pas permis
|
|
Une agriculture à petite
échelle
|
des zones de traitement
|
de plantes médicinales, chasse, etc
|
|
Aucun nouveau peuplement ne peut se faire dans cette
zone.
|
(small-scale agriculture) et une faible
densité de peuplement (autour de 10 habitants ou 2
|
environnementales et aideront dans
l'amélioration de la qualité de l'eau
ainsi que le traitement des eaux usées.
|
L'usage résidentiel y est
|
|
L'usage résidentiel sera limité
|
logements par ha) seront la
|
Economiquement, les zones humides
|
interdit
|
|
aux familles engagées dans la
|
première utilisation de cette
|
constituent une source de revenus en
|
|
|
production agricole.
|
zone.
L'agroforesterie et l'agriculture des zones humides
adjacentes sont encouragées.
|
supportant diverses formes d'agricultures humides
allant de la culture de canne à sucre à la culture de riz. Aucun
usage résidentiel n'est permis dans les 20m de cette zone.
|
Type
d'infrastructure verte
|
Réserves naturelles Peuplement
contrôlés Agroforesterie
|
Pâturage/élevage
Reforestation et agroforesterie
|
Agriculture commerciale Jardins de subsistance
Coopératives agricoles
|
|
Réserves naturelles, jardins
communautaires,
agriculture commerciale,
coopératives agricoles
|
Source : Kigali conceptual master plan (2007,
p.82)
55
Tableau 6 : Infrastructures vertes de la zone urbaine de
la ville de Kigali
|
ZONE DE FAIBLE DENSITE
|
ZONE DE DENSITE
MOYENNE
|
ZONE DE HAUTE DENSITE
|
CENTRE URBAIN
|
En résumé
|
-Densité moyenne : 40 habitants par
|
-Densité : 85 habitants ou 17
|
- Densité : 250 habitants/ha
|
Zone à usage mixte similaire à
la
|
ha ou
|
logements par hectares
|
- immeubles de plus de 4 étages
|
zone avec haute densité mais avec
|
10 logements par ha.
|
- Usage résidentiel avec des
|
avec appartements.
|
une concentration élevée
|
- usage résidentiel avec un peu de
|
immeubles de moins de 4 étages.
|
-Développement de copropriété
et
|
d'équipements culturels et publics
|
commerce et d'industries.
-Parcelle de 1000m2 en moyenne. - L'habitat
sera du haut standing au medium standing avec des centres commerciaux aux
intersections.
|
- parcelle moyen standing et bas standing de
500m2 en moyenne.
- centres commerciaux avec des
services sociaux comme pharmacies et écoles
maternelles
|
parcelle bas standing
- parcelle de 200m2 en moyenne
- usage résidentiel mais dominance de l'usage
commercial
avec des centres de services
|
régionaux: hôpitaux,
universités,
écoles secondaires et primaires,
bâtiments gouvernementaux,
départements de police, stades,
bureaux multi-étages, maisons de
|
-pente supérieure à 10%.
|
aux intersections
- pentes supérieures à 5%
|
sociaux comme centres de santé, écoles,
terrain de sports, ...
|
détail, centre de commerce en salle et en
ligne
|
|
|
-pente de moins de 5%
|
Cette zone sera installée au sommet des
collines sur des pentes de moins
|
|
|
|
de 5%
|
Type d'infrastructure
|
Drainage avec de la végétation
|
Jardins dans des conteneurs et
|
Parcs artificiels
|
Jardins sur les toits des maisons
|
verte
|
(vegetated drainage), potagers de
|
jardins communautaires
|
Vases sur les balcons
|
|
|
cuisine, terrains de loisir
|
|
Arbres de rues
|
Arbres de rue
|
Source : Kigali conceptual master plan (2007,
p.82)
56
VI.3.2.2. L'agriculture urbaine dans le plan
stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et
périurbaine
a) Objectifs de la stratégie pour l'agriculture
urbaine et périurbaine
Le plan stratégique élaboré par
la mairie donne comme objectif global de l'agriculture urbaine et péri
urbaine de contribuer à la sécurité alimentaire et
nutritionnelle des populations urbaines par l'amélioration de la
disponibilité et de l'accessibilité durables des produits
agricoles de qualité, frais et diversifiés, tout au long de
l'année, tout en créant des emplois et des possibilités de
revenus en faveurs des producteurs et éleveurs urbains et péri
urbain à faibles ressources (Document de plan stratégique d'appui
à l'agriculture urbaine et périurbaine, p.10).
b) Actions envisagées
La stratégie d'appui à l'Agriculture
Urbaine et Périurbaine (AUP) repose sur 5 axes qui correspondent aux
principaux défis à relever, à savoir (idem, p.12)
:
Sécuriser la disponibilité en terre et
en eau (réserves d'espaces et d'eau de qualité pour
l'AUP)
Les interventions proposées consistent à
:
- Affiner les spécifications des espaces
disponibles et préciser leur vocation pour des activités
sélectives d'AUP
- Cartographier, borner et enregistrer au cadastre les
espaces, et terres qui pourront être réservées aux
activités de l'AUP : 15 000 ha selon le master plan
- Adopter des dispositions légales suffisantes
pour les réserver et les protéger pour les activités de
l'AUP
- Faire le bilan des ressources en eau disponibles
pour l'AUP (eau de surface, de nappe phréatique, de pluie)
- Développer l'irrigation avec un coefficient
élevé d'utilisation de l'eau (irrigation au goutte à
goutte) pour les cultures à haute valeur ajoutée.
Ainsi, après inventaire et appréciation
de la valeur agricole de ces terres, leur cartographie et bornage et leur
inscription au cadastre qui va délivrer un document d'enregistrement,
ces
57
terres seront données aux
associations/coopératives qui vont les exploiter. Les marais et les
zones de culture sèche seront aménagés, pourvus de
drainage et d'irrigation en fonction des besoins et des potentialités et
les groupements bénéficiaires formés à leur usage
et maintenance.
Sécuriser la qualité et
l'innocuité des produits et la protection de l'environnement Les
interventions proposées consistent à :
- Préciser les protocoles de production et de
distribution des produits de l'AUP afin d'assurer la conformité avec les
normes de qualité et d'innocuité et la préservation de
l'environnement
- Assurer la formation des encadreurs et des
producteurs ainsi que le suivi technique pour la mise en oeuvre de ces
protocoles,
- Renforcer la capacité pour le contrôle
de qualité.
- Prendre les dispositions pour éviter la
pollution des ressources en eau et vérifier que leur
qualité soit conforme aux normes pour les eaux
d'irrigation établies par la FAO et l'OMS - Assurer le recyclage des
déchets ménagers et urbains et les transformer en compost
de
qualité ou autres sous-produits utiles tels que
les briquettes d'énergie.
Les principes des Bonnes Pratiques Agricoles
-BPA7- et du Portail Phytosanitaire International -PPI8-
pour l'intensification et la diversification des productions agricoles de
qualité seront établis et mis en oeuvre. Les cadres techniques et
les producteurs seront formés tandis que les associations paysannes
seront formées et informées à l'approche de l'école
au champ.
Les déchets organiques de la ville et des
ménages seront récupérés et transformés en
compost ou en briquettes énergétiques. Des normes
d'hygiène et de qualité seront mises au point et
contrôlées.
Les zones vertes de la ville ainsi que les zones
forestières et agroforestières de la Ville de Kigali seront
maintenues et protégées (Urban Greening).
7 Les BPA est un ensemble de règles à
respecter pendant l'implantation et la gestion des cultures. Selon la FAO
(2002), le cadre pour de bonnes pratiques agricoles présente les
principes directeurs de bonne agriculture en regroupant dans 11
éléments de ressources (sol, eau, production
végétale et fourragère, protection des cultures,
production animale, santé animale, bien-être des animaux,
récolte et transformation sur l'exploitation, et entreposage, gestion de
l'énergie et des déchets, bien-être, santé et
sécurité des humains, faune sauvage et paysage) les
problèmes, les disciplines et les pratiques pertinents. Il est possible
d'élaborer, à l'aide du cadre proposé, des directives de
gestion détaillées pour les différents systèmes de
production au sein d'agro-écosystèmes
spécifiques.
8 Le PPI est le mécanisme électronique
mis en place par le Secrétariat de la Convention Internationale pour la
Protection des Végétaux (CIPV) dans le but de faciliter les
échanges d'informations phytosanitaires officielles (y compris les
communications sur les organismes nuisibles) entre Organisations Nationales de
Protection des Végétaux (ONPV), Organisations Régionales
de Protection des Végétaux (ORPV) et/ou le Secrétariat de
la CIPV
58
Sécuriser l'appropriation durable de l'agriculture
urbaine et périurbaine par les acteurs de la filière
Les interventions proposées consistent à
:
- Assurer la disponibilité et l'accès aux
intrants de qualité (semences et produits agro-chimiques selon les
principes des BPA)
- Assurer un mécanisme d'accès au micro
crédit adapté au contexte et aux spéculations de
l'AUP
- Faciliter et promouvoir l'organisation des producteurs
en groupements professionnels
- Mettre en place un système de gestion et de
capitalisation des connaissances y compris un système de suivi
évaluation susceptible d'appréhender l'impact du plan
stratégique.
Des activités productives de la filière AUP
seront mises en oeuvre et gérées par des
groupements, des familles individuelles ou des
institutions dans une logique de professionnalisation.
Sécuriser les débouchés
Les interventions proposées consistent à
:
- Conduire une démarche proactive pour
créer la demande basée sur une alimentation mieux
équilibrée incluant la consommation de fruits et légumes
pour la santé ;
- Développer les opportunités de
transformation en respectant les normes d'hygiène et de qualité
en la matière ;
- Explorer et favoriser les modalités de
commercialisation adaptées au contexte urbain et
notamment la vente directe et de proximité au
niveau des « Imidugudu » (villages) ;
- Négocier des accords avec des consommateurs
« institutionnels » et « commerciaux » ;
- Valoriser des opportunités à
l'exportation de produits à haute valeur (i.e. plantes
ornementales, condimentaires, médicinales,
aromatiques, à huiles essentielles)
Sécuriser le contexte politique, institutionnel
et opérationnel
Les interventions proposées consistent à
:
- Renforcer la place de l'AUP dans les documents
clé de politique à savoir dans le plan national de l'agriculture,
PSTA II, et autres documents de politiques sectorielles y compris la politique
nationale en matière de l'habitat.
- Mettre en place et opérationnaliser un
mécanisme de concertation et participation des acteurs et partenaires de
la filière AUP,
59
- Consolider le contexte institutionnel par le
renforcement du PAPUK, son ancrage au niveau de la Mairie avec des liens
multidisciplinaires avec les partenaires du secteur public et
privé.
- Activer un mécanisme de gestion et de
concertation de l'AUP pour la mise en oeuvre d'un plan d'actions en
intégrant les diverses initiatives (Conseil PAPUK).
60
TROISIEME PARTIE : PRESENTATION, ANALYSE ET DISCUSSION
DES RESULTATS
VII.1. Présentation des résultats
VII.1.1. Quelle place l'agriculture est-elle appelée
à jouer et qui justifierait les choix d'aménagement ?
Tableau 7 : Place de l'agriculture urbaine selon le
master plan et le plan stratégique
SELON LE MASTER PLAN l'agriculture urbaine est
appelée à
|
|
Selon le plan stratégique d'appui
à l'agriculture urbaine et
périurbaine, l'agriculture est appelée
à
|
1. Aider les résidents ruraux en transition vers
la sphère urbaine
|
|
1. contribuer à la
sécurité
alimentaire et nutritionnelle des populations
urbaines
|
2. Couvrir les besoins pratiques des citadins en
participant à l'amélioration écologique et environnemental
du paysage urbain
|
tout
|
2. créer des emplois et
des possibilités de revenus en faveur des producteurs et
éleveurs urbains
|
3. Valoriser les zones qui ne peuvent pas être
densément développées
|
|
|
|
|
Source : SEBUHINJA (2010) sur base des données du
master plan et du plan stratégique d'appui à l'agriculture
urbaine et périurbaine
VII.1.2. Comment l'agriculture est-elle prise en compte et
protégée ?
Le master plan a localisé les espaces
strictement agricoles et d'autres espaces où l'agriculture est possible.
Ces espaces strictement agricoles par ailleurs estimés à 20% des
espaces ouverts, seront cartographiés, bornés, inscrits au
cadastre et attribués aux coopératives qui auront
été formées aux bonnes pratiques agricoles et au portail
phytosanitaire international.
61
Tableau 8 : Agriculture urbaine dans les espaces ruraux
et les zones humides
Dans
|
Il sera possible d'y installer
|
Les espaces ruraux
|
des pâturages pour l'élevage, des jardins
de subsistance, des
coopératives agricoles et de faire de la
reforestation et l'agroforesterie
|
Les zones humides
|
Les jardins communautaires, l'agriculture commerciale et
les
coopératives agricoles
|
Source : SEBUHINJA (2010) sur base des données du
master plan
Dans la zone urbaine, la distribution spatiale de
l'agriculture sera fonction de la densité de population. Ainsi
:
Tableau 9 : Agriculture urbaine dans les espaces denses
et intermédiaires
Dans
|
Il sera possible d'y installer
|
la zone de faible densité
|
Des jardins potagers
|
la zone de densité moyenne
|
Jardins dans des conteneurs et des jardins
communautaires
|
la zone de haute densité
|
Parcs artificiels, des vases sur les balcons et des
arbres de rues
|
Le centre urbain
|
Jardins sur les toits des maisons et des arbres de
rue
|
Source : SEBUHINJA (2010) sur base des données du
master plan
VII.1.3. Cette prise en compte préserve-t-elle des
espaces qui permettront aux fonctions de production de l'agriculture de grands
espaces de s'exprimer de façon lisible?
La carte des zones d'enjeux met en évidence que
c'est dans les zones à enjeux environnementaux forts (zones pentues et
zones humides) que l'agriculture des grands espaces a été
réservée. L'agriculture des zones humides aura probablement
tendance à diminuer au cours des prochaines années, sous l'effet
conjugué de l'urbanisation et d'une possible relocalisation des
activités agricoles par les acteurs de l'environnement. Avec 35% du
territoire situé dans des zones ayant une pente supérieure
à 20%, il ne sera pas possible d'y installer une agriculture
effectivement productive.
ZONES URBAINES
Réserves naturelles,
Agroforesterie,
Peuplement contrôlés (managed
woodlots)
Forêts existantes
Pâturages/élevage
Reforestation Agroforesterie
Reforestation Agriculture
ZONES
Agriculture
traditionnelle et
Commerciale
Jardins de subsistance
Coopératives
agricoles
sèche R
Agriculture à petite échelle (small scale
agriculture), agroforesterie
ésidentiel rural
RURALES
agriculture commerciale et coopératives agricolecs
Réserves
naturelles
jardins communautaires,
Zones
humides Faible
densité
Potagers
et
communautaires
Jardins
Densité moyenne
Jardins dans des conteneurs
Parcs artificiels, Vases sur balcons, arbres de
rue
Haute densité
Jardins su les toits des maisons
Centre urbain
62
Figure 5: Transect de localisation de l'agriculture
urbaine selon le master plan Source : adapté du master plan par
SEBUHINJA (2 010)
Organismes de financement : FAO, ONG, institutions
financières et banques
RECO RWASCO + MININFRA
Figure 6:Schémas d'acteurs
Acteurs de la société civile
(syndicats,...)
ELUS URBAINS
Acteurs absents
REMA + Ministère de tutelle
Administration urbaine +MINALOC
NAFA + Ministère de tutelle
Légende du schéma d'acteurs:
Logique de gouvernance
Logique de participation
Logique de compétitivité et/ou de
complémentarité Logique de partenariat
financier/technique/logistique
ESPACES AGRICOLES ET AGRICULTURE URBAINE
Service des Terres, Urbanisme et Habitat
RADA, RARDA, RHODA + ministère de tutelle
(MINAGRI)
Institutions scientifiques et techniques (enseignement,
ISAR,...)
Service agricole urbain
Projet PAPUK
Acteurs annexes
Mines, carrières et tourisme + leurs
ministères de tutelle
Service
d'infrastructure et environnement
Service de l'eau, assainissement et
énergie
Porteurs de projets agricoles
63
VII.1.4. Comment s'organisent et se dessinent les jeux
d'acteurs ?
VII.1.4.1. Le schéma d'acteurs
64
VII.1.4.2. Caractérisation sommaire des
acteurs
a) Les acteurs institutionnels
Dans cette catégorie d'acteurs, on trouve
notamment le RADA, le RARDA, le RHODA, le REMA, le NAFA, le RBS, le FDC, la
ville de Kigali et ses districts, les différents ministères
concernés (MINAGRI, ministère des terres et de l'environnement,
ministères des forêts, ministère de l'administration
locale, ministères des infrastructures ainsi que les institutions
gouvernementales de soutien (eau et électricité,
....).
Le RADA est chargé entre autre de mettre en
oeuvre la politique agricole nationale et le RARDA met en oeuvre la politique
agricole nationale en matière d'élevage tandis que le RHODA est
chargé de la promotion et du développement des produits
horticoles. Bien que le ministère de l'agriculture n'accorde aucune
importance spécifique à l'agriculture urbaine , il finance
néanmoins certaines activités des districts urbains. Le RADA
distribue des semences sélectionnées et des engrais et donne des
formateurs au besoin. Il achète aussi la production aux producteurs. Un
projet intitulé `'Rainwater harvesting project» logé au RADA
aide certaines écoles comme l'école secondaire saint André
à faire l'irrigation au goutte à goute des cultures
maraichères.
Le RARDA donne des vaccins pour bétail,
distribue des vaches dans le cadre du projet `'one cow one family» ainsi
que des produits vétérinaires ad hoc et des semences
fourragères. Il paye aussi les techniciens vétérinaires de
secteur.
Le REMA est l'organe chargé de contrôler,
de faire le suivi et de s'assurer de l'intégration des aspects
environnementaux dans tous les programmes de développement national au
Rwanda. Outre ces tâches, le REMA intervient entre autre dans la
stabilisation des berges des rivières notamment la Nyabarongo et la
récolte des eaux de pluie en collaboration avec la ville de Kigali. Il
autorise les activités après analyse de leur impact
environnemental.
Le fonds de développement communautaire (FDC)
finance les projets des districts (y compris les projets agricoles des
districts urbains).
Le Rwanda Bureau of Standards (RBS) fait la
normalisation notamment des produits d'élevage et autres. Il
contrôle la qualité des produits agricoles par rapport à
ces standards fixés.
65
Un cadre d'échange regroupant le MINAGRI et ses
offices et la ville de Kigali et ses districts et techniciens a
été décidé lors d'une séance de validation
du plan stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et
périurbaine.
Une diversité de vues existe entre les acteurs
de l'agriculture, de l'environnement et de l'urbanisme sur le programme de
l'agriculture urbaine et périurbaine (document de plan
stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et
périurbaine, 2009, p.30).
Au Rwanda, la deuxième phase de
décentralisation de 2005 a transféré les pouvoirs et
l'autorité du Gouvernement Central vers les Gouvernements Locaux rendant
ainsi les Districts des entités légalement et administrativement
autonomes.
Avec cette décentralisation, trois rôles
et responsabilités ont été dévolus au niveau
central (national) : la formulation des politiques, la mobilisation des
ressources et le renforcement des capacités.
En matière d'agriculture urbaine et ses
espaces, trois acteurs de la ville de Kigali sont directement concernés
:
- les élus urbains ;
- l'administration et
- les services techniques (agricoles) ainsi que le projet
PAPUK.
Les élus urbains constituent le conseil de la
ville et du district, comité exécutif de la ville et du district,
conseil de développement de la ville ou du district
L'administration de la ville est constituée par
le comité exécutif de la ville ou du district, le conseil de
district, secrétariat exécutif de la ville ou du
district.
Les services techniques exécutent chacun en ce
qui le concerne (eau, assainissement et énergie, agriculture,
infrastructures et environnement, terres, urbanisme et habitat,
...).
En matière agricole, le service agricole et le
projet PAPUK financé actuellement par la FAO, sont directement
concernés. Sur le terrain, ils rencontrent d'autres acteurs dans une
logique de participation, de gouvernance, de compétitivité et/ou
de complémentarité, de partenariat financier, technique ou
logistique.
b) 66
Les instituts d'expertise, de conseil, de recherche et de
formation
Le rôle de telles institutions dans
l'agriculture urbaine à Kigali n'est pas encore visible. Cependant,
l'Institut des sciences agronomiques du Rwanda chargé de la recherche
agricole, distribue entre autres des plants d'arbres
agroforestiers.
c) Les institutions d'enseignement et de
formation
L'impact de leurs activités ne se voit pas
encore, mais aura une influence sur la trajectoire de développement de
la filière à moyen et long terme.
Les formations actuellement proposées sont en
rapport avec la filière agricole classique. On peut s'attendre à
ce que ces cycles de formation se développent proportionnellement au
développement de la filière : plus la filière prendra de
l'importance, plus ces formations seront proposées. Le projet PAPUK a
mis en place un centre de vulgarisation des microjardins à Gatenga et va
installer des centres de formation et de démonstration en agriculture
urbaine. En collaboration avec le service environnement de la ville des
microjardins irrigués à l'eau de pluie vont être
installés dans des ménages par le projet PAPUK en guise de
démonstration tandis que le Gako organic farming training centre
situé à Kabuga donne des formations en agriculture durable aux
intéressés à ce type d'agriculture capable de payer les
frais de formation (18 dollars US/personne/jour :
http://www.ifoam.org/growing_organic/7_training/t_opportunities/africa/Orga
nic_Farming_Training_Centre.html)..
d) Les porteurs de projet (agriculteurs,
coopératives, entreprises agricoles,...)
Ce sont les acteurs clés de la filière.
La ville de Kigali compte environs 2 158 agriculteurs et éleveurs
regroupés dans 119 coopératives et associations reconnues
officiellement au niveau de la Mairie et repartis dans différentes
filières de l'agriculture urbaine et péri -urbaine dont 3
spécialisées en gestion de pépinières
fruitières ou d'agroforesterie , 4 en apiculture, 30 dans
l'agrobusiness, 20 dans l'agriculture et l'élevage, 22 dans les
champignons, 12 dans l'agriculture pure, 16 dans l'horticulture et 12 dans
l'élevage pure (stratégie d'appui à l'agriculture urbaine
et périurbaine de Kigali, p.33). L'option coopérative est la plus
préférée par la mairie mais les coopératives
agricoles connaissent des problèmes de gestion.
67
Une analyse des perceptions sur l'agriculture urbaine
a permis de constater trois catégories d'agriculteurs urbains à
Kigali (SEBUHINJA, 2009):
- des agriculteurs héritiers d'une culture
agricole menacée dont certains pratiquent l'agriculture faute de mieux
;
- des agriculteurs innovateurs et
- ceux revendiquant un statut
d'entrepreneurs.
La première catégorie est la plus
dominante mais tout semble faire croire que s'ils trouvaient mieux, ils
abandonneraient carrément l'agriculture urbaine. Les deux
dernières catégories sont peu nombreuses et cela pourrait
signifier que les gens hésitent à s'engager dans
l'agriculture.
En matière d'élevage, les acteurs sont
pour la plupart des fonctionnaires, des militaires, des commerçants,...
en démarche entrepreneuriale mais brillant par l'absentéisme car
ils ont d'autres occupations.
Les acteurs industriels sont constitués de
laiterie (deux laiteries présentes dans la ville), d'abattoirs (deux
abattoirs présents), de transformateurs de produits agricoles et leurs
dérivés (minoterie, fabrication de purée de tomate,
boulangerie, boucherie charcuterie, fabrications de bières et limonades,
transformations de cuirs et peaux, fabrication d'aliment pour
bétail,...).
Selon des informations recueillies sur le terrain, un
grand projet de culture irriguée à Masaka est en cours
d'étude en collaboration avec le ministère de l'agriculture et
des ressources animales tandis qu'un grand marché régional de
légumes et fleurs de 20 ha va être installé à Masaka
(Kicukiro). Le projet PAPUK en collaboration avec le service environnement
compte installer des jardins potagers arrosés à l'eau de pluie
dans 50 ménages par secteurs.
e) Les organismes professionnels agricoles
A Kigali, malgré l'existence d'une chambre
d'agriculture, son rôle dans l'agriculture urbaine n'est pas visible. Le
syndicat agricole Imbaraga est actif dans les secteurs ruraux de la ville
où il dispose des animateurs agricoles.
f) Les acteurs de la société
civile
A Kigali, tout comme dans tous les districts du
Rwanda, dans le cadre de la décentralisation, il a été
créé un organe dit « Joint Action Forum » ou «
Forum d'Action Conjointe » de partenariat
68
entre tous les acteurs de développement et
l'administration des Districts. Ce Forum d'Action Conjointe est un Forum
réunissant tous les représentants des acteurs de
développement du District (bailleurs, programmes/projets,
société civile, secteur privé, confessions religieuses,
ONGs, organisations philanthropiques, etc.) qui agissent d'une manière
ou d'une autre et qui ont un rôle direct et ou indirect dans le
développement du District.
Cet organe qui réunit à la fois des
acteurs du secteur public, du secteur privé ainsi que ceux de la
société civile contribue au développement durable du
District depuis la planification jusqu'à l'évaluation en passant
par l'exécution des actions de développement.
g) Les organismes de crédit
Ce groupe d'acteurs est destiné à
accorder des crédits pour financer les projets agricoles. On peut y
recenser entre autres organismes : Banque Rwandaise de Développement,
Banque Populaire, Fonds de Développent Communautaire (FDC), Quelques
organisations de micro finances, Quelques projets du MINAGRI comme RSSP (Rural
Sector Support Project),...
L'accès au crédit est difficile dans la
ville de Kigali, surtout s'il s'agit d'un crédit agricole9.
Pourtant le financement des activités agricoles recourt souvent au
crédit, car la plupart des opérateurs n'ont pas toujours de
moyens propres pour développer leurs activités (document de
stratégie d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine,
2009, p.48).
h) Les acteurs « annexes »
Leurs objectifs sont en général ceux de
leurs membres : organiser la filière et attribuer à chacun des
acteurs la place qui lui convient le mieux pour assurer la progression du
secteur entier, en profitant des synergies possibles.
9 En période que l'on pourrait qualifier de
normale, la tendance des prêteurs est de s'orienter vers des projets
rentables dont le retour sur investissement et la production sont les plus
rapides possibles. L'agriculture étant une économie à
cycle long et soumise à beaucoup d'impondérables, elle s'en
trouve pénalisée. D'autre part, la question de la
lisibilité foncière est centrale et stratégique pour la
pérennité économique de l'agriculture périurbaine.
En effet, pour reprendre une exploitation comme pour créer une
activité nouvelle, un agriculteur a besoin d'une visibilité au
moins égale à la durée de remboursement de ses emprunts,
soit entre dix et vingt ans en moyenne (Certu et al., 2008). Si la ville ne lui
offre pas cette visibilité, les banques ne prendront pas le risque de
l'accompagner et il ne pourra faire les investissements nécessaires
à son activité (foncier, bâtiments, cheptel, machinisme...
).
69
i) Les absents des jeux de la filière
Ces acteurs seront amenés, à jouer un
rôle important, sans pour autant intervenir directement sur le destin de
la trajectoire de développement de la filière.
En effet, un fait avéré et
étiqueté comme tel est que, à Kigali, l'urbanisation est
inéluctable. Les services d'habitat et d'infrastructures vont être
très sollicités tandis que les services d'environnement seront
dépassés par les impacts de cette urbanisation sur
l'environnement (gestion des eaux dont le taux de ruissellement aura
été augmenté par l'artificialisation des espaces, gestion
des déchets. Les espaces prévus pour les constructions
suffiront-t-il ? Que se passera-t-il si, au lieu de l'hypothèse standard
(5,43% de taux de croissance) c'est l'hypothèse haute (8% de taux de
croissance) qui se produit. Les espaces agricoles résisteront-ils
à cette urbanisation et à son impact ? Les acteurs actifs
aujourd'hui auront un intérêt à y voir une
opportunité d'actions proactives de leur part ou une menace à
faire sauter ou contourner.
VII.1.4.3. Les jeux d'acteurs
La partie précédente a
caractérisé 9 catégories d'acteurs, la dernière
qualifiée d'acteurs absents étant un regroupement d'acteurs assez
hétérogène. En analysant, on peut remarquer que parmi les
neuf catégories, seuls la ville de Kigali et ses districts via les
services agricoles et le projet PAPUK appuyé par la FAO sont
actuellement très actifs.
Ils sont entourés par des porteurs de projets
qui hésitent à s'investir (agriculteurs en particulier) et des
acteurs institutionnels (MINAGRI et ses institutions) plutôt
orientés vers le milieu rural10 (Sans pour autant s'opposer
à l'agriculture urbaine). Seuls les acteurs industriels (laiterie,
boulangerie, ...) sont réellement actifs mais ne reflètent en
rien l'agriculture urbaine. Les acteurs annexes interviennent, le plus souvent,
sur demande des acteurs principaux (dans le cas d'entreprises
spécialisées dans la communication, par exemple), ou alors
suivent la volonté de leurs composants (environnement,...). Gako organic
farming training centre donne des formations en agriculture durable pour ceux
qui le veulent et sont capables de payer.
10 La politique nationale agricole est plutôt
orientée vers le milieu rural. C'est peut-être pourquoi, avec la
nouvelle organisation de la mairie, on a enlevé les agronomes dans les
secteurs urbains pour ne les garder que dans les secteurs ruraux de la ville et
introduit un organe appelé agribusiness et développement rural
sans faire apparaître l'appellation agriculture urbaine ou services
agricoles.
70
L'ensemble des acteurs cités jusqu'ici ont en
commun la volonté de ne pas s'opposer à l'agriculture urbaine
mais leurs motivations divergent. Le domaine est encore nouveau. Ceux qui
élaborent les connaissances et ceux qui les transmettent, n'ont pas
encore investi la filière càd que les connaissances et
technologies possibles en agriculture urbaine manquent encore.
Ces acteurs ne vont pas évoluer librement dans
l'espace des possibles trajectoires de développement de l'agriculture
urbaine à Kigali, mais seront en relation directe ou indirecte les uns
avec les autres. Plus la filière prendra de l'importance, plus il sera
possible d'observer aussi bien des efforts coopératifs que des jeux de
concurrence, parfois entre les mêmes acteurs mais sur des étapes
différentes du processus de développement de la ville de Kigali.
L'ensemble de ces relations et jeux de pouvoir et d'influence
déterminera alors l'avenir de la filière et son
développement. Leur explicitation et leur analyse sont ainsi d'un grand
intérêt pour pouvoir analyser les futures trajectoires de
développement possibles. Néanmoins, des considérations
d'ordre économique, législatif et réglementaire, ou encore
fiscal joueront certainement un rôle lors de la détermination de
la trajectoire de développement de l'agriculture urbaine à
Kigali. Il en est ainsi des indications incluses dans le master plan de la
ville de Kigali qui confinent l'agriculture dans les espaces
périphériques.
Pour une meilleure compréhension des relations
actuelles entre les acteurs, il est possible de dresser des cartographies des
acteurs. Nous allons proposer deux cartes distinctes : la première
propose une analyse globale des acteurs, en fonction de leur proximité
avec la filière (et donc leur intérêt à l'avancement
technologique), la deuxième s'inspire de l'analyse de Mendelow qui
permet de grouper les acteurs selon le degré d'intérêt
qu'ils auraient à influencer les décisions à prendre, et
selon leur pouvoir d'influence, que ce soit par des moyens financiers, des
outils juridiques et réglementaires ou du lobbying, par
exemple.
a) Cartographies de positionnements des
acteurs
La cartographie d'acteurs vise à mettre en
perspective les positions et rapports de force de l'ensemble des parties
prenantes. Une carte représente alors leurs relations à un moment
donné, dans une situation donnée. Établie
en partant de l'objet (agriculture urbaine), les acteurs sont placés sur
cette carte, plus ou moins distants de l'objet, en cercles concentriques. Les
frontières
71
entre les « champs d'implication » sont
perméables, un acteur ou un groupe d'acteurs peuvent les chevaucher ou
transgresser.
Si l'on suppose qu'au coeur de la filière
agriculture urbaine se trouve le potentiel de développement, on obtient
trois champs d'implication : la zone rouge désigne une implication forte
avec la volonté de faire progresser la filière, la zone jaune
regroupe les acteurs avec une implication indirecte dans le
développement, la zone blanche est réservée aux acteurs
qui actuellement ne sont pas ou très faiblement
impliqués.
a) La carte objet-acteurs
Expertise, conseil, recherche et formation
Enseignement et formation
ACTEURS ABSENTS
Porteurs de projets
(agriculteurs, coopératives,
entreprises,..)
Acteurs annexes
VILLE DE KIGALI
Organismes professionnels agricoles (chambre
d'agriculture, syndicats agricoles,...
Organismes de crédit
ACTEURS
INSTITUTIONNELS
Figure 7:la carte objet-acteurs de l'agriculture urbaine
de Kigali Source : SEBUHINJA (2010)
En analysant le positionnement actuel des acteurs de
l'agriculture urbaine à Kigali, on peut observer que le gros fardeau est
porté par la ville de Kigali. Même les porteurs de projets ne sont
pas totalement impliqués.
72
b) La carte intérêt-pouvoir, adapté
de Mendelow
Les jeux de pouvoir et d'influence entre les divers
groupes d'acteurs identifiés peuvent être analysés, en
appliquant la carte intérêt-pouvoir adaptée de Mendelow
[1991 cité par PFEIFLE, 2008], en termes de l'intérêt que
ces groupes portent (actuellement) sur l'objet, et du pouvoir propre dont ils
disposent pour co-déterminer les trajectoires de développement
possible. Ce pouvoir de co-détermination des groupes d'acteurs
dépend d'une part des ressources dont ils disposent dans le domaine
considéré et qui leur permettent d'agir (ressources
financières, humaines, mais aussi relationnelles, par exemple)
directement, d'autre part de la position actuelle qu'ils occupent dans la
filière agriculture urbaine et de celle qu'ils souhaitent atteindre dans
le futur.
Cette carte permet non seulement de rendre
graphiquement compte de la position que les divers groupes d'acteurs
identifiés occupent aujourd'hui. Elle permet également, en
adoptant le point de vue de l'un ou de l'autre des groupes d'acteurs
représentés, de donner des indications quant aux options
stratégiques de positionnement par rapport aux autres groupes possibles
et souhaitables, compte tenu de la stratégie poursuivie par ce groupe
d'acteurs.
Les porteurs de projets font partie des acteurs
clés pour la détermination de la trajectoire de
développement de l'agriculture urbaine à Kigali : la mise en
oeuvre de tout projet à taille réelle nécessite leur
concours en termes d'engagement, d'organisation et même de financement
car les institutions financières hésitent encore à donner
des crédits au secteur agricole. Or, dans la mesure oil les
développements techniques nécessaires, mais également la
formation des ressources humaines à l'application des nouvelles
technologies ne peut être pris en charge entièrement par ces
acteurs, le groupe « Expertise, recherche, enseignement et formation
» se trouve également dans les acteurs clés.
De la même façon, la mise en oeuvre des
différentes technologies de l'agriculture urbaine est tributaire du
cadre législatif et juridique à élaborer. Ainsi, les
acteurs institutionnels occupent également une position clé pour
la trajectoire de développement de la filière à Kigali.
Sans pour autant s'opposer à l'agriculture urbaine, les
différents plans de référence au niveau national, sont
plutôt orientés vers le milieu rural.
73
Le groupe des acteurs annexes (médias,...) ne
détient pas de pouvoir élevé d'influence sur la
trajectoire de développement de l'agriculture urbaine à Kigali.
En effet, il intervient dans le domaine sur la demande des porteurs de projets,
et donc en cas de besoin. Ainsi, ce groupe annexe permet aux porteurs de
projets de mettre en oeuvre leur stratégie d'influence, mais ne prend, a
priori, pas de décision autonome quant à la direction que
poursuit la trajectoire de développement. Leur intervention est
conditionnée par les besoins des acteurs clés qu'ils assistent.
Pour les acteurs clés, ce groupe constitue une ressource
nécessaire lors de la mise en oeuvre d'actions stratégiques, et
leur disponibilité peut influer sur les possibilités d'action des
acteurs clés. Ainsi, ces derniers ont intérêt à
garder le groupe des acteurs annexes informé de leurs options d'action
envisagées : une information à temps est nécessaire afin
de permettre aux acteurs annexes de mettre les ressources souhaitées
à la disponibilité des acteurs.
Finalement, les acteurs aujourd'hui absents ne veulent
pas ou ne disposent pas de l'information nécessaire pour prendre une
position claire vis-à-vis de l'agriculture urbaine, ou encore pour
influer sur sa trajectoire de développement future. Même si leur
absence est partiellement due au manque d'intérêt que ce groupe
d'acteurs manifeste par rapport à la filière, il ne faut pas en
déduire qu'il en restera ainsi. En effet, on peut supposer que, une fois
que ce groupe disposera d'un minimum d'information - ou encore, une fois que
l'objet « agriculture urbaine et sa trajectoire de développement
» entrera dans l'arène du débat public-, leur
intérêt pour la problématique augmente. Dans le même
temps, force est de constater que l'opinion publique peut devenir
co-déterminante pour des développements technologiques : le
pouvoir d'influence de ce groupe hétérogène d'acteurs est
loin d'être négligeable.
Dans la carte présentée ci-dessous, nous
avons marqué cette évolution perceptible mais non encore
arrivée à terme en représentant non pas une seule, mais
deux positions pour ce groupe d'acteurs : la première reprend leur
positionnement actuel, le lien vers la seconde représente le mouvement
actuellement observable. En effet, si aucun problème ne se pose pas
aujourd'hui, il n'en sera pas de même au moment oil :
- la capacité d'accueil maximale de la ville de
Kigali (3 millions d'habitants) aura été atteinte (soit en 2030
selon les projections) et qu'il faudra chercher d'autres espaces pour
construire les logements et autres infrastructures urbaines;
74
- les impacts de l'urbanisation commenceront à
voir le jour (gestion des eaux, des déchets, impact sur les
écosystèmes et les paysages,...)
Alors que les acteurs clés (porteurs de
projets) piétinent, trois acteurs pouvant avoir une influence
déterminante dans la définition de la trajectoire de
développement de l'agriculture urbaine de Kigali doivent être
satisfaits : les acteurs institutionnels (actuellement calmes), les organismes
de crédit et les acteurs absents.
Intérêt pour la
décision
Pouvoir d'influence sur le choix
|
|
Faible
|
Élevé
|
Faible
|
Pas d'effort spécifique
Acteurs absents
(riverains, associations pour
l'environnement,...)
|
À informer
Acteurs annexes
|
Acteurs de la société civile
|
Acteurs absents
|
|
Expertise, conseil, recherche, enseignement et formation,
organismes professionnels agricoles
|
Élevé
|
À satisfaire
|
|
Acteurs
institutionnels
|
Porteurs de projets
|
Organismes de financement
|
|
|
Figure 8: La carte intérêt-pouvoir
appliquée à l'agriculture urbaine à Kigali Source :
SEBUHINJA (2010)
75
VII.2. Analyse et discussion des résultats
Après inventaire et appréciation de leur
valeur agricole, les terres réservées à l'agriculture,
seront cartographiées, bornées et inscrites au cadastre qui va
délivrer un document d'enregistrement. Les marais et les zones de
culture sèche seront aménagés, pourvus de drainage et
d'irrigation en fonction des besoins et des potentialités. Les
protocoles de production et de distribution seront précisés et
ces terres seront données aux groupements coopératifs qui vont
les exploiter. Ces groupements bénéficiaires seront formés
à leur usage et maintenance ainsi qu'aux bonnes pratiques agricoles et
au portail phytosanitaires international. Les déchets organiques de la
ville et des ménages seront récupérés et
transformés en compost ou en briquettes énergétiques. Des
normes d'hygiène et de qualité seront mises au point et
contrôlées. Des ?centres d'innovations?
seront créés au niveau des secteurs et des districts et
le contexte institutionnel de l'agriculture urbaine sera
consolidé.
Ainsi se résume les stratégies
déployées à Kigali pour favoriser et maintenir
l'agriculture urbaine à Kigali telles que stipulées dans le plan
stratégique d'appui à l'agriculture urbaine et périurbaine
et le master plan. L'analyse des jeux d'acteurs montre une divergence de vues
des acteurs de l'agriculture, de l'environnement et de l'urbanisme sur le
programme de l'agriculture urbaine et périurbaine. On note aussi une
position relativement « calme » des acteurs institutionnels (MINAGRI
et ses institutions,...) alors que la politique agricole nationale ne donne
aucune importance spécifique à l'agriculture urbaine. La
répartition actuelle des acteurs indique que c'est surtout la ville de
Kigali, via ses services agricoles et le projet PAPUK financé par la FAO
qui sont aujourd'hui actifs. Ils sont entourés de porteurs de projets
qui hésitent à s'investir.
Ces résultats suggèrent que
malgré les bonnes stratégies dressées, la marge de
manoeuvre pour l'agriculture urbaine des grands espaces est vraiment
très limitée.
L'accroissement de population va entraîner une
forte demande en logements11, et l'urbanisation va progresser. En
relation avec la généralisation de l'habitat pavillonnaire,
l'accroissement de l'espace moyen consommé par nouvel habitant, s'il
n'est pas enrayé par une densification de l'habitat, va accentuer la
pression sur les espaces ouverts en périphérie de la ville. En
particulier, pour le district de Gasabo dont le master plan
prévoit que 70% de sa superficie demeurera rural
11 Il est prévu qu'il
faudra construire 1/2 millions de nouveaux logements avec en moyenne 4,58
personnes par ménage (Kigali conceptual master plan, 2007,
P.50)
76
alors que son potentiel de croissance
développable est de 65%, il ne sera pas possible de respecter cet
objectif car les enjeux démographiques en ville dépassent
largement ceux de l'agriculture.
En outre, la forte urbanisation engendre des risques
pour le milieu naturel : pression sur la ressource en eau du territoire,
problèmes croissants de l'assainissement des eaux usées et du
traitement des déchets, artificialisation des sols. A ce titre, les
espaces naturels de la ville de Kigali présentent un caractère
remarquable avec de nombreuses zones d'intérêt écologique,
qu'il s'agisse des zones humides ou des massifs collinaires environnants, ou
encore des vallées alluviales. Cela va porter préjudice à
l'agriculture des zones humides (wetland agriculture). En effet, certains
aménagements et certaines pratiques ayant porté préjudice
à la conservation de ces territoires, il sera difficile d'y maintenir et
développer certaines productions agricoles dans un contexte
d'urbanisation rapide. Malgré qu'elles puissent abriter certaines
cultures comme la canne à sucre ou le riz, la plupart si ce n'est pas
toutes seront probablement protégées pour ne servir que comme
zone de traitement environnemental (Environmental Traitment Zone) et de
réserves naturelles. Pour l'agriculture sèche, située
à la périphérie de la ville et dans les zones
résidentielles rurales, elle sera confrontée aux contraintes
physiques. Les zones avec pentes supérieures à 20% qui couvrent
35% du territoire urbain serviront probablement à la reforestation. Eu
égard à la pression démographique, des études
supplémentaires quant à leur constructibilté seront
probablement menées.
Les porteurs de projets constituent les acteurs
clés. Or, leur engagement n'est pas aujourd'hui total, leur organisation
n'est pas assurée et leur capacité de financement laisse à
désirer. Les groupements coopératifs, attributaires des espaces
agricoles connaissent des problèmes réels de gestion. Ces
coopératives éprouvent, en outre, des difficultés dans le
recrutement de leurs membres comme dans la mobilisation des fonds à
investir dans les affaires (Task force pour la promotion des
coopératives, 2006, p.29).
Les récentes mutations des agronomes vers les
secteurs ruraux constituent un signe précurseur qui montre que le volet
agricole doit migrer vers les secteurs ruraux de la ville. L'utilisation des
vases sur les balcons et des jardins sur les toits au titre agricole au lieu
d'agrément (fleurs) dépendra de l'interprétation du
master plan par les élus de la ville.
77
Un dernier point qui mérite d'être
signalé est la marginalisation de l'agriculture par les citadins de
Kigali. L'agriculture était mal notée par tous les citadins
abordés dans l'étude d'identification des besoins du master plan.
Elle n'était votée que par les gens en provenance des zones
périphériques de la ville (Kigali conceptual master plan,
2007).
Une ville, un pays ou un terroir peut-il vivre des
seuls importations de l'extérieur12 ? Pourquoi l'agriculture
est-elle si marginalisée alors qu'elle est le seul secteur à
fournir la nourriture dont l'humanité a besoin pour vivre? L'agriculture
ne peut-elle pas susciter le démarrage du développement comme le
pensent ces citadins? Autant de questions suscitées par notre recherche
?
A la question sur la capacité de l'agriculture
à susciter le démarrage du développement, les
économistes néoclassiques comme Hirschmann ou marxistes
répondront par la négative. Selon eux, l'agriculture ne peut
constituer le point de départ du développement du fait de la
faiblesse des `'effets de liaison»13 qu'elle suscite. Dans
cette perspective, le `'vrai» développement ne peut être
qu'industriel (Henri de France, 2001, p.144). Cette affirmation ne peut pas
être généralisée aux pays du Tiers-Monde (encore
moins pour le Rwanda). D'abord, parce qu'une implantation volontariste
d'unités de production industrielle dans un pays du Tiers-Monde peut y
demeurer à l'état de corps étranger, sans exercer les
effets de liaison escomptés. Puis, parce qu'à contrario les
activités agricoles peuvent générer des effets induits
d'industrialisation (idem, p.145). Le même auteur donne l'exemple
asiatique où en Asie de l'Est, une augmentation d'un point de
pourcentage de la croissance de l'agriculture a en général
entraîné une hausse de 1,5 point de pourcentage de la croissance
du secteur non agricole.
12 Selon Drechsel et al.(1999, p. 19 cité par
SEBUHINJA, 2009), pour une ville de 3 à 4 millions d'habitants, le
besoin en aliment avoisine les 3 000 tonnes par jour ou l'équivalent de
1 000 camions par jour chaque camion étant chargé de 3 tonnes.
Ceci suppose l'entrée en ville de 2 camions toutes les 3 minutes. Kigali
Centre peut-il relever ce défi sans l'agriculture urbaine ?
13 L'effet de liaison traduit la
spécificité qu'ont certains investissement à en induire
d'autres nouveaux investissements (ou arrivent à le faire plus
rapidement que le reste). On peut considérer que deux mécanismes
d'induction jouent à l'intérieur du secteur des activités
directement productives. Le premier, l'approvisionnement en inputs, la demande
dérivée ou les effets de liaison en amont :
c'est-à-dire que toute activité économique
déterminera les efforts pour produire localement les inputs qui lui sont
nécessaires. Le deuxième, l'utilisation des outputs, ou les
effets de liaison en aval : c'est-à-dire que toute
activité qui, par nature, ne répond pas exclusivement à
des demandes finales déterminera des efforts pour utiliser ses outputs
comme inputs dans des nouvelles activités (Hirschman, 1958, p. 100
cité par Elies Furio-Blasco, 2002). D'après Hirschman A.O.,
l'agriculture ne stimule pas directement, par des effets de liaison, la
création de nouvelles branches d'activité.
78
Ces éléments font ressortir le dynamisme
requis à l'agriculture urbaine de Kigali dans une ville alimentée
par un flux migratoire soutenu14. Dans une telle situation, comment
maintenir durablement cette agriculture urbaine alors que tous les
éléments l'en éloignent ? Les enjeux territoriaux peuvent
être traduits par les principes du développement durable,
consistant ici à associer la croissance économique à la
croissance démographique, tout en préservant le potentiel de
ressources du territoire. L'agriculture apparaît à ce titre comme
une composante majeure, en tant qu'élément du cadre de vie et de
la culture locale, génératrice de paysage et activité
économique à part entière. Elle constitue à ce
titre un actif spécifique remarquable, à condition de faire
l'objet d'une véritable activation-requalification en tant que ressource
du territoire (Pecqueur, 2003 ; Peyrache-Gadeau, Pecqueur, 2004 cité par
JARRIGE, THINON et NOUGAREDES, 2006).
14 Il est projeté que, dans les prochains 25
ans, plus de 1 million d'habitants vont migrer vers les villes du Rwanda
(Kigali master plan, 2007). Kigali recevra la plus grosse part de ces
migrants.
79
CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATIONS
Au final, ce travail montre que l'agriculture urbaine
et ses espaces à Kigali sont bel et bien pris en compte et
protégés par les documents réglementaires de la ville
;
Alors que le master plan lui donne un rôle
plutôt multifonctionnel, le plan stratégique abonde dans le sens
d'économie agricole. Il y a donc diversité de vues des acteurs
sur le programme à adopter pour l'agriculture urbaine et
périurbaine.
Au regard du postulat qui prédit la disparition
à long terme de l'agriculture de la ville de Kigali, on se pose alors la
question si le master plan et l'inscription au cadastre offrent-ils une
protection suffisante? Vont-ils conduire à une agriculture urbaine
durable ?
Ce master plan devrait jouer un rôle de
dispositif de gouvernance, c'est-à- dire permettre à l'ensemble
des utilisateurs de l'espace d'élaborer des projets, de partager un
langage commun, d'imaginer des procédures de consultation et de dialogue
entre les différentes parties prenantes et de définir des
règles de coordination et d'apprentissage. Cependant à partir de
la diversité de vues entre les acteurs de l'agriculture, de
l'environnement et de l'urbanisme sur le programme de l'agriculture urbaine et
périurbaine, on peut craindre que ce rôle risque de ne pas
être pleinement joué.
Les principaux acteurs vont créer des routines
défensives là où il faut innover pour aborder
réellement le problème des relations entre agriculture et ville
et entre agriculture et développement urbain durable, en les centrant
d'abord sur la perception des enjeux réels. Cette ambition est
éloignée de la simple préoccupation d'adapter un
dispositif, potentiellement novateur, à une réalité
inchangée car l'intérêt du changement n'est pas
perçu et compris. La restriction des débats sur l'agriculture
urbaine aux seules parties actives tel que nous l'avons constaté
à Kigali, quand certains individus abordés hésitaient
à nous donner des rendez-vous pour un entretien sur l'agriculture
urbaine, masque des enjeux globaux ou des enjeux locaux de parties non actives
en particulier les acteurs que nous avons qualifiés d'acteurs absents.
Des jeux de pouvoirs ou des détournements des dispositifs mis en place
peuvent se produire au profit de quelques acteurs coalisés. Sans
volontés politiques originales, les capacités des acteurs
aujourd'hui actifs pour tracer la trajectoire de développement de
l'agriculture urbaine se trouveront limitées.
80
La forme à donner aux débats devrait
dépasser les enjeux catégoriels et l'approche par filière.
Il faudrait dépasser l'enfermement sur les enjeux strictement agricoles
et prendre en compte la multiplicité des usages des ressources
territoriales. Bien que le master plan soit un document réglementaire,
force est de constater qu'il n'est pas légalement contraignant par
lui-même et l'inscription au cadastre bien qu'elle atteste la
reconnaissance de la propriété sur un espace donné est
plutôt plus orientée vers la fiscalité.
D'autre part, le meilleur moyen de protéger les
espaces agricoles étant de maintenir la rentabilité de
l'agriculture de sorte que les exploitations restent en activité, il a
été constaté que, à Kigali, la rentabilité
est compromise par des contraintes topographiques et
environnementales.
Ainsi, au-delà du projet de master plan, les
dynamiques futures des espaces et activités agricoles dépendent
des choix politiques qui seront faits par les élus de la ville et les
acteurs de l'environnement. La multiplicité des enjeux se doublant de
celle des acteurs, c'est bien un dialogue permanent qu'il faudrait favoriser
entre le monde urbain (ses élus, ses techniciens, ses habitants) et les
représentants du monde agricole dans sa diversité. Cette
concertation construite dans des rapports de confiance entre élus,
acteurs et usagers devrait être accompagnée d'une production
agricole organisée.
Néanmoins, les questions de l'adaptation des
organisations professionnelles agricoles traditionnelles face aux «
nouvelles problématiques territoriales» et de leur
représentativité dans les dispositifs de concertation
développés par les nouveaux modes de gouvernance territoriale
restent posées. La légitimité des organisations de
producteurs urbains apparaît, en particulier, problématique sur
leur capacité à porter les formes d'agricultures innovantes,
souvent à développer par de nouveaux acteurs, hors des sentiers
battus du monde agricole ?
traditionnel?.
Quel développement durable est-il alors
envisageable pour cette activité ?
La durabilité de cette agriculture se pose en
termes d'aménagement et de gouvernance. En termes d'aménagement,
les documents de planification des dernières décennies ont
montré qu'il ne suffisait pas de préserver le foncier pour
assurer la pérennité de ces espaces. Il est également
indispensable de garantir les conditions permettant un développement
économiquement viable des activités agricoles et un
fonctionnement durable des écosystèmes. La législation et
la
81
planification doivent évoluer vers une prise en
compte de ces logiques. Ce qui implique nécessairement une
transformation en termes de gouvernance. Celle-ci suppose : la création
des organisations ou des institutions territoriales efficaces,
l'élaboration des politiques d'aménagement performantes en
matière d'économie d'espace et, enfin, la mise en oeuvre
raisonnée du projet agricole dans le territoire urbain. Ces trois
étapes doivent être soutenues par des volontés politiques
originales.
Dès lors, les recommandations suivantes peuvent
être formulées pour une agriculture urbaine durable de
Kigali:
1. Reconnaître que l'agriculture urbaine est
différente de l'agriculture rurale et qu'elle peut contribuer à
la sécurité alimentaire, à la sécurisation
environnementale et sociale
A Kigali, l'analyse de la perception des acteurs sur
l'agriculture urbaine montre qu'elle est perçue par rapport à son
marché (le marché existe), à ses produits (produit de
haute valeur ajoutée) et ses espaces (marais et bas-fonds et autres
espaces à caractère rural). Elle est méconnue par rapport
à la diversité de ses systèmes culturaux et ses
technologies alors que ce sont ces divers systèmes d'exploitation et ses
diverses technologies qui la permettront de résister à la
pression urbaine, de s'adapter et d'occuper un énorme créneau
dans l'écosystème urbain. Comme elle se fait en milieu
inhospitalier où elle est en concurrence avec d'autres activités,
reconnaître cette différence permettrait de lui allouer les
ressources nécessaires.
2. Développer les capacités des acteurs
autour de la question agricole
L'agriculture urbaine à Kigali est un concept
nouveau qui, pour être accepté pleinement nécessite une
vulgarisation soutenue. Il est donc indispensable de sensibiliser les
différents publics (élus, agriculteurs, citoyens urbains, chambre
d'agriculture, syndicats agricoles, associations locales de
développement agricole, presse,...) en construisant un
argumentaire spécifique pour que chacun de ces acteurs du territoire se
mobilise, comprenne les enjeux d'une bonne prise en compte de l'agriculture et
participe activement tout au long du processus, dans le cadre de la
concertation, à la construction du projet de territoire.
3.
82
Créer une instance de dialogue autour de la
mise en oeuvre du master plan dans lequel les acteurs agricoles sont
associés
Le fait que la question agricole ne soit
portée aujourd'hui que par les seuls services agricoles et le projet
PAPUK constitue en soi une menace. Une instance de dialogue éviterait
l'enfermement en approche par filière préjudiciable à
l'avenir de l'agriculture. Les attendus de cette instance seraient : dialogue
et coordination, production de normes et régulation pour la mise en
oeuvre des règles et règlements.
4. Développer de nouvelles formes
d'agriculture
L'inscription de nouvelles formes d'agricultures dans
les tissus sociaux et économiques passe par une activation de ressources
nouvelles. En effet, l'environnement urbain encourage la maximisation de la
production à partir de surfaces minimales (Prain, Henk de Zeeuw, 2008)
:
- cultures hors saison à fort rendement
économique moyennant une irrigation et/ou recouvrement des
cultures...,
- adoption de variétés à haut
rendement, application de pratiques de maraîchage bio intensives et de
permaculture.
- une utilisation maximale des ressources naturelles
disponibles lorsque celles-ci n'étaient pas préalablement
utilisées pour l'agriculture. Cela inclut l'utilisation des eaux
usées comme source d'eau mais aussi comme source de nutriments (Buechler
et al., 2006 cité par Gordon Prain, Henk de Zeeuw, 2008 ), l'utilisation
de déchets solides urbains compostés (Cofie and Bradford, 2006
cité par Gordon Prain, Henk de Zeeuw, 2008) et l'utilisation de
parcelles de terre abandonnées ou marginales
- Une utilisation intensive d'espaces verticaux
limités (utilisation de terrasses, de toits, de caves et de balcons ;
l'usage de divers types de systèmes de conteneur et de paniers
suspendus, la culture sur murs, cascades, ou pyramides);
- l'utilisation de systèmes sans substrats
terrestres comme l'agriculture hydroponique (Marulanda et Izquierdo, 2003
cité par Gordon Prain, Henk de Zeeuw, 2008) et organoponique (Premat,
2005 cité par Gordon Prain, Henk de Zeeuw, 2008 ), aéroponique,
aquaponiques et autres technologies à utilisation «d'espace
limité, sans utilisation d'espace».
- Des projets de fermes verticales.
Pour ce faire, la recherche devrait se saisir du
problème et imaginer ces nouvelles formes d'agriculture plus
esthétiques et plus à même de répondre aux exigences
du master plan quant à la zone urbaine.
5. Développer de nouveaux modes de gouvernance de
l'agriculture urbaine
L'agriculture devrait servir comme un des outils de
gestion des espaces ouverts de la ville de Kigali.
6. Privilégier des engagements d'agriculteurs
assortis d'aides publiques
Les enjeux environnementaux des espaces
réservés à l'agriculture sont tellement forts que sans
engagements assortis d'aides publiques, l'agriculteur seul ne parviendrait pas
à préserver les équilibres environnementaux
nécessaires. En effet, l'exploitation agricole devrait contribuer
à la préservation des ressources naturelles et à
l'occupation et l'aménagement de l'espace urbain en vue notamment de
lutter contre l'érosion, de préserver la qualité des sols,
la ressource en eau, la biodiversité et les paysages. Cet objectif ne
peut pas être atteint sans aides publiques destinées entre autres
à compenser le manque à gagner au titre de la protection
environnementale.
7. Privilégier une forme d'organisation
professionnelle qui donne un statut d'agriculteur en nom propre
L'option coopérative privilégiée
aujourd'hui ne donnera pas, à mon humble avis des résultats
probants dans un futur proche, à cause des problèmes de gestion
de ces coopératives. L'expérience collective n'est pas encore
totalement acquise. Dès lors, il faut plutôt créer des
groupements totaux (regroupement des exploitations) ou partiels (regroupements
des fruits du travail pour les vendre par exemple) pour exploiter les espaces
agricoles à délimiter.
8. Privilégier des aménagements
économes d'espaces
La priorité devrait être accordée au
renouvellement urbain et à la densification de l'habitat
10. Soumettre tout grand projet à la
rédaction d'un porter à connaissance
83
Cela éviterait des délocalisations
ultérieures
84
PERSPECTIVES
Cette recherche ayant été placée
dans une approche prospective, il aurait été nécessaire
d'établir des scénarios possibles en fonction des variables
identifiées ou à identifier. Cela n'a pas été
possible. En outre, alors qu'initialement, il était prévu
d'étudier la perception de tous les acteurs -actifs ou inactifs- sur
l'agriculture urbaine afin de cerner les représentations qu'ils se sont
fait de la problématique, la descente sur le terrain a
coïncidé avec la période des élections
présidentielles au Rwanda. II était alors difficile voire
impossible d'obtenir un rendez-vous d'une quelconque autorité non
directement concernée par l'agriculture. On s'est alors limité
aux seuls acteurs actuellement actifs et à caractériser
sommairement les autres acteurs à partir des informations
trouvées dans les documents officiels en place.
Néanmoins, ce travail aura appris qu'inscrire
l'agriculture dans une perspective de développement durable appelle
indéniablement une nouvelle vague d'innovations et
particulièrement des innovations technologiques vis-à-vis de la
société. L'agriculture n'est plus un secteur bien
délimité, qui ne concernerait que les producteurs
eux-mêmes, mais bien une affaire de société. De nouvelles
exigences lui sont exprimées par l'industrie, les consommateurs et la
société toute entière. Des interactions se multiplient
entre nature, société et science. Ce qui place l'agriculture
à l'interface d'enjeux globaux (sécurité alimentaire,
changement climatique, concurrence entre production alimentaire et
énergétique) et locaux (approvisionnement, circuits courts, lien
social, gestion des paysages). Face aux enjeux environnementaux et
territoriaux, les démarches déjà utilisées avec
succès dans la phase «productiviste» sont devenues
inopérantes.
De nouveaux modèles d'agriculture urbaine et
périurbaine pouvant contribuer au développement durable des
villes doivent donc être constamment recherchés plus
particulièrement pour des villes comme Kigali. A Kigali, l'urbanisation
y est inéluctable et la possibilité de développer le
secteur agricole classique de la zone périurbaine et celui des zones
humides est limitée par les contraintes physiques et
environnementales.
85
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