
UNIVERSITE NATIONALE DU RWANDA FACULTE DE
DROIT
ANNEE ACADEMIQUE 2011

LA PROBLEMATIQUE DU CONFLIT DE LOI ET DE JURIDICTION
EN CAS DE VIOLATION DES DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE
SUR L'INTERNET
Mémoire présenté en vue de l'obtention du
diplôme de licence en droit
PRESENTE PAR : KARAKE
Afrique
DIRECTEUR : Me NGABONZIZA Julien
(LLM)
Huye, Octobre 2011
II
EPIGRAPHE
« L'homme doit supporter les Conséquences de
ses actes, du moment qu'ils portent préjudice à l'autrui
»
SALEILLES
III
DEDICACE
A Dieu Tout Puissant,
A ma famille,
A mes amis,
Afin que Transcende et Resplendisse, Dans le profond respect
du très - haut, Même à travers les ronces et les
épines, Ce memoire est dédié.
iv
REMERCIEMENTS
Ce travail est le fruit de plusieurs efforts conjugués
pendant longtemps. Nous ne pouvons le terminer sans remercier du fond du coeur
tous ceux qui, de loin ou de près, ont contribué, moralement,
intellectuellement ou matériellement à sa réalisation.
Nos remerciements s'adressent a Me Julien NGABONZIZA,
Directeur de ce mémoire, qui a fait preuve de patience, d'encouragement
à notre égard, et dont l'esprit critique, les conseils, les
réflexions , et les discussions nous ont guidé et
éclairé tout au long de notre travail. Ses conseils pertinents
nous ont permis de surmonter bien d'écueils et d'éviter quelques
faux pas. Qu'il en soit remercié.
En second lieu, nous remercions le corps académique et
administratif de l'UNR, ainsi que tous les éducateurs dont les efforts
ont contribué à notre mémoire.
Bien entendu, nous remercions particulièrement Maitre
MUTABAZI K.Thomas dont le soutien s'est manifesté depuis toujours dans
tous le parcours qui nous a conduits jusqu'ici.
Enfin, nous remercions également Maitre Sylivain
NTAMUGABUMWE ainsi que Maitre Bernadette UWINGABIRE et pour tout ce qu'ils ont
su nous apporter comme réflexions, pour leurs disponibilités,
leurs écoutes et leurs amitiés tout au long de notre travail.
Qu'à travers ces lignes, tous ceux qui nous ont soutenu
tant matériellement que moralement, trouvent l'assurance que nous ne
pouvons jamais les oublier.
KARAKE Afrique
V
SIGLES ET ABREVIATIONS
§ : Sous section
Al. : Alinéa
ADPIC : Accord sur les aspects des Droits de la
Propriété Intellectuelle
touchant au Commerce
Bull. Crim.: Bulletin des arrêts de la chambre
Criminelle
Cass.: Cassation
CCLIII : Code Civil Livre Troisième
civ.: Civil
Et. al. : et alii (et autres)
Ibid. : Même endroit (même auteur,
même endroit, même page)
Idem : Même auteur, même ouvrage
J.O / JORR : Journal Officiel de la République
Rwandaise
N° : Numéro
Oct.: Octobre
OMPI : Organisation Mondiale de la propriete intellectuelle
OMC : Organisation Mondiale du Commerce
Op. cit., : Opere citato (déjà
cité)
P.: Page/ pages
Para.: Paragraphe
T. : Tome
UE : Union Européenne
Vol.: Volume
§1. De La loi du pays d'origine (la lex loci originis) 16
vi
TABLE DES MATIERES
DEDICACE i
REMERCIEMENTS iv
SIGLES ET ABREVIATIONS v
TABLE DES MATIERES vi
INTRODUCTION GENERALE 1
I. Présentation du sujet 1
II. Problématique 3
III. Choix et intérêt du sujet 3
IV. Méthodologie du travail 3
V. Délimitation et subdivision du travail 4
CHAP I. CONSIDERATION GENERALE SUR LE DROIT DE PROPRIETE 5
INTELLECTUEL 5
Section 1. Notions des concepts clés 5
§1. Définition 5
Section 2. Composants du droit de propriété
intellectuelle 7
§1. Le droit de la propriété littéraire
et artistique 7
§2. Le droit de la propriété industrielle 9
§3. Quid des bases de données en droit de
propriété intellectuelles 10
Section III. Nature juridique des droits de
propriété intellectuelle. 11
§1. Convention de Berne de 1886. 12
§2. Les traités de l'organisation mondiale de la
propriété intellectuelle (OMPI) 12 §.3 L'accord sur les
aspects des droits de la propriété intellectuelle touchant au
Commerce
(A.D.P.I.C). 13
§4. En droit interne des Etats 15
CHAPITRE
II. LA PROBLEMATIQUE DE LA DETERMINATION DE LA LOI
APPLICABLE ET
LA JURIDICTION COMPETANTE AU DROIT DE PROPRIETE INTELLECTUELLE
16
SECTION I. DE LA DETERMINATION DE LA LOI APPLICABLE 16
VII
§2. La loi du pays de protection (lex loci protectionis)
19
SECTION 2. DE LA DETERMINATION DE LA JURIDICTION COMPETANTE
22
§1. Analyse de la théorie d'émission (loi
du pays d'émission) 23
§2. Analyse de la théorie de réception (
lex ratione loci) 24
§3. Applicabilité de la théorie
d'émission et de réception 25
§4. Quid de la juridiction compétente en cas de
violation des Droits de propriété 28
intellectuelle sur internet 28
CHAPITRE III. LES MECANISMES JURIDIQUES ET
INSTITUTIONNELLES
ENVISAGEABLES POUR LA PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE
INTELLECTUELLE
SUR INTERNET 31
Section I. Les mécanismes juridiques 31
§1. De la nécessite des conventions
internationales à la matière 31
§2. Adaptation des conventions et lois existantes aux
exigences actuelles 32
§3. De la réparation en cas de violation des
droits de propriété intellectuelle sur internet 34
Section II. Les mécanismes institutionnels 35
§1. La mise en place d'une institution multinationale de
protection de droit 35
intellectuelles sur internet 35
§2. De la nécessité de l'institut
d'arbitrage international pour un litige de propriété
intellectuelle 36
CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATION 37
BIBLIOGRAPHIE 41
1
INTRODUCTION GENERALE
I. Présentation du sujet
Le développement récent des nouvelles
technologies, et plus particulièrement d'internet, bouleverse
considérablement la conception classique des échanges et des
relations entre les hommes, tout type d'information circule entre tous les
utilisateurs, sur l'ensemble de la planète, de façon rapide et
immatérielle. Les caractéristiques d'internet, qui en font un
réseau mondial et complètement décentralisé, lui
permettent de s'affranchir à la fois du temps et de
l'espace1. Le réseau ne connaît pas de
frontières, et aucune structure n'a vocation à le diriger
globalement. Il en découle une apparente liberté ainsi qu'une
absence de contrôle administratif du comportement des différents
acteurs en présence2. Pour autant, on ne peut parler de vide
juridique sur Internet, la loi existe et est censée s'y appliquer comme
ailleurs.
En matière de propriété intellectuelle,
la question du droit d'auteur sur Internet semble particulièrement
prégnante, en raison des moyens qui y sont offerts pour la piller. Elle
apparaît comme déterminante pour apporter la confiance
nécessaire, entre les différents acteurs, à l'essor du
commerce électronique.3 On constate en effet qu'à
l'heure actuelle, tant les éditeurs traditionnels que les producteurs de
musique ou d'oeuvres audiovisuelles demeurent réticents à
proposer leurs oeuvres sur le réseau. Pour cela, le contrefaçon
et piratage les ont vu une ampleur très sérieuse4.
Le domaine le plus touché, sans doute, et en tout cas
le plus bruyant, est celui de la musique. Mais les autres ne sont pas en reste
; tous, d'une façon ou d'une autre, à un degré quelconque,
sont affectés par la difficulté qu'il y a à faire
respecter les droits d'auteur sur Internet.
Nous avons relevé trois caractéristiques de ce
nouveau support qui perturbent l'application des lois sur la
propriété intellectuelle :
Le caractère international d'internet, la
facilité qu'il offre pour la reproduction, et enfin la difficulté
qu'il peut y avoir à contrôler efficacement l'exploitation des
oeuvres ainsi qu'à identifier avec exactitude l'origine d'une
infraction.
1 A. BERTRAND, « Le droit d'auteur et les
droits voisins », Paris, Dalloz, 1999.
2 Ibidem.
3 C. COLOMBET, « Propriété
littéraire et artistique et droits voisins ». Paris, Dalloz,
1999.
4X., Propriété intellectuel sur Web, en
ligne sur
http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Propri%C3%A9t%C3%A9_intellectuelle&action=submit,
consulte le 12/09/2011.
2
Pour ce qui est de la dimension mondiale du réseau, les
problèmes sont essentiellement d'ordre juridique. Ils ne se posent en
réalité qu'en cas de litige, lorsqu'une plainte est
déposée pour piratage ou exploitation illicite d'une oeuvre. En
fait, devant un tel cas, on se heurte à deux questions principales :
Premièrement, celle de savoir quel est le tribunal
compétent pour trancher le différend qui oppose les deux parties,
et, deuxièmement, celle de savoir la loi qui doit être prise en
compte. Il est en effet fréquent que le litige soit entre deux parties
de nationalité différente, de sorte que chacune relève
à la fois d'une législation et d'un tribunal qui lui sont
propres5. Or toute la difficulté est de déterminer
s'il faut appliquer la loi du pays du plaignant et juger l'affaire dans un
tribunal de sa nationalité, ou si, au contraire, c'est du
côté de l'accusé, et donc généralement du
lieu où s'est produit l'infraction, qu'il faut se tourner.
La deuxième caractéristique d'Internet et plus
généralement de toutes les nouvelles technologies est la
facilité qu'elles offrent pour la reproduction. Rien n'est plus
aisé en effet que de télécharger un logiciel
piraté, des fichiers de musique, des images, pour les stocker sur son
disque dur ou sur des CD. Il est vrai qu'en cela Internet n'a rien de nouveau,
les cassettes audio ou vidéo nous permettaient déjà des
copies illégales, et les photocopieuses, des reproductions de livres ou
d'images à bon marché. Aussi, si ce support n'est pas directement
la cause du problème, il l'a quand même lourdement aggravé
en entraînant l'explosion d'un phénomène qui existait
déjà avant lui.
La troisième caractéristique d'Internet que nous
mentionnerons est la difficulté qu'il peut y avoir pour contrôler
efficacement l'exploitation qui est faite d'une oeuvre, et après,
lorsqu'une exploitation détournée est remarquée, pour en
identifier l'origine. Avec Internet, n'importe quel connecté, de
n'importe où, peut sans difficulté reprendre une oeuvre, la
détourner, et l'exploiter comme il l'entend6. Contrôler
cela exigerait pour les parties concernées qu'elles soient sans cesse
à l'affût, effeuillant toutes les 500 milliards de pages à
la recherche du détournement ou de l'exploitation
illicite7.
En outre, rien ne leur garantirait qu'ils soient en mesure
d'identifier l'origine de ce détournement ou de cette exploitation, et
donc qu'ils puissent condamner le coupable. Ainsi, si, comme nous le disions,
l'exploitation illicite des oeuvres n'est pas apparue avec le Net, celui-ci
permet de le faire dans une quasi-impunité.
5 F., BATTIFOL, Droit International
Privé, ed. 1967, n 557, cité par J. de BURLET,
Précis de Droit International Prive Congolais, Larcier,
Bruxelles, 1971, n.376, p.307.
6 Y. POULLET, "Les diverses techniques de
réglementation d'Internet: l'autorégulation et le rôle du
droit étatique", Ubiquité n°5, Juin 2000, p.
55.
7 Y. GENDREAU, Le droit de reproduction et
l'Internet, R.I.D.A., octobre 1998, n°178, P. 3 et suiv.
3
II. Problématique
A présent, il nous sied à démontrer
quelques lacunes sur le plan juridique d'une part et de la
nécessité de créer une réglementation favorable aux
innovations technologique d'autre part :
1. La première préoccupation est celle relative
à la compétence du tribunal et de la loi applicable en cas
d'exploitation illégal du droit de propriété
intellectuelle sur internet.
2. Quels sont les efforts législatifs et juridiques
visant à renforcer la protection et les traitements des données
personnelles en ligne ?
III. Choix et intérêt du sujet
Le choix de cette thématique, se justifie par l'envie
de savoir s'il ya des moyens de protection des droits de l'auteur d'un oeuvre
exposé sur l'internet. Scientifiquement, la présente étude
permet d'analyser les lois et la jurisprudence relatives au sujet enfin d'en
faire critique et d'en donner les mécanismes d'amélioration.
Pédagogiquement, elle nous conditionnera à
revisiter et à approfondir les notions déjà acquises dans
différentes disciplines du droit notamment en droit international
privé et droit de propriété intellectuel .
Enfin, sans être prétentieux, il reste vrai que
cette étude permettra également de mettre à la disposition
d'autres chercheurs, désirant se pencher sur cette thématique
dans la vue de l'approfondir, un instrument de travail et de
référence facilement exploitable.
Et pour mener à bien notre étude, certaines
méthodes et technique nous ont été utiles.
IV. Méthodologie du travail
Dans le cadre d'enrichir notre travail, les techniques et
méthodes se sont avérées nécessaires.
D'une part, la technique documentaire nous a facilité
de collecter des données relatives à cette étude à
travers les ouvrages, revues, sites internet et autres documents.
D'autre part, la méthode analytique nous a permis
d'essayer d'analyser les instruments juridiques nationaux et internationaux
relatifs à notre sujet, Si la méthode comparative nous a
mené à porter notre regard sur la législation
étrangère en matière de protection du droit intellectuel
sur internet , la méthode synthétique nous a facilité
à effectuer un résumé de toutes nos données tandis
que la méthode exégétique nous a permis
d'interpréter nos données avec des explications
détaillées à l'appui des différents textes de lois
ainsi que la jurisprudence étrangère et nationale sur la nature
de cette protection.
4
Ce sujet, bien qu'ayant déjà circonscrit son
champ de recherche, requiert quand même qu'il en soit rappelé les
contours.
V. Délimitation et subdivision du travail
Malgré la sérieuse difficulté de
délimiter temporellement le champ de notre étude, il est de bon
aloi d'en énoncer les limites.
Au plan spatial, la réflexion au cours de cette
étude porte sur la protection des droits de la propriété
intellectuelle sur internet dans l'ensemble des pays qui se trouvent sur
l'espace terrestre.
Mais si la délimitation est ainsi conçue, la
subdivision du travail s'impose. Outre l'introduction et la conclusion
générales, le travail est subdivisé en deux chapitres.
D'abord, la première porte sur la problématique
de la détermination de la loi applicable et la juridiction
compétente au droit de propriété intellectuelle, le
deuxième chapitre va focaliser sur les mécanismes juridiques
envisageables pour la protection des droits de propriété
intellectuelle sur internet.
5
CHAP I. CONSIDERATION GENERALE SUR LE DROIT DE
PROPRIETE
INTELLECTUEL
Dans ce chapitre, il est question d'analyser les concepts
clés de la notion du droit de propriété intellectuel en
faisant une comparaison entre les différentes notions du droit de
propriété intellectuel avec les notions connexes (section1), on
verra aussi les composants du droit de propriété intellectuel
(section 2)puis sa nature juridique (section 3).
Section 1. Notions des concepts clés
Avant d'aborder la présente section en détail,
il nous sied de donner les éclaircissements complet et concret de
quelques notion utile que ce chapitre va tourner autour, entre autre la
propriété intellectuelle.
§1. Définition
A. Propriété intellectuelles
Selon A. CAZENOBE, les droits de la
propriété intellectuelle peuvent se définir comme
l'ensemble des droits attachés à l'exploitation d'une oeuvre de
l'esprit impliquant création ou invention, droits dont les titulaires
sont légalement reconnus comme tels et qui, à ce titre, peuvent
bénéficier de droits économiques et aussi pour certains,
de droits dits moraux8.
Selon la convention de Berne9, droit de
propriété intellectuelle est définie comme l'ensemble des
droits exclusifs accordés sur les créations intellectuelles.
D'après Wikipedia, On entend par «
propriété intellectuelle, l'ensemble des droits de
propriétés intellectuelles et des stratégies
appliquées : non seulement les dépôts pour la constitution
des droits, mais également la valorisation, l'exploitation, la
défense par exemple en cas de contrefaçon, et aussi les
recherches d'antériorités, les consultations juridiques, la
rédaction d'actes sous seing privé, la formation et
l'évaluation financière » 10.
Au Rwanda, la loi portant protection de la
propriété intellectuelle définit la
propriété intellectuelle comme droits relatifs aux oeuvres
littéraires, artistiques et scientifiques ; interprétations des
artistes interprètes et exécutions des artistes exécutants
; droits relatifs aux
8 A. CAZENOBE, le droit de la
propriété intellectuelle et les collections audiovisuelles,
en ligne sur
http://www.cncpi.fr/iaa145-45-enjeux-pi-france-valorisation-recherche-brevet-marque.htm?level,
consulté le 21/09/2011.
9 Convention de Berne de 1886en ligne sur
http://fr.wikipedia.org/wiki/Convention_de_Berne_pour_la_protection_des_%C5%93uvres_litt%C3%A9raires_
et_artistiques, consulté le 12/09/2011.
10X., Propriété intellectuelle,
ligne sur
http://fr.wikipedia.org/wiki/Propri%C3%A9t%C3%A9_intellectuelle,
consultée le 02/09/2011.
6
phonogrammes ; émissions de radiodiffusion ;
découvertes scientifiques et autres inventions dans tous les domaines de
l'activité humaine ; dessins et modèles industriels ; marques de
fabrique, de commerce et de service ; noms et dénominations commerciaux
; protection contre la concurrence déloyale ; tout autre droit
afférent à l'activité intellectuelle dans les domaines
industriel, scientifique, littéraire et artistique11.
B. Le droit intellectuel et moral.
Au côté du droit intellectuel, les auteurs
possèdent également un intérêt non pécuniaire
dans leur oeuvre, principalement celui de décider de rendre leur oeuvre
publique, d'en réclamer la paternité ainsi que de s'opposer
à toute utilisation susceptible de porter atteinte à
l'intégrité de l'oeuvre. Ces prérogatives sont
communément appelées les « droits moraux » de
l'auteur12.
Les droits moraux sont caractéristiques de la tradition
de droit civil. D'autres systèmes juridiques, particulièrement
ceux des pays de Common Law, accordent parfois de tels droits sur une base
juridique autre que le droit d'auteur, tel que la responsabilité civile,
la concurrence déloyale et le droit des contrats13.
Le droit intellectuel et moral renvoie tout d'abord au droit
pour l'auteur au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce
droit est perpétuel, inaliénable et imprescriptible14.
Il comprend aussi, le droit exclusif de l'auteur à la divulgation de son
oeuvre. Autrement dit, il appartient à l'auteur seul, de décider
non seulement si, oui ou non, son oeuvre sera mise à la disposition du
public, mais aussi par quel(s) procédé(s) et sous quelles
conditions15.
C. Le droit intellectuel est un droit patrimonial
Les droits patrimoniaux de l'auteur lui donnent la
possibilité de vivre de son oeuvre16. Ils confèrent
dès lors à l'auteur le droit exclusif d'autoriser d'autres
personnes à utiliser son oeuvre selon des conditions approuvées
et de prendre action contre toute utilisation non
autorisée17. Les droits patrimoniaux sont reconnus par toutes
les lois sur le droit d'auteur du monde et concernent
généralement toutes les activités commerciales, de la
reproduction physique de livres et de la représentation de pièces
de théâtre, à leur diffusion sur Internet. Donc, il
correspond essentiellement au droit d'exploitation. Comme nous venons de les
11 Article 3 de la loi portant protection de la
propriété intellectuelle au Rwanda.
12 L'article 121-1 du CPI français.
13 D. HOLLEAUX, J. FOYER et G. GEOUFFRE, Droit
international privé, Paris, Masson, 1987, n.149.
14 F. POLLAUD rappelle que le droit moral est
l'exception parmi les autres droits de la personnalité, en ligne sur,
http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Propri%C3%A9t%C3%A9_intellectuelle&action=submit,
consulté le 13/08/2011.
15 Ibidem
16 D. FROCHOT, Le statut juridique du
résumé documentaire , 2006-04-16 - révisé en
juin 2010
17 Ibidem
7
signaler ci haut, ce dernier recouvre lui-même deux
droits : celui de la représentation et celui de la
reproduction.18On entend ici par représentation toute
communication de l'oeuvre au public, par n'importe quel
procédé19. Il appartient en ce sens à l'auteur
d'accepter, ou de refuser, que son oeuvre soit diffusée, et de choisir
le mode de cette diffusion.
Le droit de reproduction, permet à l'auteur de
maîtriser la reproduction de son oeuvre. Ces droits peuvent être
cédés par l'auteur, de façon gratuite ou onéreuse.
C'est ainsi qu'il peut obtenir une rémunération pour ses
productions, convenue par le contrat de cession.
Section 2. Composants du droit de
propriété intellectuelle
Le droit de la propriété intellectuelle se
divise en deux branches, le droit de la propriété
littéraire et artistique (§1) et le droit de la
propriété industrielle (§2)
§1. Le droit de la propriété
littéraire et artistique
Constitué par l'ensemble des règles juridiques
qui s'appliquent en vue d'assurer une protection aux oeuvres de l'esprit et
à leurs auteurs et ayants droit. Le droit de la propriété
littéraire et artistique est une branche du droit civil
particulière qui est rattachée au droit de la personnalité
et au droit de propriété.20
A. Droit d'auteur
Le droit d'auteur est l'ensemble des prérogatives
exclusives dont dispose un créateur sur son oeuvre de l'esprit
originale21. Il se compose d'un droit moral et de droits
patrimoniaux.
1. Les droits patrimoniaux
Ces droits permettent à l'auteur d'être
rémunéré pour chaque utilisation de son
oeuvre22. Ils ne sont accordés que pour une durée
limitée qui varie selon les pays et la nature de l'oeuvre. A l'issue de
la durée de protection, l'oeuvre entre dans le domaine public, et peut
être librement utilisée par tous23. Le droit d'auteur
donne le choix exclusif des modalités de publications, reproduction,
adaptation et traduction de ses oeuvres pour un temps donné. Son
rôle fondamental est en effet de permettre à l'auteur, s'il le
souhaite, d'obtenir une rémunération
18 Article 37 de la loi portant protection de la
propriété intellectuelle au Rwanda
19 Article 38 de la même loi.
20 Y. LOREN, Intellectual Property,
Observations on Efforts to Quantify the Economic Effects of Counterfeit and
Pirated Goods », in GAO, no 10-423, Avril 2010.
21 Ibidem.
22F., POLLAUD, Abus de droit et droit moral,
Recueil Dalloz, Paris ,1993.
23 Ibidem.
8
pour son travail en le protégeant de la copie non
autorisée de ses oeuvres, notamment du piratage24.
2. Les droits moraux
Les droits moraux sont essentiellement liés à la
personnalité de l'auteur et regroupent le droit de revendiquer la
paternité de l'oeuvre, le droit de décider du moment et des
modalités de sa publication (droit de divulgation), le droit de
s'opposer à toute déformation ou mutilation de l'oeuvre (droit au
respect de l'oeuvre), le droit de s'opposer à toute utilisation pouvant
porter atteinte à la réputation ou à l'honneur de
l'auteur25.
En droit français, ils comportent également le
« droit de retrait et de repentir »26, c'est-à-dire
qu'un auteur a le droit de demander à ce que son oeuvre soit
retirée de la circulation en échange d'une compensation des
personnes engagées dans sa distribution, qui jouissent par ailleurs d'un
droit de priorité en cas de remise en circulation de ladite
oeuvre27. Contrairement aux droits patrimoniaux, ces droits moraux
sont inaliénables, perpétuels et imprescriptibles : un auteur ne
peut pas les céder (mais ils sont transmis par héritage car
perpétuels), ils n'expirent pas et il est impossible d'y
renoncer28.
B. Le copyright
Le copyright (traduction littérale : droit de
copie) est le concept équivalent au droit d'auteur appliqué
par les pays de Common Law. Le copyright s'attache plus à la protection
des droits patrimoniaux qu'à celle du droit moral29.
Toutefois, depuis l'adhésion de 164 pays à la Convention de Berne
sur le droit d'auteur, le droit d'auteur et le copyright sont en grande partie
harmonisés, et l'enregistrement de l'oeuvre auprès d'un organisme
agréé n'est en général plus nécessaire pour
bénéficier d'une protection juridique.
Ce n'est qu'avec la signature de la Convention de Berne en1989
que les pays comme États-Unis reconnaissent une dimension morale au
droit d'auteur. Ces droits sont d'ailleurs encore sévèrement
critiqués par les éditeurs américains, qui estiment qu'ils
limitent
24 P SIRINELLI, Propriété
littéraire et artistique, Dalloz, Mémento, 1996.
25 Ibidem.
26 F., POLLAUD, op. cit., p.143.
27F. BENHAMOU et J.FARCHY, Droit d'auteur et
copyright, La Découverte, 128 p.
28 Ibidem.
29 Ibidem.
9
abusivement la capacité des auteurs et des
éditeurs à contracter librement et font peser un risque sur toute
entreprise d'édition.
Dans une vision volontairement simpliste de la distinction
classique faite entre droit d'auteur et copyright, il ressort que le droit
d'auteur fait primer le droit sur l'économie tandis que le copyright
assure une plus grande part aux impératifs économiques sur le
droit30. Mais il serait faux d'opposer littéralement ces deux
conceptions, tant elles tendent à se recouper aujourd'hui. C'est ainsi
par exemple que onze Etats américains intègrent la notion de
droit moral dans leur copyright, et que celui-ci joue un rôle de plus en
plus important dans les décisions de justice prises sur tout le
territoire américain31. Tandis que du côté du
droit français, celui-ci tend de plus en plus à encadrer la
portée du droit moral, pour le rendre plus flexible
économiquement.32
§2. Le droit de la propriété
industrielle
Constitué par l'ensemble des règles qui assurent
la protection et la rémunération des auteurs et
sociétés exploitantes des dessins et modèles, brevets
d'invention, marques de fabrique, droit qui ressort du droit commercial. Nous
examinerons deux points qui se rattachent à notre sujet : le droit des
brevets (A), composante du droit des créations industrielles et le droit
des marques (B).
A. Droit des brevets
Un brevet confère un droit exclusif sur une invention, qui
est un produit ou un procédé offrant une nouvelle manière
de faire quelque chose ou apportant une nouvelle solution technique à un
problème. Un brevet confère à son titulaire la protection
de l'invention. Cette protection est octroyée pour une durée
limitée, qui est généralement de 20 ans, et pour un
territoire donné33.
Le titulaire du brevet peut céder son brevet à
un tiers, ou en concéder une licence d'exploitation,
généralement contre rémunération34. Le
monopole n'est accordé que sous réserve que le brevet soit
entretenu, c'est-à-dire que des taxes de maintien en vigueur soient
payées régulièrement. En contrepartie, l'invention sera
divulguée et enrichira ainsi le patrimoine collectif de connaissances.
Les entreprises occidentales ne voient souvent dans les
30L., GUILLAUME DE LACOSTE ,Le droit d'auteur
est-il une notion périmée ? , NonFiction., 23 avril 2010
31F. LATRIE, Du bon usage de la piraterie : culture libre,
sciences ouvertes, Exils Éditeur, 2007.
32 Ibidem.
33 Ibidem.
34 E. COLIN, F. BERNA, Droit de
propriété intellectuelle et les nouvelles technologies,
Paris, Dalloz,1998 5p.
10
brevets qu'une manière vieille et peu efficace de
protéger leurs inventions et leur savoir-faire contre un éventuel
piratage.35
B. Droit des marques
Une marque est un signe distinctif qui indique que des
produits ou des services sont produits ou fournis par une personne ou une
entreprise déterminée36. La protection
conférée pour une marque est d'une durée variable, mais
peut généralement être renouvelée
indéfiniment37. De ce fait, Une marque de fabrique, de
commerce ou de service sert à distinguer les produits ou services d'une
personne physique ou morale38.
Le propriétaire des droits sur la marque
bénéficie d'un véritable droit de propriété
qui lui permet de s'opposer à toute usurpation et à toute
utilisation de la marque par un tiers, dans tous les pays où celle-ci a
été déposée. L'enregistrement d'une marque permet
ainsi l'interdiction pour les tiers de déposer ou d'utiliser sans
autorisation, sous quelque forme que ce soit, la marque ou l'un de ses
éléments distinctifs.
§3. Quid des bases de données en droit de
propriété intellectuelles
Par base de données, on entend ici tout recueil
d'informations, sous forme électronique ou non (à l'exception du
moteur logiciel, si la base est sous forme électronique), accessibles
individuellement. Cette définition très large couvre aussi bien
en pratique les banques de données que des sites internet par
exemple.39
Les bases de données en Europe possèdent leur
propre protection juridique, depuis la directive européenne du 11 mars
1996. Cette protection a la caractéristique d'être double. Les
bases de données sont protégées d'une part comme oeuvre de
l'esprit, par le droit d'auteur, et d'autre part comme bien informationnel d'un
genre nouveau, par le droit sui generis du producteur de la base de
données40.
La première protection, conformément à la
philosophie du droit d'auteur, concerne uniquement la forme de la base, son
architecture, et est conditionnée comme pour tout autre
35 Ibidem.
36L.BERTRAND, L'usufruit des droits de
propriété intellectuelle, PUAM, 2006.
37 Ibidem.
38 Ibidem.
39 X., les bases des données en droit de
propriété intellectuel en ligne sur
http://php.net/manual/fr/security.database.php
, consulté le 20/08/2011. 40X., Protection des bases des
données ,en lige sur
http://www.commentcamarche.net/contents/bdd/bddintro.php3,
consulté le30.09.2011.
11
oeuvre par une condition d'originalité. La base doit
avoir un choix d'indexage original pour être protégé par le
droit d'auteur.
La deuxième protection, spécifique aux bases de
données, concerne la matière contenue par la base. Le droit
sui generis est rangé dans la catégorie des droits
voisins du droit d'auteur, droit de propriété incorporelle
ad hoc, donnant des prérogatives patrimoniales au producteur de la
base. Mais comme pour le droit d'auteur, l'exercice du droit est attaché
à une condition. Ici, il ne s'agit pas d'originalité, mais de
valeur économique : la base doit avoir été l'objet d'un
investissement qualitativement ou quantitativement substantiel.
Le producteur de la base de données peut donc interdire
à tout utilisateur l'extraction d'éléments
quantitativement ou qualitativement substantiels de la base, ou l'extraction
systématique de celle-ci.
La protection vaut pour 15 ans. Certaines exceptions sont
prévues pour les utilisateurs légitimes. La théorie de
droit commercial des facilités essentielles s'applique aussi et limite
largement la portée du droit dans la situation où le producteur
de la base serait dans une situation de monopole de fait.
A noter qu'il est indifférent que la base soit publique
ou non. Les données publiques restent publiques et sont libres de droit
; mais ce qui est protégé est leur assemblage en un schéma
particulier, selon l'idée que le tout vaut plus que la somme des
composants. Ainsi n'importe qui par exemple pourrait construire et
commercialiser sa propre base de données d'annuaire
téléphonique. En revanche, personne n'aurait le droit de
simplement "copier-coller" les pages jaunes41
Section III. Nature juridique des droits de
propriété intellectuelle.
Les multiples lois qui sont regroupées sous le terme de
propriété intellectuelle appliquent à des régimes
juridiques différents d'une part la Convention de Berne sur les droits
de propriété intellectuelles (§1), ces natures et
régimes étant eux-mêmes fonctions de chaque juridiction
locale (§2).
41 . DUSOLLIER, Le droit d'auteur : vers un
contrôle de l'accès à l'information, Cahier du CRID
n° 18, Bruylant, 2000.
12
I. Convention de Berne de 1886.
La Convention de Berne pour la protection des oeuvres
littéraires et artistiques, « matrice du droit conventionnel
», est un traité diplomatique qui établit les fondements de
la protection internationale des oeuvres. Elle permet notamment à un
auteur étranger de se prévaloir des droits en vigueur dans le
pays où ont lieu les représentations de son
oeuvre42.
Signée le 9 septembre 1886 à Berne, elle a
été complétée à Paris (1896),
révisée à Berlin (1908), complétée à
Berne (1914), révisée à Rome (1928), à Bruxelles
(1948), à Stockholm (1967 et à Paris 1971 et modifiée en
1979.
Ce traité, dont les parties contractantes (pays
signataires) sont au nombre de 164 en 2009, est géré actuellement
par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle
(OMPI).
Bien que la convention de Berne garantisse à chaque
auteur l'obtention d'un monopole international sur les oeuvres
littéraires ou artistiques qu'ils conçoivent, c'est toujours la
juridiction locale en vigueur qui s'applique43.
II. Les traités de l'organisation mondiale de la
propriété intellectuelle (OMPI)
L'Organisation Mondiale de la Propriété
Intellectuelle (OMPI) est une institution spécialisée des Nations
Unies créée en 1967 par la signature à Stockholm de la
convention instituant l'OMPI pour promouvoir la protection de la
propriété intellectuelle. Ses prédécesseurs, les
BIRPI (les Bureaux Internationaux Réunis pour la Propriété
Intellectuelle) avaient été fondés en 1893 pour
administrer la Convention de Berne.
L'OMPI est chargée de promouvoir la protection de la
propriété intellectuelle dans le monde entier grâce
à la coopération entre États et d'administrer
différents traités multilatéraux sur les aspects
juridiques et administratifs de la propriété intellectuelle.
A l'origine, ses Etats membres sont au nombre de 51. En 2010,
elle compte 184 pays membres avec lesquels elle travaille à
l'harmonisation des régimes juridiques nationaux en matière de
propriété intellectuelle, et à la simplification des
procédures visant à assurer la protection ce type de
propriété.
42X., Convention de Berne, en ligne sur
http://fr.wikipedia.org/wiki/Convention_de_Berne_pour_la_protection_des_%C5%93uvres_litt%C3%A9raires_
et_artistiques, consulté le 20/09/2011.
43 Article 6-12 de la convention de Berne de 1886.
13
Deux traités ont en outre été conclus en
décembre 1996 sous l'égide de l'organisation mondiale de la
propriété intellectuelle (O.M.P.I.), à Genève, par
une conférence diplomatique regroupant plus de cent Etats membres.
La première concerne le droit d'auteur, la seconde les
interprétations et exécutions et les phonogrammes. Ces
traités ont été ouverts à la signature jusqu'au 31
décembre 1997 aux Etats membres de l'OMPI et à la
Communauté européenne, et entreront en vigueur après que
30 États auront déposé leur instrument de ratification ou
d'adhésion.
Si ces traités ont pour vocation d'actualiser le
système international de protection de la propriété
intellectuelle en renforçant les moyens de lutte contre la piraterie,
ils tentent d'apporter, bien plus que l'accord ADPIC, une réponse tant
à l'essor des nouvelles techniques de diffusion de données qu'au
développement d'un droit de communication au public.
Les deux conventions tendent en effet à élargir
la protection conférée par le droit de reproduction afin de tenir
compte de l'impact de la numérisation des informations dans leur
transport et leur stockage.
§.3 L'accord sur les aspects des droits de la
propriété intellectuelle touchant au
Commerce (A.D.P.I.C).
L'Accord sur les aspects des droits de propriété
intellectuelle qui touchent au commerce ou accord sur les ADPIC a
été conclu entre l'OMPI (organisation mondiale de la
propriété intellectuelle) et l'OMC (organisation mondiale du
commerce) à la fin de « l'Uruguay Round » en 1994, et a ouvert
une ère nouvelle en ce qui concerne la protection et la sanction au plan
multilatéral des droits de propriété intellectuelle.
L'accord sur les ADPIC réglemente les droits d'auteur
et droits connexes, les marques de fabrique ou de commerce, les indications
géographiques (y compris les appellations d'origine), les dessins et
modèles industriels, les brevets (y compris la protection de nouvelles
variétés végétales), les schémas de
configuration (topographies) de circuits intégrés et les
renseignements non divulgués (y compris les secrets commerciaux).
L'accord sur les ADPIC est l'instrument de protection des
droits de propriété intellectuelle le plus complet dans ce
domaine au niveau international. Cet accord est venu ajouter des obligations
à celles des conventions de Paris, Berne, Rome et Washington dans leurs
champs respectifs. Tout pays qui devient membre de l'OMC et qui souscrit aux
ADPIC s'engage à respecter ces conventions.
Les dispositions de cet accord sont directement
complémentaires des traités internationaux administrés par
le Secrétariat de l'OMPI.
14
L'Accord sur les ADPIC exige que tous les Etats membres de
l'OMC introduisent dans leur législation des normes universelles
minimales pour presque tous les droits dans ce domaine, par exemple le droit
d'auteur, les brevets et les marques. Ainsi, tous les membres de l'OMC sont
désormais obligés de protéger par brevet, pour une
période de 20 ans minimum, toute invention de produit ou de
procédé pharmaceutique qui remplit les critères de
nouveauté, invention et utilité. Il institue également un
mécanisme multilatéral de résolution des différends
entre les Etats.
L'accord ne met pas en place un régime unique mais
oblige les signataires à respecter certains principes de base en
matière de protection de la propriété intellectuelle.
Il a pour but d'intégrer les droits de
propriété intellectuelle (droits d'auteur, marques de fabrique ou
de commerce, brevets, etc.) dans le système de l'OMC.
Cet accord applique strictement les règles du commerce
et de la propriété aux droits de propriété
intellectuelle.
L'accord porte sur cinq grandes questions44 :
> Comment les principes fondamentaux du système
commercial et des autres accords internationaux sur la propriété
intellectuelle doivent être appliqués ?
> Comment assurer la protection adéquate des droits
de propriété intellectuelle ?
> Comment les pays doivent faire respecter ces droits de
manière appropriée sur leur territoire?
> Comment régler les différends sur la
propriété intellectuelle entre les membres de l'OMC ?
> Quels arrangements transitoires spéciaux devraient
être appliqués pendant la période de mise en place du
nouveau système ?
Cet accord comportait l'obligation, pour chaque pays membre,
d'accorder, en ce qui concerne la protection de la propriété
intellectuelle, le traitement prévu dans l'Accord aux personnes des
autres membres.
Les signataires de l'accord s'engagent à assurer en la
matière l'égalité de traitement pour les ressortissants et
pour les étrangers (« traitement national »), et à
respecter l'égalité de traitement pour les ressortissants de tous
les partenaires commerciaux à l'OMC (« clause de la nation la plus
favorisée »).
15
§4. En droit interne des Etats
La Propriété industrielle et la
propriété littéraire et artistique sont régies par
les principes généraux du droit de la propriété
tels qu'édictés par les codes civils et par les textes
particuliers qui leur sont applicables telles que les dispositions
législatives contenues dans le code de la propriété
intellectuelle des Etats. 45
Les dessins et modèles industriels ont un statut
hybride en droit français, entre propriété industrielle et
propriété littéraire et artistique. Ce statut est en cours
de généralisation dans l'Union européenne
Le terme de « propriété intellectuelle
» est présent dans le droit français (voir le Code de la
propriété intellectuelle). Il est un calque direct de l'anglais,
intellectual propert.46
Au niveau européen, une directive sur l'application des
droits de propriété intellectuelle, comme les droits d'auteur et
les droits voisins, les marques commerciales, les dessins ou les brevets a
été adoptée le 29 avril 2004. Elle exige que tous les
États membres mettent en place des moyens de recours et des sanctions
effectifs, dissuasifs et proportionnés contre les auteurs des actes de
contrefaçon et de piratage, en créant ainsi une
égalité de traitement entre les titulaires de droits dans l'UE.
Or, force est de constater que les pratiques nationales divergent dans la mise
en oeuvre de ce texte et des voies d'amélioration tant au plan
européen que national doivent être
envisagées47.
Le développement des technologies de l'information et
de la communication depuis la fin du XXe siècle a mis en
évidence d'une part l'apparition de problématiques nouvelles
auxquelles les systèmes classiques de propriété
intellectuelle n'étaient pas adaptés, et d'autre part la
difficulté à trouver un consensus sur les évolutions
envisageables. La multiplication du nombre de procès liés
à des questions de propriété intellectuelle est un indice
d'insécurité juridique à cet égard, surtout
à ce qui concerne la détermination de la loi applicable et la
juridiction compétente au droit de propriété
intellectuelle.
45 Définition donnée par l'Organisation
mondiale de la propriété intellectuelle dans Qu'est ce que la
propriété intellectuelle ?, ISBN 978-92-805-1156-7, p. 2
46 G. KRIKORIAN; Free Trade Negotiations can be
Harmful to your Health HIV/AIDS Policy & Law Review, 2006 ; Volume 11,
N°2/3, Décembre 2006. 86-87
47 Respect des droits de propriété
intellectuelle - Réponse de la CCIP à la consultation
européenne sur l'application de la directive du 29 avril 2004, Chambre
de commerce et d'industrie de Paris
16
CHAPITRE
II. LA PROBLEMATIQUE DE LA DETERMINATION DE LA LOI
APPLICABLE ET LA JURIDICTION COMPETANTE AU DROIT DE PROPRIETE
INTELLECTUELLE
Le droit de la propriété intellectuelle est
fondé en pratique sur un arbitrage entre l'incitation à
créer des innovateurs actuels et la préservation des
capacités à utiliser cette conception par les concepteurs futurs.
Cet arbitrage est éminemment politique, et la façon dont les
droits de propriétés intellectuels, actuels ou
espérés, sont répartis entre les agents politiques, aura
un impact direct sur les législations adoptées et la façon
dont elles seront appliquées en réalité. Très
concrètement, on observe une forte demande de protection de la part des
détenteurs (e.g. pays développés, artistes au sein de ces
pays) et une demande de faible protection de la part des tributaires (e.g. pays
en voie de développement, consommateurs de culture).48
Pour palier à ce problème de protection des
droits de la propriété intellectuelle surtout ceux qui sont
exploitable sur les sites internet, un mécanisme juridique conventionnel
devait être mis en place,
Dans ce chapitre, il est question d'analyser les
problèmes découlant sur la détermination de la loi
applicable en cas de violation des droits de propriété
intellectuelle sur internet (section I), ainsi que la juridiction
compétente pour trancher le litige (section II)
SECTION I. DE LA DETERMINATION DE LA LOI APPLICABLE
La présente section va faire une analyse critique de
l'applicabilité de la loi du pays d'origine (§1), la loi du pays de
protection (§2) et la loi du contrat (§3).
§1. De La loi du pays d'origine (la lex loci originis)
A. Analyse
La détermination du pays d'origine d'une oeuvre varie
selon que celle-ci a été ou non publiée. Le pays d'origine
joue un rôle très important pour l'application des règles
de droit internationales, et par exemples pour le principe de la
réciprocité telle qu'il est employé pour les droits
voisins49 ou la comparaison des délais.
48 C. COLOMBET, Grands principes du droit d'auteur
et des droits voisins dans le monde : approche de droit comparé,
UNESCO, 2ème édition - Paris : Litec, 1992, p.10.
49 Convention internationale sur la protection des
artistes, interprètes ou exécutants, des producteurs des
phonogrammes, et des organismes de radiodiffusions, signée a Rome le 26
Octobre 1961.
17
Selon la Convention de Berne50, le pays d'origine
est soit le pays de première publication soit le pays dont l'auteur est
ressortissant51. Or, quel est le pays de première publication
d'une oeuvre sur internet ? La publication est le fait de mettre des
exemplaires de l'oeuvre à disposition de façon à
satisfaire les besoins du public52 . Soit, s'agit-il encore avec
l'internet de la fabrication d'exemplaires ?
En réalité, sur l'internet, il n'y a
probablement plus de pays d'origine pour la plupart des oeuvres qui ne sont
disponibles qu'en édition électronique (thèses, ouvrages
scientifiques, jeux,...). Pour les autres, soit, celles qui sont saisies
après coup dans des banques des données reliées au
réseau, le pays d'origine n'a guère vocation à
s'appliquer.
Tout au plus pourrait on y avoir un rattachement pour la
question de la titularité et de la cession des droits. Très
souvent en effet, le pays d'origine est le pays du premier
éditeur53. Nonobstant les termes restrictifs de la Convention
de Berne, les jurisprudences et les différentes doctrinaires retiennent
parfois le critère du lieu de première divulgation afin
d'identifier le pays d'origine d'une oeuvre. On se trouve donc en
présence de deux conceptions différentes de la notion de pays
d'origine d'une oeuvre.
Selon la Convention de Berne54, le pays d'origine
est soit le pays de première publication soit le pays dont l'auteur est
ressortissant. La question qui se pose ici, est celle de savoir si on peut
appliquer les dispositions prescrites par la convention de Berne, ou retenir
l'application de la jurisprudence et les doctrines. Or, nombreux, sont les
auteurs qui veulent appliquer le droit du pays de l'éditeur au contrat
d'édition, parce que l'éditeur fournirait la prestation
caractéristique. Je ne partage pas ce point de vue, car qu'est ce qui
est plus caractéristique : créer une oeuvre de l'esprit ou faire
tourner une imprimante ou un serveur ?55 Dans des cas exceptionnels,
le rôle de l'éditeur est certes celui d'un grand rassembleur, d'un
architecte de l'oeuvre, pensons aux encyclopédies, sa prestation est
caractéristique dans ces hypothèses uniquement56.
50 Article 5 al. 4 de la Convention de berne pour
la protection des oeuvres littéraires et artistiques du 9 septembre
1886.
51 La Convention se réfère
également au pays de résidence du producteur pour les oeuvres
cinématographiques ainsi qu'au pays d'édification pour les
oeuvres d'architecture. Concernant une oeuvre cinématographique, lire
par exemple : TGI Paris, 30 mai 1984, RIDA, 1984, n. 122, p. 220.
52 Article 3 al.3 de la convention de Berne pour la
protection des oeuvres littéraires et artistiques du 09 septembre
1886.
53 G. KOUMANTOS, Rapport général au
Congrès de l'ALAI de 1996, in Copyright in Cyberspace,
Amsterdam, Otto Cramwinckel, 1997, p.261.
54 Article 5al.4 de la Convention de berne pour la
protection des oeuvres littéraires et artistiques du 09 septembre
1886.
55 J.-S. BERGE, La protection internationale et
communautaire du droit d'auteur, prec. Note 2, n.519
56 D.NIMMER, brains and other paraphernalia of
the digital age, 10 Harvard journal of law and technology 146 ,1996,
p.15.
18
B. Critique
Les arguments en faveur de la loi du pays d'origine sont bien
connus57. On se bornera à rappeler le principal, qui est
qu'elle favorise une dissémination des oeuvres en assurant la
sécurité des ayants droits, lesquels pourront par exemple
identifier plus facilement le titulaire du droit, en sachant que la question
est réglée une fois pour toutes, avant que l'oeuvre franchisse
les frontières.
En réalité, outre que l'existence d'une longue
chaîne de contrats peut compliquer la situation en créant des
incertitudes, la sécurité liée à la
stabilité du rattachement ne serait un avantage que si le pays d'origine
pouvait être facilement identifié58.
Tel n'est pas le cas. S'en remettre à la publication au
sens de l'article 3al.3 de la Convention de Berne (fabrication d'exemplaires en
nombre suffisant pour satisfaire les besoins raisonnables du public) n'est
guère satisfaisant.
Dans le principe déjà, si le rôle capital
dévolu à l'acte de publication du point de vue du conflit de lois
s'explique par l'idée que « la loi du lieu d'origine du droit
d'auteur est identifiée au lieu où l'oeuvre a acquis, pour la
première fois, une dimension sociale, c'est-à-dire au lieu
où elle a rencontré pour la première fois un public
»59, il est difficile de comprendre pourquoi la simple
communication au public serait dépourvue à cet égard de
toute portée60.
Mais surtout la mise en oeuvre de la solution va soulever des
difficultés pratiques pour la diffusion sur les réseaux
numériques. Si l'on s'en tient à la conception
matérialiste de la publication de la Convention de Berne, il semble
logique de considérer que cette diffusion ne vaut pas publication,
puisque la simple mise à disposition ne peut sans abus de langage
constituer une fabrication d'exemplaires61. Or cela revient à
ériger en postulat qu'une oeuvre divulguée pour la
première fois sur le réseau n'est pas publiée, alors
pourtant qu'elle peut être reçue (et d'ailleurs reproduite) par la
planète entière, ce qui, soit dit en passant, est difficile
à comprendre pour le commun des mortels, et qui ne permet pas en toute
hypothèse de trouver un pays d'origine62.
On peut toujours bien sûr imaginer d'élargir la
définition pour y englober la divulgation par l'entremise du
réseau. Encore faudra-t-il localiser cette divulgation ?. Le lieu
57 J.GINSBURG, The private international law of
copyright in an era of technological change, Hague academy of
international law, 1998,p.99.
58 Internet et les Réseaux
Numériques, rapport du conseil d'état, Paris, la
documentation français, 1998, p.149. 59J.-F.CHASSAING,
Internet et le droit pénal, Dalloz 1996, p..329.
60 J.-S. Bergé, op. Cit. p.173.
61 G. KOUMANTOS, op.cit, p.231.
62 Ibidem.
19
de l'injection, qui se prête à toutes les
manipulations, n'offre pas une sécurité suffisante. Il est plus
tentant de désigner le lieu d'établissement de l'opérateur
responsable du site63.
Mais l'Internet n'est pas un réseau structuré,
et il y est plus difficile de localiser des opérateurs, qui peuvent
être de très petite taille, que de retrouver le siège
social du producteur de l'oeuvre cinématographique à partir
duquel peut être déterminé, par application de l'article
5.4 de la Convention de Berne, le pays d'origine de l'oeuvre.64
Laisser le juge déterminer le pays d'origine en «
prenant en compte les circonstances de l'affaire »exclut toute
prévisibilité. Reste le domicile ou la résidence de
l'auteur, mais la solution n'est pas facile à appliquer au cas,
très fréquent, de pluralité d'auteurs.
§2. La loi du pays de protection (lex loci
protectionis)
A. Analyse
Quant on parle la loi du pays de protection, on sous entend la
loi du lieu de survenance du fait dommageable. L'article 5 al.2 de la
Convention de Berne ne dispose que la loi du pays où la protection est
demandée règle « (...) l'étendue de la protection
ainsi que les moyens de recours garantis à l'auteur pour sauvegarder ses
droits (...) »65. Il est difficile d'identifier avec
l'exactitude le lieu de survenance du fait dommageable parce que l'internet n'a
pas d'espace. L'internationalité de l'internet rend le fait dommageable
d'être localiser ou observer sur toute l'étendu de l'espace
terrestre.
En soi, l'application de la lex protectionis est
possible lorsqu' une violation de droit de propriété
intellectuelle se fait grâce à l'internet mais débouche sur
des actes matériels dans un pays précis pour lequel on revendique
la protection66.
Exemple : Ainsi, le célèbre film d'un Rwandais
reconnu sous le nom « hôtel Rwanda » de Mr RUSESABAGINA
Paul67 sur le génocide Tutsi de 1994 peut être interdit
de publication au Rwanda ; mais, on peut le faire venir sur un site en France ;
de là, quelqu'un peut le décharger ; puis le graver ou l'imprimer
en Italie ; et vendre des exemplaires sur des CD en Suisse.
63 A. Lucas, Droit d'auteur et
numérique, Litec, 1998, p.100.
64 L'article 2 de la convention de Bruxelles du 27
septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution
des décisions en matière civile et commerciale.
65 L'article 5 al.2 de la Convention de Berne de 1886.
66 N. GAUTRAUD, Internet, le législateur et
le juge, dossier spécial internet, gaz. Du palais, 25-26
octobre 1996, p.63.
67 L.COSTES, Quel cadre juridique pour internet
?, supplément du droit de l'informatique, n0 98, décembre
1997,p.1
20
La loi de la protection sera celle de chacun des quatre lieux
pour lesquels les droits sont violés ; c'est-à-dire, le droit de
communication publique au Rwanda, le droit de reproduction électronique
en France, le droit de reproduction d'exemplaire gravées ou
imprimées en Italie, le droit de mise en circulation (ou de
distribution) en Suisse. Selon les conclusions de l'éditeur, l'un ou
l'autre de ces droits s'appliquera.
B. Critique
La loi du pays de protection présente, des avantages
très évidents. Il est plus logique d'appliquer le même
droit à toutes les atteintes subies dans un même
pays68. Cela est également plus simple en pratique lorsque ce
droit est en même temps le droit du for, ce qui, on l'a dit, est
fréquent. Au contraire, la loi du pays d'origine qu'on a vu
précédemment est souvent difficile à connaître pour
le juge, « ce qui laisse beaucoup de champ libre pour le meilleur plaideur
»69 .
L'objection majeure qui lui est opposée est qu'elle se
ramène en réalité à la lex loci delicti,
(loi du lieu de l'acte dommageable) laquelle ne prendrait en compte que
l'atteinte au droit. Or ce droit existe avant toute violation et il est
indispensable de savoir dès l'origine quelle loi va le régir,
sans avoir à attendre qu'il soit méconnu.
On peut répondre que l'expression « loi du pays de
protection » permet précisément de dissiper cette
équivoque70. Il ne s'agit pas seulement de la loi applicable
à l'action en responsabilité civile consécutive à
la violation, mais bien de la loi applicable à l'exploitation du droit
sous toutes ses formes, même si, dans la pratique, c'est le droit
d'interdire et non le droit d'autoriser (pour reprendre une formulation
classique, et d'ailleurs critiquable) qui va susciter des
difficultés.
Quid de la juridiction compétente en cas de
violation des Droits de propriété intellectuelle sur
internet
Le recours partiel à la loi du pays d'origine est le
plus souvent justifié par l'argument de la sécurité
juridique. En effet, pour les tenants de cette thèse, s'en remettre
à la seule loi du pays de protection risque de poser d'importants
problèmes de prévisibilité et de sécurité
juridique car le titulaire du droit peut changer lorsque l'oeuvre
concernée franchit une frontière.
68 G. KOUMANTOS, op.cit, p.217.
69 A. STROWEL et J.-P. TRIAILLE, Le droit
d'auteur, du logiciel au multimédia, préc., note 27,
n.511.
70 J.-S. Bergé, op. cit., n.204.
21
Ainsi, pour Jane GINSBURG, si « c'est aux pays
où l'oeuvre est accueillie de veiller à la floraison, (...) leur
jardinage ne remet pas en cause l'identité de la souche
»71. La titularité initiale constituerait, dans
l'optique retenue par cet auteur, une question préalable
réglée par la loi du pays d'origine.
L'argument est à première vue séduisant.
Selon nous, il ne résiste cependant pas à l'analyse, et ce pour
quatre raisons au moins72. L'identification du pays d'origine pose
tout d'abord problème compte tenu de la définition très
restrictive de la publication que retient la Convention de Berne, qu'il semble
difficile d'écarter. S'en remettre à un critère de
rattachement principal insatisfaisant, voire inapplicable, ne présente
pas d'avantage significatif en termes de sécurité
juridique73.
Par ailleurs, il est artificiel de séparer les
questions de la détermination de l'auteur et de sa protection et de les
soumettre, le cas échéant, à deux lois distinctes.
Séparer le droit d'auteur de son titulaire est dangereux car le droit
d'auteur ne peut être défini que par référence
à son titulaire, l'auteur. En effet, le droit d'auteur a notamment pour
finalité la défense de la personnalité de l'auteur, qui
s'exprime au travers de son oeuvre.
Régler la titularité des droits et leur
protection selon deux lois distinctes pourrait amener à de nouveaux
problèmes dans l'hypothèse de contradictions entre les
différentes lois désignées.
L'argument de la sécurité juridique est ici un
leurre. Si le renvoi à la loi du pays d'origine pour la question de la
titularité originaire des droits permet d'identifier une loi unique, il
ne fait en réalité que déplacer l'insécurité
juridique compte tenu des difficultés évoquées ci-avant.
Pour certains, s'en remettre à la loi du pays d'origine ne peut en outre
que conduire à des « incohérences discriminatoires
» entre auteurs (ainsi, une même création pourrait ou
non être protégée sur un territoire donné en
fonction de la nationalité de l'auteur). Cet argument n'est donc
nullement décisif.
Les partisans d'une application partielle de la loi du pays
d'origine invoquent également la préexistence du droit avant
toute atteinte qui y serait portée. Mais cet argument semble
inconciliable avec la position adoptée par la jurisprudence en
matière de droits de la personnalité. Il est incontestable que le
droit au respect de la vie privée ou le droit à l'image existent
préalablement à toute atteinte qui y serait portée. Or, la
jurisprudence se prononce en faveur de l'application de la seule loi du lieu de
l'acte dommageable (lex loci delicti).
71 Jane GINSBURG
72 A. STROWEL et J.-P. TRIAILLE, op.cit,
p.30
73 G. KOUMANTOS, op.cit.p. 126
22
Nonobstant certaines faiblesses rédactionnelles de la
Convention de Berne, il est difficile de contester la portée
générale de la règle de conflit de lois
énoncée à l'article 5 al.2, car en désignant «
l'étendue de la protection ainsi que les moyens de recours garantis
à l'auteur »74, c'est bien tant la jouissance que
l'exercice du droit d'auteur que vise le texte conventionnel75.
L'application partielle de la loi du pays d'origine au-delà des
hypothèses strictement définies par la Convention de Berne nous
semble donc inconciliable avec les termes de l'article 5 al.2. On pourrait
toutefois être tenté de trouver un fondement à cette
thèse dans une interprétation a contrario de l'article
14bis, 2, a, qui réserve à la loi du pays de protection
la détermination du titulaire du droit d'auteur afférent à
une oeuvre cinématographique, mais pareille interprétation se
heurterait à la lettre de l'article 5 al.2 précité. Si
l'application générale de la loi du pays de protection peut
constituer un inconvénient pratique pour l'exploitant qui souhaite
exploiter une oeuvre de l'esprit sur plusieurs territoires, cette règle
de conflit de lois constitue un avantage du point de vue de l'utilisateur des
oeuvres. En effet, l'utilisateur sait que l'usage d'une oeuvre sur un
territoire donné sera régi par la seule loi de ce pays, ce qui
confère une prévisibilité certaine dans son
chef76. Par contre, une référence partielle à
la loi du pays d'origine nécessiterait de la part de l'utilisateur une
délicate démarche de recherche et de compréhension du
droit étranger (sans négliger les éventuels
problèmes d'articulation entre les différents droits
applicables)77.
SECTION 2. DE LA DETERMINATION DE LA JURIDICTION
COMPETANTE
Le problème de la loi applicable au droit de
propriété intellectuelle n'est pas sans lien avec celui de la
compétence juridictionnelle, mais les deux n'en doivent pas moins
être soigneusement distingués.
L'attention s'est focalisée sur deux lois qui se font
concurrence, et qu'il est d'usage de désigner comme la loi du lieu
d'émission du site internet très souvent identifié par le
nom de domaine litigieux (§1) et loi du lieu de réception du site
internet identifié par le nom de domaine litigieux, qui est le lieu du
dommage (§2).
74 Article 5al.4 de la Convention de berne pour la protection
des oeuvres littéraires et artistiques du 09 septembre 1886,
précité.
75 A. LUCAS, op. cit. p. 130, n°257
76 A. Lucas, Rapport de la commission
spécialisée portant sur la loi applicable en matière de
propriété littéraire et artistique, 31p.
77 Ibidem.
23
§1. Analyse de la théorie d'émission
(loi du pays d'émission)
La loi du pays d'émission, entendu initialement d'un
point de vue technique comme le pays dans lequel le signal a été
injecté dans le réseau, et regardé désormais, d'un
point de vue plus juridique, comme le pays où l'exploitant est
installé.
La théorie de l'émission semble en effet plus
appropriée, et elle a notamment été retenue par la
Directive européenne "Télévision sans frontière"
n° 89/552/CEE du 3 octobre 198978. Transposée au droit
pénal international, elle présenterait l'avantage incontestable
de permettre d'appréhender le véritable auteur des faits
(c'est-à-dire l'auteur ou le diffuseur du message incriminé,
l'auteur de l'atteinte à un système...) et de le faire juger
devant le tribunal du lieu de commission de l'infraction79 . La
commission étant entendue ici comme comprenant l'élément
intentionnel et l'élément matériel de l'infraction,
à l'exception des conséquences dommageables, qui parfois entrent
également dans le texte d'incrimination en qualité
d'éléments constitutifs80, et bien entendu, selon la
loi du lieu du délit.
Tout ceci bien entendu sous réserve que la loi
d'émission soit aussi celle de l'auteur de l'infraction. Mais, dans le
cas contraire, le conflit positif de compétence susceptible d'en
résulter pourrait être alors résolu par la mise en place
d'un second critère de compétence, choisi parmi ceux que nous
examinerons plus loin81.
Même si la loi du pays d'émission a le
mérite de l'unicité et de la prévisibilité, ce qui
est essentiel aux yeux des opérateurs dont certains ont
espéré que les réseaux numériques puissent
être des espaces sans droit, elle introduit des biais concurrentiels
importants entre opérateurs présents sur un même
marché en les soumettant à des contraintes très diverses
selon le pays d'où ils émettent. Il ne fait pas de doute qu'en
l'absence d'harmonisation entre les législations nationales, notamment
au regard des exceptions au droit exclusif, les exploitants de certain pays
seraient certainement perdants dans une telle confrontation82.
Du point de vue des auteurs et des titulaires de droits
voisins, le principal risque à conjurer est la délocalisation des
exploitants vers des «paradis numériques» où la
réglementation ferait bon marché de leurs droits83.
Même si ce danger ne doit pas être exagéré
78 J -F. CHASSAING, op cit. p. 329.
79 M. VIVANT, Cybermonde, droit et droits des
réseaux, La semaine juridique JCP, 1996, I, 3969, n. 6.
80 A. STROWEL et J.-P. TRIAILLE, op.cit,
p.33.
81 G. KOUMANTOS, op.cit.p. 154,
82 Ibidem.
83 F. DESSEMONT, Internet, le droi. d'auteur et le
droit international privé, LJZ 92, 1996, p.289.
24
dès lors que le pays d'émission est
défini comme celui d'établissement de l'émetteur et non
simplement d'injection du signal, il n'a rien de virtuel84.
§2. Analyse de la théorie de réception (
lex ratione loci)
La question qui demeure est celle de la localisation du fait
dommageable et plus précisément de l'éclatement de la
lex loci delicti. Le choix reste à faire, entre la loi du fait
générateur et celle du lieu de la réalisation du dommage.
Quelle sera la juridiction compétente à appliquer? L'article 2 de
la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence
judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile
et commerciale précise que: « Sous réserve des
dispositions de la présente Convention, les personnes
domiciliées sur le territoire d'un état contractant sont
attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions
de cette état »85.
Ceci attribue la compétence au juge de l'état du
domicile ou du siège social du défendeur. L'article 5.3 dudit
Convention ajoute que « le défenseur domicilié sur le
territoire d'un état contractant peut être attrait, dans un autre
état contractant, en matière délictuelle ou quasi
délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable
s'est produit »86.
Néanmoins, l'application de la loi du lieu de
réception qui ne pose pas de problème quand les
éléments de l'infraction se rattachent à un seul
territoire, pose un problème quand les éléments de
rattachement de l'infraction se rattachent à plusieurs pays. Ceci
crée un conflit de juridictions et pourra aboutir à une
contradiction dans les jugements.
La théorie qui consiste à appliquer la loi du
pays de réception, c'est à dire celle du lieu où le
préjudice est subi, peut-être intéressante en ce qu'elle
permet de "contrôler in fine le contenu des services et permet d'assurer
effectivement l'exécution des décisions de justice87.
Au surplus, elle garantit le principe de souveraineté
nationale"88. Cette option est d'ailleurs celle qui semble
être préférée de la jurisprudence, comme le note L.
COSTES89, lequel lui accorde également sa faveur.
Elle présente pourtant le défaut majeur de ne
pas résoudre quelque problème comme par exemple l'individu qui
envoie un message sur internet doit ici le faire dans le respect de tous les
droits de la planète, sous peine de voir un pays quelconque entrer en
condamnation à son encontre.
84 A. STROWEL et J.-P. TRIAILLE, op.cit,
p.41
85 L'article 2 de la Convention de Bruxelles du 27
septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution
des décisions en matière civile et commerciale.
86 Article 5, ibidem.
87 A. STROWEL et J.-P. TRIAILLE, op.cit,
p.23
88 N.GAUTRAUD, op.cit, p.246.
89 L. COSTES, op.cit.,p.1.
25
Cela revient, d'une part à supprimer toute
liberté d'expression sur internet et d'autre part à ignorer une
réalité, quand bien même celle-ci serait en
désaccord avec les textes : il est déjà relativement
difficile de ne pas ignorer sa propre loi, que l'on soit profane ou juriste, il
est alors inconcevable de demander à quiconque de connaître celles
des pays qui lui sont voisins.
§3. Applicabilité de la théorie
d'émission et de réception
Dans une première approche, technique, le pays
d'émission est déterminé à partir de la
définition même de la communication au public ou, pour les
systèmes juridiques qui en font une prérogative distincte, de la
mise à disposition du public, telle qu'elle résulte des
traités de l'OMPI de 199690.
Le raisonnement est simple, puisque le droit exclusif s'exerce
dès cette mise à disposition, l'acte de violation doit être
considéré comme accompli au lieu où elle se
réalise. Les partisans de la loi du pays d'émission ainsi entendu
soutiennent que seule cette loi doit régir les questions laissées
à la lex loci protectionis.91
Les partisans de l'application des différentes lois des
pays de réception répondent que tout acte d'exploitation, en
droit de propriété intellectuelle, est orienté vers le
public, et qu'il est donc normal de localiser à partir de cette cible le
centre de gravité d'une exploitation donnée92. Ils
font valoir que cette analyse se justifie d'autant plus en cas de diffusion sur
les réseaux numériques qu'on est en présence d'un «
consommateur » actif qui prend l'initiative de chaque utilisation, ce qui
n'est pas le cas, par exemple, pour la radiodiffusion par
satellite93. Et surtout, ils objectent que l'application exclusive
de la loi du pays d'émission à partir d'une localisation
technique permet toutes les manipulations. Ce qui est en cause
concrètement est le risque de délocalisation vers des pays
d'émission connaissant un niveau de protection moins
élevé, risque bien réel compte tenu des différences
notables qui existent entre les législations nationales,
particulièrement pour les exceptions au droit exclusif, et de
l'extrême facilité qu'il y a sur les réseaux
numériques à manipuler le lieu d'injection94.
Cette objection est assez sérieuse pour avoir conduit
la plupart des partisans de la loi du pays d'émission à changer
leur fusil d'épaule et retenir, non pas le lieu d'injection
matérielle dans le réseau, mais le lieu d'établissement du
responsable de la diffusion, qui se
90 A. STROWEL et J.-P. TRIAILLE, op.cit,
p.19
91 F. DESSEMONT, op.cit, p.7
92 Ibidem.
93 Ibidem.
94 A. Lucas, op. cit. p. 130, n°231
26
prête moins à de telles manipulations, et qui
offre au surplus l'avantage d'être plus facile à
déterminer.
La stabilité de ce rattachement le rend
assurément séduisant. Mais, outre qu'il ne conjure pas totalement
le danger de manipulations, on doit rappeler que la circulation des oeuvres sur
les réseaux numériques n'est pas, le plus souvent, et sera sans
doute de moins en moins le fait de véritables exploitants
professionnels95, ce qui met en cause la pertinence de l'approche et
complique, en tout cas, la mise en oeuvre de la règle.
Ensuite et surtout, le débat se déplace du
terrain de la technique juridique vers celui de
l'opportunité96. Les arguments sont bien connus. Les
partisans de la loi du pays d'émission mettent en avant la
sécurité juridique du diffuseur, en faisant valoir qu'il ne
saurait être contraint de respecter quasiment toutes les lois de la
planète, comme cela résulterait de l'application des
différentes lois des pays de réception.
Les partisans de ce dernier système répondent
qu'il est parfaitement arbitraire de préférer la
sécurité juridique du diffuseur à celle du titulaire du
droit et que si la solution ne peut passer que par le choix d'une loi unique,
la loi de la résidence de ce titulaire (ou de la société
de gestion collective à laquelle il adhère, plus facile à
connaître pour le diffuseur) pourrait tout aussi bien faire
l'affaire97. Jouent également en ce sens la
territorialité traditionnelle de la loi pénale, laquelle
s'imbrique étroitement avec la loi civile en matière de droit de
propriété intellectuelle, et le fait que l'application exclusive
de la loi du pays dans lequel est installé le responsable de
l'émission permettrait à celui-ci d'exporter dans le monde entier
ladite loi, ce qui est difficile à accepter pour les états jaloux
de leur souveraineté, qui savent bien que le système favoriserait
les pays développés où seront le plus souvent
localisés les diffuseurs. Tous ces arguments paraissent
s'équilibrer. C'est dire que le choix de faire pencher la balance dans
un sens ou dans l'autre est bien politique (au sens large)98.
On comprend donc la circonspection des tribunaux, dont un
exemple frappant est fourni par une décision de la Cour suprême du
Canada rendue le 30 juin 2004 dans l'affaire Société
canadienne des auteurs, compositeurs de musique c. Association canadienne des
fournisseurs internet99. Il s'agissait de savoir si les
activités des intermédiaires ouvraient droit à redevances
dès lors qu'elles concernaient des oeuvres musicales
téléchargées au Canada à partir d'un serveur
localisé dans autre pays. La Cour suprême, par la plume du Juge
95 F. DESSEMONTET, op.cit.p.39
96 G. KOUMANTOS, op.cit.p. 204
97 A. STROWEL et J.-P. TRIAILLE, op.cit, p.30
98 H. Desbois, Le droit d'auteur en France,
Paris, Dalloz, 3e éd., 1978, n.791 bis.
99 G. KOUMANTOS, op.cit.p. 156
27
BINNIE100, estime que le critère faisant
dépendre l'existence d'une communication au Canada de la localisation du
serveur dans ce pays est « trop mécanique et trop rigide ».
Pour elle, « l'applicabilité de la loi sur le droit d'auteur
à une communication à laquelle participent des ressortissants
d'autres pays dépend de l'existence entre le Canada et la communication
d'un lien suffisant »101.
Dans cette optique, « le lieu de réception peut
constituer un facteur de rattachement tout aussi "important" que le lieu
d'origine ou d'émission (sans compter l'emplacement physique du serveur
hôte, qui peut se trouver dans un pays tiers »)102.
Pour les communications sur internet, « le facteur de
rattachement pertinent est lex situs103 du fournisseur de
contenu, du serveur hôte, des intermédiaires et de l'utilisateur
final », étant précisé que « l'importance
à accorder au situs de l'un d'eux en particulier varie selon
les circonstances de l'affaire et la nature du litige »104.
Force est de reconnaître que les pistes ainsi ouvertes restent trop
vagues pour donner aux opérateurs la sécurité à
laquelle ils aspirent légitimement.
En faveur de la loi du fait générateur, on
invoque principalement le fait qu'il pourrait apparaître choquant qu'un
individu puisse être déclaré responsable en application de
la loi du lieu du préjudice, alors pourtant que l'acte était
licite dans le pays où il a été commis105.
A l'inverse, en faveur de la loi du préjudice, on
invoque le fait que c'est cette loi que la victime a le plus de chance de
connaître. En outre, la loi du fait générateur serait trop
favorable à l'auteur du délit, notamment en matière de
communication via l'Internet, puisqu'il a radicalement la
possibilité de choisir le pays d'émission106. Enfin,
la loi du lieu du préjudice a l'avantage de mieux refléter les
fondements actuels de la responsabilité civile, qui résident plus
dans l'existence du préjudice que dans de la faute, en raison du
développement de nombreuses responsabilités objectives,
c'est-à-dire sans faute.
Pendant longtemps la jurisprudence française a
été favorable à la compétence de la loi du lieu du
dommage la lex loci damni arrêt « Horn y Prado
» de la première chambre civile de la Cour de cassation du 8
février 1983)107. Mais dans son état le plus
récent, la jurisprudence
100 J. RAYNARD, Droit d'auteur et conflits de lois,
Paris, Litec, Bibliothèque de droit de l'entreprise, 1990, n.651
101 E. ULMER, La propriété intellectuelle et le
droit international privé, préc., note 4, n.76-77.
102 T. DREIER, in Copyright in Cyberspace, préc.,
note 12, p.301.
103 J. C. GINSBURG, Private international law aspects of the
protection of works and
Objects of related rights transmitted through digital
networks, Doc. OMPI GCPIC/2, 1998, p.32.
104 G. KOUMANTOS, op.cit.p. 133.
105 Ibidem.
106 Idem. p. 65.
107 Arrêt « Horn y Prado » de la
première chambre civile de la Cour de cassation du 8 février
1983.
28
de la Cour de cassation semble admettre que, par principe,
l'existence de la loi du lieu du fait générateur et la loi du
lieu du dommage ont égale vocation à s'appliquer.
Le principe de proximité permettant de les
départager aux vues des circonstances concrètes.
§4. Quid de la juridiction compétente en cas de
violation des Droits de propriété intellectuelle sur internet
Du point de vue de la méthode, on doit peser les
avantages et les inconvénients comparés d'une localisation
objective fondée sur des critères abstraits et de la recherche
d'une « proper law » ayant les liens les plus étroits
(closest connection) avec la situation d'espèce.
La loi d'émission prend mieux en compte
l'impératif de prévisibilité (voire de lisibilité),
essentiel dans l'environnement numérique, là où la loi de
réception a l'avantage de la souplesse, ce qui explique sans doute le
succès qu'elle rencontre aujourd'hui. Peut-être une des solutions
de compromis consiste-t-elle à désigner une loi
présumée être la plus adaptée, en laissant aux
parties le soin de renverser cette présomption en démontrant
l'existence d'autres points de contact108.
Sur le fond, on peut songer à des correctifs de
portée limitée à travers des rattachements alternatifs ou
en cascade, par exemple, les partisans de la loi du pays d'émission
diront que cette loi devra être écartée si elle n'est pas
assez protectrice, et les partisans des lois des pays de réception
diront que la loi en cause sera écartée si elle ne pouvait
être raisonnablement prévue par l'opérateur.
Le premier correctif séduira tous ceux pour qui le seul
défaut de la loi du pays d'émission est de faire courir le risque
de délocalisations. Le tout est de savoir à quel niveau situer
l'exigence. Si le test doit être considéré comme satisfait
par le seul constat que le pays d'émission est signataire de l'Accord
ADPIC et des traités de l'OMPI de 1996109, le rattachement
in favorem auctoris est sans réelle portée, et la
garantie pour les auteurs illusoire, tant est modeste l'harmonisation
réalisée par ces instruments internationaux sur le terrain du
droit substantiel, tout particulièrement en ce qui concerne les
exceptions au droit de propriété intellectuelle.
Le second correctif a des précédents dans
d'autres domaines. Il permettrait sans doute, s'il était mis en oeuvre,
de montrer que la diversité des lois nationales sur le droit de
propriété intellectuelle est moins grande qu'on ne le laisse
souvent entendre. Mais on lui reprochera de
108 F. DESSEMONTET, op.cit, p.291,
109 Idem, p.167
29
ne pas être à la hauteur des angoisses
suscitées chez les opérateurs par la perspective d'une
application des lois de chacun des pays de réception. 110
En tout cas, il serait excessif d'aller jusqu'à lier le
succès de l'action à la condition que l'acte soit
également illicite au regard de la loi du pays d'émission, comme
l'admettait autrefois le droit des pays développé en
matière de responsabilité civile avant d'évoluer sur ce
point. De manière générale, les rattachements multiples
sont difficiles à manier défaut qui se révèle
particulièrement gênant dans l'environnement numérique,
où la lisibilité de la règle est un impératif
majeur à la fois pour les opérateurs et pour les titulaires de
droits, de sorte qu'il est difficile d'en faire des modèles.
Peut-être ne faut-il pas écarter trop vite les «
localisations juridictionnelles », conduisant à lier la
compétence législative et compétence juridictionnelle. On
partira par exemple de l'arrêt rendu par la Cour de justice des
Communautés européennes dans l'affaire Fiona
Shevill111, permettant à la victime d'une diffamation
d'intenter une action en réparation « soit devant les juridictions
de l'état contractant du lieu d'établissement de l'éditeur
de la publication diffamatoire, compétentes pour réparer
l'intégralité des dommages résultant de la diffamation,
soit devant les juridictions de chaque état contractant dans lequel la
publication a été diffusée et où la victime
prétend avoir subi une atteinte à sa réputation,
compétentes pour connaître des seuls dommages causés dans
l'Etat de la juridiction saisie », pour en déduire que chacun des
fors ainsi compétents appliquera sa propre loi matérielle. Cette
solution a tous les avantages pratiques d'un compromis112. Elle a
évidemment le défaut, que beaucoup d'internationalistes
trouveront décisif, de mélanger des questions (compétence
juridictionnelle, compétence législative) qui ne relèvent
pas de la même logique113.
De plus, elle confère une portée mondiale
à la loi du pays d'émission, ce qui peut se révéler
redoutable si ce pays ne garantit qu'un très faible niveau de
protection. Une autre solution de compromis consisterait à
écarter la compétence des pays de réception qui ne sont
pas « ciblés » par l'émetteur114. Elle
permettrait de répondre à l'objection selon laquelle il est
impossible d'exiger des opérateurs qu'ils se conforment à la
totalité des lois de la planète.
110 P. SIRINELLI, Les responsabilités sur
l'Internet : propos introductifs, synthèse des contributions
Internationales, in l'Internet et le Droit, Collection
Légipresse, Paris, 2001, p.218-219.
111Arret Fiona Shevill, en ligne sur X, «
Arrêts de la cour de cassation française »,
disponible sur,
http://www.droitenligne.com/jurispru/Cass.html
, consulté le 20/09/2011
111 Ibidem.
112 L'article 14 de la directive 2000/31/CE du Parlement
européen et du Conseil du 8 juin 2000 sur le commerce
électronique.
113 GABRIEL DE BROGLIE, Le droit d'auteur et l'Internet,
PUF, 2001, p.47-48.
114 Idem, p.72
30
Mais le critère du « ciblage »115
est bien difficile à mettre en oeuvre, en dehors des cas-limités
dans lesquels une oeuvre littéraire est diffusée dans une langue
peu utilisée. La vérité est que la langue est de moins en
moins, notamment pour les oeuvres musicales et cinématographiques, un
élément de segmentation des marchés116.
Plus fondamentalement, il est difficile d'admettre que le
critère de destination principale de l'exploitation d'une oeuvre
conduise à exonérer totalement les exploitants de leurs
responsabilités pour toutes celles de leurs activités qui ont un
caractère accessoire. Tout au plus pourrait-on considérer que si
l'exploitation ne dépasse pas, dans un pays donné, un «
seuil de sensibilité », au sens du droit de la concurrence, les
règles auxquelles elle est soumise n'ont pas à être celles
de ce pays mais celles du pays d'exploitation principale117.
Dans ce système, il appartiendrait au juge de
déterminer au cas par cas si l'exploitation a un caractère
significatif ou non en tenant compte de différents critères : la
stratégie de l'exploitant, les investissements consentis, la part de
chiffre d'affaires réalisée118.
Il lui reviendrait également de déterminer quel
est le pays principal d'exploitation dont la loi doit être
appliquée, par défaut, étant entendu que si, dans un pays
donné, l'exploitation s'avérait vraiment infime, il conserverait,
comme c'est le cas actuellement, la possibilité de considérer
qu'il n'y a pas de préjudice, ce qui le dispenserait de rechercher
quelle est la loi applicable. Toutes ces pistes, et bien d'autres,
méritent d'être davantage explorées. Mais, la règle
uniforme de conflit ne verra le jour que si les états prennent
conscience de sa nécessité.
115 A. Lucas, op.cit., note 48, p.295, n. 583.
116 E. ULMER, op. cit., p.74.
117 F. DESSEMONTET, op.cit.p.75.
118 E. ULMER, op. cit., n.97.
31
CHAPITRE III. LES MECANISMES JURIDIQUES ET
INSTITUTIONNELLES ENVISAGEABLES POUR LA PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE
INTELLECTUELLE SUR INTERNET
Les mécanismes juridiques (section I) sont des
mécanismes prévus dans le cadre de la réglementation et
qui, par conséquent sont assortis des sanctions. Ils doivent donc
être observés par toute personne concernée sous peine de se
voir opposer des sanctions consacrées par la loi, étant
donné qu'ils sont l'oeuvre du législateur119 ; ainsi,
les mécanismes institutionnels (section II) peuvent être aussi
envisagés en vue d'assurer l'efficacité de ces mesures
juridiques.
Section I. Les mécanismes juridiques
Trouvant que les méthodes de résolution des
conflits issues des autorités étatiques ne répondent pas
aux particularités de l'Internet en raison des différences
structurelles complexes entre les divers droits nationaux d'une part, et le
caractère transfrontière de l'Internet d'autre part, la
nécessité des conventions internationales à la
matière (§1) ainsi que l'adaptation des conventions et lois
existantes aux exigence de la nouvelles technologie (§2) était
nécessaire afin d'essayer de combler les lacunes juridiques de la
question transfrontière que pose l'Internet ; puis la réparation
en cas de violation des droits de propriété intellectuelle sur
internet (§3) sera une solution efficace dans la protection des droits de
propriété intellectuelle.
§1. De la nécessite des conventions
internationales à la matière
Dès le 19e siècle, la nécessité
d'une protection internationale s'est fait sentir dans le domaine de la
propriété intellectuelle.
La Convention de Paris pour la protection de la
propriété industrielle en 1883 et la Convention de Berne pour la
protection des oeuvres littéraires et artistiques en 1886 furent les
premiers pas vers une mondialisation de la matière120.
Ce besoin d'unification s'explique par la
spécificité de la matière. La propriété
intellectuelle a pour objet la protection de la création
littéraire, artistique et industrielle, elle
119 E. NYIRANKURIJE, « Analyse critique de la
législation portant sur l'office de l'ombudsman », UNILAK,
2008, p.46.
120 H. DESBOIS, A. FRANÇON et A. KEREVER, Les
conventions internationales du droit d'auteur et des droits voisins, note
4, p. 137.
121 Idem, p.141
32
regroupe l'ensemble des droits relatifs aux droits d'auteur et
droits voisins, aux brevets d'invention, marques, dessins et modèles.
Aussi, il n'est pas étonnant qu'un tel domaine
prétende à l'universalisme. En effet, toute création
qu'elle soit littéraire, artistique ou industrielle a vocation à
circuler librement, à être exploitée sans connaître
de frontière mais en même temps elle ne peut le faire sans
être protégé au risque d'être contrefaite.
Ces deux contraintes : universalisme et besoin de protection
expliquent la naissance des institutions internationales ainsi que leur
rôle.
Il nous a semblé judicieux de présenter quelques
conventions selon l'étendue de leur compétence dans la protection
du droit de la propriété intellectuelle. Il s'agira de convention
internationales avec une vision mondiale de la matière, ce sera le cas
de la convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et
artistiques, conclue le 9 septembre 1866,
révisée et amendée à plusieurs reprises, notamment
à Paris en 1971 ; convention de Rome, La Convention universelle de
Genève de 1952, adoptée par les pays non signataire de la
Convention de Berne121.
Toutes ces conventions ont pour finalité de contraindre
le contrefacteur, mais ne prévoient pas clairement comment les
différends naissent sur l'utilisation de réseaux se
résoudre, d'où la nécessité des nouvelles
conventions déterminant la loi à appliquer et la juridiction
compétente pour trancher le litige.
§2. Adaptation des conventions et lois existantes aux
exigences actuelles
Avec la technologie, la croissance économique et le
développement a pris un essor très remarquable. Ici, la plus
grande question réside dans le fait que le droit n'évolue avec la
technologie.
A. Les traités de l'organisation mondiale de la
propriété intellectuelle (OMPI)
L'Organisation Mondiale de la Propriété
Intellectuelle (OMPI) est une institution spécialisée des Nations
Unies créée en 1967 par la signature à Stockholm de la
convention instituant l'OMPI pour promouvoir la protection de la
propriété intellectuelle. Ses prédécesseurs, les
BIRPI (les Bureaux Internationaux Réunis pour la Propriété
Intellectuelle) avaient été fondés en 1893 pour
administrer la Convention de Berne.
33
L'OMPI est chargée de promouvoir la protection de la
propriété intellectuelle dans le monde entier grâce
à la coopération entre États et d'administrer
différents traités multilatéraux sur les aspects
juridiques et administratifs de la propriété
intellectuelle122..
B. L'accord sur les aspects des droits de la
propriété intellectuelle touchant au Commerce
(A.D.P.I.C)
L'Accord sur les aspects des droits de propriété
intellectuelle qui touchent au commerce ou accord sur les ADPIC a
été conclu entre l'OMPI (organisation mondiale de la
propriété intellectuelle) et l'OMC (organisation mondiale du
commerce) à la fin de « l'Uruguay Round » en 1994, et a ouvert
une ère nouvelle en ce qui concerne la protection et la sanction au plan
multilatéral des droits de propriété
intellectuelle123.
L'accord sur les ADPIC réglemente les droits d'auteur
et droits connexes, les marques de fabrique ou de commerce, les indications
géographiques (y compris les appellations d'origine), les dessins et
modèles industriels, les brevets (y compris la protection de nouvelles
variétés végétales), les schémas de
configuration (topographies) de circuits intégrés et les
renseignements non divulgués (y compris les secrets
commerciaux)124.
L'accord sur les ADPIC est l'instrument de protection des
droits de propriété intellectuelle le plus complet dans ce
domaine au niveau international. Cet accord est venu ajouter des obligations
à celles des conventions de Paris, Berne, Rome et Washington dans leurs
champs respectifs. Tout pays qui devient membre de l'OMC et qui souscrit aux
ADPIC s'engage à respecter ces conventions. Les dispositions de cet
accord sont directement complémentaires des traités
internationaux administrés par le Secrétariat de
l'OMPI125.
L'Accord sur les ADPIC exige que tous les Etats membres de
l'OMC introduisent dans leur législation des normes universelles
minimales pour presque tous les droits dans ce domaine, par exemple le droit
d'auteur, les brevets et les marques.
Ces traités doivent être adapter aux situations
nouvelles de la nouvelles technologie en vue d'actualiser le système
international de protection de la propriété intellectuelle en
renforçant les moyens de lutte contre la piraterie, et apporter, une
réponse tant à l'essor des nouvelles techniques de diffusion de
données qu'au développement d'un droit de communication au
public.
122 E. ULMER, op. cit., p.69.
123 G. KOUMANTOS, op.cit.p. 103.
124 Idem.
125 Idem.
34
§3. De la réparation en cas de violation des
droits de propriété intellectuelle sur internet
L'action judiciaire tout comme l'action extra judiciaire,
offre la possibilité d'assurer le transfert de la
propriété. L'intérêt d'une procédure
judiciaire est de pouvoir également mieux réparer le
préjudice qui pourrait naitre de la violation du droit de
propriété appartenant à quelqu'un d'autre. Tout
préjudice doit être réparé en toute son
intégralité126.
Le titulaire de droits dont le droit moral ou patrimonial a
été violé peut entreprendre plusieurs démarches :
il peut utiliser les recours civils prévus par la loi nationale, afin de
mettre fin à l'activité illégale et de recevoir une
compensation pour le préjudice subi. Si l'activité
illégale à causé des pertes financières au
titulaire de droits, le tribunal peut aussi accorder des dommages, y compris
des dommages punitifs127. La réparation du préjudice
passe le plus souvent par l'allocation de dommages et intérêts.
Les juges font preuve d'une certaine souplesse dans l'appréciation du
préjudice. Il a été ainsi souvent admis une estimation du
préjudice en rapport avec les pertes probables.128
En droit civil Rwandais, la réparation du tant moral
que matériel doit être réparée129. La
réparation du préjudice moral ou matériel couvre
différentes situations. Elle a d'abord pour objet de rétablir le
préjudicié dans l'état où il serait si la faute
n'avait pas été commise. La réparation doit couvrir toutes
les composantes de son dommage. Ce sont les règles du droit commun de la
responsabilité délictuelle qui sont
appliquées130 . La violation ou l'exploitation des droits de
propriété intellectuelle sur internet d'une façon
illégitime est assimilée à une faute civile
délictuelle causant un dommage dont l'auteur doit réparer.
Le principe général sous-jacent à l'octroi
de dommages est celui de la « restitutio in integrum» ou de
l'exécution par équivalence, c'est-à-dire le paiement
d'une somme d'argent représentant la transposition pécuniaire du
préjudice, afin de replacer le titulaire du droit d'auteur dans la
situation où il aurait été, n'eût été
la violation de ses droits de propriété intellectuelle.
126 K. SPOENDLIN, La protection internationale de
l'auteur, préc., note 58, p.102.
127 F. DESSEMONTET, op.cit.p.54
128 A. CRUQUENAIRE, La loi applicable au droit d'auteur :
état de la question et perspectives : Auteurs & Media
2000, p.210-227, à la p.215.
129 Article 258 CCLIII. 130Ibidem.
131 Ibidem.
35
Section II. Les mécanismes institutionnels
Dans cette section, il est question de proposer les mesures
institutionnelle pouvant renforcer la mise en oeuvre des mécanismes
juridiques déjà énoncées entre autre la mise en
place d'une institution multinationale de protection de droit intellectuelles
sur internet (§1), la nécessité de l'institut d'arbitrage
international pour un litige de propriété intellectuelle
(§2).
§1. La mise en place d'une institution multinationale
de protection de droit intellectuelles sur internet
Le droit de la propriété intellectuelle, qui
vise à réglementer la création et la transmission des
oeuvres de l'esprit doit donc se mettre en accord avec les nouvelles
facilités apportées par les NTIC (nouvelles technologies de
l'information). Il appartient de même à la technique de faciliter
l'application des règles déjà existantes, qui, on l'a vu,
peuvent dans la plupart des cas s'appliquer. Cependant, le caractère
transfrontalier du réseau implique une coopération
internationale, non seulement des états, mais aussi des utilisateurs,
qui doivent déboucher sur une harmonisation des règles.
De nombreux rapports ont déjà été
rédigés afin de tenter de combler les lacunes de la
législation131. Mais les différents acteurs de
l'internet partent sur des positions parfois tellement divergentes qu'il est
difficile de concevoir leur rapprochement. Des conventions internationales
s'appliquent également, dans les situations où un
élément d'extranéité ne permet pas l'application du
droit interne.
Pourtant, certaines solutions s'imposent déjà
partout dans le monde entier, par le biais de normes internationales. Les
conventions internationales doivent être signées en vue d'assurer
la protection des droits intellectuels.
Ces conventions doivent poser des principes et des
règles pour assurer la protection des oeuvres et la reconnaissance des
droits d'auteur dans les pays signataires des dites conventions. Ainsi ces
convention doit être adaptée à la situation actuelle de la
nouvelle technologie. Elles doivent encore définir un régime
minimal de protection des droits d'auteur applicable dans tous les pays
signataires en créant un institut international chargé de
contrôler à l'échelle internationale l'utilisation des
oeuvres originales et d'assurer à leurs créateurs une
rémunération.
L'objet de cet institut est d'aider les ressortissants des
États parties à obtenir la protection internationale de leur
droit d'exercer un contrôle sur l'utilisation de leurs oeuvres originales
et de percevoir une rémunération à cet égard, qu'il
s'agisse de romans, de poèmes
36
et de pièces de théâtre ; de chansons, de
comédies musicales, et ou de dessins, de peintures, de sculptures, et
d'oeuvres d'architecture.
§2. De la nécessité de l'institut
d'arbitrage international pour un litige de propriété
intellectuelle
L'arbitrage constitue un mode de règlement des litiges
qui permet de recourir à une ou plusieurs personnes privées, les
arbitres, choisies par les parties. Il est de loin la voie de règlement
des différends internationaux la plus utilisée à cause la
confidentialité, la compétence technique des arbitres, et le
moindre formalisme de la procédure.
Les litiges de propriété intellectuelle ont un
certain nombre de particularités qui peuvent être mieux
abordées dans le cadre d'une procédure d'arbitrage que dans celui
de systèmes judiciaires nationaux. Lourdeur, lenteur, absence de
confidentialité et finalement insécurité juridique, tels
sont les reproches faits à la juridiction étatique. A y regarder
de près, les entreprises ont tout intérêt à recourir
à l'arbitrage pour ces litiges internationaux de propriété
intellectuelle.
Au Rwanda aussi, la loi n° 51/2010 de la 10/01/2010
portant création du Centre International d'Arbitrage de Kigali et
déterminant son organisation, fonctionnement et sa compétence a
été crée pour essayer de résoudre les
problèmes résultant du commerce entre les commerçants et
ou entre les commerçants et les particuliers.
37
CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATION
La résolution des conflits de lois en matière de
droit de propriété intellectuelle pose des problèmes
indiscutables. L'obstacle majeur à surmonter réside dans la
rédaction peu claire des règles édictées au niveau
du droit international conventionnel. Les règles de conflit de lois
actuelles sont marquées par le concept de territorialité. Il
convient néanmoins de rejeter toute application systématique de
la lex fori. La seule solution qui nous paraisse conforme aux
dispositions de la Convention de Berne consiste à retenir la
compétence générale de la loi du pays de protection.
En effet, nonobstant la rédaction imparfaite de
l'article 5.2 de la Convention de Berne, c'est la seule interprétation
qui ne heurterait pas la lettre de cette disposition. Le renvoi à la loi
du pays d'origine devrait dès lors être limité aux
hypothèses envisagées par la Convention de Berne.
En outre, le renvoi à la loi du pays d'origine pour
certains aspects du droit d'auteur (titularité initiale notamment),
préconisé par certains auteurs suivis par une partie de la
jurisprudence, ne constitue pas une alternative intéressante par rapport
aux problèmes pratiques soulevés par l'application exclusive de
la loi du pays de protection. Cette solution apporte en fait plus de questions
que de réponses et déplace les problèmes au lieu de les
résoudre.
En matière de conflit de lois relatives au droit de
propriété intellectuelle aussi, internet semble, à
première vue, être porteur de toutes les difficultés
dénoncées. Toutefois, ici encore, internet ne soulève
aucune question nouvelle mais fait plutôt office de miroir grossissant,
marquant de manière très forte le contraste entre la
facilité, presque déconcertante, à introduire un contenu
dans le cadre d'une diffusion planétaire et la multiplicité des
problèmes inhérents à toute exploitation à cette
échelle.
Dans le contexte de l'application de la lex loci
protectionis à l'internet, s'est posée la question de la
localisation de l'acte de transmission numérique.
Comme nous l'avons exposé, la thèse du (des)
pays de réception nous semble plus appropriée que celle du pays
d'émission, d'une part parce qu'il est difficilement contestable que la
diffusion via internet correspond à une exploitation dans chacun des
pays de réception et, d'autre part, en raison des difficultés
techniques de localisation du point d'émission d'une transmission
numérique.
Outre les difficultés techniques de localisation
géographique des sites web, se posent de réels problèmes
d'identification des auteurs de ces contenus. Aussi, la tentation est grande
38
pour les titulaires de droit d'auteur de s'adresser aux
intermédiaires techniques (hébergeurs principalement), plus
facilement localisables et identifiables.
Les titulaires de droit de propriété
intellectuelle estiment ainsi que la détermination de règles
adéquates et cohérentes en matière de
responsabilité des prestataires techniques constitue « un
élément indispensable à l'exercice effectif des droits
». La récente affaire Skynet132 constitue un
bon exemple de ce glissement. L'IFPI et la société Polygram ont
assigné et obtenu la condamnation du fournisseur d'accès
Skynet qui avait refusé de supprimer des pages web qu'il
hébergeait et contenant des hyperliens vers des sites mettant à
disposition du public des fichiers MP3 illicites. L'action n'était pas
motivée sur une violation du droit d'auteur mais sur le caractère
illicite du comportement de Skynet, qui aurait refusé de
collaborer avec l'IFPI.
Compte tenu des difficultés liées à
l'application de la lex loci protectionis dans le contexte d'internet
et des problèmes inhérents à la mise en cause de la
responsabilité des prestataires de services, une vaste réflexion
sur la réforme des règles de conflit de lois existant en
matière de droit d'auteur a naturellement vu le jour et
différentes solutions alternatives ont été
proposées. Ainsi, certains préconisent d'étendre la
compétence de la loi du pays d'origine. Cette solution ne nous semble
toutefois pas judicieuse, notamment en raison des difficultés
inhérentes à l'application cumulative de plusieurs lois aux
logiques parfois divergentes.
En outre, le renvoi à la loi du pays d'origine fait
peser sur les utilisateurs finaux des oeuvres des contraintes dont la charge
devrait selon nous être supportée par les exploitants. En effet,
il nous paraît logique que, en l'absence d'harmonisation des
règles du droit d'auteur, un exploitant souhaitant exploiter une oeuvre
à l'échelle mondiale doit prendre en considération les
différentes lois des pays dans lesquels cette exploitation se
réalise. Si l'exploitation à un niveau mondial, permise par
l'utilisation du réseau internet, offre d'alléchantes
perspectives de recettes nouvelles, elle requiert également un plus
grand investissement de la part des exploitants. C'est peut-être le mythe
de l'exploitation mondiale « sans effort » qui va s'effondrer.
De surcroît, le renvoi à la loi du pays d'origine
pose un problème particulier en matière pénale. En effet,
le principe de territorialité des lois pénales pourrait mettre en
échec les mécanismes (civils) de conflit de lois. M. BERGE
objecte que l'établissement de l'infraction pénale repose sur une
condition préalable (la protection par le droit d'auteur) qui pourrait
être soumise à la loi d'un pays tiers.
39
Il n'empêche que l'on peut s'interroger sur la
possibilité pour le législateur pénal de sanctionner une
atteinte à un droit civil étranger. Il nous semble en effet que
le législateur envisage de sanctionner pénalement l'atteinte au
droit d'auteur en fonction de sa législation (civile) nationale sur le
droit d'auteur.
Ainsi, le taux de la peine et les éventuels
éléments intentionnels requis seront adaptés en fonction
du degré de protection de la loi civile sur le droit d'auteur dont
l'infraction pénale est censée garantir le respect par effet
dissuasif. Il serait par exemple choquant que le juge pénal sanctionne
une atteinte au droit d'auteur dans l'hypothèse d'une création
jugée protégeable selon le droit civil étranger alors que
cette création ne le serait pas selon le droit civil du for car c'est
seulement ce dernier droit que le législateur pénal a pris en
considération. Par ailleurs, dans le contexte particulier d'internet, il
convient de ne pas perdre de vue les difficultés techniques de
localisation de l'origine d'une transmission numérique.
Enfin, la prévisibilité apparente qu'apporte le
renvoi à la loi du pays d'origine à l'exploitant d'une oeuvre est
susceptible d'être remise en question par les mécanismes des lois
de police et de l'exception d'ordre public international.
Des critères de rattachements de type personnaliste ont
également été proposés (domicile de l'auteur par
exemple), mais ils posent trop de problèmes du point de vue de la
prévisibilité. La compétence générale de la
loi du pays de protection nous semble donc la solution la plus
appropriée. Un bouleversement du système de règlement des
conflits de lois par une remise en cause de la compétence de la loi du
pays de protection ne serait pas opportun. Par contre, il pourrait être
utile de reformuler les règles de conflit de lois existantes afin de
lever certaines équivoques.
Une harmonisation plus poussée de la protection
internationale du droit d'auteur est d'autre part vivement souhaitable. Le
Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur constitue un pas dans la bonne
direction. Le projet de directive européenne sur l'harmonisation de
certains aspects du droit d'auteur dans la société de
l'information va également dans ce sens. Aucun de ces textes n'aborde
cependant la détermination de la loi applicable au droit d'auteur, ce
qui est assez révélateur du caractère délicat de la
question.
Ainsi, la portée mondiale d'Internet devrait être
mise à profit pour favoriser une plus grande diffusion du contenu des
différents droits nationaux en matière de droit d'auteur. Il
serait dès lors possible d'assurer une plus grande
prévisibilité des différentes solutions juridiques
nationales par rapport à un même acte d'exploitation.
40
Enfin, comme nous ne prétendons pas avoir
épuisé cette étude, nous serons très heureux de
voir d'autres chercheurs venir compléter notre travail, en abordant
d'autres questions que nous n'avons pas exploitées
profondément.
41
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