La conservation du dugong en nouvelle- Calédonie. La mobilisation et la confrontation de savoirs et pratiques pour la protection d?une espèce « emblématique » menacée.( Télécharger le fichier original )par Audrey DUPONT Université Aix-Marseille - Master Professionnel Anthropologie et Métiers du Développement durable 2014 |
II.2.2. Les ONG de conservation animale : le WWF-Nouvelle-Calédonie et Opération Cétacés !Opération Cétacés ! est une association de Nouvelle-Calédonie - certains disent une ONG - créée en 1966 par Claire Garrigue qui est la « responsable scientifique d'Opération Cétacés. A l'origine de la création d'Opération Cétacés, [elle a] développé différents projets de recherches sur les mammifères marins de Nouvelle Calédonie »40. Si son sujet principal reste les baleines à bosse qui hivernent dans les lagons néo-calédoniens, elle s'intéresse aussi aux espèces de dauphin les plus courants autour de la Grande-Terre et aux dugongs. Elle s'est ensuite entourée d'autres scientifiques pour développer son projet. Leurs actions sont essentiellement tournées vers des activités de recherche scientifique et d'appui aux politiques de conservation par la recherche. L'organisme a pour mission de promouvoir le partage tout public des connaissances des mammifères marins de Nouvelle-Calédonie à travers des conférences, des ateliers pédagogiques, des expositions, des documentaires, des publications d'ouvrage d'identification des espèces...41 Concernant le dugong, il n'a été seulement un appui aux politiques publiques mais le « sonneur d'alerte » cherchant à rallier les acteurs environnementaux à la cause de cet animal. Certains membres, comme Claire Garrigue, ont démarché des financements pour réaliser des comptages de population afin de vérifier les menaces pesant sur l'espèce, en s'étonnant du peu de données disponibles. Ensuite, l'association a construit des partenariats privilégiés avec les Provinces ou encore avec l'AAMP pour réaliser les études et les suivis des populations sur le territoire et est devenue une référence en matière de connaissances scientifiques sur ce mammifère marin. Cette étude en sciences sociales a été proposée par un membre de l'association dans un document rassemblant les données disponibles à l'époque sur cet animal : la monographie réalisée par Christophe Cléguer, l'actuel thésard en biologie marine financé par le Plan d'actions dugong. Ce dernier, avec Claire Garrigue, étaient intéressés par toute information susceptible de renseigner, discuter ou différer de leurs connaissances actuelles. En ce sens, la découverte de la classification vernaculaire locale dans la région de Pouébo a particulièrement retenu leur attention (cf. p.54). Le WWF est une ONG environnementale internationale qui intervient depuis 2001 en Nouvelle-Calédonie (WWF, 2011). À l'échelle internationale, sa philosophie 40 http://www.operationcetaces.nc/index.php?page=claire-garrigue 41 http://www.operationcetaces.nc/ Juin 2015 45 DUPONT A, ETHT7, La conservation du dugong en Nouvelle-Calédonie : la mobilisation et la confrontation de savoirs et pratiques pour la protection d'une espèce « emblématique » menacée d'intervention est orientée selon trois axes : sauver la biodiversité, promouvoir une exploitation raisonnée et durable des ressources naturelles, diminuer les déchets et pollutions. Sa stratégie d'intervention actuelle date des années 1990, où le WWF s'est lancé dans la délimitation d'écorégions à l'échelle planétaire et a cherché à sensibiliser les hommes sur les impacts qu'ils ont sur leur environnement et leur responsabilité face aux générations futures. Pour se faire, elle n'hésite pas à mener des campagnes de communication à très grande échelle. Ensuite, comme la plupart des ONG, elle se définit comme étant apolitique, c'est à dire qu'elle souhaite rester neutre et autonome vis-à-vis de la sphère politique. « Ainsi le WWF se définit comme une organisation émanant de la société civile et se dégageant de la sphère étatique » (BLET, 2014 : 44). L'antenne du WWF en Nouvelle-Calédonie, qui dépend du WWF-France, a été fondée en 2001, dans le but de lancer un programme de conservation des forêts sèches, suite à un appel d'urgence lancé par des botanistes. En Nouvelle-Calédonie, les objectifs spécifiques développés par l'ONG sont relatifs à la protection des quatre écorégions présentes sur le territoire : la forêt sèche, la forêt humide, l'eau douce et les récifs coralliens mais aussi liés à la prévention contre les menaces qui pèsent sur la biodiversité calédonienne. La personne du WWF impliquée dans le Plan d'action dugong avec laquelle nous avions le plus de contact était le chargé de programme « Milieux Marin et Eau Douce ». Il a repris il y a trois ans le travail réalisé dans la zone de Pouébo par son prédécesseur qui a coordonné le projet d'aire marine protégée de Hyabé-Lé-Jao avec la population. Sur cette commune, il intervient surtout comme « appui opérationnel » à l'association de la gestion de l'aire marine, c'est-à-dire, pour reprendre ses propos : « Il y a des plans de gestion où dedans, tu avais tout un tas d'actions réparties par thématique : le dugong, les tortues, les bénitiers, la pêche etc... Tous les ans, de ces plans de gestions, on tire des plans d'action, et nous ce qu'on appelle « soutien opérationnel », c'est par exemple sur les bénitiers. On est investi avec [eux] depuis le début, on va continuer à [les] soutenir, on va [les] aider techniquement, scientifiquement, financièrement... » Seulement, ce statut d'« appui opérationnel » n'est pas du goût de tout le monde en Province Nord puisque certains accusent le WWF de se substituer au rôle des politiques publiques. Pourtant, le projet de l'aire de Hyabe-Lé-Jao est l'oeuvre du travail d'animation de projet et d'écoute des propositions et des besoins des habitants réalisé par les agents du WWF présents sur le terrain depuis plus de dix ans. Concernant notre étude, les attentes du WWF sont multiples. Il nous semble que l'association voyait en ce stage le moyen de continuer son activité de sondage des discours et des opinions de la population et offrait également l'occasion d'officialiser l'existence de certains savoirs locaux liés au dugong dans cette zone. Ensuite, l'ONG attendait peut-être quelques retours sur son activité et quelques éléments de réponse pour expliquer pourquoi, entre janvier et juin 2014, deux dugongs ont été pêchés dans la région. Selon le chargé de programme « Milieux Marin et Eau Douce » en parlant des habitants de la commune : « Je pense qu'ils sont impliqués parce que c'est une revendication forte au début du projet. Je pense qu'effectivement qu'ils sont impliqués dans la Juin 2015 46 DUPONT A, ETHT7, La conservation du dugong en Nouvelle-Calédonie : la mobilisation et la confrontation de savoirs et pratiques pour la protection d'une espèce « emblématique » menacée protection du dugong. Il y a des périodes plus difficiles que d'autres parce qu'il y a pleins de facteurs qu'on ne maîtrise pas qui se rajoutent dessus mais les valeurs elles sont là et ça ne se perd pas du jour au lendemain ». |
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