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Foncier et stratégies d'accès et de contrôle dans les anciennes plantations coloniales au Cameroun. L'exemple de la compagnie ouest Cameroun.

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par Jonas Aubert Nchoundoungam
Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 2016
  

Disponible en mode multipage

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Master 2 Recherche de Géographie
Spécialité « Pays Emergents et en Développement »

«Foncier et stratégies d'accès et de contrôle dans les anciennes plantations coloniales au Cameroun: l'exemple de la C.O.C»

Présenté par

Jonas Aubert NCHOUNDOUNGAM

Sous la direction de

Christine RAIMOND, Directrice de Recherche

CNRS

Membres du Jury :

Géraud Magrin

Professeur, Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne

Bernard Tallet

Professeur, Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne

Hubert Cochet

Professeur, Agroéconomiste et Géographe, Université AgroParisTech

DEDICACE

À mes parents
Feu MOULIOM Henri
Et
Dame PÈMBEME Julienne

Pour l'affection et tous les sacrifices qu?ils ont toujours fait preuve à notre égard.
Que ce travail soit pour eux un motif de fierté et de reconnaissance.

II

REMERCIEMENTS

III

La réalisation de ce mémoire de Master 2 est le produit d'un effort conjugué et n'aurait véritablement été achevée sans la participation d'un certain nombre de personnes. Ainsi nous tenons à remercier tout d'abord le laboratoire PRODIG 8586, la FPAE et les responsables du Master « GéoPED » de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, qui nous ont donné l'opportunité de faire cette formation en mettant à notre disposition les moyens nécessaires. C'est pourquoi il est juste et légitime de remercier sincèrement et en premier lieu :

- Madame Christine RAIMOND, Directrice de Recherche au CNRS, qui a accepté diriger cette recherche. « c'est encore très élémentaire » me disiez-vous tout le temps pour me permettre de me surpasser davantage. Stratégie de travail ou simple coïncidence, Professeur, travailler avec vous a été un plaisir et donne vraiment envie à faire de la recherche utile pour une cause. Que ce travail soit pour vous et comme parmi tant d'autres, un motif de satisfaction.

- Le Professeur Bernard TALLET, pour votre attention et vos points de vues à la fois subjectifs et critiques, à la base même de la réalisation de ce travail. Trouvez ici notre gratitude.

- Le Professeur Moise MOUPOU de l'Université de Yaoundé I, tu es celui-là qui a eu le juste mot pour nous remettre sur la difficile mais passionnante voie qu'est la recherche. Ta contribution pour la réalisation de ce travail est incontestable, qu'il soit pour toi un objet de satisfaction.

- Monsieur Olivier IYEBI MANDJEK, HDR de Géographie, votre simplicité et votre vision critique de la question foncière ont été d'un apport crucial pour la finalisation de ce travail. Retrouvez ici notre gratitude

Aux populations des communes de Foumbot et Kouoptamo, qui se sont montrées disponibles et collaboratives, particulièrement Monsieur les Maires, Monsieur les sous-préfets et leurs collaborateurs, les chefs coutumiers, le Président du TPI de Foumbot et le Procureur, je témoigne toute ma gratitude.

À Alain Jam, Fifen Lazare, Coby Choco, Fernand, Titi, Nadia, Hugues Arentès, Aurélien, Ouzer, Aurianne Ngono, Quentin Ducros, A Vildan Dogan, Laurence Goury, le collectif de l'Université de Yaoundé III chez Nano et surtout ma bien-aimée Marcelle Natachia G., je vous suis à jamais reconnaissant.

iv

LISTE DES SIGLES

AFD : Agence Française de Développement

ANC : Archive National du Cameroun

AOM : Archive d'Outre-mer

BM : Banque Mondiale

CAF : Commune d'Arrondissement de Foumbot

CAPLANOUN : Coopérative des Planteurs Agricoles du Noun

CIAC : Compagnie Industrielle et Agricole du Cameroun

COC : Compagnie Ouest-Cameroun

ENS : Ecole Normale Supérieure

FALSH : Faculté des Arts Lettres et Sciences Humaines

FMI : Fond Monétaire Internationale

FPAE : Fondation Paul Ango Ela

GRAIN: Genetic Resources Action International

IIED : Institut International pour l'Environnement et le Développement

IRAD : Institut de Recherche Agricole pour le Développement

IRD : Institut de Recherche pour le Développement

MARC : Modes Alternatifs de Résolution des Conflits

MINADER : Ministère de l'Agriculture et du Développement Rural

MINATD : Ministère de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation

MINDCAF : Ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières

MINDUH :Ministère du Développement Urbain et de l'Habitat

MINEPAT :Ministère de l'Economie de la Planification et de l'Aménagement du Territoire

PAS : Programme d'Ajustement Structurel

PRODIG : Pôle de Recherche, d'Organisation et de Diffusion de l'Information Géographique

ORT : Office Régionale du Travail

SDN : Société des Nations

TPI : Tribunal de Première Instance

UYI : Université de Yaoundé I

V

TABLE DES GRAPHIQUES

Graphique 1 : Répartition des tribus à la C.O.C .47

Graphique 2 : La faible possession des titres de propriété à la C.O.C 65

Graphique 3 : Modes d'acquisitions des terres dans les plantations de la C.O.C.

et ses environs .69

Graphique 4 : Tendance des locations et des acquisitions des terres à la

C.O.C ..70

TABLE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Les anciennes plantations coloniales en pays Bamoun entre 1931 et

1945

2

Tableau 2 : Opérationnalisation du concept de stratégie

15

Tableau 3 : Vue synoptique des méthodes et outils de la recherche

..18

Tableau 4 : Récapitulatif des questionnaires guides-d'entretiens, récoltés par

villages parcourus 23

Tableau 5 : Concessions et titres fonciers de la C.O.C ..32

Tableau 6 : Fréquence des plaintes déposées à la sous-préfecture de Foumbot

entre 2007 et 2015 ..63

TABLE DES CARTES

Carte 1 : Localisation des plantations de la C.O.C .21

Carte 2 : Présentation des espaces de conflits à la C.O.C ..41

TABLE DES ENCADRES

Encadré 1 : Instances juridictionnelles du pays Bamoun 30

Encadré 2 : Les principales lois foncières en vigueur affectant les intérêts des

propriétés communales rurales au Cameroun .37

Encadré 3 : Entretien avec le chef Section départemental des Affaires Foncières

du Noun ..37

Encadré 4 : Entretien avec monsieur le Procureur du Tribunal de Première

Instance de Foumbot 38

Encadré 5 : Entretien avec Kamougué, 45 ans, cultivateur à Foumbot ..47

Encadré 6 : Entretien avec Malum, 58 ans, paysan Bamoun à

Nkoundoumbain 54

Encadré 7 : Entretien avec Momo, 56 ans, paysan Bamiléké à

Nkoupa?re 57

Encadré 8 : Entretien avec Henri T., 83 ans, paysan Bamiléké et ancien ouvrier à

la C.O.C ..59

vi

Encadré 9 : Entretien avec Bopda, 60 ans, paysan Bamiléké à la C.O.C 68

VII

Encadré 10 : Entretien avec Danger, 63 ans, gardien à la C.O.C 68

Encadré 11 : Entretien avec le DDDCAF du Noun 70

TABLE DES MATIÈRES

DEDICACE ii

REMERCIEMENTS ii

LISTE DES SIGLES iv

Introduction : la problématique foncière dans les anciennes plantations

coloniales et le cas de la C.O.C 1

Ière PARTIE : HISTOIRE DE LA PLANTATION ET DE SON

ACCAPAREMENT FONCIER SUR L'ESPACE ENVIRONNANT 28

I. SITUATION FONCIERE PASSEE ET ACTUELLE DU PAYS BAMOUN

28

1.Hiérarchisation du pays Bamoun et stratification de la tenure du sol 28

II.LA CREATION DES ANCIENNES PLANTATIONS COLONIALES EN

PAYS BAMOUN : LE CAS DE LA C.O.C 31

III.AVENEMENT DE L'AGRICULTURE DE PLANTATION ET

ACCAPAREMENT FONCIER PAR LA C.O.C 39

1.Essai de clarification conceptuelle 39

VIII

2.Agriculture de plantation et redistribution des terres noires 39

3.Structure de la C.O.C, un espace en crise : comprendre l'assaut villageois

par l'abandon 40

IIème PARTIE : JEUX D'ACTEURS ACTUELS ET LEURS IMPLICATIONS

FONCIERES À LA C.O.C 50

I. Les acteurs du jeu foncier à la C.O.C 50

1.Identification des acteurs locaux et description du jeu foncier à la C.O.C 53

II.LES STRATEGIES D'ACCES A LA TERRE A LA C.O.C. 68

IIIème PARTIE : ECLAIRAGE SUR LES CONFLITS DE GOUVERNANCE

ET PERSPECTIVES DANS LE CADRE DE LA DECENTRALISATION 73

I.GOUVERNANCE ETREGULATION FONCIERE À LA C.O.C 73

1.Cadre conceptuel 73

2.L'Etat et le dispositif de développement : que de vaines paroles 74

3.Territorialisation de la gouvernance foncière et la question identitaire 76

II.PERSPECTIVES 77

CONCLUISON GENERALE 82

BIBLIOGRAPHIE 84

ANNEXES 96

RESUME 95

INTRODUCTION : LA PROBLÉMATIQUE FONCIÈRE DANS LES ANCIENNES PLANTATIONS COLONIALES ET LE CAS DE LA C.O.C

Les richesses du pays Bamoun actuel département du Noun, en contrebas du pays bamiléké (Ouest-Cameroun) et de ses vastes espaces inoccupés ont attiré l'attention des Européens à la recherche de surfaces exploitables. Les terres noires de Foumbot et de ses environs offraient alors aux entrepreneurs agricoles un potentiel qui n'a d'égal que les abords des Monts Cameroun et Manengoumba. Il est constitué d'une série de collines polyconvexes surbaissées que dominent 59 appareils volcaniques (composés de dôme, de cône, de cratères, et de coulées pyroclastiques de type hawaïen ou plus visqueux). Ces terres comprises entre le Noun, le Mbetpit et le pied du Nkogham sont constituées d'un matériel volcanique divers (S. Morin, 1989). Des concessions foncières y furent accordées aux entrepreneurs agricoles, qui pour la plupart étaient d'origine géographique et sociale diverse : un ouvrier parisien, un dentiste de Strasbourg, un ancien administrateur colonial, un fils de grande famille, un paysan...a l'exception de quelques helvétiques et ibériques, tous sont français (Moupou, 1991 : p.72). Ces terres données en concessions avec le concours de l'administration coloniale du Cameroun de cette époque et celui de l'autorité traditionnelle en la personne du Nfon Pamom, ne stipulait pas une quelconque vente, encore moins une donation définitive car la terre en pays Bamoun n'est pas à vendre, c'est un bien collectif qui appartient au peuple Bamoun et le roi en qualité de chef suprême en est le garant de la gestion et de la distribution auprès des paysans et des populations. À la suite de ces octrois concessionnaires, d'importantes sociétés et des coopératives ont vu le jour. Celles-ci faisant l'objet d'une compétition effrénée entre les candidats, c'est au plus offrant que revenait la parcelle. C'est dans cette atmosphère de concurrence que la C.O.C a obtenu une concession de 2400 ha pour 59340 francs, acquérant ainsi la plus grande de toutes les plantations coloniales effectivement créées sur ce territoire, qui en compte treize.

Noms et prénoms des demandeurs

Superficie des

exploitations

Localité

Date

d'attribution

du titre
provisoire

Date

d'obtention des titres définitifs

Wilhelm Adolphe

250ha

Fossette

27 / 9 /1929

14 / 11 /1931

2

Banque Fourcade et Provot

 

965ha

Monoun

25 / 10 / 1929

05 / 5 / 1932

Dammann

60ha

Foumban

28 / 10 / 1929

12 /12 / 1932

Dammann M.A

52ha 74a

Foumbot

20 / 10 / 1928

12 /12 / 1932

Hanne Charles

61ha50a

Foumbot

18 / 10 / 1931

26 / 8 / 1936

Compagnie Ouest

Cameroun

997ha77a64ca

Foumbot

14 / 8 / 1932

15 / 9 / 1938

Mallet Horace

479ha5a

Foumbot

14 / 9 / 1933

15 / 9 / 1938

CIAC

367ha20a

Foumbot

28 / 9 / 1933

23 / 2 / 1939

CIAC

519ha21a

Foumbot

18 / 10 / 1934

01 / 5 / 1939

Hanne Charles

42ha17a52ca

Foumbot

13 / 12 / 1934

01 / 5 / 1939

Dammann M.A

271ha84a

Momo

13 / 12 / 1934

16 / 11 / 1941

Dammann M.A

119ha40a

Fochivé

08 / 2 / 1937

13 / 11 / 1942

Crozier Jean

- -

Fossette

07 / 2 /1936

18 / 11 / 1942

Giojuzza Jacques

201ha

Njidoum

28 / 12 / 1935

05 / 5 / 1943

Chalot Jacques

106ha

--

09 / 7 / 1937

15 / 10 / 1943

Coubeaux M.G

34ha35a

Baïgom

18 / 6 / 1935

30 / 05 / 1945

Tableau 1 : Les anciennes plantations coloniales en pays Bamoun entre 1931 et 1945

Ainsi, à la fin des années 1940, on dénombrait 49 concessions domaniales octroyées aux volontaires ; seules 23 plantations avaient effectivement été créées.

C'est dans ce contexte, que fut créée la Compagnie Ouest-Cameroun, la plus grande de toutes les plantations coloniales de la rive gauche du Noun, dont la quasi-totalité était destinée à la culture du café. Ce choix a été largement favorisé par la fertilité des sols de cette région puisqu'il s'agit des terres noires volcaniques, mais surtout par le fait que durant la décennie 1930, le territoire Bamoun se caractérise dans l'ensemble, par des faibles densités de populations et très éparses, inférieures à un habitant au kilomètre carré.

Pour ce qui concerne le foncier et les stratégies de contrôle de cette ressource autour et dans les anciennes plantations coloniales, il convient de préciser que l'administration coloniale française du Cameroun à travers l'Office Régional du Travail (ORT), avait drainée bon

3

nombre de personnes vers la rive gauche du Noun1afin qu'elles puissent travaillées comme ouvriers dans les plantations qu'elle avait créée. Dongmo J.L (1987) dira que le développement de la culture du café a drainé sur la rive gauche du Noun, une colonisation diffuse; en moins d'un siècle, les densités de populations sont passées de 0,2 habitants / km2 en 1940 à 220 habitants au km2. Moupou M. (1991) signala également que le territoire Bamoun, en contrebas de la dorsale camerounaise fort de ses faibles densités (26 habitants au km2) se trouve en proie et à la merci des hautes terres surchargées d'hommes (300-800 habitants au km2) et suscite la convoitise de celles-ci. Cette densité en nette progression ne peut s'expliquer que par un transfert ; les fortes densités des hauts plateaux se déversant par osmose sur les régions voisines, dont le pays Bamoun. Ainsi, les populations Bamiléké et Nso qui étaient employées dans ces plantations ne sont plus jamais retournées sur leurs terres d'origines'' après la crise de la caféiculture2. Victimes de leur forte démographie, les Bamiléké de l'Ouest Cameroun souffrent également de la rigidité de leurs droits fonciers coutumiers qui font de la terre ancestrale la propriété du fon ou chef ; les migrations vers les régions voisines s'imposent alors comme l'unique opportunité pour ce peuple de vaillant agriculteurs (Dong Mougnol, 2010). L'on y observe également des M'bororo, branche peule d'éleveurs venues de la partie septentrionale du Cameroun (Adamaoua, Garoua, Maroua) afin d'y paitre leurs troupeaux. Ces derniers ayant trouvé sur ce No Man's Land un terrain refuge grâce non seulement à l'abondance du couvert végétal et de la clémence du climat, mais aussi pour éviter les razzias qui prévalaient déjà dans leurs zones de départ, ils s'y sont installés. La diffusion des techniques, la création des centres de santés villageois mais aussi l'amélioration de l'hygiène et du cadre de vie des populations ont également favorisé cet état de croissance, car il faut le signaler, la localité de Foumbot qui abrite la grande majorité des plantations coloniales a été créée en 1925 par l'administration coloniale et bénéficie tout autant que les autres villes de taille relative, des infrastructures socio collectifs de base qui font de cette localité un pôle attractif.

De ce qui précède, la question foncière devient un enjeu très significatif. L'on se pose la question de savoir : à qui appartient la terre dans un tel contexte de cohabitation des

1 Terme utilisé par l'administration coloniale française pour parler de la région de Foumbot qui devrait recevoir la colonisation organisée de la zone dans les années 1940.

2L. Dé, « Crise de l'arabiculture et mutations rurales sur le plateau Bamum, une contribution à l'étude géographique des mutations rurales consécutive à la crise actuelle des cultures d'exportation », Thèse de Doctorat de 3è cycle en Géographie, université de Yaoundé 1, 1997.

4

peuples ? Il convient de préciser que, le territoire Bamoun est sous l'autorité d'un pouvoir traditionnel fort et structuré que représente le roi (Nfon Pamom). Désigné de façon héréditaire et irrévocable parmi les descendants de Nchare Yèn3. À la mort de son prédécesseur qui n'est autre que son père, le nouveau roi est choisi. Il est considéré par sa population comme étant le garant de la gestion et de la distribution des terres auprès des paysans et des agriculteurs. Celui-ci affecte des terres à des familles selon la taille du ménage, la capacité et la force de défrichement des espaces. L'introduction d'un titre foncier par l'administration coloniale afin de sécuriser ses droits et qui après, avait été repris par des nationaux suite au départ de ceux-ci, de leurs domaines du fait de la crise de la caféiculture des années 1980, est de plus en plus remis en cause aujourd'hui par les paysans. Pourquoi ? peut-être parce que d'une part elle tend à restreindre le pouvoir du sultan dans la gestion et l'affectation des terres, d'autres part parce que, suite aux différents mouvements migratoires , la localité toute entière connait une croissance démographique de plus en plus expansive ce qui fait que les ménages ont de plus en plus besoin d'espaces pour cultiver et se nourrir, or à Foumbot tout comme dans les espaces autour de la Compagnie Ouest Cameroun, « la terre est devenue rare ». « La COC est l'exemple type d'une grande exploitation qui cherche à se maintenir. L'immensité de celle-ci entraine une occupation illégale des bordures par les populations des villages voisins qui manquent des terres cultivables » (Moupou 1991, p.74).

Outre le fait que, préoccuper par la dynamisation de l'économie et la rentabilisation de la terre, cette plantation qui avait été créée par les colons et reprises d'antan par les nationaux et qui de surcroit possèdent des titres de propriété, fait dorénavant l'objet de contestations et de convoitises non seulement des populations et des paysans qui travaillaient dans ces vastes domaines coloniaux comme ouvriers mais aussi de la part d'autres acteurs locaux et ceux venus des villes voisines de Foumbot et de Kouoptamo avec un seul but, l'appropriation foncière pour des raisons diverses et variées, quitte à s'entretuer ne serait que pour un lopin de terre.

Le contexte rural, social, économique et politique camerounais des arrondissements de Foumbot et Kouoptamo en pays Bamoun auxquels est rattaché administrativement la C.O.C, et plus précisément celui des villages sur lesquels s'étendent cette plantation dont il est question tout au long de ce mémoire est très éloigné de ce que nous connaissons du reste de l'Afrique au sud du Sahara, car il s'agit ici d'un No Man's Land c'est-à-dire des terres

3Fondateur du royaume et premier roi de la dynastie Bamoun (fin du XIV siècle)

5

n'appartenant à personne, ce qui signifie en quelque sorte qu'il s'agit des terres vacantes'', sans maitres'' et vides d'hommes' où, des communautés se sont installés ; des terres très fertiles n'appartenant à personne dans un contexte où, « la brousse est finie » (B. Tallet, 1998), il n'y a plus de friche car durant la temporalité 1930 à nos jours, il y a eu un passage systématique d'une situation d'un territoire vide à une saturation de l'espace et où, la démographie et les activités pratiquées sont les seuls facteurs explicatifs de ce changement. L'on reste néanmoins perplexe quand à la notion de No Man's Land dont les Etats coloniaux ont savamment employé. Existe-t-il vraiment des terres vides et sans maitres ? Dans un article sur « le régime foncier en Afrique noire », Catherine Coquery Vidrovitch (1982 : 65-83) analyse l'impact des systèmes coloniaux sur le foncier. Celles-ci ont été par définition, une « politique de spoliation » des droits fonciers des populations indigènes africaines. En prenant le cas de l'Afrique Occidentale Française (A.O.F), elle écrit principalement que : « le problème juridique fut posé dès l'origine de savoir qui devait être considéré comme le propriétaire des terres conquises ». Elle précise en outre que la terre ne manquait pas ; il suffisait pour vivre de brûler et débroussailler un lambeau de forêt ; les colons arguèrent de la mobilité de certaines tribus pour étayer leur thèse...ignorant le rôle du chef de la terre dont l'existence était pourtant attestée par de nombreux explorateurs car la législation à ses débuts fut caractérisée par le refus de reconnaitre l'existence d'un droit indigène, or dans l'Afrique traditionnelle précoloniale, la propriété privée n'existait pas.

Les anciennes plantations coloniales de la Compagnie Ouest-Cameroun: La question foncière en débat

Dans un contexte, où nous passons des faibles densités aux fortes densités (Moisel, 1908 ; Ankerman, 1910 ;), la question de la sécurisation des droits sur la terre se pose de plus en plus avec acuité car la population déjà très nombreuse, est appelée à le devenir davantage, or l'espace est finie et ne croit plus, vu que les phénomènes de titrisation et de territorialisation réalisés par l'État ont contribué à la fragmentation et au confinement des terroirs villageois à un moment donné de l'histoire où, la production de la nourriture pour se nourrir et pour commercer est devenue la condition sine quoi non d'existence des paysanneries au Cameroun. Que faire? Vu que seul les champs de brousse ont persisté et se sont agrandis jusqu'aux confins des terroirs (TERSIGUEL, 1995), « Tous unis pour faire reculer la brousse » (Tallet B., 2007, p. 64), autochtones et migrants, paysans et non-paysans, tous ont frénétiquement étendu les superficies cultivées, quitte à empiéter sur le domaine privé de la C.O.C.

6

De plus les terres alentours sont moins riches4 et moins productives que les terres noires sur lesquelles s'est implantée la C.O.C. Dès lors, les luttes pour l'accès au foncier sont devenues inévitables dans cet espace qui offre encore des possibilités.

Du vide au plein : la Compagnie Ouest-Cameroun entre déprise caféière et reconversion culturale

Outre les fondements socio-économiques et politiques de construction territoriale, la concurrence spatiale s'est amplifiée suite, d'une part, à la plus-value des cultures maraîchères, et d'autres part, par les perspectives effrénées des gains monétaires et les appétits fonciers fortement aiguisés, rendant difficile la cohabitation entre les différents acteurs que sont principalement, les paysans, les nouveaux gestionnaires, l'État et les communautés villageoises. Ces enjeux multiformes font des anciennes exploitations coloniales, une arène d'affrontements perpétuels dont les marques sont visibles : la destruction des plants de café, l'introduction du maraîcher, les déguerpissements et très souvent des pertes en vies humaines comme ce fut le cas en 1996.Le contexte de reconversion vers le maraicher a suscité l'envie d'avoir davantage d'espaces pour le déploiement de ce nouveau système de production. Rompant avec les exigences foncières qu'imposaient les cultures pérennes, l'adoption du maraicher comme nouvel culture a conduit les paysans à accroitre davantage leurs parcelles emboitant de ce fait sur les espaces de la C.O.C.

Or, pour légitimer leur occupation en territoire Bamoun, l'introduction par l'administration coloniale d'un titre de propriété s'était définit comme un impératif. En effet, cette forme de sécurisation bafoue les normes locales traditionnelles de gestion foncière, dites coutumières. Outrepassant l'autorité du gardien des terres» que représente le sultan roi des Bamoun ou ses sujets délégués qui portent le titre de Nui Ngwèn». De telle pratique ne peuvent que susciter le mécontentement des populations de plus en plus nombreuses qui voient leurs terres, accaparées par une minorité de nationaux issue de la bureaucratie administrative. MOUPOU M. (1991) s'explique à cet effet qu'il y a en pays Bamoun trois types de régimes fonciers placés sous l'influence des principes de survivances traditionnelles, le prêt, la location et le don où la condition de mise en valeur est relative à la classe sociale, il n'a jamais été question d'une vente de la terre ; il découle donc de cette analyse que, les terres vacantes appartiennent toutes au Sultan Roi des Bamoun qui en est le garant, le gardien. En cas de conflit, il est le référent pour la résolution de ce dernier. Le peuple Bamoun est

4Lire Morin S., 1980

7

usufruitier et doit transmettre cette terre aux générations futures. La terre n'est pas à vendre. Elle peut tout au plus être prêtée ou louée ; l'on se pose alors la question de savoir : « Qu'allons-nous transmettre à nos enfants, vu que nous n'avons plus de terre, étant donné que les autres nous en ont privé? » (Ousmane, 74 ans, paysans à C.O.C)

Dans un contexte où, suite à la déprise caféière, la reconversion culturale vers le maraichage afin de garantir et de promouvoir la souveraineté alimentaire, nécessite davantage d'espaces pour cultiver, la présence d'un titre foncier fait problème. Cette propriété appartenant désormais à Jean Fochivé5, ne peut que traduire cette situation d'insécurité foncière qui règne dans cette plantation.

Du plein au vide : une démographie expansive comme élément explicatif des conflits fonciers à la C.O.C.

La situation de vide et de pleins» a favorisé en quelques sortes le drainage sur la rive gauche du Noun en général et à la C.O.C en particulier, de forts mouvements de populations Bamiléké non seulement pour décongestionner les hauts plateaux de l'Ouest-Cameroun, des Nso6 et des Akou venant des plateaux Joss (Nigéria) en 19567, du Nord-Ouest pour travailler dans les plantations coloniales et des Mbororo8pour faire paitre leur bétail, ceux-ci se localisent dans la plaine de Mfesset9. La réalisation des infrastructures à caractères socio-collectifs (voies de communications, écoles, centres de santé, etc...) mais surtout la mise en chantier du projet de construction du stade de football de Bafoussam annoncé par l'État camerounais en 2008 et dont les travaux devenus effectifs en 2012 ont donné lieu à une infrastructure sportive sur une superficie de plus de 6 hectares, ce qui a laissé des populations bamiléké autrefois propriétaires terriens, sans terres de nos jours. A cet effet, le plateau Bamiléké s'est au fil du temps, déchargé de son trop plein de population, pour coloniser les territoires voisins, encore très peu peuplés. Ces populations, tous paysans sinon quelques exceptions, se sont déversées sur la rive gauche du Noun et plus particulièrement dans les zones d'anciennes plantations, qui offrent encore des opportunités, contribuant ainsi au morcellement des parcelles autochtones dans des zones où la clarification des droits fonciers

5 Bureaucrate, ancien Directeur Général du Service National de Renseignement du Cameroun (CENER)

6 Peuple anglophone venu du Nigéria voisin et de la région du Nord-Ouest Cameroun

7 BOUTRAIS, 1986, p.16

8 Les groupes peuls transhumants venus de la partie septentrionale du Cameroun

9 ANC-APA 11919/B

8

demeurent encore très floue afin de satisfaire leur propre demande foncière, dans la plupart des cas souvent avec la complicité des autorités traditionnelles.

Notre objectif dans cette aventure scientifique est celui de comprendre les raisons qui poussent les paysans à accéder aux terres dans les plantations de la C.O.C., alors que celle-ci est un domaine privé.

L'objectif spécifique étant de :

? Analyser et comprendre les logiques paysannes au travers l'étude de la situation

foncière actuelle à la C.O.C. et de la clarification des titres de propriété de ce domaine ? Identifier les acteurs et décliner leurs jeux dans l'acquisition des terres tout autour et

dans les plantations de la C.O.C.

? Eclairer sur les conflits de gouvernance foncière locale dans le cadre de la décentralisation par le biais des acteurs en présence

Afin d'appréhender la situation foncière autour de cette plantation, la question suivante a été établie :

Quelles sont enjeux fonciers actuels tout autour et dans les anciennes plantations coloniale de la C.O.C.?

Car il faut le préciser, cette plantation bénéficie d'un titre de propriété, mais au vue de la situation actuelle, les paysans se comportent en véritable prédateurs fonciers sur cet espace. La notion d'appropriation ici en contexte rural Camerounais et plus précisément sur ce No Man's Land n'a pas la même conception qu'en France par exemple ou dans certains pays Européens et Nord-Américain d'exercice du droit moderne romain ou droit positif, où la question ne se poserait même pas. Il y a ici une pluralité des droits et de normes régulant l'appropriation et la gestion foncière, fussent-ils modernes que représentent les titres fonciers ou coutumiers traditionnels ; Ce dernier mode d'appropriation foncière dit coutumier se matérialisant très souvent par une reconnaissance des droits d'accès, d'usage et de gestion d'un espace par les autorités locales coutumières et l'ensemble de la population villageoise, à un individu ou un groupe d'individu de façon verbale en présence d'un ou de plusieurs

9

témoins issus le plus souvent de la communauté villageoise, pour un service rendu à la communauté ou au nom d'une quelconque amitié développée. Dans ces cas précis, l'on n'a pas besoin d'un titre foncier ; et c'est dans ce contexte que le sultan NJOYA10concéda des terres aux colons blancs dans les années 1930. Ceux-ci ayant pour devoir la rétrocession de ces terres à leur départ (enquête de terrain, mars 2015).

En plaçant le foncier au coeur de la réflexion et aux vues des idées sus-développées, l'on s'interroge de savoir :

? Que deviennent les titres fonciers hérités de la colonisation?

? Qui sont les acteurs fonciers à la C.O.C (quand et comment sont-ils arrivés et quels droits avaient-ils sur la terre)?

? Quelles peuvent être les conflits de gouvernance afférente à de telles situations dans

un contexte de décentralisation, de domination et de monétarisation de la terre?

Au regard de cette situation et de prime à bord, l'hypothèse suivante a été formulé :

Le contexte d'implantation des paysans et les modalités de reprises de cette plantation par les nationaux traduisent la «précarité foncière» observée.

Néanmoins l'on pense que :

? Les multiples conflits à caractères sanglants enregistrés sur ce domaine ont entrainé le dépérissement de cette plantation industrielle et explique l'envahissement illicite de ce domaine.

? L'absence de clarification claire, des droits d'accès et d'usage au moment de l'implantation des paysans explique en partie les conflits observés. En effet, les instances traditionnelles et coutumières du pays Bamoun ont quelque part, favorisé la précarité foncière et les assauts villageois observés dans cette plantation. En effet, l'établissement des titres fonciers non seulement de la C.O.C mais des anciennes domaines coloniaux semblent remettre en cause les normes traditionnelles de gestion de la terre du pays Bamoun. La terre n'est pas à vendre, elle est un bien collectif, le roi est le garant de la distribution et de la gestion auprès des paysans et le peuple Bamoun en est usufruitier. L'établissement d'un titre foncier restreint le pouvoir du roi dans la gestion foncière. Pour ce peuple donc, ce territoire leur revient de droit, bien qu'il soit

10Annexe 1: chronologie des rois de la dynastie Bamoun

10

titré, cela a été contre leur gré, car il faut le préciser c'est à la suite de la déposition du roi Njoya en 1933 à Yaoundé pour trahison et complot contre l'autorité coloniale, où il mourut, que l'administration coloniale, profitant de la psychose qui régnait au sein de la population s'était empresser d'octroyer des concessions aux planteurs blancs dans cette partie du No man's Land11.

? Les principes de gouvernance dans le cadre de la Décentralisation avec l'apparition des nouveaux acteurs institutionnels de gestion du foncier expliquent les différents rapports de force observé non pas seulement dans les plantations de la C.O.C, mais aussi bien dans les arrondissements de Foumbot et Kouoptamo.

L'analyse présentée dans ce mémoire reposera sur une étude de terrain, combinant à la fois enquête, observation et investigation. Celle-ci sera menée durant six mois aux côté des habitants des villages sur lesquels s'étendent les plantations de la Compagnie Ouest-Cameroun entre Février et Juillet 2016. La temporalité allant de 1970 à aujourd'hui s'est avérée significative ; l'année 1970 caractérise le début de la crise des produits de rente au Cameroun et symbolise le départ des européens de leurs exploitations agricoles, quant à nos jours l'on observe encore des conflits fonciers à caractère sanglant opposant les populations aux nouveaux gestionnaires de ces domaines, ce qui serait une résultante des situations post-crises caféicoles.

Clarification conceptuelle et cadre théorique

? Foncier

Selon Alain ROCHEGUDE (2002), le « foncier » peut encore s'entendre comme un concept juridique multidimensionnel ; le terme « foncier » renvoie aux multiples enveloppes juridiques, correspondant à autant des statuts, sinon des procédures dites domaniales ou foncières, qui généralement aujourd'hui sont toutes conçues pour être situées au regard du droit foncier. La présentation de cette diversité est la condition nécessaire d'une mise en perspective utile et juridiquement fondée sur la question foncière dans la décentralisation. Dans la même logique, Mathieu P. (1996), dit que le foncier est par définition une question politique qui ne peut fonctionner que s'il est garanti par un système d'autorité (étatique, coutumière ou mixte) qui définit les règles d'une part et veille à leur application d'autre part.

11 ANY, APA 11820/A, Arrêté portant création des chefferies supérieures dans la région Bamoun in Rapport de tournée dans la subdivision du Noun 1935-1936.

11

Les règles foncières définissent-elles légalement l'accès à la ressource ? Dans quelles conditions ? Et quelle est la distribution de ces ressources entre les acteurs hétérogènes qui expriment le choix des sociétés explicites et implicites sur les rapports entre Etat, pouvoirs locaux et populations et sur le partage des richesses entre les différents acteurs ? Dans le même ordre d'idées, il poursuit en disant que pour les Etats et les administrations modernes, la terre est définie en priorité comme un bien ; un bien économique à mettre en valeur pour produire plus et réaliser le développement. Dans la même logique, Lavigne-Delville (1998) nous fait savoir que ce terme dérive du latin fundus qui signifie fonds de terre. Il se définit suivant le contexte dans lequel il est employé. En géographie, il désigne « l'ensemble des rapports entre les hommes impliqués par l'organisation de l'espace » Il renvoie aussi à « l'ensemble des règles définissant les droits d'accès à la terre d'exploitation et de contrôle concernant la terre et des ressources naturelles renouvelables ». De tout ce qui précède, nous devons retenir que le foncier englobe une dimension spatiale à savoir l'espace et sa gestion qui implique des rapports sociaux donnant un sens aux droits d'usage sur la terre et son exploitation. D'après E. LE ROY, « le foncier' est resté un adjectif tant qu'il désignait le fond de terre (fundus) et le type de pouvoir, de statut ou de revenu qui pouvait en être tiré. On parlait de « seigneurie », de « tenure », de « rente foncière... » En mettant l'accent sur le support matériel, le sol et sur l'origine de la maîtrise exercée12». Pour E. C. GIANOLA, l'élaboration d'une définition qui serait culturellement commune à tous ne serait pas la meilleure solution en raison de la difficulté à rester neutre. En définissant le foncier, on risque à la fois de : Emile LE BRIS, Etienne LE ROY, Paul MATHIEU, « L'appropriation de la terre en Afrique noire. Manuel d'analyse, de décision et de gestion foncières », Ed. KARTHALA, Paris 1998, p. 13-22

Mettre l'accent excessivement sur un certain aspect du foncier en délaissant d'autres aspects également significatifs de celui-ci ; Traduire une certaine vision du foncier dans un cadre purement intellectuel et suivant la perspective culturelle de la société dans laquelle nous nous situons. Cet auteur propose alors une alternative consistant à appréhender le « foncier » comme « une construction socioculturelle composée de certains éléments essentiels qui, tout en étant communs à chaque espèce ou à chaque genre foncier, ne sont pas associés particulièrement à l'un d'entre eux. Ainsi, les écarts entre les différents systèmes fonciers ne seront pas liés à la différence entre les types d'éléments qui les constituent mais à la

12 7Emile LE BRIS, Etienne LE ROY, Paul MATHIEU, « L'appropriation de la terre en Afrique noire. Manueld'analyse, de décision et de gestion foncières », Ed. KARTHALA, Paris 1998, p. 13

12

différence entre les relations existantes entre les divers éléments déterminés par les valeurs socioculturelles qui sont attachées à chaque élément. C'est l'arrangement de ces relations qui détermine une structure foncière donnée13». CHAUVEAU et P. LAVIGNE DELVILLE (1998) soulignent à la fois « la double dimension politique et sociale du foncier, arguant que celui-ci est une question politique révélatrice des dynamiques sociales et des inégalités structurelles, et qu'un système foncier ne peut fonctionner que garanti par un système d'autorité (coutumière, étatique ou mixte) qui définit les règles et veille à leur application14». En terme d'objet d'analyse, E. LE ROY (2000) note que : « l'espace et les ressources doivent donc s'analyser de façon différente en termes fonciers. L'espace donnera lieu à un droit d'accès exclusif et la ressource à un droit de prélèvement, d'exploitation ou de disposition. On parle même de foncier environnemental' dans la gestion de l'espace et des ressources.»

? Enjeu foncier

Pierre Yves-Le Meur15, définit le terme d'enjeu foncier comme un raccourci. Il renvoie tout d'abord à une relation foncière, c'est-à-dire à un rapport social noué entre acteurs individuels ou collectifs autour d'une chose ou d'un bien (terre, plantation, mare, etc.), et non au rapport direct d'un individu ou d'un groupe à cette chose ou à ce bien. Le plus souvent la relation foncière est sous-tendue par un complexe d'enjeux très hétérogènes et dépendants des acteurs impliqués. Il peut s'agir d'enjeux productifs, commerciaux ou de subsistance, rentiers, inscrits dans le court terme ou dans la longue durée et liés à des questions de sécurisation ou de gestion du risque, ou encore d'enjeux politiques, religieux ou symboliques. En bref, une relation foncière n'est que rarement purement foncière. C'est du moins ce que laisse apparaitre la formulation des hypothèses susmentionnées et dont la vérification fera l'objet dans ce travail scientifique. Lavigne-Delville et Durand-Lasserve (2OO8) pensent que les enjeux fonciers auxquels sont confrontées toutes les politiques de développement sont l'accroissement démographique, l'accès à la terre et aux logements pour tous, la conciliation de la croissance économique et de la réduction des inégalités, les compétitions entre acteurs autour de la terre qui sont des sources des conflits à l'échelle locale et nationale, la gestion du

13 GIANOLA (E.C.), « La sécurisation foncière, le développement socio-économique et la force de droit. Le cas des économies ouest-africaines de plantation », Edition l'Harmattan, Paris, 2000, p. 12

14 Cité par Moustapha OMRANE, In : « Transmission de la terre, logique socio-démographique et ancestralité au sein d'une population rurale des Hautes Terres de Madagascar », Paris, 2007, p. 48 »

15Approche qualitative de la question foncière, issue d'une présentation orale effectuée dans le cadre de l'atelier de lancement du projet de recherche INCO CLAIMS (Changes in land access, institutions and markets in West Africa) financé par l'Union Européenne, qui s'est tenu à Ouagadougou du 21 janvier au 1er février 2002.

13

peuplement et la question de la maîtrise de la croissance des villes, la nécessité pour les pays africains de réussir les politiques et réformes foncières.

Ainsi, face aux enjeux, les pays africains sont confrontés à des défis spécifiques qui se résument en quatre points.

1) Permettre l'accès au sol des populations, pour produire, se nourrir et se loger.

2) Prévenir et réguler les conflits sur l'accès à la terre et aux ressources naturelles.

3) Prendre en compte la diversité des droits sur la terre et les ressources naturelles renouvelables.

4) Un besoin de politiques foncières dans un monde libéral.

Ainsi, les enjeux fonciers sont portés par des acteurs individuels et collectifs, que l'on peut schématiquement ranger dans deux catégories : d'une part des acteurs en compétition pour l'accès aux ressources, autour de relation qui peuvent être de concurrence, d'échange, de conflit, d'alliance ; d'autre part, des instances ou institutions de contrôle de l'accès aux ressources.

Vincent et Ouédraogo (2008) vont beaucoup plus loin et pensent que les enjeux fonciers en Afrique et dans le contexte rural Ouest africain, sont plus que jamais d'importances. Ils sont perçus à travers l'évolution des contextes socioéconomiques et politiques nationaux et du contexte international qui fait apparaitre de nouveaux défis fonciers, dont l'ampleur reste encore incertaine. Alors que des rivalités foncières locales étaient, dans le passé, atténuées par un contexte de relative abondance des terres, la dynamique de saturation de l'espace va mettre en question la viabilité des exploitations coloniales et constituer une menace réelle pour la paix sociale. Selon eux, cette menace stratégique des acteurs et gestion de la propriété foncière par les collectivités locales engendre une amplification des mouvements migratoires qui soulèvent de graves tensions identitaires. Par ailleurs la gestion du pastoralisme devient de plus en plus complexe du fait de la mobilité des troupeaux. Tous ces enjeux sont renforcés par l'absence de vision explicitée de l'avenir du monde rural, qui mettrait inévitablement en jeu les types d'agriculture à promouvoir. Ils soulignent également l'importance de l'inapplicabilité de la quasi-totalité des législations pour lutter contre la spéculation foncière, ce qui laisse libre cours à l'accaparement d'importantes superficies à des fins des biocarburants, nouveaux et puissants facteurs de consommation foncière dans la région ouest africaine, et l'absence d'une bonne régulation étatique, un facteur favorisant la dynamique de

14

concentration des terres dans les mains des plus nantis. Ils précisent que ces marchés fonciers non contrôlés par l'Etat deviennent de surcroît source de conflits là où, les mécanismes de régulation foncière locale sont défaillants. Dans la même logique, l'espace périurbain est, en particulier, en restructuration permanente, sous les effets de ce marché informel très dynamique pour lequel les collectivités locales trouvent l'opportunité de générer des ressources à travers la réalisation de nouveaux lotissements, qui parfois, engendrent de nouvelles tensions sociales.

Cette approche est utile pour nous dans la mesure où elle met l'accent sur les stratégies des deux grandes catégories d'acteurs signalées dans notre problématique de recherche, mais aussi, elle nous facilitera l'appréhension de ce phénomène non seulement autour des anciennes plantations coloniales mais également, aux localités de Foumbot et Kouoptamo toutes entières.

? Titre foncier

C'est un document officiel attestant de la propriété de quelqu'un sur un terrain. Ce titre n'existe pas nécessairement dans tous les pays. Il apparaît dans les pays où le droit de propriété est reconnu par l'autorité administrative. Quand le principe de l'immatriculation est appliqué comme c'est le cas au Cameroun et dans les anciennes colonies françaises, le titre foncier est une copie de l'inscription des droits du propriétaire au livre foncier.

? Stratégie

Brunet R et Ferras R., dans les mots de la géographie, (2003) : définissent le concept de stratégie comme l'art de parvenir à un but par un système de dispositions adaptés. Étymologiquement, stratégie vient du mot grec stratos'' qui signifie armée .Stratégie implique un bilan, et passe par des tactiques du lieu ou de l'instant. La stratégie comporte quelques ficelles sûres, disponibles dans tous les bons hasards : exemple de la sûreté du reste de la terre. Aussi Brand et Durousset (2002), l'appréhende t'elle comme l'ensemble des jugements, des pratiques et des tendances des ruraux devant une situation préoccupante. C'est dans ce sens que nous abordons le concept de stratégie dans le cadre de ce travail. En effet, en l'appliquant à la géographie, nous définissons la stratégie comme le plan d'action coordonné, la conduite générale élaborée et à tenir pour faire face à un obstacle, une difficulté, ou pour conduire les opérations économiques, géographique de grande envergure. Les stratégies apparaissent alors ici comme les avantages décisifs que les populations rurales se créent dans

15

le but de s'adapter à nouveau à la recomposition des espaces ou alors les moyens élaborés, conçus ou alors les techniques utilisées par les paysanneries afin d'accéder au foncier en vue du développement des systèmes de productions.

Concept

Stratégie

Dimension

Économique

Typologie

Spatiale

politique

-Stratégie d'accès aux

terres

-Stratégie d'accès aux

plantations

Variable

systèmes de production

- Achat

- Métayage - Fermage - Donation - Héritage

Indicateur

Tableau n°2: Opérationnalisation du concept de stratégie

- Différents types de

? Précarité foncière

Selon Jean Bonnal (1995), un droit foncier est précaire lorsqu'il ne permet pas aux exploitants de s'engager dans des actions ayant des effets à long terme, par exemple la plantation d'arbre. Elle se traduit par les droits de culture accordés temporairement (les contrats de courte durée à l'instar des prêts et locations annuels ou saisonniers) ou provisoirement de part et d'autre par la cession de droits de cultures annuelles ou saisonnières qui s'opposent aux droits de planter. Les auteurs tels que Philipe Lavigne-Delville (2001) ; Bakayogo Nouhoun (2003) ; François Jarrige (2003) (Bachir Doucoure (2004) sont du même avis que J. Bonnal.

Par ailleurs un exploitant est en situation foncière précaire lorsque les contrats de courte durée dont il bénéficie ne sont pas reconduits régulièrement ou si en cas de rupture, il ne peut plus relativement en bénéficier ailleurs, c'est-à-dire accéder à une nouvelle parcelle agricole

16

(Philipe Lavigne-Delville (2001). De tout ce qui précède, l'on parle de précarité foncière lorsque les droits d'usage sur la terre sont de courte durée ou lorsque ces droits, malgré leur caractère permanent ne permettent pas la mise en place des cultures pérennes et par ricochet ne garantissent pas l'accès régulier ou définitif sur une parcelle agropastorale.

Cadre théorique de la recherche

Une théorie est censée expliquer ou alors confirmer un fait. En effet, dans le cadre de cette étude nous avons fait appel à quelques théories pour nous permettre une meilleure lecture non seulement des rapports sociaux qui existent entre les différents acteurs, entre ces acteurs et la terre, mais aussi pour nous permettre d'appréhender l'espace d'application de cette étude.

- La théorie de la formation socio-spatiale de Guy Di Méo selon laquelle « La géographie sociale s'efforce de proposer des méthodes de conceptualisation et d'identification d'analyse et de compréhension de tels espaces/territoires ». Cette recherche de logiques constitutives, de détermination des forces, des seuils et des discontinuités qui structurent l'espace se rapproche de la démarche qui motive le jeune chercheur que nous sommes. Ainsi donc : La formation socio-spatiale est une grille détaillée de lecture du territoire qui se décompose en quatre instances.

? Les instances géographiques et économiques relevant de l'infrastructure.

? Les instances idéologiques et politiques relevant de la superstructure.

Ces quatre instances se combinent de manière dialectique pour former la Formation Socio-spatiale, et les rapports dialectiques de l'infrastructure et de la superstructure créent la spécificité qui fonde le territoire. Dans notre travail, cette théorie nous permettra d'appréhender les différentes interrelations et les corrélations qui se créent tout autour des anciennes plantations et nous permettra de mieux cerner les rapports qu'entretiennent les populations avec leurs terres.

? La théorie des maîtrises foncières d'Etienne Le Roy : celle-ci décompose la notion de possession d'une ressource en ses différentes dimensions .En ce qui concerne la terre, elle renvoie à deux niveaux de maîtrises de la ressource foncière : -« la maîtrise de l'usage »de la terre et la « maîtrise du contrôle de l'usage » de la terre. La « maîtrise de l'usage » de la terre se décompose à son tour en deux maîtrises principales : « l'accès à la ressource » et le « prélèvement de la ressource ». Au niveau supérieur, on a la « maîtrise du contrôle de l'accès à la ressource ». Celle-ci se décompose en deux maîtrises : « la gestion de la ressource » qui

17

est la capacité d'autoriser et d'organiser, l'accès, le prélèvement et le « pouvoir d'exclure » qui est la capacité d'interdire l'accès et le prélèvement. Ce dernier était détenu par des « maitres de la terre »ou des « chefs de terre ». A ces différentes maîtrises s'ajoute une autre : « le droit d'abusus » ou « d'aliénation », qui interviennent quand la terre devient un bien ayant une valeur marchande. Cette théorie s'appliquera dans ce travail, dans la mesure où, elle va nous permettre de mieux comprendre le cadre de la propriété foncière tout autour et au sein même, des anciennes plantations coloniales.

? La théorie de la propriété de John Locke : d'après celle-ci, il existe trois façon d'acquérir la propriété d'une terre à la limite du monde connu, là où les terres n'ont jamais appartenu à personne, on les conquiert en apportant son travail à la terre en friche, en clôturant et en défendant son titre de propriété. Le moyen habituel pour hériter d'une terre dans une zone colonisée est le transfert de titre, c'est-à-dire, recevoir les titres des mains du propriétaire précédent, ici le concept de « chaine de titre » est important, la preuve en est que l'on peut toujours remonter cette chaine jusqu'au propriétaire originel, qui a conquis le terrain. Enfin, cette théorie prévoit le cas où, un titre de terrain serait perdu ou abandonner par exemple, si le propriétaire meurt sans héritier. Ainsi, une étendue de terrain laissée en friche peut être réclamée par une partie adverse qui s'y installe, l'aménage et la défend comme dans le cas d'une conquête. Cette théorie appliquée dans notre travail renchérira davantage la compréhension de la notion de l'appropriation foncière dans le département du Noun, mais aussi au sein des terroirs tout autour et dans les ex-plantations coloniales.

Les différentes clarifications conceptuelles et théories utilisés dans le cadre de ce travail nous ont permis non seulement de faire une lecture des rapports entre les individus au sein d'un groupe social mais aussi une meilleure compréhension du régime foncier en pays Bamoun en général et dans les plantations de la C.O.C en particulier, de façon à prévoir des améliorations futures si ces théories tendraient à ne plus être applicable dans ce contexte.

17

Question de recherche

Objectif de la recherche

Hypothèse de recherche

Plan sommaire du mémoire

Méthodes/

Outils de la recherche

Q.p. Quels sont les enjeux fonciers

O.p. comprendre les réels

H.p. Le contexte

 

Données primaires et

actuel tout autour et dans les

plantations de la C.O.C?

motifs qui poussent les

paysans à accéder aux terres

d'implantation des paysans et les modalités de reprises de

Introducti on

secondaires,

questionnaire, interview, récits

 

dans les plantations de la

cette plantation par les

générale

de vies, Cartes, Google Earth

 

C.O.C.

nationaux traduisent la

précarité foncière'' observée.

 

Pro 2015, Open Street Map, ARCGIS, G.P.S Garmin 1.4

Q.s1Que deviennent les titres

fonciers hérités de la colonisation?

O.s1Analyser et comprendre les logiques paysannes au

travers l'étude de la
situation foncière actuelle à

la C.O.C. et de la

clarification des titres de

H.p1Les multiples conflits à
caractères sanglants enregistrés
sur ce domaine ont entrainé le

dépérissement de cette

plantation industrielle et

explique l'envahissement

1

Questionnaire, interview,

photos,

figures, tableaux, observations,

cartes, SPSS, caméscope,
Quantum Gis 2.12, ARCGIS, Adobe Illustrator 2015

 

propriété de ce domaine.

illicite de ce domaine.

 

Microsoft office Word et Excel

 
 
 
 

2013...

Q.s2Qui sont les acteurs fonciers à la C.O.C (quand et comment sont-

O.s2Identifier les acteurs et

décliner leurs jeux dans

H.p2L'absence de clarification

claire, des droits d'accès et

 

Questionnaire, interviews,

photos,

ils arrivés et quels droits avaient-ils

l'acquisition des terres tout

d'usage au moment de

 

figures, tableaux, récits de vie

sur la terre)?

autour et dans les

plantations de la C.O.C.

l'implantation des paysans

explique en partie les conflits observés

2

observations, Cartes, SPSS, caméscope, Quantum Gis 2.12,

Adobe Illustrator 2015,
ARCGIS

 
 
 
 

Microsoft office Word et Excel

 
 
 
 

2013...

Q.s3Quelles peuvent être les

conflits de gouvernance afférente à

de telles situations dans un

contexte de décentralisation, de

O.s3Eclairer sur les conflits

de gouvernance foncière
locale dans le cadre de la décentralisation par le biais

H.p3Les principes de

gouvernance dans le cadre de

la Décentralisation avec

l'apparition des nouveaux

 

Questionnaire, interviews,

photos,

figures, tableaux, observations, récits de vie.

domination et de monétarisation de

des acteurs en présence

acteurs institutionnels de

3

Quantum Gis 2.12, Adobe

la terre?

 

gestion du foncier dans cette

localité expliquent les

différents rapports de force
observée.

 

Illustrator 2015, ARCGIS Microsoft office Word et Excel 2013...

18

Tableau n°3 : vue synoptique des outils et méthodes de la recherche

19

Méthodologie

Le choix de la thématique abordée dans ce mémoire n'est pas anodin et mérite quelques précisions.

Premièrement, le Master 2 recherche en géographie Pays Émergents et en Développement de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne offre une grande liberté dans leurs orientations thématiques. Le sujet présenté ici est donc un choix tout à fait personnel, mais ayant été influencé par deux facteurs majeurs à savoir notre positionnement dans le champ scientifique et notre vécu quotidien.

? Au plan scientifique, nous avons pour ambition d'emboiter le pas à de
nombreux auteurs qui ont consacré leurs travaux aux études foncières. En effet, qu'ils soient juristes, historiens, anthropologues, géographes, politologues ou économistes, nombreux sont ceux qui se sont penchés sur ces questions. Non pas parce que les autres domaines de la recherche ne sont pas en fait intéressants, mais surtout parce que ces questions sont devenues, une réalité connue de toutes les sociétés. Nous aborderons ces questions cette fois-ci dans une perspective conflictogène dans une société rurale en pleine mutation et aux enjeux fonciers colossaux, mais partant plutôt de la situation foncière dans les anciennes plantations coloniales et les enjeux afférents dans l'analyse des systèmes fonciers ruraux, des systèmes de productions au sens large du terme pour une meilleure compréhension des dynamiques villes campagnes.

? Au plan du vécu quotidien, nous avons bien évidemment été socialisé dans la

localité de Foumbot et ce, depuis notre tendre enfance nous avons été témoin de nombreux conflits autour de la terre issus des inégalités de partage des terres laissées par les Nàssàh''16 comme nos parents ont l'habitude de dire. Ce qui fait qu'une fois que nous avons abordé le stade de la recherche universitaire, nous avons décidé d'éclairer la lanterne sur ce problème crucial qui mine la société qui est la nôtre, en termes de frein au développement.

De la conjonction entre notre positionnement sur le champ scientifique, notre vécu quotidien et l'intérêt que nous avons pour les études de géographie, résulte notre thématique : «Foncier et stratégies d'accès et de contrôle dans les anciennes plantations coloniales au Cameroun: l'exemple de la C.O.C ou le reflet d'un territoire en crise ».Cependant, cette position comporte un risque : L'attachement affectif pour le sujet couplé à notre appartenance

16 Terme local qui signifie : blanc

20

ethnique, car nous sommes Bamoun, pourrait nous faire perdre de vue les enjeux spatiaux et universitaires du travail. Il sera donc important de conserver en permanence le point de vue et les réflexivités du géographe.

Le choix du terrain

La détermination de notre terrain répond à plusieurs critères et impératifs.

Tout d'abord sur le plan académique, l'un des enjeux majeurs du Master recherche Pays Émergents et en Développement de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne est l'étude et la compréhension des questions et problèmes que l'on rencontre dans les pays en Voie de Développement, par conséquent le terrain doit nécessairement se dérouler dans un pays du sud, d'où le choix du Cameroun.

Ensuite, notre fascination pour l'étude des dynamiques Villes-Campagnes dans les pays du sud en générale et des questions foncières en particulier soutiennent cette logique. En effet, le monde rural africain en général et camerounais en particulier est en pleine mutation : tout bouge, plus rien n'est statique. Le foncier rural devient un enjeu majeur pour le développement des systèmes de productions, non seulement pour se nourrir mais aussi pour approvisionner les marchés locaux et régionaux voire sous régionaux, l'agriculture se veut un impératif, tandis que les terres sont « finies » en ville, le monde rural offre encore des opportunités en matière foncière. Or, ce monde rural est encore sous l'emprise d'une superposition de droit en matière d'appropriation et de gestion du patrimoine foncier qui le maintien dans une situation de floue totale en termes de règles et normes sensées régulées l'appropriation et la sécurisation foncière dans cet espace. L'on a en effet, des systèmes de gestion coutumière de la terre dites traditionnels qui font de la terre un bien collectif inappropriable par un individu auxquels se superposent des systèmes d'appropriation relevant du droit moderne concrétiser avec l'établissement d'un titre foncier selon la loi n°80/22 du 14 juillet 1980, portant répression des atteintes à la propriété privée et domaniale, que l'Etat camerounais se porte garant de préserver. Notre terrain en est un bel exemple: les anciennes concessions coloniales bénéficiant des titres fonciers, font l'objet de contestation de nos jours et sont davantage prisent d'assauts par les paysans qui au nom de la tradition revendiquent un droit dit « traditionnel » de gestion et d'usage de la terre qu'il convient de clarifier.

C'est donc dans les arrondissements de Foumbot et Kouoptamo, plus précisément dans les villages de Nkoupa're, C.O.C et Nkou'omboum, villages sur lesquels s'étendent les plantations de la Compagnie de l'Ouest-Cameroun sur une superficie totale de 2400 hectares, que portera notre étude.

21

Carte 1 : Localisation des plantations de la Compagnie de l'Ouest-Cameroun (C.O.C) Le protocole de recherche

22

À ce stade et préalablement au terrain, un protocole de recherche doit être établi. Celui-ci comporte des objectifs, une problématique et des hypothèses susmentionnés mais doit nécessairement reposer sur un choix méthodologique comportant le choix et l'explication des outils de collectes et de traitement des données.

? Les outils de collecte et de traitement des données

Les outils méthodologiques qui ont utilisés pour la rédaction de ce travail de recherche ne sont pas disciplinaire au sens où, bien des sciences connexes à la géographie que sont notamment l'anthropologie, la sociologie, l'économie pour ne citer que celles-ci, peuvent être amenées à les mettre en oeuvre dans leurs pratiques du terrain. Dans notre contexte précis, il s'agit du terrain, ses enjeux à la fois méthodologiques et théoriques qui constituent le terreau d'un dialogue interdisciplinaire basé sur des convergences réelles. Ainsi le travail effectué sur les plantations de la C.O.C qui s'étend sur trois villages à savoir : C.O.C, Nkoupa're, Nkoundoumbain, mais donc le spectre d'action s'étend aux localités de Foumbot et de Kouoptamo (Mbankouop), a été fait suivant l'élaboration d'un calendrier de recherche et couvrant une période de six mois pour la collecte des informations. Celle-ci commença au début du mois de Février et se termina au mois de juillet 2015. Ce travail s'appuie d'ailleurs sur l'exploitation des sources d'archives, de données écrites et statistiques, les levés de points au GPS pour l'ensemble de la plantation et la situation des grandes infrastructures de communication, d'un levé de parcellaire pour rendre compte de l'occupation du sol par des systèmes de productions et autres aménagements humains, combiné à cela l'utilisation des fonds d'images Google Earth, Open Street Map et des fonds de cartes préexistantes afin de réaliser une cartographie assez précise de la plantation et de pouvoir localiser les espaces les plus disputés. A cet effet les logiciels ArcGis et Quantum Gis ont été fortement utilisés. Les entretiens entendus ici comme situation particulière et artificielle ont été fortement utilisés. Le contexte de son déroulement s'est fait de façon privé, afin de rassurer les paysans de ce que nous protégeons leurs anonymats. Ainsi nous avons effectué des rencontres avec les paysans à la fois dans les champs et dans les maisons d'habitations villageoises ; les données récoltées contenant mais à part variable, des éléments référentiels, dans notre cas précis, il s'agit de la question foncière dans les plantations de la C.O.C, il a été question à la fois d'obtenir de ces paysans, un récit de vie, la narration et la nature des conflits fonciers mais aussi bien la description des pratiques et normes locales qui régulent la gestion et l'appropriation du patrimoine foncier. Au total c'est un échantillon raisonné de deux cent paysans, hors mis les autorités coutumières traditionnelles et administratives de ces localités,

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qui ont été enquêté ceci suivant l'estimation du nombre d'agriculteurs de la localité de Foumbot établie par le MINADER.

NOMBRES DE NOM DES VILLAGES

PERSONNES ENQUETES

Compagnie Ouest Cameroun

70

Nkou'omboum

30

Nkoupa're

40

Foumbot

30

Mbankouop

30

Total

200

Tableau n°4: Récapitulatif des questionnaires guide- d'entretien récoltés par villages parcourus

La phase théorique, où l'écrit occupe une place particulière dans le dispositif d'enquête sur le foncier, une étude réflexive et critique des archives, ouvrages et documents qui traitent de la thématique du foncier a été au préalable réalisée, afin de mieux appréhender les textes de lois qui régissent le foncier au Cameroun, d'avoir une idée sur la propriété et la gestion foncière avant, pendant et après la colonisation dans ce pays en général et sur le No man's land qui abrite notre plantation d'étude. Cela nous a permis en outre, de cerner et de clarifier les contours conceptuels et sémantiques du foncier, d'avoir une idée sur la zone d'étude, le mode de vie et les histoires de vies des populations dans cette zone. C'est au total, une trentaine de circulaires et sources d'archives qui ont été consultés dans les locaux du bureau national de archives de Yaoundé, du centre d'archives d'Outre-mer de Montpellier, des arrêtés et ordonnances, de textes juridiques qui ont été consulté dans les archives des départements ministériels du MINDCAF, du MINATD et du MINADER, des services d'arrondissement du MINDCAF, du MINADER et du MINATD de Foumbot qui nous renseignes sur les législations foncières et domaniales au Cameroun, son évolution à travers le temps et l'espace.

Les lectures bibliographiques ont été menées dans trois directions majeures. Des lectures assez généralistes, privilégiant des approches théoriques, ont été poursuivies dans le but de confronter des points de vue très différents de géographes, mais aussi d'historiens, d'anthropologues, de sociologues, sur l'utilisation des notions de territoire, foncier et gouvernance. Les auteurs ayant des interrogations sur les temporalités des territoires et les

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rapports de pouvoir au sujet du foncier ont été privilégies. Les références indiquées ici n'ont aucune prétention à l'exhaustivité et ne sont qu'un échantillon des influences reçues. Un deuxième axe bibliographique, plus précis, a cible les études de géographie rurale, de géographie physique et d'agronomie sur le pays Bamoun. Les références les plus récentes ont été sélectionnées ; il reste néanmoins à poursuivre les lectures dans ce sens en recherchant des écrits plus anciens. Enfin, une première recension des ouvrages, articles, colloques et thèses sur le foncier dans les pays en développement a été menée. De la question foncière dans les anciennes plantations coloniales aux stratégies de contrôle de la terre, ces études abordent des aspects très diversifies.

Les techniques d'enquêtes ici présentées ne sont pas uniquement qualitatives car, il est des aspects nécessitant l'élaboration de procédures de recension systématique (et donc pas simplement « quantitatives » au sens strict), qui peuvent prendre la forme de recensements, de cartes, de comptages, de diagrammes, de généalogies. Les données statistiques quant à elles sont celles des différents recensements généraux de la population et de l'habitat effectués en 1976, 1987 et 2005 au Cameroun. Celles-ci seront compléter par les fichiers de l'Etat Civil et de listes électorales obtenus au niveau de la mairie municipale d'arrondissement de Foumbot, afin d'avoir une idée approximative sur la taille des populations des différents villages ouvriers. Les sources statistiques des brigades de gendarmerie de Foumbot, de Mbankouop et du T.P.I de Foumbot ont été consultées, notamment pour avoir une idée sur le nombre et les fréquences des plaintes déposées au sujet des conflits fonciers entre les différents acteurs identifiés. Les registres de recensement des patients des districts de santé des différents villages de notre zone d'étude ont également été passés en revue afin de pouvoir appréhender la nature le type de conflits et d'avoir une idée approximative sur le nombre de victimes, ce qui nous a permis de caractériser l'ampleur du conflit. Cette étude nous a permis également d'identifier les dates les plus troubles et les plus mouvementées de l'histoire de la plantation. Les levés de points au GPS : cette étape a été cruciale notamment pour la réalisation de la cartographie de la zone d'étude. Pour cette cartographie, nous avons opté pour une approche multiscallaire à savoir :

? Une cartographie à l'échelle régionale : celle-ci consiste à la cartographie des différents villages sur lesquels s'étendent les plantations de la C.O.C, ceci dans le but non seulement de circonscrire notre zone d'étude mais aussi d'identifier les grandes infrastructures routières et réseaux viers, les centres de santé et les infrastructures étatiques de sécurité, d'identifier les grands villages ouvriers par rapport à la plantation.

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? Une cartographie à l'échelle de la plantation elle-même, d'une superficie de 2400 ha. Ce fut un travail fastidieux d'environ six jours, pour un parcours journalier à pieds de sept kilomètres pour la prise des points GPS. Pour ce faire l'utilisation des images Google Earth et Open Street Map mais aussi des cartes préexistante afin de faire une synthèse s'est avérée indispensable.

Selon la pluralité des acteurs identifiés à savoir les paysans, les gestionnaires de la plantation, les autorités coutumières locales et administratives, la réalisation des guides d'entretiens et des interviews a été un impératif. Ce faisant, le choix des personnes à enquêter fut exhaustif et raisonné suivant le nombre d'agriculteurs encore présents dans la zone fournie par les services déconcentrés du MINADER. Au total, ce ne fut pas moins de deux cent guides d'entretiens qui ont été élaborés, hors mis ceux destinés aux autorités coutumières, locales et administratives repartit sur les villages qui couvrent notre terrain. Leurs entretiens et interviews fut indispensables pour la compréhension des logiques des différents acteurs pour l'accès au foncier dans cette plantation en particulier et du territoire Bamoun en général. D'où la pluralité.

Nous avons aussi fait recours à l'observation directe, celle-ci étant bien plus une stratégie de recherche qu'une méthode unifiée, (cf. Davis 1999 : 67) : « lorsque l'on est inséré dans une situation sociale comme observateur et participant, on va certes observer des actions, des attitudes, écouter des discours, mais aussi recenser, compter, et encore discuter, poser des questions. Ainsi en va-t-il des discussions menées lors d'un transect, de la visite de confins litigieux ou d'une forêt classée, squattée ou non : on peut les voir comme des entretiens en contexte ou des « observations discutantes... »

Ainsi, dans la réalisation des parcours de différentes parcelles que ce soit avec les paysans eux-mêmes qu'avec les gestionnaires des plantations, cette technique nous a permis de mieux comprendre la façon dont les différents acteurs se représentent leurs espaces, leurs limites ; celle-ci nous a non seulement permis de gagner la confiance des paysanneries mais aussi de parvenir à faire une meilleure analyse des systèmes de productions y afférents.

L'illustration du mémoire par des photographies s'avérant par moments nécessaire. Notre intension première a donc été de prendre suffisamment de photos sur le terrain pour constituer une banque de donnée photographique personnelle alimentant le mémoire.

La réalisation des guides d'entretiens : la productivité de l'entretien résidant dans la capacité à faire, et à laisser, surgir des idées, hypothèses, champs d'investigation imprévus,

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qu'il va s'agir de suivre dans l'entretien même et au-delà, des questionnaires guides d'entretiens ont été élaboré sur la base des questions et objectifs de ce travail scientifique. Cette possibilité est d'autant plus élevée que l'interaction se déroule de la manière aussi détendue et « naturelle » que possible, s'approchant autant que faire se peut de la conversation et nous a permis de récolter un nombre insoupçonné de données sur le vécu quotidien de ces paysanneries, notamment le manque d'appui au développement local.

Les difficultés de terrain : La première et principale difficulté de ce travail de recherche est relative à l'objet de recherche lui-même. Si la problématique de la stratégie d'accès à la terre est abordée sans gêne par la majorité des acteurs, surtout les populations locales, il en est autrement pour ce qui est relatif au foncier lui-même : A qui appartient la terre ? Car la terre représente la vie et la mort pour ces paysanneries qui n'ont de sources de revenus que le travail de cette ressource et la vente des produits qui en résultent. Par conséquent, certaines informations restent secrètes malgré les mutations des pratiques dont la tendance est à la désacralisation du foncier.

La deuxième difficulté est liée au fait que nous sommes en zone d'accueil de migrants qui représenteraient près de 65% des habitants actuels de la commune (BUCREP, 2010). La plupart des acteurs migrants ne se prononcent pas sur certains aspects des rapports fonciers par crainte des représailles foncières (expropriations). Il est donc évident qu'il y a beaucoup de non-dits à l'heure actuelle même si les données collectées font état d'une crise foncière qui s'est déjà installée dans la commune de Foumbot (Mounvera S., 2015)17, particulièrement dans certaines localités.

La troisième difficulté est celle de rencontrer certains « nouveaux acteurs » du jeu foncier. Non seulement ils ne sont pas résidents dans la zone d'étude, mais dès lors qu'ils se rendent compte qu'il s'agit de discuter avec eux de foncier, nombreux sont ceux qui ne se montrent pas disponibles. Les formes de transactions (décrites dans la deuxième partie du document), le plus souvent non transparentes, peuvent expliquer la « clandestinité » actuelle de nombre d'entre eux.

La quatrième difficulté fut sans doute le fait pour nous d'avoir préservé notre anonymat en s'abstenant de préciser notre appartenance ethnique, pour la simple raison que le pouvoir de l'autorité traditionnel y est dans ce territoire encore très fort, ce qui fait que lorsque vous voulez remettre en doute ou en question les propos d'un notable ou dignitaire de la cour

17Mounvera Simon (2015), Insécurité foncière et gestion durable des terres dans l'Arrondissement de Foumbot, mémoire de Master 2 ; Université de Yaoundé I

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royale, cela est perçu de tous comme un mépris et peu vous valoir des représailles très violentes allant de votre endroit à celle de votre famille toute entière. De ce fait, ceux-ci ont souvent tendance à raconter des histoires connues de tous, qui parfois ne reflètent ou alors ne cadrent pas avec les réalités quotidiennes, comme va nous le révéler notre travail de terrain. Pour nous donc, ce fut très facile de nous faire passer pour un étranger'' afin d'obtenir les informations au lieu de révéler notre attachement ethnique pour récolter des informations peu pertinentes voire même erronées ; comme on dit très souvent : « nul n'est prophète chez soi ».

De l'ordre des limites, on peut noter qu'il règne une confusion entre « anciens » et « nouveaux acteurs » dont la grande majorité se livre à un accaparement des terres, (que nous tenterons de distinguer dans cette étude) dans l'entendement local. Ce qui rend encore plus ardu un travail de stratégie ou de logiques d'acteurs dans la quête foncières c'est sans doute l'hétérogénéité de leurs buts. Les effectifs des « nouveaux acteurs » dans les villages sont parfois approximatifs, certaines identités échappant même aux propriétaires terriens qui ont prêté ou « vendu » leurs terres à ces derniers.

- Le fait que l'étude s'est amorcée en saison sèche qui est une saison presque morte en matière agricole. Excepté le maraîchage et quelques cultures de contre-saison, l'activité agricole est en pause. Certains ouvriers temporaires dans les fermes étaient absents et attendaient, probablement le retour des pluies pour revenir dans la localité. Ce qui a eu pour conséquence, la multiplication des missions de terrains effectuées, ce qui nous a valu un accident de motocyclette caractérisé par une fracture de la cheville et de nombreuses lésions.

A quoi l'étude a-t-elle abouti ?

La présente étude à aboutit à la rédaction d'un mémoire qui devra permettre (et ou pas) la validation du diplôme de Master 2 Recherche option Pays Emergents et en Développement à l'Institut de Géographie de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Le mémoire est structuré en trois parties :

? La première partie traite de l'histoire de la plantation de la C.O.C, de son

accaparement foncier sur l'espace environnant, depuis sa création jusqu'à nos jours. ? La deuxième partie traite du jeu d'acteurs et de leurs implications dans le foncier à la

C.O.C.

? La troisième partie quant-à-elle traite de l'éclairage sur les conflits de gouvernance qui sont ainsi révélés et des perspectives dans le cadre de la décentralisation.

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Ière PARTIE : HISTOIRE DE LA PLANTATION ET DE SON ACCAPAREMENT FONCIER SUR L'ESPACE ENVIRONNANT

Pour comprendre davantage les stratégies paysannes d'accès et de contrôle de la terre tout autour et dans les plantations de la C.O.C., il est important de marquer un temps d'arrêt sur l'histoire de la plantation de la C.O.C et de l'accaparement foncier dont elle a fait et continue encore de faire preuve de nos jours, il nous semble donc logique d'analyser notamment la situation foncière du pays Bamoun en général et les circonstances de l'implantations des plantations coloniales en particulier la C.O.C, et enfin tenter une clarification même des titres de propriété de cette plantation.

I. SITUATION FONCIERE PASSEE ET ACTUELLE DU PAYS BAMOUN

1. Hiérarchisation du pays Bamoun et stratification de la tenure du sol

Situé entre 4°26'- 6°15'50'' N et 10°15' et 11°30' E, en contrebas de la dorsale camerounaise composée de sommets imminents (Manengoumba - 2411m, Bamboutos - 2740m, Oku - 3011m), le pays Bamoun18 fort de ses 7687 km2 se déroule en une série de collines convexo-concaves que surmontent les unités topographiques que sont le Mbetpit, le Nkogham et le Mbam ; celles-ci recouvertes en partie par des cuirasses d'accumulation héritées des variations climatiques du quaternaire. La région ayant été affectée par une forte activité volcanique, les collines et les espaces environnants se sont recouverts de cendres et des cratères et des lacs s'y sont formés (S. Morin, 1989, 118p.). L'on y observe une organisation de type pyramidale, doté d'institutions fortes. À la tête du royaume : le roi (Mfon), assisté de trois adjoints (Nji Ngbetnyi) et de sept conseillers du royaume (Komngu) et à la base les paysans. Le royaume Bamoun est comme un Etat dans 1'Etat. C'est un « grand finage » au sens propre du terme, c'est-à-dire, un territoire sur lequel les populations installées, exercent leurs droits agraires. Traditionnellement, la terre est le bien collectif de tous les habitants. Chaque individu peut recevoir en jouissance, une parcelle du patrimoine communautaire.

18 Confère annexe 2 : carte de localisation du pays Bamoun (Noun)

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Parlant de la stratification de la tenure du sol en pays Bamoun, le roi, en sa qualité de possesseur de toutes les terres, découpe le territoire de la chefferie en sous-chefferies ou en quartiers, à la tête desquels il place des chefs, auxiliaires. Ces derniers ont, entre autres, la charge d'installer les ressortissants qui désirent exploiter une parcelle de terre sur les portions du territoire qui leurs sont confiées.

Le paysan était à la base, il avait le droit d'usage et en aucun cas celui de propriété et par conséquent, il ne pouvait aliéner la terre. La descendance pouvait dans une certaine mesure continuer à l'exploiter mais disposait des mêmes droits que ses ancêtres. Il fallut attendre les reformes du Fon Njoya de son retour de Victoria en 1905, lorsqu'il déclare : « l'arbre qui est planté par un homme devient la propriété de cet homme »19

L'ensemble des terres était divisé en domaines sur lesquels étaient installés les chefs de lignages (Nji Ngwen), les princes (Njimonfon), les intendants (Mutnjü Ngwen), les colons (Noufà) et les serviteurs (Kpèn). Chaque catégorie sociale a ses attributions qu'elle n'outrepasse point sous peine de sévères sanctions.

La cour royale est complétée par un aréopage composé d'une noblesse palatine dont Njifonfon, Titafon, Komshushut, Titangu, Tupanka, Manshut, Shushut. La reine mère (Sheitfon) a joué un rôle important dans la vie de la nation. Les reines (Ne gbiéfon) et les princes (Njimonfon) occupent une place de choix dans la société. Un hommage particulier fut rendu à l'oncle du roi Njoya.

La population est composée de dignitaires et de serviteurs (Kpèn). Chaque unité élémentaire a à sa tête un «Ngâjü» qui se réfère à un «Nji» qui est soit son père, soit son maitre. Les hommes libres étaient inexistants, le statut de la noblesse pouvant disparaitre du jour au lendemain. Le serviteur est inaliénable ; un service mal rendu était un motif pour être vendu. Une femme soupçonnée de maléfice était vendue.

Nji et Monji sont des nobles qui entretenaient le roi du fait de leur importance économique. Une personne d'origine servile pouvait devenir Nji pour sa bravoure.

L'instance suprême est le `Mutngu», organe de police, de justice et même de gouvernement qui peut déposer le roi en cas de nécessité. Il est composé de notable appartenant le plus souvent à la génération du défunt roi ou ayant servi sous lui.

19André, op. cit

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Sources : M. MOUPOU, 1991 ; WARNIER (J.P), 1984

Encadré 1 : Instances juridictionnelles du pays Bamoun

a) le roi gardien des terres

Le roi a le droit de disposition sur toutes les terres de son royaume. Il exerce ce droit en qualité de garant et gardien des terres pour la nation. Exception des terres appartenant aux Kom, il avait le pouvoir de procéder à une redistribution des terres non mises en valeur, de disperser des terres des njü (concessions) dont les habitants n'avaient pas respecté la politique agraire du royaume. Aucune procédure ou démarche foncière ne peut s'effectuer sans l'approbation du roi ; NJOYA20 est très clair dessus. Personne ne peut vendre une parcelle de terrain sans autorisation du roi. Le roi donne une notification de vente au vendeur, ainsi qu'à l'acheteur et inscrit la vente dans son livre».

Etant le Mfon Pamom, toutes personnes installées sur le territoire Bamoun devait verser des tributs au roi. Les taxes ainsi recueillies contribuaient au financement des projets du royaume et permettant ainsi le fonctionnement de cette dernière. Or avec l'arrivée des colons français, et plus tard la titrisation des domaines qui s'en ait suivi, l'équilibre se trouve bouleverser car il y a une suppression des tributs à verser à la chefferie, mais encore la main d'oeuvre qui pouvait encore servir à la réalisation de certains grandes infrastructures du royaume se retrouvent enrôler parfois même de force c'est-à-dire contre leur gré, dans les grandes plantations coloniales.

De plus les migrants non autochtones qui arrivent ne sont plus sous l'autorité du roi mais plutôt des maitres des domaines, ce qui veut dire qu'ils sont non seulement exemptés de payer des tributs sur la taxe foncière au sultanat, mais en plus ne sont pas tenus d'apporter des présents en culture lors de la fête du Ngouon21.Cette situation ainsi décrite contribue à fragiliser l'autorité et le rôle du pouvoir coutumier Bamoun dans la gestion foncière de son territoire. La terre en pays Bamoun n'étant pas à vendre, mais pouvant tout au plus être louée, et le roi en qualité de gardien des terres et garant de la distribution auprès des paysans et des allochtones qui en font la demande, y veille personnellement, car il en va de l'intérêt de la

20 TARDITS, 1980, p.381

21 Fête traditionnelle du peuple Bamoun, autrefois elle désignait la fête de récolte, mais avec le temps celle-ci est devenue l'identité même de ce peuple de vaillant guerrier.

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communauté. Il faudra attendre l'arrivée des Français en 1916 pour voir apparaitre les premières ventes de terres (Moupou, 1991).

b) la noblesse et les domaines ruraux

L'ensemble du pays Bamoun est un conglomérat de domaines distribués et redistribués au fil des successions dans les lignages aux parents, aux dignitaires, aux clients ou aux colons du royaume. A l'exception des serviteurs, ces espaces appartenaient à des personnes qui avaient obtenu des attributions de la part du roi : c'était des nobles.

Sur chaque domaine, une ou plusieurs parcelles étaient cultivées au profit du possesseur (Nga Ngwen) qui le plus souvent était tous des Nji, mais sous la supervision d'un intendant (Mutnjü Ngwen), qui assurait le prélèvement des récoltes à envoyer au possesseur, car ceux-ci pour des raisons dont on ignore encore, ne devaient pas résider de façon permanente sur leur domaine. Et chaque possesseur de domaine devait à son tour remettre à la fête du Ngouon, un tribut en produits issus de ses terres au roi. Le non versement du tribut pouvait entrainer le retrait de la terre, ce qui survenait très souvent lorsqu'on n'avait pas de main d'oeuvre servile. Environ 700 domaines ruraux ont existé en pays Bamoun22.

La tenure foncière ici est très élitiste, car n'étant réservée qu'à une certaine classe de personne. Exception faite, aucun serviteurs n'était propriétaire des terres, ils se contentaient juste des parcelles de fortunes, à eux données par les possesseurs de domaines. Cette situation a augmenté la fracture qui existait déjà entre les différentes classes sociales en pays Bamoun. De plus un paysan ou un ouvrier ne pouvait en aucun cas posséder des terres sans l'approbation de son maitre.

II. LA CREATION DES ANCIENNES PLANTATIONS COLONIALES EN PAYS

BAMOUN : LE CAS DE LA C.O.C

L'administration coloniale s'est entourée d'un aréopage de dispositions juridiques inspirées du droit moderne romain pour régir la tenure des sols des peuples aux droits différents. La situation de floue qui existe en la matière traduit la pluralité des normes sensées règlementées le droit au Cameroun. Entre norme de sécurisation moderne romain garanti par le titre foncier et celui du droit coutumier, au Cameroun en général et en pays Bamoun en particulier, les rapports de force sont en faveur des gouvernants, les gouvernés doivent se

22 Njoya, 1952, p.119

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conformer aux directives des premiers. Depuis la conquête coloniale, s'est superposée à ces systèmes fonciers locaux, une législation nationale imposée par le colonisateur où, les colonisateurs successifs fondée sur des principes différents et surtout orientée vers les intérêts du colonisateur (Lavigne Delville et al. 2002). En effet, les législations coloniales relatives à la terre et aux ressources foncières en général étaient inspirées de celles en cours dans les pays colonisateurs, nuancées en fonction de leur compréhension des systèmes locaux et des intérêts coloniaux (Lavigne Delville et Chauveau, 1998).La création de ces anciennes plantations coloniales en pays Bamoun, en particulier la C.O.C obéit à cette logique mais néanmoins, renferme quelques zones d'ombres, qui font aujourd'hui à ce que cette plantation soit une arène perpétuelle de confrontation entre les différents acteurs du jeu foncier dans cette localité, un terreau de conflit à caractère sanglant qui fragilise le devenir même des ruralités existantes ainsi que celui des paysanneries de cet espace rural.

a) Les titres fonciers hérités de la C.O.C : entre légitimité et légalité

La réglementation du droit de propriété au Cameroun ne reconnait qu'un seul document pour sécuriser la propriété foncière : le titre foncier. Ce dernier est le document officiel attestant de la propriété inaliénable d'un individu sur une portion du territoire national qui devient de fait sa propriété privée. Ce titre n'existe pas nécessairement dans tous les pays. Il apparaît dans les pays où le droit de propriété est reconnu par l'autorité administrative. Quand le principe de l'immatriculation est appliqué comme c'est le cas au Cameroun et dans les anciennes colonies françaises, le titre foncier est une copie de l'inscription des droits du propriétaire au livre foncier.

Avec une superficie de 2400 hectares pour quatre titres fonciers, la C.O.C est l'exemple type d'une compagnie agricole à caractère industrielle. Celle-ci a été acquise pour 59340 francs par un groupe de banquier de Lyon (France). Dongmo (1987) dira que c'est au prix de rien qu'ils (colons français) ont acquis des terres dans les hautes de l'Ouest Cameroun en général et du plateau Bamoun en particulier.

concession

Numéros de titres fonciers

Superficie totale (ha)

1

Monoun

T.F n°2 inséré au livre foncier de Dschang Volume I

928,4867

2

Noun

T.F n° 15 et 19 : inséré au livre foncier de la région du Noun volume I

997,7964

3

Lounga

224,7949

33

4

 

Foumbèn

T.F n° 509 inséré au livre foncier du département Bamoun volume II

241,6420

Total

2400ha

Tableau 5 : Concessions et titres fonciers de la C.O.C

Ces titres fonciers acquis de la C.O.C, en l'occurrence quatre, ont été inscrit dans le livre foncier et fait partie intégrante du domaine français. En effet, la France dans l'administration sous mandat de la S.D.N du Cameroun, prit des mesures réglementant la tenure foncière et le droit des communautés indigènes en la matière. Parmi les autres lois foncières qui ont été passées en revue mais qui ne sont plus en vigueur figurent :

- l'arrêté du 15 septembre 1921, déterminant les conditions d'application du décret du 11 août 1920 sur le domaine privé de l'État dans les territoires du Cameroun ;

- le décret du 21 juillet 1932 instituant au Cameroun le régime foncier de l'immatriculation ;

- le décret du 12 janvier 1938 et son arrêté d'application du 31 octobre 1938 sur les questions foncières et la loi n° 59-47 du 17 juin 1959 portant organisation domaniale et foncière.

DROIT SUPREME

Loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972 (en vigueur depuis 2001).

DROIT EN MATIERE DE REGIME FONCIER

Ordonnance n° 74-1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier et intégrant la modification de 1977.

Loi n° 83-19 du 26 novembre 1983 modifiant les dispositions de l'article 5 de l'ordonnance n° 74-1du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier.

LOI RELATIVE A L'IMMATRICULATION FONCIERE (DROIT DE LA
PROPRIETE PRIVEE).

Loi n°76/25 du 14 décembre 1976 portant organisation cadastrale.

Décret n° 76-165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier, tel que modifié.

Décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005 modifiant en complétant certaines dispositions du décret n° 76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier. Décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005 modifiant et complétant certaines dispositions du Décret n° 76-165.

LOIS FONCIERES NATIONALES/ETATIQUES

Ordonnance n° 74-2 du 6 juillet 1974 fixant le régime domanial.

Décret n° 76-166 du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine national.

DOMAINES DU GOUVERNEMENT

Décret n° 76-167 du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine privé de l'État.

Décret n° 95-146 du 4 août 1995 modifiant et complétant certaines dispositions du Décret n° 76-167.

Loi n° 80-22 du 14 juillet 1980 portant répression des atteintes à la propriété foncière et domaniale.

Décret n° 84/311 du 22 mai 1984 fixant les conditions d'application de la loi n° 80-22 du 14 juillet 1980 portant répression des atteintes à la propriété foncière et domaniale. ACQUISITION DE TERRES POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE

Loi n° 85-09 du 4 juillet 1985 relative à L'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités d'indemnisation.

Décret n° 87/1872 du 16 décembre 1987 portant modalités d'application de la loi n° 8509 du 4 juillet 1985.

Instruction n° 000005/I/Y.25/MINDAF/D220 du 29 décembre 2005 portant rappel des règles de base sur la mise en oeuvre du régime de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

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TENURE DES RESSOURCES NATURELLES

Loi n° 94-01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche,

ainsi que la législation subséquente dont la liste figure dans l'encadré n° 3 (chapitre

3).

Loi n° 96-12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de

l'environnement.

Loi n° 2001-1 du 16 avril 2001 portant Code minier.

Loi n° 2002-003 du 19 avril 2002 portant Code général des impôts de la

République du Cameroun.

Loi n° 2002-013 du 30 décembre 2002 portant Code gazier.

Décret n° 97/116 de 1997 fixant les conditions et modalités d'application de la loi n°

96/14 du 5 août 1996 portant régime du transport par pipeline des hydrocarbures

en provenance des pays tiers.

DROIT RELATIF AUX COLLECTIVITES LOCALES

Loi n° 2004-17 du 22 juillet 2004 d'orientation de la décentralisation, ainsi que la loi n° 2004-18 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes et la loi n° 2004-19 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux régions.

Encadré n° 2 - Les principales lois foncières en vigueur affectant les intérêts des propriétés communales rurales au Cameroun

Le décret du 11 août 1920 complété par l'arrêté d'application du 15 septembre 1921 distingue en dehors des terrains vacants et sans maitre,

? Les terrains appartenant à des indigènes ou à des collectivités indigènes en vertu de la coutume et de la tradition mais pour lesquels n'existe aucun titre de propriété écrit.

? Les réserves, terrains situés autour des villages sur lesquels les indigènes pratiquent leurs cultures, recueillent ce qui est nécessaire à leur existence, font paitre leur troupeau, etc..., mais sur lesquels ils n'ont en fit qu'un droit d'usage et non un droit de propriété.

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Ce même décret leur permettait de faire constater leurs droits fonciers. Les décrets du 20 août 1927, du 21 juillet 1932 et du 2 février 1949 abondent dans le même sens (Moupou, 1991 ; p.67).

Le décret du 11 août 1920 attribue à la France, les terres vacantes et sans maitre suivant la formule de l'article de l'article 539 du code civil français. Ce décret est abrogé et remplacé par celui qui constate et déclare domaniales, les terres vacantes et sans maitre et attribue la propriété au territoire. Le décret n° 55-581 du 20 mai 1955 modifiant et complétant celui du 22 octobre 1938 fixant les modalités d'applications des décrets des 12 et 19 janvier 1938, portant organisation du régime des terres domaniales au Cameroun, maintient le principe selon lequel les terres vacantes et sans maitre appartiennent au territoire.

Les cessions et les concessions, régies par les décrets du 15 septembre 1921 et du 12 janvier 1938 distinguent les concessions urbaines des concessions rurales et permettent aux populations d'obtenir des droits réels sur des espaces dans des régions où ils sont considérés comme étrangers. Ainsi, suivant le décret du 20 mai 1955, une concession est accordée suivant les dispositions du décret du 12 janvier 1938 après constatation des droits coutumiers pouvant exister sur le terrain et lorsqu'il est déclaré vacant et sans maitre. S'il est au contraire soumis à des droits coutumiers, le détenteur de ces droits peut les abandonner au profit du demandeur de concession. Ainsi, « le territoire n'intervient plus dans la transaction pour imposer à ce dernier des conditions de mise en valeur. Avant d'en arriver là, il a fallu attendre longtemps » (Auber, 1956)

Brassé dans ce cortège juridique, les titres fonciers de la C.O.C, furent établit et acquis au nom de celle-ci par des banquiers français. Cette situation n'était pas de nature à engendrer un conflit, or en 1974, l'Etat du Cameroun opte pour des reformes. l'ordonnance n°74-1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier et le décret 76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier modifié par celui n° 2005/481 du 16 décembre 2005 qui, instituent la propriété privé au détriment de la propriété collective, fait de l'immatriculation le seul moyen d'accès légal et de sécurisation des droits fonciers et met toutes les terres non immatriculées sous la garde de l'Etat. Ainsi leurs terres énumérées, les détenteurs de titre de propriété doivent s'acquitter de taxe sur la redevance foncière.

Cette ordonnance du 6 juillet 1974 laissait une période allant de un à dix ans pour la retranscription des anciens titres de propriétés qui avaient été délivré avant la publication de cette ordonnance de 1974, or les titres de la C.O.C, se retrouvent dans ce sillage. Par ailleurs d'après le principe de territorialité, en matière foncière au Cameroun, la retranscription ou la

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mutation des titres de propriété d'un domaine ou d'un terrain doit se faire par devant une autorité juridique compétente, en l'occurrence l'autorité notariée de la circonscription administrative dans laquelle se situe le bien.

Au sujet de la légalité des titres fonciers hérités de la C.O.C, il y aurait donc un problème de compétence juridique : des juridictions française et camerounaise, laquelle est-elle compétente du point de vue territoriale?

Les camerounais ignorent la loi foncière, ils ne savent pas que toutes les terres du Cameroun appartiennent à l'Etat, car celui-ci a le droit de préhension.

Fochivé aurait obtenu une mutation des titres de la C.O.C au quai d'Orsay, ce qui est à l'encontre du principe de territorialité, car c'est devant le notaire de Foumban que devait se faire cette mutation. C'est une fraude, et jusqu'à présent au conservatoire, ces titres fonciers de la C.O.C restent inchangés, le nom de Fochivé ne figurent nulle part ailleurs. A propos même de ces anciennes plantations (C.O.C) le ministre des Domaines Cadastre et des Affaires Foncières, a parlé de cause d'utilité publique et bientôt même il y aura des commissions pour le rebornage de ces domaines...

C'est délicat, ça fait problème énorme, tous ces titres abandonnés par les blancs font problème.

Chef service départemental du MINCAF de Foumban .

Source : enquête de terrain, Avril 2016

Encadre 3 : entretien avec le chef section départemental des Affaires Foncières du Noun

A la mort de Fochivé, les ouvriers n'étaient plus payés. Des groupes de personnes s'installèrent de force, arguant qu'il s'agit d'un legs colonial, et donc pas question de partir. Or, de son vivant Fochivé la gérait (C.O.C) par l'entremise des personnes (déléguer la gestion à quelqu'un). Quand il meurt, ses enfants font appel à des partenaires nationaux qui pour la plupart sont des natifs de la région. Quand la société (C.O.C) fait faillite, chacun des actionnaires veut se tailler la part du lion d'où certains conflits fonciers enregistrés.

Depuis cinq ans que je suis en service ici au TPI de Foumbot, je n'ai jamais vu un enfant de Fochivé venir se plaindre. Mieux encore, dans nos archives et dans les dossiers qu'on nous transmet, il n'y a jamais eu de plainte pour atteinte à la propriété foncière, mais juste des plaintes pour trouble de jouissance.

Quand bien même quelqu'un se plaint, il réclame les retombés des transactions avec la famille Fochivé...

Le procureur du TPI de Foumbot

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Source : enquête de terrain, Juin 2016

Encadre 4: entretien avec monsieur le procureur du T.P.I de Foumbot

Les encadrés précédents sont des extraits d'interview faite à un personnel d'administration du MINDCAF et au procureur de la république du Cameroun, près le TPI de Foumbot. Ils traduisent une certaine insuffisance sur la clarté de la reprise des titres de la plantation de la C.O.C par Jean Fochivé, car l'on se pose bien la question de savoir : comment ce personnage d'un tel calibre, qui n'ignore sans doute pas la loi, va-t-il préféré retranscrire ses titres fonciers au Quai d'Orsay (France) ? Cette situation est d'autant plus floue et très embarrassante pour comprendre et analyser l'histoire et le fonctionnement de cette plantation quand l'on sait que malgré tous les troubles et les multiples assauts villageois sur ce domaine, les enfants de ce dernier n'ont jamais porté plainte pour atteinte à la propriété foncière, la plupart des plaintes enregistrés au tribunal de première instance de la ville de Foumbot, étant de l'ordre des troubles de jouissance. La question de la légalité des titres fonciers ou de la légitimité réclamer par les populations et par les paysans, au sujet de l'occupation de ce domaine, trouve son sens dans cet ordre d'idée, car si les enfants du défunt Fochivé ne sont pas propriétaires légaux de cette ex-plantation coloniale à caractère industrielle, les populations et paysans qui occupaient ce domaine se revendiquent comme légitimes à l'occupation et à la mise en valeur de celle-ci.

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III.AVENEMENT DE L'AGRICULTURE DE PLANTATION ET ACCAPAREMENT FONCIER PAR LA C.O.C

1. Essai de clarification conceptuelle

Il nous semble primordial d'évoquer les positions ou les considérations de certaines structures de recherche sur les questions foncières en vue de rendre le plus compréhensible possible notre analyse du phénomène d'accaparement des terres sur le territoire de Cassou.

L'expression « accaparement des terres » ne fait pas l'unanimité dans le langage scientifique. Elle est utilisée par des ONG comme GRAIN, Oxfam, des institutions comme la Land Matrix, etc..., pour désigner les achats, les ventes ou des locations de grandes superficies de terres par les multinationales agroalimentaires dans les pays pauvres ou en développement, non pas seulement en Afrique mais aussi en Amérique du Nord, en Amérique du sud et en Asie, auprès des Etats et dans des conditions défavorables aux masses paysannes dont l'activité agricole est de plus en plus dans la précarité. Des structures telles que le comité technique « Foncier et Développement », l'Agence Française de Développement (AFD), l'Institut International pour l'Environnement et le Développement (IIED), etc. utilisent l'expression « appropriation et concentration des terres à grande échelle » pour désigner le même phénomène de ruée vers les terres rurales par les multinationales. Toutefois, pour ces auteurs, le phénomène n'a pas que des effets pervers pour les paysans car il présente, dans certaines conditions des opportunités de développement. Les bénéfices issus de la rente foncière sont souvent à des égards, sources de bien-être.

Il n'est pas question dans ce travail d'un débat sur l'accaparement coloniale des terres indigènes, mais plutôt d'en faire une analyse historique afin d'appréhender la position de la C.O.C et son rôle dans le jeu foncier de cette localité.

2. Agriculture de plantation et redistribution des terres noires

L'agriculture de plantation correspond à la phase de prédation et de la productivité par la terreur'' que connurent les colonies européennes d'Afrique23. En pays Bamoun, elle a pour corollaire la mise en valeur de la zone tampon avec le pays Bamiléké. Zone de chasse où éléphants, hippopotames, buffles...vivaient paisiblement entre d'innombrables Pennisetum purpereum (Sissongo). C'est aussi la zone des terres noires aux sols très fertiles (Moupou,

23 Coquery- Vidrovitch (C), 1972, p. 171-219

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1991).L'autorisation de planter le café accordée aux paysans24 a provoqué la redistribution des terres noires aux planteurs désireux de pratiquer cette culture. Si l'accès à la terre est devenu plus souple grâce à l'autorisation donnée par le roi à cet effet, les motivations quant à elles sont divergentes selon les origines des paysans. Les villages situés sur des sols ferralitiques bruns rouges et localement indurés, peu riches (Koupa-matapit, Ngagnou, Tamkène) font face à une population de plus en plus croissante sur un espace infertile. La pression démographique, la faim de terre'' et l'engouement pour les nouvelles cultures vont pousser les paysans du plateau central à migrer vers les terres noires. Très vite l'espace alentour des terres noires se retrouve saturé. La création des plantations coloniales en général et de la C.O.C en particulier devient un obstacle pour l'acquisition des terres par les paysans, car avec une superficie de 2400 hectares, la C.O.C bénéficie d'un titre de propriété qui empêche les paysans de se l'approprier.

3. Structure de la C.O.C, un espace en crise : comprendre l'assaut villageois par l'abandon

Parlant de la structure de la C.O.C, celle-ci est l'exemple type d'une grande exploitation qui cherche à se maintenir. L'immensité de celle-ci entraine une occupation illégale des bordures par des populations villageoises voisines (Moupou, 1991 ; Dé L., 1997). Au centre de la plantation se trouve le bâtiment administratif, l'infirmerie, le garage, l'usine et la cantine. Les campements ouvriers étaient construits de façon à les rapprochés le plus possible des parcelles cultivées en café et en cultures vivrières. La résidence du directeur de l'exploitation se situait sur un cône volcanique qui domine l'exploitation de façon à lui permettre d'avoir une vue d'ensemble sur la quasi-totalité de la plantation. Sur le pion de la C.O.C se trouvait un boisement dont les abords étaient utilisés par les boeufs. Sur les 2400 hectares, 624 hectares étaient encore occupés de façon permanente par le café et dont la frange sud avait été brulée en mars 1990 (Moupou). Ainsi structuré, la C.O.C avait les productions les plus élevées de toutes les plantations coloniales installées en pays Bamoun. Toutefois le 23 juillet 1941, la production caféicoles du pays Bamoun étant de 875400kg, les stocks des plantations de la C.O.C à elle seule atteignait parfois 350 tonnes25. Mais à l'heure actuelle, la tendance est à l'inverse, l'espace est en crise. Des bâtiments administratifs à l'infirmerie en passant par le garage et l'usine de torréfaction du café, il n'en reste que des vestiges. Les tracteurs et les machines ont tous disparu, ne laissant aucune trace, preuve que

24 Bart, 1980 ; p.301-317

25 ANC - VT36/309

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l'espace est à l'abandon et sujette à l'envahissement. Les paysans aux vues des nouvelles réalités, c'est-à-dire un espace fertile abandonné, des gestionnaires presque inexistants, se déversent dans ce domaine pour accéder à des parcelles de terrains. Cependant, il arrive parfois que plusieurs paysans ne parviennent à s'entendre sur une même parcelle. Cette situation débouche assez souvent sur un conflit. Les zones de conflits sont le plus souvent celles qui sont proches des voies de communications afin de faciliter l'acheminement des produits vivriers vers les centres de commercialisations.

Carte 2 : Présentation des espaces de conflit à la C.O.C

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PLANCHE I

Photo 1 : Juin 2016

Bâtiment principal qui servait autrefois de direction centrale de la C.O.C. il ne reste de nos jours de cette somptueuse société agricole à caractère industrielle, que des vestiges.

1

2

Planche II

Photo 1 : Février 2016

Pancarte situé au niveau du centre financier, l'on connait très peu de plantations en Afrique en général et au Cameroun en particulier qui possèdent de telle structure si ce n'est des sociétés

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agricoles avec une bonne organisation structurelle. Aujourd'hui toutes ces structures n'existent plus, il ne reste que des traces, preuve que la C.O.C est en crise.

Photo 2 : Juin 2016

A l'arrière-plan, les ruines de l'entrepôt de stockage des productions caféicoles et vivrières autour duquel gravite de nos jours des cultures paysannes de céréales en l'occurrence le maïs.

Planche III

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Photo 1 : Juin 2016

L'infirmerie a cédé place à la brousse. Du matériel et des équipements de soins, l'on n'en retrouve que quelques vieux lits d'hospitalisation.

1

2

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Photo 2 : Février 2016

L'usine de torréfaction du café et le séchoir qui permettait le séchage du café ne s'identifie plus de nos jours. Seules les grandes surfaces dallées en ciment nous permettent encore de l'identifier. De l'usine de torréfaction, il ne subsiste plus que quelques piliers, preuve que le temps a eu raison du bâtit.

Planche IV :

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Photo 1 : Avril 2016

Des points de ravitaillement en eau potable qui existaient autrefois « à la C.O.C, il ne reste plus que cette résurgence, qui est considérée ici comme la seule source d'eau (non)potable de toute la plantation, et que les quelques paysans encore présent sur le site utilise.

Photo 2 : De l'édifice religieux servant autrefois de lieux de recueillement (mission catholique), il ne reste plus que des vestiges. La C.O.C, structurellement parlant n'existe plus, elle est morte.

Planche V

5

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Photo 1, 2, 3, 4, 5 : Avril 2016

Les habitations des campements ouvriers ne tiennent plus que sur un fil, preuve d'un espace en crise.

Un tel espace, structurellement et fonctionnellement dénaturé ne peut que susciter davantage la convoitise et les appétits des paysans, qui du moins recherchent pour la plupart non pas seulement des terres, mais quelle qualité de terre ? Celles-ci se trouvent être le domaine de la C.O.C. cet accaparement foncier par la C.O.C suscite du mécontentement de la part des paysans vu que le domaine est en crise, presque à l'abandon, où les seuls signe de vie se trouve sur les deux campements du « carré », partie apparemment réservée à Jean Fochivé.

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Mon père était un grand notable, très respecté des paysans et des populations des villages voisins jusqu'à Foumbot même. Il a vaillamment travaillé et servi les blancs, puisqu'il était ouvrier dans cette plantation (C.O.C). Je ne vais pas revenir sur l'histoire des titres fonciers de cette plantation car vous connaissez l'histoire «il se raconte à l'échelle locale, que le père de notre interlocuteur, un notable très respecté de la communauté Bamoun, ancien ouvrier à la C.O.C, aurait reçu en récompense des colons blanc, pour ses loyaux services et son dévouement au bon fonctionnement de la C.O.C, les titres fonciers de cette somptueuse et prestigieuse entreprise. Ce dernier aurait été assassiné pendant qu'il dormait paisiblement dans sa case par un groupe assez important d'individus, tous cagoulés, et dès lors aurait perdu les titres fonciers légitimes de cette plantation». Il faut que vous sachiez que les blancs de façon verbale avaient partagé des parcelles aux différents notables des villages sur lesquelles s'étendent cette plantation avant de partir. Par la suite certains notables ont vendu leurs parcelles. En dehors des parcelles octroyées aux notables, il y a eu une appropriation par des groupuscules, qui n'étaient autres pour la plupart que les Bamilékés. A ce moment (après le départ des colons blanc) c'est la loi du premier occupant qui prime. Sachant que les terres de la C.O.C leur appartiennent dorénavant, ils les louent à des nouveaux venus. C'est pourquoi, je vous dis qu'il n'y a pas de désordre à la C.O.C, car dire que les plantations de Fochivé sont prises d'assaut par les paysans serait aggraver les choses. Fochivé d'ailleurs à sa parcelle la bas, la partie qu'on appelle le « secteur du carré », partout où il y a le café, lui appartient. En dehors de cette parcelle, plus rien ne lui appartient encore là-bas car c'est bien structuré. Moi-même j'ai loué une parcelle vers le sommet pour y cultiver des vivres.

Source : enquête de terrain, Juin 2016

Encadre 5: entretien avec Kamougué, 45ans, cultivateur, Foumbot

Des trois cent trente-huit personnes pour un total de quatre-vingt-dix-huit ménages26 présentes sur le domaine de la C.O.C, il n'en reste environ que quatre-vingt personnes. Ils sont entre autres, des bamilékés, tribu dominante sur le site, des Nso, des paysans Bafia venus du Mbam

263e Recensement General de la population et de l'Habitat de 2005 publié par le Bureau Central de Recensement de la Population (BUCREP) en 2010

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par la plaine Tikar, les Bororo, agropasteurs peuls et les Bamoun, peuple autochtone mais minoritaire de nos jours sur les campements de la C.O.C.

Bamoun

5%

Bafia

7%

25%

Nso

Bamiléké Nso Bamoun Bafia Bororo

Bororo

13%

Effectif

Bamiléké

50%

Source : enquête de terrain février- juin 2016

Graphique n°1 : Répartition des tribus présentes à la C.O.C

Le tableau ci-dessus présente les différents groupes ethniques encore présent à la C.O.C. De ce graphique, il apparait clairement que l?ethnie autochtone Bamoun a presque disparu, les Bamiléké étant alors restés maitres du domaine??. Sont-ils véritablement les maitres du domine ou alors de simple squatters?? ? qui contrôle véritablement la terre à la C.O.C ?

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CONCLUSION PARTIELLE

Compte tenu de la situation foncière du pays Bamoun en général et des plantations de la C.O.C en particulier, car étant placé sous le joug des principes de survivances, la terre n'est pas un bien à vendre, elle peut tout au plus être louée ou prêter. Cette situation ainsi révélée traduit en quelque sorte les points faibles des différentes juridictions qui sont censées règlementer l'appropriation et l'acquisition foncière dans cet espace. Les modules d'acquisitions de cette plantation étant peu connu, exacerbent et fragilisent davantage la mise en valeur effective de ce domaine par la paysannerie. La marche vers l'appropriation et la sécurisation foncière dans cette ancienne plantation, non seulement par les paysans mais la population en général nécessite alors la mise au point par les différents acteurs, des stratégies adaptées et adéquates permettant cette pratique.

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IIème PARTIE : JEUX D'ACTEURS ACTUELS ET LEURS IMPLICATIONS FONCIERES À LA C.O.C

La législation foncière au Cameroun encore plus pour les paysanneries du monde rural reste encore ambiguë et se prête à des interprétations multiformes. La superposition de plusieurs sources du droit (coutumier, moderne) rend difficile aussi bien l'acquisition des terres que la résolution des conflits inhérents à ces acquisitions. Les solutions sont à « inventer ». La sécurisation foncière reste encore une solution aux problèmes fonciers au Cameroun, mais n'est pas la seule, car face à tout cet imbroglio des différents droits d'accès au foncier, la population camerounaise, surtout les paysanneries autour de la C.O.C, développent des stratégies diverses et multiformes pour accéder au foncier qu'il conviendrait de les signaler dans cette partie. L'expression « jeu d'acteurs » ainsi utilisée, fait référence non pas un cadre systémique fermé, mais plutôt à un système complexe ouvert et caractéristique de l'ensemble des stratégies développées par les différents acteurs impliqués dans le processus foncier autour et dans les plantations coloniales de la C.O.C. Qui sont-ils ? D'où viennent- ils et quelles sont les logiques qui les animent ? Quelles stratégies développent-ils pour accéder au foncier ? Toutes ces interrogations ainsi soulevées nous permettront non seulement la description et la compréhension du jeu d'acteurs mais aussi leurs implications foncières et raisons d'acquisitions de ces terres.

I. LES ACTEURS DU JEU FONCIER À LA C.O.C

Nous utilisons l'expression jeu foncier'' comme une grille d'observation pour mieux cerner les contours, les enjeux des acquisitions foncières et l'identification des acteurs du foncier à la COC. En termes d'enjeux fonciers dans cette plantation coloniale de la COC, il convient de signaler que ceux-ci sont portés par des acteurs à la fois individuels et collectifs ayant pour but final l'appropriation foncière pour des raisons diverses.

Les situations de compétition foncière accrue (rareté des bonnes terres, augmentation de la population, migrations) accroissent l'insécurité foncière observée dans la localité de Foumbot et de ses environs. Dans les zones de fortes migrations à l'instar des anciennes plantations coloniales et parlant de la C.O.C. en particulier, les ouvriers qui devaient travaillés dans cette plantation avaient été «accueillis» et installés par les colons suite à la création des

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plantations de café. Cet accueil puis installation des ouvriers s'était déroulé sans toutefois, l'accord favorable des autorités villageoises de la localité (l'on ne sait pas si l'autorité traditionnelle locale avait oui ou non été d'accord sur le fait de faire venir des ouvriers dans la localité et quelles avaient été les clauses). Ceux-ci reçurent des colons, des droits d'usage sur des parcelles périphériques des plantations de café mais relevant du domaine de la C.O.C.

Ensuite, il s'observa dans cette localité et plus particulièrement autour de cette plantation, un fort mouvement migratoire, non plus encadré et supervisé comme ce fut le cas pour la main d'oeuvre devant travailler dans les plantations (Champaud J., 1983), mais individuel car l'on pouvait facilement se faire embaucher comme ouvrier mais aussi avoir des terres agricoles à moindre coût pour le déploiement des systèmes de productions et bien d'autres activités. Cette situation n'étant plus très possible en pays Bamiléké, vu la démographie et l'organisation des structures foncières traditionnelles (Fotsing, 1987), des migrants Bamilékés sont partis de Mifi actuelle Bafoussam, des Bamboutos, au Nord du pays Bamoun, traversant le fleuve Bamendjing pour se retrouver à la C.O.C. d'autres encore sont venus de Pouomogne-Bandjoun et de Bangangté, des plateaux du Nord-Ouest anglophone, des fronts pionniers Tikar et Bafia, mais le plus frappant est sans doute la migration intra-territoriale Bamoun, car l'on observe également des migrants Bamouns en quête d'emploi et de terres fertiles qui viennent s'installer dans le pourtour et les environs de la C.O.C. par l'entremise des Nui Ngwèn et des chefs de lignages (Nga Ngwèn).Ainsi, en 1941 on dénombre dans ces plantations 7.123 travailleurs parmi lesquels nous avons 3.742 venus de la subdivision de Foumban et 2.750 de Bafoussam, 660 de Dschang, 21 de Bafang et 150 de Bangangté. Parmi ces 7.123 travailleurs recrutés, on dénombrait 3.683 volontaires c'est-à-dire ceux qui se sont engagés librement à l'embauche et le reste des 3.440 était recruté par le biais des travaux forcés (Tanga, 1974) ; Dongmo (1981) est beaucoup plus clair en ce qui concerne la C.O.C. : « A la C.O.C., on comptait 319 manoeuvres permanentes, 920 temporaires et 27 ouvriers spécialisés Bamoun et Bamiléké... »

Ces migrants reçoivent des autochtones des droits d'usage sur la terre. Il s'agit des droits secondaires en ce sens où, ils ne peuvent, ni construire dessus, ni développer un investissement de grande valeur sans l'accord des autorités traditionnelles. Ces droits sont aussi conditionnels au respect d'une relation sociale d'allégeance vis-à-vis de l'autorité foncière du groupe autochtone que représente l'autorité du roi au travers des émissaires délégués (Nui Ngwèn), confirmant davantage le poids du pouvoir traditionnel Bamoun dans la gestion des terres.

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Parfois, au bout d'un moment et pour des raisons qui peuvent être multiples, les groupes migrants ne reconnaissent plus les droits prééminents de ceux-ci, et ils cherchent à affirmer leur autonomie foncière sur les terres par rapport aux chefs de villages ou aux responsables fonciers autochtones que sont les Nji Ngwèn et les chefs de lignages (Nga Ngwèn). Cette situation est de plus en récurrente au courant de la dernière décennie, vu le poids de la démographie et de la valeur mercantile que connait le foncier de nos jours. Ces prétentions sont d'autant plus fortes que les migrants sont devenus plus nombreux, que leur réussite économique est importante, et que le contexte politique (réformes foncières, élections, etc..) leur est favorable (Moupou, 2010).

La présentation du jeu d'acteur foncier à la C.O.C, passe par une mise en lumière typologique présentant les acteurs en conflit pour l'accès à la terre d'une part et les instances de contrôle et de régulation foncière d'autres parts. On peut les catégoriser selon un certain nombre d'oppositions simples que seul un travail empirique permet de déconstruire et d'affiner. L'une des plus structurantes est celle entre autochtones !allochtones appeler ici, étrangers''. On la retrouve dans l'ensemble des sites à la C.O.C, même si son importance peut varier. Cette opposition évolue dans le temps car de plus en plus l'on assiste à des mariages entre autochtones Bamoun et allochtones-étrangers, ce qui modifie considérablement les rapports fonciers en ce sens qu'il permet aux étrangers de gagner davantage de droits d'usage et de gestion sur la terre. Le second clivage est celui qui tendrait à opposer ruraux et urbains. Les informations récoltées démontrent à suffisance que les trajectoires de mobilité sont complexes et ne peuvent se réduire à l'idée simpliste d'exode rural et! ou de retour (Léo Montaz, 2015). On observe au contraire l'importance grandissante en milieu rural de nouveaux acteurs, jeunes déscolarisés, migrants à la fois urbains ou ruraux, vues les récentes situations sécuritaires de la partie septentrionale du Cameroun ;des agents de la fonction publique, entrepreneurs agricoles souvent impliqués dans le développement des transactions foncières marchandes et contribuant à des phénomènes de peuplement des campagnes, accentuant davantage les mobilités entre les villes et les campagnes et dans ce cas précis, des arrondissements de Foumbot et Kouoptamo vers les plantations de la C.O.C.

Plus classiques, les oppositions entre aînés et cadets, hommes et femmes, acteurs collectifs que représentent les communautés villageoises à travers le chef de village et individuels que sont les agriculteurs et éleveurs (paysans), continuent de structurer le jeu foncier. Chacune de ces catégories est toutefois hétérogène et les acteurs collectifs, lignages, ménages, fonctionnent rarement comme des entités homogènes. Les instances politico-légales impliquées dans le jeu foncier sont également diverses, à la base d'un fort pluralisme

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institutionnel : administration territoriale, services du Cadastre et des affaires foncières, tribunaux, autorités communales et villageoises, ONG, comités de gestion divers issus du dispositif du développement, associations de ressortissants, mouvements religieux, chefferie traditionnelle ou de la terre, etc. On retrouve souvent deux grands types d'autorités en position centrale sur les différents terrains étudiés : l'administration territoriale (préfets ou sous-préfets) et la chefferie «traditionnelle». Elles semblent a priori incarner deux systèmes légaux distincts, le national/étatique et le local/coutumier. En fait, la trajectoire de la chefferie, variable selon les pays et les époques, a pu l'amener à se rapprocher ou à s'éloigner de l'appareil étatique, tandis que l'administration territoriale joue parfois un rôle local très «coutumier», la chefferie Bamoun quant-a-elle, se soustrait aux seuls rôles d'arbitre et de gestionnaire de toutes les terres du royaume, le politique gagne du terrain sur la tradition.

Le jeu foncier local n'est plus seulement local, au sens où des enjeux «locaux» font l'objet de négociations et de règlements dans des arènes diversifiées dont certaines sont extra locales, tandis que des intérêts extérieurs viennent modifier les configurations locales. En effet la cohabitation sur la rive gauche du Noun avec les Bamiléké se dégrade davantage et très souvent débouche sur des affrontements sanglants entre Bamoun et Bamiléké car, les second réclament leur autonomie du pouvoir territorial Bamoun. Cette situation ne peut se gérer à des instances qui vont au-delà des seuls frontières du territoire Bamoun.

1. Identification des acteurs locaux et description du jeu foncier à la C.O.C

Pour comprendre davantage le jeu foncier et les acteurs en présence à la C.O.C., il convient de marquer un temps d'arrêt sur ce que sont devenus les anciens ouvriers qui travaillaient à la C.O.C. durant la période de gloire du café. En effet, suite à la déprise caféière et ce, malgré les tentatives de Jean Fochivé à maintenir cette compagnie industrielle. La C.O.C. bien après les départs successifs des blancs et de Jean Fochivé, décédé en 1996, a fonctionné pendant six ans mais cette fois-ci avec l'aide des capitaux d'un certain nombre de personnes issus pour la plupart du terroir. Ils étaient tous actionnaires durant cette période après Fochivé, mais cette association des capitaux n'a pas pu favoriser le maintien des anciens ouvriers qui cumulaient des arriérés de salaires. Le café n'étant plus rentable, certains ouvriers se sont installés dans les villages environs de la C.O.C. puis ont commencé à louer des terres, d'autres par contre se sont installés dans la ville de Foumbot voisine. Les uns sont décédés et les autres sont rentrés dans leurs zones de départ. Des Groupes d'Initiatives Communes qui existaient à l'époque des colons, il ne reste que des mémoires.

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a) Les autochtones

L'on ne peut véritablement parler du jeu d'acteurs et de leurs implications foncières dans les plantations de la C.O.C, sans toutefois revenir sur la réelle question de l'autochtonie. En effet, le terme autochtone ainsi employé dans ce contexte désigne, tout Bamoun originaire des localités sur lesquelles s'étendent les plantations de la C.O.C.

Contrairement à ce que l'on observe en Côte d'ivoire, les phénomènes de tutorat (Chauveau, 2006 ; cf. infra : 14 ; Léo Montaz, 2015), la situation foncière dans les plantations de la C.O.C et plus général en pays Bamoun est très différente ; Au lieu des « tuteurs », l'on observe plutôt une volonté de l'autorité traditionnelle non pas en tant que tuteur mais instance d'accueil, d'arbitrage et de résolution des litiges en matière foncière à l'échelle locale. Bien entendu la pression d'accueil et de cession des terres aux étrangers du pouvoir colonial sur le pouvoir traditionnel a eu pour incidence, la rareté des terres. Entrainant de ce fait le mécontentement des natifs. Car, comme il a été signalé en amont, la cession des terres aux colons blancs s'était déroulé sans toutefois l'accord du peuple Bamoun, le roi en sa qualité de gardiens des terres avait décidé. Or, aujourd'hui le monde bouge, rien n'est plus statique et le peuple Bamoun lui aussi doit pouvoir en disposer des terres sur lesquelles ils sont installés depuis le Quatorzième siècle (André E., 1961).

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Mes parents sont venus ici parce qu'ils cherchaient du travail. C'était beaucoup plus facile pour eux ici de se faire embaucher ici comme ouvrier d'autant plus qu'on en avait besoin de mains d'oeuvres pour travailler dans les plantations de la C.O.C.

Toutes ces personnes qui, aujourd'hui se revendiquent d'être des autochtones ici, tout cela n'est qu'une usurpation. En fait, quand les blancs décident de créer les plantations dans cette zone, il n'y avait pas d'hommes comme cela est le cas aujourd'hui, sinon penses-tu qu'ils se seraient donner temps de peine pour recruter massivement les ouvriers comme ce fut le cas ? Tous ceux que tu vois ici sont tous des migrants qui sont venus soit pour travailler du temps des blancs, soit parce qu'ils ont compris qu'au vue de l'absence de clarté qui y règne dans cette localité en matière d'appropriation foncière, ils peuvent avoir des terres pour cultiver ou alors se construire des maisons et autres.

Les seuls personnes aptes à se réclamer autochtones ici à la C.O.C., c'est nous, car nous avons vu le jour ici, nos nombrils y sont enterrés, nos parents et nos grands-parents également.

Pour ce qui est des droits et de l'accès à la terre, tout Bamoun qu'il soit brun ou noir, de Massagam (arrondissement à la limite du front pionnier avec le Mbam) ou de Bangourain (limite avec le plateau Nso : partie anglophone), ils ont les mêmes droits sur la terre. Mais comme les terres ici étaient beaucoup plus fertiles que les autres, les Nji se sont taillé la part du lion. Usant de leurs titres de notabilités, ils nous font croire que ces terres leur a appartenu depuis toujours, or cela est faux. Mes grands-parents ont dû d'abord travailler comme ouvrier dans les plantations coloniales ensuite dans les plantations du roi non lion du domaine de la C.O.C. pour avoir en jouissance les terres sur lesquelles nous sommes aujourd'hui installer. Cette terre nous a été donnée en récompense par le Nji Ngwèn, et aujourd'hui nous sommes propriétaire...

Source : enquête de terrain, Juin 2016

Encadre 6 : entretien avec Malum, 58 ans, paysan Bamoun à Nkoundoumbain

Prenant en compte le fait que la terre est un bien collectif en pays Bamoun, il n'en demeure pas moins le fait que le sultan des Bamoun n'est que le gardien, la terre appartient au peuple Bamoun, ce qui donne aux autochtones natifs de cette zone, des droits d'en disposer.

Ainsi, certains autochtones installés au sein d'un domaine et possédant encore quelques parcelles par héritage, passent des contrats de type « location » avec des étrangers qui en éprouve le désir. Les droits de gestion et d'exclusion se fondent sur la position sociale au sein du groupe Bamoun (Moupou, 2010, cité par Ndjogui et Levang, 2013 : 4) et sont détenus le plus souvent par le chef de famille (sauf cas particulier où celui-ci aurait cédé ce droit à un fils par exemple). C'est généralement lui qui octroie le droit d'accéder et de mettre en valeur un terrain appartenant au patrimoine lignager à un individu (homme ou femme, généralement de la famille, mais qui peut être aussi un ressortissant d'une autre famille du village, voire un « étranger », c'est-à-dire un migrant originaire dune autre région pouvant tout aussi être Bamoun). Sans peur de représailles c'est-à dire capables de résister à la fois aux pressions des autorités coutumières (Nji Ngwèn) possédant les autres fractions de la C.O.C et les autorités administratives, les autochtones, natif de la localité, louent des terres à des individus sans se référer ni aux chefs coutumiers, ni aux nouveaux gestionnaires.

1

2

Dans le cas précis des plantations de la C.O.C, les allochtones n'ont aucun droit de cession de la terre. Les nouveaux gestionnaires qui ont repris le domaine à la suite du départ des colons français ont opté pour une délégation des pouvoirs, mandatant à cet effet les gardiens ayant pour charge, l'entretien et la surveillance des plantations de la C.O.C. Ces derniers à leurs tours, se mettent à louer des terres au nom du pouvoir qui leur est conféré par les fils de Fochivé. Connaissant bien la situation foncière dans ce domaine, ils optent pour des intermédiaires à la fois natifs et/ou étrangers de la zone. Ces intermédiaires s'occupent de recenser toutes les personnes éprouvant le besoin d'avoir des terres, puis les remontent au niveau des gardiens qui, en contrepartie du numéraire, délivrent des cartes d'accès à la plantation précisant la durée de la location et la taille de la parcelle. Cette situation ainsi décrite n'est valable que pour la superficie de Jean Fochivé (le Carré).

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Planche VI

Photo 1 : Juin 2016

Exemple de plainte déposée auprès du Sous-préfet de l'arrondissement de Kouoptamo à

l'encontre d'un autochtone, gardien à la C.O.C pour trouble de jouissance, le nommé Danger,

63 ans, paysan autochtone à la C.O.C

Photo 2 : juin 2016

Exemple de carte donnant accès aux parcelles du Carrée à la C.O.C

b) Les allochtones

Le terme allochtone ainsi utilisé, caractérise tout individu n'appartenant pas à l'ethnie Bamoun. Ils sont qualifiés ici détrangers''. Dans cette catégorisation, l'on retrouve essentiellement les Bamilékés, les Nso, les Bafia, les Mbororo etc. ; bref des migrants autres que l'ethnie Bamoun, qui sont installés dans les périmètres de la C.O.C. ainsi que dans les villages tout autour de celle-ci.

Pour le cas particulier des Bamilékés, car étant les plus nombreux (confère graphique I), leurs installations avaient été favorisées par l'administration coloniale à travers l'ORT qui s'était chargé de recruter la main d'oeuvre servile des plantations coloniales. Ceux-ci pour la plupart d'entre eux sont arrivés en pays Bamoun et à la C.O.C. particulièrement en 1936 date de fonction effective de la C.O.C. en tant que compagnie agricole à caractère industrielle. Ils ont bénéficié des avantages en matière foncière prévu par l'administration coloniale. Dans les années 1980, suite à la déprise caféière et au départ des colons français, vinrent à la C.O.C., une autre vague non plus transporté par l'ORT ou l'administration coloniale ; Ne pouvant s'installer dans le domaine, car n'étant pas ouvriers, ces derniers, paysans indépendants, travaillaient à leurs propres comptes dans les espaces tout autour des plantations de la C.O.C. Leur implantation ainsi que leur accès à la terre ne pouvait être possible sans l'accord des Nji Ngwèn. Pour des parcelles comprises entre 500m2 et 1ha, les allochtones, migrants devaient en contrepartie offrir à chaque récolte des paniers de vivres issus des parcelles cultivés, or de nos jours la monétarisation de la terre a modifié les différents rapports qu'entretenaient ces peuples avec la terre. Des paniers de récoltes, l'argent a pris de dessus et s'illustre davantage comme le seul moyen pour ces étrangers d'acquérir des terres non seulement à la C.O.C. mais dans la localité de Foumbot tout entière.

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La terre commence à se faire rare ici, et de plus nous (étrangers) avons l'impression que l'on (Autochtone) ne veut plus de nous ici, car depuis pratiquement cinq ans maintenant, le prix de la terre ne fait que grimper, et lorsque nous voulons même négocier, on ne nous écoute pas. Ils nous disent que si nous ne sommes pas satisfaits, nous rétrocédons les terres acquises. Mieux encore, ils nous disent que le prix des vivres a augmenté sur les marchés locaux. Si seulement, ils pouvaient savoir que de l'ensemencement à la vente en passant par la récolte et si l'on associe à tout ceci le prix de location des terres, nous ne gagnons pratiquement pas grand-chose, ils seraient moins exigeants envers nous.

Avant c'était encore passable du temps de nos aïeux. Ils n'avaient pas besoin de payer de l'argent, il leurs suffisaient de faire quelques paniers de vivres qu'on apportait au chef et le problème était résolu, maintenant tout est à vendre ici. Bientôt même j'ai peur qu'on ne nous demande de payer également l'air que nous respirons ici...

Ils nous disent tout le temps qu'ils sont en train de nous aider, mais moi je pense sincèrement qu'ils sont plutôt en train de nous tuer, car nous nous tuons à travailler la terre mais eux, ils profitent mieux que nous des retombés de nos efforts.

Ce qui est curieux dans cette histoire, c'est le fait que ce n'est qu'envers nous qu'ils sont exigeants, si c'était un Bamoun, la situation serait différente. On lui aurait donné davantage d'espaces à un coup moins élevé, mais comme nous ne sommes pas chez nous, on subit. D'ailleurs nous on n'a pas le choix. C'est soit accepter ces conditions ou soit alors on fait nos bagages et on rentre chez nous...

Source : enquête de terrain, Juin 2016

Encadre 7 : entretien avec Momo, 56 ans, paysan Bamiléké à Nkoupa're

c) Les paysans

Le terme paysan ainsi utilisé dans ce contexte, désigne toute personne physique ou morale qui cultive la terre, pratique l'élevage du petit bétail (volaille, ovin et caprin, etc..) à la C.O.C. et ses environs. Le paysan est à la base d'une importante activité de production, de distribution et de consommation. Parmi eux, nous distinguons : le paysan autochtone, le paysan non autochtone ainsi que les migrants. Traits respectifs des autochtones, allochtones et des migrants, types d'acteurs rencontrés à la C.O.C.

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Contrairement à la situation foncière qui existait durant la période coloniale, stimulant peu l'exploitant paysan à investir car la terre pouvait lui être retirée du jour au lendemain sans motif valable. Le paysan à l'exception des autochtones qui peuvent revendiquer un droit d'autochtonie et d'appartenance au terroir, est considéré comme le principal acteur, à la base du jeu foncier dans les plantations de la C.O.C.Ils ne sont pas propriétaires des terres au sens propre du terme, mais juste usufruitiers, car dans les conditions précédent leurs installations, la terre en pays Bamoun et autour des plantations de la C.O.C, ne leur appartiennent pas. Elles sont toutes sous l'autorité du roi. Des droits de propriété au sens propre, les paysans qu'ils soient autochtones, allochtones ou migrants n'ont que des droits délégués d'exploitations (Hallaire, 1991 ; Chauveau et Lavigne, Delville, 2002).

Cependant, l'on observe à la C.O.C. et dans ses environs, une stratification assez frappante où, la question identitaire s'impose avec force et explique en partie les rapports sociaux observés entre les différents paysans Bamouns et les autres; si le nombre d'ouvriers encore présent sur le site de campement de la C.O.C. démontre à suffisance la faible présence de ceux-ci dans cet espace, le nombre de paysans travaillant la terre est plus précis. Sur les trois cents trente-huit paysans présent à la C.O.C en 2005, les Bamouns ne représentent que 25% (BUCREP, 2010).Les Bamouns sont peu travailleurs comparés aux Bamilékés et aux Nso, car non loin d'être un peuple agricole, ceux-ci sont un peuple de guerrier (Champaud J., 1983).Bien connu le fait que ce soit les chefs traditionnels (Nji Ngwèn)qui accueillent et installent les autres, les Bamouns s'en orgeuillissent peu du travail de la terre, ce qui les intéressent davantage c'est de pouvoir posséder et d'en disposer convenablement de la terre pour installer davantage de migrants (Kua, 44 ans, paysans à Kouoptamo).

Ici à la C.O.C., il reste très peu de personnes capables de te dire la vérité sur les conditions de leurs arrivées ici.

Moi je suis né ici (plantations de la C.O.C.), et il n'y aucun sujet concernant cette plantation, que je ne sois capable de me prononcer. À l'époque des Blancs, mes parents avaient été transportés ici sous Bonmattin (premier directeur de la C.O.C.) tout comme bon nombres de Bamilékés que tu pourras encore rencontrer sur ce campement qui par ailleurs reste le seul où, il y a encore signe de vie. Or durant les saisons de gloire, il y avait au total six campements villageois. Quand les ouvriers arrivaient, les blancs par l'entremise des contremaîtres, vous donnaient une parcelle de moins de 200 m2 pour que vous puissiez cultiver de quoi vous nourrir, vous et votre famille. Mais ces parcelles se trouvaient toutes, dans les superficies de la plantation. Au fil du temps avec la taille de la famille qui s'alourdissait, ces parcelles devenaient très insignifiantes car les cultures déployées ne pouvaient plus suffire à nourrir tout le monde. Ainsi donc, pour ceux qui avaient fait beaucoup d'enfants, il y avait une autre stratégie pour accroitre nos rendements et cela ne se faisait pas sans risque majeur, car on cultivait et récoltait en cachette dans les superficies que les blancs avaient prévues pour le développement du vivrier et du maraicher (respectivement 500 ha et 10ha ; Ngongang, 1987).

Il était interdit à un ouvrier d'avoir des parcelles de cultures autres que celles données par les blancs, car ils craignaient que les ouvriers ne délaissent les taches dans les plantations coloniales pour se consacrer à leurs propres parcelles étant donné que la culture du café avait été libéralisée. Néanmoins seuls les Nji Ngwèn et les chefs de lignages déjà présents et qui avaient un pouvoir économique très fort pouvaient le faire.

Avec le temps, la démographie de la localité s'est accrue, les blancs ne pouvaient plus donner des terres dans les périmètres de la plantation à tout le monde. C'est donc comme cela que les ouvriers ont commencé à aller cherché des terres tout autour des plantations du domaine de la C.O.C. toutes ces terres appartenaient aux Nji Ngwen qui sont des émissaires du roi. Il fallait soit louer, soit venir travailler dans les plantations de café que ceux-ci entretenaient afin de revendre les récoltes aux blancs. Et c'est comme cela que mes parents eux- aussi ont pu acquérir des droits d'usages sur des parcelles en dehors du domaine de la C.O.C.

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Source : enquête de terrain, Juin 2016

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Encadre 8 : entretien avec Henri T., 83 ans, paysan Bamiléké et ancien ouvrier à la C.O.C De ce qui précède, l'on comprend aisément qu'en ce qui concernait les colons français, il n'était pas question d'une quelconque ségrégation. Tout le monde en dehors des chefs traditionnels et des chefs de lignages, étaient considérés comme des ouvriers.

En ce qui concerne la tenure du sol, les ouvriers uniquement qui avaient été transportés sous l'égide de l'ORT, seuls-eux, bénéficiaient de quelques parcelles de fortunes que l'administration coloniale de la C.O.C. leur garantissait. Il était proscrit d'avoir des terres en dehors du domaine de la C.O.C. La question que l'on se pose à ce niveau est celui de comprendre comment procédaient à cette même temporalité, les migrants qui étaient installés dans les espaces autour de la C.O.C. et quelle est la situation foncière actuelle ?

d) Les « nouveaux acteurs » venus de la ville

Le terme « nouveaux acteurs » désigne cette catégorie d'acteurs venus des centres urbains de Foumbot et Kouoptamo voisines, en quête de parcelle pour y déployer des systèmes de productions. Parmi ceux-ci on y retrouve à la fois des autochtones et des allochtones, qui pour la plupart représentent, non pas une classe moyenne mais des individus possédant des revenus supérieurs à celle de la classe paysanne. Ce sont entre autres : les fonctionnaires (agents de l'Etat), les commerçants, les éleveurs de petits bétails (volailles, porcins, caprins, etc...) qui recherchent des parcelles pour cultiver afin de produire eux-mêmes les aliments pour leur bétail et réduire de ce fait les dépenses. Pour la plupart, ils achètent des céréales dans les marchés locaux puis vont les transformer en aliment pour leurs bétails. L'autre but de cette acquisition, est la construction des habitations, mais pour l'instant dans les plantations de la C.O.C, ceci n'est pas encore le cas, bien qu'il soit déjà très répandu dans les villages tout autour de la C.O.C.

2) les instances de contrôle ou les arènes de négociation et de l'accès à la terre

L'histoire du peuplement et des changements politiques est à l'origine de la tendance observée à l'empilement des instances politico-légales et elle contribue ainsi à la structuration des arènes foncières et des légitimités (J.P. Chauveau et al ; in Résultat du projet CLAIMS 2006).

Le terme « arène de négociation » utilisés dans la lignée des travaux de l'anthropologie du développement (Olivier De Sardan, 1995 ; Léo Montaz, 2015), tient compte du fait qu'il existe en matière de foncier plusieurs instances de régulation que ce soit des conflits ou de

l'accès à la ressource. Les différents mécanismes utilisés par ceux qui y ont recours s'apparente à une arène de combat où les plus forts l'emportent sur les plus faibles.

Ce terme ainsi utilisé ne s'applique qu'à l'intérieur de la plantation de la C.O.C. où l'on y observe des oppositions diverses entre gardiens de la plantation et paysans, gardiens et Nji Ngwen, ou encore entre paysans et Nji Ngwen.

a) les chefs traditionnels (Nji Ngwen)

L'expression «chef traditionnel« est en rapport avec l'arrivée du colonisateur européen. Elle entre dans le vocabulaire juridique et administratif camerounais avec l'arrêté du 4 juillet 1933 sous l'expression «chef indigène«. Ce même texte détermine les chefs supérieurs, les chefs de groupement et les chefs de villages. Le chef traditionnel de nos jours relève directement de l'autorité hiérarchique du représentant de l'Etat dans sa circonscription. Il est important de relever que dans le processus de la gestion des terres en pays Bamoun et à la C.O.C en particulier, leur intervention n'est pas clairement étayée par les textes officiels.

Les plantations de la C.O.C sont installées sur les territoires de trois chefs traditionnels (Nui Ngwen) tous des auxiliaires nommés par le roi des Bamoun, qui représente le chef de premier degré. Ainsi nous avons : à Nkoundoumbain dont dépend le village Nkoupa're, l'on a Nji Ntouotmboum ; Nji Mewouo à Petponoun-Mbandjou ; Njindoùt à Fechieya-Njitande. Ces chefs représentent une instance d'arbitrage et de régulation de l'accès à la terre à la C.O.C. ils sont des nobles, ce qui veut dire qu'ils peuvent installer des personnes sur les terres rurales qui leur appartiennent sans pouvoir être remis en cause du point de vue de la coutume. A cet effet, conscient du pouvoir dont ils sont investi, les Nji Ngwen installent des individus sur les terres quittent à réclamer des terres dans les domaines de la C.O.C. qui est aujourd'hui à l'abandon bien même qu'elle possède un titre foncier, gage de la propriété privée inaliénable.

Le territoire Bamoun est subdivisé en territoire lignagers dépendants des Nji Ngwen, à l'intérieur de ces territoires, nous rencontrons les anciennes familles autochtones, qui au fil du temps (10 à 30 ans) ont acquis également le droit de disposer des terres tout autour de la C.O.C. mais en cas de litiges, ils se réfèrent toujours aux Nji Ngwen d'abord et aux autorités administratives et régaliennes si la solution n'est pas trouver au niveau de la chefferie du Nji Ngwen. Le Nji Ngwen apparait donc ici comme étant la première instance de contrôle et de régulation des conflits.

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b) l'Etat

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Le terme Etat ainsi utilisé dans ce travail fait référence à des institutions relevant de du secteur public et tirant toute leur légitimité de l'Etat. Il s'agit de :

? Les services régionaux et départementaux du MINDCAF (DRDCAF, DDDCAF) En 2008, le MINDCAF qui est en charge de la question foncière et domaniale au Cameroun s'était fixé quatre principaux objectifs à savoir : Modernisation du cadastre ; Protection et développement du patrimoine de l'Etat ; Constitution des réserves foncières et lotissements domaniaux ; Amélioration de la gouvernance et des conditions de travail au département ministériel. Cependant, les services déconcentrés du MINDCAF tels que les délégations départementale et régionale des domaines, du cadastre et affaires foncières respectivement du Noun et de l'Ouest (DDDCAF et DRDCAF) reçoivent les dossiers d'immatriculation des terrains et après délivrent des titres fonciers aux usagers. Ils sont considérés sans doute comme la plaque tournante dans le processus d'établissement des titres fonciers accélérant davantage le processus de régionalisation des affaires foncières au Cameroun en général qui rime avec la réforme des procédures foncières de 2005.

Le conservatoire foncière est dirigée par un conservateur foncier chargé d'inscrire les droits fonciers dans le grand livre foncier et de délivrer un « duplicatum » qui est une copie du titre foncier.

? La sous-préfecture

Dans les arrondissements de Foumbot et Kouoptamo (Mbankouop), les services de la sous-préfecture sont assurés par un sous-préfet qui représente d'ailleurs le MINATD. Les services de ses sous-préfectures pour ce qui est de la gestion foncière sont chargés de réceptionner les demandes d'immatriculation des terrains dans le cadre des immatriculations directes des terrains entre les individus. Les transactions foncières peuvent faire appel à la délivrance de titres fonciers. A cet effet, le sous-préfet délivre les récépissés de dépôt de demande de titre foncier puis les transmet au service départemental des domaines, du cadastre et des affaires foncières. Ils sont chargés de présider les travaux des commissions consultatives ayant pour but de vérifier le positionnement ou l'emplacement des terrains à titrer. Il intervient en cas de litiges fonciers entre les populations de sa zone de compétence. Le sous-préfet joue un rôle clé dans le processus d'obtention des titres fonciers et la résolution des litiges fonciers dans notre zone d'étude. De ce fait, il est impliqué dans la gestion durable des terres en jouant le rôle de médiateur ou courroie de transmission entre les populations et le service départemental du MINDCAF pour le Noun. Au sujet de la C.O.C, plusieurs plaintes ont été enregistrées au niveau de la sous-préfecture de Kouoptamo au sujet de l'exploitation des terres de cette plantation par des individus, liées au fait que les gardiens louent une même

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parcelle à plusieurs individus, ce qui crée des conflits, ou alors lorsqu'au moment des récoltes les paysans voient leurs bien exproprier, car leur dit-on souvent : « Vous n'avez pas le droit de travailler ici.... Qui vous a envoyé ici ? ».

ANNEES

NOMBRE DE PLAINTES

2007

17

2009

23

2011

22

2013

15

2015

8

TOTAL

85

Tableau 6 : fréquences de plaintes déposées à la sous-préfecture de Foumbot entre 20072015.

Source : enquête de terrain, sous-préfecture de Foumbot, avril 2015

? Les communes d'arrondissements de Foumbot et de Kouoptamo

PEKASSA M., (2009) définit la commune comme une cellule d'apprentissage de la démocratie, un lieu d'expression de la citoyenneté, un espace d'exercice des libertés politiques. Le dictionnaire Larousse (2009) quant à lui, la définit comme une collectivité administrée par un maire assisté d'un conseil municipal. La commune de Foumbot a vu le jour le 27 Novembre 1959 par le décret présidentiel N° 2-59-1834 du 2 Décembre 1959 créant et énumérant les communes urbaines et rurales au Cameroun tandis que celle de Kouoptamo est beaucoup plus récente et date de 2007. Ainsi pour mieux cerner les conflits fonciers nous nous appesantirons sur le seul cas de la Commune d'Arrondissement de Foumbot (CAF) pour la simple raison qu'elle est plus ancienne et est à même mieux placée pour nous fournir les informations nécessaires.

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La commune de Foumbot ne deviendra fonctionnelle qu'en 1960. Ceci étant, elle est située à 25 Km de la capitale régionale de l'Ouest-Cameroun (Bafoussam) puis à 48 km de la ville touristique de Foumban. Elle occupe un espace territorial de 579 Km2. De ce fait, les missions de la commune de Foumbot sont multiples ; nous pouvons citer entre autres celles d'assurer le développement local, d'assainir le cadre de vie tout en améliorant les conditions de vie des habitants.... Ainsi, la commune d'Arrondissement de Foumbot se divise en trois entités que sont Foumbot-ville, Foumbot-rural et Mangoum. L'exécutif communal est assuré par le maire assisté de quatre adjoints qui gèrent et coordonnent les affaires de la commune. Les attributions de la commune de Foumbot sont multiples et s'étendent sur des domaines variés. De ce fait, la CAF comme l'un des principaux acteurs de la gestion foncière durable à Foumbot se charge entre autres d'établir les permis de bâtir dans le strict respect de la réglementation en vigueur et de contrôler les activités humaines allant dans le cadre de l'aménagement urbain (Mounvera, 2015). Elle détermine tout de même avec le concours du ministère du développement urbain et de l'habitat (MINDUH), les Schémas Directeurs d'Aménagement Urbain (SDAU), les Plans d'Occupation des Sols (POS) et les Plans Directeurs d'Urbanisme (PDU). Notons aussi qu'elle peut demander ou requérir en cas de nécessité réelle les espaces du domaine de l'Etat. Lors de nos enquêtes de terrain nous avons bénéficié de cinq jours de stage à la CAF et nous nous sommes rendus compte que celle-ci organisait de descentes inopinées sur le terrain afin de contrôler les quartiers et sensibiliser les populations qui se sont installées ou qui envisagent occuper des espaces interdits de construction. Ces descentes n'étant pas régulières laissent transparaître le désordre urbain et l'occupation anarchique des zones dites inconstructibles. Ce dysfonctionnement est sans doute lié au manque du personnel, de la tolérance, de la corruption et des moyens logistiques à la commune. La loi n° 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes établit que « la commune est une collectivité de base(...) elle a une mission générale de développement local et d'amélioration du cadre et des conditions de vie de ses habitants». Au sujet des plantations coloniales en général et de la C.O.C en particulier, personne pas même le Maire de la CAF n'ose dire mot. Cette situation traduit le caractère conflictuel, la peur des représailles qui peuvent surgir au sujet de cette plantation En outre, la CAF a pour rôle d'assurer la police municipale c'est-à-dire mettre de l'ordre, la tranquillité, la sécurité et la salubrité publiques d'après (Article 87, alinéa 1). Dans la même logique, la CAF a aussi pour mission de démolir les édifices construits sans permis de bâtir ou d'implanter afin d'assurer aux populations une gestion rationnelle, durable et réglementaire de l'espace comme prévu à l'article 87, alinéa 2, s'inscrivant dans la logique des règles applicables aux communes

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camerounaises. À la C.O.C, et plus particulièrement à l'intérieur du domaine, nous n'en sommes pas encore à ce stade vu que, les paysans n'y construisent pas. D'ailleurs le type de culture déployé nous laisse croire que ces paysans savent tous que les terres du domaine de la C.O.C. ne leur appartiennent pas. Des cultures pérennes jadis déployées, l'heure est au déploiement du maraicher qui met moins de temps et donc les cycles de productions sont généralement très courts (1 à 2 mois maximum). Tandis que dans les espaces tout autour du domaine, l'habitat a pris le dessus sur les friches, réduisant à même l'accès aux terres pour des fins agricoles, d'où la recrudescence des assauts sur le domaine de la C.O.C. Ainsi donc, la CAF se charge de l'application et du suivi de la réglementation en vigueur concernant la construction des habitats. Nul ne peut construire un édifice s'il ne possède pas un titre foncier, mais à la C.O.C. tout comme dans les villages alentours, on s'en préoccupe très peu ou alors ignore l'existence du titre foncier (confère figure ci-dessous).

85%

15%

oui

non

Graphique 2 : La faible possession des titres de propriétés à la C.O.C Source : enquêtes de terrain, juin 2016

? Le tribunal de première instance de Foumbot

Le tribunal est défini comme un lieu où est rendue la justice. Dans le langage courant, un tribunal désigne à la fois le lieu concret où la justice est rendue (le palais) et l'autorité qui a pris la décision judiciaire. Au tribunal, les personnes en conflit viennent chercher la justice et celles qui n'ont pas respecté la loi sont ainsi jugées. Toutefois, un tribunal n'est pas nécessairement un service public de l'Etat comme c'est le cas dans notre zone d'étude qui fait

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face au quotidien aux conflits de tous ordres parmi lesquels les conflits fonciers. Le Tribunal de Première Instance (T.P.I.) de Foumbot est dirigé par un procureur de la République. Dans l'environnement judiciaire camerounais, les méthodes et techniques de gestion des conflits sont communes à tous les tribunaux ; elles sont encore appelées Modes Alternatifs de Résolution des Conflits (MARC). Il est à noter qu'ils impliquent un règlement à la fois juridique et judiciaire d'un différend. Ainsi, le T.P.I de Foumbot fait appel à cinq grands modes de résolution des conflits opposant les populations parmi lesquels :1) L'arbitrage en matière contentieuse qui consiste à faire appel à un tiers en dehors du système judiciaire. Ce tiers peut être un collège de personnes missionnées par les parties, il est chargé par les protagonistes d'instruire l'affaire, d'écouter les parties et de prendre la décision ;2) La conciliation qui consiste dans le recours à un tiers, ayant le plus généralement le statut de conciliateur de justice dans le cadre d'une procédure judiciaire (conciliation dite déléguée) ou en dehors d'une procédure judiciaire (conciliation dite extrajudiciaire, autonome ou conventionnelle) ; le rôle du conciliateur étant d'écouter les parties et leur faire de proposition de règlement du différend ; 3) La médiation qui est généralement considérée comme une méthode en dehors des influences juridiques, morales et culturelles qui a pour objectif de permettre aux parties accompagnées dans leur réflexion par le médiateur de trouver la solution la plus satisfaisante possible pour elles;4) La négociation consistant en la recherche d'un accord. Il existe plusieurs types de négociation. Toutefois, le principe premier d'une négociation s'inscrit dans les rapports de force. Il s'agit de faire passer habilement ses idées en fondant l'intérêt de l'autre sur l'ambition ou l'espoir. D'autres principes de négociation sont développés actuellement mais avec peu de succès : sans perdant ou gagnant-gagnant et la négociation contributive. Cette dernière élève l'ambition de la recherche d'accord dans le respect de la réussite dans et avec l'accord ; 5) Le droit collaboratif ou méthode collaborative est une pratique du droit utilisant la négociation sur la base d'intérêts où les avocats pour aider les parties à conclure une entente mutuellement acceptable. Les avocats et les parties signent un contrat stipulant leur consentement à ne pas aller devant les tribunaux. Les parties et les avocats travaillent en équipe. En clair, en matière de gestion durable des terres, le tribunal de première instance de Foumbot joue un rôle important dans la résolution des conflits. Ainsi, il peut contribuer à apaiser les tensions sociales, à garantir les droits des populations sur les terres et à trancher de manière indépendante, les litiges fonciers à Foumbot.

? Les organes régaliens(les services de la gendarmerie et de la police) : ils sont chargés de faire appliquer la loi et aussi du maintien de l'ordre. L'essentiel des plaintes acheminées au Tribunal de Foumbot ont tout d'abord été déposé soit à la

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gendarmerie, soit à la Police, mais compte tenue le fait qu'ils ne représentent pas une instance de régulation des conflits, leurs rôles se limitent juste à enregistrer les conflits, les déférer au niveau du Parquet, et attendre enfin la décision du juge pour la faire appliquer. Leur importance est très capitale dans la gestion des conflits fonciers à la C.O.C.

II.LES STRATEGIES D'ACCES ET DE CONTROLE DE LA TERRE A LA C.O.C.

Pour accéder véritablement à la terre et y déployer des systèmes de productions, les paysans développent des stratégies à la fois collectives et individuelles :

? Stratégie collective dans ce sens où il s'agit d'un groupe. À ce niveau l'individu en tant que entité propre n'apparait pas encore. L'installation des paysans, migrant ne peut se faire que par une autorité puissante qu'incarne le roi des Bamoun. Aucun Nji Ngwèn ne peut installer un migrant sur ses terres sans le consentement et l'approbation du roi. De tels actes nécessitent très souvent une sorte de reconnaissance du groupe vis-à-vis du sultanat et de l'autorité traditionnelle qui leur a facilité l'accès à la terre. Ces paysans doivent en contre partie des parcelles qui leurs sont cédés, payer des tributs aux autorités traditionnelles en l'occurrence le Nji Ngwen qui se chargera de l'apporter au sultan lors de la fête du Ngouon; lesquels tributs très souvent se font en dons de produits issus des parcelles reçues.

? Parlant des stratégies individuelles d'accès à la terre à la C.O.C, l'avènement de l'idéologie capitaliste a fait de la recherche du profit, un pilier essentiel de sa stratégie d'action, favorisant ainsi le développement des comportements opportunistes des uns au détriment des autres. Plutôt que l'intérêt du groupe, l'on pense d'abord à soi-même. Ainsi, pour accéder à la terre dans les plantations de la C.O.C, les paysans usent plusieurs moyens à savoir :

? le don : la reconnaissance de l'autorité Bamoun sur le territoire donne aux étrangers des facilités à s'installer sur le territoire Bamoun, d'obtenir des terres à cultiver. Pour obtenir un service en pays Bamoun d'un autochtone ou de l'autorité traditionnelle (Nji Ngwen), et parlant, de la terre, le migrant doit faire preuve d'une grande humilité qui s'apparente à la servilité et reconnaitre le pouvoir Bamoun et son roi. Les paysans Bamilékés mieux que les autres tribus présentes à la C.O.C, l'ont bien compris, car en offrant des présents de cultures aux chefs traditionnels, ils traduisent par là leur reconnaissance des structures foncières Bamoun, ainsi l'autorité du roi sur l'ensemble de ces terres.

? La location des terres comme stratégie individuelle d'accès à la terre, est la plus répandue dans les plantations de la C.O.C. La terre est à louer mais pas encore à la vente, pour des sommes comprises entre (30000- 400000 francs CFA / ha pour une durée n'excédant pas trois ans), selon la superficie demandée. Ce mode de cession des droits sur la terre à la C.O.C obéit à une structuration assez particulière. Outre les chefs traditionnels (Nji Ngwen), les gardiens de cette plantation qui ont été mandaté par la famille Fochivé sont les personnes à la base de ces transactions dans cette plantation. Les entretiens avec les paysans nous permettent de relever qu'à la C.O.C, cette stratégie d'accès à la terre est la plus utilisée sinon la plus répandue.

Pourquoi me demander comment je fais pour avoir des terres à cultiver... ? Il est très clair, l'autre jour même l'un des gardiens de la C.O.C. m'a dit qu'il fallait que je pense à venir renouveler mon contrat de location si je veux continuer d'exploiter mes parcelles, vu que celui-ci arrive à expiration cette année.

Tout comme moi, les autres personnes qui travaillent les champs dans la C.O.C. sont des locataires, en dehors de la famille Fochivé et des personnes qui ont obtenu d'eux le fait d'exploiter des parcelles gratuitement, tout le monde payent pour travailler là-bas.

Depuis bientôt six ans, le prix des parcelles a augmenté. Je paye de nos jours pratiquement le double du prix que je payais il y a quinze ans pour une même parcelle d'environ 800 m2. Et j'ai l'impression que bientôt je n'aurai plus de terre, puisque j'aurai plus les moyens de les louer, c'est devenu trop cher....

Source : enquête de terrain, Juin 2016

Encadre 9 : entretien avec Bopda, 60 ans, paysan Bamiléké à la C.O.C

La demande des terres est devenue trop importante ici à la C.O.C. durant cette dernière décennie, car dans les environs il en manque. Nous, nous ne sommes que des gardiens. Notre rôle se limite au contrôle. On se rassure que les personnes qui travaillent dans la plantation ont bien un laisser passer (certificat de location) encore valide, sinon on vous expulse tout simplement.

C'est vrai que la terre ici à la C.O.C. on la loue à tous ceux qui en éprouve le besoin, que pouvions nous faire d'autres ? Nous n'allons pas tout simplement donner des terres aux gens gratuitement or nos patrons ont payé pour l'avoir. Il faut bien qu'on rentabilise et qu'on justifie notre travail devant nos patrons sinon, notre rôle ne sert à rien ici.

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Source : enquête de terrain, Juin 2016

Encadre 10 : entretien avec Danger., 63 ans, gardien à la C.O.C

? L'héritage des terres par succession comme moyen d'accès à la propriété foncière. L'héritage est important et stratégique dans le processus de déroulement des générations au sein des familles et des lignages (Fortes 1962). Il occasionne la négociation des identités des individus et structure les rapports de pouvoir et d'autorité au sein de la parenté. Il est le mode dominant des dispositifs coutumiers d'accès et d'appropriation de la terre dans les sociétés agraires africaines (Hill 1964; Gulliver 1961). Son importance politique, économique et symbolique en fait une source de tensions et de conflits ; Et ces tensions intrafamiliales autour de l'héritage peuvent se transformer en conflits intercommunautaires (Colin 2004).À la C.O.C, ce moyen d'accession à la propriété foncière est permanent. Non pas d'être le plus dominant, elle y existe néanmoins et conditionne l'accès à la terre d'un certain nombre d'autochtones dont les parents décédés, laissent des terres en partage.

don

héritage

location

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Source : enquête de terrain février- juillet 2016

Graphique n°3 : Mode d'acquisition des terres dans les plantations de la C.O.C et ses environs

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L'acquisition des terres ici à la C.O.C. ne se fait pas au hasard, puisque c'est une zone conflictogène, les acquéreurs et les demandeurs de terre suivent ont une logique qui semble se concevoir de la manière suivante : « ne passons pas plus de temps à la C.O.C. car l'on ne sait jamais quand est-ce que surgira un autre conflit sanglant, allons-y juste lors des périodes de mise en cultures...». À cet effet, des sujets enquêtés entre février et juillet, à la C.O.C., le graphique suivant a été élaboré.

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Source : gestionnaire C.O.C. (2015), Mars 2016

Graphique n°4 : Tendance de location et d'acquisitions des terres à la C.O.C.

CONCLUSION PARTIELLE

A la C.O.C comme dans bien d'espaces ruraux en Afrique subsaharienne, la question de l'accès et du contrôle de la propriété foncière nous permet dans bien des cas l'identification des acteurs à la fois individuels et collectifs s'apparentant parfois à des notions de groupes stratégiques27 mais qui sont très hétérogènes quant aux stratégies déployées pour l'accession de la terre. A la C.O.C, l'on distinguait à l'époque coloniale des ouvriers et des migrants. De nos jours, existe une pluralité d'acteurs qui se prêtent au jeu de la terre. Aux côtés de ceux-ci,

27 Lire Pierre Yves Le Meur, 2002 ; Approche qualitative de la question foncière

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les instances de contrôle de l'accès à cette ressource, qui le plus souvent représentent des instances d'arbitrages.

Le jeu foncier à la C.O.C. et dans ses environs, repose uniquement sur le pouvoir économique des différents acteurs et leurs capacités à mobiliser un certains nombres d'instances d'arbitrages et de régulations foncières à la fois traditionnelles et étatiques.

L'accès à la terre dans le domaine de la C.O.C. ne s'obtient que par la location, mode le plus répandu d'accès aux terres dans ce domaine.

Tout autour des plantations de la C.O.C., les stratégies d'accès sont diverses (location, héritage, don) et repose essentiellement sur la volonté des chefs traditionnels et des chefs de lignages d'en disposer ou non, aux nouveaux venus.

Les instances d'arbitrages et de régulations des conflits inhérents quant à elles mobilisent souvent pour la résolution de ces conflits des ressources et des instruments que ce seul travail ne peut mettre en lumière. Lorsque ces instances ne jouent plus convenablement leurs rôles, les situations foncières locales se prêtent à un floue totale, rendant difficile aussi bien la résolution des conflits fonciers que l'accès à la terre. De ce fait donc le recours à l'appareil étatique apparait souvent alors comme le dernier recours qu'ont ces paysanneries pour résoudre les litiges. Mais en réalité à la C.O.C quelles sont les conflits de gouvernances qui peuvent s'y prêter en matière foncière ? Comment s'exercent-elles sur cet espace ?

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IIIème PARTIE : ECLAIRAGE SUR LES CONFLITS DE GOUVERNANCE ET PERSPECTIVES DANS LE CADRE DE LA DECENTRALISATION

L'éclairage sur les conflits de gouvernance en matière foncière notamment avec l'avènement de la décentralisation, non seulement pour les plantations de la C.O.C mais pour les paysanneries rurales camerounaise, portent essentiellement sur le rôle des instances de régulation d'accès et de contrôle de la terre à savoir : l'Etat par le biais de ses organes spécialisés ( Sous-préfectures, services déconcentrés du MINDCAF, Mairies, Tribunaux et organes régaliens) et l'autorité traditionnelle, et dans notre cas précis, il s'agit du pouvoir traditionnel Bamoun.

I.GOUVERNANCE / REGULATION FONCIERE À LA C.O.C

1. CADRE CONCEPTUEL

L'hypothèse de base qui sous-tend l'approche de la notion de gouvernance foncière retenue ici peut être formulée comme suit :

L'accès à la terre et aux ressources naturelles associées est l'objet d'une compétition croissante dans les plantations de la C.O.C, prenant très souvent ici, la forme de conflits très sanglant. Cette compétition porte l'empreinte d'un contexte fait, dans des proportions variables, de pluralisme juridique, de prolifération institutionnelle et de politisation du foncier.

Dans le même temps, des modes de régulations et d'arbitrages émergents, qui cherchent à instiller de la prévisibilité dans le jeu foncier et l'élaboration des mécanismes de résolution des conflits liés à la terre, tous les acteurs ne sont pas dotés des mêmes capacités en ressources matérielles, sociales et cognitives, toutes les instances ne disposent pas du même degré d'autorité et de légitimité. L'ensemble de ces interactions contribue à la production de la gouvernance foncière. Elle est donc définie ici comme mode émergent de régulation des relations foncières et du champ social qu'elles définissent. En d'autres termes, le pluralisme moral, normatif et institutionnel qui imprègne le jeu foncier est à la base de sa caractérisation comme «champ social semi-autonome» (Moore, 1978 : 54-81) ; dont ni les frontiers'', ni les règles ne sont a priori fixées, elles se découvrent et s'adaptent aux différents contextes

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rencontrés. Il faut plutôt se le représenter comme une arène, ou plutôt un ensemble d'arènes au sein desquelles acteurs sociaux et instances politiques et politico-légales (étatiques ou non) sont en compétition pour l'accès à la ressource foncière et pour le contrôle de cet accès (Ribot et Peluso, 2003). Lavigne Delville et Hochet (2005 : 98) notent à juste titre que si «la régulation des conflits, c'est-à-dire la façon dont les différends, litiges, conflits sont pris en charge par la société [...] est donc une dimension importante de la régulation de l'accès aux terres et aux ressources [...] celle-ci ne se limite pas à cela. Elle concerne aussi la production de règles elles-mêmes et les interactions dynamiques entre règles et pratiques» (ibid. : 98). On peut au fond résumer la différence entre gouvernance et régulation au-delà de leur philosophie processuelle commune, en termes de perspectives ou d'angle d'attaque, plus centré sur les acteurs et les instances politico-légales pour la première, la seconde mettant plus l'accent sur les modes de production normative.

La gouvernementalité'' qui y est attribuée, quant-à-elle, renvoie à la manière dont les conduites individuelles ou collectives des personnes dans un domaine spécifique de la vie sociale, deviennent dans un contexte historique donné, une préoccupation pour les autorités et sont problématisées comme enjeu/sujet de gouvernement, comme «action sur les actions» (Chauveau et al, 2006). Il faut sans doute élargir l'emploi du terme au-delà de la seule intervention de l'Etat pour l'étendre aux formes de gouvernement des hommes impliquant aussi des institutions non étatiques (Jacob, 2004; Le Meur, 2006a & b). Ainsi, la notion de gouvernementalité peut être appréhendée comme une façon de penser l'intégration des étrangers dans une communauté morale et politique à des niveaux plus larges.

2. L'Etat et le dispositif de développement : que de vaines paroles

À la C.O.C et comme pour le reste des anciennes domaines coloniaux de la localité, la situation foncière est critique. L'Etat en tant que garant de toutes les terres du territoire national, doit pouvoir garantir à ces populations, un minimum de terres pour le déploiement de leurs activités. Or à la C.O.C, la situation est plutôt à l'inverse car l'Etat a pour objectif de réincorporer tous les anciens domaines coloniaux dans le territoire national vu que les délais que laissait l'ordonnance de 1974 relatif à l'immatriculation foncière au Cameroun sont impartis. La situation d'incertitude et d'illégalité au sujet de la paternité des titres de propriété de ses domaines se clarifie davantage avec le temps. Le dispositif de développement à l'échelle locale pour être effectif a besoin d'un espace d'application, notamment avec les

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fameux discours du Président de la République Camerounaise qui encourage le développement agricole en faisant de ce dernier, le moteur essentiel de la croissance et du développement du Cameroun. Les paysanneries du monde rural étant les premiers concerné car étant à la base de la production agricole, l'appropriation foncière se veut un impératif. Cette situation est d'autant plus claire quand l'Etat se prête au jeu foncier.

Toutes les terres appartiennent à l'Etat, car du jour au lendemain, il peut décider de vous chasser de vos terres. Ce que moi je veux que tu comprennes au sujet des anciennes plantations coloniales et plus particulièrement de la C.O.C et de la C.I.A.C, car ce sont les deux-là qui causent le plus de misère ici à Foumbot, c'est que : oui il est vrai que c'est les blancs qui avaient créés ces plantations, mais que s'est-il passé ensuite... ?

Tout ce qu'on vous raconte partout là que les blancs avaient vendus les plantations avant de partir c'est très faux. En fait à leur départ, comme il s'agissait des concessions données en bail emphytéotique, ils devaient remettre les terres à l'Etat à leur départ. Ce qui a été fait, mais vu qu'il fallait continuer de faire fonctionné ces plantations car la survie de plusieurs familles en dépendait, l'Etat Camerounais avait décidé de revendre les titres à des nationaux. C'est comme ça que les bamilékés qui étaient présents en pays Bamoun et principalement à Foumbot, possédant un pouvoir économique supérieur à celle de la majorité, en l'occurrence Nguewang Omer, commerçant Bamiléké. Il avait l'intention de racheter les plantations coloniales dans leur totalité. L'histoire retiendra que Jean Fochivé, Nga njü Fochivé comme on l'appelait souvent avec toute sa dernière énergie et aider en cela par son statut au sein du gouvernement camerounais de l'époque, est l'homme qui se serait saisi des titres fonciers de la C.O.C.

Avec tout le sang qui a coulé là-bas, je préfère plutôt m'appesantir sur la situation actuelle maintenant car l'Etat Camerounais au travers du MINDCAF veut les incorporées dans le domaine national des terres de l'Etat. D'ailleurs, il y a déjà eu des commissions qui sont descendues sur le terrain afin de récolter des informations pour cela et procéder au rebornage de ces plantations. En plus il y a même des conventions qui sont en cours de signature entre le gouvernement Camerounais au travers du MINDCAF et des investisseurs étrangers pour un budget de quelques dizaines de milliards.... Ce sont les paysans qui vont en bénéficier vu que cela rentre dans les plans de l'Etat en matière de

pp

Encadré 11 : Entretien avec monsieur le DDDCAF du Noun

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3. Territorialisation de la gouvernance foncière et la question identitaire

La gouvernance foncière est affaire de territoires, d'emprises différenciées sur des espaces, de production de limites géographiques et conceptuelles : territorialisation de l'influence d'autorités «traditionnelles» (chefferies et maîtrises de terre, autorités religieuses) ou «modernes» (gestion de terroir, comités divers, découpages administratifs), qui jouent à des titres divers des rôles dans la régulation (le contrôle) de l'accès aux ressources naturelles et donnent naissance par leurs imbrications à des chevauchements générateurs d'incertitudes et de recompositions (en interaction avec l'insertion dans des réseaux non territorialisés et les politiques des appartenances) voilà à quoi se résume la situation foncière dans les plantations de la C.O.C.

La question de la territorialisation ne doit bien sûr pas être réduite aux formes étatiques d'ancrage local et territorial, elle doit traiter des autres formes de maîtrise territoriale, maîtrises coutumières liées à des cultes de la terre (Jacob, 2001) ou territoires lignagers exprimant des formes spécifiques de mobilité (Breusers, 1999). Les maîtrises foncières «coutumières» expriment des histoires spécifiques du peuplement d'une région, elles organisent le lien paradoxal entre mobilité, contrôle des hommes et accès aux ressources foncières.

L'identité quant à elle est un récit, une construction pouvant s'élaborer à plusieurs échelles. Il s'agit de l'une des composantes essentielles des pratiques et des représentations de tout individu, mais aussi de toute idéologie collective. L'Ecuyer R. (1994) pense que c'est d'abord un phénomène psycho-social, participant de l'image que tout individu bâtit de lui-même. Elle renvoie à la notion de « soi » c'est-à-dire à l'ensemble des caractéristiques et des valeurs que la personne s'attribue et reconnait comme faisant partie d'elle-même. Guy Di Méo (2002), l'identité se nourrit de l'intériorisation par l'individu des valeurs, des idéaux et des normes propres à la société à laquelle il appartient. Elle reflète le statut personnel qu'il incorpore au gré de son expérience social.

A la C.O.C, le sentiment d'appartenance à la terre, du peuple Bamoun est très fort. De ce sentiment, se dégagé une autre idée car le problème Bamiléké'' va au-delà des seuls soucis d'appropriation foncière dans les plantations coloniales en général et de la C.O.C en particulier, mieux dans la localité de Foumbot et plus précisément sur la rive gauche du fleuve Noun. Les populations Bamiléké installées sur ces terres ont tout récemment demandé

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l'instauration des chefferies traditionnelles de premier degré, ce qui signifie des chefs traditionnels de premier degré au même titre que le sultan roi des Bamoun. Ils représentent pour la plupart d'entre eux les premiers ouvriers installés par les colons français, les migrants qui avaient été installés par les Nji Ngwen et qui plus tard ont acquis des terres. La nouvelle ne s'est pas fait attendre car en 2013, les populations Bamouns de la localité de Foumbot, ont organisé des expéditions afin de chasser les étrangers Bamiléké installées sur la rive gauche du Noun, de leurs terres. Conséquences, des pertes en vies humaines. A cet effet, le gouvernement camerounais afin d'éviter des affrontements entre les deux ethnies Bamouns et Bamilékés, par le biais du MINATD avait désigné une commission d'enquête baptisée Commission ENGOULOU afin de s'enquérir de la situation et de pouvoir résoudre le problème, mais jusqu'à nos jours rien de tout cela n'a eu véritablement de suite. En effet, la Commission ENGOULOU avait pour but de rendre dans l'intervalle allant de un à six mois, un rapport des constats faits sur le terrain, mais jusqu'ici, les populations Bamilékés encore présentes sur la rive gauche du Noun, vivent dans la peur et la terreur de se voir exproprier leurs terres du jour au lendemain car l'on attend toujours les résolutions du rapport de cette commission.

II.PERSPECTIVES

La problématique de la question foncière dans les anciennes plantations coloniales au Cameroun et parlant, du cas précis de la C.O.C est très cruciale pour le devenir même des paysanneries du monde rural en milieu camerounais. En effet, au Cameroun, l'agriculture occupe plus de 60% de la population totale. Pour ce faire les paysans et particulièrement les cultivateurs ont besoin non seulement des terres mais des bonnes terres pour pouvoir produire durablement.

Or pour l'ensemble, les anciens domaines sont en crises et représentent pour l'ensemble, des bonnes terres très fertiles et susceptibles de favoriser la production agricole à grande échelle. Les difficultés et les contraintes liées à l'acquisition foncière des parcelles dans ces ex-domaines plongent les paysans, eux qui sont à la base de la chaine de production dans une situation de précarité foncière très accrue.

À la C.O.C, les tentatives paysannes d'accès à un plus grand nombre de parcelle s'est avérée être un échec car la terre commence à se faire rare vu la démographie croissante de la région et la recrudescence de la mercantilisassions de la terre qui croit au fil du temps. Pour

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cause, leur revenu insuffisant ne le permet pas. Ces derniers se retrouvent alors très souvent en train d'envahir sans autorisations préalable, les parcelles du domaine, aux risques de se faire molester, pire au prix de leurs vies, ou alors souffrir de se voir leurs récoltes expropriées. Lors de nos différentes missions de terrains, certains paysans exprimaient leurs mécontentements vis-à-vis des autorités traditionnelles villageoises, considérées ici comme les grands « propriétaires terriens » car, lorsque survient un problème entre les différents acteurs au sujet d'une même parcelle, l'un des acteurs plus riches et mieux instruit, peut mobiliser plusieurs instances de régulation non plus traditionnelles mais étatique. Dans bien des cas les transactions foncières entre les paysans et les chefs traditionnels se font le plus souvent de façon verbale. Mais lorsqu'on arrive à se retrouver par exemple devant un juge, les autorités traditionnelles se désolidarisent des paysans et les exposent à la merci des sanctions juridiques relevant du droit moderne.

A notre départ, des tentatives de regroupements paysans s'organisaient pour former des groupes stratégiques capables de porter ensemble, les revendications de ces paysanneries qui n'ont d'autres sources de revenus que le travail de la terre. Ils réclament l'accès à un plus grand nombre de parcelles et une certaine sécurisation de leurs droits d'usages de la terre que seules les instances d'accès, de régulation et de contrôle de la terre étatique peuvent leur garantir.

De tout ce qui a été présenté dans la première partie, l'on se demande s'il faut continuer à maintenir le titre foncier de la C.O.C. qui empêche véritablement les paysans de produire abondamment et ce, de façon durable sur un espace quasiment à l'abandon ? Et où, seules la volonté du plus fort et le pouvoir économique des paysans, font loi, caractérisant et déterminant l'appropriation foncière ?

Tous ces questionnements n'ont véritablement été élucidés par l'Etat, propriétaire de toutes les terres du territoire. Il est censé garantir et réguler l'accès au foncier à un plus grand nombre. La logique du titre foncier s'impose encore avec force, marginalisant davantage les paysanneries dans l'accès au foncier, car ceux-ci sont très pauvres, s'ils ne peuvent louer davantage de parcelles à cause de leurs faibles revenus, à plus un titre foncier et toutes les procédures afférentes ?

Face à tous ces obstacles traditionnels et institutionnels, les paysanneries de la C.O.C s'accrochent, espèrent de voir le jour où enfin, les instances de contrôle et de régulation de l'accès à la terre prendront conscience des enjeux de la libéralisation des terres aux paysans ceci dans l'optique d'améliorer la production agricole, de garantir la sécurité alimentaire, mais surtout de concevoir cette libéralisation foncière comme facteur de développement.

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Le sujet «foncier et stratégies d'accès et de contrôle dans les anciennes plantations coloniales : l'exemple de la C.O.C ou le reflet d'un territoire en crise » ainsi présenté ci-dessus s'inscrit dans une perspective d'analyse et de compréhension des dynamiques Villes-Campagnes, notamment par la clarification sur les notions du droit ainsi que les stratégies d'appropriation foncière en milieu Camerounais.

À la question de savoir qui à qui appartient les terres de la C.O.C ? Nos études nous démontrent à suffisance les rapports de force observés entre le pouvoir traditionnel Bamoun, les paysans et l'Etat, les plus forts ayant tendance à léser les autres. Il démontre en outre, la forte emprise et le rôle des instances traditionnelles et du pouvoir traditionnel Bamoun sur la gestion et la distribution des terres de ce territoire. En effet, avec l'ordonnance de 1974 fixant le Régime foncier au Cameroun, l'on aurait cru que cette ordonnance permettrait un affaiblissement des structures foncières traditionnelles Bamoun sur la gestion et la distribution des terres, mais jusqu'à nos jours un étrangers ne peut déployer un investissement immobilier ou un système de production en pays Bamoun si il n'a auparavant reçu l'autorisation du roi ou du Nji Ngwen.

Outre ceux-ci, le jeu d'acteurs à la C.O.C, démontre aussi la prédominance des comportements égoïstes et malhonnêtes des uns (autochtones) au détriment des autres (étrangers). L'on assiste chaque année à des phénomènes d'expulsions de ces derniers, des parcelles sur lesquelles ils y déploient des systèmes de productions. Néanmoins, le développement agricole y est maintenu grâce au potentiel foncier indéniable de la localité bien même qu'il soit entaché d'insécurité, cela n'empêche nullement les paysans dans leurs pratiques. Ainsi sur des petites parcelles comprises entre 100 et 800 m2, les paysans parviennent à générer des rendements très surprenant. Ils sont obligés de recourir à la polyculture sur un même espace, ce qui peut au moment des récoltes être très laborieux pour ses paysanneries dont la main d'oeuvre se limite très souvent à la seule taille de la famille.

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Planche VII

Photo 1 : association de plusieurs cultures (Maïs en arrière-plan et Gombo à ras de sol) sur une même parcelle

Photo 2 : jeune paysan Bamiléké récoltant des produits maraichers sur sa parcelle.

Photo 3 : regroupement de produits vivriers aux abords d'une voix de communication afin de faciliter l'acheminement vers les Marchés de Kouoptamo et de Foumbot.

Photo 4 : embarcation des produits vivriers au marché des vivres et frais de Foumbot en destination des marchés métropolitains de Yaoundé, Douala et ceux de la sous-région CEMAC.

À la question des stratégies d'accès et de contrôle de la terre, nos travaux démontrent le poids de l'autorité traditionnelle sur les espaces environnant les plantations de la C.O.C. Le grand flou qui existe au niveau de la paternité des titres même de cette plantation, associé à cela l'action des gardiens ayant la charge de surveiller cette plantation rend difficile l'accès et l'usage effective de ces terres par les paysans. Des stratégies de contrôle de la terre,

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l'instigation de la peur et de la crainte de représailles instaurer les chefs traditionnels et les gardiens de la plantation C.O.C. ralentissent toutes démarches paysannes d'appropriation foncière frauduleuse non pas seulement dans ce domaine qui fait désormais l'objet d'une répartition entre les fils de Jean Fochivé mais aussi sur les espaces contrôlés par les autorités traditionnelles locales.

CONCLUSION PARTIELLE

L'éclairage sur les conflits de gouvernance foncière à la C.O.C avec l'avènement de la décentralisation laisse entrevoir une arène où les acteurs et les instances de contrôle de l'accès à la terre s'identifie chacun par son action. L'appropriation foncière ici ne peut être effective sans passer par un conflit car non seulement nous sommes dans une zone d'accueil de migrant, il est toujours très difficile de concilier et de satisfaire les attentes de toutes les parties prenantes.

L'Etat, garant de toutes les terres du territoire national, ne peut se prononcer de façon directe sur le problème, de peur que la situation conflictuelle présente ne s'aggrave davantage. De ce fait, il use des stratégies que ce seul travail à lui seul, ne peut résoudre. La décentralisation survenue au Cameroun dans les années 2007 aura eu pour conséquences, la multiplication des instances de régulation de l'accès à la terre (plus de pouvoir aux collectivités décentralisées : les Mairies) rendant encore plus difficile la résolution des conflits afférents, inhérents aux problèmes des anciennes plantations, à leurs créations et dans un spectre plus élargie aux localités de Foumbot et de Kouoptamo.

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CONCLUISON GENERALE

Le pays Bamoun, pays de contraste et de richesse culturelle, concentre une histoire riche et très profonde. Les structures foncières y sont très anciennes et ont une tendance actuelle au dépassement. Celles-ci se complexifient davantage avec la création par les colons français, des grandes plantations qui entraina non seulement l'introduction d'un titre foncier comme garant de la propriété foncière, mais aussi et surtout aura drainé d'importantes masses de populations des hautes de l'Ouest et du Nord-Ouest en particulier vers le plateau Bamoun qui se situe juste en contrebas de celles-ci et donc sujette à l'envahissement.

Les conséquences sont sans précédents : passage immédiat d'une situation d'un territoire vide à une concertation sur les pleins, réduction des jachères vue que la brousse est finie. Les multiples conflits fonciers à caractères sanglants ainsi que les multiples pertes en vies humaines recensées sont autant de preuve qui témoignent en faveur du fait que La cohabitation de plusieurs communautés aux intérêts hétéroclites sur un même espace est très difficile dans ce contexte.

Le cas de la C.O.C n'en n'est pas un cas isolé. En effet, la superposition de plusieurs sources du droit (traditionnel, moderne, positif) sur cet espace, non pas de structurer et de règlementer l'acquisition foncière ici, ont entrainé le dépérissement de cette plantation agricole à caractère industrielle. La reprise par les nationaux de ce domaine, a suscité plusieurs questionnements et font dorénavant de cette plantation, un lieu, une arène perpétuelle d'affrontement et de tension entre les différents acteurs, confirmant la première et la deuxième hypothèse de recherche selon laquelle : « L'absence de clarification claire, des droits d'accès et d'usage au moment de l'implantation des paysans explique en partie les conflits observés »

En définitive, la question du foncier dans les anciennes plantations coloniales au Cameroun aura eu pour étude cas celle de la C.O.C. il est très embarrassant, car nous laisse entrevoir une compagnie agricole à l'abandon, un potentiel agricole quasi inefficient, où des acteurs du jeu foncier s'affrontent tel une arène, avec des logiques d'acquisitions foncières différentes : Quel avenir pour les ruralités Camerounaises ? D'autant plus que tous les discours politiques sont à la promotion et à la vulgarisation de ce secteur d'activité.

Que ce soit l'Etat, les instances traditionnelles ou les paysans, tous ont une logique convergente, celui du contrôle de l'accès à la terre. Il s'agit ici dans ce No man's Land non

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pas seulement des rapports fonciers au premier sens agricole, mais des rapports de pouvoirs entre les différents acteurs.

Les réalités foncières actuelles, dont la tendance est à l'aggravation des problèmes fonciers, constituent une source d'inquiétudes pour la paix sociale et pour le développement locale. Une urgence s'impose face à cette situation : trouver des solutions aux problèmes fonciers actuels afin de libérer davantage les acteurs locaux des contraintes que constituent les diverses formes d'insécurité foncière. Mais la voie pour y arriver ne semble pas si évidente quand on se trouve à une échelle locale dont les faits sont aussi diversifiés que contrastés, c'est-à-dire une multitude d'acteurs avec de multiples pratiques parfois opposées. Les solutions proposées par l'Etat très souvent se retrouvent inefficaces et incapable de garantir une sureté foncière à tous. La décentralisation bien qu'effective au Cameroun, tarde encore à s'affirmer. En effet, du fait du pluralisme institutionnel des organes étatiques, la résolution des conflits et litiges fonciers devient difficile. Face à tous cela donc, les solutions sont à inventer par les différents acteurs selon leurs logiques d'actions.

Quelle peut être la suite de ce présent travail ?

Ce travail de recherche réalisé dans le cadre d'un Master 2 recherche en géographie mérite d'être approfondi dans le cadre d'une thèse et cela pour un certain nombre de raisons. En effet, les thématiques du foncier et de la sécurisation foncière des acteurs ruraux est d'actualité aussi bien à l'échelle mondiale qu'à l'échelle du Cameroun. Les évolutions de réalités agro foncières en milieu rural au Cameroun détermineront l'avenir du pays.

Il est pertinent de poursuivre la recherche sur le foncier et la sécurisation foncière en faisant le lien étroit avec le nouvel ordre administratif que constitue la mise en oeuvre de la décentralisation au Cameroun. Mais au regard des limites que représente le fait de circonscrire l'investigation sur des questions dont les implications débordent les limites administratives communales, il paraît plus approprié d'élargir le champ d'étude à toute la région agro foncière du pays Bamoun, particulièrement de voir la situation foncière dans les autres plantations en vue de rendre compte des enjeux en oeuvre.

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ANNEXES

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Annexe 1 : chronologie des rois de la dynastie Bamoun

Annexe 2 : carte de localisation du pays Bamoun (Noun)

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Résumé

Le pays Bamoun est de loin la fraction du territoire camerounais possédant le plus grand nombre de plantations coloniales, à savoir dix-sept au total. En effet, sous l'administration coloniale française, des vastes plantations avaient été créées, ceci dans le but de limiter de limiter les importations de la métropole française en café venu d'Arabie. Ainsi fut créé la C.O.C. la plus grande des plantations coloniales créées sur ce territoire (2400 ha), un No Man's Land. Une plantation coloniale à caractère industrielle dont la belle part revenait au déploiement de la caféiculture. Brassé dans un cortège et une atmosphère juridique, liés en parties à la juridiction en vigueur dans la métropole du pays administrateur, les titres fonciers de la C.O.C qui, jusqu'en 1937 n'était encore qu'un bail emphytéotique, furent établis. Or cependant, en 1974, juste 14 ans après l'indépendance du Cameroun, arrive l'ordonnance n° 074/1 du 6 juillet 1974, relatif au régime foncier et à l'immatriculation des terres. Il est très claire : les étrangers n'ont pas le droit d'avoir des titres fonciers au Cameroun, ils peuvent tout au plus avoir des espaces du domaine national en baux emphytéotiques''. Cette même ordonnance laissait une durée de 10ans à tous les titres fonciers qui avaient été établit bien avant celle-ci, de se conformer à la nouvelle règlementation en vigueur. Or, les colons français ont plié l'échine puis ont vendu les titres fonciers de la C.O.C. : un certain Jean Fochivé, ayant repris le domaine en 1974, jusqu'aujourd'hui le l'a jamais fait. Mieux encore, il prévaut de nos jours une insécurité foncière accrue à la C.O.C et ses environs, car la création des plantations coloniales en pays Bamoun avait nécessité le recrutement par l'administration coloniale à travers l'ORT, d'une main servile dans les hauts plateaux Bamilékés déjà très surpeuplés d'Hommes vers la rive gauche du Noun presque vide d'Hommes. Ces ouvriers ne sont plus jamais rentrés dans leurs zones d'origines et aujourd'hui réclament tout aussi les mêmes droits d'accès et d'usage sur la terre que les autochtones Bamouns. Or la tradition Bamoun est très claire en ce qui concerne l'accès à la terre des étrangers : « le roi est le gardien et le garant de la gestion et de la distribution des terres auprès des populations. Aucun individu ne peut y réclamer un quelconque droit sans que le roi ne lui en ait concédé... » . Ce travail essaye de faire une clarté sur le devenir des titres fonciers hérités de la colonisation mais aussi met en exergue les stratégies paysannes d'accès et de contrôle de la terre tout autour et dans les plantations coloniales du pays Bamoun, en particulier la C.O.C.

Mots clés : foncier - titre foncier - plantation coloniale - stratégies d'accès et de contrôle-paysans - pays Bamoun.

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Summary

Bamun the country is by far the fraction of Cameroonian territory with the largest number of colonial plantations, namely seventeen in total. Indeed, under the French colonial administration, vast plantations were created, with the aim of limiting to restrict imports of the French metropolis coffee from Arabia. Thus was created the COC largest colonial plantations established in that territory (2400 ha), a No Man's Land. A colonial plantation industrial character which showcases returned to the deployment of coffee growing. Brewed in a procession and legal atmosphere, related parties in the jurisdiction in force in the metropolis of the country director, land titles of the COC, which until 1937 was still a long lease, were established. Now, however, in 1974, just 14 years after the independence of Cameroon, arrives Ordinance No. 074/1 of 6 July 1974 on land tenure and land registration. It is very clear: " foreigners do not have the right to have land titles in Cameroon; they can at most have national domain space by long leases'. This same ordinance allowed a period of 10 years to all land titles that were established long before it, to comply with the new regulations. However, the French settlers caved then sold the land titles of the COC: a certain Jean Fochivé, having taken the field in 1974, until today the ever did. Better yet, it prevails today increased land insecurity in the COC and its surroundings since the creation of the colonial plantations in Bamun country had required the recruitment by the colonial administration through the ORT, a slave labor in Bamilékés high plateaus already overcrowded Men to the left bank of the Nun almost empty of men. These workers are never returned to their areas of origin and are now demanding the same rights as all access and use of the land as indigenous Bamouns. Or the Bamun tradition is very clear with regard to access to land foreigners, "the king is the custodian and guarantor of management and land distribution among populations. No individual can claim any rights there without the king has not conceded ... This work tries to make clarity on the future land titles inherited from colonization but also highlights farmers' strategies to access and control of land around and in the colonial plantations of Bamun countries, particularly the COC

Keywords: land - land title - colonial plantation - access policies and control-farmers - Bamun country.






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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984