Master 2 Recherche de
Géographie Spécialité « Pays Emergents et en
Développement »
«Foncier et stratégies d'accès et
de contrôle dans les anciennes plantations coloniales au Cameroun:
l'exemple de la C.O.C»
Présenté par
Jonas Aubert NCHOUNDOUNGAM
Sous la direction de
Christine RAIMOND, Directrice de Recherche
CNRS
Membres du Jury :
Géraud Magrin
Professeur, Université de Paris 1 Panthéon
Sorbonne
Bernard Tallet
Professeur, Université de Paris 1 Panthéon
Sorbonne
Hubert Cochet
Professeur, Agroéconomiste et Géographe,
Université AgroParisTech
DEDICACE
À mes parents Feu MOULIOM
Henri Et Dame PÈMBEME Julienne
Pour l'affection et tous les sacrifices qu?ils ont toujours
fait preuve à notre égard. Que ce travail soit pour eux un
motif de fierté et de reconnaissance.
II
REMERCIEMENTS
III
La réalisation de ce mémoire de Master 2 est le
produit d'un effort conjugué et n'aurait véritablement
été achevée sans la participation d'un certain nombre de
personnes. Ainsi nous tenons à remercier tout d'abord le laboratoire
PRODIG 8586, la FPAE et les responsables du Master « GéoPED »
de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, qui nous ont
donné l'opportunité de faire cette formation en mettant à
notre disposition les moyens nécessaires. C'est pourquoi il est juste et
légitime de remercier sincèrement et en premier lieu :
- Madame Christine RAIMOND, Directrice de Recherche au CNRS,
qui a accepté diriger cette recherche. « c'est encore
très élémentaire » me disiez-vous tout le temps
pour me permettre de me surpasser davantage. Stratégie de travail ou
simple coïncidence, Professeur, travailler avec vous a été
un plaisir et donne vraiment envie à faire de la recherche utile pour
une cause. Que ce travail soit pour vous et comme parmi tant d'autres, un motif
de satisfaction.
- Le Professeur Bernard TALLET, pour votre attention et vos
points de vues à la fois subjectifs et critiques, à la base
même de la réalisation de ce travail. Trouvez ici notre
gratitude.
- Le Professeur Moise MOUPOU de l'Université de
Yaoundé I, tu es celui-là qui a eu le juste mot pour nous
remettre sur la difficile mais passionnante voie qu'est la recherche. Ta
contribution pour la réalisation de ce travail est incontestable, qu'il
soit pour toi un objet de satisfaction.
- Monsieur Olivier IYEBI MANDJEK, HDR de Géographie,
votre simplicité et votre vision critique de la question foncière
ont été d'un apport crucial pour la finalisation de ce travail.
Retrouvez ici notre gratitude
Aux populations des communes de Foumbot et Kouoptamo, qui se
sont montrées disponibles et collaboratives, particulièrement
Monsieur les Maires, Monsieur les sous-préfets et leurs collaborateurs,
les chefs coutumiers, le Président du TPI de Foumbot et le Procureur, je
témoigne toute ma gratitude.
À Alain Jam, Fifen Lazare, Coby Choco, Fernand, Titi,
Nadia, Hugues Arentès, Aurélien, Ouzer, Aurianne Ngono, Quentin
Ducros, A Vildan Dogan, Laurence Goury, le collectif de l'Université de
Yaoundé III chez Nano et surtout ma bien-aimée Marcelle Natachia
G., je vous suis à jamais reconnaissant.
iv
LISTE DES SIGLES
AFD : Agence Française de
Développement
ANC : Archive National du Cameroun
AOM : Archive d'Outre-mer
BM : Banque Mondiale
CAF : Commune d'Arrondissement de Foumbot
CAPLANOUN : Coopérative des Planteurs
Agricoles du Noun
CIAC : Compagnie Industrielle et Agricole du
Cameroun
COC : Compagnie Ouest-Cameroun
ENS : Ecole Normale Supérieure
FALSH : Faculté des Arts Lettres et
Sciences Humaines
FMI : Fond Monétaire Internationale
FPAE : Fondation Paul Ango Ela
GRAIN: Genetic Resources Action
International
IIED : Institut International pour
l'Environnement et le Développement
IRAD : Institut de Recherche Agricole pour le
Développement
IRD : Institut de Recherche pour le
Développement
MARC : Modes Alternatifs de Résolution
des Conflits
MINADER : Ministère de l'Agriculture
et du Développement Rural
MINATD : Ministère de l'Administration
Territoriale et de la Décentralisation
MINDCAF : Ministère des Domaines, du
Cadastre et des Affaires Foncières
MINDUH :Ministère du
Développement Urbain et de l'Habitat
MINEPAT :Ministère de l'Economie de la
Planification et de l'Aménagement du Territoire
PAS : Programme d'Ajustement Structurel
PRODIG : Pôle de Recherche,
d'Organisation et de Diffusion de l'Information Géographique
ORT : Office Régionale du Travail
SDN : Société des Nations
TPI : Tribunal de Première Instance
UYI : Université de Yaoundé
I
V
TABLE DES GRAPHIQUES
Graphique 1 : Répartition des tribus à la C.O.C
.47
Graphique 2 : La faible possession des titres de
propriété à la C.O.C 65
Graphique 3 : Modes d'acquisitions des terres dans les
plantations de la C.O.C.
et ses environs .69
Graphique 4 : Tendance des locations et des acquisitions des
terres à la
C.O.C ..70
TABLE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Les anciennes plantations coloniales en pays Bamoun
entre 1931 et
1945
|
2
|
Tableau 2 : Opérationnalisation du concept de
stratégie
|
15
|
Tableau 3 : Vue synoptique des méthodes et outils de la
recherche
|
..18
|
Tableau 4 : Récapitulatif des questionnaires
guides-d'entretiens, récoltés par
villages parcourus 23
Tableau 5 : Concessions et titres fonciers de la C.O.C ..32
Tableau 6 : Fréquence des plaintes
déposées à la sous-préfecture de Foumbot
entre 2007 et 2015 ..63
TABLE DES CARTES
Carte 1 : Localisation des plantations de la C.O.C .21
Carte 2 : Présentation des espaces de conflits à
la C.O.C ..41
TABLE DES ENCADRES
Encadré 1 : Instances juridictionnelles du pays Bamoun
30
Encadré 2 : Les principales lois foncières en
vigueur affectant les intérêts des
propriétés communales rurales au Cameroun .37
Encadré 3 : Entretien avec le chef Section
départemental des Affaires Foncières
du Noun ..37
Encadré 4 : Entretien avec monsieur le Procureur du
Tribunal de Première
Instance de Foumbot 38
Encadré 5 : Entretien avec Kamougué, 45 ans,
cultivateur à Foumbot ..47
Encadré 6 : Entretien avec Malum, 58 ans, paysan Bamoun
à
Nkoundoumbain 54
Encadré 7 : Entretien avec Momo, 56 ans, paysan
Bamiléké à
Nkoupa?re 57
Encadré 8 : Entretien avec Henri T., 83 ans, paysan
Bamiléké et ancien ouvrier à
la C.O.C ..59
vi
Encadré 9 : Entretien avec Bopda, 60 ans, paysan
Bamiléké à la C.O.C 68
VII
Encadré 10 : Entretien avec Danger, 63 ans, gardien
à la C.O.C 68
Encadré 11 : Entretien avec le DDDCAF du Noun 70
TABLE DES MATIÈRES
DEDICACE ii
REMERCIEMENTS ii
LISTE DES SIGLES iv
Introduction : la problématique foncière dans
les anciennes plantations
coloniales et le cas de la C.O.C 1
Ière PARTIE : HISTOIRE DE LA PLANTATION ET DE SON
ACCAPAREMENT FONCIER SUR L'ESPACE ENVIRONNANT 28
I. SITUATION FONCIERE PASSEE ET ACTUELLE DU PAYS BAMOUN
28
1.Hiérarchisation du pays Bamoun et stratification de
la tenure du sol 28
II.LA CREATION DES ANCIENNES PLANTATIONS
COLONIALES EN
PAYS BAMOUN : LE CAS DE LA C.O.C 31
III.AVENEMENT DE L'AGRICULTURE DE PLANTATION ET
ACCAPAREMENT FONCIER PAR LA C.O.C 39
1.Essai de clarification conceptuelle 39
VIII
2.Agriculture de plantation et redistribution des terres
noires 39
3.Structure de la C.O.C, un espace en crise : comprendre
l'assaut villageois
par l'abandon 40
IIème PARTIE : JEUX D'ACTEURS ACTUELS ET
LEURS IMPLICATIONS
FONCIERES À LA C.O.C 50
I. Les acteurs du jeu foncier à la C.O.C 50
1.Identification des acteurs locaux et description du jeu
foncier à la C.O.C 53
II.LES STRATEGIES D'ACCES A LA TERRE A LA C.O.C. 68
IIIème PARTIE : ECLAIRAGE SUR LES CONFLITS
DE GOUVERNANCE
ET PERSPECTIVES DANS LE CADRE DE LA DECENTRALISATION 73
I.GOUVERNANCE ETREGULATION FONCIERE À LA C.O.C 73
1.Cadre conceptuel 73
2.L'Etat et le dispositif de développement : que de
vaines paroles 74
3.Territorialisation de la gouvernance foncière et la
question identitaire 76
II.PERSPECTIVES 77
CONCLUISON GENERALE 82
BIBLIOGRAPHIE 84
ANNEXES 96
RESUME 95
INTRODUCTION : LA PROBLÉMATIQUE FONCIÈRE
DANS LES ANCIENNES PLANTATIONS COLONIALES ET LE CAS DE LA C.O.C
Les richesses du pays Bamoun actuel département du
Noun, en contrebas du pays bamiléké (Ouest-Cameroun) et de ses
vastes espaces inoccupés ont attiré l'attention des
Européens à la recherche de surfaces exploitables. Les terres
noires de Foumbot et de ses environs offraient alors aux entrepreneurs
agricoles un potentiel qui n'a d'égal que les abords des Monts Cameroun
et Manengoumba. Il est constitué d'une série de collines
polyconvexes surbaissées que dominent 59 appareils volcaniques
(composés de dôme, de cône, de cratères, et de
coulées pyroclastiques de type hawaïen ou plus visqueux). Ces
terres comprises entre le Noun, le Mbetpit et le pied du Nkogham sont
constituées d'un matériel volcanique divers (S. Morin, 1989). Des
concessions foncières y furent accordées aux entrepreneurs
agricoles, qui pour la plupart étaient d'origine géographique et
sociale diverse : un ouvrier parisien, un dentiste de Strasbourg, un ancien
administrateur colonial, un fils de grande famille, un paysan...a l'exception
de quelques helvétiques et ibériques, tous sont français
(Moupou, 1991 : p.72). Ces terres données en concessions avec le
concours de l'administration coloniale du Cameroun de cette époque et
celui de l'autorité traditionnelle en la personne du Nfon Pamom, ne
stipulait pas une quelconque vente, encore moins une donation définitive
car la terre en pays Bamoun n'est pas à vendre, c'est un bien collectif
qui appartient au peuple Bamoun et le roi en qualité de chef
suprême en est le garant de la gestion et de la distribution
auprès des paysans et des populations. À la suite de ces octrois
concessionnaires, d'importantes sociétés et des
coopératives ont vu le jour. Celles-ci faisant l'objet d'une
compétition effrénée entre les candidats, c'est au plus
offrant que revenait la parcelle. C'est dans cette atmosphère de
concurrence que la C.O.C a obtenu une concession de 2400 ha pour 59340 francs,
acquérant ainsi la plus grande de toutes les plantations coloniales
effectivement créées sur ce territoire, qui en compte treize.
Noms et prénoms des demandeurs
|
Superficie des
exploitations
|
Localité
|
Date
d'attribution
du titre provisoire
|
Date
d'obtention des titres définitifs
|
Wilhelm Adolphe
|
250ha
|
Fossette
|
27 / 9 /1929
|
14 / 11 /1931
|
2
Banque Fourcade et Provot
|
965ha
|
Monoun
|
25 / 10 / 1929
|
05 / 5 / 1932
|
Dammann
|
60ha
|
Foumban
|
28 / 10 / 1929
|
12 /12 / 1932
|
Dammann M.A
|
52ha 74a
|
Foumbot
|
20 / 10 / 1928
|
12 /12 / 1932
|
Hanne Charles
|
61ha50a
|
Foumbot
|
18 / 10 / 1931
|
26 / 8 / 1936
|
Compagnie Ouest
Cameroun
|
997ha77a64ca
|
Foumbot
|
14 / 8 / 1932
|
15 / 9 / 1938
|
Mallet Horace
|
479ha5a
|
Foumbot
|
14 / 9 / 1933
|
15 / 9 / 1938
|
CIAC
|
367ha20a
|
Foumbot
|
28 / 9 / 1933
|
23 / 2 / 1939
|
CIAC
|
519ha21a
|
Foumbot
|
18 / 10 / 1934
|
01 / 5 / 1939
|
Hanne Charles
|
42ha17a52ca
|
Foumbot
|
13 / 12 / 1934
|
01 / 5 / 1939
|
Dammann M.A
|
271ha84a
|
Momo
|
13 / 12 / 1934
|
16 / 11 / 1941
|
Dammann M.A
|
119ha40a
|
Fochivé
|
08 / 2 / 1937
|
13 / 11 / 1942
|
Crozier Jean
|
- -
|
Fossette
|
07 / 2 /1936
|
18 / 11 / 1942
|
Giojuzza Jacques
|
201ha
|
Njidoum
|
28 / 12 / 1935
|
05 / 5 / 1943
|
Chalot Jacques
|
106ha
|
--
|
09 / 7 / 1937
|
15 / 10 / 1943
|
Coubeaux M.G
|
34ha35a
|
Baïgom
|
18 / 6 / 1935
|
30 / 05 / 1945
|
Tableau 1 : Les anciennes plantations coloniales
en pays Bamoun entre 1931 et 1945
Ainsi, à la fin des années 1940, on
dénombrait 49 concessions domaniales octroyées aux volontaires ;
seules 23 plantations avaient effectivement été
créées.
C'est dans ce contexte, que fut créée la
Compagnie Ouest-Cameroun, la plus grande de toutes les plantations coloniales
de la rive gauche du Noun, dont la quasi-totalité était
destinée à la culture du café. Ce choix a
été largement favorisé par la fertilité des sols de
cette région puisqu'il s'agit des terres noires volcaniques, mais
surtout par le fait que durant la décennie 1930, le territoire Bamoun se
caractérise dans l'ensemble, par des faibles densités de
populations et très éparses, inférieures à un
habitant au kilomètre carré.
Pour ce qui concerne le foncier et les stratégies de
contrôle de cette ressource autour et dans les anciennes plantations
coloniales, il convient de préciser que l'administration coloniale
française du Cameroun à travers l'Office Régional du
Travail (ORT), avait drainée bon
3
nombre de personnes vers la rive gauche du
Noun1afin qu'elles puissent travaillées comme ouvriers dans
les plantations qu'elle avait créée. Dongmo J.L (1987) dira que
le développement de la culture du café a drainé sur la
rive gauche du Noun, une colonisation diffuse; en moins d'un siècle, les
densités de populations sont passées de 0,2 habitants / km2 en
1940 à 220 habitants au km2. Moupou M. (1991) signala
également que le territoire Bamoun, en contrebas de la dorsale
camerounaise fort de ses faibles densités (26 habitants au
km2) se trouve en proie et à la merci des hautes terres
surchargées d'hommes (300-800 habitants au km2) et suscite la
convoitise de celles-ci. Cette densité en nette progression ne peut
s'expliquer que par un transfert ; les fortes densités des hauts
plateaux se déversant par osmose sur les régions voisines, dont
le pays Bamoun. Ainsi, les populations Bamiléké et Nso qui
étaient employées dans ces plantations ne sont plus jamais
retournées sur leurs terres d'origines'' après la
crise de la caféiculture2. Victimes de leur forte
démographie, les Bamiléké de l'Ouest Cameroun souffrent
également de la rigidité de leurs droits fonciers coutumiers qui
font de la terre ancestrale la propriété du fon ou chef
; les migrations vers les régions voisines s'imposent alors comme
l'unique opportunité pour ce peuple de vaillant agriculteurs (Dong
Mougnol, 2010). L'on y observe également des M'bororo, branche peule
d'éleveurs venues de la partie septentrionale du Cameroun (Adamaoua,
Garoua, Maroua) afin d'y paitre leurs troupeaux. Ces derniers ayant
trouvé sur ce No Man's Land un terrain refuge grâce non seulement
à l'abondance du couvert végétal et de la clémence
du climat, mais aussi pour éviter les razzias qui prévalaient
déjà dans leurs zones de départ, ils s'y sont
installés. La diffusion des techniques, la création des centres
de santés villageois mais aussi l'amélioration de
l'hygiène et du cadre de vie des populations ont également
favorisé cet état de croissance, car il faut le signaler, la
localité de Foumbot qui abrite la grande majorité des plantations
coloniales a été créée en 1925 par l'administration
coloniale et bénéficie tout autant que les autres villes de
taille relative, des infrastructures socio collectifs de base qui font de cette
localité un pôle attractif.
De ce qui précède, la question foncière
devient un enjeu très significatif. L'on se pose la question de savoir :
à qui appartient la terre dans un tel contexte de cohabitation des
1 Terme utilisé par l'administration
coloniale française pour parler de la région de Foumbot qui
devrait recevoir la colonisation organisée de la zone dans les
années 1940.
2L. Dé, « Crise de l'arabiculture et
mutations rurales sur le plateau Bamum, une contribution à
l'étude géographique des mutations rurales consécutive
à la crise actuelle des cultures d'exportation », Thèse de
Doctorat de 3è cycle en Géographie, université de
Yaoundé 1, 1997.
4
peuples ? Il convient de préciser que, le territoire
Bamoun est sous l'autorité d'un pouvoir traditionnel fort et
structuré que représente le roi (Nfon Pamom).
Désigné de façon héréditaire et
irrévocable parmi les descendants de Nchare Yèn3.
À la mort de son prédécesseur qui n'est autre que son
père, le nouveau roi est choisi. Il est considéré par sa
population comme étant le garant de la gestion et de la distribution des
terres auprès des paysans et des agriculteurs. Celui-ci affecte des
terres à des familles selon la taille du ménage, la
capacité et la force de défrichement des espaces. L'introduction
d'un titre foncier par l'administration coloniale afin de sécuriser ses
droits et qui après, avait été repris par des nationaux
suite au départ de ceux-ci, de leurs domaines du fait de la crise de la
caféiculture des années 1980, est de plus en plus remis en cause
aujourd'hui par les paysans. Pourquoi ? peut-être parce que d'une part
elle tend à restreindre le pouvoir du sultan dans la gestion et
l'affectation des terres, d'autres part parce que, suite aux différents
mouvements migratoires , la localité toute entière connait une
croissance démographique de plus en plus expansive ce qui fait que les
ménages ont de plus en plus besoin d'espaces pour cultiver et se
nourrir, or à Foumbot tout comme dans les espaces autour de la Compagnie
Ouest Cameroun, « la terre est devenue rare ». « La COC est
l'exemple type d'une grande exploitation qui cherche à se maintenir.
L'immensité de celle-ci entraine une occupation illégale des
bordures par les populations des villages voisins qui manquent des terres
cultivables » (Moupou 1991, p.74).
Outre le fait que, préoccuper par la dynamisation de
l'économie et la rentabilisation de la terre, cette plantation qui avait
été créée par les colons et reprises d'antan par
les nationaux et qui de surcroit possèdent des titres de
propriété, fait dorénavant l'objet de contestations et de
convoitises non seulement des populations et des paysans qui travaillaient dans
ces vastes domaines coloniaux comme ouvriers mais aussi de la part d'autres
acteurs locaux et ceux venus des villes voisines de Foumbot et de Kouoptamo
avec un seul but, l'appropriation foncière pour des raisons diverses et
variées, quitte à s'entretuer ne serait que pour un lopin de
terre.
Le contexte rural, social, économique et politique
camerounais des arrondissements de Foumbot et Kouoptamo en pays Bamoun auxquels
est rattaché administrativement la C.O.C, et plus
précisément celui des villages sur lesquels s'étendent
cette plantation dont il est question tout au long de ce mémoire est
très éloigné de ce que nous connaissons du reste de
l'Afrique au sud du Sahara, car il s'agit ici d'un No Man's Land
c'est-à-dire des terres
3Fondateur du royaume et premier roi de la dynastie
Bamoun (fin du XIV siècle)
5
n'appartenant à personne, ce qui signifie en quelque
sorte qu'il s'agit des terres vacantes'', sans maitres''
et vides d'hommes' où, des communautés se sont
installés ; des terres très fertiles n'appartenant à
personne dans un contexte où, « la brousse est finie » (B.
Tallet, 1998), il n'y a plus de friche car durant la temporalité 1930
à nos jours, il y a eu un passage systématique d'une situation
d'un territoire vide à une saturation de l'espace et où, la
démographie et les activités pratiquées sont les seuls
facteurs explicatifs de ce changement. L'on reste néanmoins perplexe
quand à la notion de No Man's Land dont les Etats coloniaux ont
savamment employé. Existe-t-il vraiment des terres vides et sans maitres
? Dans un article sur « le régime foncier en Afrique noire »,
Catherine Coquery Vidrovitch (1982 : 65-83) analyse l'impact des
systèmes coloniaux sur le foncier. Celles-ci ont été par
définition, une « politique de spoliation » des droits
fonciers des populations indigènes africaines. En prenant le cas de
l'Afrique Occidentale Française (A.O.F), elle écrit
principalement que : « le problème juridique fut posé
dès l'origine de savoir qui devait être considéré
comme le propriétaire des terres conquises ». Elle précise
en outre que la terre ne manquait pas ; il suffisait pour vivre de brûler
et débroussailler un lambeau de forêt ; les colons
arguèrent de la mobilité de certaines tribus pour étayer
leur thèse...ignorant le rôle du chef de la terre dont l'existence
était pourtant attestée par de nombreux explorateurs car la
législation à ses débuts fut caractérisée
par le refus de reconnaitre l'existence d'un droit indigène, or dans
l'Afrique traditionnelle précoloniale, la propriété
privée n'existait pas.
Les anciennes plantations coloniales de la
Compagnie Ouest-Cameroun: La question foncière en
débat
Dans un contexte, où nous passons des faibles
densités aux fortes densités (Moisel, 1908 ; Ankerman, 1910 ;),
la question de la sécurisation des droits sur la terre se pose de plus
en plus avec acuité car la population déjà très
nombreuse, est appelée à le devenir davantage, or l'espace est
finie et ne croit plus, vu que les phénomènes de titrisation et
de territorialisation réalisés par l'État ont
contribué à la fragmentation et au confinement des terroirs
villageois à un moment donné de l'histoire où, la
production de la nourriture pour se nourrir et pour commercer est devenue la
condition sine quoi non d'existence des paysanneries au Cameroun. Que faire? Vu
que seul les champs de brousse ont persisté et se sont agrandis
jusqu'aux confins des terroirs (TERSIGUEL, 1995), « Tous unis pour faire
reculer la brousse » (Tallet B., 2007, p. 64), autochtones et migrants,
paysans et non-paysans, tous ont frénétiquement étendu les
superficies cultivées, quitte à empiéter sur le domaine
privé de la C.O.C.
6
De plus les terres alentours sont moins riches4 et
moins productives que les terres noires sur lesquelles s'est implantée
la C.O.C. Dès lors, les luttes pour l'accès au foncier sont
devenues inévitables dans cet espace qui offre encore des
possibilités.
Du vide au plein : la Compagnie Ouest-Cameroun
entre déprise caféière et reconversion
culturale
Outre les fondements socio-économiques et politiques de
construction territoriale, la concurrence spatiale s'est amplifiée
suite, d'une part, à la plus-value des cultures
maraîchères, et d'autres part, par les perspectives
effrénées des gains monétaires et les appétits
fonciers fortement aiguisés, rendant difficile la cohabitation entre les
différents acteurs que sont principalement, les paysans, les nouveaux
gestionnaires, l'État et les communautés villageoises. Ces enjeux
multiformes font des anciennes exploitations coloniales, une arène
d'affrontements perpétuels dont les marques sont visibles : la
destruction des plants de café, l'introduction du maraîcher, les
déguerpissements et très souvent des pertes en vies humaines
comme ce fut le cas en 1996.Le contexte de reconversion vers le maraicher a
suscité l'envie d'avoir davantage d'espaces pour le déploiement
de ce nouveau système de production. Rompant avec les exigences
foncières qu'imposaient les cultures pérennes, l'adoption du
maraicher comme nouvel culture a conduit les paysans à accroitre
davantage leurs parcelles emboitant de ce fait sur les espaces de la C.O.C.
Or, pour légitimer leur occupation en territoire
Bamoun, l'introduction par l'administration coloniale d'un titre de
propriété s'était définit comme un
impératif. En effet, cette forme de sécurisation bafoue les
normes locales traditionnelles de gestion foncière, dites
coutumières. Outrepassant l'autorité du gardien
des terres» que représente le sultan roi des Bamoun ou ses
sujets délégués qui portent le titre de Nui
Ngwèn». De telle pratique ne peuvent que susciter le
mécontentement des populations de plus en plus nombreuses qui voient
leurs terres, accaparées par une minorité de nationaux issue de
la bureaucratie administrative. MOUPOU M. (1991) s'explique à
cet effet qu'il y a en pays Bamoun trois types de régimes fonciers
placés sous l'influence des principes de survivances traditionnelles, le
prêt, la location et le don où la condition de mise en valeur est
relative à la classe sociale, il n'a jamais été question
d'une vente de la terre ; il découle donc de cette analyse que, les
terres vacantes appartiennent toutes au Sultan Roi des Bamoun qui en est le
garant, le gardien. En cas de conflit, il est le référent pour la
résolution de ce dernier. Le peuple Bamoun est
4Lire Morin S., 1980
7
usufruitier et doit transmettre cette terre aux
générations futures. La terre n'est pas à vendre. Elle
peut tout au plus être prêtée ou louée ; l'on se pose
alors la question de savoir : « Qu'allons-nous transmettre à
nos enfants, vu que nous n'avons plus de terre, étant donné que
les autres nous en ont privé? » (Ousmane, 74 ans, paysans
à C.O.C)
Dans un contexte où, suite à la déprise
caféière, la reconversion culturale vers le maraichage afin de
garantir et de promouvoir la souveraineté alimentaire, nécessite
davantage d'espaces pour cultiver, la présence d'un titre foncier fait
problème. Cette propriété appartenant désormais
à Jean Fochivé5, ne peut que traduire cette situation
d'insécurité foncière qui règne dans cette
plantation.
Du plein au vide : une démographie
expansive comme élément explicatif des conflits fonciers à
la C.O.C.
La situation de vide et de pleins» a
favorisé en quelques sortes le drainage sur la rive gauche du Noun en
général et à la C.O.C en particulier, de forts mouvements
de populations Bamiléké non seulement pour décongestionner
les hauts plateaux de l'Ouest-Cameroun, des Nso6 et des Akou venant
des plateaux Joss (Nigéria) en 19567, du Nord-Ouest pour
travailler dans les plantations coloniales et des Mbororo8pour faire
paitre leur bétail, ceux-ci se localisent dans la plaine de
Mfesset9. La réalisation des infrastructures à
caractères socio-collectifs (voies de communications, écoles,
centres de santé, etc...) mais surtout la mise en chantier du projet de
construction du stade de football de Bafoussam annoncé par l'État
camerounais en 2008 et dont les travaux devenus effectifs en 2012 ont
donné lieu à une infrastructure sportive sur une superficie de
plus de 6 hectares, ce qui a laissé des populations
bamiléké autrefois propriétaires terriens, sans terres de
nos jours. A cet effet, le plateau Bamiléké s'est au fil du
temps, déchargé de son trop plein de population, pour coloniser
les territoires voisins, encore très peu peuplés. Ces
populations, tous paysans sinon quelques exceptions, se sont
déversées sur la rive gauche du Noun et plus
particulièrement dans les zones d'anciennes plantations, qui offrent
encore des opportunités, contribuant ainsi au morcellement des parcelles
autochtones dans des zones où la clarification des droits fonciers
5 Bureaucrate, ancien Directeur Général
du Service National de Renseignement du Cameroun (CENER)
6 Peuple anglophone venu du Nigéria voisin et
de la région du Nord-Ouest Cameroun
7 BOUTRAIS, 1986, p.16
8 Les groupes peuls transhumants venus de la partie
septentrionale du Cameroun
9 ANC-APA 11919/B
8
demeurent encore très floue afin de satisfaire leur
propre demande foncière, dans la plupart des cas souvent avec la
complicité des autorités traditionnelles.
Notre objectif dans cette aventure scientifique est
celui de comprendre les raisons qui poussent les paysans à
accéder aux terres dans les plantations de la C.O.C., alors que celle-ci
est un domaine privé.
L'objectif spécifique étant de :
? Analyser et comprendre les logiques paysannes au travers
l'étude de la situation
foncière actuelle à la C.O.C. et de la
clarification des titres de propriété de ce domaine ? Identifier
les acteurs et décliner leurs jeux dans l'acquisition des terres tout
autour et
dans les plantations de la C.O.C.
? Eclairer sur les conflits de gouvernance foncière
locale dans le cadre de la décentralisation par le biais des acteurs en
présence
Afin d'appréhender la situation foncière autour
de cette plantation, la question suivante a été établie
:
Quelles sont enjeux fonciers actuels tout autour et
dans les anciennes plantations coloniale de la C.O.C.?
Car il faut le préciser, cette plantation
bénéficie d'un titre de propriété, mais au vue de
la situation actuelle, les paysans se comportent en véritable
prédateurs fonciers sur cet espace. La notion d'appropriation ici en
contexte rural Camerounais et plus précisément sur ce No Man's
Land n'a pas la même conception qu'en France par exemple ou dans certains
pays Européens et Nord-Américain d'exercice du droit moderne
romain ou droit positif, où la question ne se poserait même pas.
Il y a ici une pluralité des droits et de normes régulant
l'appropriation et la gestion foncière, fussent-ils modernes que
représentent les titres fonciers ou coutumiers traditionnels ; Ce
dernier mode d'appropriation foncière dit coutumier se
matérialisant très souvent par une reconnaissance des droits
d'accès, d'usage et de gestion d'un espace par les autorités
locales coutumières et l'ensemble de la population villageoise, à
un individu ou un groupe d'individu de façon verbale en présence
d'un ou de plusieurs
9
témoins issus le plus souvent de la communauté
villageoise, pour un service rendu à la communauté ou au nom
d'une quelconque amitié développée. Dans ces cas
précis, l'on n'a pas besoin d'un titre foncier ; et c'est dans ce
contexte que le sultan NJOYA10concéda des terres aux colons
blancs dans les années 1930. Ceux-ci ayant pour devoir la
rétrocession de ces terres à leur départ (enquête de
terrain, mars 2015).
En plaçant le foncier au coeur de la réflexion
et aux vues des idées sus-développées, l'on s'interroge de
savoir :
? Que deviennent les titres fonciers hérités de la
colonisation?
? Qui sont les acteurs fonciers à la C.O.C (quand et
comment sont-ils arrivés et quels droits avaient-ils sur la terre)?
? Quelles peuvent être les conflits de gouvernance
afférente à de telles situations dans
un contexte de décentralisation, de domination et de
monétarisation de la terre?
Au regard de cette situation et de prime à bord,
l'hypothèse suivante a été formulé :
Le contexte d'implantation des paysans et les
modalités de reprises de cette plantation par les nationaux traduisent
la «précarité foncière»
observée.
Néanmoins l'on pense que :
? Les multiples conflits à caractères sanglants
enregistrés sur ce domaine ont entrainé le
dépérissement de cette plantation industrielle et explique
l'envahissement illicite de ce domaine.
? L'absence de clarification claire, des droits d'accès
et d'usage au moment de l'implantation des paysans explique en partie les
conflits observés. En effet, les instances traditionnelles et
coutumières du pays Bamoun ont quelque part, favorisé la
précarité foncière et les assauts villageois
observés dans cette plantation. En effet, l'établissement des
titres fonciers non seulement de la C.O.C mais des anciennes domaines coloniaux
semblent remettre en cause les normes traditionnelles de gestion de la terre du
pays Bamoun. La terre n'est pas à vendre, elle est un bien collectif, le
roi est le garant de la distribution et de la gestion auprès des paysans
et le peuple Bamoun en est usufruitier. L'établissement d'un titre
foncier restreint le pouvoir du roi dans la gestion foncière. Pour ce
peuple donc, ce territoire leur revient de droit, bien qu'il soit
10Annexe 1: chronologie des rois de la dynastie
Bamoun
10
titré, cela a été contre leur gré,
car il faut le préciser c'est à la suite de la déposition
du roi Njoya en 1933 à Yaoundé pour trahison et complot contre
l'autorité coloniale, où il mourut, que l'administration
coloniale, profitant de la psychose qui régnait au sein de la population
s'était empresser d'octroyer des concessions aux planteurs blancs dans
cette partie du No man's Land11.
? Les principes de gouvernance dans le cadre de la
Décentralisation avec l'apparition des nouveaux acteurs institutionnels
de gestion du foncier expliquent les différents rapports de force
observé non pas seulement dans les plantations de la C.O.C, mais aussi
bien dans les arrondissements de Foumbot et Kouoptamo.
L'analyse présentée dans ce mémoire
reposera sur une étude de terrain, combinant à la fois
enquête, observation et investigation. Celle-ci sera menée durant
six mois aux côté des habitants des villages sur lesquels
s'étendent les plantations de la Compagnie Ouest-Cameroun entre
Février et Juillet 2016. La temporalité allant de 1970 à
aujourd'hui s'est avérée significative ; l'année 1970
caractérise le début de la crise des produits de rente au
Cameroun et symbolise le départ des européens de leurs
exploitations agricoles, quant à nos jours l'on observe encore des
conflits fonciers à caractère sanglant opposant les populations
aux nouveaux gestionnaires de ces domaines, ce qui serait une résultante
des situations post-crises caféicoles.
Clarification conceptuelle et cadre
théorique
? Foncier
Selon Alain ROCHEGUDE (2002), le « foncier » peut
encore s'entendre comme un concept juridique multidimensionnel ; le terme
« foncier » renvoie aux multiples enveloppes juridiques,
correspondant à autant des statuts, sinon des procédures dites
domaniales ou foncières, qui généralement aujourd'hui sont
toutes conçues pour être situées au regard du droit
foncier. La présentation de cette diversité est la condition
nécessaire d'une mise en perspective utile et juridiquement
fondée sur la question foncière dans la décentralisation.
Dans la même logique, Mathieu P. (1996), dit que le foncier est par
définition une question politique qui ne peut fonctionner que s'il est
garanti par un système d'autorité (étatique,
coutumière ou mixte) qui définit les règles d'une part et
veille à leur application d'autre part.
11 ANY, APA 11820/A, Arrêté portant
création des chefferies supérieures dans la région Bamoun
in Rapport de tournée dans la subdivision du Noun 1935-1936.
11
Les règles foncières définissent-elles
légalement l'accès à la ressource ? Dans quelles
conditions ? Et quelle est la distribution de ces ressources entre les acteurs
hétérogènes qui expriment le choix des
sociétés explicites et implicites sur les rapports entre Etat,
pouvoirs locaux et populations et sur le partage des richesses entre les
différents acteurs ? Dans le même ordre d'idées, il
poursuit en disant que pour les Etats et les administrations modernes, la terre
est définie en priorité comme un bien ; un bien économique
à mettre en valeur pour produire plus et réaliser le
développement. Dans la même logique, Lavigne-Delville (1998) nous
fait savoir que ce terme dérive du latin fundus qui signifie fonds de
terre. Il se définit suivant le contexte dans lequel il est
employé. En géographie, il désigne « l'ensemble des
rapports entre les hommes impliqués par l'organisation de l'espace
» Il renvoie aussi à « l'ensemble des règles
définissant les droits d'accès à la terre d'exploitation
et de contrôle concernant la terre et des ressources naturelles
renouvelables ». De tout ce qui précède, nous devons retenir
que le foncier englobe une dimension spatiale à savoir l'espace et sa
gestion qui implique des rapports sociaux donnant un sens aux droits d'usage
sur la terre et son exploitation. D'après E. LE ROY, « le
foncier' est resté un adjectif tant qu'il désignait le
fond de terre (fundus) et le type de pouvoir, de statut ou de revenu qui
pouvait en être tiré. On parlait de « seigneurie », de
« tenure », de « rente foncière... » En mettant
l'accent sur le support matériel, le sol et sur l'origine de la
maîtrise exercée12». Pour E. C. GIANOLA,
l'élaboration d'une définition qui serait culturellement commune
à tous ne serait pas la meilleure solution en raison de la
difficulté à rester neutre. En définissant le foncier, on
risque à la fois de : Emile LE BRIS, Etienne LE ROY, Paul MATHIEU,
« L'appropriation de la terre en Afrique noire. Manuel d'analyse, de
décision et de gestion foncières », Ed. KARTHALA, Paris
1998, p. 13-22
Mettre l'accent excessivement sur un certain aspect du foncier
en délaissant d'autres aspects également significatifs de
celui-ci ; Traduire une certaine vision du foncier dans un cadre purement
intellectuel et suivant la perspective culturelle de la société
dans laquelle nous nous situons. Cet auteur propose alors une alternative
consistant à appréhender le « foncier » comme «
une construction socioculturelle composée de certains
éléments essentiels qui, tout en étant communs à
chaque espèce ou à chaque genre foncier, ne sont pas
associés particulièrement à l'un d'entre eux. Ainsi, les
écarts entre les différents systèmes fonciers ne seront
pas liés à la différence entre les types
d'éléments qui les constituent mais à la
12 7Emile LE BRIS, Etienne LE ROY, Paul MATHIEU,
« L'appropriation de la terre en Afrique noire. Manueld'analyse, de
décision et de gestion foncières », Ed. KARTHALA, Paris
1998, p. 13
12
différence entre les relations existantes entre les
divers éléments déterminés par les valeurs
socioculturelles qui sont attachées à chaque
élément. C'est l'arrangement de ces relations qui
détermine une structure foncière
donnée13». CHAUVEAU et P. LAVIGNE DELVILLE (1998)
soulignent à la fois « la double dimension politique et sociale du
foncier, arguant que celui-ci est une question politique
révélatrice des dynamiques sociales et des
inégalités structurelles, et qu'un système foncier ne peut
fonctionner que garanti par un système d'autorité
(coutumière, étatique ou mixte) qui définit les
règles et veille à leur application14». En terme
d'objet d'analyse, E. LE ROY (2000) note que : « l'espace et les
ressources doivent donc s'analyser de façon différente en termes
fonciers. L'espace donnera lieu à un droit d'accès exclusif et la
ressource à un droit de prélèvement, d'exploitation ou de
disposition. On parle même de foncier environnemental' dans la
gestion de l'espace et des ressources.»
? Enjeu foncier
Pierre Yves-Le Meur15, définit le terme
d'enjeu foncier comme un raccourci. Il renvoie tout d'abord à une
relation foncière, c'est-à-dire à un rapport social
noué entre acteurs individuels ou collectifs autour d'une chose ou d'un
bien (terre, plantation, mare, etc.), et non au rapport direct d'un individu ou
d'un groupe à cette chose ou à ce bien. Le plus souvent la
relation foncière est sous-tendue par un complexe d'enjeux très
hétérogènes et dépendants des acteurs
impliqués. Il peut s'agir d'enjeux productifs, commerciaux ou de
subsistance, rentiers, inscrits dans le court terme ou dans la longue
durée et liés à des questions de sécurisation ou de
gestion du risque, ou encore d'enjeux politiques, religieux ou symboliques. En
bref, une relation foncière n'est que rarement purement foncière.
C'est du moins ce que laisse apparaitre la formulation des hypothèses
susmentionnées et dont la vérification fera l'objet dans ce
travail scientifique. Lavigne-Delville et Durand-Lasserve (2OO8) pensent que
les enjeux fonciers auxquels sont confrontées toutes les politiques de
développement sont l'accroissement démographique, l'accès
à la terre et aux logements pour tous, la conciliation de la croissance
économique et de la réduction des inégalités, les
compétitions entre acteurs autour de la terre qui sont des sources des
conflits à l'échelle locale et nationale, la gestion du
13 GIANOLA (E.C.), « La
sécurisation foncière, le développement
socio-économique et la force de droit. Le cas des économies
ouest-africaines de plantation », Edition l'Harmattan, Paris, 2000,
p. 12
14 Cité par Moustapha OMRANE, In :
« Transmission de la terre, logique socio-démographique et
ancestralité au sein d'une population rurale des Hautes Terres de
Madagascar », Paris, 2007, p. 48 »
15Approche qualitative de la question
foncière, issue d'une présentation orale effectuée
dans le cadre de l'atelier de lancement du projet de recherche INCO CLAIMS
(Changes in land access, institutions and markets in West Africa)
financé par l'Union Européenne, qui s'est tenu à
Ouagadougou du 21 janvier au 1er février 2002.
13
peuplement et la question de la maîtrise de la
croissance des villes, la nécessité pour les pays africains de
réussir les politiques et réformes foncières.
Ainsi, face aux enjeux, les pays africains sont
confrontés à des défis spécifiques qui se
résument en quatre points.
1) Permettre l'accès au sol des populations, pour
produire, se nourrir et se loger.
2) Prévenir et réguler les conflits sur
l'accès à la terre et aux ressources naturelles.
3) Prendre en compte la diversité des droits sur la
terre et les ressources naturelles renouvelables.
4) Un besoin de politiques foncières dans un monde
libéral.
Ainsi, les enjeux fonciers sont portés par des acteurs
individuels et collectifs, que l'on peut schématiquement ranger dans
deux catégories : d'une part des acteurs en compétition pour
l'accès aux ressources, autour de relation qui peuvent être de
concurrence, d'échange, de conflit, d'alliance ; d'autre part, des
instances ou institutions de contrôle de l'accès aux
ressources.
Vincent et Ouédraogo (2008) vont beaucoup plus loin et
pensent que les enjeux fonciers en Afrique et dans le contexte rural Ouest
africain, sont plus que jamais d'importances. Ils sont perçus à
travers l'évolution des contextes socioéconomiques et politiques
nationaux et du contexte international qui fait apparaitre de nouveaux
défis fonciers, dont l'ampleur reste encore incertaine. Alors que des
rivalités foncières locales étaient, dans le passé,
atténuées par un contexte de relative abondance des terres, la
dynamique de saturation de l'espace va mettre en question la viabilité
des exploitations coloniales et constituer une menace réelle pour la
paix sociale. Selon eux, cette menace stratégique des acteurs et gestion
de la propriété foncière par les collectivités
locales engendre une amplification des mouvements migratoires qui
soulèvent de graves tensions identitaires. Par ailleurs la gestion du
pastoralisme devient de plus en plus complexe du fait de la mobilité des
troupeaux. Tous ces enjeux sont renforcés par l'absence de vision
explicitée de l'avenir du monde rural, qui mettrait
inévitablement en jeu les types d'agriculture à promouvoir. Ils
soulignent également l'importance de l'inapplicabilité de la
quasi-totalité des législations pour lutter contre la
spéculation foncière, ce qui laisse libre cours à
l'accaparement d'importantes superficies à des fins des biocarburants,
nouveaux et puissants facteurs de consommation foncière dans la
région ouest africaine, et l'absence d'une bonne régulation
étatique, un facteur favorisant la dynamique de
14
concentration des terres dans les mains des plus nantis. Ils
précisent que ces marchés fonciers non contrôlés par
l'Etat deviennent de surcroît source de conflits là où, les
mécanismes de régulation foncière locale sont
défaillants. Dans la même logique, l'espace périurbain est,
en particulier, en restructuration permanente, sous les effets de ce
marché informel très dynamique pour lequel les
collectivités locales trouvent l'opportunité de
générer des ressources à travers la réalisation de
nouveaux lotissements, qui parfois, engendrent de nouvelles tensions
sociales.
Cette approche est utile pour nous dans la mesure où
elle met l'accent sur les stratégies des deux grandes catégories
d'acteurs signalées dans notre problématique de recherche, mais
aussi, elle nous facilitera l'appréhension de ce phénomène
non seulement autour des anciennes plantations coloniales mais
également, aux localités de Foumbot et Kouoptamo toutes
entières.
? Titre foncier
C'est un document officiel attestant de la
propriété de quelqu'un sur un terrain. Ce titre n'existe pas
nécessairement dans tous les pays. Il apparaît dans les pays
où le droit de propriété est reconnu par l'autorité
administrative. Quand le principe de l'immatriculation est appliqué
comme c'est le cas au Cameroun et dans les anciennes colonies
françaises, le titre foncier est une copie de l'inscription des droits
du propriétaire au livre foncier.
? Stratégie
Brunet R et Ferras R., dans les mots de la
géographie, (2003) : définissent le concept de
stratégie comme l'art de parvenir à un but par un système
de dispositions adaptés. Étymologiquement, stratégie vient
du mot grec stratos'' qui signifie armée
.Stratégie implique un bilan, et passe par des tactiques du lieu ou de
l'instant. La stratégie comporte quelques ficelles sûres,
disponibles dans tous les bons hasards : exemple de la sûreté du
reste de la terre. Aussi Brand et Durousset (2002), l'appréhende t'elle
comme l'ensemble des jugements, des pratiques et des tendances des ruraux
devant une situation préoccupante. C'est dans ce sens que nous abordons
le concept de stratégie dans le cadre de ce travail. En effet, en
l'appliquant à la géographie, nous définissons la
stratégie comme le plan d'action coordonné, la conduite
générale élaborée et à tenir pour faire face
à un obstacle, une difficulté, ou pour conduire les
opérations économiques, géographique de grande envergure.
Les stratégies apparaissent alors ici comme les avantages
décisifs que les populations rurales se créent dans
15
le but de s'adapter à nouveau à la recomposition
des espaces ou alors les moyens élaborés, conçus ou alors
les techniques utilisées par les paysanneries afin d'accéder au
foncier en vue du développement des systèmes de productions.
Concept
Stratégie
Dimension
Économique
Typologie
Spatiale
politique
-Stratégie d'accès aux
terres
-Stratégie d'accès aux
plantations
Variable
systèmes de production
- Achat
- Métayage - Fermage -
Donation - Héritage
Indicateur
Tableau n°2: Opérationnalisation du
concept de stratégie
- Différents types de
? Précarité foncière
Selon Jean Bonnal (1995), un droit foncier est précaire
lorsqu'il ne permet pas aux exploitants de s'engager dans des actions ayant des
effets à long terme, par exemple la plantation d'arbre. Elle se traduit
par les droits de culture accordés temporairement (les contrats de
courte durée à l'instar des prêts et locations annuels ou
saisonniers) ou provisoirement de part et d'autre par la cession de droits de
cultures annuelles ou saisonnières qui s'opposent aux droits de planter.
Les auteurs tels que Philipe Lavigne-Delville (2001) ; Bakayogo Nouhoun (2003)
; François Jarrige (2003) (Bachir Doucoure (2004) sont du même
avis que J. Bonnal.
Par ailleurs un exploitant est en situation foncière
précaire lorsque les contrats de courte durée dont il
bénéficie ne sont pas reconduits régulièrement ou
si en cas de rupture, il ne peut plus relativement en bénéficier
ailleurs, c'est-à-dire accéder à une nouvelle parcelle
agricole
16
(Philipe Lavigne-Delville (2001). De tout ce qui
précède, l'on parle de précarité foncière
lorsque les droits d'usage sur la terre sont de courte durée ou lorsque
ces droits, malgré leur caractère permanent ne permettent pas la
mise en place des cultures pérennes et par ricochet ne garantissent pas
l'accès régulier ou définitif sur une parcelle
agropastorale.
Cadre théorique de la recherche
Une théorie est censée expliquer ou alors
confirmer un fait. En effet, dans le cadre de cette étude nous avons
fait appel à quelques théories pour nous permettre une meilleure
lecture non seulement des rapports sociaux qui existent entre les
différents acteurs, entre ces acteurs et la terre, mais aussi pour nous
permettre d'appréhender l'espace d'application de cette étude.
- La théorie de la formation socio-spatiale de
Guy Di Méo selon laquelle « La géographie
sociale s'efforce de proposer des méthodes de conceptualisation et
d'identification d'analyse et de compréhension de tels
espaces/territoires ». Cette recherche de logiques constitutives, de
détermination des forces, des seuils et des discontinuités qui
structurent l'espace se rapproche de la démarche qui motive le jeune
chercheur que nous sommes. Ainsi donc : La formation socio-spatiale
est une grille détaillée de lecture du territoire qui se
décompose en quatre instances.
? Les instances géographiques et économiques
relevant de l'infrastructure.
? Les instances idéologiques et politiques relevant de
la superstructure.
Ces quatre instances se combinent de manière
dialectique pour former la Formation Socio-spatiale, et les rapports
dialectiques de l'infrastructure et de la superstructure créent la
spécificité qui fonde le territoire. Dans notre travail, cette
théorie nous permettra d'appréhender les différentes
interrelations et les corrélations qui se créent tout autour des
anciennes plantations et nous permettra de mieux cerner les rapports
qu'entretiennent les populations avec leurs terres.
? La théorie des maîtrises
foncières d'Etienne Le Roy : celle-ci décompose la
notion de possession d'une ressource en ses différentes dimensions .En
ce qui concerne la terre, elle renvoie à deux niveaux de maîtrises
de la ressource foncière : -« la maîtrise de l'usage »de
la terre et la « maîtrise du contrôle de l'usage » de la
terre. La « maîtrise de l'usage » de la terre se
décompose à son tour en deux maîtrises principales : «
l'accès à la ressource » et le «
prélèvement de la ressource ». Au niveau supérieur,
on a la « maîtrise du contrôle de l'accès à la
ressource ». Celle-ci se décompose en deux maîtrises : «
la gestion de la ressource » qui
17
est la capacité d'autoriser et d'organiser,
l'accès, le prélèvement et le « pouvoir d'exclure
» qui est la capacité d'interdire l'accès et le
prélèvement. Ce dernier était détenu par des «
maitres de la terre »ou des « chefs de terre ». A ces
différentes maîtrises s'ajoute une autre : « le droit
d'abusus » ou « d'aliénation », qui interviennent quand
la terre devient un bien ayant une valeur marchande. Cette théorie
s'appliquera dans ce travail, dans la mesure où, elle va nous permettre
de mieux comprendre le cadre de la propriété foncière tout
autour et au sein même, des anciennes plantations coloniales.
? La théorie de la propriété de
John Locke : d'après celle-ci, il existe trois façon
d'acquérir la propriété d'une terre à la limite du
monde connu, là où les terres n'ont jamais appartenu à
personne, on les conquiert en apportant son travail à la terre en
friche, en clôturant et en défendant son titre de
propriété. Le moyen habituel pour hériter d'une terre dans
une zone colonisée est le transfert de titre, c'est-à-dire,
recevoir les titres des mains du propriétaire précédent,
ici le concept de « chaine de titre » est important, la preuve en est
que l'on peut toujours remonter cette chaine jusqu'au propriétaire
originel, qui a conquis le terrain. Enfin, cette théorie prévoit
le cas où, un titre de terrain serait perdu ou abandonner par exemple,
si le propriétaire meurt sans héritier. Ainsi, une étendue
de terrain laissée en friche peut être réclamée par
une partie adverse qui s'y installe, l'aménage et la défend comme
dans le cas d'une conquête. Cette théorie appliquée dans
notre travail renchérira davantage la compréhension de la notion
de l'appropriation foncière dans le département du Noun, mais
aussi au sein des terroirs tout autour et dans les ex-plantations
coloniales.
Les différentes clarifications conceptuelles et
théories utilisés dans le cadre de ce travail nous ont permis non
seulement de faire une lecture des rapports entre les individus au sein d'un
groupe social mais aussi une meilleure compréhension du régime
foncier en pays Bamoun en général et dans les plantations de la
C.O.C en particulier, de façon à prévoir des
améliorations futures si ces théories tendraient à ne plus
être applicable dans ce contexte.
17
Question de recherche
|
Objectif de la recherche
|
Hypothèse de recherche
|
Plan sommaire du mémoire
|
Méthodes/
Outils de la recherche
|
Q.p. Quels sont les enjeux fonciers
|
O.p. comprendre les réels
|
H.p. Le contexte
|
|
Données primaires et
|
actuel tout autour et dans les
plantations de la C.O.C?
|
motifs qui poussent les
paysans à accéder aux terres
|
d'implantation des paysans et les modalités de reprises
de
|
Introducti on
|
secondaires,
questionnaire, interview, récits
|
|
dans les plantations de la
|
cette plantation par les
|
générale
|
de vies, Cartes, Google Earth
|
|
C.O.C.
|
nationaux traduisent la
précarité foncière''
observée.
|
|
Pro 2015, Open Street Map, ARCGIS, G.P.S Garmin 1.4
|
Q.s1Que deviennent les titres
fonciers hérités de la colonisation?
|
O.s1Analyser et comprendre les logiques paysannes au
travers l'étude de la situation foncière
actuelle à
la C.O.C. et de la
clarification des titres de
|
H.p1Les multiples conflits à caractères
sanglants enregistrés sur ce domaine ont entrainé le
dépérissement de cette
plantation industrielle et
explique l'envahissement
|
1
|
Questionnaire, interview,
photos,
figures, tableaux, observations,
cartes, SPSS, caméscope, Quantum Gis 2.12, ARCGIS,
Adobe Illustrator 2015
|
|
propriété de ce domaine.
|
illicite de ce domaine.
|
|
Microsoft office Word et Excel
|
|
|
|
|
2013...
|
Q.s2Qui sont les acteurs fonciers à la C.O.C (quand et
comment sont-
|
O.s2Identifier les acteurs et
décliner leurs jeux dans
|
H.p2L'absence de clarification
claire, des droits d'accès et
|
|
Questionnaire, interviews,
photos,
|
ils arrivés et quels droits avaient-ils
|
l'acquisition des terres tout
|
d'usage au moment de
|
|
figures, tableaux, récits de vie
|
sur la terre)?
|
autour et dans les
plantations de la C.O.C.
|
l'implantation des paysans
explique en partie les conflits observés
|
2
|
observations, Cartes, SPSS, caméscope, Quantum Gis
2.12,
Adobe Illustrator 2015, ARCGIS
|
|
|
|
|
Microsoft office Word et Excel
|
|
|
|
|
2013...
|
Q.s3Quelles peuvent être les
conflits de gouvernance afférente à
de telles situations dans un
contexte de décentralisation, de
|
O.s3Eclairer sur les conflits
de gouvernance foncière locale dans le cadre de la
décentralisation par le biais
|
H.p3Les principes de
gouvernance dans le cadre de
la Décentralisation avec
l'apparition des nouveaux
|
|
Questionnaire, interviews,
photos,
figures, tableaux, observations, récits de vie.
|
domination et de monétarisation de
|
des acteurs en présence
|
acteurs institutionnels de
|
3
|
Quantum Gis 2.12, Adobe
|
la terre?
|
|
gestion du foncier dans cette
localité expliquent les
différents rapports de force observée.
|
|
Illustrator 2015, ARCGIS Microsoft office Word et Excel
2013...
|
18
Tableau n°3 : vue synoptique des outils et
méthodes de la recherche
19
Méthodologie
Le choix de la thématique abordée dans ce
mémoire n'est pas anodin et mérite quelques précisions.
Premièrement, le Master 2 recherche en
géographie Pays Émergents et en Développement de
l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne offre une grande
liberté dans leurs orientations thématiques. Le sujet
présenté ici est donc un choix tout à fait personnel, mais
ayant été influencé par deux facteurs majeurs à
savoir notre positionnement dans le champ scientifique et notre vécu
quotidien.
? Au plan scientifique, nous avons pour ambition d'emboiter le
pas à de nombreux auteurs qui ont consacré leurs travaux aux
études foncières. En effet, qu'ils soient juristes, historiens,
anthropologues, géographes, politologues ou économistes, nombreux
sont ceux qui se sont penchés sur ces questions. Non pas parce que les
autres domaines de la recherche ne sont pas en fait intéressants, mais
surtout parce que ces questions sont devenues, une réalité connue
de toutes les sociétés. Nous aborderons ces questions cette
fois-ci dans une perspective conflictogène dans une
société rurale en pleine mutation et aux enjeux fonciers
colossaux, mais partant plutôt de la situation foncière dans les
anciennes plantations coloniales et les enjeux afférents dans l'analyse
des systèmes fonciers ruraux, des systèmes de productions au sens
large du terme pour une meilleure compréhension des dynamiques villes
campagnes.
? Au plan du vécu quotidien, nous avons bien
évidemment été socialisé dans la
localité de Foumbot et ce, depuis notre tendre enfance
nous avons été témoin de nombreux conflits autour de la
terre issus des inégalités de partage des terres laissées
par les Nàssàh''16 comme nos parents ont
l'habitude de dire. Ce qui fait qu'une fois que nous avons abordé le
stade de la recherche universitaire, nous avons décidé
d'éclairer la lanterne sur ce problème crucial qui mine la
société qui est la nôtre, en termes de frein au
développement.
De la conjonction entre notre positionnement sur le champ
scientifique, notre vécu quotidien et l'intérêt que nous
avons pour les études de géographie, résulte notre
thématique : «Foncier et stratégies d'accès
et de contrôle dans les anciennes plantations coloniales au Cameroun:
l'exemple de la C.O.C ou le reflet d'un territoire en crise
».Cependant, cette position comporte un risque : L'attachement
affectif pour le sujet couplé à notre appartenance
16 Terme local qui signifie : blanc
20
ethnique, car nous sommes Bamoun, pourrait nous faire perdre
de vue les enjeux spatiaux et universitaires du travail. Il sera donc important
de conserver en permanence le point de vue et les réflexivités du
géographe.
Le choix du terrain
La détermination de notre terrain répond
à plusieurs critères et impératifs.
Tout d'abord sur le plan académique, l'un des enjeux
majeurs du Master recherche Pays Émergents et en Développement de
l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne est l'étude et la
compréhension des questions et problèmes que l'on rencontre dans
les pays en Voie de Développement, par conséquent le terrain doit
nécessairement se dérouler dans un pays du sud, d'où le
choix du Cameroun.
Ensuite, notre fascination pour l'étude des dynamiques
Villes-Campagnes dans les pays du sud en générale et des
questions foncières en particulier soutiennent cette logique. En effet,
le monde rural africain en général et camerounais en particulier
est en pleine mutation : tout bouge, plus rien n'est statique. Le foncier rural
devient un enjeu majeur pour le développement des systèmes de
productions, non seulement pour se nourrir mais aussi pour approvisionner les
marchés locaux et régionaux voire sous régionaux,
l'agriculture se veut un impératif, tandis que les terres sont «
finies » en ville, le monde rural offre encore des opportunités en
matière foncière. Or, ce monde rural est encore sous l'emprise
d'une superposition de droit en matière d'appropriation et de gestion du
patrimoine foncier qui le maintien dans une situation de floue totale en termes
de règles et normes sensées régulées
l'appropriation et la sécurisation foncière dans cet espace. L'on
a en effet, des systèmes de gestion coutumière de la terre dites
traditionnels qui font de la terre un bien collectif inappropriable par un
individu auxquels se superposent des systèmes d'appropriation relevant
du droit moderne concrétiser avec l'établissement d'un titre
foncier selon la loi n°80/22 du 14 juillet 1980, portant répression
des atteintes à la propriété privée et domaniale,
que l'Etat camerounais se porte garant de préserver. Notre terrain en
est un bel exemple: les anciennes concessions coloniales
bénéficiant des titres fonciers, font l'objet de contestation de
nos jours et sont davantage prisent d'assauts par les paysans qui au nom de la
tradition revendiquent un droit dit « traditionnel » de gestion et
d'usage de la terre qu'il convient de clarifier.
C'est donc dans les arrondissements de Foumbot et Kouoptamo,
plus précisément dans les villages de Nkoupa're, C.O.C et
Nkou'omboum, villages sur lesquels s'étendent les plantations de la
Compagnie de l'Ouest-Cameroun sur une superficie totale de 2400 hectares, que
portera notre étude.
21
Carte 1 : Localisation des plantations de la
Compagnie de l'Ouest-Cameroun (C.O.C) Le protocole de
recherche
22
À ce stade et préalablement au terrain, un
protocole de recherche doit être établi. Celui-ci comporte des
objectifs, une problématique et des hypothèses
susmentionnés mais doit nécessairement reposer sur un choix
méthodologique comportant le choix et l'explication des outils de
collectes et de traitement des données.
? Les outils de collecte et de traitement des
données
Les outils méthodologiques qui ont utilisés pour
la rédaction de ce travail de recherche ne sont pas disciplinaire au
sens où, bien des sciences connexes à la géographie que
sont notamment l'anthropologie, la sociologie, l'économie pour ne citer
que celles-ci, peuvent être amenées à les mettre en oeuvre
dans leurs pratiques du terrain. Dans notre contexte précis, il s'agit
du terrain, ses enjeux à la fois méthodologiques et
théoriques qui constituent le terreau d'un dialogue interdisciplinaire
basé sur des convergences réelles. Ainsi le travail
effectué sur les plantations de la C.O.C qui s'étend sur trois
villages à savoir : C.O.C, Nkoupa're, Nkoundoumbain, mais donc le
spectre d'action s'étend aux localités de Foumbot et de Kouoptamo
(Mbankouop), a été fait suivant l'élaboration d'un
calendrier de recherche et couvrant une période de six mois pour la
collecte des informations. Celle-ci commença au début du mois de
Février et se termina au mois de juillet 2015. Ce travail s'appuie
d'ailleurs sur l'exploitation des sources d'archives, de données
écrites et statistiques, les levés de points au GPS pour
l'ensemble de la plantation et la situation des grandes infrastructures de
communication, d'un levé de parcellaire pour rendre compte de
l'occupation du sol par des systèmes de productions et autres
aménagements humains, combiné à cela l'utilisation des
fonds d'images Google Earth, Open Street Map et des fonds de cartes
préexistantes afin de réaliser une cartographie assez
précise de la plantation et de pouvoir localiser les espaces les plus
disputés. A cet effet les logiciels ArcGis et Quantum Gis ont
été fortement utilisés. Les entretiens entendus ici comme
situation particulière et artificielle ont été fortement
utilisés. Le contexte de son déroulement s'est fait de
façon privé, afin de rassurer les paysans de ce que nous
protégeons leurs anonymats. Ainsi nous avons effectué des
rencontres avec les paysans à la fois dans les champs et dans les
maisons d'habitations villageoises ; les données récoltées
contenant mais à part variable, des éléments
référentiels, dans notre cas précis, il s'agit de la
question foncière dans les plantations de la C.O.C, il a
été question à la fois d'obtenir de ces paysans, un
récit de vie, la narration et la nature des conflits fonciers mais aussi
bien la description des pratiques et normes locales qui régulent la
gestion et l'appropriation du patrimoine foncier. Au total c'est un
échantillon raisonné de deux cent paysans, hors mis les
autorités coutumières traditionnelles et administratives de ces
localités,
23
qui ont été enquêté ceci suivant
l'estimation du nombre d'agriculteurs de la localité de Foumbot
établie par le MINADER.
NOMBRES DE NOM DES VILLAGES
|
PERSONNES ENQUETES
|
Compagnie Ouest Cameroun
|
70
|
Nkou'omboum
|
30
|
Nkoupa're
|
40
|
Foumbot
|
30
|
Mbankouop
|
30
|
Total
|
200
|
Tableau n°4:
Récapitulatif des questionnaires guide- d'entretien
récoltés par villages parcourus
La phase théorique, où l'écrit
occupe une place particulière dans le dispositif
d'enquête sur le foncier, une étude réflexive et critique
des archives, ouvrages et documents qui traitent de la thématique du
foncier a été au préalable réalisée, afin de
mieux appréhender les textes de lois qui régissent le foncier au
Cameroun, d'avoir une idée sur la propriété et la gestion
foncière avant, pendant et après la colonisation dans ce pays en
général et sur le No man's land qui abrite notre plantation
d'étude. Cela nous a permis en outre, de cerner et de clarifier les
contours conceptuels et sémantiques du foncier, d'avoir une idée
sur la zone d'étude, le mode de vie et les histoires de vies des
populations dans cette zone. C'est au total, une trentaine de circulaires et
sources d'archives qui ont été consultés dans les locaux
du bureau national de archives de Yaoundé, du centre d'archives
d'Outre-mer de Montpellier, des arrêtés et ordonnances, de textes
juridiques qui ont été consulté dans les archives des
départements ministériels du MINDCAF, du MINATD et du MINADER,
des services d'arrondissement du MINDCAF, du MINADER et du MINATD de Foumbot
qui nous renseignes sur les législations foncières et domaniales
au Cameroun, son évolution à travers le temps et l'espace.
Les lectures bibliographiques ont été
menées dans trois directions majeures. Des lectures assez
généralistes, privilégiant des approches
théoriques, ont été poursuivies dans le but de confronter
des points de vue très différents de géographes, mais
aussi d'historiens, d'anthropologues, de sociologues, sur l'utilisation des
notions de territoire, foncier et gouvernance. Les auteurs ayant des
interrogations sur les temporalités des territoires et les
24
rapports de pouvoir au sujet du foncier ont été
privilégies. Les références indiquées ici n'ont
aucune prétention à l'exhaustivité et ne sont qu'un
échantillon des influences reçues. Un deuxième axe
bibliographique, plus précis, a cible les études de
géographie rurale, de géographie physique et d'agronomie sur le
pays Bamoun. Les références les plus récentes ont
été sélectionnées ; il reste néanmoins
à poursuivre les lectures dans ce sens en recherchant des écrits
plus anciens. Enfin, une première recension des ouvrages, articles,
colloques et thèses sur le foncier dans les pays en développement
a été menée. De la question foncière dans les
anciennes plantations coloniales aux stratégies de contrôle de la
terre, ces études abordent des aspects très diversifies.
Les techniques d'enquêtes ici présentées
ne sont pas uniquement qualitatives car, il est des aspects nécessitant
l'élaboration de procédures de recension
systématique (et donc pas simplement « quantitatives
» au sens strict), qui peuvent prendre la forme de recensements, de
cartes, de comptages, de diagrammes, de généalogies. Les
données statistiques quant à elles sont celles des
différents recensements généraux de la population et de
l'habitat effectués en 1976, 1987 et 2005 au Cameroun. Celles-ci seront
compléter par les fichiers de l'Etat Civil et de listes
électorales obtenus au niveau de la mairie municipale d'arrondissement
de Foumbot, afin d'avoir une idée approximative sur la taille des
populations des différents villages ouvriers. Les sources statistiques
des brigades de gendarmerie de Foumbot, de Mbankouop et du T.P.I de Foumbot ont
été consultées, notamment pour avoir une idée sur
le nombre et les fréquences des plaintes déposées au sujet
des conflits fonciers entre les différents acteurs identifiés.
Les registres de recensement des patients des districts de santé des
différents villages de notre zone d'étude ont également
été passés en revue afin de pouvoir appréhender la
nature le type de conflits et d'avoir une idée approximative sur le
nombre de victimes, ce qui nous a permis de caractériser l'ampleur du
conflit. Cette étude nous a permis également d'identifier les
dates les plus troubles et les plus mouvementées de l'histoire de la
plantation. Les levés de points au GPS : cette étape a
été cruciale notamment pour la réalisation de la
cartographie de la zone d'étude. Pour cette cartographie, nous avons
opté pour une approche multiscallaire à savoir :
? Une cartographie à l'échelle régionale
: celle-ci consiste à la cartographie des différents villages sur
lesquels s'étendent les plantations de la C.O.C, ceci dans le but non
seulement de circonscrire notre zone d'étude mais aussi d'identifier les
grandes infrastructures routières et réseaux viers, les centres
de santé et les infrastructures étatiques de
sécurité, d'identifier les grands villages ouvriers par rapport
à la plantation.
25
? Une cartographie à l'échelle de la plantation
elle-même, d'une superficie de 2400 ha. Ce fut un travail fastidieux
d'environ six jours, pour un parcours journalier à pieds de sept
kilomètres pour la prise des points GPS. Pour ce faire l'utilisation des
images Google Earth et Open Street Map mais aussi des cartes
préexistante afin de faire une synthèse s'est
avérée indispensable.
Selon la pluralité des acteurs identifiés
à savoir les paysans, les gestionnaires de la plantation, les
autorités coutumières locales et administratives, la
réalisation des guides d'entretiens et des interviews a
été un impératif. Ce faisant, le choix des personnes
à enquêter fut exhaustif et raisonné suivant le nombre
d'agriculteurs encore présents dans la zone fournie par les services
déconcentrés du MINADER. Au total, ce ne fut pas moins de deux
cent guides d'entretiens qui ont été élaborés, hors
mis ceux destinés aux autorités coutumières, locales et
administratives repartit sur les villages qui couvrent notre terrain. Leurs
entretiens et interviews fut indispensables pour la compréhension des
logiques des différents acteurs pour l'accès au foncier dans
cette plantation en particulier et du territoire Bamoun en
général. D'où la pluralité.
Nous avons aussi fait recours à l'observation directe,
celle-ci étant bien plus une stratégie de recherche qu'une
méthode unifiée, (cf. Davis 1999 : 67) : « lorsque l'on
est inséré dans une situation sociale comme observateur et
participant, on va certes observer des actions, des attitudes, écouter
des discours, mais aussi recenser, compter, et encore discuter, poser des
questions. Ainsi en va-t-il des discussions menées lors d'un transect,
de la visite de confins litigieux ou d'une forêt classée,
squattée ou non : on peut les voir comme des entretiens en contexte ou
des « observations discutantes... »
Ainsi, dans la réalisation des parcours de
différentes parcelles que ce soit avec les paysans eux-mêmes
qu'avec les gestionnaires des plantations, cette technique nous a permis de
mieux comprendre la façon dont les différents acteurs se
représentent leurs espaces, leurs limites ; celle-ci nous a non
seulement permis de gagner la confiance des paysanneries mais aussi de parvenir
à faire une meilleure analyse des systèmes de productions y
afférents.
L'illustration du mémoire par des photographies
s'avérant par moments nécessaire. Notre intension première
a donc été de prendre suffisamment de photos sur le terrain pour
constituer une banque de donnée photographique personnelle alimentant le
mémoire.
La réalisation des guides d'entretiens : la
productivité de l'entretien résidant dans la capacité
à faire, et à laisser, surgir des idées,
hypothèses, champs d'investigation imprévus,
26
qu'il va s'agir de suivre dans l'entretien même et
au-delà, des questionnaires guides d'entretiens ont été
élaboré sur la base des questions et objectifs de ce travail
scientifique. Cette possibilité est d'autant plus élevée
que l'interaction se déroule de la manière aussi détendue
et « naturelle » que possible, s'approchant autant que faire se peut
de la conversation et nous a permis de récolter un nombre
insoupçonné de données sur le vécu quotidien de ces
paysanneries, notamment le manque d'appui au développement local.
Les difficultés de terrain : La
première et principale difficulté de ce travail de recherche est
relative à l'objet de recherche lui-même. Si la
problématique de la stratégie d'accès à la terre
est abordée sans gêne par la majorité des acteurs, surtout
les populations locales, il en est autrement pour ce qui est relatif au foncier
lui-même : A qui appartient la terre ? Car la terre représente la
vie et la mort pour ces paysanneries qui n'ont de sources de revenus que le
travail de cette ressource et la vente des produits qui en résultent.
Par conséquent, certaines informations restent secrètes
malgré les mutations des pratiques dont la tendance est à la
désacralisation du foncier.
La deuxième difficulté est liée au fait
que nous sommes en zone d'accueil de migrants qui représenteraient
près de 65% des habitants actuels de la commune (BUCREP, 2010). La
plupart des acteurs migrants ne se prononcent pas sur certains aspects des
rapports fonciers par crainte des représailles foncières
(expropriations). Il est donc évident qu'il y a beaucoup de non-dits
à l'heure actuelle même si les données collectées
font état d'une crise foncière qui s'est déjà
installée dans la commune de Foumbot (Mounvera S., 2015)17,
particulièrement dans certaines localités.
La troisième difficulté est celle de rencontrer
certains « nouveaux acteurs » du jeu foncier. Non seulement ils ne
sont pas résidents dans la zone d'étude, mais dès lors
qu'ils se rendent compte qu'il s'agit de discuter avec eux de foncier, nombreux
sont ceux qui ne se montrent pas disponibles. Les formes de transactions
(décrites dans la deuxième partie du document), le plus souvent
non transparentes, peuvent expliquer la « clandestinité »
actuelle de nombre d'entre eux.
La quatrième difficulté fut sans doute le fait
pour nous d'avoir préservé notre anonymat en s'abstenant de
préciser notre appartenance ethnique, pour la simple raison que le
pouvoir de l'autorité traditionnel y est dans ce territoire encore
très fort, ce qui fait que lorsque vous voulez remettre en doute ou en
question les propos d'un notable ou dignitaire de la cour
17Mounvera Simon (2015),
Insécurité foncière et gestion durable des terres dans
l'Arrondissement de Foumbot, mémoire de Master 2 ;
Université de Yaoundé I
27
royale, cela est perçu de tous comme un mépris
et peu vous valoir des représailles très violentes allant de
votre endroit à celle de votre famille toute entière. De ce fait,
ceux-ci ont souvent tendance à raconter des histoires connues de tous,
qui parfois ne reflètent ou alors ne cadrent pas avec les
réalités quotidiennes, comme va nous le révéler
notre travail de terrain. Pour nous donc, ce fut très facile de nous
faire passer pour un étranger'' afin d'obtenir les
informations au lieu de révéler notre attachement ethnique pour
récolter des informations peu pertinentes voire même
erronées ; comme on dit très souvent : « nul n'est
prophète chez soi ».
De l'ordre des limites, on peut noter qu'il règne une
confusion entre « anciens » et « nouveaux acteurs » dont la
grande majorité se livre à un accaparement des terres, (que nous
tenterons de distinguer dans cette étude) dans l'entendement local. Ce
qui rend encore plus ardu un travail de stratégie ou de logiques
d'acteurs dans la quête foncières c'est sans doute
l'hétérogénéité de leurs buts. Les effectifs
des « nouveaux acteurs » dans les villages sont parfois
approximatifs, certaines identités échappant même aux
propriétaires terriens qui ont prêté ou « vendu »
leurs terres à ces derniers.
- Le fait que l'étude s'est amorcée en saison
sèche qui est une saison presque morte en matière agricole.
Excepté le maraîchage et quelques cultures de contre-saison,
l'activité agricole est en pause. Certains ouvriers temporaires dans les
fermes étaient absents et attendaient, probablement le retour des pluies
pour revenir dans la localité. Ce qui a eu pour conséquence, la
multiplication des missions de terrains effectuées, ce qui nous a valu
un accident de motocyclette caractérisé par une fracture de la
cheville et de nombreuses lésions.
A quoi l'étude a-t-elle abouti ?
La présente étude à aboutit à la
rédaction d'un mémoire qui devra permettre (et ou pas) la
validation du diplôme de Master 2 Recherche option Pays Emergents et en
Développement à l'Institut de Géographie de
l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Le mémoire est structuré en trois parties :
? La première partie traite de l'histoire de la
plantation de la C.O.C, de son
accaparement foncier sur l'espace environnant, depuis sa
création jusqu'à nos jours. ? La deuxième partie traite du
jeu d'acteurs et de leurs implications dans le foncier à la
C.O.C.
? La troisième partie quant-à-elle traite de
l'éclairage sur les conflits de gouvernance qui sont ainsi
révélés et des perspectives dans le cadre de la
décentralisation.
28
Ière PARTIE : HISTOIRE DE LA PLANTATION ET DE
SON ACCAPAREMENT FONCIER SUR L'ESPACE ENVIRONNANT
Pour comprendre davantage les stratégies paysannes
d'accès et de contrôle de la terre tout autour et dans les
plantations de la C.O.C., il est important de marquer un temps d'arrêt
sur l'histoire de la plantation de la C.O.C et de l'accaparement foncier dont
elle a fait et continue encore de faire preuve de nos jours, il nous semble
donc logique d'analyser notamment la situation foncière du pays Bamoun
en général et les circonstances de l'implantations des
plantations coloniales en particulier la C.O.C, et enfin tenter une
clarification même des titres de propriété de cette
plantation.
I. SITUATION FONCIERE PASSEE ET ACTUELLE DU PAYS
BAMOUN
1. Hiérarchisation du pays Bamoun et stratification
de la tenure du sol
Situé entre 4°26'- 6°15'50'' N et 10°15'
et 11°30' E, en contrebas de la dorsale camerounaise composée de
sommets imminents (Manengoumba - 2411m, Bamboutos - 2740m, Oku - 3011m), le
pays Bamoun18 fort de ses 7687 km2 se déroule en une
série de collines convexo-concaves que surmontent les unités
topographiques que sont le Mbetpit, le Nkogham et le Mbam ; celles-ci
recouvertes en partie par des cuirasses d'accumulation héritées
des variations climatiques du quaternaire. La région ayant
été affectée par une forte activité volcanique, les
collines et les espaces environnants se sont recouverts de cendres et des
cratères et des lacs s'y sont formés (S. Morin, 1989, 118p.).
L'on y observe une organisation de type pyramidale, doté d'institutions
fortes. À la tête du royaume : le roi (Mfon), assisté de
trois adjoints (Nji Ngbetnyi) et de sept conseillers du royaume (Komngu) et
à la base les paysans. Le royaume Bamoun est comme un Etat dans 1'Etat.
C'est un « grand finage » au sens propre du terme,
c'est-à-dire, un territoire sur lequel les populations
installées, exercent leurs droits agraires. Traditionnellement, la terre
est le bien collectif de tous les habitants. Chaque individu peut recevoir en
jouissance, une parcelle du patrimoine communautaire.
18 Confère annexe 2 : carte de localisation du
pays Bamoun (Noun)
29
Parlant de la stratification de la tenure du sol en pays
Bamoun, le roi, en sa qualité de possesseur de toutes les terres,
découpe le territoire de la chefferie en sous-chefferies ou en
quartiers, à la tête desquels il place des chefs, auxiliaires. Ces
derniers ont, entre autres, la charge d'installer les ressortissants qui
désirent exploiter une parcelle de terre sur les portions du territoire
qui leurs sont confiées.
Le paysan était à la base, il avait le droit
d'usage et en aucun cas celui de propriété et par
conséquent, il ne pouvait aliéner la terre. La descendance
pouvait dans une certaine mesure continuer à l'exploiter mais disposait
des mêmes droits que ses ancêtres. Il fallut attendre les reformes
du Fon Njoya de son retour de Victoria en 1905, lorsqu'il déclare :
« l'arbre qui est planté par un homme devient la
propriété de cet homme »19
L'ensemble des terres était divisé en domaines
sur lesquels étaient installés les chefs de lignages (Nji Ngwen),
les princes (Njimonfon), les intendants (Mutnjü Ngwen), les colons
(Noufà) et les serviteurs (Kpèn). Chaque catégorie sociale
a ses attributions qu'elle n'outrepasse point sous peine de
sévères sanctions.
La cour royale est complétée par un
aréopage composé d'une noblesse palatine dont Njifonfon,
Titafon, Komshushut, Titangu, Tupanka, Manshut, Shushut. La
reine mère (Sheitfon) a joué un rôle important
dans la vie de la nation. Les reines (Ne gbiéfon) et les
princes (Njimonfon) occupent une place de choix dans la
société. Un hommage particulier fut rendu à l'oncle du roi
Njoya.
La population est composée de dignitaires et de
serviteurs (Kpèn). Chaque unité
élémentaire a à sa tête un
«Ngâjü» qui se réfère à un
«Nji» qui est soit son père, soit son maitre. Les
hommes libres étaient inexistants, le statut de la noblesse pouvant
disparaitre du jour au lendemain. Le serviteur est inaliénable ; un
service mal rendu était un motif pour être vendu. Une femme
soupçonnée de maléfice était vendue.
Nji et Monji sont des nobles qui entretenaient le roi
du fait de leur importance économique. Une personne d'origine servile
pouvait devenir Nji pour sa bravoure.
L'instance suprême est le
`Mutngu», organe de police, de justice et même
de gouvernement qui peut déposer le roi en cas de
nécessité. Il est composé de notable appartenant le plus
souvent à la génération du défunt roi ou ayant
servi sous lui.
19André, op. cit
30
Sources : M. MOUPOU, 1991 ; WARNIER (J.P), 1984
Encadré 1 : Instances juridictionnelles du
pays Bamoun
a) le roi gardien des terres
Le roi a le droit de disposition sur toutes les terres de son
royaume. Il exerce ce droit en qualité de garant et gardien des terres
pour la nation. Exception des terres appartenant aux Kom, il avait le
pouvoir de procéder à une redistribution des terres non mises en
valeur, de disperser des terres des njü (concessions) dont les
habitants n'avaient pas respecté la politique agraire du royaume. Aucune
procédure ou démarche foncière ne peut s'effectuer sans
l'approbation du roi ; NJOYA20 est très clair dessus.
Personne ne peut vendre une parcelle de terrain sans
autorisation du roi. Le roi donne une notification de vente au vendeur, ainsi
qu'à l'acheteur et inscrit la vente dans son livre».
Etant le Mfon Pamom, toutes personnes
installées sur le territoire Bamoun devait verser des tributs au roi.
Les taxes ainsi recueillies contribuaient au financement des projets du royaume
et permettant ainsi le fonctionnement de cette dernière. Or avec
l'arrivée des colons français, et plus tard la titrisation des
domaines qui s'en ait suivi, l'équilibre se trouve bouleverser car il y
a une suppression des tributs à verser à la chefferie, mais
encore la main d'oeuvre qui pouvait encore servir à la
réalisation de certains grandes infrastructures du royaume se retrouvent
enrôler parfois même de force c'est-à-dire contre leur
gré, dans les grandes plantations coloniales.
De plus les migrants non autochtones qui arrivent ne sont plus
sous l'autorité du roi mais plutôt des maitres des domaines, ce
qui veut dire qu'ils sont non seulement exemptés de payer des tributs
sur la taxe foncière au sultanat, mais en plus ne sont pas tenus
d'apporter des présents en culture lors de la fête du
Ngouon21.Cette situation ainsi décrite contribue
à fragiliser l'autorité et le rôle du pouvoir coutumier
Bamoun dans la gestion foncière de son territoire. La terre en pays
Bamoun n'étant pas à vendre, mais pouvant tout au plus être
louée, et le roi en qualité de gardien des terres et garant de la
distribution auprès des paysans et des allochtones qui en font la
demande, y veille personnellement, car il en va de l'intérêt de
la
20 TARDITS, 1980, p.381
21 Fête traditionnelle du peuple Bamoun,
autrefois elle désignait la fête de récolte, mais avec le
temps celle-ci est devenue l'identité même de ce peuple de
vaillant guerrier.
31
communauté. Il faudra attendre l'arrivée des
Français en 1916 pour voir apparaitre les premières ventes de
terres (Moupou, 1991).
b) la noblesse et les domaines ruraux
L'ensemble du pays Bamoun est un conglomérat de
domaines distribués et redistribués au fil des successions dans
les lignages aux parents, aux dignitaires, aux clients ou aux colons du
royaume. A l'exception des serviteurs, ces espaces appartenaient à des
personnes qui avaient obtenu des attributions de la part du roi :
c'était des nobles.
Sur chaque domaine, une ou plusieurs parcelles étaient
cultivées au profit du possesseur (Nga Ngwen) qui le plus
souvent était tous des Nji, mais sous la supervision d'un
intendant (Mutnjü Ngwen), qui assurait le
prélèvement des récoltes à envoyer au possesseur,
car ceux-ci pour des raisons dont on ignore encore, ne devaient pas
résider de façon permanente sur leur domaine. Et chaque
possesseur de domaine devait à son tour remettre à la fête
du Ngouon, un tribut en produits issus de ses terres au roi. Le non
versement du tribut pouvait entrainer le retrait de la terre, ce qui survenait
très souvent lorsqu'on n'avait pas de main d'oeuvre servile. Environ 700
domaines ruraux ont existé en pays Bamoun22.
La tenure foncière ici est très élitiste,
car n'étant réservée qu'à une certaine classe de
personne. Exception faite, aucun serviteurs n'était propriétaire
des terres, ils se contentaient juste des parcelles de fortunes, à eux
données par les possesseurs de domaines. Cette situation a
augmenté la fracture qui existait déjà entre les
différentes classes sociales en pays Bamoun. De plus un paysan ou un
ouvrier ne pouvait en aucun cas posséder des terres sans l'approbation
de son maitre.
II. LA CREATION DES ANCIENNES
PLANTATIONS COLONIALES EN PAYS
BAMOUN : LE CAS DE LA C.O.C
L'administration coloniale s'est entourée d'un
aréopage de dispositions juridiques inspirées du droit moderne
romain pour régir la tenure des sols des peuples aux droits
différents. La situation de floue qui existe en la matière
traduit la pluralité des normes sensées
règlementées le droit au Cameroun. Entre norme de
sécurisation moderne romain garanti par le titre foncier et celui du
droit coutumier, au Cameroun en général et en pays Bamoun en
particulier, les rapports de force sont en faveur des gouvernants, les
gouvernés doivent se
22 Njoya, 1952, p.119
32
conformer aux directives des premiers. Depuis la
conquête coloniale, s'est superposée à ces systèmes
fonciers locaux, une législation nationale imposée par le
colonisateur où, les colonisateurs successifs fondée sur des
principes différents et surtout orientée vers les
intérêts du colonisateur (Lavigne Delville et al. 2002).
En effet, les législations coloniales relatives à la terre et aux
ressources foncières en général étaient
inspirées de celles en cours dans les pays colonisateurs,
nuancées en fonction de leur compréhension des systèmes
locaux et des intérêts coloniaux (Lavigne Delville et Chauveau,
1998).La création de ces anciennes plantations coloniales en pays
Bamoun, en particulier la C.O.C obéit à cette logique mais
néanmoins, renferme quelques zones d'ombres, qui font aujourd'hui
à ce que cette plantation soit une arène perpétuelle de
confrontation entre les différents acteurs du jeu foncier dans cette
localité, un terreau de conflit à caractère sanglant qui
fragilise le devenir même des ruralités existantes ainsi que celui
des paysanneries de cet espace rural.
a) Les titres fonciers hérités de la
C.O.C : entre légitimité et légalité
La réglementation du droit de propriété
au Cameroun ne reconnait qu'un seul document pour sécuriser la
propriété foncière : le titre foncier. Ce dernier est le
document officiel attestant de la propriété inaliénable
d'un individu sur une portion du territoire national qui devient de fait sa
propriété privée. Ce titre n'existe pas
nécessairement dans tous les pays. Il apparaît dans les pays
où le droit de propriété est reconnu par l'autorité
administrative. Quand le principe de l'immatriculation est appliqué
comme c'est le cas au Cameroun et dans les anciennes colonies
françaises, le titre foncier est une copie de l'inscription des droits
du propriétaire au livre foncier.
Avec une superficie de 2400 hectares pour quatre titres
fonciers, la C.O.C est l'exemple type d'une compagnie agricole à
caractère industrielle. Celle-ci a été acquise pour 59340
francs par un groupe de banquier de Lyon (France). Dongmo (1987) dira que c'est
au prix de rien qu'ils (colons français) ont acquis des terres dans les
hautes de l'Ouest Cameroun en général et du plateau Bamoun en
particulier.
N°
|
concession
|
Numéros de titres fonciers
|
Superficie totale (ha)
|
1
|
Monoun
|
T.F n°2 inséré au livre foncier de Dschang
Volume I
|
928,4867
|
2
|
Noun
|
T.F n° 15 et 19 : inséré au livre foncier
de la région du Noun volume I
|
997,7964
|
3
|
Lounga
|
224,7949
|
33
4
|
Foumbèn
|
T.F n° 509 inséré au livre foncier du
département Bamoun volume II
|
241,6420
|
Total
|
2400ha
|
Tableau 5 : Concessions et titres fonciers de la
C.O.C
Ces titres fonciers acquis de la C.O.C, en l'occurrence
quatre, ont été inscrit dans le livre foncier et fait partie
intégrante du domaine français. En effet, la France dans
l'administration sous mandat de la S.D.N du Cameroun, prit des mesures
réglementant la tenure foncière et le droit des
communautés indigènes en la matière. Parmi les autres lois
foncières qui ont été passées en revue mais qui ne
sont plus en vigueur figurent :
- l'arrêté du 15 septembre 1921,
déterminant les conditions d'application du décret du 11
août 1920 sur le domaine privé de l'État dans les
territoires du Cameroun ;
- le décret du 21 juillet 1932 instituant au Cameroun
le régime foncier de l'immatriculation ;
- le décret du 12 janvier 1938 et son
arrêté d'application du 31 octobre 1938 sur les questions
foncières et la loi n° 59-47 du 17 juin 1959 portant organisation
domaniale et foncière.
DROIT SUPREME
Loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant
révision de la Constitution du 2 juin 1972 (en vigueur depuis
2001).
DROIT EN MATIERE DE REGIME FONCIER
Ordonnance n° 74-1 du 6 juillet 1974 fixant le
régime foncier et intégrant la modification de 1977.
Loi n° 83-19 du 26 novembre 1983 modifiant les
dispositions de l'article 5 de l'ordonnance n° 74-1du 6 juillet 1974
fixant le régime foncier.
LOI RELATIVE A L'IMMATRICULATION FONCIERE (DROIT DE
LA PROPRIETE PRIVEE).
Loi n°76/25 du 14 décembre 1976 portant
organisation cadastrale.
Décret n° 76-165 du 27 avril 1976 fixant les
conditions d'obtention du titre foncier, tel que modifié.
Décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005
modifiant en complétant certaines dispositions du décret n°
76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier.
Décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005 modifiant et
complétant certaines dispositions du Décret n°
76-165.
LOIS FONCIERES NATIONALES/ETATIQUES
Ordonnance n° 74-2 du 6 juillet 1974 fixant le
régime domanial.
Décret n° 76-166 du 27 avril 1976 fixant les
modalités de gestion du domaine national.
DOMAINES DU GOUVERNEMENT
Décret n° 76-167 du 27 avril 1976 fixant les
modalités de gestion du domaine privé de
l'État.
Décret n° 95-146 du 4 août 1995
modifiant et complétant certaines dispositions du Décret n°
76-167.
Loi n° 80-22 du 14 juillet 1980 portant
répression des atteintes à la propriété
foncière et domaniale.
Décret n° 84/311 du 22 mai 1984 fixant les
conditions d'application de la loi n° 80-22 du 14 juillet 1980 portant
répression des atteintes à la propriété
foncière et domaniale. ACQUISITION DE TERRES POUR CAUSE D'UTILITE
PUBLIQUE
Loi n° 85-09 du 4 juillet 1985 relative à
L'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités
d'indemnisation.
Décret n° 87/1872 du 16 décembre 1987
portant modalités d'application de la loi n° 8509 du 4 juillet
1985.
Instruction n° 000005/I/Y.25/MINDAF/D220 du 29
décembre 2005 portant rappel des règles de base sur la mise en
oeuvre du régime de l'expropriation pour cause d'utilité
publique.
|
35
TENURE DES RESSOURCES NATURELLES
Loi n° 94-01 du 20 janvier 1994 portant
régime des forêts, de la faune et de la pêche,
ainsi que la législation subséquente dont
la liste figure dans l'encadré n° 3 (chapitre
3).
Loi n° 96-12 du 5 août 1996 portant loi-cadre
relative à la gestion de
l'environnement.
Loi n° 2001-1 du 16 avril 2001 portant Code
minier.
Loi n° 2002-003 du 19 avril 2002 portant Code
général des impôts de la
République du Cameroun.
Loi n° 2002-013 du 30 décembre 2002 portant
Code gazier.
Décret n° 97/116 de 1997 fixant les
conditions et modalités d'application de la loi n°
96/14 du 5 août 1996 portant régime du
transport par pipeline des hydrocarbures
en provenance des pays tiers.
DROIT RELATIF AUX COLLECTIVITES LOCALES
Loi n° 2004-17 du 22 juillet 2004 d'orientation de
la décentralisation, ainsi que la loi n° 2004-18 du 22 juillet 2004
fixant les règles applicables aux communes et la loi n° 2004-19 du
22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux
régions.
Encadré n° 2 - Les principales lois
foncières en vigueur affectant les intérêts des
propriétés communales rurales au Cameroun
Le décret du 11 août 1920 complété par
l'arrêté d'application du 15 septembre 1921 distingue en dehors
des terrains vacants et sans maitre,
? Les terrains appartenant à des indigènes ou
à des collectivités indigènes en vertu de la coutume et de
la tradition mais pour lesquels n'existe aucun titre de propriété
écrit.
? Les réserves, terrains situés autour des villages
sur lesquels les indigènes pratiquent leurs cultures, recueillent ce qui
est nécessaire à leur existence, font paitre leur troupeau,
etc..., mais sur lesquels ils n'ont en fit qu'un droit d'usage et non un droit
de propriété.
36
Ce même décret leur permettait de faire constater
leurs droits fonciers. Les décrets du 20 août 1927, du 21 juillet
1932 et du 2 février 1949 abondent dans le même sens (Moupou, 1991
; p.67).
Le décret du 11 août 1920 attribue à la
France, les terres vacantes et sans maitre suivant la formule de l'article de
l'article 539 du code civil français. Ce décret est abrogé
et remplacé par celui qui constate et déclare domaniales, les
terres vacantes et sans maitre et attribue la propriété au
territoire. Le décret n° 55-581 du 20 mai 1955 modifiant et
complétant celui du 22 octobre 1938 fixant les modalités
d'applications des décrets des 12 et 19 janvier 1938, portant
organisation du régime des terres domaniales au Cameroun, maintient le
principe selon lequel les terres vacantes et sans maitre appartiennent au
territoire.
Les cessions et les concessions, régies par les
décrets du 15 septembre 1921 et du 12 janvier 1938 distinguent les
concessions urbaines des concessions rurales et permettent aux populations
d'obtenir des droits réels sur des espaces dans des régions
où ils sont considérés comme étrangers. Ainsi,
suivant le décret du 20 mai 1955, une concession est accordée
suivant les dispositions du décret du 12 janvier 1938 après
constatation des droits coutumiers pouvant exister sur le terrain et lorsqu'il
est déclaré vacant et sans maitre. S'il est au contraire soumis
à des droits coutumiers, le détenteur de ces droits peut les
abandonner au profit du demandeur de concession. Ainsi, « le
territoire n'intervient plus dans la transaction pour imposer à ce
dernier des conditions de mise en valeur. Avant d'en arriver là, il a
fallu attendre longtemps » (Auber, 1956)
Brassé dans ce cortège juridique, les titres
fonciers de la C.O.C, furent établit et acquis au nom de celle-ci par
des banquiers français. Cette situation n'était pas de nature
à engendrer un conflit, or en 1974, l'Etat du Cameroun opte pour des
reformes. l'ordonnance n°74-1 du 6 juillet 1974 fixant le régime
foncier et le décret 76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions
d'obtention du titre foncier modifié par celui n° 2005/481 du 16
décembre 2005 qui, instituent la propriété privé au
détriment de la propriété collective, fait de
l'immatriculation le seul moyen d'accès légal et de
sécurisation des droits fonciers et met toutes les terres non
immatriculées sous la garde de l'Etat. Ainsi leurs terres
énumérées, les détenteurs de titre de
propriété doivent s'acquitter de taxe sur la redevance
foncière.
Cette ordonnance du 6 juillet 1974 laissait une période
allant de un à dix ans pour la retranscription des anciens titres de
propriétés qui avaient été délivré
avant la publication de cette ordonnance de 1974, or les titres de la C.O.C, se
retrouvent dans ce sillage. Par ailleurs d'après le principe de
territorialité, en matière foncière au Cameroun, la
retranscription ou la
37
mutation des titres de propriété d'un domaine ou
d'un terrain doit se faire par devant une autorité juridique
compétente, en l'occurrence l'autorité notariée de la
circonscription administrative dans laquelle se situe le bien.
Au sujet de la légalité des titres fonciers
hérités de la C.O.C, il y aurait donc un problème de
compétence juridique : des juridictions française et
camerounaise, laquelle est-elle compétente du point de vue
territoriale?
Les camerounais ignorent la loi foncière, ils ne savent
pas que toutes les terres du Cameroun appartiennent à l'Etat, car
celui-ci a le droit de préhension.
Fochivé aurait obtenu une mutation des titres de la
C.O.C au quai d'Orsay, ce qui est à l'encontre du principe de
territorialité, car c'est devant le notaire de Foumban que devait se
faire cette mutation. C'est une fraude, et jusqu'à présent au
conservatoire, ces titres fonciers de la C.O.C restent inchangés, le nom
de Fochivé ne figurent nulle part ailleurs. A propos même de ces
anciennes plantations (C.O.C) le ministre des Domaines Cadastre et des Affaires
Foncières, a parlé de cause d'utilité publique et
bientôt même il y aura des commissions pour le rebornage de ces
domaines...
C'est délicat, ça fait problème
énorme, tous ces titres abandonnés par les blancs font
problème.
Chef service départemental du MINCAF de
Foumban .
Source : enquête de terrain, Avril 2016
Encadre 3 : entretien avec le chef section
départemental des Affaires Foncières du Noun
A la mort de Fochivé, les ouvriers n'étaient
plus payés. Des groupes de personnes s'installèrent de force,
arguant qu'il s'agit d'un legs colonial, et donc pas question de partir. Or, de
son vivant Fochivé la gérait (C.O.C) par l'entremise des
personnes (déléguer la gestion à quelqu'un). Quand il
meurt, ses enfants font appel à des partenaires nationaux qui pour la
plupart sont des natifs de la région. Quand la société
(C.O.C) fait faillite, chacun des actionnaires veut se tailler la part du lion
d'où certains conflits fonciers enregistrés.
Depuis cinq ans que je suis en service ici au TPI de Foumbot,
je n'ai jamais vu un enfant de Fochivé venir se plaindre. Mieux encore,
dans nos archives et dans les dossiers qu'on nous transmet, il n'y a jamais eu
de plainte pour atteinte à la propriété foncière,
mais juste des plaintes pour trouble de jouissance.
Quand bien même quelqu'un se plaint, il réclame
les retombés des transactions avec la famille Fochivé...
Le procureur du TPI de Foumbot
38
Source : enquête de terrain, Juin 2016
Encadre 4: entretien avec monsieur le procureur du
T.P.I de Foumbot
Les encadrés précédents sont des extraits
d'interview faite à un personnel d'administration du MINDCAF et au
procureur de la république du Cameroun, près le TPI de Foumbot.
Ils traduisent une certaine insuffisance sur la clarté de la reprise des
titres de la plantation de la C.O.C par Jean Fochivé, car l'on se pose
bien la question de savoir : comment ce personnage d'un tel calibre, qui
n'ignore sans doute pas la loi, va-t-il préféré
retranscrire ses titres fonciers au Quai d'Orsay (France) ? Cette situation est
d'autant plus floue et très embarrassante pour comprendre et analyser
l'histoire et le fonctionnement de cette plantation quand l'on sait que
malgré tous les troubles et les multiples assauts villageois sur ce
domaine, les enfants de ce dernier n'ont jamais porté plainte pour
atteinte à la propriété foncière, la plupart des
plaintes enregistrés au tribunal de première instance de la ville
de Foumbot, étant de l'ordre des troubles de jouissance. La question de
la légalité des titres fonciers ou de la légitimité
réclamer par les populations et par les paysans, au sujet de
l'occupation de ce domaine, trouve son sens dans cet ordre d'idée, car
si les enfants du défunt Fochivé ne sont pas propriétaires
légaux de cette ex-plantation coloniale à caractère
industrielle, les populations et paysans qui occupaient ce domaine se
revendiquent comme légitimes à l'occupation et à la mise
en valeur de celle-ci.
39
III.AVENEMENT DE L'AGRICULTURE DE PLANTATION ET
ACCAPAREMENT FONCIER PAR LA C.O.C
1. Essai de clarification conceptuelle
Il nous semble primordial d'évoquer les positions ou
les considérations de certaines structures de recherche sur les
questions foncières en vue de rendre le plus compréhensible
possible notre analyse du phénomène d'accaparement des terres sur
le territoire de Cassou.
L'expression « accaparement des terres » ne
fait pas l'unanimité dans le langage scientifique. Elle est
utilisée par des ONG comme GRAIN, Oxfam, des institutions comme la Land
Matrix, etc..., pour désigner les achats, les ventes ou des locations de
grandes superficies de terres par les multinationales agroalimentaires dans les
pays pauvres ou en développement, non pas seulement en Afrique mais
aussi en Amérique du Nord, en Amérique du sud et en Asie,
auprès des Etats et dans des conditions défavorables aux masses
paysannes dont l'activité agricole est de plus en plus dans la
précarité. Des structures telles que le comité technique
« Foncier et Développement », l'Agence Française de
Développement (AFD), l'Institut International pour l'Environnement et le
Développement (IIED), etc. utilisent l'expression «
appropriation et concentration des terres à grande échelle »
pour désigner le même phénomène de ruée
vers les terres rurales par les multinationales. Toutefois, pour ces auteurs,
le phénomène n'a pas que des effets pervers pour les paysans car
il présente, dans certaines conditions des opportunités de
développement. Les bénéfices issus de la rente
foncière sont souvent à des égards, sources de
bien-être.
Il n'est pas question dans ce travail d'un débat sur
l'accaparement coloniale des terres indigènes, mais plutôt d'en
faire une analyse historique afin d'appréhender la position de la C.O.C
et son rôle dans le jeu foncier de cette localité.
2. Agriculture de plantation et redistribution des terres
noires
L'agriculture de plantation correspond à la
phase de prédation et de la productivité par la
terreur'' que connurent les colonies européennes d'Afrique23.
En pays Bamoun, elle a pour corollaire la mise en valeur de la zone tampon avec
le pays Bamiléké. Zone de chasse où
éléphants, hippopotames, buffles...vivaient paisiblement entre
d'innombrables Pennisetum purpereum (Sissongo). C'est aussi
la zone des terres noires aux sols très fertiles (Moupou,
23 Coquery- Vidrovitch (C), 1972, p. 171-219
40
1991).L'autorisation de planter le café accordée
aux paysans24 a provoqué la redistribution des terres noires
aux planteurs désireux de pratiquer cette culture. Si l'accès
à la terre est devenu plus souple grâce à l'autorisation
donnée par le roi à cet effet, les motivations quant à
elles sont divergentes selon les origines des paysans. Les villages
situés sur des sols ferralitiques bruns rouges et localement
indurés, peu riches (Koupa-matapit, Ngagnou, Tamkène) font face
à une population de plus en plus croissante sur un espace infertile. La
pression démographique, la faim de terre'' et l'engouement
pour les nouvelles cultures vont pousser les paysans du plateau central
à migrer vers les terres noires. Très vite l'espace alentour des
terres noires se retrouve saturé. La création des plantations
coloniales en général et de la C.O.C en particulier devient un
obstacle pour l'acquisition des terres par les paysans, car avec une superficie
de 2400 hectares, la C.O.C bénéficie d'un titre de
propriété qui empêche les paysans de se l'approprier.
3. Structure de la C.O.C, un espace en crise : comprendre
l'assaut villageois par l'abandon
Parlant de la structure de la C.O.C, celle-ci est l'exemple
type d'une grande exploitation qui cherche à se maintenir.
L'immensité de celle-ci entraine une occupation illégale des
bordures par des populations villageoises voisines (Moupou, 1991 ; Dé
L., 1997). Au centre de la plantation se trouve le bâtiment
administratif, l'infirmerie, le garage, l'usine et la cantine. Les campements
ouvriers étaient construits de façon à les
rapprochés le plus possible des parcelles cultivées en
café et en cultures vivrières. La résidence du directeur
de l'exploitation se situait sur un cône volcanique qui domine
l'exploitation de façon à lui permettre d'avoir une vue
d'ensemble sur la quasi-totalité de la plantation. Sur le pion de la
C.O.C se trouvait un boisement dont les abords étaient utilisés
par les boeufs. Sur les 2400 hectares, 624 hectares étaient encore
occupés de façon permanente par le café et dont la frange
sud avait été brulée en mars 1990 (Moupou). Ainsi
structuré, la C.O.C avait les productions les plus élevées
de toutes les plantations coloniales installées en pays Bamoun.
Toutefois le 23 juillet 1941, la production caféicoles du pays Bamoun
étant de 875400kg, les stocks des plantations de la C.O.C à elle
seule atteignait parfois 350 tonnes25. Mais à l'heure
actuelle, la tendance est à l'inverse, l'espace est en crise. Des
bâtiments administratifs à l'infirmerie en passant par le garage
et l'usine de torréfaction du café, il n'en reste que des
vestiges. Les tracteurs et les machines ont tous disparu, ne laissant aucune
trace, preuve que
24 Bart, 1980 ; p.301-317
25 ANC - VT36/309
1
41
l'espace est à l'abandon et sujette à
l'envahissement. Les paysans aux vues des nouvelles réalités,
c'est-à-dire un espace fertile abandonné, des gestionnaires
presque inexistants, se déversent dans ce domaine pour accéder
à des parcelles de terrains. Cependant, il arrive parfois que plusieurs
paysans ne parviennent à s'entendre sur une même parcelle. Cette
situation débouche assez souvent sur un conflit. Les zones de conflits
sont le plus souvent celles qui sont proches des voies de communications afin
de faciliter l'acheminement des produits vivriers vers les centres de
commercialisations.
Carte 2 : Présentation des espaces de conflit
à la C.O.C
42
PLANCHE I
Photo 1 : Juin 2016
Bâtiment principal qui servait autrefois de direction
centrale de la C.O.C. il ne reste de nos jours de cette somptueuse
société agricole à caractère industrielle, que des
vestiges.
1
2
Planche II
Photo 1 : Février 2016
Pancarte situé au niveau du centre financier, l'on connait
très peu de plantations en Afrique en général et au
Cameroun en particulier qui possèdent de telle structure si ce n'est des
sociétés
43
agricoles avec une bonne organisation structurelle. Aujourd'hui
toutes ces structures n'existent plus, il ne reste que des traces, preuve que
la C.O.C est en crise.
Photo 2 : Juin 2016
A l'arrière-plan, les ruines de l'entrepôt de
stockage des productions caféicoles et vivrières autour duquel
gravite de nos jours des cultures paysannes de céréales en
l'occurrence le maïs.
Planche III
2
Photo 1 : Juin 2016
L'infirmerie a cédé place à la brousse.
Du matériel et des équipements de soins, l'on n'en retrouve que
quelques vieux lits d'hospitalisation.
1
2
44
Photo 2 : Février 2016
L'usine de torréfaction du café et le
séchoir qui permettait le séchage du café ne s'identifie
plus de nos jours. Seules les grandes surfaces dallées en ciment nous
permettent encore de l'identifier. De l'usine de torréfaction, il ne
subsiste plus que quelques piliers, preuve que le temps a eu raison du
bâtit.
Planche IV :
45
Photo 1 : Avril 2016
Des points de ravitaillement en eau potable qui existaient
autrefois « à la C.O.C, il ne reste plus que cette
résurgence, qui est considérée ici comme la seule source
d'eau (non)potable de toute la plantation, et que les quelques paysans
encore présent sur le site utilise.
Photo 2 : De l'édifice religieux servant autrefois de
lieux de recueillement (mission catholique), il ne reste plus que des vestiges.
La C.O.C, structurellement parlant n'existe plus, elle est morte.
Planche V
5
46
Photo 1, 2, 3, 4, 5 : Avril 2016
Les habitations des campements ouvriers ne tiennent plus que
sur un fil, preuve d'un espace en crise.
Un tel espace, structurellement et fonctionnellement
dénaturé ne peut que susciter davantage la convoitise et les
appétits des paysans, qui du moins recherchent pour la plupart non pas
seulement des terres, mais quelle qualité de terre ? Celles-ci se
trouvent être le domaine de la C.O.C. cet accaparement foncier par la
C.O.C suscite du mécontentement de la part des paysans vu que le domaine
est en crise, presque à l'abandon, où les seuls signe de vie se
trouve sur les deux campements du « carré », partie
apparemment réservée à Jean Fochivé.
47
Mon père était un grand notable, très
respecté des paysans et des populations des villages voisins
jusqu'à Foumbot même. Il a vaillamment travaillé et servi
les blancs, puisqu'il était ouvrier dans cette plantation (C.O.C). Je ne
vais pas revenir sur l'histoire des titres fonciers de cette plantation car
vous connaissez l'histoire «il se raconte à
l'échelle locale, que le père de notre interlocuteur, un notable
très respecté de la communauté Bamoun, ancien ouvrier
à la C.O.C, aurait reçu en récompense des colons blanc,
pour ses loyaux services et son dévouement au bon fonctionnement de la
C.O.C, les titres fonciers de cette somptueuse et prestigieuse entreprise. Ce
dernier aurait été assassiné pendant qu'il dormait
paisiblement dans sa case par un groupe assez important d'individus, tous
cagoulés, et dès lors aurait perdu les titres fonciers
légitimes de cette plantation». Il faut que vous
sachiez que les blancs de façon verbale avaient partagé des
parcelles aux différents notables des villages sur lesquelles
s'étendent cette plantation avant de partir. Par la suite certains
notables ont vendu leurs parcelles. En dehors des parcelles octroyées
aux notables, il y a eu une appropriation par des groupuscules, qui
n'étaient autres pour la plupart que les Bamilékés. A ce
moment (après le départ des colons blanc) c'est la loi du premier
occupant qui prime. Sachant que les terres de la C.O.C leur appartiennent
dorénavant, ils les louent à des nouveaux venus. C'est pourquoi,
je vous dis qu'il n'y a pas de désordre à la C.O.C, car dire que
les plantations de Fochivé sont prises d'assaut par les paysans serait
aggraver les choses. Fochivé d'ailleurs à sa parcelle la bas, la
partie qu'on appelle le « secteur du carré », partout
où il y a le café, lui appartient. En dehors de cette parcelle,
plus rien ne lui appartient encore là-bas car c'est bien
structuré. Moi-même j'ai loué une parcelle vers le sommet
pour y cultiver des vivres.
Source : enquête de terrain, Juin 2016
Encadre 5: entretien avec Kamougué, 45ans,
cultivateur, Foumbot
Des trois cent trente-huit personnes pour un total de
quatre-vingt-dix-huit ménages26 présentes sur le
domaine de la C.O.C, il n'en reste environ que quatre-vingt personnes. Ils sont
entre autres, des bamilékés, tribu dominante sur le site, des
Nso, des paysans Bafia venus du Mbam
263e Recensement General de la population et de l'Habitat de 2005
publié par le Bureau Central de Recensement de la Population (BUCREP) en
2010
48
par la plaine Tikar, les Bororo, agropasteurs peuls et les
Bamoun, peuple autochtone mais minoritaire de nos jours sur les campements de
la C.O.C.
Bamoun
5%
Bafia
7%
25%
Nso
Bamiléké Nso Bamoun Bafia Bororo
Bororo
13%
Effectif
Bamiléké
50%
Source : enquête de terrain février- juin 2016
Graphique n°1 : Répartition des
tribus présentes à la C.O.C
Le tableau ci-dessus présente les différents
groupes ethniques encore présent à la C.O.C. De ce graphique, il
apparait clairement que l?ethnie autochtone Bamoun a presque disparu, les
Bamiléké étant alors restés maitres du
domaine??. Sont-ils véritablement les maitres du domine ou alors de
simple squatters?? ? qui contrôle véritablement la
terre à la C.O.C ?
49
CONCLUSION PARTIELLE
Compte tenu de la situation foncière du pays Bamoun en
général et des plantations de la C.O.C en particulier, car
étant placé sous le joug des principes de survivances, la terre
n'est pas un bien à vendre, elle peut tout au plus être
louée ou prêter. Cette situation ainsi
révélée traduit en quelque sorte les points faibles des
différentes juridictions qui sont censées règlementer
l'appropriation et l'acquisition foncière dans cet espace. Les modules
d'acquisitions de cette plantation étant peu connu, exacerbent et
fragilisent davantage la mise en valeur effective de ce domaine par la
paysannerie. La marche vers l'appropriation et la sécurisation
foncière dans cette ancienne plantation, non seulement par les paysans
mais la population en général nécessite alors la mise au
point par les différents acteurs, des stratégies adaptées
et adéquates permettant cette pratique.
50
IIème PARTIE : JEUX D'ACTEURS ACTUELS ET LEURS
IMPLICATIONS FONCIERES À LA C.O.C
La législation foncière au Cameroun encore plus
pour les paysanneries du monde rural reste encore ambiguë et se
prête à des interprétations multiformes. La superposition
de plusieurs sources du droit (coutumier, moderne) rend difficile aussi bien
l'acquisition des terres que la résolution des conflits inhérents
à ces acquisitions. Les solutions sont à « inventer ».
La sécurisation foncière reste encore une solution aux
problèmes fonciers au Cameroun, mais n'est pas la seule, car face
à tout cet imbroglio des différents droits d'accès au
foncier, la population camerounaise, surtout les paysanneries autour de la
C.O.C, développent des stratégies diverses et multiformes pour
accéder au foncier qu'il conviendrait de les signaler dans cette partie.
L'expression « jeu d'acteurs » ainsi utilisée, fait
référence non pas un cadre systémique fermé, mais
plutôt à un système complexe ouvert et
caractéristique de l'ensemble des stratégies
développées par les différents acteurs impliqués
dans le processus foncier autour et dans les plantations coloniales de la
C.O.C. Qui sont-ils ? D'où viennent- ils et quelles sont les logiques
qui les animent ? Quelles stratégies développent-ils pour
accéder au foncier ? Toutes ces interrogations ainsi soulevées
nous permettront non seulement la description et la compréhension du jeu
d'acteurs mais aussi leurs implications foncières et raisons
d'acquisitions de ces terres.
I. LES ACTEURS DU JEU FONCIER À LA C.O.C
Nous utilisons l'expression jeu foncier'' comme une
grille d'observation pour mieux cerner les contours, les enjeux des
acquisitions foncières et l'identification des acteurs du foncier
à la COC. En termes d'enjeux fonciers dans cette plantation coloniale de
la COC, il convient de signaler que ceux-ci sont portés par des acteurs
à la fois individuels et collectifs ayant pour but final l'appropriation
foncière pour des raisons diverses.
Les situations de compétition foncière accrue
(rareté des bonnes terres, augmentation de la population, migrations)
accroissent l'insécurité foncière observée dans la
localité de Foumbot et de ses environs. Dans les zones de fortes
migrations à l'instar des anciennes plantations coloniales et parlant de
la C.O.C. en particulier, les ouvriers qui devaient travaillés dans
cette plantation avaient été «accueillis» et
installés par les colons suite à la création des
51
plantations de café. Cet accueil puis installation des
ouvriers s'était déroulé sans toutefois, l'accord
favorable des autorités villageoises de la localité (l'on ne sait
pas si l'autorité traditionnelle locale avait oui ou non
été d'accord sur le fait de faire venir des ouvriers dans la
localité et quelles avaient été les clauses). Ceux-ci
reçurent des colons, des droits d'usage sur des parcelles
périphériques des plantations de café mais relevant du
domaine de la C.O.C.
Ensuite, il s'observa dans cette localité et plus
particulièrement autour de cette plantation, un fort mouvement
migratoire, non plus encadré et supervisé comme ce fut le cas
pour la main d'oeuvre devant travailler dans les plantations (Champaud J.,
1983), mais individuel car l'on pouvait facilement se faire embaucher comme
ouvrier mais aussi avoir des terres agricoles à moindre coût pour
le déploiement des systèmes de productions et bien d'autres
activités. Cette situation n'étant plus très possible en
pays Bamiléké, vu la démographie et l'organisation des
structures foncières traditionnelles (Fotsing, 1987), des migrants
Bamilékés sont partis de Mifi actuelle Bafoussam, des Bamboutos,
au Nord du pays Bamoun, traversant le fleuve Bamendjing pour se retrouver
à la C.O.C. d'autres encore sont venus de Pouomogne-Bandjoun et de
Bangangté, des plateaux du Nord-Ouest anglophone, des fronts pionniers
Tikar et Bafia, mais le plus frappant est sans doute la migration
intra-territoriale Bamoun, car l'on observe également des migrants
Bamouns en quête d'emploi et de terres fertiles qui viennent s'installer
dans le pourtour et les environs de la C.O.C. par l'entremise des Nui
Ngwèn et des chefs de lignages (Nga Ngwèn).Ainsi,
en 1941 on dénombre dans ces plantations 7.123 travailleurs parmi
lesquels nous avons 3.742 venus de la subdivision de Foumban et 2.750 de
Bafoussam, 660 de Dschang, 21 de Bafang et 150 de Bangangté. Parmi ces
7.123 travailleurs recrutés, on dénombrait 3.683 volontaires
c'est-à-dire ceux qui se sont engagés librement à
l'embauche et le reste des 3.440 était recruté par le biais des
travaux forcés (Tanga, 1974) ; Dongmo (1981) est beaucoup plus clair en
ce qui concerne la C.O.C. : « A la C.O.C., on comptait 319 manoeuvres
permanentes, 920 temporaires et 27 ouvriers spécialisés Bamoun et
Bamiléké... »
Ces migrants reçoivent des autochtones des droits
d'usage sur la terre. Il s'agit des droits secondaires en ce sens où,
ils ne peuvent, ni construire dessus, ni développer un investissement de
grande valeur sans l'accord des autorités traditionnelles. Ces droits
sont aussi conditionnels au respect d'une relation sociale d'allégeance
vis-à-vis de l'autorité foncière du groupe autochtone que
représente l'autorité du roi au travers des émissaires
délégués (Nui Ngwèn), confirmant davantage
le poids du pouvoir traditionnel Bamoun dans la gestion des terres.
52
Parfois, au bout d'un moment et pour des raisons qui peuvent
être multiples, les groupes migrants ne reconnaissent plus les droits
prééminents de ceux-ci, et ils cherchent à affirmer leur
autonomie foncière sur les terres par rapport aux chefs de villages ou
aux responsables fonciers autochtones que sont les Nji Ngwèn et
les chefs de lignages (Nga Ngwèn). Cette situation est de plus
en récurrente au courant de la dernière décennie, vu le
poids de la démographie et de la valeur mercantile que connait le
foncier de nos jours. Ces prétentions sont d'autant plus fortes que les
migrants sont devenus plus nombreux, que leur réussite économique
est importante, et que le contexte politique (réformes foncières,
élections, etc..) leur est favorable (Moupou, 2010).
La présentation du jeu d'acteur foncier à la
C.O.C, passe par une mise en lumière typologique présentant les
acteurs en conflit pour l'accès à la terre d'une part et les
instances de contrôle et de régulation foncière d'autres
parts. On peut les catégoriser selon un certain nombre d'oppositions
simples que seul un travail empirique permet de déconstruire et
d'affiner. L'une des plus structurantes est celle entre autochtones
!allochtones appeler ici, étrangers''. On la retrouve dans
l'ensemble des sites à la C.O.C, même si son importance peut
varier. Cette opposition évolue dans le temps car de plus en plus l'on
assiste à des mariages entre autochtones Bamoun et
allochtones-étrangers, ce qui modifie considérablement les
rapports fonciers en ce sens qu'il permet aux étrangers de gagner
davantage de droits d'usage et de gestion sur la terre. Le second clivage est
celui qui tendrait à opposer ruraux et urbains. Les informations
récoltées démontrent à suffisance que les
trajectoires de mobilité sont complexes et ne peuvent se réduire
à l'idée simpliste d'exode rural et! ou de retour (Léo
Montaz, 2015). On observe au contraire l'importance grandissante en milieu
rural de nouveaux acteurs, jeunes déscolarisés, migrants à
la fois urbains ou ruraux, vues les récentes situations
sécuritaires de la partie septentrionale du Cameroun ;des agents de la
fonction publique, entrepreneurs agricoles souvent impliqués dans le
développement des transactions foncières marchandes et
contribuant à des phénomènes de peuplement des campagnes,
accentuant davantage les mobilités entre les villes et les campagnes et
dans ce cas précis, des arrondissements de Foumbot et Kouoptamo vers les
plantations de la C.O.C.
Plus classiques, les oppositions entre aînés et
cadets, hommes et femmes, acteurs collectifs que représentent les
communautés villageoises à travers le chef de village et
individuels que sont les agriculteurs et éleveurs (paysans), continuent
de structurer le jeu foncier. Chacune de ces catégories est toutefois
hétérogène et les acteurs collectifs, lignages,
ménages, fonctionnent rarement comme des entités
homogènes. Les instances politico-légales impliquées dans
le jeu foncier sont également diverses, à la base d'un fort
pluralisme
53
institutionnel : administration territoriale, services du
Cadastre et des affaires foncières, tribunaux, autorités
communales et villageoises, ONG, comités de gestion divers issus du
dispositif du développement, associations de ressortissants, mouvements
religieux, chefferie traditionnelle ou de la terre, etc. On retrouve souvent
deux grands types d'autorités en position centrale sur les
différents terrains étudiés : l'administration
territoriale (préfets ou sous-préfets) et la chefferie
«traditionnelle». Elles semblent a priori incarner deux
systèmes légaux distincts, le national/étatique et le
local/coutumier. En fait, la trajectoire de la chefferie, variable selon les
pays et les époques, a pu l'amener à se rapprocher ou à
s'éloigner de l'appareil étatique, tandis que l'administration
territoriale joue parfois un rôle local très
«coutumier», la chefferie Bamoun quant-a-elle, se soustrait aux seuls
rôles d'arbitre et de gestionnaire de toutes les terres du royaume, le
politique gagne du terrain sur la tradition.
Le jeu foncier local n'est plus seulement local, au sens
où des enjeux «locaux» font l'objet de négociations et
de règlements dans des arènes diversifiées dont certaines
sont extra locales, tandis que des intérêts extérieurs
viennent modifier les configurations locales. En effet la cohabitation sur la
rive gauche du Noun avec les Bamiléké se dégrade davantage
et très souvent débouche sur des affrontements sanglants entre
Bamoun et Bamiléké car, les second réclament leur
autonomie du pouvoir territorial Bamoun. Cette situation ne peut se
gérer à des instances qui vont au-delà des seuls
frontières du territoire Bamoun.
1. Identification des acteurs locaux et description du jeu
foncier à la C.O.C
Pour comprendre davantage le jeu foncier et les acteurs en
présence à la C.O.C., il convient de marquer un temps
d'arrêt sur ce que sont devenus les anciens ouvriers qui travaillaient
à la C.O.C. durant la période de gloire du café. En effet,
suite à la déprise caféière et ce, malgré
les tentatives de Jean Fochivé à maintenir cette compagnie
industrielle. La C.O.C. bien après les départs successifs des
blancs et de Jean Fochivé, décédé en 1996, a
fonctionné pendant six ans mais cette fois-ci avec l'aide des capitaux
d'un certain nombre de personnes issus pour la plupart du terroir. Ils
étaient tous actionnaires durant cette période après
Fochivé, mais cette association des capitaux n'a pas pu favoriser le
maintien des anciens ouvriers qui cumulaient des arriérés de
salaires. Le café n'étant plus rentable, certains ouvriers se
sont installés dans les villages environs de la C.O.C. puis ont
commencé à louer des terres, d'autres par contre se sont
installés dans la ville de Foumbot voisine. Les uns sont
décédés et les autres sont rentrés dans leurs zones
de départ. Des Groupes d'Initiatives Communes qui existaient à
l'époque des colons, il ne reste que des mémoires.
54
a) Les autochtones
L'on ne peut véritablement parler du jeu d'acteurs et
de leurs implications foncières dans les plantations de la C.O.C, sans
toutefois revenir sur la réelle question de l'autochtonie. En effet, le
terme autochtone ainsi employé dans ce contexte désigne, tout
Bamoun originaire des localités sur lesquelles s'étendent les
plantations de la C.O.C.
Contrairement à ce que l'on observe en Côte
d'ivoire, les phénomènes de tutorat (Chauveau, 2006 ; cf. infra :
14 ; Léo Montaz, 2015), la situation foncière dans les
plantations de la C.O.C et plus général en pays Bamoun est
très différente ; Au lieu des « tuteurs », l'on observe
plutôt une volonté de l'autorité traditionnelle non pas en
tant que tuteur mais instance d'accueil, d'arbitrage et de résolution
des litiges en matière foncière à l'échelle locale.
Bien entendu la pression d'accueil et de cession des terres aux
étrangers du pouvoir colonial sur le pouvoir traditionnel a eu pour
incidence, la rareté des terres. Entrainant de ce fait le
mécontentement des natifs. Car, comme il a été
signalé en amont, la cession des terres aux colons blancs s'était
déroulé sans toutefois l'accord du peuple Bamoun, le roi en sa
qualité de gardiens des terres avait décidé. Or,
aujourd'hui le monde bouge, rien n'est plus statique et le peuple Bamoun lui
aussi doit pouvoir en disposer des terres sur lesquelles ils sont
installés depuis le Quatorzième siècle (André E.,
1961).
55
Mes parents sont venus ici parce qu'ils cherchaient du
travail. C'était beaucoup plus facile pour eux ici de se faire embaucher
ici comme ouvrier d'autant plus qu'on en avait besoin de mains d'oeuvres pour
travailler dans les plantations de la C.O.C.
Toutes ces personnes qui, aujourd'hui se revendiquent
d'être des autochtones ici, tout cela n'est qu'une usurpation. En fait,
quand les blancs décident de créer les plantations dans cette
zone, il n'y avait pas d'hommes comme cela est le cas aujourd'hui, sinon
penses-tu qu'ils se seraient donner temps de peine pour recruter massivement
les ouvriers comme ce fut le cas ? Tous ceux que tu vois ici sont tous des
migrants qui sont venus soit pour travailler du temps des blancs, soit parce
qu'ils ont compris qu'au vue de l'absence de clarté qui y règne
dans cette localité en matière d'appropriation foncière,
ils peuvent avoir des terres pour cultiver ou alors se construire des maisons
et autres.
Les seuls personnes aptes à se réclamer
autochtones ici à la C.O.C., c'est nous, car nous avons vu le jour ici,
nos nombrils y sont enterrés, nos parents et nos grands-parents
également.
Pour ce qui est des droits et de l'accès à la
terre, tout Bamoun qu'il soit brun ou noir, de Massagam (arrondissement
à la limite du front pionnier avec le Mbam) ou de Bangourain (limite
avec le plateau Nso : partie anglophone), ils ont les mêmes droits sur la
terre. Mais comme les terres ici étaient beaucoup plus fertiles que les
autres, les Nji se sont taillé la part du lion. Usant de leurs titres de
notabilités, ils nous font croire que ces terres leur a appartenu depuis
toujours, or cela est faux. Mes grands-parents ont dû d'abord travailler
comme ouvrier dans les plantations coloniales ensuite dans les plantations du
roi non lion du domaine de la C.O.C. pour avoir en jouissance les terres sur
lesquelles nous sommes aujourd'hui installer. Cette terre nous a
été donnée en récompense par le Nji Ngwèn,
et aujourd'hui nous sommes propriétaire...
Source : enquête de terrain, Juin 2016
Encadre 6 : entretien avec Malum, 58 ans, paysan
Bamoun à Nkoundoumbain
Prenant en compte le fait que la terre est un bien collectif
en pays Bamoun, il n'en demeure pas moins le fait que le sultan des Bamoun
n'est que le gardien, la terre appartient au peuple Bamoun, ce qui donne aux
autochtones natifs de cette zone, des droits d'en disposer.
Ainsi, certains autochtones installés au sein d'un
domaine et possédant encore quelques parcelles par héritage,
passent des contrats de type « location » avec des étrangers
qui en éprouve le désir. Les droits de gestion et d'exclusion se
fondent sur la position sociale au sein du groupe Bamoun (Moupou, 2010,
cité par Ndjogui et Levang, 2013 : 4) et sont détenus le plus
souvent par le chef de famille (sauf cas particulier où celui-ci aurait
cédé ce droit à un fils par exemple). C'est
généralement lui qui octroie le droit d'accéder et de
mettre en valeur un terrain appartenant au patrimoine lignager à un
individu (homme ou femme, généralement de la famille, mais qui
peut être aussi un ressortissant d'une autre famille du village, voire un
« étranger », c'est-à-dire un migrant originaire
dune autre région pouvant tout aussi être Bamoun). Sans
peur de représailles c'est-à dire capables de résister
à la fois aux pressions des autorités coutumières (Nji
Ngwèn) possédant les autres fractions de la C.O.C et les
autorités administratives, les autochtones, natif de la localité,
louent des terres à des individus sans se référer ni aux
chefs coutumiers, ni aux nouveaux gestionnaires.
1
2
Dans le cas précis des plantations de la C.O.C, les
allochtones n'ont aucun droit de cession de la terre. Les nouveaux
gestionnaires qui ont repris le domaine à la suite du départ des
colons français ont opté pour une délégation des
pouvoirs, mandatant à cet effet les gardiens ayant pour charge,
l'entretien et la surveillance des plantations de la C.O.C. Ces derniers
à leurs tours, se mettent à louer des terres au nom du pouvoir
qui leur est conféré par les fils de Fochivé. Connaissant
bien la situation foncière dans ce domaine, ils optent pour des
intermédiaires à la fois natifs et/ou étrangers de la
zone. Ces intermédiaires s'occupent de recenser toutes les personnes
éprouvant le besoin d'avoir des terres, puis les remontent au niveau des
gardiens qui, en contrepartie du numéraire, délivrent des cartes
d'accès à la plantation précisant la durée de la
location et la taille de la parcelle. Cette situation ainsi décrite
n'est valable que pour la superficie de Jean Fochivé (le
Carré).
57
Planche VI
Photo 1 : Juin 2016
Exemple de plainte déposée auprès du
Sous-préfet de l'arrondissement de Kouoptamo à
l'encontre d'un autochtone, gardien à la C.O.C pour
trouble de jouissance, le nommé Danger,
63 ans, paysan autochtone à la C.O.C
Photo 2 : juin 2016
Exemple de carte donnant accès aux parcelles du
Carrée à la C.O.C
b) Les allochtones
Le terme allochtone ainsi utilisé, caractérise
tout individu n'appartenant pas à l'ethnie Bamoun. Ils sont
qualifiés ici détrangers''. Dans cette
catégorisation, l'on retrouve essentiellement les
Bamilékés, les Nso, les Bafia, les Mbororo etc. ; bref des
migrants autres que l'ethnie Bamoun, qui sont installés dans les
périmètres de la C.O.C. ainsi que dans les villages tout autour
de celle-ci.
Pour le cas particulier des Bamilékés, car
étant les plus nombreux (confère graphique I), leurs
installations avaient été favorisées par l'administration
coloniale à travers l'ORT qui s'était chargé de recruter
la main d'oeuvre servile des plantations coloniales. Ceux-ci pour la plupart
d'entre eux sont arrivés en pays Bamoun et à la C.O.C.
particulièrement en 1936 date de fonction effective de la C.O.C. en tant
que compagnie agricole à caractère industrielle. Ils ont
bénéficié des avantages en matière foncière
prévu par l'administration coloniale. Dans les années 1980, suite
à la déprise caféière et au départ des
colons français, vinrent à la C.O.C., une autre vague non plus
transporté par l'ORT ou l'administration coloniale ; Ne pouvant
s'installer dans le domaine, car n'étant pas ouvriers, ces derniers,
paysans indépendants, travaillaient à leurs propres comptes dans
les espaces tout autour des plantations de la C.O.C. Leur implantation ainsi
que leur accès à la terre ne pouvait être possible sans
l'accord des Nji Ngwèn. Pour des parcelles comprises entre
500m2 et 1ha, les allochtones, migrants devaient en contrepartie
offrir à chaque récolte des paniers de vivres issus des parcelles
cultivés, or de nos jours la monétarisation de la terre a
modifié les différents rapports qu'entretenaient ces peuples avec
la terre. Des paniers de récoltes, l'argent a pris de dessus et
s'illustre davantage comme le seul moyen pour ces étrangers
d'acquérir des terres non seulement à la C.O.C. mais dans la
localité de Foumbot tout entière.
58
La terre commence à se faire rare ici, et de plus nous
(étrangers) avons l'impression que l'on (Autochtone) ne veut plus de
nous ici, car depuis pratiquement cinq ans maintenant, le prix de la terre ne
fait que grimper, et lorsque nous voulons même négocier, on ne
nous écoute pas. Ils nous disent que si nous ne sommes pas satisfaits,
nous rétrocédons les terres acquises. Mieux encore, ils nous
disent que le prix des vivres a augmenté sur les marchés locaux.
Si seulement, ils pouvaient savoir que de l'ensemencement à la vente en
passant par la récolte et si l'on associe à tout ceci le prix de
location des terres, nous ne gagnons pratiquement pas grand-chose, ils seraient
moins exigeants envers nous.
Avant c'était encore passable du temps de nos
aïeux. Ils n'avaient pas besoin de payer de l'argent, il leurs suffisaient
de faire quelques paniers de vivres qu'on apportait au chef et le
problème était résolu, maintenant tout est à vendre
ici. Bientôt même j'ai peur qu'on ne nous demande de payer
également l'air que nous respirons ici...
Ils nous disent tout le temps qu'ils sont en train de nous
aider, mais moi je pense sincèrement qu'ils sont plutôt en train
de nous tuer, car nous nous tuons à travailler la terre mais eux, ils
profitent mieux que nous des retombés de nos efforts.
Ce qui est curieux dans cette histoire, c'est le fait que ce
n'est qu'envers nous qu'ils sont exigeants, si c'était un Bamoun, la
situation serait différente. On lui aurait donné davantage
d'espaces à un coup moins élevé, mais comme nous ne sommes
pas chez nous, on subit. D'ailleurs nous on n'a pas le choix. C'est soit
accepter ces conditions ou soit alors on fait nos bagages et on rentre chez
nous...
Source : enquête de terrain, Juin 2016
Encadre 7 : entretien avec Momo, 56 ans, paysan
Bamiléké à Nkoupa're
c) Les paysans
Le terme paysan ainsi utilisé dans ce contexte,
désigne toute personne physique ou morale qui cultive la terre, pratique
l'élevage du petit bétail (volaille, ovin et caprin, etc..)
à la C.O.C. et ses environs. Le paysan est à la base d'une
importante activité de production, de distribution et de consommation.
Parmi eux, nous distinguons : le paysan autochtone, le paysan non autochtone
ainsi que les migrants. Traits respectifs des autochtones, allochtones et des
migrants, types d'acteurs rencontrés à la C.O.C.
59
Contrairement à la situation foncière qui
existait durant la période coloniale, stimulant peu l'exploitant paysan
à investir car la terre pouvait lui être retirée du jour au
lendemain sans motif valable. Le paysan à l'exception des autochtones
qui peuvent revendiquer un droit d'autochtonie et d'appartenance au terroir,
est considéré comme le principal acteur, à la base du jeu
foncier dans les plantations de la C.O.C.Ils ne sont pas propriétaires
des terres au sens propre du terme, mais juste usufruitiers, car dans les
conditions précédent leurs installations, la terre en pays Bamoun
et autour des plantations de la C.O.C, ne leur appartiennent pas. Elles sont
toutes sous l'autorité du roi. Des droits de propriété au
sens propre, les paysans qu'ils soient autochtones, allochtones ou migrants
n'ont que des droits délégués d'exploitations (Hallaire,
1991 ; Chauveau et Lavigne, Delville, 2002).
Cependant, l'on observe à la C.O.C. et dans ses
environs, une stratification assez frappante où, la question identitaire
s'impose avec force et explique en partie les rapports sociaux observés
entre les différents paysans Bamouns et les autres; si le nombre
d'ouvriers encore présent sur le site de campement de la C.O.C.
démontre à suffisance la faible présence de ceux-ci dans
cet espace, le nombre de paysans travaillant la terre est plus précis.
Sur les trois cents trente-huit paysans présent à la C.O.C en
2005, les Bamouns ne représentent que 25% (BUCREP, 2010).Les Bamouns
sont peu travailleurs comparés aux Bamilékés et aux Nso,
car non loin d'être un peuple agricole, ceux-ci sont un peuple de
guerrier (Champaud J., 1983).Bien connu le fait que ce soit les chefs
traditionnels (Nji Ngwèn)qui accueillent et installent les autres, les
Bamouns s'en orgeuillissent peu du travail de la terre, ce qui les
intéressent davantage c'est de pouvoir posséder et d'en disposer
convenablement de la terre pour installer davantage de migrants (Kua, 44 ans,
paysans à Kouoptamo).
Ici à la C.O.C., il reste très peu de personnes
capables de te dire la vérité sur les conditions de leurs
arrivées ici.
Moi je suis né ici (plantations de la C.O.C.), et il
n'y aucun sujet concernant cette plantation, que je ne sois capable de me
prononcer. À l'époque des Blancs, mes parents avaient
été transportés ici sous Bonmattin (premier directeur de
la C.O.C.) tout comme bon nombres de Bamilékés que tu pourras
encore rencontrer sur ce campement qui par ailleurs reste le seul où, il
y a encore signe de vie. Or durant les saisons de gloire, il y avait au total
six campements villageois. Quand les ouvriers arrivaient, les blancs par
l'entremise des contremaîtres, vous donnaient une parcelle de moins de
200 m2 pour que vous puissiez cultiver de quoi vous nourrir, vous et
votre famille. Mais ces parcelles se trouvaient toutes, dans les superficies de
la plantation. Au fil du temps avec la taille de la famille qui s'alourdissait,
ces parcelles devenaient très insignifiantes car les cultures
déployées ne pouvaient plus suffire à nourrir tout le
monde. Ainsi donc, pour ceux qui avaient fait beaucoup d'enfants, il y avait
une autre stratégie pour accroitre nos rendements et cela ne se faisait
pas sans risque majeur, car on cultivait et récoltait en cachette dans
les superficies que les blancs avaient prévues pour le
développement du vivrier et du maraicher (respectivement 500 ha et 10ha
; Ngongang, 1987).
Il était interdit à un ouvrier d'avoir des
parcelles de cultures autres que celles données par les blancs, car ils
craignaient que les ouvriers ne délaissent les taches dans les
plantations coloniales pour se consacrer à leurs propres parcelles
étant donné que la culture du café avait été
libéralisée. Néanmoins seuls les Nji Ngwèn et les
chefs de lignages déjà présents et qui avaient un pouvoir
économique très fort pouvaient le faire.
Avec le temps, la démographie de la localité
s'est accrue, les blancs ne pouvaient plus donner des terres dans les
périmètres de la plantation à tout le monde. C'est donc
comme cela que les ouvriers ont commencé à aller cherché
des terres tout autour des plantations du domaine de la C.O.C. toutes ces
terres appartenaient aux Nji Ngwen qui sont des émissaires du roi. Il
fallait soit louer, soit venir travailler dans les plantations de café
que ceux-ci entretenaient afin de revendre les récoltes aux blancs. Et
c'est comme cela que mes parents eux- aussi ont pu acquérir des droits
d'usages sur des parcelles en dehors du domaine de la C.O.C.
60
Source : enquête de terrain, Juin 2016
61
Encadre 8 : entretien avec Henri T., 83 ans, paysan
Bamiléké et ancien ouvrier à la C.O.C De ce
qui précède, l'on comprend aisément qu'en ce qui
concernait les colons français, il n'était pas question d'une
quelconque ségrégation. Tout le monde en dehors des chefs
traditionnels et des chefs de lignages, étaient considérés
comme des ouvriers.
En ce qui concerne la tenure du sol, les ouvriers uniquement
qui avaient été transportés sous l'égide de l'ORT,
seuls-eux, bénéficiaient de quelques parcelles de fortunes que
l'administration coloniale de la C.O.C. leur garantissait. Il était
proscrit d'avoir des terres en dehors du domaine de la C.O.C. La question que
l'on se pose à ce niveau est celui de comprendre comment
procédaient à cette même temporalité, les migrants
qui étaient installés dans les espaces autour de la C.O.C. et
quelle est la situation foncière actuelle ?
d) Les « nouveaux acteurs » venus de la
ville
Le terme « nouveaux acteurs » désigne cette
catégorie d'acteurs venus des centres urbains de Foumbot et Kouoptamo
voisines, en quête de parcelle pour y déployer des systèmes
de productions. Parmi ceux-ci on y retrouve à la fois des autochtones et
des allochtones, qui pour la plupart représentent, non pas une classe
moyenne mais des individus possédant des revenus supérieurs
à celle de la classe paysanne. Ce sont entre autres : les fonctionnaires
(agents de l'Etat), les commerçants, les éleveurs de petits
bétails (volailles, porcins, caprins, etc...) qui recherchent des
parcelles pour cultiver afin de produire eux-mêmes les aliments pour leur
bétail et réduire de ce fait les dépenses. Pour la
plupart, ils achètent des céréales dans les marchés
locaux puis vont les transformer en aliment pour leurs bétails. L'autre
but de cette acquisition, est la construction des habitations, mais pour
l'instant dans les plantations de la C.O.C, ceci n'est pas encore le cas, bien
qu'il soit déjà très répandu dans les villages tout
autour de la C.O.C.
2) les instances de contrôle ou les arènes de
négociation et de l'accès à la terre
L'histoire du peuplement et des changements politiques est
à l'origine de la tendance observée à l'empilement des
instances politico-légales et elle contribue ainsi à la
structuration des arènes foncières et des
légitimités (J.P. Chauveau et al ; in Résultat du
projet CLAIMS 2006).
Le terme « arène de négociation »
utilisés dans la lignée des travaux de l'anthropologie du
développement (Olivier De Sardan, 1995 ; Léo Montaz, 2015), tient
compte du fait qu'il existe en matière de foncier plusieurs instances de
régulation que ce soit des conflits ou de
l'accès à la ressource. Les différents
mécanismes utilisés par ceux qui y ont recours s'apparente
à une arène de combat où les plus forts l'emportent sur
les plus faibles.
Ce terme ainsi utilisé ne s'applique qu'à
l'intérieur de la plantation de la C.O.C. où l'on y observe des
oppositions diverses entre gardiens de la plantation et paysans, gardiens et
Nji Ngwen, ou encore entre paysans et Nji Ngwen.
a) les chefs traditionnels (Nji Ngwen)
L'expression «chef traditionnel« est en rapport avec
l'arrivée du colonisateur européen. Elle entre dans le
vocabulaire juridique et administratif camerounais avec l'arrêté
du 4 juillet 1933 sous l'expression «chef indigène«. Ce
même texte détermine les chefs supérieurs, les chefs de
groupement et les chefs de villages. Le chef traditionnel de nos jours
relève directement de l'autorité hiérarchique du
représentant de l'Etat dans sa circonscription. Il est important de
relever que dans le processus de la gestion des terres en pays Bamoun et
à la C.O.C en particulier, leur intervention n'est pas clairement
étayée par les textes officiels.
Les plantations de la C.O.C sont installées sur les
territoires de trois chefs traditionnels (Nui Ngwen) tous des
auxiliaires nommés par le roi des Bamoun, qui représente le chef
de premier degré. Ainsi nous avons : à Nkoundoumbain dont
dépend le village Nkoupa're, l'on a Nji Ntouotmboum ; Nji Mewouo
à Petponoun-Mbandjou ; Njindoùt à Fechieya-Njitande. Ces
chefs représentent une instance d'arbitrage et de régulation de
l'accès à la terre à la C.O.C. ils sont des nobles, ce qui
veut dire qu'ils peuvent installer des personnes sur les terres rurales qui
leur appartiennent sans pouvoir être remis en cause du point de vue de la
coutume. A cet effet, conscient du pouvoir dont ils sont investi, les Nji Ngwen
installent des individus sur les terres quittent à réclamer des
terres dans les domaines de la C.O.C. qui est aujourd'hui à l'abandon
bien même qu'elle possède un titre foncier, gage de la
propriété privée inaliénable.
Le territoire Bamoun est subdivisé en territoire
lignagers dépendants des Nji Ngwen, à l'intérieur de ces
territoires, nous rencontrons les anciennes familles autochtones, qui au fil du
temps (10 à 30 ans) ont acquis également le droit de disposer des
terres tout autour de la C.O.C. mais en cas de litiges, ils se
réfèrent toujours aux Nji Ngwen d'abord et aux autorités
administratives et régaliennes si la solution n'est pas trouver au
niveau de la chefferie du Nji Ngwen. Le Nji Ngwen apparait donc ici comme
étant la première instance de contrôle et de
régulation des conflits.
62
b) l'Etat
63
Le terme Etat ainsi utilisé dans ce travail fait
référence à des institutions relevant de du secteur public
et tirant toute leur légitimité de l'Etat. Il s'agit de :
? Les services régionaux et
départementaux du MINDCAF (DRDCAF, DDDCAF) En 2008, le MINDCAF
qui est en charge de la question foncière et domaniale au Cameroun
s'était fixé quatre principaux objectifs à savoir :
Modernisation du cadastre ; Protection et développement du patrimoine de
l'Etat ; Constitution des réserves foncières et lotissements
domaniaux ; Amélioration de la gouvernance et des conditions de travail
au département ministériel. Cependant, les services
déconcentrés du MINDCAF tels que les délégations
départementale et régionale des domaines, du cadastre et affaires
foncières respectivement du Noun et de l'Ouest (DDDCAF et DRDCAF)
reçoivent les dossiers d'immatriculation des terrains et après
délivrent des titres fonciers aux usagers. Ils sont
considérés sans doute comme la plaque tournante dans le processus
d'établissement des titres fonciers accélérant davantage
le processus de régionalisation des affaires foncières au
Cameroun en général qui rime avec la réforme des
procédures foncières de 2005.
Le conservatoire foncière est dirigée par un
conservateur foncier chargé d'inscrire les droits fonciers dans le grand
livre foncier et de délivrer un « duplicatum » qui est une
copie du titre foncier.
? La sous-préfecture
Dans les arrondissements de Foumbot et Kouoptamo (Mbankouop),
les services de la sous-préfecture sont assurés par un
sous-préfet qui représente d'ailleurs le MINATD. Les services de
ses sous-préfectures pour ce qui est de la gestion foncière sont
chargés de réceptionner les demandes d'immatriculation des
terrains dans le cadre des immatriculations directes des terrains entre les
individus. Les transactions foncières peuvent faire appel à la
délivrance de titres fonciers. A cet effet, le sous-préfet
délivre les récépissés de dépôt de
demande de titre foncier puis les transmet au service départemental des
domaines, du cadastre et des affaires foncières. Ils sont chargés
de présider les travaux des commissions consultatives ayant pour but de
vérifier le positionnement ou l'emplacement des terrains à
titrer. Il intervient en cas de litiges fonciers entre les populations de sa
zone de compétence. Le sous-préfet joue un rôle clé
dans le processus d'obtention des titres fonciers et la résolution des
litiges fonciers dans notre zone d'étude. De ce fait, il est
impliqué dans la gestion durable des terres en jouant le rôle de
médiateur ou courroie de transmission entre les populations et le
service départemental du MINDCAF pour le Noun. Au sujet de la C.O.C,
plusieurs plaintes ont été enregistrées au niveau de la
sous-préfecture de Kouoptamo au sujet de l'exploitation des terres de
cette plantation par des individus, liées au fait que les gardiens
louent une même
64
parcelle à plusieurs individus, ce qui crée des
conflits, ou alors lorsqu'au moment des récoltes les paysans voient
leurs bien exproprier, car leur dit-on souvent : « Vous n'avez pas le
droit de travailler ici.... Qui vous a envoyé ici ? ».
ANNEES
|
NOMBRE DE PLAINTES
|
2007
|
17
|
2009
|
23
|
2011
|
22
|
2013
|
15
|
2015
|
8
|
TOTAL
|
85
|
Tableau 6 :
fréquences de plaintes déposées à la
sous-préfecture de Foumbot entre 20072015.
Source : enquête de terrain,
sous-préfecture de Foumbot, avril 2015
? Les communes d'arrondissements de Foumbot et de
Kouoptamo
PEKASSA M., (2009) définit la commune comme une cellule
d'apprentissage de la démocratie, un lieu d'expression de la
citoyenneté, un espace d'exercice des libertés politiques. Le
dictionnaire Larousse (2009) quant à lui, la définit comme une
collectivité administrée par un maire assisté d'un conseil
municipal. La commune de Foumbot a vu le jour le 27 Novembre 1959 par le
décret présidentiel N° 2-59-1834 du 2 Décembre 1959
créant et énumérant les communes urbaines et rurales au
Cameroun tandis que celle de Kouoptamo est beaucoup plus récente et date
de 2007. Ainsi pour mieux cerner les conflits fonciers nous nous appesantirons
sur le seul cas de la Commune d'Arrondissement de Foumbot (CAF) pour la simple
raison qu'elle est plus ancienne et est à même mieux placée
pour nous fournir les informations nécessaires.
65
La commune de Foumbot ne deviendra fonctionnelle qu'en 1960.
Ceci étant, elle est située à 25 Km de la capitale
régionale de l'Ouest-Cameroun (Bafoussam) puis à 48 km de la
ville touristique de Foumban. Elle occupe un espace territorial de 579 Km2. De
ce fait, les missions de la commune de Foumbot sont multiples ; nous pouvons
citer entre autres celles d'assurer le développement local, d'assainir
le cadre de vie tout en améliorant les conditions de vie des
habitants.... Ainsi, la commune d'Arrondissement de Foumbot se divise en trois
entités que sont Foumbot-ville, Foumbot-rural et Mangoum.
L'exécutif communal est assuré par le maire assisté de
quatre adjoints qui gèrent et coordonnent les affaires de la commune.
Les attributions de la commune de Foumbot sont multiples et s'étendent
sur des domaines variés. De ce fait, la CAF comme l'un des principaux
acteurs de la gestion foncière durable à Foumbot se charge entre
autres d'établir les permis de bâtir dans le strict respect de la
réglementation en vigueur et de contrôler les activités
humaines allant dans le cadre de l'aménagement urbain (Mounvera, 2015).
Elle détermine tout de même avec le concours du ministère
du développement urbain et de l'habitat (MINDUH), les Schémas
Directeurs d'Aménagement Urbain (SDAU), les Plans d'Occupation des Sols
(POS) et les Plans Directeurs d'Urbanisme (PDU). Notons aussi qu'elle peut
demander ou requérir en cas de nécessité réelle les
espaces du domaine de l'Etat. Lors de nos enquêtes de terrain nous avons
bénéficié de cinq jours de stage à la CAF et nous
nous sommes rendus compte que celle-ci organisait de descentes inopinées
sur le terrain afin de contrôler les quartiers et sensibiliser les
populations qui se sont installées ou qui envisagent occuper des espaces
interdits de construction. Ces descentes n'étant pas
régulières laissent transparaître le désordre urbain
et l'occupation anarchique des zones dites inconstructibles. Ce
dysfonctionnement est sans doute lié au manque du personnel, de la
tolérance, de la corruption et des moyens logistiques à la
commune. La loi n° 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles
applicables aux communes établit que « la commune est une
collectivité de base(...) elle a une mission générale de
développement local et d'amélioration du cadre et des conditions
de vie de ses habitants». Au sujet des plantations coloniales en
général et de la C.O.C en particulier, personne pas même le
Maire de la CAF n'ose dire mot. Cette situation traduit le caractère
conflictuel, la peur des représailles qui peuvent surgir au sujet de
cette plantation En outre, la CAF a pour rôle d'assurer la police
municipale c'est-à-dire mettre de l'ordre, la tranquillité, la
sécurité et la salubrité publiques d'après (Article
87, alinéa 1). Dans la même logique, la CAF a aussi pour mission
de démolir les édifices construits sans permis de bâtir ou
d'implanter afin d'assurer aux populations une gestion rationnelle, durable et
réglementaire de l'espace comme prévu à l'article 87,
alinéa 2, s'inscrivant dans la logique des règles applicables aux
communes
66
camerounaises. À la C.O.C, et plus
particulièrement à l'intérieur du domaine, nous n'en
sommes pas encore à ce stade vu que, les paysans n'y construisent pas.
D'ailleurs le type de culture déployé nous laisse croire que ces
paysans savent tous que les terres du domaine de la C.O.C. ne leur
appartiennent pas. Des cultures pérennes jadis déployées,
l'heure est au déploiement du maraicher qui met moins de temps et donc
les cycles de productions sont généralement très courts (1
à 2 mois maximum). Tandis que dans les espaces tout autour du domaine,
l'habitat a pris le dessus sur les friches, réduisant à
même l'accès aux terres pour des fins agricoles, d'où la
recrudescence des assauts sur le domaine de la C.O.C. Ainsi donc, la CAF se
charge de l'application et du suivi de la réglementation en vigueur
concernant la construction des habitats. Nul ne peut construire un
édifice s'il ne possède pas un titre foncier, mais à la
C.O.C. tout comme dans les villages alentours, on s'en préoccupe
très peu ou alors ignore l'existence du titre foncier (confère
figure ci-dessous).
85%
15%
oui
non
Graphique 2 : La faible possession des titres de
propriétés à la C.O.C Source :
enquêtes de terrain, juin 2016
? Le tribunal de première instance de
Foumbot
Le tribunal est défini comme un lieu où est
rendue la justice. Dans le langage courant, un tribunal désigne à
la fois le lieu concret où la justice est rendue (le palais) et
l'autorité qui a pris la décision judiciaire. Au tribunal, les
personnes en conflit viennent chercher la justice et celles qui n'ont pas
respecté la loi sont ainsi jugées. Toutefois, un tribunal n'est
pas nécessairement un service public de l'Etat comme c'est le cas dans
notre zone d'étude qui fait
67
face au quotidien aux conflits de tous ordres parmi lesquels
les conflits fonciers. Le Tribunal de Première Instance (T.P.I.) de
Foumbot est dirigé par un procureur de la République. Dans
l'environnement judiciaire camerounais, les méthodes et techniques de
gestion des conflits sont communes à tous les tribunaux ; elles sont
encore appelées Modes Alternatifs de Résolution des Conflits
(MARC). Il est à noter qu'ils impliquent un règlement à la
fois juridique et judiciaire d'un différend. Ainsi, le T.P.I de Foumbot
fait appel à cinq grands modes de résolution des conflits
opposant les populations parmi lesquels :1) L'arbitrage en matière
contentieuse qui consiste à faire appel à un tiers en dehors du
système judiciaire. Ce tiers peut être un collège de
personnes missionnées par les parties, il est chargé par les
protagonistes d'instruire l'affaire, d'écouter les parties et de prendre
la décision ;2) La conciliation qui consiste dans le recours à un
tiers, ayant le plus généralement le statut de conciliateur de
justice dans le cadre d'une procédure judiciaire (conciliation dite
déléguée) ou en dehors d'une procédure judiciaire
(conciliation dite extrajudiciaire, autonome ou conventionnelle) ; le
rôle du conciliateur étant d'écouter les parties et leur
faire de proposition de règlement du différend ; 3) La
médiation qui est généralement considérée
comme une méthode en dehors des influences juridiques, morales et
culturelles qui a pour objectif de permettre aux parties accompagnées
dans leur réflexion par le médiateur de trouver la solution la
plus satisfaisante possible pour elles;4) La négociation consistant en
la recherche d'un accord. Il existe plusieurs types de négociation.
Toutefois, le principe premier d'une négociation s'inscrit dans les
rapports de force. Il s'agit de faire passer habilement ses idées en
fondant l'intérêt de l'autre sur l'ambition ou l'espoir. D'autres
principes de négociation sont développés actuellement mais
avec peu de succès : sans perdant ou gagnant-gagnant et la
négociation contributive. Cette dernière élève
l'ambition de la recherche d'accord dans le respect de la réussite dans
et avec l'accord ; 5) Le droit collaboratif ou méthode collaborative est
une pratique du droit utilisant la négociation sur la base
d'intérêts où les avocats pour aider les parties à
conclure une entente mutuellement acceptable. Les avocats et les parties
signent un contrat stipulant leur consentement à ne pas aller devant les
tribunaux. Les parties et les avocats travaillent en équipe. En clair,
en matière de gestion durable des terres, le tribunal de première
instance de Foumbot joue un rôle important dans la résolution des
conflits. Ainsi, il peut contribuer à apaiser les tensions sociales,
à garantir les droits des populations sur les terres et à
trancher de manière indépendante, les litiges fonciers à
Foumbot.
? Les organes régaliens(les services de la
gendarmerie et de la police) : ils sont chargés de faire
appliquer la loi et aussi du maintien de l'ordre. L'essentiel des plaintes
acheminées au Tribunal de Foumbot ont tout d'abord été
déposé soit à la
68
gendarmerie, soit à la Police, mais compte tenue le
fait qu'ils ne représentent pas une instance de régulation des
conflits, leurs rôles se limitent juste à enregistrer les
conflits, les déférer au niveau du Parquet, et attendre enfin la
décision du juge pour la faire appliquer. Leur importance est
très capitale dans la gestion des conflits fonciers à la
C.O.C.
II.LES STRATEGIES D'ACCES ET DE CONTROLE DE LA TERRE A
LA C.O.C.
Pour accéder véritablement à la terre et
y déployer des systèmes de productions, les paysans
développent des stratégies à la fois collectives et
individuelles :
? Stratégie collective dans ce sens où il s'agit
d'un groupe. À ce niveau l'individu en tant que entité propre
n'apparait pas encore. L'installation des paysans, migrant ne peut se faire que
par une autorité puissante qu'incarne le roi des Bamoun. Aucun Nji
Ngwèn ne peut installer un migrant sur ses terres sans le
consentement et l'approbation du roi. De tels actes nécessitent
très souvent une sorte de reconnaissance du groupe vis-à-vis du
sultanat et de l'autorité traditionnelle qui leur a facilité
l'accès à la terre. Ces paysans doivent en contre partie des
parcelles qui leurs sont cédés, payer des tributs aux
autorités traditionnelles en l'occurrence le Nji Ngwen qui se chargera
de l'apporter au sultan lors de la fête du Ngouon; lesquels tributs
très souvent se font en dons de produits issus des parcelles
reçues.
? Parlant des stratégies individuelles d'accès
à la terre à la C.O.C, l'avènement de l'idéologie
capitaliste a fait de la recherche du profit, un pilier essentiel de sa
stratégie d'action, favorisant ainsi le développement des
comportements opportunistes des uns au détriment des autres.
Plutôt que l'intérêt du groupe, l'on pense d'abord à
soi-même. Ainsi, pour accéder à la terre dans les
plantations de la C.O.C, les paysans usent plusieurs moyens à savoir
:
? le don : la reconnaissance de l'autorité Bamoun sur
le territoire donne aux étrangers des facilités à
s'installer sur le territoire Bamoun, d'obtenir des terres à cultiver.
Pour obtenir un service en pays Bamoun d'un autochtone ou de l'autorité
traditionnelle (Nji Ngwen), et parlant, de la terre, le migrant doit faire
preuve d'une grande humilité qui s'apparente à la
servilité et reconnaitre le pouvoir Bamoun et son roi. Les paysans
Bamilékés mieux que les autres tribus présentes à
la C.O.C, l'ont bien compris, car en offrant des présents de cultures
aux chefs traditionnels, ils traduisent par là leur reconnaissance des
structures foncières Bamoun, ainsi l'autorité du roi sur
l'ensemble de ces terres.
? La location des terres comme stratégie individuelle
d'accès à la terre, est la plus répandue dans les
plantations de la C.O.C. La terre est à louer mais pas encore à
la vente, pour des sommes comprises entre (30000- 400000 francs CFA / ha pour
une durée n'excédant pas trois ans), selon la superficie
demandée. Ce mode de cession des droits sur la terre à la C.O.C
obéit à une structuration assez particulière. Outre les
chefs traditionnels (Nji Ngwen), les gardiens de cette plantation qui ont
été mandaté par la famille Fochivé sont les
personnes à la base de ces transactions dans cette plantation. Les
entretiens avec les paysans nous permettent de relever qu'à la C.O.C,
cette stratégie d'accès à la terre est la plus
utilisée sinon la plus répandue.
Pourquoi me demander comment je fais pour avoir des terres
à cultiver... ? Il est très clair, l'autre jour même l'un
des gardiens de la C.O.C. m'a dit qu'il fallait que je pense à venir
renouveler mon contrat de location si je veux continuer d'exploiter mes
parcelles, vu que celui-ci arrive à expiration cette année.
Tout comme moi, les autres personnes qui travaillent les
champs dans la C.O.C. sont des locataires, en dehors de la famille
Fochivé et des personnes qui ont obtenu d'eux le fait d'exploiter des
parcelles gratuitement, tout le monde payent pour travailler là-bas.
Depuis bientôt six ans, le prix des parcelles a
augmenté. Je paye de nos jours pratiquement le double du prix que je
payais il y a quinze ans pour une même parcelle d'environ 800
m2. Et j'ai l'impression que bientôt je n'aurai plus de terre,
puisque j'aurai plus les moyens de les louer, c'est devenu trop cher....
Source : enquête de terrain, Juin 2016
Encadre 9 : entretien avec Bopda, 60 ans, paysan
Bamiléké à la C.O.C
La demande des terres est devenue trop importante ici à
la C.O.C. durant cette dernière décennie, car dans les environs
il en manque. Nous, nous ne sommes que des gardiens. Notre rôle se limite
au contrôle. On se rassure que les personnes qui travaillent dans la
plantation ont bien un laisser passer (certificat de location) encore valide,
sinon on vous expulse tout simplement.
C'est vrai que la terre ici à la C.O.C. on la loue
à tous ceux qui en éprouve le besoin, que pouvions nous faire
d'autres ? Nous n'allons pas tout simplement donner des terres aux gens
gratuitement or nos patrons ont payé pour l'avoir. Il faut bien qu'on
rentabilise et qu'on justifie notre travail devant nos patrons sinon, notre
rôle ne sert à rien ici.
70
Source : enquête de terrain, Juin 2016
Encadre 10 : entretien avec Danger., 63 ans, gardien
à la C.O.C
? L'héritage des terres par succession comme moyen
d'accès à la propriété foncière.
L'héritage est important et stratégique dans le processus de
déroulement des générations au sein des familles et des
lignages (Fortes 1962). Il occasionne la négociation des
identités des individus et structure les rapports de pouvoir et
d'autorité au sein de la parenté. Il est le mode dominant des
dispositifs coutumiers d'accès et d'appropriation de la terre dans les
sociétés agraires africaines (Hill 1964; Gulliver 1961). Son
importance politique, économique et symbolique en fait une source de
tensions et de conflits ; Et ces tensions intrafamiliales autour de
l'héritage peuvent se transformer en conflits intercommunautaires (Colin
2004).À la C.O.C, ce moyen d'accession à la
propriété foncière est permanent. Non pas d'être le
plus dominant, elle y existe néanmoins et conditionne l'accès
à la terre d'un certain nombre d'autochtones dont les parents
décédés, laissent des terres en partage.
don
héritage
location
15
28
157
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180
Source : enquête de terrain février- juillet 2016
Graphique n°3 : Mode d'acquisition des
terres dans les plantations de la C.O.C et ses environs
71
L'acquisition des terres ici à la C.O.C. ne se fait pas
au hasard, puisque c'est une zone conflictogène, les acquéreurs
et les demandeurs de terre suivent ont une logique qui semble se concevoir de
la manière suivante : « ne passons pas plus de temps à
la C.O.C. car l'on ne sait jamais quand est-ce que surgira un autre conflit
sanglant, allons-y juste lors des périodes de mise en
cultures...». À cet effet, des sujets enquêtés
entre février et juillet, à la C.O.C., le graphique suivant a
été élaboré.
20
100
30
2 0
10
1 0
31
4 2 0
Source : gestionnaire C.O.C. (2015), Mars 2016
Graphique n°4 : Tendance de location et
d'acquisitions des terres à la C.O.C.
CONCLUSION PARTIELLE
A la C.O.C comme dans bien d'espaces ruraux en Afrique
subsaharienne, la question de l'accès et du contrôle de la
propriété foncière nous permet dans bien des cas
l'identification des acteurs à la fois individuels et collectifs
s'apparentant parfois à des notions de groupes
stratégiques27 mais qui sont très
hétérogènes quant aux stratégies
déployées pour l'accession de la terre. A la C.O.C, l'on
distinguait à l'époque coloniale des ouvriers et des migrants. De
nos jours, existe une pluralité d'acteurs qui se prêtent au jeu de
la terre. Aux côtés de ceux-ci,
27 Lire Pierre Yves Le Meur, 2002 ; Approche
qualitative de la question foncière
72
les instances de contrôle de l'accès à
cette ressource, qui le plus souvent représentent des instances
d'arbitrages.
Le jeu foncier à la C.O.C. et dans ses environs, repose
uniquement sur le pouvoir économique des différents acteurs et
leurs capacités à mobiliser un certains nombres d'instances
d'arbitrages et de régulations foncières à la fois
traditionnelles et étatiques.
L'accès à la terre dans le domaine de la C.O.C.
ne s'obtient que par la location, mode le plus répandu d'accès
aux terres dans ce domaine.
Tout autour des plantations de la C.O.C., les
stratégies d'accès sont diverses (location, héritage, don)
et repose essentiellement sur la volonté des chefs traditionnels et des
chefs de lignages d'en disposer ou non, aux nouveaux venus.
Les instances d'arbitrages et de régulations des
conflits inhérents quant à elles mobilisent souvent pour la
résolution de ces conflits des ressources et des instruments que ce seul
travail ne peut mettre en lumière. Lorsque ces instances ne jouent plus
convenablement leurs rôles, les situations foncières locales se
prêtent à un floue totale, rendant difficile aussi bien la
résolution des conflits fonciers que l'accès à la terre.
De ce fait donc le recours à l'appareil étatique apparait souvent
alors comme le dernier recours qu'ont ces paysanneries pour résoudre les
litiges. Mais en réalité à la C.O.C quelles sont les
conflits de gouvernances qui peuvent s'y prêter en matière
foncière ? Comment s'exercent-elles sur cet espace ?
73
IIIème PARTIE : ECLAIRAGE SUR LES CONFLITS DE
GOUVERNANCE ET PERSPECTIVES DANS LE CADRE DE LA DECENTRALISATION
L'éclairage sur les conflits de gouvernance en
matière foncière notamment avec l'avènement de la
décentralisation, non seulement pour les plantations de la C.O.C mais
pour les paysanneries rurales camerounaise, portent essentiellement sur le
rôle des instances de régulation d'accès et de
contrôle de la terre à savoir : l'Etat par le biais de ses organes
spécialisés ( Sous-préfectures, services
déconcentrés du MINDCAF, Mairies, Tribunaux et organes
régaliens) et l'autorité traditionnelle, et dans notre cas
précis, il s'agit du pouvoir traditionnel Bamoun.
I.GOUVERNANCE / REGULATION FONCIERE À LA
C.O.C
1. CADRE CONCEPTUEL
L'hypothèse de base qui sous-tend l'approche de la
notion de gouvernance foncière retenue ici peut être
formulée comme suit :
L'accès à la terre et aux ressources naturelles
associées est l'objet d'une compétition croissante dans les
plantations de la C.O.C, prenant très souvent ici, la forme de conflits
très sanglant. Cette compétition porte l'empreinte d'un contexte
fait, dans des proportions variables, de pluralisme juridique, de
prolifération institutionnelle et de politisation du foncier.
Dans le même temps, des modes de régulations et
d'arbitrages émergents, qui cherchent à instiller de la
prévisibilité dans le jeu foncier et l'élaboration des
mécanismes de résolution des conflits liés à la
terre, tous les acteurs ne sont pas dotés des mêmes
capacités en ressources matérielles, sociales et cognitives,
toutes les instances ne disposent pas du même degré
d'autorité et de légitimité. L'ensemble de ces
interactions contribue à la production de la gouvernance
foncière. Elle est donc définie ici comme mode émergent de
régulation des relations foncières et du champ social qu'elles
définissent. En d'autres termes, le pluralisme moral, normatif et
institutionnel qui imprègne le jeu foncier est à la base de sa
caractérisation comme «champ social semi-autonome» (Moore,
1978 : 54-81) ; dont ni les frontiers'', ni les règles ne
sont a priori fixées, elles se découvrent et s'adaptent aux
différents contextes
74
rencontrés. Il faut plutôt se le
représenter comme une arène, ou plutôt un ensemble
d'arènes au sein desquelles acteurs sociaux et instances politiques et
politico-légales (étatiques ou non) sont en compétition
pour l'accès à la ressource foncière et pour le
contrôle de cet accès (Ribot et Peluso, 2003). Lavigne Delville et
Hochet (2005 : 98) notent à juste titre que si «la
régulation des conflits, c'est-à-dire la façon dont les
différends, litiges, conflits sont pris en charge par la
société [...] est donc une dimension importante de la
régulation de l'accès aux terres et aux ressources [...] celle-ci
ne se limite pas à cela. Elle concerne aussi la production de
règles elles-mêmes et les interactions dynamiques entre
règles et pratiques» (ibid. : 98). On peut au fond
résumer la différence entre gouvernance et régulation
au-delà de leur philosophie processuelle commune, en termes de
perspectives ou d'angle d'attaque, plus centré sur les acteurs et les
instances politico-légales pour la première, la seconde mettant
plus l'accent sur les modes de production normative.
La gouvernementalité'' qui y est
attribuée, quant-à-elle, renvoie à la manière dont
les conduites individuelles ou collectives des personnes dans un domaine
spécifique de la vie sociale, deviennent dans un contexte historique
donné, une préoccupation pour les autorités et sont
problématisées comme enjeu/sujet de gouvernement, comme
«action sur les actions» (Chauveau et al, 2006). Il faut sans doute
élargir l'emploi du terme au-delà de la seule intervention de
l'Etat pour l'étendre aux formes de gouvernement des hommes impliquant
aussi des institutions non étatiques (Jacob, 2004; Le Meur, 2006a &
b). Ainsi, la notion de gouvernementalité peut être
appréhendée comme une façon de penser l'intégration
des étrangers dans une communauté morale et politique à
des niveaux plus larges.
2. L'Etat et le dispositif de développement : que de
vaines paroles
À la C.O.C et comme pour le reste des anciennes
domaines coloniaux de la localité, la situation foncière est
critique. L'Etat en tant que garant de toutes les terres du territoire
national, doit pouvoir garantir à ces populations, un minimum de terres
pour le déploiement de leurs activités. Or à la C.O.C, la
situation est plutôt à l'inverse car l'Etat a pour objectif de
réincorporer tous les anciens domaines coloniaux dans le territoire
national vu que les délais que laissait l'ordonnance de 1974 relatif
à l'immatriculation foncière au Cameroun sont impartis. La
situation d'incertitude et d'illégalité au sujet de la
paternité des titres de propriété de ses domaines se
clarifie davantage avec le temps. Le dispositif de développement
à l'échelle locale pour être effectif a besoin d'un espace
d'application, notamment avec les
75
fameux discours du Président de la République
Camerounaise qui encourage le développement agricole en faisant de ce
dernier, le moteur essentiel de la croissance et du développement du
Cameroun. Les paysanneries du monde rural étant les premiers
concerné car étant à la base de la production agricole,
l'appropriation foncière se veut un impératif. Cette situation
est d'autant plus claire quand l'Etat se prête au jeu foncier.
Toutes les terres appartiennent à l'Etat, car du jour
au lendemain, il peut décider de vous chasser de vos terres. Ce que moi
je veux que tu comprennes au sujet des anciennes plantations coloniales et plus
particulièrement de la C.O.C et de la C.I.A.C, car ce sont les
deux-là qui causent le plus de misère ici à Foumbot, c'est
que : oui il est vrai que c'est les blancs qui avaient créés ces
plantations, mais que s'est-il passé ensuite... ?
Tout ce qu'on vous raconte partout là que les blancs
avaient vendus les plantations avant de partir c'est très faux. En fait
à leur départ, comme il s'agissait des concessions données
en bail emphytéotique, ils devaient remettre les terres à l'Etat
à leur départ. Ce qui a été fait, mais vu qu'il
fallait continuer de faire fonctionné ces plantations car la survie de
plusieurs familles en dépendait, l'Etat Camerounais avait
décidé de revendre les titres à des nationaux. C'est comme
ça que les bamilékés qui étaient présents en
pays Bamoun et principalement à Foumbot, possédant un pouvoir
économique supérieur à celle de la majorité, en
l'occurrence Nguewang Omer, commerçant Bamiléké. Il avait
l'intention de racheter les plantations coloniales dans leur totalité.
L'histoire retiendra que Jean Fochivé, Nga njü Fochivé comme
on l'appelait souvent avec toute sa dernière énergie et aider en
cela par son statut au sein du gouvernement camerounais de l'époque, est
l'homme qui se serait saisi des titres fonciers de la C.O.C.
Avec tout le sang qui a coulé là-bas, je
préfère plutôt m'appesantir sur la situation actuelle
maintenant car l'Etat Camerounais au travers du MINDCAF veut les
incorporées dans le domaine national des terres de l'Etat. D'ailleurs,
il y a déjà eu des commissions qui sont descendues sur le terrain
afin de récolter des informations pour cela et procéder au
rebornage de ces plantations. En plus il y a même des conventions qui
sont en cours de signature entre le gouvernement Camerounais au travers du
MINDCAF et des investisseurs étrangers pour un budget de quelques
dizaines de milliards.... Ce sont les paysans qui vont en
bénéficier vu que cela rentre dans les plans de l'Etat en
matière de
pp
Encadré 11 : Entretien avec monsieur le DDDCAF
du Noun
76
3. Territorialisation de la gouvernance foncière et
la question identitaire
La gouvernance foncière est affaire de territoires,
d'emprises différenciées sur des espaces, de production de
limites géographiques et conceptuelles : territorialisation de
l'influence d'autorités «traditionnelles» (chefferies et
maîtrises de terre, autorités religieuses) ou «modernes»
(gestion de terroir, comités divers, découpages administratifs),
qui jouent à des titres divers des rôles dans la régulation
(le contrôle) de l'accès aux ressources naturelles et donnent
naissance par leurs imbrications à des chevauchements
générateurs d'incertitudes et de recompositions (en interaction
avec l'insertion dans des réseaux non territorialisés et les
politiques des appartenances) voilà à quoi se résume la
situation foncière dans les plantations de la C.O.C.
La question de la territorialisation ne doit bien sûr
pas être réduite aux formes étatiques d'ancrage local et
territorial, elle doit traiter des autres formes de maîtrise
territoriale, maîtrises coutumières liées à des
cultes de la terre (Jacob, 2001) ou territoires lignagers exprimant des formes
spécifiques de mobilité (Breusers, 1999). Les maîtrises
foncières «coutumières» expriment des histoires
spécifiques du peuplement d'une région, elles organisent le lien
paradoxal entre mobilité, contrôle des hommes et accès aux
ressources foncières.
L'identité quant à elle est un récit, une
construction pouvant s'élaborer à plusieurs échelles. Il
s'agit de l'une des composantes essentielles des pratiques et des
représentations de tout individu, mais aussi de toute idéologie
collective. L'Ecuyer R. (1994) pense que c'est d'abord un
phénomène psycho-social, participant de l'image que tout individu
bâtit de lui-même. Elle renvoie à la notion de « soi
» c'est-à-dire à l'ensemble des caractéristiques et
des valeurs que la personne s'attribue et reconnait comme faisant partie
d'elle-même. Guy Di Méo (2002), l'identité se nourrit de
l'intériorisation par l'individu des valeurs, des idéaux et des
normes propres à la société à laquelle il
appartient. Elle reflète le statut personnel qu'il incorpore au
gré de son expérience social.
A la C.O.C, le sentiment d'appartenance à la terre, du
peuple Bamoun est très fort. De ce sentiment, se dégagé
une autre idée car le problème
Bamiléké'' va au-delà des seuls soucis d'appropriation
foncière dans les plantations coloniales en général et de
la C.O.C en particulier, mieux dans la localité de Foumbot et plus
précisément sur la rive gauche du fleuve Noun. Les populations
Bamiléké installées sur ces terres ont tout
récemment demandé
77
l'instauration des chefferies traditionnelles de premier
degré, ce qui signifie des chefs traditionnels de premier degré
au même titre que le sultan roi des Bamoun. Ils représentent pour
la plupart d'entre eux les premiers ouvriers installés par les colons
français, les migrants qui avaient été installés
par les Nji Ngwen et qui plus tard ont acquis des terres. La nouvelle ne s'est
pas fait attendre car en 2013, les populations Bamouns de la localité de
Foumbot, ont organisé des expéditions afin de chasser les
étrangers Bamiléké installées sur la rive gauche du
Noun, de leurs terres. Conséquences, des pertes en vies humaines. A cet
effet, le gouvernement camerounais afin d'éviter des affrontements entre
les deux ethnies Bamouns et Bamilékés, par le biais du MINATD
avait désigné une commission d'enquête baptisée
Commission ENGOULOU afin de s'enquérir de la situation et de pouvoir
résoudre le problème, mais jusqu'à nos jours rien de tout
cela n'a eu véritablement de suite. En effet, la Commission ENGOULOU
avait pour but de rendre dans l'intervalle allant de un à six mois, un
rapport des constats faits sur le terrain, mais jusqu'ici, les populations
Bamilékés encore présentes sur la rive gauche du Noun,
vivent dans la peur et la terreur de se voir exproprier leurs terres du jour au
lendemain car l'on attend toujours les résolutions du rapport de cette
commission.
II.PERSPECTIVES
La problématique de la question foncière dans
les anciennes plantations coloniales au Cameroun et parlant, du cas
précis de la C.O.C est très cruciale pour le devenir même
des paysanneries du monde rural en milieu camerounais. En effet, au Cameroun,
l'agriculture occupe plus de 60% de la population totale. Pour ce faire les
paysans et particulièrement les cultivateurs ont besoin non seulement
des terres mais des bonnes terres pour pouvoir produire durablement.
Or pour l'ensemble, les anciens domaines sont en crises et
représentent pour l'ensemble, des bonnes terres très fertiles et
susceptibles de favoriser la production agricole à grande
échelle. Les difficultés et les contraintes liées à
l'acquisition foncière des parcelles dans ces ex-domaines plongent les
paysans, eux qui sont à la base de la chaine de production dans une
situation de précarité foncière très accrue.
À la C.O.C, les tentatives paysannes d'accès
à un plus grand nombre de parcelle s'est avérée être
un échec car la terre commence à se faire rare vu la
démographie croissante de la région et la recrudescence de la
mercantilisassions de la terre qui croit au fil du temps. Pour
78
cause, leur revenu insuffisant ne le permet pas. Ces derniers
se retrouvent alors très souvent en train d'envahir sans autorisations
préalable, les parcelles du domaine, aux risques de se faire molester,
pire au prix de leurs vies, ou alors souffrir de se voir leurs récoltes
expropriées. Lors de nos différentes missions de terrains,
certains paysans exprimaient leurs mécontentements vis-à-vis des
autorités traditionnelles villageoises, considérées ici
comme les grands « propriétaires terriens » car, lorsque
survient un problème entre les différents acteurs au sujet d'une
même parcelle, l'un des acteurs plus riches et mieux instruit, peut
mobiliser plusieurs instances de régulation non plus traditionnelles
mais étatique. Dans bien des cas les transactions foncières entre
les paysans et les chefs traditionnels se font le plus souvent de façon
verbale. Mais lorsqu'on arrive à se retrouver par exemple devant un
juge, les autorités traditionnelles se désolidarisent des paysans
et les exposent à la merci des sanctions juridiques relevant du droit
moderne.
A notre départ, des tentatives de regroupements paysans
s'organisaient pour former des groupes stratégiques capables de porter
ensemble, les revendications de ces paysanneries qui n'ont d'autres sources de
revenus que le travail de la terre. Ils réclament l'accès
à un plus grand nombre de parcelles et une certaine sécurisation
de leurs droits d'usages de la terre que seules les instances d'accès,
de régulation et de contrôle de la terre étatique peuvent
leur garantir.
De tout ce qui a été présenté dans
la première partie, l'on se demande s'il faut continuer à
maintenir le titre foncier de la C.O.C. qui empêche véritablement
les paysans de produire abondamment et ce, de façon durable sur un
espace quasiment à l'abandon ? Et où, seules la volonté du
plus fort et le pouvoir économique des paysans, font loi,
caractérisant et déterminant l'appropriation foncière ?
Tous ces questionnements n'ont véritablement
été élucidés par l'Etat, propriétaire de
toutes les terres du territoire. Il est censé garantir et réguler
l'accès au foncier à un plus grand nombre. La logique du titre
foncier s'impose encore avec force, marginalisant davantage les paysanneries
dans l'accès au foncier, car ceux-ci sont très pauvres, s'ils ne
peuvent louer davantage de parcelles à cause de leurs faibles revenus,
à plus un titre foncier et toutes les procédures
afférentes ?
Face à tous ces obstacles traditionnels et
institutionnels, les paysanneries de la C.O.C s'accrochent, espèrent de
voir le jour où enfin, les instances de contrôle et de
régulation de l'accès à la terre prendront conscience des
enjeux de la libéralisation des terres aux paysans ceci dans l'optique
d'améliorer la production agricole, de garantir la
sécurité alimentaire, mais surtout de concevoir cette
libéralisation foncière comme facteur de développement.
79
Le sujet «foncier et stratégies
d'accès et de contrôle dans les anciennes plantations coloniales :
l'exemple de la C.O.C ou le reflet d'un territoire en crise »
ainsi présenté ci-dessus s'inscrit dans une perspective d'analyse
et de compréhension des dynamiques Villes-Campagnes, notamment par la
clarification sur les notions du droit ainsi que les stratégies
d'appropriation foncière en milieu Camerounais.
À la question de savoir qui à qui appartient les
terres de la C.O.C ? Nos études nous démontrent à
suffisance les rapports de force observés entre le pouvoir traditionnel
Bamoun, les paysans et l'Etat, les plus forts ayant tendance à
léser les autres. Il démontre en outre, la forte emprise et le
rôle des instances traditionnelles et du pouvoir traditionnel Bamoun sur
la gestion et la distribution des terres de ce territoire. En effet, avec
l'ordonnance de 1974 fixant le Régime foncier au Cameroun, l'on aurait
cru que cette ordonnance permettrait un affaiblissement des structures
foncières traditionnelles Bamoun sur la gestion et la distribution des
terres, mais jusqu'à nos jours un étrangers ne peut
déployer un investissement immobilier ou un système de production
en pays Bamoun si il n'a auparavant reçu l'autorisation du roi ou du Nji
Ngwen.
Outre ceux-ci, le jeu d'acteurs à la C.O.C,
démontre aussi la prédominance des comportements
égoïstes et malhonnêtes des uns (autochtones) au
détriment des autres (étrangers). L'on assiste chaque
année à des phénomènes d'expulsions de ces
derniers, des parcelles sur lesquelles ils y déploient des
systèmes de productions. Néanmoins, le développement
agricole y est maintenu grâce au potentiel foncier indéniable de
la localité bien même qu'il soit entaché
d'insécurité, cela n'empêche nullement les paysans dans
leurs pratiques. Ainsi sur des petites parcelles comprises entre 100 et 800
m2, les paysans parviennent à générer des
rendements très surprenant. Ils sont obligés de recourir à
la polyculture sur un même espace, ce qui peut au moment des
récoltes être très laborieux pour ses paysanneries dont la
main d'oeuvre se limite très souvent à la seule taille de la
famille.
1
3
4
2
80
Planche VII
Photo 1 : association de plusieurs cultures
(Maïs en arrière-plan et Gombo à ras de sol) sur une
même parcelle
Photo 2 : jeune paysan Bamiléké
récoltant des produits maraichers sur sa parcelle.
Photo 3 : regroupement de produits vivriers
aux abords d'une voix de communication afin de faciliter l'acheminement vers
les Marchés de Kouoptamo et de Foumbot.
Photo 4 : embarcation des produits vivriers
au marché des vivres et frais de Foumbot en destination des
marchés métropolitains de Yaoundé, Douala et ceux de la
sous-région CEMAC.
À la question des stratégies d'accès et
de contrôle de la terre, nos travaux démontrent le poids de
l'autorité traditionnelle sur les espaces environnant les plantations de
la C.O.C. Le grand flou qui existe au niveau de la paternité des titres
même de cette plantation, associé à cela l'action des
gardiens ayant la charge de surveiller cette plantation rend difficile
l'accès et l'usage effective de ces terres par les paysans. Des
stratégies de contrôle de la terre,
81
l'instigation de la peur et de la crainte de
représailles instaurer les chefs traditionnels et les gardiens de la
plantation C.O.C. ralentissent toutes démarches paysannes
d'appropriation foncière frauduleuse non pas seulement dans ce domaine
qui fait désormais l'objet d'une répartition entre les fils de
Jean Fochivé mais aussi sur les espaces contrôlés par les
autorités traditionnelles locales.
CONCLUSION PARTIELLE
L'éclairage sur les conflits de gouvernance
foncière à la C.O.C avec l'avènement de la
décentralisation laisse entrevoir une arène où les acteurs
et les instances de contrôle de l'accès à la terre
s'identifie chacun par son action. L'appropriation foncière ici ne peut
être effective sans passer par un conflit car non seulement nous sommes
dans une zone d'accueil de migrant, il est toujours très difficile de
concilier et de satisfaire les attentes de toutes les parties prenantes.
L'Etat, garant de toutes les terres du territoire national, ne
peut se prononcer de façon directe sur le problème, de peur que
la situation conflictuelle présente ne s'aggrave davantage. De ce fait,
il use des stratégies que ce seul travail à lui seul, ne peut
résoudre. La décentralisation survenue au Cameroun dans les
années 2007 aura eu pour conséquences, la multiplication des
instances de régulation de l'accès à la terre (plus de
pouvoir aux collectivités décentralisées : les Mairies)
rendant encore plus difficile la résolution des conflits
afférents, inhérents aux problèmes des anciennes
plantations, à leurs créations et dans un spectre plus
élargie aux localités de Foumbot et de Kouoptamo.
82
CONCLUISON GENERALE
Le pays Bamoun, pays de contraste et de richesse culturelle,
concentre une histoire riche et très profonde. Les structures
foncières y sont très anciennes et ont une tendance actuelle au
dépassement. Celles-ci se complexifient davantage avec la
création par les colons français, des grandes plantations qui
entraina non seulement l'introduction d'un titre foncier comme garant de la
propriété foncière, mais aussi et surtout aura
drainé d'importantes masses de populations des hautes de l'Ouest et du
Nord-Ouest en particulier vers le plateau Bamoun qui se situe juste en
contrebas de celles-ci et donc sujette à l'envahissement.
Les conséquences sont sans précédents :
passage immédiat d'une situation d'un territoire vide à une
concertation sur les pleins, réduction des jachères vue que la
brousse est finie. Les multiples conflits fonciers à caractères
sanglants ainsi que les multiples pertes en vies humaines recensées sont
autant de preuve qui témoignent en faveur du fait que La cohabitation de
plusieurs communautés aux intérêts
hétéroclites sur un même espace est très difficile
dans ce contexte.
Le cas de la C.O.C n'en n'est pas un cas isolé. En
effet, la superposition de plusieurs sources du droit (traditionnel, moderne,
positif) sur cet espace, non pas de structurer et de règlementer
l'acquisition foncière ici, ont entrainé le
dépérissement de cette plantation agricole à
caractère industrielle. La reprise par les nationaux de ce domaine, a
suscité plusieurs questionnements et font dorénavant de cette
plantation, un lieu, une arène perpétuelle d'affrontement et de
tension entre les différents acteurs, confirmant la première et
la deuxième hypothèse de recherche selon laquelle :
« L'absence de clarification claire, des droits d'accès
et d'usage au moment de l'implantation des paysans explique en partie les
conflits observés »
En définitive, la question du foncier dans les
anciennes plantations coloniales au Cameroun aura eu pour étude cas
celle de la C.O.C. il est très embarrassant, car nous laisse entrevoir
une compagnie agricole à l'abandon, un potentiel agricole quasi
inefficient, où des acteurs du jeu foncier s'affrontent tel une
arène, avec des logiques d'acquisitions foncières
différentes : Quel avenir pour les ruralités Camerounaises ?
D'autant plus que tous les discours politiques sont à la promotion et
à la vulgarisation de ce secteur d'activité.
Que ce soit l'Etat, les instances traditionnelles ou les
paysans, tous ont une logique convergente, celui du contrôle de
l'accès à la terre. Il s'agit ici dans ce No man's Land non
83
pas seulement des rapports fonciers au premier sens agricole,
mais des rapports de pouvoirs entre les différents acteurs.
Les réalités foncières actuelles, dont la
tendance est à l'aggravation des problèmes fonciers, constituent
une source d'inquiétudes pour la paix sociale et pour le
développement locale. Une urgence s'impose face à cette situation
: trouver des solutions aux problèmes fonciers actuels afin de
libérer davantage les acteurs locaux des contraintes que constituent les
diverses formes d'insécurité foncière. Mais la voie pour y
arriver ne semble pas si évidente quand on se trouve à une
échelle locale dont les faits sont aussi diversifiés que
contrastés, c'est-à-dire une multitude d'acteurs avec de
multiples pratiques parfois opposées. Les solutions proposées par
l'Etat très souvent se retrouvent inefficaces et incapable de garantir
une sureté foncière à tous. La décentralisation
bien qu'effective au Cameroun, tarde encore à s'affirmer. En effet, du
fait du pluralisme institutionnel des organes étatiques, la
résolution des conflits et litiges fonciers devient difficile. Face
à tous cela donc, les solutions sont à inventer par les
différents acteurs selon leurs logiques d'actions.
Quelle peut être la suite de ce présent
travail ?
Ce travail de recherche réalisé dans le cadre
d'un Master 2 recherche en géographie mérite d'être
approfondi dans le cadre d'une thèse et cela pour un certain nombre de
raisons. En effet, les thématiques du foncier et de la
sécurisation foncière des acteurs ruraux est d'actualité
aussi bien à l'échelle mondiale qu'à l'échelle du
Cameroun. Les évolutions de réalités agro foncières
en milieu rural au Cameroun détermineront l'avenir du pays.
Il est pertinent de poursuivre la recherche sur le foncier et
la sécurisation foncière en faisant le lien étroit avec le
nouvel ordre administratif que constitue la mise en oeuvre de la
décentralisation au Cameroun. Mais au regard des limites que
représente le fait de circonscrire l'investigation sur des questions
dont les implications débordent les limites administratives communales,
il paraît plus approprié d'élargir le champ d'étude
à toute la région agro foncière du pays Bamoun,
particulièrement de voir la situation foncière dans les autres
plantations en vue de rendre compte des enjeux en oeuvre.
84
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96
ANNEXES
97
Annexe 1 : chronologie des rois de la dynastie
Bamoun
Annexe 2 : carte de localisation du pays Bamoun
(Noun)
98
99
Résumé
Le pays Bamoun est de loin la fraction du territoire
camerounais possédant le plus grand nombre de plantations
coloniales, à savoir dix-sept au total. En effet, sous l'administration
coloniale française, des vastes plantations avaient
été créées, ceci dans le but de limiter de limiter
les importations de la métropole française en
café venu d'Arabie. Ainsi fut créé la C.O.C. la plus
grande des plantations coloniales créées sur ce territoire
(2400 ha), un No Man's Land. Une plantation coloniale à
caractère industrielle dont la belle part revenait au déploiement
de la caféiculture. Brassé dans un cortège et
une atmosphère juridique, liés en parties à la
juridiction en vigueur dans la métropole du pays
administrateur, les titres fonciers de la C.O.C qui, jusqu'en 1937
n'était encore qu'un bail emphytéotique, furent établis.
Or cependant, en 1974, juste 14 ans après
l'indépendance du Cameroun, arrive l'ordonnance n° 074/1 du 6
juillet 1974, relatif au régime foncier et à
l'immatriculation des terres. Il est très claire : les
étrangers n'ont pas le droit d'avoir des titres fonciers au
Cameroun, ils peuvent tout au plus avoir des espaces du domaine
national en baux emphytéotiques''. Cette même ordonnance laissait
une durée de 10ans à tous les titres fonciers qui
avaient été établit bien avant celle-ci, de se conformer
à la nouvelle règlementation en vigueur. Or, les
colons français ont plié l'échine puis ont vendu les
titres fonciers de la C.O.C. : un certain Jean Fochivé,
ayant repris le domaine en 1974, jusqu'aujourd'hui le l'a jamais
fait. Mieux encore, il prévaut de nos jours une insécurité
foncière accrue à la C.O.C et ses environs, car la
création des plantations coloniales en pays Bamoun avait
nécessité le recrutement par l'administration coloniale à
travers l'ORT, d'une main servile dans les hauts plateaux
Bamilékés déjà très surpeuplés
d'Hommes vers la rive gauche du Noun presque vide d'Hommes. Ces
ouvriers ne sont plus jamais rentrés dans leurs zones d'origines
et aujourd'hui réclament tout aussi les mêmes droits
d'accès et d'usage sur la terre que les autochtones Bamouns.
Or la tradition Bamoun est très claire en ce qui concerne l'accès
à la terre des étrangers : « le roi
est le gardien et le garant de la gestion et de la distribution des
terres auprès des populations. Aucun individu ne peut y
réclamer un quelconque droit sans que le roi ne lui en ait
concédé... » . Ce travail essaye de faire une
clarté sur le devenir des titres fonciers
hérités de la colonisation mais aussi met en exergue les
stratégies paysannes d'accès et de contrôle de
la terre tout autour et dans les plantations coloniales du pays Bamoun,
en particulier la C.O.C.
Mots clés : foncier - titre
foncier - plantation coloniale - stratégies
d'accès et de contrôle-paysans - pays Bamoun.
100
Summary
Bamun the country is by far the fraction of Cameroonian
territory with the largest number of colonial plantations, namely seventeen in
total. Indeed, under the French colonial administration, vast plantations were
created, with the aim of limiting to restrict imports of the French metropolis
coffee from Arabia. Thus was created the COC largest colonial plantations
established in that territory (2400 ha), a No Man's Land. A colonial plantation
industrial character which showcases returned to the deployment of coffee
growing. Brewed in a procession and legal atmosphere, related parties in the
jurisdiction in force in the metropolis of the country director, land titles of
the COC, which until 1937 was still a long lease, were established. Now,
however, in 1974, just 14 years after the independence of Cameroon, arrives
Ordinance No. 074/1 of 6 July 1974 on land tenure and land registration. It is
very clear: " foreigners do not have the right to have land titles in Cameroon;
they can at most have national domain space by long leases'. This same
ordinance allowed a period of 10 years to all land titles that were established
long before it, to comply with the new regulations. However, the French
settlers caved then sold the land titles of the COC: a certain Jean
Fochivé, having taken the field in 1974, until today the ever did.
Better yet, it prevails today increased land insecurity in the COC and its
surroundings since the creation of the colonial plantations in Bamun country
had required the recruitment by the colonial administration through the ORT, a
slave labor in Bamilékés high plateaus already overcrowded Men to
the left bank of the Nun almost empty of men. These workers are never returned
to their areas of origin and are now demanding the same rights as all access
and use of the land as indigenous Bamouns. Or the Bamun tradition is very clear
with regard to access to land foreigners, "the king is the custodian and
guarantor of management and land distribution among populations. No individual
can claim any rights there without the king has not conceded ... This work
tries to make clarity on the future land titles inherited from colonization but
also highlights farmers' strategies to access and control of land around and in
the colonial plantations of Bamun countries, particularly the COC
Keywords: land - land title - colonial plantation - access
policies and control-farmers - Bamun country.
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