1
Sommaire
REMERCIEMENTS 2
? INTRODUCTION 3
I. L'ASSOMPTION AU XVIIe SIÈCLE 6
a. Les origines de la croyance 6
b. L'Assomption dans les textes du XVIIème
siècle. 11
c. Des écrits aux oeuvres figurées :
iconographie de l'Assomption. 19
II. L'ART EN PROVENCE, LES REPRÉSENTATIONS DE
L'ASSOMPTION. 26
a. L'Assomption en France, règlements
académiques et préceptes ecclésiastiques. 26
b. La Provence au XVIIème siècle, une
région prolifique. 31
c. Les oeuvres attribuées, la tradition iconographique
de l'Assomption en Provence. 39
III. RECENSEMENT ET TYPOGRAPHIE. 62
a. Analyse des oeuvres anonymes. 62
b. La question des copies. 71
c. Un mode de représentation privilégié
? 76
? CONCLUSION 82
BIBLIOGRAPHIE 86
2
REMERCIEMENTS
?
Je souhaiterais avant tout adresser mes remerciements
à
Magali Théron, qui m'a transmis il y a quelques
années déjà, sa passion pour la peinture du
XVIIème siècle.
Mme Masson-Lautier et Brigitte Fournel de l'Inventaire
général du patrimoine culturel à
Marseille,
Mr Blachon, responsable du centre aixois des Archives
départementales,
Éric Vieux du Service Culture et Patrimoine de Grimaud,
et
le Point Infos de la mairie de Grillon, pour leur aide
précieuse et leur gentillesse.
Marie-Claire, Thierry et Danielle pour leur aide et leur
réactivité.
Cédric, Sandra,Léon, Geneviève, Manon, et
Carolina pour leur soutien et leurs mots
réconfortants.
Ma mère et mon beau-père pour leur talent de
photographe.
Et Charlie.
3
? INTRODUCTION.
« En ce jour, en ce moment la laideur et la figure de la
mort furent effacées en ce corps, et il fut revêtu de gloire, et
l'âme y étant réunie, fut comblée de la joie
nouvelle et ineffable de la béatitude consommée ; le lieu du
sépulcre en terre fut parfumé d'une suave odeur, et la Cour
céleste qui assistait à cette fête en reçut
communication de joie, et toute la maison de Dieu, c'est-à-dire,
où l'Église qui triomphe au Ciel, où celle qui combat en
terre, fut remplie de l'odeur du précieux parfum qui se répandait
de l'âme et du corps de Marie en sa Résurrection (...) »1
Ces quelques lignes de l'ouvrage du père Bourgoing
publié au milieu du XVIIème siècle,
décrivent en termes élogieux la fin de la vie terrestre de la
Vierge. Cette vision heureuse est générale au royaume de France,
et se traduit en peinture par la profusion des oeuvres dédiées
à l'Assomption. Ce thème met en scène la
résurrection au ciel de la Vierge. Cette figure maternelle et
bienveillante est presque absente du Nouveau Testament. Elle
bénéficie pourtant au sein du culte chrétien d'un
rôle prépondérant et multiple. Cette place
privilégiée, si elle n'a pas été instaurée
par les textes bibliques, s'est construite à partir du VIIème
siècle en parallèle d'une culture orale et littéraire.
Le XVIIème siècle français
hérite de l'histoire du culte, et de ses représentations, celle
du Moyen-âge et des grands modèles de la Renaissance italienne. Si
le thème est largement illustré par les oeuvres parisiennes,
qu'en est-il de la province ? Cette étude s'éloigne de la
capitale pour se pencher sur une région qui connait au Grand
Siècle une activité artistique foisonnante. La Provence
possède une histoire riche qui façonne son identité
dès l'Antiquité. Elle se révèle être au
XVIIème siècle un territoire aux multiples facettes.
Les représentations de l'Assomption y trouvent une place de choix au
sein des édifices religieux. Mais pour aborder
1BOURGOING, François, Les
Vérités et excellences de Jésus Christ N. S.
communiquées à sa sainte mère, et aux saints :
disposées par méditations sur les mystères et fêtes
de la Sainte Vierge & des saints, Quatrième et
dernière partie, Lyon, 1649, p.225.
4
cette production artistique spécifique, il parait
essentiel de ne pas l'isoler du contexte historique et religieux de la
Provence.
Les oeuvres qui composent notre catalogue sont issues d'un
territoire vaste, tel que nous le connaissons aujourd'hui sous l'appellation
Provence-Alpes-Côte d'Azur. Le choix de ce périmètre, qui
englobait au XVIIème la Provence, le Dauphiné au Nord
et le comtat Venaissin à l'ouest, permet de mieux comprendre l'histoire
de la région mais surtout de bénéficier d'une vision
d'ensemble de la production. L'objectif étant de constituer un panel
d'oeuvres suffisamment conséquent pour permettre de répondre au
mieux à l'interrogation posée par cette étude :
pouvons-nous déceler un mode de représentation
privilégié de l'Assomption en Provence ? Il convient cependant de
préciser que l'ensemble de ces oeuvres, sont pour la moitié
anonymes. Elles reflètent néanmoins la société pour
laquelle elles étaient destinées.
Notre développement s'inscrit dans une
continuité. C'est pourquoi il nous a semblé pertinent de nous
attarder dans un premier temps sur l'aspect théologique et
littéraire de l'Assomption, afin de mieux comprendre sa résonance
au XVIIème siècle. De la même façon, la
tradition iconographique générale du thème sera
explicitée, tout comme l'histoire singulière de la région.
Lorsque nous avons considéré ces aspects fondamentaux du sujet,
il nous est apparu plus aisé de nous pencher sur l'étude de notre
catalogue d'oeuvres attribuées et anonymes. Cette analyse chronologique,
bien qu'elle ne soit pas exhaustive, tend à rendre compte d'une facette
de l'histoire artistique qui semble propre à la Provence. Enfin nous
nous attacherons à expliciter les caractéristiques de cette
production dédiée à l'Assomption, notamment au travers de
la société qui apparaît particulièrement
importante.
Avant de continuer, nous souhaitons toute de même
signaler les quelques difficultés rencontrées, relatives à
l'étude de ces oeuvres régionales. Leur recensement a mis
à jour des
conditions de conservation in situ qui parfois posent
problème pour une bonne analyse de ces toiles. Nous pensons en premier
lieu à la hauteur à laquelle se trouvent parfois les oeuvres, peu
visibles et difficiles à photographier mais aussi à la noirceur
et les manques2de certaines. Enfin, le domaine de recherche que
constitue la peinture en Provence au XVIIème siècle
reste ouvert et demandera de nombreuses années avant d'être
révélé dans son ensemble riche de diversité.
5
2 Lacunes, pertes de matière picturale.
6
I. L'ASSOMPTION AU XVIIe SIÈCLE
a. Les origines de la croyance
Si l'Assomption de la Vierge Marie est aujourd'hui
associée à la fête du 15 Août, il est important de
rappeler son officialisation tardive. C'est en 1950 que le pape Pie XII
proclame le dogme3 de l'Assomption4.
Avant de tenter de reconstituer les origines de la croyance,
nous pouvons nous poser la question suivante : à quelle époque la
Vierge Marie est-elle devenue la Sainte Vierge ? L'homologation des saints nous
amène au IIème siècle avec le culte des
martyrs. Il faudra attendre le début du Vème
siècle pour voir émerger à Constantinople le culte des
saints non martyrs5, et donc celui de la Sainte Vierge. C'est au
même moment que l'on commence à rendre hommage et à
célébrer la naissance de la Vierge au ciel, sans pour autant
mentionner une assomption ou même une dormition.
C'est au début du VIème siècle
que la foi des fidèles en l'Assomption de Marie est attestée : il
s'agit d'une tradition longue, difficile à reconstituer, car au
même titre que le début de la vie de Marie, sa mort est
dénuée de toute documentation, que l'on pourrait
considérer comme « historique ».
Cependant plusieurs ouvrages nous en livrent la croyance la
plus ancienne connue à ce jour. Les transitus
apocryphes6 aussi appelés Dormitio
Mariae7sont datés du VIème
siècle mais pourraient être le résultat écrit d'une
tradition plus ancienne, une tradition orale et vivante de l'Église.
Dans ces textes la fin de la vie de Marie est décrite de plusieurs
façons : la plus
3 Un dogme signifie l'acceptation d'un épisode
comme vérité de la foi par l'Eglise catholique.
4 Le 1er novembre 1950 le pape Pie XII
promulgue le Munificentissimus Deus, un dogme définissant l'Assomption
de Marie.
5 C'est au début du Ve siècle que les
ermites du désert, et d'autres fidèles du dévouement
total, furent reconnus pour leur sainteté héroïque, ils sont
alors vénérés dès leurs morts, et l'on
célèbre leur nouvelle naissance au ciel.
6 Littéralement les apocryphes du «
transfert» : certain textes sont partiellement conservés en grec,
mais il existe des versions plus complètes en éthiopien. Il est
attesté par plusieurs auteurs contemporains, dont René Laurentin,
que ces textes n'ont aucun fondement historique, ils sont l'illustration
par un récit concret de la haute idée qu'on se fait de la fin de
Marie, avec des modalités plus glorieuses encore que celles des martyrs
reconnus saints dès le IIe siècle. (LAURENTIN, René,
Vie authentique de Marie, L'oeuvre éditions, Paris, 2008.
7Dormitio Mariae signifie « la dormition de Marie
».
7
courante décrit les apôtres réunis,
l'âme de la Vierge puis son corps8 rejoignent Jésus
Christ au ciel, avec l'aide ou non des anges. Jamais reconnus par
l'Église car dépourvus de fondements « historiques »,
ces écrits ont néanmoins le mérite de constituer la
première attestation de la foi en l'Assomption au sein du peuple
chrétien, qui l'acceptait déjà comme
vérité.
Un siècle plus tard ces textes
bénéficieront d'un succès important qui encourage leur
diffusion. En réaction l'empereur byzantin Maurice
1er9instaure10 un jour de fête et de repos, le 15
Août, en l'honneur de la Dormition de la Vierge Marie.
Cet évènement marque le début d'une
réflexion théologique plus poussée sur la place de la
Vierge Marie dans le culte et la vie des croyants. L'Assomption
bénéficie alors d'un climat apaisé et c'est ainsi que se
développe en Orient comme en Occident les premières
homélies11 qui accompagnent l'accroissement des
célébrations liturgiques.
Parmi les nombreuses homélies nous pouvons relever
celle de Modeste de Jérusalem12, particulièrement
importante de par son ancienneté mais aussi pour son rôle dans
l'assimilation de cet épisode comme vérité. En 629, soit
quelques décennies après la proclamation de la fête du 15
Août par l'empereur Maurice 1er, saint Modeste devient le
patriarche de Jérusalem. Il consacre une homélie à la
Dormition de Marie, et dans ce sens, est le premier à affirmer sans
hésitation la vraisemblance de ce passage. Ce récit nous est
connu par le témoignage de Photius13, qui aurait lu cette
homélie dans un manuscrit où elle est attribuée à
Modeste de Jérusalem. Malgré ces problèmes d'attribution,
il s'agit d'un récit important, le premier parmi
8 Il est important de remarquer que dans les
apocryphes, l'assomption de l'âme est suivie de l'assomption du corps.
Bien plus tard les écrits décrivent que l'âme et le corps
de Marie seront emportés simultanément au ciel. Mais les premiers
écrits explicitent donc par l'emploi de ce terme dormition, que la
Vierge est bien morte avant d'être enlevée (ou
élevée) au ciel.
9 L'empereur byzantin Maurice 1er
(539-602) règne de 582 à 602. L'historien byzantin Theophylactus
Simocatta nous en livre les dates dans son ouvrage du VIIème
siècle.
10 Entre 582 et 602.
11 Une homélie est un sermon prononcé
par le prêtre.
12 Notons que l'attribution de cette homélie
est aujourd'hui contestée, voir JUGIE, Martin, Deux homélies
patriotiques pseudépigraphes : Saint-Athanase sur l'Annonciation ;
Saint-Modeste de Jérusalem sur la Dormition, In: Échos
d'Orient, tome 39, N°199-200, 1941, pp. 285-289.
13 Photius (810 env. - 895 env.) fut patriarche de
Constantinople de 858 à 867 puis de 877 à 886.
8
ceux des Pères grecs, à affirmer et glorifier
l'Assomption de la Vierge. Cette homélie se détache aussi par son
contenu doctrinal particulièrement explicite, qui sans détour
aborde le mystère qui englobe la fin de la vie de Marie. Ainsi selon
Modeste de Jérusalem, le corps et l'âme de la Vierge
s'élèvent dans la gloire. Il affirme que Marie devait être
semblable à son Fils, qui l'a lui-même ressuscitée, son
corps virginal n'ayant pas connu la corruption. Cependant l'auteur ne cherche
pas à combler le mystère qui englobe la mort et l'Assomption de
Marie. Il se contente de la présenter comme une vérité
vraisemblable. La signification du dénouement de la vie de la Vierge
revêt un caractère particulier dans cette homélie : elle
aurait une fois au ciel le rôle de médiatrice en faveur des
hommes14.
Une autre homélie est à rapprocher de celle-ci
car aussi datée du VIIème siècle. Elle est
attribuée à Jean de Thessalonique15. Composée
à l'occasion de l'introduction de la fête de l'Assomption en
Thessalonique, elle n'est cependant pas une homélie pour la fête.
Contrairement à Modeste de Jérusalem, l'auteur a largement
puisé son inspiration dans le Transitus Mariae, tout en
extrapolant son discours dans l'intention de le rendre vivant. Ce récit
visait probablement avant tout à instruire les fidèles, puisque
son historicité est remise en cause par l'emploi d'un registre
merveilleux et de dialogues vraisemblablement écrits de sa main.
Cependant on ne peut pas négliger la part de l'homélie de Jean de
Thessalonique dans la tradition de l'Assomption.
En effet les orateurs qui lui succèdent s'en inspirent,
y trouvant une source épurée, plus aisément maniable que
les apocryphes.
14 « Dieu préserve vraiment de toute affliction ceux
qui reconnaissent Marie Mère de Dieu : il t'a emmenée près
de lui pour que tu puisses intercéder avec nous », Modeste de
Jérusalem, Homélie sur l'Assomption, 10, PG 86 ,2,3301 C.
15 Jean de Thessalonique fut nommé patriarche
de Thessalonique en 605.
9
Parmi les grands orateurs du VIIIème
siècle qui ont consacré une homélie à l'Assomption
de la Vierge nous trouvons Germain de Constantinople16, que nous
pouvons citer :
« Tu apparais, comme il est écrit, en splendeur ;
et ton corps virginal est entièrement chaste, entièrement la
demeure de Dieu ; de sorte que, de ce fait, il est ensuite exempt de tomber en
poussière ; transformé dans son humanité en une sublime
vie d'incorruptibilité, vivant lui-même et très glorieux,
intact et participant à la vie parfaite. »17.
André de Crète18 et Jean de
Damas19, pour ne citer que les plus connus, ont aussi
consacré une homélie à la Vierge. Ces auteurs
dédieront une plus grande part aux influences apportées par les
récits apocryphes, rendant leurs homélies contestables sur le
plan historique.
C'est également au VIIème
siècle que l'Assomption, d'abord appelée Dormition de Marie, se
répand en Occident. Le pape Théodore20, originaire de
Constantinople, apporte avec lui cette fête à Rome. Le
siècle suivant voit cette commémoration se répandre un peu
partout en Occident, et c'est au IXème siècle que
l'Assomption est ordonnée à la totalité de l'Empire
Franc.
En effet le Concile de Mayence21, qui eut lieu le
huit juin de l'an 813 dans le Cloître de l'Eglise de Saint-Alban, affirma
cinquante-cinq Canons22dont une liste de fêtes imposant le
repos des fidèles. Parmi celles-ci nous trouvons l'Assomption de Sainte
Marie, ce qui officialise la place de cette fête dans le culte
catholique.
16 Il fut patriarche de Constantinople de 715 à
730.
17 Extrait tiré de St GERMAIN DE
CONSTANTINOPLE, Sermon I In Dormitionem Deiparae ; Patrologie grecque
98, col, 345-348, In BUR, Jacques, Pour comprendre la Vierge
Marie, les éditions du Cerf, Paris, 1992.
18 André de Crète fut engagé
contre l'iconoclasme, il quitta sa ville d'origine, Damas, pour Constantinople,
et fut donc contemporain de Germain de Constantinople.
19 Jean de Damas ou Jean Damascène (676-749)
fut un théologien de l'Eglise catholique, il est l'auteur de trois
homélies sur la Dormition de la Vierge. Voir JUGIE, Martin, Analyse
du discours de Jean de Thessalonique sur la Dormition de la Sainte Vierge,
In: Échos d'Orient, tome 22, N°132, 1923. pp. 385-397.
20Le pape Théodore est élu en 642 et
siègera jusqu'à sa mort en 649.
21 Voir LONGUEVAL, Père Jacques, Histoire
de l'Eglise Gallicane, Tome IV, Paris, 1733.
22 Les Canons de l'église catholique
constituent l'ensemble des lois ecclésiastiques concernant la foi ou la
discipline religieuse. Ces textes juridiques font obligation aux
chrétiens d'adhérer, dans la foi, aux vérités
proposées par le Magistère de l'Eglise.
10
Il semblerait que durant tout le Moyen-âge la tradition
de l'Assomption persiste sans réels heurts, puisqu'aucun
évènement ne vient perturber cette croyance. Néanmoins il
est important de rappeler la différence entre le culte catholique et le
culte protestant concernant cet épisode. Dans les premiers temps la
nuance réside dans l'utilisation des termes Assomption et Dormition.
Comme nous l'avons vu, le culte catholique reconnut très tôt
l'idée du corps incorruptible de la Vierge, et donc de ce fait son
élévation au ciel, corps et âme, d'où le terme
« Assomption », du latin assumptio qui signifie l'action de
prendre.
Chez les protestants, la Dormition vient de dormitio,
l'action de dormir, le sommeil. L'accent est avant tout porté sur
la mort de la Vierge Marie, une mort douce comparable à un
endormissement.
Cependant les deux visions se rejoignent dans la croyance en
un dénouement glorieux de la vie terrestre de Marie.
Les protestants croient également en
l'élévation de la Vierge. Son fils le Christ serait
lui-même venu chercher l'âme de sa mère. C'est une
différence qui se retrouve avant tout dans les premières
représentations de cet évènement23.
Au-delà de l'étymologie de ces deux termes, la
principale dissonance entre les deux cultes se retrouve dans l'acceptation de
l'Immaculée Conception. Les protestants la réfutent, tandis que
les catholiques s'y appuient en partie pour expliquer l'Assomption de Marie. En
effet, comme nous l'avons déjà vu, le culte chrétien
considère que son corps est resté intact, qu'il n'a pas connu la
corruption ni le péché. C'est pourquoi la Vierge ressuscite corps
et âme. Les fidèles de confession protestante, même s'ils ne
rejettent pas l'idée de l'Assomption de la Vierge, ne la fêtent
pas, car pour eux, le problème réside dans l'absence de textes
bibliques sur le sujet. Durant les siècles suivants le terme «
Dormition » est moins utilisé, pour presque disparaitre au profit
de celui de l'Assomption.
23 Voir I.) c. de mémoire.
11
b. L'Assomption dans les textes du XVIIème
siècle.
La fin du XVIème siècle marquée par les
guerres de religion puis par une période de paix24, permet au
culte marial de s'épanouir après les dommages causés par
le protestantisme25.
Ce que l'on appelle la « contre-réformation
»26 catholique du début du XVIIème
siècle favorise l'exaltation des fêtes liturgiques
dédiées à la Vierge, dont l'Assomption. L'Église
devait réaffirmer la dévotion à Marie auprès des
fidèles, par des processions, des pèlerinages, et une importante
solennité lors des fêtes mariales.
Ce redoublement d'efforts fut gratifiant puisque, outre la
famille royale, le peuple fut très réactif à
l'intensification du culte de la Vierge, culte qui touche notamment de nombreux
philosophes et poètes, tels que René Descartes et Pierre
Corneille pour ne citer que les plus connus27. Il en est de
même parmi les proches de Louis XIII, en la personne du dramaturge Jean
Desmarets de Saint-Sorlin, qui traduit l'Office de la
Vierge28 en 1645. Plus tard, Pierre Corneille traduit les
Louanges à la Vierge29 puis à son tour en
1670 la totalité de l'Office de la Vierge.
Ces ouvrages trouvent un vif succès, en
témoignent les rééditions successives : la traduction de
Jean Desmarets est par exemple rééditée à deux
reprises, en 1647 et en 1674. La dévotion qui entoure le culte de la
Vierge et celui de l'Assomption en particulier se mesure plus
précisément par l'abondance de la littérature religieuse
qui s'y consacre. Ces écrits dès les premières
décennies du XVIIème siècle contribuent
largement au rayonnement de ce culte et de
24 L'Édit de Nantes fut prononcé le
13 avril 1598 sous le règne d'Henri IV, il amorce une période de
paix. En 1685 Louis XIV le révoque avec l'Édit de Fontainebleau
(18 octobre 1685).
25 De nombreux sanctuaires consacrés
à la Vierge Marie furent détruit par les protestants durant les
guerres de religion.
26FLACHAIRE, Charles, La Dévotion à
la Vierge dans la littérature catholique au commencement du XVIIe
siècle, Ernest Leroux éditeur, Paris, 1916, p.2.
27 Jacqueline Pascal, Thomas Corneille et Pierre
Marbeuf ont aussi consacré plusieurs écrits à la Vierge.
28DESMARETS DE SAINT-SORLIN, Jean, L'office de la vierge Marie,
mis en vers avec plusieurs autres prières, Paris, 1645.
29 Les Louanges à la Vierge sont
attribuées Saint Bonaventure (1217-1274) qui fut docteur de
l'Église catholique.
12
la fête du 15 Août. Saint François de
Sales30 dès 1618 publia un Sermon pour le jour de
l'Assomption31. Son discours, comme pour assoir un peu plus le
culte catholique, met en avant le parallèle entre l'Immaculée
conception et l'Assomption32. Parmi les nombreux ouvrages
consacrés à la Vierge, Saint François de Sales se
démarque par l'austérité de son écriture, avant
tout destinée à faire croître la vertu chez les
fidèles. Ce souci d'instruction morale fait aussi écho à
un autre type de littérature religieuse qui se développe
simultanément, en particulier chez les Jésuites. Ces
écrits ont pour vocation de s'adresser aux fidèles en faisant
appel à leur imagination et leur sensibilité. En
littérature cette tendance se traduit par de nombreuses
interprétations allégoriques, souvent accompagnées de
démonstrations de tendresse et une dévotion exacerbée.
Mais c'est pour ces mêmes raisons que ce courant littéraire trouve
aussi aisément un public, la liberté de style employée
dans ces ouvrages les rendant particulièrement accessibles.
A l'exact opposé, un courant littéraire
religieux empreint de théologie mystique aborde également le
culte marial. Ce sont des ouvrages destinés aux plus pieux
fidèles, qui cherchent avant tout une piété austère
et de ce fait exemplaire. Pour exemple nous pouvons citer le cardinal Pierre de
Bérulle33dont les textes mettent en oeuvre un style complexe,
que l'on peut qualifier de baroque par la multitude des effets utilisés.
Dans le Discours de l'état et des grandeurs de Jésus
(...)34, il y aborde l'Assomption en débutant son
raisonnement par le lien entre la fin de la vie de Marie et le mystère
de l'Incarnation35, duquel découle toute son
30 François de Sales (1567-1622) fut
évêque de Genève de 1602 jusqu'à sa mort. Il est le
fondateur de l'ordre de la Visitation, et un proche de Louis XIII.
31SALES, François de, Sermon pour le jour
de l'Assomption, Paris, 1618.
32 « Il y a quantité de très belles et utiles
considérations à faire sur ce sujet ; mais je me restreins
à n'en dire que deux : La première est, savoir comment cette
glorieuse Vierge reçut Notre-Seigneur dans ses chastes entrailles
lorsqu'il descendit du ciel en terre : et l'autre, comment Notre-Seigneur la
reçut lors qu'elle quitta la terre pour aller au ciel. », SALES,
François de, Sermon pour le jour de l'Assomption, Paris, 1618,
p.330.
33 Pierre de Bérulle (1575-1629), fut
nommé cardinal en 1627 par le pape Urbain VIII. Il fonde en 1611 la
Société de l'Oratoire, pendant français de la
Congrégation de l'Oratoire fondée à Rome en 1575.
34BÉRULLE, Pierre de, Discours de
l'état et des grandeurs de Jésus, par l'union ineffable de la
Divinité avec l'humanité, et de la dépendance et servitude
qui lui est due et à sa très-sainte mère, en suite de cet
état admirable, A Estiene Éditeur, Paris, 1623.
35 D'après la théologie
chrétienne le mystère de l'Incarnation est l'action suivant
laquelle le verbe de Dieu se serait matérialisé en
Jésus-Christ, sous la forme d'un homme, pour accomplir sa mission
salvatrice.
13
analyse : la Vierge était prédestinée
à recevoir de glorieux privilèges, dont celui de sa montée
au ciel.
Nous pouvons associer les écrits de Pierre de
Bérulle à ceux du prêtre François
Bourgoing36, qui lui aussi dédie un long récit
à la Vierge. Bourgoing privilégie cependant un langage moins
austère pour davantage exalter l'image même de Marie.37
En s'appuyant sur l'Ascension du Christ, il donne l'explication du triomphe de
la Vierge :
« Il38 était semblable et imitait celui
de l'Ascension de Jésus son fils, avec ses différences ; l'un
s'appelle Ascension, et l'autre Assomption, parce que Jésus ressuscita
et monta par sa propre vertu, mais Marie par la puissance de son fils, c'est
pourquoi elle a été prise et enlevée au ciel(...)
»39
Le début du XVIIème siècle est
marqué par cette multitude d'ouvrages consacrés au culte marial,
cette littérature participant activement à son progrès et
à son épanouissement, dont celui de l'Assomption. Comme nous
l'avons précédemment souligné, la volonté de
l'Église catholique est avant tout de renouveler la foi et la
piété propre au catholicisme, en réaction au
protestantisme.
Mais il ne s'agit que d'un élément qui explique
une telle abondance d'écrits dédiés à Marie : il ne
faut pas oublier de percevoir la manifestation d'un sentiment religieux propre
à une époque, au XVIIème siècle.
36 François Bourgoing (1585-1662), s'associe
avec six autres prêtres au cardinal Pierre de Bérulle dans la
création de la Congrégation de l'Oratoire.
37« Oh chaste et virginal corps de Marie, le plus pur, le
plus saint, le plus beau et glorieux du Paradis après celui de
Jésus, et par-dessus tous les corps glorifiés des Saints. »,
BOURGOING, François, Les Vérités et excellences de
Jésus Christ N. S. communiquées à sa sainte mère,
et aux saints : disposées par méditations sur les mystères
et fêtes de la Sainte Vierge & des saints, Paris, 1634, p.39.
38 Le triomphe de l'Assomption de Marie.
39BOURGOING, François, Les
Vérités et excellences de Jésus Christ N. S.
communiquées à sa sainte mère, et aux saints :
disposées par méditations sur les mystères et fêtes
de la Sainte Vierge & des saints, Paris, 1634, p.42.
14
La vie des fidèles est empreinte d'une
atmosphère mystique, particulièrement exacerbée au
début du siècle. Les ouvrages religieux ont donc pour mission de
livrer aux lecteurs un exemple parfait de piété, mais surtout
conforme aux conventions de la société.
Celle-ci va justement être marquée par un
évènement décisif dans la tradition du culte de
l'Assomption, faisant du Grand Siècle celui de l'apothéose des
arts consacrés à la Vierge. En effet c'est en 1638 que
l'Assomption devient une fête patronale en France par le voeu de Louis
XIII40.
Cette ordonnance prononcée par le roi est intimement
liée au contexte historique, mais surtout politique du royaume. Il est
important d'en rappeler les grandes lignes afin de comprendre la portée
de ce texte.
Après la régence mouvementée de Marie de
Médicis41, le début du règne de Louis XIII est
marqué par la relation conflictuelle qui le lie à sa
mère.
L'entrée, en 1624, de Richelieu42au Conseil,
sous l'impulsion de Marie de Médicis, sonne le retour de la lutte contre
les protestants mais aussi celle contre la noblesse, alors oublieuse de ses
devoirs. Les complots visant le cardinal de Richelieu continuent pourtant
à se répandre et visent parfois même le roi.
Au même moment, ce que nous appelons la guerre de Trente
Ans a déjà débuté43. La France prend
parti dans cette guerre en 1634, au côté des puissances
européennes protestantes, malgré la lutte contre les
hérétiques alors toujours en vigueur.
Louis XIII et Richelieu entendaient combattre la maison des
Habsbourg44, mais la France ne disposait pas d'une armée et
d'une marine suffisamment puissantes pour servir ce dessein.
40 Louis XIII (1601-1643) fils d'Henri IV et de Marie
de Médicis, fut roi de France de 1610 jusqu'à sa mort.
41 Marie de Médicis fut régente de
France de 1610 à 1614, date à laquelle Louis XIII est
déclaré majeur.
42 Richelieu fut le ministre de Concini, alors
favori de Marie de Médicis. Exilé en Avignon, Richelieu
bénéficie du soutien de la mère de Louis XIII pour entrer
au Conseil, en tant que premier ministre du roi.
43 La guerre de Trente Ans (1618-1648) oppose l'Eglise
catholique romaine (les Habsbourg d'Espagne et le Saint-Empire germanique) aux
Etats allemands protestants du Saint-Empire (auxquels se sont alliés les
Provinces-Unies et les pays scandinaves).
15
C'est en 1636 que Richelieu envoie une lettre à Louis
XIII, porteuse des prémices du voeu du roi de 1638,
particulièrement décisif dans l'affirmation de l'Assomption au
sein des fidèles du XVIIème siècle. Le cardinal
présente donc au roi la proposition suivante ;
« Rueil, 19 mai1636. On prie Dieu à Paris, par
tous les couvents, pour le succès des armées de votre
Majesté. On estime que si elle trouvait bon de faire un voeu à la
Vierge avant que ses armées commencent à travailler, il serait
bien à propos. On ne prétend pas que ce voeu soit de difficile
exécution. Les dévotions qui se font maintenant à
Notre-Dame de Paris sont très grandes ; s'il plait à votre
Majesté d'y donner une belle lampe et la faire entretenir à
perpétuité, ce sera assez et je me charge de faire
exécuter sa volonté en ce sujet. Un redoublement de
dévotion envers la mère de Dieu ne peut que produire de
très bons résultats. »45
Richelieu, dans cette courte lettre, propose au roi de faire
un voeu à la Vierge Marie ; pour cela, et probablement afin de lui en
faciliter l'exécution, il suggère au roi de faire brûler
une lampe en l'honneur de la Vierge, et lui en assure l'entretien par ses
soins.
Les mois qui suivent cet échange46, plongent
les parisiens dans la tourmente avec l'avancée des troupes Espagnoles en
Picardie et la prise de Corbie (dans la Somme) en Août 1636.
Peu de temps après, le cardinal de Richelieu mobilise
le peuple de Paris depuis l'hôtel de ville, avec succès puisque
les volontaires, les armes et l'argent affluent de toutes
parts47.
44 Ou Maison d'Autriche, d'où sont issus les
empereurs de l'Empire d'Autriche, du Saint-Empire romain germanique, et
plusieurs rois d'Espagne, du milieu du XVème au XVIIIème
siècle avec l'Empire austro-hongrois.
45VAULGRENANT, Maurice de, Le voeu de Louis
XIII, In: Revue d'histoire de l'Église de France, Tome 24,
N°102, 1938, p.49.
46 Le roi Louis XIII répond à la
lettre de Richelieu en déclarant que l'idée lui plait, et
s'assure de son exécution à deux reprises d'ici à la fin
du moi de mai.
47 Maurice Vaulgrenant qualifie cette affluence
d'hommes et d'argent de « magnifique élan de patriotisme ».
VAULGRENANT, Maurice, Le voeu de Louis XIII, In: Revue d'histoire de
l'Église de France, Tome 24, N°102, 1938, p.50.
16
L'armée royale française repousse les lignes
ennemies et siège devant Corbie, avant la capitulation de la ville en
novembre 1636.
Louis XIII, que nous savons très pieux48,
remercie Dieu pour cette victoire militaire, et c'est le Père
Joseph49 qui le premier suggère au roi de placer son
État et sa personne sous la protection de la Sainte Vierge.
L'élaboration du texte qui constituera le voeu de Louis
XIII, débute au début de l'année 163750 avec
l'aide de Richelieu.
C'est finalement le 10 février 1638 que le roi signe
l'ordonnance qui constitue une véritable affirmation du culte de la
Vierge et plus particulièrement de l'Assomption. Ci-après, les
extraits51 qui nous intéressent pour cette étude :
« A ces causes, nous avons déclaré et
déclarons que, prenant la très sainte et très glorieuse
Vierge pour protectrice spéciale de notre royaume, nous lui consacrons
particulièrement notre personne, notre État, notre couronne et
nos sujets, la suppliant de nous vouloir inspirer une sainte conduite et
défendre avec tant de soin ce royaume contre l'effort de tous ses
ennemis, que, soit qu'il souffre le fléau de la guerre, ou jouisse de la
douceur de la paix que nous demandons à Dieu de tout notre coeur, il ne
sorte point des voies de la grâce qui conduisent à celles de la
gloire ».
D'après ces mots nous pouvons voir ici un peu plus
qu'un voeu, mais bel et bien une consécration solennelle de la personne
du roi, de son royaume et de ses sujets à la Vierge.
48 Louis XIII a notamment assisté à
la pose de la première pierre de Notre-Dame des Victoires, et
effectué un pèlerinage à Notre-Dame des Vertus
d'Aubervilliers.
49 Le Père Joseph (ou François Leclerc
du Tremblay, 1577-1638) est un capucin, fondateur de la congrégation des
bénédictines de Notre-Dame du Calvaire (à influence
capucine et franciscaine). A partir de 1616 et jusqu'à sa mort il est
connu pour faire partie du cercle rapproché de Richelieu. Il lui apporte
son soutien (notamment dans la lutte contre le protestantisme), et ses
conseils, ce qui l'implique fortement dans la vie diplomatique et politique du
royaume.
50 Richelieu travaille à
l'élaboration de ce texte, ce qui est confirmé par une lettre de
la main de son secrétaire et corrigée par le cardinal.
Archives du ministère des Affaires
étrangères, France, 1637, septembre-décembre,
fol. 323 ; d'Avenel, Lettres..., t. V, p.908-912.
51 Le texte intégral est reproduit en
Annexe 16.
17
Plus loin, Louis XIII explicite les engagements qui vont de pair
avec cette consécration :
« Nous admonestons le sieur archevêque de Paris et
néanmoins lui enjoignons que, tous les ans le jour et fête de
l'Assomption, il fasse faire commémoration de notre présente
déclaration à la grande messe qui se dira en son église
cathédrale et qu'après les vêpres dudit jour, il soit fait
une procession en ladite église, à laquelle assisteront toutes
les compagnies souveraines et le corps de ville, avec pareille
cérémonie que celle qui s'observe aux processions
générales les plus solennelles. Ce que nous voulons aussi
être fait en toutes les églises tant paroissiales que celles des
monastères de la dite ville et des faubourgs, et en toutes les villes,
bourgs et villages dudit diocèse de Paris.
Exhortons pareillement tous les archevêques et
évêques de notre royaume, et néanmoins leur enjoignons de
faire célébrer la même solennité en leurs
églises épiscopales et autres églises de leurs
diocèses : entendant qu'à ladite cérémonie les
cours de parlement et autres compagnies souveraines et les principaux officiers
de la ville y soient présents. »52.
Le voeu de Louis XIII scelle en quelque sorte le devenir du
culte marial à Paris mais aussi dans toute la province. Cette nouvelle
impulsion de dévotion initiée par le roi lui-même se
traduit en littérature par une accentuation des excès dans les
ouvrages dédiés à la Vierge. Par l'annonce royale, la
glorification du personnage de la mère de Dieu ne pouvait que
s'intensifier.
Ainsi dans la deuxième moitié du siècle
les écrits sont empreints du voeu du Louis XIII mais toujours de
mysticisme, propre à cette époque, et qui conditionne
l'orientation, le sens même
52 Ce texte est d'une importance fondamentale puisque
d'un point de vue législatif il s'agit d'un acte officiel de premier
ordre, qui a été enregistré par le Parlement. Il figure
donc dans l'ouvrage d'Isambert, le Recueil général des
anciennes lois françaises, depuis l'an 420 jusqu'à la
Révolution de 1789, t. XXII (mai 1610 -mai 1643), Paris, 1829.
18
du récit. Il s'agit avant tout d'interpeler les
lecteurs, les fidèles, sans susciter chez eux de la peur car la figure
mariale permet de rassurer, par son rôle d'intercession53 .
C'est donc une Assomption aux multiples significations qui
émerge : la Vierge, peut-être par le manque de documents
pionniers, permet aux auteurs d'adopter une doctrine peu rigoureuse, où
l'imagination prend une place conséquente, orientée selon leurs
propres convictions. Jeanne de Sainte-Ursule dans le Journal des illustres
religieuses de l'ordre de Sainte-Ursule54 prête à
la figure de la Vierge de nombreuses attributions, et fait clairement appel
à la sensibilité des fidèles par un langage simple :
« Adorable Marie qui êtes la Reine de nos coeurs,
et la Maîtresse de nos affections, qui sait si la providence divine ne
vous a point élevée à la qualité de Reine, pour
vous opposer aux supplices qui menacent votre Nation en un temps si calamiteux.
Si vous possédez si glorieusement le titre de Reine des Anges, des
hommes, et des Démons, et de tous les Royaumes, permettez que je vous
dise, que vous l'êtes singulièrement du Royaume de France, pour
nous secourir en un temps si malheureux, auquel nos péchés
attirent les vengeances divines sur nos têtes ; en ce temps auquel la
vertu gémit de se savoir abattue au pied du vice, lorsqu'elle devrait
être victorieuse sur ses efforts. »55 .
Le rôle multiple de la Vierge est à son paroxysme
le jour même de son Assomption : cet évènement dans les
ouvrages religieux, pérennise en quelque sorte le rayonnement de cette
figure mariale. Elle est à la fois Vierge de miséricorde,
d'intercession, reine des pêcheurs, des saints et des anges, mère
aimante et mère de douleurs56. L'Assomption réunit
tous ces états, permettant aux auteurs d'orienter leur texte pour mieux
convaincre.
53 « (...) il arrive souvent que ceux que la Justice du Roi
de gloire et du Juge souverain pourrait damner, sont délivrés par
les intercessions de cette Mère de miséricorde. », CAMBOUNET
DE LA MOTHE, Jeanne de (ou Jeanne de Sainte-Ursule), Journal des illustres
religieuses de l'ordre de Sainte-Ursule, avec leurs maximes, pratiques
spirituelle, monastère de Bourg-en-Bresse, 1684-1690, p.326.
54CAMBOUNET DE LA MOTHE, Jeanne de (ou Jeanne de
Sainte-Ursule), Journal des illustres religieuses de l'ordre de
Sainte-Ursule, avec leurs maximes, pratiques spirituelle, monastère
de Bourg-en-Bresse, 1684-1690. 55Idem, p.326.
56 « Marie est morte par la mort de l'amour, ou bien par
la puissante et douce impétuosité du divin amour, qui allait
toujours l'attirant à soi, et la séparant d'elle-même : et
comme son amour croissait à chaque moment de sa
19
Le XVIIème siècle voit donc le
rayonnement du culte marial s'intensifier, l'Assomption, en est un
élément clé et fondateur, au même titre que
l'Annonciation, qui annonce les privilèges dont va
bénéficier Marie à sa mort. Pour les fidèles et
l'Église, il s'agit de l'aboutissement de la vie terrestre de Marie,
mais aussi et avant tout le commencement de sa vie éternelle, son
entrée en gloire. Ce passage de l'existence de Marie constitue une
source d'écriture inépuisable pour les auteurs et d'inspiration
pour les peintres de l'époque. La tradition littéraire,
véritable révélateur de l'engouement suscité par
l'Assomption, est à associer à la production artistique. Le
parallèle entre les deux productions, l'ut pictura poesis
révèle le vif succès que rencontre ce thème au
XVIIème siècle.
Nous allons donc brièvement retracer la tradition
picturale de l'Assomption, pour tenter de dégager la composition
traditionnelle en vigueur au Grand Siècle.
c. Des écrits aux oeuvres figurées :
iconographie de l'Assomption.
La tradition écrite de l'Assomption remonte donc au
VIème siècle. Sa représentation figurée,
du moins l'étape qui suivit, le Couronnement de la Vierge, serait
attestée dès le IXème siècle en Italie,
avec la mosaïque absidale de Sainte Marie in Domnica57.
Il est toutefois important de souligner l'absence de l'Assomption dans les
représentations byzantines, nous retrouvons la dormition ou la mort de
la Vierge et son couronnement, mais le moment intermédiaire, celui de sa
montée au ciel, n'est pas représenté.
vie, et qu'il était capable de la consommer, si elle n'eu
été extraordinairement soutenue de Dieu, voila enfin que toute
languissante et consommée, elle a été abandonnée
à la souveraineté de cet amour qui l'a réduite à la
mort . », BOURGOING, François, Les Vérités et
excellences de Jésus Christ N. S. communiquées à sa sainte
mère, et aux saints : disposées par méditations sur les
mystères et fêtes de la sainte vierge & des saints,
Quatrième et dernière partie, Lyon, 1649, p.221.
57 La mosaïque porte le nom de
l'église-basilique romaine dans laquelle elle est toujours
conservée. L'ensemble de ces mosaïques date de la reconstruction de
l'édifice par le pape Pascal Ier entre 818 et 822.
20
En peinture, c'est à la toute fin du Moyen-âge
que la mort de la Vierge commence à être représentée
en Italie, et l'Assomption commence à être
suggérée.
Nous avons l'exemple de La mort de Marie par Bartolo
di Fredi58 datant de la fin du XIVème
siècle. La Vierge est représentée sur son lit de mort
entourée par les apôtres, le Saint-Esprit placé dans la
partie supérieure du tableau tient l'enfant Jésus dans ses bras,
et est assis sur les ailes de six angelots dont seule la tête est
figurée.
Pour les prémices de ce qui sera l'iconographie
traditionnelle de l'Assomption nous citerons l'oeuvre de Don Silvestro dei
Gherarducci réalisée vers 136559 où nous
pouvons voir une expression de pure dévotion. Cette oeuvre réunit
les critères iconographiques des premières
représentations. La Vierge porte une robe blanche qui lui recouvre les
pieds, elle est voilée, les mains jointes, et les anges qui l'entourent
soutiennent l'auréole de gloire dans laquelle elle est assise.
Au XVème siècle, l'Assomption se
retrouve plus largement suggérée en peinture, et nous voyons
apparaitre plusieurs éléments de composition qui deviendront, au
siècle suivant puis au XVIIème, le schéma
classique de représentation de cet épisode. Pour les
premières décennies du XVème siècle,
nous avons l'exemple d'une Assomption60
réalisée par un maître siennois inconnu qui fut actif entre
1410 et 1430. Il n'y a pas de séparation à proprement parler
entre le registre terrestre et le registre divin. Cette oeuvre présente
plus la séparation entre le registre céleste, celui où la
Vierge Marie s'élève entourée d'anges musiciens, et le
registre divin, qui se trouve dans le quart supérieur. Le Christ sur un
nuage surplombe la scène de l'Assomption, les bras ouverts et
auréolé de gloire.
58Bartolo DI FREDI, Mort et Assomption de
Marie, fin XIVème siècle, Montalcino.
59 Voir Annexe 1.
60 Maître siennois inconnu, Assomption de la
Vierge, huile sur panneau de peuplier, 65x42cm, Berlin,
Gemäldegalerie, voir Annexe 2.
21
Vers le milieu du siècle, l'iconographie de
l'Assomption tend à se développer, nous voyons apparaître
le tombeau vide de la Vierge, mais le registre céleste est toujours
nettement privilégié, en atteste la peinture sur bois de Sano di
Pietro61, datant des années 1450. La composition est encore
très géométrique, la Vierge au centre avec neuf anges de
chaque côté, et laisse très peu de place au registre
terrestre : le tombeau et le saint qui se trouvent devant paraissent
minuscules, de même que la colline62 en
arrière-plan.
De façon plus générale, nous retrouvons
deux éléments iconographiques qui se développent au
XVème siècle, à savoir : la présence du
tombeau, rempli ou non de fleurs, et la présence obligatoire des anges,
et des saints ou apôtres. Ces deux constantes sont de plus en plus
réunies dans les oeuvres italiennes du dernier quart du
XVème siècle, avec par exemple l'Assomption
de Bartolomeo della Gatta63. Il y a là les deux
registres clairement distincts :les apôtres sont réunis autour du
tombeau rempli de lys, certains regardent à l'intérieur tandis
que d'autres lèvent la tête avec étonnement vers la Vierge
qui s'élève accompagnée de nombreux anges. Une
particularité est à noter dans la scène : saint Thomas au
premier plan est vu de dos, il lève la tête pour regarder la
Vierge qui lui tend sa ceinture en gage de témoignage de sa
résurrection. Par sa composition l'oeuvre de Bartolomeo della Gatta
annonce le célèbre Couronnement de la
Vierge64 de Raphaël qui prévaudra comme
modèle de justesse au XVIIème siècle.
Pourtant l'oeuvre du maitre de Raphaël, le
Pérugin, consacrée à ce thème diffère sur
plusieurs points. Son Assomption65 peinte aux alentours de
1500, ne fait pas figurer le tombeau de la
61 Ansano di Pietro dit San di Pietro,
Assomption de la Vierge, vers 1450, tempera sur bois, 32x47cm,
Altenburg, Lindenau-Museum, Allemagne, voir Annexe 3.
62 Il s'agit probablement du mont Sion près de
Jérusalem, lieu que les écritures ont mentionné comme
étant l'endroit où l'Assomption de Marie s'est produite.
63 Bartolomeo della Gatta, Assomption, vers
1475, tempera sur bois, 317x221cm, Cortone, Musée diocésain.
64 Raphaël, Couronnement de la Vierge
(dit Retable Oddi), 1502-1504, Peinture grasse à tempera sur bois
transférée sur toile, 272x162cm, Pinacothèque du Vatican,
Rome. Voir Annexe 4.
65 Pietro Perugino dit le Pérugin,
Assomption de la Vierge avec quatre Saints, vers 1500, huile sur bois,
415x246cm, Galerie des Offices, Florence, voir Annexe 5.
22
Vierge, l'oeuvre est séparée en trois registres.
Dans la partie inférieure les quatre personnages, saint Bernardo degli
Uberti, saint Giovanni Gualberto, saint Benoît et l'archange Michel, se
tiennent debout66. Deux d'entre eux67 regardent la Vierge
portée par plusieurs têtes d'angelots et accompagnée
d'anges musiciens qui se tiennent dans la partie centrale du tableau.
Le registre supérieur est celui du divin, Dieu regarde
en direction de la Vierge qui elle-même lève la tête vers
Lui. La composition distingue nettement les trois registres, en mettant en
scène la correspondance des regards, mais reste relativement
statique.
Seulement trois ou quatre ans après l'Assomption de son
maître, Raphaël peint le Couronnement de la Vierge. Il est
nécessaire de se pencher quelques instants sur cette oeuvre, bien que
très connue et étudiée à de multiples reprises,
carelle constitue pour les représentations de l'Assomption
postérieures, un véritable modèle pour les peintres. La
composition est plus simple que celle du Pérugin, il n'y a que deux
registres, mais deux épisodes sont représentés.
Dans la partie inférieure, le tombeau ouvert dans
lequel poussent des fleurs de lys et des roses, entouré par les
apôtres, évoque l'Assomption, tandis que dans le registre
céleste est représenté le couronnement de la Vierge. Elle
est assise à côté du Christ les mains jointes, il la
couronne accompagné d'anges musiciens.
Au XVIème siècle l'Assomption ne
cessera d'être représentée par les plus grands noms : celle
du Titien après Raphaël retient l'attention. L'Assomption
du Titien68 présente la Vierge dans un flot de
lumière, les bras tendus vers la figure de Dieu au-dessus d'elle. Le
mouvement est nettement visible dans les vêtements de celle-ci, sa robe
cramoisie et son voile bleu semblent
66 Le Pérugin n'a pas représenté
le tombeau vide de la Vierge.
67 Saint Benoît et saint Giovanni Gualberto sont
les seuls à regarder l'Assomption.
68 Le Titien, L'Assomption de la Vierge,
vers 1516-18, huile sur bois, 690x360cm, Venise, basilique Santa Maria Gloriosa
dei Frari, voir Annexe 6.
23
tournoyer et lui découvrent les pieds. Dans le registre
inférieur les apôtres sont attroupés, certains
lèvent les bras au ciel, d'autres penchent la tête probablement
au-dessus du tombeau vide, que l'on ne voit pas ici, caché par la
foule.
Au travers de ces oeuvres italiennes emblématiques,
nous pouvons entrevoir ce que seront les codes de représentation
assignés à l'Assomption au XVIIème
siècle en France. Outre les apôtres et autres personnages
présents sur terre, la présence systématique des anges
n'est pas à négliger. Ils69 sont donc obligatoirement
présents dans les représentations de l'Assomption :les anges sont
les messagers de Dieu et présents tout au long de la vie du
Christ70. D'après les écritures saintes les anges ne
sont pas humains, ils appartiennent au monde céleste et sont de «
purs esprits »71. L'art a donc dû les représenter,
leur donner forme humaine. Les anges ne sont jamais figurés adultes, ce
sont des adolescents ou des enfants. Ils prennent d'ailleurs, à partir
du XVIème siècle, presque exclusivement l'apparence
d'enfants. Ils symbolisent ainsi l'innocence, la jeunesse éternelle,
permise par leur immatérialité.
De façon générale, dans l'iconographie
chrétienne, la fonction des anges est relative aux âmes : leur
mission est de les transporter au ciel, puis de les présenter au
Jugement Dernier, au cours duquel sont séparées les bonnes
âmes des mauvaises. Pour les élus, ce sont eux qui souvent donnent
les couronnes, et les conduisent au paradis.
Tout comme son fils, la Vierge bénéficie de
l'aide des anges envoyés par Dieu : ils sont présents lors de sa
Présentation au temple72, mais surtout lors de son Assomption
et de son Couronnement où la croyance leur a donné un rôle
prépondérant. Ils participent et
69 Du latin angelus, signifie
envoyé, messager.
70 Dans la bible le Christ dit « Penses-tu que je
ne puisse faire appel à mon Père, qui mettrait aussitôt
à ma disposition plus de douze légions d'anges ? »,
Matthieu, 26,53.
71BARBIER DE MONTAULT, Xavier, Traité
d'iconographie chrétienne, 1 vol, Société de
librairie ecclésiastique et religieuse, Paris, 1898, p.2
72 Tout comme l'Assomption, la Présentation
de Marie au temple est un épisode connu par la tradition, et non par les
Ecritures saintes. Ce passage de la vie de Marie n'apparaît pas dans le
Nouveau Testament.
24
accompagnent la Vierge durant son Assomption, accomplissant la
volonté divine. Parfois représentés entièrement,
ils sont dans de nombreuses oeuvres, réduits à une tête
ailée73 ; cette tendance bien présente au
XVème siècle s'accentue à la Renaissance. En
privant les anges de leurs corps, les artistes symbolisent leur vie
immatérielle, qui n'est en aucun cas terrestre. Comme nous l'avons vu
dans ces quelques oeuvres antérieures au XVIIème
siècle, la Vierge est très souvent accompagnée d'anges
musiciens ; c'est un de leurs rôles74. Les nombreux
instruments de musique dont ils sont dotés donnent l'idée de la
joie de ce moment. Sur ce point, les oeuvres picturales et écrites se
répondent : en effet dans les ouvrages du XVIIème le
rôle des anges est également explicité :
« Les Anges qui l'accompagnaient à divers choeurs,
étaient tous ravis d'étonnement et d'admiration de tant de
lumières, d'une si grande beauté, et d'une suavité
d'odeurs célestes si ineffables, les uns allaient devant, qui chantaient
: quelle est celle-là qui s'avance comme une aurore (...),
belle comme la Lune, choisie comme le Soleil ? »75
Si les anges, par l'intervention divine, accompagnent la
Vierge lors de son Assomption, ils lui doivent obéissance après
son Couronnement :
73 Parmi les oeuvres déjà citées,
trois têtes d'anges soutiennent l'assise de la Vierge dans
.l'Assomption de Bartolomeo della Gatta, chez le Pérugin
(Assomption de la Vierge avec quatre Saints, vers 1500) une multitude
de têtes ailées parsèment l'oeuvre.
A l'inverse chez le Titien, les anges sont
représentés le corps entier, nus pour la plupart, ce qui dans
l'iconographie des anges commence à se développer au début
du XVIème siècle avec la Renaissance. Dans l'art du XVème
siècle les anges sont toujours revêtus d'une longue robe blanche
ou d'une tunique brodée (appelées dans la liturgie aube et
dalmatique, voir Annexe 3). Cela s'explique par la fonction
qu'on leur porte, ils sont pour les fidèles les ministres de Dieu, les
représentations leurs donnent alors les vêtements des ministres
sur terre, les évêques et les diacres.
74 Avant le moment de l'Assomption, les écrits
prêtent un autre rôle aux anges, tout aussi important mais qui
n'est pas figuré en peinture, ils auraient fait se réunir tous
les apôtres : « (...) qui par la volonté divine se
trouvèrent tous en la sainte montagne de Sion, où Jésus
avait fait la dernière Cène avec ses disciples, et y furent
transportés de divers lieux bien éloignés par le
ministère des Anges (...) », BOURGOING, François, Les
Vérités et excellences de Jésus Christ N. S.
communiquées à sa sainte mère, et aux saints :
disposées par méditations sur les mystères et fêtes
de la sainte vierge & des saints, Quatrième et
dernière partie, Lyon, 1649, p.223. 75BOURGOING,
François, Les Vérités et excellences de Jésus
Christ N. S. communiquées à sa sainte mère, et aux saints
: disposées par méditations sur les mystères et
fêtes de la sainte vierge & des saints, Paris, 1634, p.4243.
25
« (...) en effet le Père la couronne comme sa
fille pour être la Reine de tous les Anges qui lui obéissent, en
faveur de tous les mortels, qui attendent l'héritage du Salut.
»76
Ainsi l'iconographie de l'Assomption est, à la fin du
XVIème siècle, assez constante, avec une composition
en deux ou trois registres77. Les éléments
récurrents sont la présence des apôtres, tout du moins de
plusieurs spectateurs, le tombeau vide78, les anges en nombre
souvent important.
L'Assomption désigne un moment précis, qui se
déroule après la mort de la Vierge mais avant son couronnement
aux cieux. Pourtant comme nous l'avons vu plus haut, l'Assomption et le
Couronnement sont parfois représentés dans une même
oeuvre79, où la Vierge portée par des anges peut
figurée seule au centre de la composition, comme nous allons le voir au
siècle suivant en France.
76CAMBOUNET DE LA MOTHE, Jeanne de (ou Jeanne de
Sainte-Ursule), Journal des illustres religieuses de l'ordre de
Sainte-Ursule, avec leurs maximes, pratiques spirituelle, monastère
de Bourg-en-Bresse, 1684-1690, p.324.
77 Terrestre, céleste et divin.
78 Le tombeau peut être vide ou remplis de
fleurs, roses ou lys.
79 RAPHAËL, Couronnement de la Vierge
(dit Retable Oddi), 1502-1504, Peinture grasse à tempera sur bois
transférée sur toile, 272x162cm, Pinacothèque du Vatican,
Rome, Annexe 4.
26
II. L'ART EN PROVENCE, LES REPRÉSENTATIONS DE
L'ASSOMPTION.
a. L'Assomption en France, règlements
académiques et préceptes ecclésiastiques.
Alors qu'en Italie, les premières années du
XVIIème siècle sont marquées par la
controversée Mort de la Vierge du Caravage80, la
théorie artistique en France crée de vifs débats, et
l'Église impose un règlement ecclésiastique strict
concernant les oeuvres religieuses. Le tableau du Caravage symbolisant à
lui seul toutes les erreurs condamnables à ne pas
commettre81, la théorie artistique du Grand Siècle est
rythmée par de nombreuses exigences. Fréart de Chambray les
résume dans son ouvrage de 1662, Idée de la perfection de la
peinture (...)82, pour la peinture religieuse. Le profane ne
devait pas se mélanger avec le sacré, les artistes devaient
respecter la vérité historique. Pour l'auteur, la question de la
bienséance est primordiale, l'oeuvre doit être
considérée en fonction de son lieu de réception. Pour cela
les artistes devaient veiller à ne jamais représenter les parties
du corps « qui ne se peuvent montrer honnêtement
»83, ils devaient conserver une idée de justesse et
surtout sauvegarder la moralité de leurs représentations.
Dès le milieu du siècle, les exigences des
ecclésiastiques rejoignent pour la plupart les préoccupations des
artistes, et ce pour plusieurs raisons. Nous pouvons le mesurer dans les sujets
abordés lors des nombreuses conférences tenues au sein de
l'Académie royale de
80Le CARAVAGE, La Mort de la Vierge,
1601-1605, 369x245cm, Musée du Louvre, Paris, voir Annexe
7. Cette oeuvre fut commandée au Caravage par Laerzio Cherubini
pour l'église Santa Maria Scala in Trastevere à Rome. À sa
réception, l'oeuvre fut refusée par les moines, qui ne la
trouvèrent pas digne du lieu. En effet, dans la représentation de
ce moment qui précède de peu l'Assomption de la Vierge, le
Caravage choisi de ne pas employer d'éléments reflétant le
fondement divin de la scène, en renversant l'iconographie traditionnelle
où la Vierge était sacralisée. Il la représente
allongée sur son lit de mort, la tête penchée sur le
côté, presque dans la position d'un corps à l'abandon,
vision très éloignée des oeuvres de dévotion, alors
très respectueuses des conventions. Le choix du peintre provoqua de
vives réactions, le refus du clergé mais aussi les critiques
acerbes de ses contemporains.
81 La Vierge dans l'oeuvre du Caravage est
étendue, les pieds découverts, rien dans cette position ne
rappelle le caractère divin de ce moment. Aucun personnage
présent ne regarde vers le haut, la composition sombre n'annonce pas la
future assomption de la Vierge.
82Fréart, de CHAMBRAY, Idée de la
perfection de la peinture démontrée par les principes de l'art ,
et par des exemples conformes aux observations que Pline et Quintilien ont
faites sur les plus célèbres tableaux des anciens peintres, mis
en parallèle à quelques ouvrages de nos meilleurs peintres
modernes, 1662, p.71 83Idem
27
peinture et de sculpture. La question de la
vérité historique y est centrale, l'artiste devait être
fidèle aux Écritures saintes pour les oeuvres religieuses,
à l'Histoire ou à la Tradition. Cette notion de respect
liée au contexte contemporain de la scène
représentée comprend aussi l'exactitude du costume. Il ne devait
résider aucun anachronisme dans les vêtements et attributs.
Ainsi les exigences énoncées par la
théorie artistique du XVIIème font écho aux
préceptes iconographiques du concile de Trente84et rejoignent
donc un enjeu religieux. Le concile déclare que les oeuvres religieuses
devaient éviter les impuretés85, ce qui se traduit au
siècle suivant par l'interdiction de mélanger profane et
sacré dans un même tableau. Il y est aussi question de
bienséance, l'art religieux devant se garder d'avoir des attraits
provocants ou, tout du moins, pouvant suggérer le mauvais message
à un public qui ne serait pas instruit.
Mais les intérêts que partagent l'art et la
religion sont aussi et avant tout une nécessité pour les artistes
du Grand Siècle, car il est vrai que nous pourrions penser à une
subordination de la théorie artistique aux préceptes de
l'Église. Il s'agit aussi de relier ces convergences à la place
que les artistes entendaient tenir dans la société ; pour
revendiquer leur statut intellectuel, celui d'hommes érudits, ils
devaient posséder diverses connaissances. L'artiste devait
maîtriser plusieurs sujets, de l'Histoire à la Théologie en
passant par les sciences, afin d'atteindre une clientèle
privilégiée qui serait à même de partager cette
culture.
Mais parmi ces considérations ecclésiastiques,
se détachent des règles propres à la peinture, que nous
illustrerons par trois exemples majeurs du Grand Siècle, à savoir
: Laurent de La Hyre, Nicolas Poussin et Charles Le Brun. Ce dernier
énonce dans ses conférences plusieurs éléments
fondamentaux, dont l'idée de clarté dans la composition, passant
par une hiérarchisation des éléments. Chaque
élément devait servir la composition et non l'alourdir,
84 La 25e session du concile de Trente se
déroula de 1545 à 1563.
85 Entendons tout ce qui n'est pas à
caractère divin, ou indigne de l'être.
28
pour en faciliter la compréhension. Le superflu ou les
détails qui n'avaient pas de fonction précise étaient
alors déconseillés.
Pour la première partie du siècle, nous pouvons
citer l'Assomption86 réalisée par Laurent de
La Hyre en 1635. Cette oeuvre s'inscrit à un moment charnière de
la carrière de l'artiste car il s'agit de sa première commande de
grande ampleur, puisque outre l'Assomption, les Capucins
commandèrent au peintre tout un ensemble de tableaux87.La
composition de cette oeuvre, claire et ordonnée, respecte tous les
éléments iconographiques que la tradition des écrits
rapporte. Le registre inférieur présente les apôtres
attroupés autour du tombeau, chacun dans une attitude différente
qui rend compte de leur étonnement et de leur joie. Nous pouvons
néanmoins noter une particularité : bien souvent le tombeau se
trouve rempli de fleurs, alors qu'ici, nous pouvons voir un des apôtres
tenir délicatement le linceul blanc qui enveloppait le corps de Marie.
La partie supérieure de l'oeuvre est emplie d'un vaste nuage sur lequel
la Vierge est assise, une multitude d'angelots représentés
à demi-nus, semblent tournoyer autour d'elle dans un mouvement
ascensionnel.
Antérieure donc à l'introduction en France du
goût classique par Poussin, auquel Laurent de La Hyre adhèrera
dès les années 1640, cette Assomption offre une vision
colorée et réaliste du thème.
Nous passons ensuite à l'exemple phare de
l'Assomption88 par Poussin. Bien que cette oeuvre fût
réalisée à Rome, elle est immédiatement connue par
la gravure, et fait figure de modèle de justesse en France. Alors que
l'iconographie de l'Assomption semble définie, avec les
éléments qui la caractérisent, l'oeuvre de Nicolas Poussin
fait figure d'exception dans le
86 Laurent, DE LA HYRE, Assomption de la Vierge, 1635,
425 x 368 cm, Musée du Louvre, Paris, Annexe 8.
L'oeuvre fut commandée au peintre par l'ordre des Capucins,
pour l'église de leur couvent, rue Saint-Honoré à Paris.
Grâce aux inventaires révolutionnaires, nous savons que ce tableau
était agrémenté d'un retable de bois sculpté, et
qu'il ornait le maître-autel. Le tout était surmonté d'un
Christ portant sa croix de forme circulaire, du même artiste,
aujourd'hui disparu.
87 L'Assomption venait couronner un ensemble de
tableaux représentant des épisodes de la vie de saint
François. 88Nicolas, POUSSIN, L'Assomption de la Vierge,
1649-50, 57x40cm, Musée du Louvre, Paris, voir Annexe
9.
29
moment choisi. Dans la plupart des compositions que nous avons
vues, la présence des apôtres étonnés, voire
affolés, et du tombeau signale le commencement de l'Assomption, et
rappelle le caractère terrestre de la vie de Marie avant sa
montée au ciel. Dans la composition de Poussin, aucun de ces
éléments n'est présent : la Vierge est
représentée dans les airs, sur un nuage, et entourée de
quatre anges89. Le groupe est au centre du tableau et parait
être déjà loin du monde terrestre, qui est, ici,
symbolisé par une fine bande de paysage au bas de la composition,
créant ainsi une perspective. La Vierge lève les bras et tous les
regards y compris ceux des anges sont dirigés vers le ciel. Les
drapés semblent animés par le vent provoqué lors de
l'ascension.
L'Assomption de Poussin respecte les principes de
convenance de son époque. Le choix du peintre pour des couleurs sobres,
variées et douces fut loué auprès de ses contemporains,
ainsi que la finesse des traits des personnages, qui expriment crainte et
amour. C'est une oeuvre qui revêt une forte dévotion, qui
s'apparente à une vision, sans toutefois outrepasser la Tradition, ni
enfreindre la bienséance. Quelques années auparavant, le peintre
avait d'ailleurs représenté le Ravissement de saint
Paul90 avec la même composition.
Une décennie plus tard Charles Le Brun réalise
une Assomption91 pour l'oratoire de l'appartement d'Anne
d'Autriche92. Tout comme dans l'oeuvre de Poussin, les principaux
attributs de l'Assomption ne sont pas représentés. Ici, aucun
élément ne rappelle la vie terrestre de Marie qui vient de
s'achever : elle est représentée s'élevant sur un nuage
parmi une nuée d'anges. Certains regardent la Vierge et semblent
exprimer « le ravissement et la
89 Ici les anges sont représentés
adolescents, et vêtus d'un drapé.
90 Nicolas, POUSSIN, le Ravissement de saint
Paul, 1643, 41,6 x 30,2 cm, John and Mable Ringling Museum of Art,
Floride, voir Annexe 10.
91 Charles, LE BRUN, Assomption, 1661-1662,
136,5 x 193 cm, musée Thomas Henry, Cherbourg, Annexe
11.
92 L'Assomption de Le Brun figurait dans
l'oratoire d'Anne d'Autriche, ainsi que deux autres oeuvres de la main du
maitre, Le Crucifix aux anges et l'Ascension. L'oeuvre
était à l'origine cintrée et peinte sur bois, à une
date inconnue mais vraisemblablement ancienne, elle aurait été
transposée sur toile et complétée pour s'adapter à
un format rectangulaire.
30
vénération »93, tandis que ceux
au premier plan sont tournés vers le spectateur. Mais pour rappeler les
textes dédiés à ce sujet, nous apercevons derrière
la Vierge, un ange tenant une harpe, certainement pour rappeler au public, le
rôle actif qu'ils ont eu selon la croyance populaire. Charles Le Brun
livre une Assomption qui plait à l'oeil tout en suivant les
prescriptions de l'art religieux, pour inspirer la dévotion requise par
ce sujet.
Au travers de ces trois exemples emblématiques, nous
pouvons entrevoir toute l'importance de ce sujet religieux au
XVIIème siècle. Un tel succès, s'il peut
s'expliquer par le contexte politique et la piété du roi Louis
XIII, est aussi dû à une raison propre à sa valeur
artistique. Cette image rassurante de Marie, où elle est
représentée heureuse et dans toute sa gloire, constitue un sujet
plaisant et pieux. Les commanditaires ne s'en lassent pas ; l'Assomption
revêt un esthétisme agréable. Rappelons que l'iconographie
mariale a presque toujours représenté la Vierge malheureuse,
comme en attestent les épisodes de la Passion du Christ94.
Mais ce thème plaît également à l'esprit car il est
à même d'inspirer aux fidèles une dévotion
particulière, notamment par le biais d'une douceur propre aux
représentations de la Vierge.
Cet engouement pour l'Assomption propre au
XVIIème s'étend jusqu'en Provence. Cela s'explique en
partie par la reproduction en gravure des tableaux de grands maîtres,
permettant leur diffusion dans l'ensemble du royaume. Nous en avons eu
l'exemple avec l'Assomption de Poussin, reproduite la même
année que son exécution.
Nous allons justement nous intéresser à la
Provence, où l'Assomption est particulièrement présente,
et à la place particulière que cette région occupe au
XVIIème siècle.
93Notices des tableaux composant le musée
de Cherbourg, imprimerie de Dezauche, Paris, 1835, p.30.
94 L'art représente la Vierge dans de
nombreux épisodes de la Passion, le Portement de Croix, la Crucifixion,
le Calvaire, la Descente de croix, et la Pietà.
31
b. La Provence au XVIIème siècle, une
région prolifique.
Afin de situer au mieux la place de la Provence au sein de la
production artistique du XVIIème, il convient de remonter
quelques siècles auparavant.
D'un point de vue purement géographique, cette
région bénéficie dès l'Antiquité d'une
position stratégique, puisqu'elle constitue le débouché du
sillon rhodanien. Ce terme désigne la voie de communication
située entre le Massif Central d'un côté, et les Alpes et
le Jura de l'autre, qui atteint la méditerranée via le
Rhône. C'est effectivement par ce passage que s'effectuaient les
échanges commerciaux notamment entre les pays du nord et tout le bassin
méditerranéen. En somme, depuis les époques les plus
anciennes, le peuple provençal est en contact continu avec la
Grèce, les pays arabes, mais surtout avec le nord de l'Europe et
l'Italie.
Nous pouvons parler du comté de Provence à
partir du Xème siècle, avec les premières dynasties
comtales95qui, dès 954, se succèdent jusqu'au
rattachement de la région au royaume de France à la fin du
XVème siècle.
Il est nécessaire pour cette étude de rappeler
le cas particulier d'Avignon, et du comtat Venaissin. Ce dernier cesse de faire
partie intégrante de la Provence au début du
XIIIème
95 Rappelons brièvement les faits marquants
de la construction du territoire du Xème au
XVème siècle. La première dynastie comtale est
celle des comtes d'Arles.
Au XIIème siècle, le comté passe
à la maison de Barcelone, avec le mariage en 1112 de Raimon
Bérenger et de Douce de Provence. Le comte de Toulouse, qui n'a pas eu
la Provence, possède alors le comtat du Venaissin. Un traité
entre ce dernier et l'actuel comte de Provence amène à la
définition en 1125 des limites du territoire de la Provence, il se
prolonge du Petit-Rhône (il s'agit d'un des bras du delta du Rhône,
celui qui borde la limite Ouest de l'actuelle Camargue) jusqu'à la ville
de La Turbie, et de la Durance jusqu'à la côte
méditerranée.
Au siècle suivant, en 1246, Charles d'Anjou (frère
du roi de France, Saint-Louis et marié à l'une des filles de
Raimon Bérenger V) devient comte de Provence. Charles II et Robert
d'Anjou lui succèdent. Durant le XIIIème siècle
le territoire de la Provence s'agrandit avec l'annexion du comté de
Forcalquier et le versant italien des Alpes.
32
siècle. Suite à la Guerre des
Albigeois96, à laquelle Raymond VII, comte de Toulouse, prend
part tardivement, il se voit contraint de se subordonner au roi Louis
IX97, et cède, par le Traité de Paris le comtat
Venaissin au Saint-Siège en 122998. Cet état
pontifical est alors géré par des évêques
envoyés de Rome par le pape ; cependant Avignon n'y est pas
rattachée.
Moins d'un siècle plus tard, Avignon qui appartenait au
comte de Provence, Charles II d'Anjou99, est choisie par les papes
pour se mettre à l'abri des conflits qui agitaient l'Église
romaine. Clément V est le premier à s'y installer en 1309,
après un bref séjour à Carpentras dans le comtat
Venaissin, état pontifical. Jean XXII puis Benoît XII lui
succèdent et c'est son troisième successeur, Clément VI,
qui va acheter Avignon à la reine Jeanne100 alors comtesse de
Provence.
Suite à la reine Jeanne, assassinée en 1382,
trois membres de la dynastie d'Anjou101 se succèdent à
la tête du comté de Provence. Lorsque Louis III d'Anjou meurt
c'est son frère cadet qui hérite de la Provence, le
deuxième fils de Louis II d'Anjou et de Yolande d'Aragon, le fameux
René d'Anjou.
Lorsque le roi René hérite de la Provence en
1434 il est déjà duc de Bar et de Lorraine ; il devient ensuite
roi de Naples en 1438102. Il est le premier prince de la maison
d'Anjou à être à la tête d'un territoire si vaste et
varié.
Le roi René est un homme éclairé, sa
présence en Provence, et particulièrement à Aix, permet
à la région de connaître une période glorieuse qui
s'étale sur tout le XVème siècle. Le roi
96 La Guerre des Albigeois (1208-1229) est une
croisade proclamée par l'Église, contre le catharisme, alors
considéré comme une véritable hérésie.
97 Louis IX, ou Saint Louis fut roi de France de 1226
à 1270.
98 Le comtat Venaissin devient donc un état
pontifical et le restera jusqu'à la fin du XVIIIème
siècle.
99 Charles II d'Anjou est le fils de Charles Ier
d'Anjou, frère du roi Louis IX, il fut en outre comte de Provence,
d'Anjou et du Maine, mais surtout roi de Naples, fonction qui lui prit la
plupart de son temps.
100 La reine Jeanne (ou Jeanne 1ère de
Naples) était comtesse de Provence, mais aussi reine de Naples et
princesse d'Achaïe.
101 La reine Jeanne sans descendance avait adopté Louis
1er d'Anjou, frère du roi Charles V, qui devient à sa
mort comte de Provence et roi de Naples. La Provence s'acquiert de père
en fils jusqu'à Louis III d'Anjou.
102 Le roi René perd son royaume de Naples en 1442 au
profit des Aragonais.
33
s'avère être un important mécène,
à la grande curiosité. En effet, il favorise toutes les branches
de l'art, de la littérature et l'enluminure à la musique, mais
surtout la peinture. Sa plus prestigieuse commande est évidemment celle
passée à Nicolas Froment103 pour le Triptyque du
Buisson ardent104, un thème biblique mais qui, là,
révèle une iconographie fine et complexe. La Vierge est ici
représentée au milieu du buisson ; sa présence n'est pas
mentionnée dans le texte biblique puisqu'il s'agit d'un épisode
de l'Ancien Testament, mais pourrait être le fait du culte fervent que
les Carmes vouaient à Marie. Le roi René s'entoure ainsi d'un
grand nombre d'artistes, favorise à sa cour la présence
d'érudits et fait de la ville d'Aix-en-Provence un foyer artistique et
littéraire à part entière. Une institution participa
également à l'impulsion donnée à la ville, il
s'agit de l'université, créée en 1409 par le père
du roi, Louis II d'Anjou. La faculté de théologie et de droit
déjà existante sera agrémentée par le roi
René d'une chair d'anatomie, mais c'est au XVIIème
siècle que cette institution prendra une importance
considérable.
À la fin du XVème siècle, la
succession de la Provence se dispute entre le petit-fils du roi René,
René II de Lorraine, et son neveu Charles V d'Anjou. C'est le roi de
France, Louis XII qui tranche en faveur de Charles V d'Anjou, alors sans
successeur et de santé très fragile. Il mourut l'année
suivante en désignant Louis XI comme héritier de la Provence.
C'est ainsi que cette dernière fut rattachée au royaume de France
en 1482. Le roi accorde à la Provence un parlement dans l'espoir de
garder la confiance de la région. Créé en 1501, le
Parlement d'Aix sera très influent jusqu'à la Révolution
qui le supprimera.
Ces deux institutions aixoises, l'université et le
Parlement, créées à presque un siècle d'intervalle,
permettent à la ville et à la région provençale de
regrouper une aristocratie riche
103 Nicolas Froment, originaire de Picardie, est présent
dès 1465 à Avignon.
104 Le Triptyque du Buisson ardent était destiné
à surmonter l'autel de l'Église des Grands-Carmes à Aix.
C'est une oeuvre à l'iconographie complexe, mais dévote avant
tout. Le roi René avait une culture théologique très vaste
et ce triptyque reflète sans aucun doute sa grande
piété.
34
et une noblesse parlementaire qui, au
XVIIème siècle, se révèlent être
de puissants commanditaires.
La Provence du XVème siècle voit donc
sa population d'artistes proliférer, de par sa situation
géographique qui en fait un carrefour immanquable, mais aussi par la
présence d'artistes locaux.
Nous l'avons vu c'est un territoire de passage, qui se situe
à un point stratégique, aussi, dès la fin du
XIVème siècle, la Provence accueille des flots
successifs d'artistes venant des pays du nord et de l'ensemble du royaume. Le
roi René, sans aucun doute, renforce cette tendance puisque nous lui
savons un goût particulier pour la peinture flamande, qui se revêt,
alors, de coloris plus riche que les oeuvres italiennes.
Avignon, de par les circonstances particulières de son
histoire, bénéficie au XIVème et
XVème siècle, d'un essor de la peinture sans
précédent. La présence de la cour pontificale, au sein de
la ville, amène un nombre important d'artistes italiens pour travailler
à la réalisation de grands décors dignes de son nouveau
statut. Certains d'entre eux ont suivi la cour pontificale, d'autres y furent
appelés par la suite. Notons également la présence de
riches familles italiennes en Avignon105, expatriées pour
échapper aux guerres qui ravageaient leur pays. Nous constatons une
importante présence d'artistes siennois, avec notamment Matteo
Giovannetti106, qui en 1346, devient maître d'oeuvre au palais
des papes. Il est chargé de diriger les équipes travaillant
à la décoration des salles mais il réalise
également des retables. Avignon, au même titre que la Provence,
constitue alors un lieu de passage, où les leçons italiennes se
transmettent vers les pays du nord.
105 De la présence de ces puissantes familles à
Avignon, découle par exemple un changement des statuts municipaux pour y
introduire des conseillers italiens, cf. FRESSYNET, Anne, Le décor
intérieur de la fin du Moyen-âge à la fin du XIXe
siècle à Saint-Trophime d'Arles, mémoire
présenté pour l'obtention du diplôme de l'Ecole du Louvre,
1979, p.5.
106Matteo Giovanneti fut prêtre et chanoine
avant d'être peintre. Étonnamment, sa carrière artistique
n'est attestée qu'à son arrivée à Avignon, en
1343.
35
C'est donc à partir du milieu du
XVème siècle que la production artistique
provençale s'épanouit, encouragée par cette période
d'accalmie politique et, il faut le souligner, par le fait que cette
région fut épargnée par les guerres. Dans ce sens, elle
constitue une réelle terre d'accueil pour les artistes étrangers,
et un cadre privilégié pour ceux qui sont natifs de la
région. À la fin du siècle, les échanges avec
l'Italie tendent à s'intensifier et plus particulièrement avec
les régions du nord, telles que la Ligurie, la Lombardie et le
Piémont. Si la Provence en cette fin de XVème
siècle est un foyer artistique particulièrement vif, cette
tendance change avec le XVIème, celui de la Renaissance
italienne. De telle sorte que le courant d'immigration d'artistes qui animait
et enrichissait tant la Provence, va pratiquement cesser au milieu du
XVIème siècle pour ne reprendre qu'au début du
XVIIème.
De même, depuis le rattachement de la Provence au
royaume de France, le grand centre artistique que constituait Aix devient alors
« simple » capitale provinciale. Il parait alors évident que
les artistes, étrangers à la région, ne pouvaient y
trouver des chantiers ou commandes aussi prestigieux qu'à Paris ou
Fontainebleau par exemple. Les commanditaires, en Provence, sont alors
uniquement représentés par la noblesse parlementaire, la
bourgeoisie locale et l'Église.
La Provence du XVIIème107 est scindée
en trois grands centres urbains : Marseille, la capitale économique ;
Aix-en-Provence, capitale politique avec le Parlement ; et Toulon, capitale
militaire. Loin d'être les seules villes d'importance, la Provence en
compte tout de même quarante, ce sont pourtant elles qui vont donner
l'impulsion aux autres centres urbains. Cependant, le territoire
provençal est alors sensiblement réduit, puisque privé du
comtat de Nice et du Dauphiné108.
107 Voir carte en Annexe 17.
108 Voir carte en Annexe 18.
36
Aix et Avignon sont certainement les deux villes qui disposent
alors du vivier de commanditaires le plus puissant. Ces deux foyers artistiques
conservent donc, au XVIIème, le premier plan et cela
s'explique par leur situation prospère tant au niveau économique
que politique. Elles tendent à se suffire à elles-mêmes
tant la société qui les compose est foncièrement
aristocratique. Elles voient se côtoyer la noblesse parlementaire,
l'Église et de riches bourgeois. Cette clientèle puissante
constitue, pour les artistes, une occasion de vivre de leur talent.
Pour Aix, nous pourrions donner l'exemple du parlementaire
Nicolas-Claude Fabri de Peiresc109, connu pour son côté
humaniste, qui participa à l'émancipation des arts dans sa
région. Il est à l'origine de la venue en Provence en 1609, du
flamand Louis Finson110, qui obtient le statut et les droits de
citoyen de la ville d'Aix. La présence de cet artiste dans la ville
parlementaire marque le renouveau de l'art provençal, ou en tout cas lui
fut bénéfique.
La population des peintres à Aix, que nous savons
très nombreuse grâce aux écrits de Jean Boyer,
révèle le brassage des origines qui s'y trouvent. Nous constatons
la présence massive d'artistes venus en premier lieu des Flandres et de
Hollande, puis de la Champagne et la Lorraine et seulement ensuite de
l'Île-de-France et de la Picardie. Cette position en queue de liste pour
Paris, au sens large, s'explique de plusieurs façons. Bien que l'art des
grands maitres circule abondamment dans le royaume par l'intermédiaire
de la gravure, en ce qui concerne la Provence, l'attraction de la capitale n'y
est pas vraiment révélée. Tout d'abord, il faut souligner
que la région avait ses artistes « phares », reconnus par le
mécénat local comme
109 Nicolas-Claude Fabri (1580-1637) fut membre du Parlement
d'Aix et seigneur de Peiresc. Il correspondait avec plusieurs artistes
étrangers tels que Rubens, mais était aussi friand de sciences et
d'histoire. De sa correspondance avec le grand maître, nous apprenons que
ce dernier avait été choisi en 1628 pour peindre plusieurs toiles
pour l'église du couvent de la Visitation. Cette entreprise ne vit
jamais le jour, aussi nous pouvons penser que les prix de Rubens étaient
bien trop élevés pour les Visitandines. Si bien que les
religieuses, environ trente ans plus tard, firent appel à Reynaud
Levieux dont le prix des réalisations était beaucoup plus
abordable.
110 Aussi appelé Ludovico Finsonius, sa formation se
fit à Rome et à Naples, il mourut à Arles dans des
conditions mystérieuses, par noyade selon la légende, ce qui
aurait nettement participé au succès de ses oeuvres.
37
tout aussi talentueux que pouvaient l'être les artistes
parisiens. Citons Louis Parrocel111 et Pierre Puget112,
mais aussi Reynaud Levieux que nous aborderons plus tard. La présence de
ces talents sur le territoire provençal explique en grande partie
qu'à Aix, Marseille ou Avignon, les commandes auprès d'artistes
de la capital soient quasi nulles.
Cette communauté de peintres à Aix, où
fleurissent plusieurs ateliers, dispose alors d'une notoriété
avérée. Nous pouvons l'expliquer par la présence, au sein
de ces ateliers, de jeunes apprentis venant de tout le territoire
provençal. C'est le cas, également, pour les artistes
eux-mêmes. Loin de se fixer dans une seule et même ville, ils
acceptent des commandes dans d'autres centres urbains ou de villes plus petites
; car n'oublions pas de prendre en compte les nombreuses possessions
territoriales de la noblesse aixoise, dans les diocèses de Cavaillon,
Sisteron, Nîmes ou Gap par exemple. Cela peut expliquer que, parfois, des
commandes soient passées à un artiste renommé dans la
région, mais pour des villes de moindre importance.
Enfin, le voyage en Italie, plus en vigueur que jamais, fait
partie de la formation artistique. En témoigne le recensement d'artistes
tels que l'arlésien Trophime Bigot ou le nîmois Reynaud Levieux,
dans les colonies françaises à Rome113. Plus largement
nous pouvons affirmer que les artistes étrangers présents
à Aix, qu'ils soient de passage ou qu'ils pérennisent leur
séjour, le sont à l'aller ou au retour de leur voyage à
Rome. Car il ne faut pas l'oublier durant la majeure partie du Grand
Siècle sous les règnes d'Henri IV jusqu'à Louis XIV, Rome
reste indéniablement la capitale de la vie artistique.
Ainsi, au XVIIème, Aix et Avignon regroupent
l'essentiel de la vie artistique en Provence. Mais d'autres villes connaissent
aussi un essor certain qu'il convient de souligner.
111 Louis Parrocel est né à Brignoles en 1634, son
maître était son père Barthélemy Parrocel, il
travaille en Provence et s'installe à Avignon en 1666.
112 Pierre Puget que nous savons maintenant très
présent à Marseille et Toulon.
113 Plus particulièrement les colonies françaises
constituées autour de San Lorenzo in Lucina et de Santa Maria del
Popolo.
38
Nous pensons tout d'abord à la ville
d'Arles114. Bien qu'il s'agisse d'un centre de moindre importance,
il s'épanouit grâce à l'impact du siège
épiscopal et du chapitre de Saint-Trophime. Le XVIIème
siècle correspond, pour cette ville, à une période
d'embellissement des édifices religieux, insufflée en grande
partie par la Contre-Réforme. Les évêques d'Arles font
alors preuve d'un goût luxueux pour la décoration tant
intérieure qu'extérieure, lors de la construction ou
reconstruction des lieux de culte115. Ce luxe et cette
exubérance posa d'ailleurs quelques problèmes au clergé,
mais le poids de la Contre-Réforme l'emporte, elle encourage le faste,
censé donner cette image d'Église triomphante aux fidèles.
Le milieu artistique en est donc stimulé. Cependant peu
d'étrangers à la région se sont installés à
Arles, et il est certain que l'attrait des villes voisines était bien
présent chez les apprentis arlésiens. Les artistes locaux et
étrangers déjà présents se partagent, pour la
plupart ,le travail entre Saint-Trophime et les autres églises de la
ville. Le premier quart du siècle correspond aussi à la venue de
Louis Finson à Arles, appelé par un personnage éminent de
la ville, Gaspard du Laurens116, pour travailler à
Saint-Trophime. Il y réalise notamment le Martyre de saint
Étienne et l'Adoration des
mages117.
Dans la deuxième partie du siècle, Marseille et
Toulon gagnent en importance. Cela peut s'expliquer par leur expansion, due
à leur situation de villes côtières. Les chantiers se
multiplient, civiques ou religieux. Comme dans les autres villes de la
Provence, les artistes locaux y sont représentés, tels que Pierre
et François Puget évidemment, mais aussi Jean-Baptiste de la Rose
ou le moins connu Jean-Baptiste de Faudran118. Mais Marseille, par
son
114 Au XVIIème siècle, Arles dépendait
économiquement d'Avignon et politiquement d'Aix.
115 D'après l'étude d'Anne Fressynet, « la
moitié des édifices religieux furent créés ou
reconstruits au XVIIème siècle », FRESSYNET, Anne, Le
décor intérieur de la fin du Moyen-âge à la fin du
XIXe siècle à Saint-Trophime d'Arles, mémoire
présenté pour l'obtention du diplôme de l'Ecole du Louvre,
1979, p.8.
116 Gaspard du Laurens arlésien de naissance, fut
archevêque d'Arles de 1603 jusqu'à sa mort en 1630.
117 Les deux oeuvres toujours conservées au sein de la
cathédrale Sainte-Trophime sont datées de 1614.
118 Si le lieu de sa formation demeure inconnu, nous savons qu'il
a aussi été avocat à partir de 1625, par contre il
effectua le traditionnel voyage à Rome. Nous le retrouvons parmi les
membres de l'Académie de Saint-Luc entre 1635 et 1639. Sa principale
influence semble directement venir de Nicolas Poussin, d'ailleurs son
départ de Rome pour retourner à Marseille en 1640, se trouve
être la même année où Poussin se rendit à
Paris.
39
économie florissante, est aussi une ville d'accueil
idéale pour les artistes français et étrangers,
provençaux ou venant du comtat Venaissin. De plus c'est une ville qui
entretient de nombreux échanges avec les autres centres urbains de la
Provence, et les artistes marseillais ont sans aucun doute eux aussi la
possibilité de travailler dans les villes et villages de la
région.
Parmi cette production picturale riche et variée,
l'Assomption est particulièrement représentée en Provence.
Avant d'analyser les nombreuses oeuvres attribuées consacrées
à ce thème, et afin de mieux cerner les circonstances de cette
émulation autour du personnage de la Vierge, il convient de signaler
l'importance de sa présence dans la région. C'est en effet, nous
l'avons vu, le résultat d'une longue tradition, picturale et
littéraire, qui se révèle ancrée chez les
provençaux.
c. Les oeuvres attribuées, la tradition
iconographique de l'Assomption en Provence.
Les Assomption, dont l'attribution est certaine et
qui constituent notre catalogue, ont été recensées
grâce à la base de données Palissy119. Nous
soulignons cependant que la liste fournie n'est pas exhaustive ; il s'agit ici
des oeuvres toujours conservées in situ. Il parait
évident que certaines oeuvres déplacées, disparues, ou
cachées dans des collections privées ne feront pas partie de
cette étude. L'intention première est de fournir un catalogue le
plus représentatif possible de la production picturale associée
à l'Assomption en Provence, mais ne prétend pas à
l'exhaustivité pour les raisons que nous venons d'énoncer. Notons
aussi que
La production assez mince de Jean-Baptiste Faudran peut
s'expliquer par son statut d'aristocrate aisé, son art n'était
donc pas une source de revenu vitale pour lui.
Il s'agit d'ailleurs d'une exception, car les artistes
provençaux sont rarement issus de milieux aisés, s'ils ne sont
pas peintre de père en fils, ils sont issus pour la plupart de milieux
populaires et artisans.
119 La base de données Palissy est constituée par
les apports de la DRAC et de l'Inventaire général du patrimoine
culturel. Ces deux services n'ont pas tout à fait la même
fonction, l'Inventaire recense et étudie les oeuvres, tandis que la DRAC
se concentre sur des questions d'ordre pratique, nous y trouvons donc
uniquement des dossiers de restauration (détails techniques, devis,
etc).
40
certaines oeuvres que nous allons étudier se trouvent
dans des comtés voisins, le Dauphiné120 ou le
Venaissin, mais en relation directe avec la Provence par leur
proximité.
Le culte marial, très présent en Provence,
s'intensifie au XVIIème siècle et nous pouvons le
mesurer par la multiplication des vocables dédiés à la
Vierge. Selon l'ouvrage de Marie-Hélène
Froeschlé-Chopard121, ils seraient même cinq fois plus
nombreux qu'au XIème et XIIème
siècles.
La région se divise en deux principaux cultes : celui
des saints de l'Écriture et le culte marial. Cependant, nous observons
que selon les parties du territoire, ce dernier est plus ou moins
illustré. En effet, la présence du culte marial s'intensifie
nettement dans les lieux les plus isolés, où la nature domine.
Cette constatation permet de mettre en relief l'importance du rôle
protecteur que les habitants accordaient à la Vierge.
Pour plus de clarté, et afin de suivre
l'évolution de l'iconographie de l'Assomption en Provence, nous allons
tout d'abord étudier les oeuvres attribuées qui ont
été exécutées dans la première moitié
du siècle. Nous en comptons sept, réparties sur le territoire
provençal, dont deux de la main de François Mimault.
Vraisemblablement tombé dans l'oubli dès le
XVIIIème siècle, François Mimault fait pourtant
partie de ces artistes ayant connu une carrière prolifique en Provence.
Originaire des Deux-Sèvres, il s'installe à Draguignan dès
1608122, où il sera très actif, puis à Aix
à partir de 1622123. Nous savons aujourd'hui qu'il eu son
fils, Bernardin Mimault, et Jean Baptiste de la Rose comme
élèves, qui ont d'ailleurs également connu une
carrière illustre dans la région. Si nous ne connaissons pas avec
certitude les circonstances de la formation de François Mimault,
120 Une grande partie du Dauphiné correspond aujourd'hui
aux Alpes-de-Haute-Provence et aux Hautes-Alpes.
121FROESCHLÉ-CHOPARD, Marie-Hélène, Espace
et sacré en Provence (XVIe - XXe siècle), Les
Éditions du Cerf, Paris, 1994, p.103.
122 François Mimault se marie à Draguignan la
même année, le 8 juin 1608.
123 Il meurt à Aix en septembre 1652.
41
nous pouvons percevoir dans ses oeuvres plusieurs influences
stylistiques, allant de certaines caractéristiques du Maniérisme
italien, à une recherche d'un réalisme doux, quand même
très éloigné de celui du Caravage. Mais surtout, nous
remarquons que Mimault se rattache bien souvent à la tradition
provençale prégnante dans ses oeuvres religieuses. Cette
tradition picturale, directement issue des représentations
médiévales, peut se résumer par une vision frontale de la
composition et l'aspect de superposition des registres.
François Mimault consacre deux oeuvres au thème
de l'Assomption, l'une en 1614, l'autre en 1630. La première, que nous
allons étudier, se trouve toujours dans l'ex-cathédrale de Senez
placée sous le vocable de l'Assomption, aujourd'hui située dans
le département des Alpes-de-Haute-Provence. Avant tout, nous avons ici
la preuve de la mobilité des artistes établis en Provence. Le
peintre réside à ce moment-là à Draguignan ; Senez
se trouvant à plus de 70kilomètres au nord, nous pouvons supposer
que Mimault avait une clientèle suffisamment abondante pour se permettre
d'accepter des commandes hors de son lieu d'habitation.
L'oeuvre (Fig.1)124 qui nous
intéresse est un triptyque : l'Assomption est figurée sur le
panneau central, tandis que les apôtres Paul et Pierre figurent sur les
panneaux latéraux. La scène de l'Assomption est ici
décomposée en deux registres clairement distincts, et reprend le
mode de représentation classique du thème. Dans la partie
inférieure, les douze apôtres sont attroupés autour du
tombeau vide de la Vierge, cependant un treizième personnage à
l'attitude bien différente se distingue. L'homme semble plutôt
âgé, il porte une longue barbe blanche ; il est agenouillé
en position de prière et, surtout, il regarde en direction du
spectateur. Agnès Lory125 avance l'hypothèse, plus que
vraisemblable, qu'il s'agirait du commanditaire. Or, d'ordinaire, lorsque le
mécène se fait représenter, il est placé à
l'écart de la scène divine que
124François MIMAULT, Assomption de la
Vierge, 320 x 210 cm, 1614, église paroissiale
Notre-Dame-de-l'Assomption, Senez.
125LORY, Agnès, François Mimault
(Parthenay v. 1580 - Aix 1652), mémoire de Maîtrise sous la
direction de Pascal Julien, Université de Provence, 2003.
42
dépeint l'oeuvre. Chez Mimault, celui-ci se trouve
parmi les apôtres, si bien que nous ne le distinguons pas
d'emblée. Encore plus difficile à percevoir, les armoiries
présentes sur la face visible du tombeau126 sont,
d'après Jean Bernard Lacroix127, celles de Jacques Martin,
alors évêque de Senez, très certainement le commanditaire
de l'oeuvre.
Pour en revenir aux apôtres, tous abordent une attitude
différente : certains sont étonnés devant le tombeau vide,
d'autres lèvent la tête en direction de la Vierge ; mais tous sont
dotés par le peintre d'une gestuelle explicite, qui confère
à la moitié inférieure du tableau une dynamique
indéniable.
Dans la partie supérieure, la Vierge est
représentée agenouillée, de face, ce qui est assez rare
dans l'iconographie de l'Assomption. Elle est entourée d'un halo de
lumière ; de chaque côté, une troupe d'anges musiciens
l'accompagne ; un chérubin, les bras écartés, placé
au milieu des deux groupes et face au spectateur, semble faire le lien avec la
scène terrestre (Fig.1). Le décor est totalement
absent de cette oeuvre. La séparation des registres se fait par le nuage
sur lequel se tiennent la Vierge et les anges. C'est une caractéristique
de la peinture de François Mimault : son attention semble se porter
avant tout sur les personnages, et beaucoup moins sur le décor. C'est le
cas de l'Assomption de Senez où l'aspect matériel, le
cadre de la scène, est uniquement suggéré par le tombeau ;
mais le symbolisme de celui-ci suffit à servir la narration de
l'oeuvre.
Pour le choix des coloris le peintre crée un
équilibre en utilisant des teintes complémentaires telles que le
rouge et le vert, le bleu et le jaune, que l'on retrouve dans les
vêtements des apôtres. La Vierge est revêtue de la
traditionnelle robe parme et du long manteau bleu.
126 Notons qu'à la base du tombeau figure la signature du
peintre Franciscus Mimault pinxit. 127LACROIX,
Jean-Bernard, François Mimault, découverte d'un tableau
à Senez, dans Annales de Haute-Provence, n°318, Digne,
1er trimestre, 1992, p.5.
43
Dans la deuxième Assomption
(Fig.2)128, réalisée en 1630
pour la cathédrale Notre-Dame de l'Assomption d'Entrevaux129,
nous pouvons constater l'évolution du traitement du thème chez
François Mimault. La commande de cette oeuvre émane de
l'évêque de Glandèves130, Monseigneur
René Leclerc. Le « prix fait », rédigé au
début du mois de mai 1630131, fait état des exigences
du commanditaire. L'oeuvre exécutée par Mimault y répond
parfaitement : la Vierge devait figurer avec les douze apôtres, mais
devaient également y être représentés le portrait de
l'évêque ainsi que saint François de Paule132.
Pour répondre à cette exigence, le peintre va réorganiser
la représentation traditionnelle de l'Assomption en divisant son oeuvre
en trois registres.
Au bas de la composition, figure l'évêque de
Glandèves, agenouillé, les mains jointes devant son livre de
prière, et regardant en direction du spectateur. En face de lui se
trouve saint François de Paule, représenté en extase par
Mimault, qui choisit ainsi de placer le saint en véritable témoin
de la scène divine qui se déroule plus haut.
128François MIMAULT, Assomption,
1630, 400 x 345 cm, église paroissiale Notre-Dame-de-l'Assomption,
Entrevaux.
Le prix fait pour cette oeuvre nous est connu dès la
fin du XIXème siècle grâce à la notice que
Frédéric Mireur consacre au peintre, le prix fait y est reproduit
en intégralité.
MIREUR, Frédéric, Notice sur le peintre
François Mimault (1580-1652), dans Revue des Sociétés
savantes des Départements, Imp. Nationales, Paris, 1877, p.15.
129 Entrevaux se situe aujourd'hui dans le département des
Alpes-de-Haute-Provence.
130 Le diocèse de Glandèves s'étalait sur
un vaste territoire, divisé entre le comté de Provence et le
comté de Nice, les évêques du diocèse avaient
coutume de résider à Entrevaux.
131Annexe 19.
132 Saint François de Paule était un saint ermite.
Il est le fondateur de l'Ordre des Minimes en Calabre. Il fut appelé en
France par le roi Louis XI alors malade, saint François étant
connu pour les miracles qu'il accomplissait. C'est pourquoi, en Provence son
culte est particulièrement développé. Saint
François se serait rendu à Bormes-les-Mimosas et à
Fréjus, et aurait guéri les deux villes de la peste.
Une chapelle fut érigée à Bormes en 1560
et placée sous son vocable ; saint François de Paule est
d'ailleurs devenu le saint patron de la ville.
44
Pour figurer le registre intermédiaire, le peintre
installe les apôtres et le tombeau vide sur une sorte
d'estrade133, marquant ainsi nettement la délimitation entre
les deux scènes inférieures de la toile.
Enfin, la partie supérieure du tableau,
réservée au registre divin, représente la Vierge en pied,
les bras ouverts ; le mouvement ascensionnel est suggéré par la
posture de ses jambes, l'une d'elle étant légèrement
relevée, et par les drapés de son manteau qui semblent être
soulevés par les airs. Le groupe d'angelots, ici
représentés nus, tournoie autour de la Vierge, accentuant
l'impression de mouvement qui les soulève.
Cette oeuvre révèle l'évolution qui
s'opère dans la représentation de ce thème chez
François Mimault. En effet l'Assomption de Senez,
réalisée seize ans plus tôt, est beaucoup plus dense. La
différence majeure entre les deux toiles du peintre, se remarque surtout
dans le registre supérieur. La Vierge de Senez est
représentée dans une attitude et une position beaucoup plus
figées. Dans la seconde Assomption, celle d'Entrevaux, Mimault
donne à la Vierge et aux angelots, tout le mouvement et la
légèreté relatifs à cette scène. Cette
oeuvre, que l'on pourrait qualifier de « mieux équilibrée
», est certes la preuve d'une évolution picturale, mais n'oublions
pas de souligner que le peintre disposait aussi d'une toile bien plus
grande134.
En 1614, au moment où François Mimault peint
l'Assomption de Senez, un autre peintre étranger à la
Provence, et qui s'y installe également, est demandé pour peindre
le même sujet.
Il s'agit du peintre Jacques Macadré, dont le nom
réside toujours dans un quasi anonymat135. Originaire de
Troyes, il est issu d'une longue lignée de vitriers et peintres verriers
troyens.
133 Comme le souligne Agnès Lory, le peintre à
déjà intégré cette sorte de piédestal dans
une oeuvre antérieure, La Sainte Parenté et les deux saints
Jean réalisée en 1616 pour l'église paroissiale
Saint-Etienne de Bargemon (actuellement dans le département du Var),
voir Annexe 12.
134 L'Assomption d'Entrevaux mesure 400 x 345 cm, contre
320 x 210 cm pour celle de Senez.
135 Jean Boyer lui consacre plusieurs pages dans sa thèse
qui reste à ce jour la source la plus fiable et la plus
documentée que l'on possède à propos de ce peintre.
45
À la toute fin du XVIème
siècle, aux alentours de 1595, il vient s'installer à
Aix-en-Provence, et y restera jusqu'à sa mort, en 1620. Il s'y marie en
1603, avec Antoinette Martel, elle-même fille de peintre troyen
établi à Aix. Malgré les nombreux documents concernant le
peintre que Jean Boyer à découverts, tels que son contrat de
mariage, de nombreux actes concernant son lieu d'habitation rue des
Prêcheurs136, son testament et son inventaire après
décès, nous ne connaissons rien de sa formation.
Néanmoins, nous pouvons déduire, au vu des nombreuses commandes
qui lui sont passées, qu'il eu une certaine renommée en Provence
; de plus, ayant eu plusieurs élèves137, il devait
donc être à la tête d'un petit atelier à Aix.
Plusieurs de ses oeuvres ont aujourd'hui disparu ; cependant, les « prix
fait », mis à jour par monsieur Boyer, révèlent
plusieurs toiles que le peintre a exécutées pour les
églises de la ville. Nous pouvons notamment citer une commande
émanant de Louis Rabasse, conseiller au Parlement, pour un retable
représentant l'Adoration des mages destiné à sa chapelle
de l'église de la Madeleine.
Mais Jacques Macadré a aussi réalisé un
grand nombre de bannières138, et travaillé pour le
compte de la ville en participant à la réalisation des
décorations pour les entrées du duc de Guise en 1595 et du roi
Henri IV en 1600.
Outre cette carrière au sein de la ville d'Aix, le
peintre répond à des commandes émanant de toute la
Provence : Lanson près de Carpentras139, Saint
Julien140, Ansouis141, ou encore
Gréoux-les-Bains142 où il réalise une
Assomption (Fig.3)143. Jean
Pellicot, alors prévôt144 du Chapitre de
l'église paroissiale de Gréoux, passe commande d'un retable de
l'Assomption
BOYER, Jean, La peinture et la gravure à
Aix-en-Provence aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles: 1530-1790,
Service de reproduction de thèses de l'Université de Lille, 1972,
p.290 -299.
136 Aujourd'hui rue Portalis.
137 Jean Boyer cite comme élèves de Jacques
Macadré, Pierre André, Jacques Bertrand, et Pierre Thevenin.
138 Il a notamment réalisé en collaboration avec
François Valisset la bannière pour la Confrérie de
l'Annonciade en 1602.
139 Il peint pour l'église paroissiale de Lanson le
Couronnement de la Vierge, saint Symphorien et sainte Juliette.
140 Dans l'actuel département du Var. Jacques
Macadré a peint pour l'église Notre-Dame-du-Plan un retable.
141 Dans l'actuel Vaucluse. Pour l'église paroissiale
d'Ansouis le peintre réalise une Annonciation.
142 Actuellement situé dans les
Alpes-de-Haute-Provence.
143Jacques MACADRÉ, Assomption, 1615,
Notre-Dame-des-Ormeaux, Gréoux-les-Bains. 144 Un prévôt est
le doyen du chapitre d'une cathédrale ou d'une collégiale.
46
auprès de Jacques Macadré à la fin du
mois de juin 1614. Le « prix fait », partiellement retranscrit par
Jean Boyer, mentionne un retable de dix-huit pieds de haut et de dix de large,
où doivent être représentés « l'Assomption de
Notre-Dame avec des anges alentour et les douze apôtres au bas
»145. Le peintre respecte la commande et livre une Assomption
à la composition traditionnelle, en deux registres. Au bas le groupe des
apôtres autour du tombeau146 comporte de nombreuses
similitudes avec celui présent dans l'oeuvre de Mimault à Senez,
mais aussi avec une Assomption non attribuée147. Le registre
supérieur est découpé par une bande de nuage formant la
moitié d'un cercle, sur lequel repose la Vierge et les anges qui
l'accompagnent. Elle est représentée à demi-assise, une
jambe presque tendue, l'autre pliée avec le pied reposant sur un petit
nuage qui se détache des autres. Malgré la position de la Vierge,
peut être destinée à suggérer le mouvement
ascensionnel de la scène, du moins l'aspect aérien, la
composition du registre supérieur reste assez rigide. Cette impression
est probablement renforcée par le gris assez sombre que le peintre a
choisi pour représenter la masse nuageuse. Les anges s'y cachent, de
telle façon que seule la partie haute de leur corps est visible.
À l'exception de ces quatre anges, la présence des autres est
seulement figurée par des têtes ailées. Nous pouvons
déceler, dans ce choix, l'influence des représentations issues de
la fin du Moyen-âge et de la Renaissance italienne. En effet, comme nous
l'avons vu précédemment les têtes ailées sont
particulièrement présentes dans les Assomption des
XVème et XVIème siècles. Il est
aussi intéressant de noter que dans la composition de Jacques
Macadré, le registre des apôtres remplit plus de la moitié
de la toile, celui de la Vierge semblant de ce fait manquer de hauteur.
145Gazette des Beaux-arts, Tome LXXVIII,
113e année, Paris, juillet-septembre 1971, p.144. Si nous ne
citons que le passage concernant l'Assomption, Jacques Macadré a
été chargé de réaliser l'intégralité
du retable, où devaient aussi figurer la Nativité, la fuite en
Égypte, un Ecce homo, « des anges avec des encensoirs et des
flambeaux ». Ainsi que saint Pierre et saint Paul sur l'intérieur
des portes du retable, avec d'un côté « la figure dud.
prévost à genoux avec son pali », et à
l'extérieur devra être représentée l'Annonciation en
grisaille.
146 En dessous du tombeau, tout en bas de la toile, à
l'endroit où les drapés des apôtres au premier plan se
rejoignent, sont placées les initiales du peintre
(Fig.3).
147 Cette Assomption est conservée dans l'église
paroissiale Notre-Dame-du Mont Carmel au Luc, commune actuellement
située dans le Var. Voir III.) b. de ce mémoire.
47
Comme chez François Mimault, le décor, du moins
l'environnement de la scène, ne semble pas être une
priorité chez Jacques Macadré. Sa composition présente
l'essentiel nécessaire à la narration et reste teintée de
la rigidité des représentations du XVème
siècle, encore très prégnante dans la production picturale
en Provence.
Malgré leur carrière prolifique dans la
région, les noms de ces deux artistes, Mimault et Jacques
Macadré, n'ont pas été particulièrement reconnus,
à l'exception du milieu universitaire.
La Provence du XVIIème disposait quand
même de ses grands noms, et parmi eux, l'arlésien Trophime Bigot.
S'il a était ignoré pendant des années, puis
identifié comme le « Maître à la Chandelle » au
XIXème, une nouvelle fois les recherches d'archives
menées par Jean Boyer permirent d'avancer le nom de Trophime Bigot. Nous
savons qu'il se forme à Arles, il aurait ensuite effectué le
traditionnel voyage à Rome au début du siècle et y serait
resté pendant plusieurs années. Son nom réapparait dans
les archives d'Arles seulement en 1635. Cette année-là, il
réalise l'Assomption
(Fig.4)148que nous allons
étudier. Toujours conservée en la cathédrale
Sainte-Trophime, elle fait partie des trois seules oeuvres attribuées
avec certitude au peintre. Si la présence du tableau dans la
cathédrale n'est mentionnée pour la première fois qu'en
1790, nous pouvons supposer qu'il s'y trouve depuis sa réalisation. En
effet, le « prix fait » toujours inconnu ne peut venir confirmer
cette hypothèse ; néanmoins nous savons aussi que les cas de
déplacements d'oeuvres surviennent surtout après la
Révolution.
L'Assomption de Trophime Bigot présente la
composition traditionnelle en deux registres : en bas, les apôtres sont
regroupés autour du tombeau, ici à peine visible. Dans le
registre céleste, la Vierge est représentée dans une
attitude très pieuse, assise sur un nuage soutenu par des
148 Trophime BIGOT, Assomption, 250 x 150 cm, 1635,
Saint-Trophime, Arles. Un cartel placé en bas à gauche et
rédigé en latin par le peintre comporte sa signature et la date
de réalisation de l'oeuvre.
48
angelots, les mains jointes, un halo de lumière
entourant son visage. Cependant, une particularité réside dans
cette partie de l'oeuvre. En effet, le corps de la Vierge,
légèrement tourné vers la gauche, fait face à deux
personnages dont la présence est rarissime dans l'iconographie de
l'Assomption. Il s'agit du Christ, habituellement présent dans les
représentations du Couronnement de la Vierge, et de sa mère,
Sainte Anne. Dans cette oeuvre, les deux femmes se font face, Sainte Anne
tendant les bras vers sa fille ; le Christ lui est représenté
flottant dans les airs. Tous deux semblent accueillir la Vierge au ciel.
Outre cette spécificité dans la composition,
l'oeuvre est peinte dans des tons froids ; la lumière diffuse donne une
tonalité douce à l'ensemble. Bien que l'artiste ai
été associé au « Maître à la chandelle
» qui est actif à Rome de 1620 à 1634, cette Assomption
n'adopte aucun des traits du courant caravagesque que l'on prête
à ce peintre. Trophime Bigot réalise un tableau qui cadre, pour
l'instant, parfaitement à la tendance stylistique des oeuvres que nous
avons vu, mais nous ne pouvons pas encore parler d'un mode de
représentation privilégié.
La commande de l'oeuvre que nous allons maintenant
étudier, émane de Visan, au nord de Carpentras. Le village fait
alors parti du comtat Venaissin, possession pontificale. La chapelle de
Notre-Dame-des-Vignes est, au XVIIème siècle, un lieu
de culte fréquenté et abrite la confrérie de Saint
Vincent. Elle avait été créée à la fin du
XVème siècle par l'ensemble des vignerons de Visan,
qui participaient annuellement à une bravade149 suivie d'une
procession, à laquelle tous les membres de la confrérie devaient
être présents. La chapelle de Notre-Dame-des-Vignes comporte
également une autre spécificité : elle est placée
sous la responsabilité de rectoresses150.
149 Une bravade est un défilé costumé
où les personnes sont armées de tromblons, qui est un type
particulier d'arme à feu. Ces défilés ont lieu lors des
fêtes patronales en Provence.
150 Tous les ans deux rectoresses étaient choisies par le
curé de la paroisse, lui-même assisté de celles qui
quittaient leur poste.
49
En 1637, l'une des deux rectoresses alors en charge, Isabeau
de la Ville151, règle un acompte de vingt-trois livres,
à valoir sur les soixante du coût total de la commande d'une
Assomption (Fig.5)152
passée au peintre Laurent Brunier. Nous ne connaissons rien de la
formation, ni des origines de ce peintre, si ce n'est qu'il exerce à
Malaucène, petite ville située au sud de Visan, à quelques
kilomètres de Carpentras, cependant nous pouvons penser qu'il est
originaire de la région.
L'Assomption qu'il réalise, présente
une iconographie particulière, relative aux dévotions de la
confrérie Saint Vincent, et une composition tout à fait
traditionnelle.
Au bas de la toile sont représentés saint Joseph
et sainte Marguerite, particulièrement vénérés en
Provence au XVIIème siècle. En effet, l'étude
menée par Marie-Hélène
Froeschlé-Chopard153, démontre que le culte des saints
du premier millénaire, dont est issu Joseph, est le plus répandu
en Provence. Ce dernier est représenté à côté
du tombeau vide de la Vierge, les mains croisées sur la poitrine, tenant
un rameau, son attribut traditionnel.
De l'autre côté, se tient sainte Marguerite. Elle
est représentée avec ses deux attributs, qui permettent de la
reconnaitre sans difficulté. Le premier, le dragon, à ses pieds,
représenté ailé, doté d'une corne, la gueule
ouverte sur des dents acérées et regardant dans la direction de
la sainte. Elle, est à genoux, les mains jointes, tenant un crucifix qui
est son second attribut. Le culte de cette sainte fut très populaire au
Moyen-âge. Selon La légende dorée154
sainte Marguerite est une vierge martyre qui aurait vécu au début
du IVème siècle. Elle aurait été
emprisonnée, puis aurait lutté et enfin vaincu à l'aide de
son crucifix, le démon qui se serait montré à elle sous la
forme d'un dragon. Le peintre répond probablement aux directives
151 Dossier n° 84000941, Inventaire général du
patrimoine culturel.
152Laurent, BRUNIER, Assomption, 200 x 150
cm, 1637, chapelle Notre-Dame-des-Vignes, Visan.
153FROESCHLÉ-CHOPARD, Marie-Hélène, Espace
et sacré en Provence (XVIe - XXe siècle), Les
Éditions du Cerf, Paris, 1994, p.135.
154DE VORAGINE, Jacques, La légende
dorée, traduite du latin et précédée d'une
notice historique et bibliographique, par Monsieur Gustave Brunet, C. Gosselin,
Paris, 1843, p.153.
50
iconographiques, qui lui ont été
adressées, en ajoutant ce personnage à sa composition. Cependant,
nous savons que le culte de sainte Marguerite fait partie des plus populaires
à la fin du Moyen-âge et nous pourrions voir ici la
pérennité des croyances du XVème siècle
dans les oeuvres provençales.
Dans la partie supérieure la Vierge est
représentée debout, les bras ouverts, soutenue par quatre anges,
le nuage sur lequel elle se tient délimitant les deux registres.
De façon générale, l'attitude des trois
personnages est assez figée, les coloris, difficilement
lisibles155, semblent avoir été assez vifs, comme en
témoigne le rouge flamboyant de la robe de la Vierge.
Non loin de Visan, un peu plus au nord, dans la commune de
Grillon, se trouve une autre Assomption
(Fig.6)156, actuellement
conservée au sein de l'église paroissiale
Sainte-Agathe157. La toile est signée et datée,
ANNO 1640, I. MONIER M. CH. Cependant aucun « prix fait
» ou autre document existant ne viennent compléter ces informations
sommaires. Le nom de Monier évoque celui du peintre originaire de Blois,
Jean Mosnier158 mais ce dernier réalise le voyage en Italie
bien des années auparavant ; en effet, selon
Félibien159, il serait rentré en France en 1625. Il
n'aurait donc pas pu réaliser cette Assomption, au retour de
son voyage qui aurait, dans ce cas comporté une escale dans le comtat
Venaissin.
155 La toile est en effet très abimée rendant la
lecture complexe ; nous pouvons noter plusieurs repeints et une couche
blanchâtre formée par le verni ; de plus la couche picturale est
en grande partie craquelée (manquante au niveau de la tête de
saint Joseph).
156I.MONIER, Assomption, 1640, église
Sainte-Agathe, Grillon.
157 L'église Saint-Agathe à été
érigée au XIXème siècle, en 1861.
158 D'après les Entretiens de Félibien,
Jean Mosnier est né à Blois en 1600, d'un père peintre sur
verre. Il apprend la peinture auprès de lui jusqu'à ses seize
ans. C'est à cet âge que Marie de Médicis, alors à
Blois, repère son talent lorsqu'elle lui demande une copie d'une oeuvre
qu'elle souhaitait acquérir. Par la suite, elle prend en charge le
voyage en Italie de Mosnier. De retour en France en 1625, la capitale ne lui
manifeste pas le soutient qu'il espérait, il se rend donc à
Chartres, puis travaille essentiellement dans sa province natale, où il
meurt à Blois en 1656.
FÉLIBIEN, André, Entretiens sur les vies et sur
les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes ;
augmentée des Conférences de l'Académie royale de peinture
& de sculpture, avec la vie des architectes, Trévoux,
réédition, 1725, p.404 à 406.
159Idem, p. 405.
51
Cependant, l'hypothèse du lieu d'origine du tableau
parait très vraisemblable au vu de l'iconographie particulière de
cette Assomption. Cette oeuvre fait figurer l'Assomption de Marie
comme une apparition à saint Sébastien et à saint Roch de
Montpellier, deux saints populaires depuis le XVème
siècle en Provence.
Au premier plan, saint Sébastien, dont le culte remonte
au haut Moyen-âge, est représenté selon l'iconographie qui
s'est développée à la Renaissance, en un homme souvent
jeune, attaché et le corps transpercé de flèches, attribut
de son martyr.
À droite, saint Roch, aussi appelé saint Roch de
Montpellier160, est accompagné d'un ange qui le soutient et
pose sa main sur sa blessure. Ce saint aurait en effet été
atteint de la peste au retour de son pèlerinage à Rome,
après avoir aidé beaucoup de malades sur sa route. Il
décida de se réfugier en forêt et de prier jusqu'à
sa mort. Un ange serait venu lui apporter de l'aide et le soigner. Le peintre
représente le saint avec tous les attributs permettant aux spectateurs
de le reconnaitre. Outre la présence de l'ange, nous pouvons observer
que sur le drapé de l'épaule du saint, est cousu une coquille.
Elle représente le pèlerin, en référence au
pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, tout comme le bâton
qu'il tient dans son autre main. Son culte se répand sur le territoire
provençal immédiatement après sa mort, et au
XVIIème siècle, saint Roch fait parti des «
grands saints »161 intercesseurs de Provence. Le choix de
l'iconographie nous donne un indice de la provenance de cette oeuvre, qui
pourrait être la chapelle des Pénitents blancs, qui a
été érigée la même année que
l'exécution du tableau, en 1640.De plus, la présence de cette
confrérie est attestée à Grillon au
XVIIème par leurs statuts approuvés par
l'évêque de Vaison-la-Romaine. Les statuts établissent les
règles inhérentes à une confrérie ; pour les
Pénitents blancs, l'une d'entre-elles stipule que tous les membres
160 Saint Roch serait né au XIVème
siècle à Montpellier ; néanmoins très peu de
sources fiables existent concernant sa vie.
161FROESCHLÉ-CHOPARD,
Marie-Hélène, Espace et sacré en Provence (XVIe - XXe
siècle), Les Éditions du Cerf, Paris, 1994, p.132.
52
doivent se confesser notamment lors des fêtes mariales.
Le choix d'un sujet comme l'Assomption parait donc d'autant plus probable. Mais
au-delà de cette dévotion particulière, la chapelle des
Pénitents blancs fut placée, dès sa création, sous
le vocable de l'Assomption de Notre-Dame et de saint Sébastien. Cette
dernière donnée expliquerait l'entière iconographie de la
toile.
L'espace entre les deux saints laisse voir un paysage, avec
une ville fortifiée au loin, qui pourrait être
Valréas162, dont les remparts ont été
construits au Moyen-âge.
Au-dessus, la Vierge se tient debout sur un nuage, soutenue
par trois têtes d'anges à ses pieds et deux autres à ses
côtés. L'une de ses mains n'est pas visible, l'autre est
placée sur sa poitrine ; son attitude générale semble
dépourvue de mouvement, presque rigide. Il en va de même pour
saint Sébastien et saint Roch avec l'ange. Malgré des nuances,
comme la représentation du paysage issue de la Renaissance, là
encore nous observons la longévité de la tradition
médiévale de représentation.
Nous allons voir que cette tendance ne prévaut pas dans
toutes les oeuvres, et c'est le cas avec l'une des
Assomption163 réalisée par Nicolas Mignard.
Le peintre fait, sans aucun doute, partie des « grands noms » de la
Provence, parmi tous ces artistes étrangers qui peuplent la vie
artistique de la région. Originaire de Troyes en Champagne, Nicolas
Mignard arrive à Avignon au printemps de l'année 1633. Il se rend
à Rome deux ans plus tard, grâce aux faveurs de Richelieu. En
1637, il revient en Provence et reste à Avignon durant les vingt-trois
années suivantes. Nul besoin de préciser qu'il eu une
carrière très prolifique dans la région164.
162 Valréas est une ville fortifiée située
seulement à cinq kilomètres de Grillon.
163 Le peintre consacre en effet plusieurs toiles à ce
thème, outre l'Assomption de Tarascon, nous avons aussi
connaissance d'une Assomption datée de 1647 et une autre
à Toulon de 1658.
Nicolas MIGNARD, Assomption, 600 x 370 cm, 1647, oeuvre
disparue dans un incendie. Nicolas, MIGNARD, Assomption, 800 x 600 cm,
vers 1658, église Sainte-Marie-de-la-Seds, Toulon.
164 La carrière de Nicolas Mignard est
caractérisée par deux phases : l'une à Avignon, l'autre
à la Cour, la première est celle qui nous intéresse. En
effet Mazarin le fit venir à Paris, où il rencontre
l'hostilité de son propre frère, Pierre Mignard. Cependant, il
réalise un grand nombre de portraits, dont celui du roi Louis XIV. Il
est reçu en 1663 au sein de l'Académie royale de peinture et de
sculpture.
53
Il réalise des oeuvres pour la ville d'Avignon mais
aussi pour Carcassonne, Sisteron, Aix, et Tarascon. C'est dans cette
dernière qu'il réalise une Assomption
(Fig.7)165 pour l'église
Sainte-Marthe en 1643. Si la composition est tout à fait habituelle, en
deux registres avec les apôtres en bas et la Vierge portée par des
anges en haut, nous remarquons l'exécution que l'on pourrait qualifier
de plus moderne. On est loin, ici, des réminiscences des
représentations du XVème siècle ; la formation
et les modèles du peintre sont en effet bien visibles. Nous savons
désormais que ses premiers modèles furent les décorations
du Primatice et du Rosso réalisées à Fontainebleau dans la
première moitié du XVIème siècle. Il a
ensuite étudié la production des Carrache à Rome, puis
probablement, fréquenté l'atelier de Simon Vouet. Sa formation
est donc empreinte des grands modèles italiens, mais aussi de la
production contemporaine.
Dans cette Assomption, les coloris sont clairs et les
formes douces ; le peintre a veillé à la vérité des
expressions qu'il a données aux personnages. Les apôtres,
notamment, semblent pour la plupart étonnés, pris de surprise. La
Vierge, quant à elle, représentée assise, les mains
croisées sur la poitrine, le regard levé vers le ciel, exalte
avec grâce le sentiment d'amour qui l'anime.
Nous avons là un exemple de la diversité des
goûts qui circulent en Provence. Si la rigidité des
représentations du Moyen-âge se dévoile encore dans de
nombreuses peintures, l'innovation que constituaient les nouvelles
représentations italiennes, ou celles d'artistes comme Vouet alors
très en vogue, s'exporte également en Provence. L'influence de la
peinture du nord n'est donc pas non plus la seule à s'imposer, et nous
pouvons imaginer la forte impression que cette Assomption pu avoir sur
les fidèles de Tarascon.
Voir WYTENHOVE, Henri, La peinture en Provence au XVIIe
siècle, musée des Beaux-arts, Marseille, 1978, p.90-91.
165Nicolas MIGNARD, Assomption, 303 x 231 cm,
1643, église Sainte-Marthe, Tarascon.
54
Nicolas Mignard avait, en Provence un rival ; du moins il
avait été mis en concurrence avec ce dernier lors de la commande
en 1645, de l'Assomption166 pour le maître-autel de
la cathédrale de Nîmes, qu'il remporte tout de même.
En ce rival, il faut voir Reynaud Levieux, cet autre peintre
qui est alors demandé pour des commandes prestigieuses dans toute la
région. Né à Nîmes en 1613, il part pour Rome
dès 1640, puis revient dans sa ville natale en 1644. Il s'installe
ensuite à Montpellier, puis à Avignon en 1654 ; il exécute
dans ces deux villes de nombreuses commandes167. Finalement, Reynaud
Levieux vient se fixer à Aix en 1663168, juste après
que Nicolas Mignard et Jean Daret soient appelés à la Cour par
Louis XIV.
Avant d'aborder l'oeuvre qui nous intéresse, il parait
important de souligner que Reynaud Levieux, bien que son nom soit tombé
dans l'oubli puis redécouvert depuis peu, était au
XVIIème un de ces grands artistes que comptait la Provence.
Jean Boyer à d'ailleurs dit de lui que s'il « avait fait
carrière à Paris, il n'est pas douteux qu'il occuperait
aujourd'hui, parmi les peintres français du XVIIème
siècle, une place de choix »169. C'est en effet, une
personnalité à part qui se dégage. Reynaud Levieux
bénéficie d'une certaine estime et est reconnu en Provence, fait
que l'on peu déduire de ses multiples commandes, mais aussi du prix
relativement élevé de celles-ci170. Bien qu'il soit
considéré comme un solitaire car jamais marié, cette
solitude ne le pénalise pas dans sa carrière puisqu'il collabore,
à plusieurs
166 Nicolas MIGNARD, Assomption, 600 x 370 cm, 1647,
musée du vieux Nîmes, Nîmes.
167 À Montpellier il réalise des oeuvres pour les
Pénitents blancs, et pour la cathédrale ; à Avignon, il
travaille pour les Pénitents noirs de Saint-Jean-Baptiste et ceux de la
Miséricorde. Ce ne sont que des exemples car, outre les commandes
religieuses, le peintre réalise des oeuvres profanes, telles que des
portraits (notamment le Portrait de Louis XIV, commandé pour le
Parlement à Aix, disparu aujourd'hui) et des natures mortes.
168 Cependant, Reynaud Levieux ne reste pas définitivement
à Aix ; il finit par partir pour Rome une dernière fois en 1669,
accompagné de son apprenti Jean Pavillon (fils de Pierre Pavillon,
contemporain de Levieux). Il y meurt à la fin du
XVIIème siècle, probablement aux alentours de 1690.
Reynaud Levieux avait préalablement stipulé dans son testament
(daté du 4 février 1669, alors qu'il est en bonne santé)
qu'il laissait le choix de l'église où il serait inhumé
à ses apprentis s'il venait à mourir à Rome. Il est
enterré dans l'église Sainte-Marie des Anges.
169BOYER, Jean, La peinture et la gravure
à Aix-en-Provence aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles:
1530-1790, Service de reproduction de thèses de l'Université
de Lille, 1972, Tome 1, p.86.
170 Il se fait payer 300 livres pour ses oeuvres « de
jeunesse », et jusqu'à 850 livres pour la fin de sa
carrière.
55
reprises, avec d'autres artistes. Nous pouvons citer Jean
Daret171, Nicolas Pinson pour les peintres, Jean-Claude
Rambot172 ou Michel Péru173 pour les
sculpteurs.
L'oeuvre de Reynaud Levieux compte une majorité de
commandes religieuses. Parmi les sujets qu'il représente le plus
fréquemment, nous trouvons les principaux épisodes de la vie du
Christ et de la Vierge, dont l'Assomption. Le peintre se consacre à deux
reprises à ce thème : la première à Aix, l'oeuvre
qui nous intéresse (Fig.8)174, et la seconde
envoyée de Rome en 1680, conservée au sein de la
Collégiale Notre-Dame-des-Anges de
l'Isle-sur-Sorgue.
L'Assomption d'Aix est commandée à
Reynaud Levieux par deux consuls de la ville, André de Ballon et Pierre
Arnoux175 pour la chapelle de l'hôtel de ville ; outre
l'oeuvre, le peintre devait fournir les dessins pour le retable et l'autel.
La composition de l'oeuvre a la particularité de ne pas
réellement séparer les deux registres, traditionnellement bien
distincts. Ici, la Vierge n'a pas avoir encore tout à fait quitté
le monde terrestre et semble être toujours avec les apôtres. Elle
est assise sur un nuage, les bras ouverts, dans une attitude statique,
entourée de putti176. Nous pouvons remarquer que le peintre
la représente jeune, au visage particulièrement doux. Reynaud
Levieux était d'ailleurs connu pour la pureté et la beauté
de ses vierges, qualités que nous reconnaissons dans cette oeuvre. Les
apôtres, attroupés autour du tombeau, montrent de
l'étonnement, comme la tradition le
171 Jean Daret et Reynaud Levieux collaborent à l'occasion
de la réalisation de l'ensemble décoratif de la chapelle de la
congrégation des Messieurs à Aix, puis en 1666 pour le dessin de
la fontaine de la porte Saint-Louis.
WYTENHOVE, Henri, La peinture en Provence au XVIIe
siècle, musée des Beaux-arts, Marseille, 1978, p.84.
172 Jean-Claude Rambot, Jean Daret et Reynaud Levieux
participent tous les trois, à la fin de l'année 1666, à la
décoration de la chambre de Lucrèce de Forbin dans son
hôtel particulier de la rue de la Verrerie à Aix.
173 Michel Péru réalise notamment des boiseries
pour la chapelle des notaires de l'église Saint-Pierre d'Avignon,
suivant les dessins fournis par Reynaud Levieux en 1659.
174Reynaud LEVIEUX, Assomption, 280 x 205 cm,
1662, Aix-en-Provence.
L'oeuvre a été acheminée vers la chapelle
des Andrettes (actuelle chapelle du lycée Mignet) sous la
Révolution ; elle y était en dépôt, mais
dernièrement elle a été transportée dans un lieu
inconnu, probablement les réserves du musée Granet.
175 Ces informations sont connues par le prix fait, reproduit
partiellement en Annexe 20.
176 Certains sont représentés entièrement,
pour d'autres, uniquement la tête.
56
veut ;ils sont cependant représentés dans une
attitude noble, caractéristique du style de Levieux. De plus, un grand
soin a été apporté aux drapés, qui ne sont pas
agités par les airs, et dont la tonalité est adaptée
à chaque personnage. Derrière la glorieuse scène, le
peintre a esquissé un paysage à la lumière pâle,
parfois assimilé par les auteurs177 à la Sainte
Victoire.
Les coloris et la composition de cette Assomption
révèlent les influences italiennes de Reynaud Levieux. Nous
savons qu'à Rome, il étudie les grands maîtres du
XVIème siècle, mais aussi les artistes de la
première moitié du XVIIème, tels que le
Dominiquin, Guido Reni ou encore le Guerchin178, et refuse
clairement le caravagisme du début du siècle. Levieux pourrait se
rattacher au courant classique, qui s'épanouit d'abord à Paris,
puis en province, avec également Nicolas Mignard pour la Provence.
La composition, elle, rappelle une
Assomption179 antérieure, celle d'Annibal Carrache
réalisée pour l'église Santa Maria del Popolo à
Rome au tout début du XVIIème. Nous retrouvons des
analogies dans le modelé du visage et la position de la Vierge ;
l'appréhension de l'espace est cependant différente chez Reynaud
Levieux, de même que les coloris, assurément plus clairs.
Cette oeuvre se situe à l'apogée de sa
carrière. Il avait alors établi son atelier à Aix, et
quelques années plus tard, en 1665, il renouvelle le contrat
d'André Boisson, son apprenti. En 1666, Reynaud Levieux devient
même un des peintres attitrés de la ville. Il livre alors une
peinture, dont notre Assomption, sobre, consciemment
méditative, et « d'un caractère très doux
»180.
Reynaud Levieux peut donc être compté parmi ces
artistes provençaux qui connaissent une brillante carrière, qui
est due aussi à sa grande capacité d'adaptation aux décors
et aux lieux.
177WYTENHOVE, Henri, Reynaud Levieux et la
peinture classique en Provence, Édisud, Aix-en-Provence, 1990,
p.127.
178 Guido Reni (1575 - 1642),Le Dominiquin (1581 - 1641), le
Guerchin (1591 - 1666).
179 Annibal CARRACHE, Assomption, 245 x 155 cm,
1600-1601, chapelle Cerasi, église Santa Maria del Popolo, Rome.
180CHENNEVIERES, Philippe de, Recherches sur la
vie et les ouvrages de quelques provinciaux de l'ancienne France, Paris,
1847-1850, p.87.
57
Claude Bousquet, qui réalise une Assomption
(Fig.9)181 en 1666, est quant
à lui encore aujourd'hui très peu connu. Nous ne savons rien de
sa carrière, mis à part qu'il est originaire de Marseille et
qu'il aurait cautionné Michel Serre182 lorsque ce dernier
arrive dans la ville en 1675.Quoi qu'il en soit, Claude Bousquet devait
bénéficier d'une certaine popularité puisqu'il
exécute vraisemblablement des oeuvres pour d'autres villes de la
région.
L'Assomption que le peintre achève en 1666
pour la collégiale Saint-Pierre et Notre-Dame de l'Assomption à
Cuers, a cependant été réalisée à
Marseille183. L'oeuvre se présente en deux registres.
En bas, deux apôtres au premier plan lèvent la
tête vers Marie ; l'un d'eux a les mains croisées, l'autre les
mains jointes. Entre eux, le tombeau est représenté en largeur,
fermé par une tombale184 recouverte de fleurs. C'est un
détail original puisque, nous l'avons vu dans les textes du
XVIIème et même antérieurs, lors de l'Assomption
de la Vierge, son tombeau est systématiquement ouvert. Derrière
celui-ci nous pouvons voir le reste des apôtres au second plan ; l'un
d'entre eux lève les bras au ciel ; ils sont, de manière
générale, tous représentés dans des attitudes
différentes qui montrent surtout l'étonnement.
Une bande de ciel vient séparer les deux registres.
Dans la partie supérieure, la Vierge est représentée
assise, les bras ouverts, au milieu d'une nuée d'anges. Là
encore, le peintre choisi d'intégrer à la nuée des
têtes de putti, issues de l'iconographie du Moyen-âge. Cependant,
Claude Bousquet confère au registre céleste une impression de
mouvement, surtout visible par les drapés des anges au premier plan du
groupe.
181Claude BOUSQUET, Assomption, 314 x 245
cm, 1666, collégiale Saint-Pierre et Notre-Dame de l'Assomption,
Cuers.
Cuers se situe actuellement dans le département du Var.
182 Michel Serre né à Tarragone en Espagne. Il se
rend en Italie dès 1670, avant de s'établir cinq ans plus tard
dans la cité phocéenne. Il y mène une brillante
carrière, que nous connaissons bien aujourd'hui. Il est notamment
célèbre pour les trois peintures historiques qu'il réalise
à Marseille, au début du XVIIIème
siècle, suite à la peste de 1720.
183 Dossier IM83000473, Inventaire général du
patrimoine culturel. D'après le dossier, et comme nous pouvons le
constater sur la photographie, l'oeuvre est en mauvais état, avec de
nombreux manques, et noircie.
184 Une tombale est l'élément horizontal qui
recouvre la sépulture.
58
Pour ce qui est des coloris, ils semblent avoir
été assez vifs, mais l'état de la toile ne nous permet pas
d'en dire plus.
Claude Bousquet réalise une Assomption
à l'iconographie traditionnelle, qui semble être le type
d'oeuvre que l'on reproduit le plus fréquemment en Provence. Nous
remarquons également que, dans cette oeuvre le décor n'est pas
primordial, ce qui est généralement le cas, mis à part
quelques exceptions dont l'Assomption précédente de
Reynaud Levieux.
L'Assomption suivante, n'a pas été
réalisée en Provence185, cependant, dans une courte
parenthèse, nous verrons qu'elle illustre un cas particulier de
commande.
Il s'agit de l'oeuvre réalisée par le
célèbre Philippe de Champaigne
(Fig.10)186 pour les Chartreux de Durbon, un petit
village de la commune de Saint-Julien-en-Beauchêne187 , qui
appartient au XVIIème siècle au Dauphiné. Le peintre dont
la carrière est bien connue188, s'adonne à tous les
genres, portraits189, paysages, mais surtout à la peinture
religieuse : ainsi il réalise jusqu'à treize
Assomption190.
L'oeuvre de Saint-Julien-en-Beauchêne
révèle une vision resserrée du thème au style
presque dépouillé. Seul le registre supérieur est
figuré. La Vierge apparaît à demi-assise sur un nuage
185 Provence, comtat Venaissin, Dauphiné.
186Philippe DE CHAMPAIGNE, Assomption, 245
x 185 cm, 1671, église paroissiale Sainte-Blaise,
Saint-Julien-en-Beauchêne.
187 L'Assomption de Philippe de Champaigne ne semble pas
avoir quitté la commune, à part au début du XXème
siècle pour être restaurée au Louvre, puis en 2007
lorsqu'elle est prêtée pour l'exposition « Philippe de
Champaigne, 1602-1674. Entre politique et dévotion. », qui eu lieu
au Palais des Beaux-arts de Lille. L'oeuvre est mentionnée dès
1887 dans l'église paroissiale Sainte-Blaise de
Saint-Julien-en-Beauchêne, dans l'actuel département des
Hautes-Alpes.
188 Nous rappelons tout de même que Philippe de Champaigne
est originaire des Pays-Bas où il se forme. En 1621 il se fixe à
Paris, et connait une brillante carrière au sein de la cour de Louis
XIII, c'est également un proche de Nicolas Poussin.
Particulièrement intégré au courant classique
français, Philippe de Champaigne après un bref retour à
Bruxelles sa ville natale, est rappelé en France afin de participer
à la décoration du palais du Luxembourg. Il fait surtout partie
des membres fondateurs de l'Académie royale de peinture et de sculpture
en 1648.
189 Parmi les nombreux portraits du peintre, il réalise
celui du cardinal Richelieu vers 1639.
190 Sur les treize oeuvres recensées, huit nous sont
parvenue, nous avons actuellement dans la région l'Assomption
de Saint-Julien-en-Beauchêne et celle de format rond,
conservée au musée des Beaux-arts de Marseille datée de
1646, Annexe 13.
59
soutenu par cinq anges, une main sur la poitrine, l'autre
levée. Elle est représentée dans une attitude calme,
statique, cependant le mouvement ascendant est largement figuré par les
anges.
Outre l'iconographie, c'est avant tout la commande en
elle-même qui nous intéresse, elle démontre en effet une
des facettes du mécénat provençal. Bien que ce soit
exceptionnel, les commanditaires provinciaux font parfois appel à des
artistes de la capitale. C'est le cas des Chartreux de Durbon, ordre qui voue
une dévotion particulière à la Vierge, lorsqu'ils passent
commande de l'Assomption à Philippe de Champaigne. Ce dernier
réalise l'oeuvre à Paris191, elle est ensuite
acheminée dans le petit village de montagne. Ce choix témoigne
avant tout d'une quête de prestige de la part des commanditaires,
Champaigne avait par ailleurs déjà réalisé une
Assomption pour les Chartreux d'Alençon en 1656, et
répond à la même commande pour ceux de Bordeaux en 1673.
Les Chartreux sont aussi à l'origine de la commande de
la dernière oeuvre de notre catalogue192. Il s'agit des
Chartreux de Montrieux, établis au Revest-les-Eaux193. Ces
derniers demandèrent en 1674 au peintre Pierre Le Roy de réaliser
une Assomption (Fig.11)194 pour
l'église paroissiale Saint-Christophe alors en construction. Nous avons
très peu d'éléments au sujet de ce peintre, il est
vraisemblablement originaire de Provence, du moins rien ne le rattache à
une autre partie du territoire. Le Roy effectue cependant le traditionnel
voyage à Rome, où sa présence est signalée dans les
stati anime de 1664195, à son retour il
séjourne à Toulon et à Marseille. Il réalise deux
oeuvres pour la commune du Revest, une Assomption
191 En effet le prix fait a été
rédigé à Paris le 29 juillet 1971.
192 Catalogue d'oeuvres attribuées.
193 Actuel département du Var.
194LE ROY, Assomption, 319 x 222 cm, 1675,
église Saint Christophe, Le Revest-les-Eaux.
L'oeuvre est signée et datée, LE ROY INVTOR
PINGEBAT ANNO 1675.
195HOMET, Marie-Claude, Michel Serre et la
peinture baroque en Provence (1658-1733), Aix-en-Provence,
1987, p. 156.
60
commandée pour l'église paroissiale en mai 1674,
puis une Annonciation pour les Pénitents
Blancs196.
Lorsque nous prenons connaissance du prix fait197
pour l'Assomption, l'iconographie est strictement dictée au
peintre. Pierre Le Roy répond à la commande en
représentant au bas, saint Jacques et saint Christophe de chaque
côté du tombeau. Ce choix est explicité par les
commanditaires dans le prix fait, en effet l'église paroissiale est
placée, lors de sa construction, sous la protection de saint Christophe
et de saint Jacques le Majeur, ils étaient de plus les saints patrons de
la ville.
Saint Jacques le Majeur est l'un des douze apôtres du
Christ, il fait partie des saints du premier millénaire, dont, nous
l'avons vu, le culte est particulièrement présent en Provence au
XVIIème siècle. Le peintre lui donne les attributs habituels : il
est vêtu de ses habits de pèlerin, avec à la main un
bâton et une besace. Bien que l'église du Revest soit
placée sous son vocable, la présence de saint Christophe dans une
Assomption est plus étonnante. Il est celui qui porte le Christ enfant
sur ses épaules pour traverser la rivière, l'iconographie
traditionnelle le peint sous les traits d'un géant. Pierre Le Roy ne
prend pas ce parti, par souci d'équilibre de la composition
probablement.
Le registre supérieur respecte lui aussi en tout point
les directives du prix fait : le peintre fait figurer la ligne du paysage
à l'horizon, au-dessus, la Vierge est assise sur un nuage de forme
circulaire que plusieurs anges soutiennent. Pierre Le Roy insère
également des têtes de putti à sa composition,
au-dessus de la Vierge et sur le nuage.
196 L'Annonciation fut commandée à Reynaud
Levieux seulement quatre mois après l'Assomption, par les
Pénitents blancs.
en septembre 1674 par les Pénitents blancs pour le
même édifice, seulement quatre mois après
l'Assomption.
197 Prix fait reproduit en Annexe 21.
61
Finalement le peintre en suivant les attentes des
commanditaires, réalise une Assomption à l'iconographie
et la composition singulière, puisqu'il ne fait figurer aucun des autres
apôtres, qui sont selon les textes toujours présent lors de cet
épisode.
À l'ensemble de ces oeuvres attribuées, il
convient d'ajouter les Assomption anonymes, également nombreuses en
Provence, afin de tenter au mieux de dégager un éventuel mode de
représentation privilégié. Bien que nous ne puissions pas
les rattacher à un peintre, à ses influences, ces toiles n'en
restent pas moins le résultat d'un travail abouti, et en ce sens elles
constituent autant d'indices qui alimentent une possible tradition
iconographique du thème dans la région.
62
III. RECENSEMENT ET TYPOGRAPHIE.
a. Analyse des oeuvres anonymes.
Dispersées sur l'ensemble du territoire de Provence et
du Dauphiné du XVIIème, les Assomption demeurant anonymes sont
aujourd'hui nombreuses : elles constituent la moitié de notre catalogue
complet. Si ces oeuvres n'ont été affectées à aucun
nom de peintre connu, l'analyse de leur iconographie révèle
parfois des indices précieux sur l'origine de la commande.
L'actuel département du Var en compte le plus grand
nombre : l'Assomption du Luc que nous étudierons dans la partie
suivante de cette étude, celle d'Aups, Grimaud et Ollioules.
L'Assomption
(Fig.12)198 d'Ollioules est
conservée au sein de l'église Saint-Laurent, cependant nous
allons voir que son iconographie nous révèle, si ce n'est le
peintre, sa provenance. De plus, au premier abord, la composition relativement
élaborée de cette oeuvre attire l'attention. La toile est
divisée selon les deux registres habituels, dans la partie
supérieure la Vierge est à demi- assise accompagnée de
cinq anges, dont la plupart sont à moitié dissimulés par
le nuage sur lequel les personnages reposent. Elle est vêtue d'une robe
brodée d'or dont les tons sont quasi similaires à ceux
utilisés pour la masse nuageuse, le mouvement ascendant y est
suggéré par l'air qui agite les drapés. Remarquons que la
Vierge est très rarement représentée sans sa
traditionnelle robe bleue. Il ne faut cependant pas oublier de souligner que
cette toile est assombrie par le vieillissement du verni, et qu'elle a
probablement subi plusieurs repeints.
La partie intermédiaire qui sépare les deux
registres présente un agencement original, dans lequel nous pourrions
déceler un peintre au certain talent. En effet, le bas du nuage forme
une sorte de pointe qui vient scinder la partie médiane du tableau. D'un
côté est représenté dans
198Anonyme, Assomption, 380 x 200 cm,
17e siècle, église Saint-Laurent, Ollioules.
63
l'ombre un groupe compact de sept des apôtres, et de
l'autre le peintre fait figurer un paysage avec deux arbres cachant en partie
une montagne peinte dans des tons de bleu grisonnant. Le ciel qui se profile au
loin au-dessus de cette ligne de paysage, révèle des
dégradés de bleu-orangé. De tels coloris nous rapprochent
d'une peinture sans doute provençale.
Le registre inférieur est divisé en deux plans,
séparés par le tombeau199 vide de la Vierge. Au second
plan nous retrouvons quatre des douze apôtres, parmi lesquels nous
pouvons reconnaitre saint Jean, au visage jeune et aux cheveux longs,
vêtu d'une tunique dans les tons de violet.
Au tout premier plan figurent trois personnages, facilement
reconnaissables à leurs attributs et dont deux d'entre eux nous
fournissent de valables indices quant à la provenance de l'oeuvre. Au
centre saint Pierre est l'apôtre le plus en valeur dans toute la
composition : il est représenté de trois-quarts, un genou
à terre, les bras légèrement levés vers le ciel. Le
peintre donne à saint Pierre ses attributs iconographiques traditionnels
: la clé que l'on peut voir à côté de lui,
posée sur le livre. Moins fréquent, la crosse d'argent aux pieds
de Pierre, symbolise son statut de premier pape de Rome. Cet
élément rajouté aux attributs habituels démontre
certainement la bonne connaissance des écrits religieux par le
peintre.
De chaque côté de l'apôtre se trouvent donc
deux saints, extérieurs à l'épisode de l'Assomption telle
que le décrivent les textes. Il s'agit de saint François d'Assise
et de sainte Claire200. Nous avons vu précédemment que
l'ajout de personnages à la scène est toujours le fait des
commanditaires. Si nous considérons que c'est également le cas
pour cette oeuvre et que l'artiste à répondu à des
exigences iconographiques précises, ces deux personnages nous
199 Notons que le tombeau est ici sculpté de strigiles,
sorte de cannelures ondulées, particulièrement utilisées
dans la confection des tombeaux sous l'Antiquité.
200 Aussi appelée Claire d'Assise.
64
renvoient alors à l'Ordre des frères
mineurs201. Saint François en est le fondateur au
début du XIIIème siècle à Assise en Italie. Le
peintre le figure à genoux avec ses attributs, les stigmates que le
saint reçoit du Christ et le froc202 marron porté avec
une corde en guise de ceinture à la taille. À droite, sainte
Claire est également agenouillée, elle tient de ses deux mains un
ostensoir d'argent, son attribut distinctif. C'est avec celui-ci qu'elle aurait
chassé d'Assise les Sarrasins, mais surtout sainte Claire est à
l'origine de la fondation de l'ordre des Clarisses à Assise, le pendant
féminin des frères franciscains. Or, dans la première
moitié du XVIIème, en 1634, les soeurs Clarisses s'installent
dans un couvent d'Ollioules. Nous pouvons supposer qu'elles sont à
l'origine de la commande de cette Assomption, où sainte Claire est
figurée en bonne place. Cette hypothèse parait assez plausible
puisque cette toile a été datée du XVIIème
siècle, et l'établissement de l'ordre à Ollioules parait
être une occasion privilégiée pour passer commande d'une
oeuvre.
L'Assomption aurait donc était
déplacée au moment de la fermeture de l'ordre des Clarisses sous
Louis XV, au milieu du XVIIIème siècle, pour se trouver depuis
dans l'église paroissiale Saint-Laurent.
Si nous considérons cette hypothèse comme
vraisemblable, les soeurs ont fait appel à un peintre très
probablement originaire de la région, relativement doué et qui
possédait néanmoins une solide culture religieuse. Saint
François et sainte Claire semblent être les personnages qui ont le
plus souffert de repeints, cependant nous décelons dans les autres
protagonistes un grand soin apporté aux mains et aux visages, notamment
pour saint Pierre et la Vierge. Les broderies d'or qui ornent sa robe sont
également réalisées avec une grande finesse.
201 Les membres des frères mineurs sont
communément appelés les Franciscains, nous les connaissons
d'ailleurs plus sous cette appellation.
202 Habit usuel des moines, qui comprend une capuche et tombe sur
les pieds.
65
Cependant l'iconographie ne nous renseigne pas toujours sur
une provenance éventuelle, ni même à l'appartenance
possible à un peintre.
C'est le cas de l'Assomption
(Fig.13)203 d'Aups204,
dans l'actuel département du Var, qui présente une composition
tout à fait intéressante et singulière. Si les deux
registres sont présents, le peintre ne les sépare pas par une
bande de ciel ou de paysage, qui est le type qui se retrouve le plus
fréquemment dans l'iconographie traditionnelle. Au bas nous retrouvons
les apôtres, cinq d'entre eux sont au premier plan, mais tous forment un
cercle autour du tombeau, qui est à peine visible. L'ensemble des
représentations de l'Assomption fait certes figurer les apôtres,
mais ils sont en général attroupés, formant une foule
souvent compacte de part et d'autre de la sépulture. Cette disposition
circulaire des apôtres est donc inhabituelle, et dénote un souci
de composition de la part du peintre. Leurs regards se portent essentiellement
vers la Vierge, qui ne semble pas les avoir encore entièrement
quittés. En effet, le tombeau au centre du cercle des apôtres est
partiellement recouvert du nuage qui porte les anges et Marie. Le peintre donne
à la masse nuageuse trois sortes de « paliers » : sur le
premier, presque posé sur le tombeau, deux anges regardent en direction
du spectateur. Juste au-dessus la Vierge apparaît dans un halo de
lumière, les bras ouverts, un genou posé sur le nuage, l'autre
jambe légèrement dépliée. Un ange est appuyé
juste à côté, un bras dans les airs et la regarde avec
tendresse. Au dernier niveau, sur un petit nuage, deux angelots tournent eux
aussi leurs regards vers la Vierge. À droite du groupe, le peintre fait
figurer derrière l'imposant nuage, une petite parcelle de paysage et de
ciel bleu, mais ce n'est de toute évidence pas l'élément
privilégié par l'artiste. L'attention est portée à
la composition pyramidale dont la Vierge est le point culminant. Notons
également la présence de deux têtes de putti dans le coin
gauche de
203 Anonyme, Assomption, 17ème
siècle, 370 x 280 cm, église Saint Pancrace, Aups.
L'oeuvre a été restaurée en 1994,
après être tombée dans le choeur de l'église.
204ACHARD, Claude-François, Description
historique, géographique et topographique des villes, bourgs, villages
et hameaux de la Provence ancienne et moderne et du comtat
Vénaissin, Tome 1er, Aix, 1787, p.266.
66
l'oeuvre. Outre l'arrangement original des personnages, les
coloris vifs des vêtements des apôtres et de la Vierge indiquent
vraisemblablement la palette d'un peintre provençal.
Nous pouvons reconnaître dans cette Assomption
une oeuvre de qualité, dont l'iconographie, qui dénote des
compositions habituelles révèle une peinture
réfléchie et de bonne fracture.
Toujours dans le Var, l'Assomption
(Fig.14)205 de Grimaud,
présente, elle, une composition traditionnelle, en deux registres. Les
apôtres sont représentés derrière et de chaque
côté du tombeau. Il y a cependant peu de place laissé au
ciel qui vient ici séparer les deux parties. Au-dessus la Vierge est
assise sur un nuage, elle est accompagnée de deux anges et à ses
pieds se trouvent trois têtes de putti. Sa position est assez statique,
bien qu'elle ait les bras ouverts et la tête levée vers le ciel.
L'oeuvre est probablement en place dans la chapelle Notre-Dame de la Queste
depuis sa réalisation. En effet l'édifice dont la construction
remonte au XIème siècle, a été agrandi au
XVIème siècle tant la fréquentation était
importante, notamment lors de la fête mariale du 15 août. La
commande d'une Assomption pour la décoration de la chapelle
parait envisageable, si l'on prend en compte l'importance de cette fête
au sein du village. Outre les offices prononcés en ce jour, et les
processions, Grimaud accueillait aussi pour le 15 août une foire aux
bestiaux. L'aspect populaire de cette fête semble être
marqué en Provence.
Nous retrouvons des oeuvres anonymes dispersées sur
tout le territoire provençal : l'Assomption
(Fig.15)206 de Salon-de-Provence,
dont on ne sait rien, mérite tout de même d'être
signalée. Elle fait en effet partie d'un ensemble de quinze oeuvres
représentant les quinze mystères du Rosaire207,
disposées très en hauteur, au-dessus du narthex de
l'église
205 Anonyme, Assomption, 17ème
siècle, 700 x 600, chapelle Notre-Dame de la Queste, Grimaud.
206Anonyme, Assomption,
17èmesiècle, église Saint-Laurent,
Salon-de-Provence.
207Les quinze mystères du Rosaire sont: la
Résurrection de Jésus, l'Ascension de Jésus, la Descente
du Saint Esprit sur les apôtres, l'Assomption de la Sainte Vierge Marie,
le Couronnement de la Sainte Vierge au ciel, l'Agonie de Jésus au jardin
des oliviers, la Flagellation de Jésus, le Couronnement d'épines,
le Portement de la croix, le Crucifiement et la mort de Jésus sur la
croix, l'Annonciation de l'Ange à Marie, la Visitation de Marie à
sa cousine Elisabeth, la Naissance de Jésus, la Présentation de
Jésus au temple et le Recouvrement de Jésus au temple.
67
Saint-Laurent. Est-ce le résultat d'un travail
d'atelier ou est-ce que toutes ces oeuvres sont de la main du même
peintre ? Nous ne pouvons le dire, tout comme la photographie de
l'Assomption, l'éloignement et le manque cruel
d'éclairage ne nous permettent pas de distinguer une éventuelle
unité stylistique ou même les détails de la composition.
Cependant, nous pouvons remarquer que dans cette oeuvre seul le registre
céleste est représenté. La Vierge se tient debout les bras
écartée, elle est vêtue d'une robe blanche, symbole de
pureté, et de son manteau bleu, plusieurs anges semblent la porter.
L'Assomption faisant partie de la rangée d'oeuvres la plus en
haut208, le peintre à peut être pris en compte la
distance qu'il y aurait avec le spectateur. Aussi, nous pourrions penser que la
scène a été simplifiée afin qu'elle soit
reconnaissable même vue de très loin.
Une autre Assomption
(Fig.16)209, conservée au sein
de l'église Saint-Véran à Cavaillon, faisait à
l'origine partie d'un ensemble de six tableaux. Cette oeuvre anonyme a la
particularité d'être de forme circulaire. La Vierge apparaît
au centre portée par deux anges, l'un vêtu de jaune, l'autre de
rouge. Ils sont eux même soulevés par une nuée d'angelots,
dont certains n'ont que la tête de représentée. Les coloris
sont assez chauds mais la tonalité de l'ensemble de la toile reste assez
sombre. De plus, les visages des personnages, tout en rondeur, font
plutôt penser à un peintre provençal, qu'à une
école du nord.
Il convient de préciser que le cadre210 de
l'oeuvre a été attribué au sculpteur Barthélemy
Grangier, originaire de Cavaillon. Il aurait été
réalisé dans la deuxième moitié du XVIIème
siècle. De forme carrée à l'extérieur, le cadre est
circulaire à l'intérieur. Cependant nous
208 Les quinze oeuvres sont disposées de la façon
suivante ; trois rangées de cinq oeuvres superposées.
L'iconographie de chaque oeuvre est mentionnée dans l'ordre (en partant
du haut, de gauche à droite) dans la note 207.
209Anonyme, Assomption, XVIIe siècle,
diam. 165 cm, cathédrale Saint-Véran, Cavaillon.
210 Le cadre est fait en bois doré, il est
décoré en haut-relief de torsade de feuilles de laurier et de
rosaces de feuilles d'acanthe aux quatre angles.
68
remarquons un détail en bas à gauche de la
composition, qui est coupé par le cadre, nous indique que celui-ci est
très probablement postérieur à l'oeuvre. D'après
l'Inventaire général du patrimoine culturel, cet
élément à peine visible serait le Blason211de
la famille Gaudemaris, établie à Beaumes-de-Venise au
début du XVIIème. Cependant aucun élément existant
dans les archives ne vient confirmer qu'un membre des Gaudemaris pourrait
être le commanditaire.
À l'inverse nous connaissons la provenance et la date
de l'Assomption (Fig.17)212
suivante, conservée au sein de la chapelle des Pénitents de
Guillestre, aujourd'hui dans le département des Hautes-Alpes, le village
faisait partie du Dauphiné au XVIIème siècle. L'oeuvre
présente une composition traditionnelle en deux registres, avec
néanmoins plusieurs particularités iconographiques. Dans le
registre supérieur, la Vierge est emmenée dans les airs par une
nuée d'angelots qui soutiennent le nuage sur lequel elle est à
moitié assise. Les drapés de sa robe et de son voile marquent
nettement le mouvement ascensionnel de la scène. Le peintre la
représente légèrement de trois-quarts, les bras à
peine écartés, elle porte une auréole de lumière de
laquelle partent de larges rayons, tout autour les nuages portent plusieurs
angelots dont deux têtes de putti ailées.
Le bas de la composition nous livre plusieurs
éléments, le commanditaire et la date. Le registre terrestre est
lui-même composé de deux parties. À gauche, quatre des
apôtres sont représentés, au premier plan l'un lève
les bras au ciel, l'autre se penche vers le tombeau qui est face à lui.
À droite, le tombeau rempli de fleurs occupe la largeur de l'espace,
derrière lui sont placés les autres apôtres. Nous
reconnaissons saint Jean, qui a la main posée dessus, par la jeunesse de
visage et ses cheveux longs. Devant le tombeau, au premier plan à
droite, un personnage est figuré agenouillé en position de
prière : il s'agit de Guillaume d'Hugues,
211 Le Blason représente un écu d'or, avec au
centre un coq de sable crêté de gueules, au chef cousu d'azur
chargé de trois étoiles d'or.
Inventaire général du patrimoine religieux, dossier
n° IM84001206.
212Anonyme, Assomption, 1638, 247 x 198 cm,
chapelle des pénitents, Guillestre.
69
archevêque d'Embrun de 1612 à 1648.
D'après l'Inventaire général du patrimoine culturel,
l'archevêque est le commanditaire de l'oeuvre. Il l'aurait offerte en
1638 à l'église paroissiale
Notre-Dame-de-l'Assomption213. Nous retrouvons en effet les
armoiries de l'archevêque d'Embrun en bas de l'oeuvre au centre. Sur un
phylactère214 sont inscrits 1638, la date de
réalisation, et les initiales D.D., probablement celles du peintre qui
n'ont pas encore pu être identifiées. Cette Assomption ne semble
cependant pas être de la main d'un « maître »
provençal, nous pouvons le remarquer au traitement
élémentaire des visages et des drapés.
L'Assomption
(Fig.18)215 de la Salle-les-Alpes, au
nord de Briançon216, toujours dans le Dauphiné, est de
date et de peintre inconnus. Cependant au vu de l'iconographie nous pouvons
penser que cette oeuvre n'a pas quitté l'édifice pour lequel elle
fut destinée. Conservée au sein de l'église paroissiale
Saint-Marcellin217 datant du XVème siècle,
l'Assomption reprend l'iconographie relative au vocable. La toile
très abimée ne nous permet pas de rendre compte de tous les
détails, cependant nous distinguons l'iconographie
générale. En bas au premier plan un seul apôtre est
représenté agenouillé, avec un autre personnage
extérieur à la scène lui aussi agenouillé. Il
s'agit de saint Marcellin à droite et de saint Barthélemy
à gauche. L'église paroissiale est dédiée à
saint Marcellin218, 29ème pape, qui mourut en
martyr au début du IVème siècle. Le peintre le
représente en habit de pape, le rendant reconnaissable. Saint
Barthélemy, seul apôtre présent, porte l'attribut de son
martyr,
213 Dite Notre-Dame-d'Aquilon.
GIORDANENGO, Gérard, L'église paroissiale de
Notre-Dame-de-l'Aquilon à Guillestre, Congrès
archéologique de France, Paris, 1974, p.90.
214 Un phylactère désigne en histoire de l'art une
banderole, souvent aux extrémités enroulées, sur laquelle
est inscrite la légende du sujet d'un détail iconographique ou de
l'oeuvre entière. Le phylactère peut également porter les
paroles du personnage représenté. Ce procédé est
particulièrement utilisé au Moyen-âge et durant la
Renaissance.
215Anonyme, Assomption, 4e
quart 17e siècle, 172 x 163 cm, église paroissiale
Saint-Marcelin, La Salle-les-Alpes.
216 Dans l'actuel département des Hautes-Alpes.
217Ministère de l'instruction publique,
Inventaire général des richesses d'art de la France.
Province, monuments religieux : Tome premier, éditeur Plon-Nourrit,
Paris, 1886.
218GUÉRIN, Paul, Les petits Bollandistes :
vies des saints, Tome 5, Blound et Barral, Paris, 1876, p.30.
70
le couteau, avec lequel il aurait été
écorché vif219. La présence de ces deux saints
dans cette toile souligne une fois de plus la prédominance de ce culte
caractéristique de la Provence mais aussi du Dauphiné. La Vierge
apparait entourée de lumière, elle regarde vers le haut, les
mains jointes. Autour du halo lumineux sont placées six têtes de
putti. Datée par l'Inventaire général du patrimoine
culturel du quatrième quart du XVIIème siècle, cette
Assomption présente les caractéristiques d'une croyance
provençale issue du XVème siècle, que nous retrouvons dans
son iconographie.
La dernière oeuvre anonyme de notre catalogue se trouve
à quelques kilomètres au nord de la Salle-les-Alpes, dans
l'église paroissiale Notre-Dame-de-l'Assomption de
Monêtier-les-Bains. Cette Assomption
(Fig.19)220 n'a été
attribuée à aucun peintre cependant la date de réalisation
apparaît sur l'oeuvre en bas à gauche, difficilement lisible : il
s'agit de 1630 ou 1650. Le registre inférieur montre les apôtres
autour du tombeau vide : au premier plan ils apparaissent plus dispersés
qu'à l'habitude. Un livre ouvert, probablement un livre de
prières, se trouve aux pieds de l'un des apôtres, qui montrent
dans l'ensemble de l'étonnement et une dévotion exacerbée,
notamment pour saint Jean à droite, représenté les mains
croisées sur la poitrine et le regard levé au ciel.
Dans le registre céleste la Vierge est
auréolée de lumière comme dans l'oeuvre
précédente de la Salle-les-Alpes. Elle est
représentée les bras largement écartés, un genou
posé sur le nuage, qui est peuplé sur les côtés de
plusieurs angelots. Malgré le mauvais état de la toile, la
composition traditionnelle de l'oeuvre révèle cependant un
registre inférieur où la disposition des apôtres est assez
inhabituelle, probablement de la main d'un artiste de la région.
219 Le responsable de son martyr serait le frère de
Polème, roi d'une contrée en Inde que saint Barthélemy
aurait converti avec toute sa famille au christianisme.
GIORGI, Rosa, Les saints, Hazan, Paris, 2003, p. 50.
220Anonyme, Assomption, 1630 ou 1650, 250 x
180 cm, église paroissiale Notre-Dame-de-l'Assomption, Le
Monêtier-les-Bains.
71
b. La question des copies.
Il convient d'aborder la question des copies à ce stade
de notre étude. En effet parmi notre catalogue d'oeuvres qui en compte
vingt et une, anonymes et attribuées, nous rencontrons une copie d'une
Assomption d'un peintre parisien et trois toiles dont le registre
inférieur est similaire ou quasi similaire.
Nous traiterons en premier le cas de ces trois oeuvres : il
s'agit de l'Assomption de François Mimault à
Senez221, de celle de Jacques Macadré à
Gréoux-les-Bains (Fig.3)222 et d'une toile
anonyme conservée au Luc (Fig.20)223. Cette
dernière se trouve au sein de l'église Notre-Dame-du-Mont-Carmel.
La composition se présente en deux registres, séparés par
une bande de ciel bleu. Dans la partie supérieure, un nuage
s'étend sur toute la largeur de la toile, la Vierge est assise au
milieu, avec de part et d'autre une nuée d'angelots vêtus de
drapés rouges, jaunes et bleus. Marie, elle, porte une robe rouge et un
drapé bleu, le visage légèrement tourné ; ses bras
grand ouverts délimitent l'auréole qui entoure toute la partie
supérieure du corps de la Vierge.
La question de la copie se pose donc pour le registre
inférieur, le groupe des apôtres de l'Assomption du Luc
est quasi- exactement le même que celui de Mimault à Senez. Ici la
disposition des personnages est calquée à l'inverse, les seules
différences se trouvent dans les coloris des vêtements, qui pour
le reste sont strictement similaires. Nous remarquons aussi l'absence d'un
apôtre. Si l'oeuvre de Mimault en compte douze, au Luc nous en trouvons
seulement onze. À ce sujet nous pouvons nous demander si l'oeuvre n'a
pas été coupée sur le côté droit pour rentrer
dans un cadre à postériori224. Si nous ne connaissons
ni l'auteur, ni la
221 Voir dans ce mémoire, II.), c., p. 35.
222 Idem, II.), c., p.38.
223Anonyme, Assomption, 17e
siècle, Notre-Dame-du-Mont-Carmel, Le Luc.
224 L'Assomption du Luc est aujourd'hui
encadrée d'une frise de quadrilobes peinte sur le mur, qui
délimite au-dessus un tympan à l'intérieur duquel sont
figurés une myrte, un rameau et un livre en médaillon. Ces
peintures
72
date de l'exécution de l'oeuvre, nous pouvons supposer
qu'elle fut réalisée après celle de Mimault, sans pour
autant en être certains. En effet, deux hypothèses s'offrent
à nous : la plus probable serait que ces artistes eurent tous deux
connaissance d'une gravure qui circulait dans la région et qui offrait
un modèle de composition dédié au groupe des
apôtres. La seconde, plus discutable voudrait que l'artiste du Luc ait
consciemment copié une partie de l'oeuvre de Mimault. Le peintre aurait
dans ce cas bénéficié d'une fort bonne réputation
dans la région, au point que ses oeuvres soient prisent comme «
références » par d'autres peintres provençaux.
De plus, nous retrouvons également de nombreuses
similitudes entre le groupe des apôtres de Senez et celui de l'oeuvre de
Jacques Macadré réalisée en 1615, une année
après celle de François Mimault. Bien que la composition ne soit
pas tout à fait la même, chez Macadré, les trois
apôtres derrière et à droite du tombeau sont plus
espacés les uns des autres. Notons aussi que le commanditaire
présent dans l'oeuvre de Mimault est ici remplacé par un
apôtre225. La gestuelle est tout autant identique, un seul
apôtre à gauche ne lève pas la main dans la composition du
Luc, le peintre a également rajouté une clé à la
main de saint Pierre sans en changer la position. Cependant là aussi la
couleur des vêtements des douze apôtres varie d'une oeuvre à
l'autre et les coloris dans l'ensemble sont un peu plus ternes dans
l'Assomption du Luc. Dans ce cas, la question se pose encore : Jacques
Macadré a-t-il puisé son inspiration chez Mimault, ou ont-ils eu
le même modèle de gravure ?
Quoi qu'il en soit, il faut aussi prendre en compte une
remarque pertinente de Marie-Claude Homet à propos de la copie :
« Le peintre lui-même n'a pas toujours la
perception de ses sources. La part d'inspiration et celle de transcription, et
même d'imitation, restent du domaine de l'inconscient bien plus que
murales sont attribuées au peintre D. Dechiffre, dit Il
pintore, elles sont datées de 1898. Avant de recevoir ce décor
l'oeuvre a donc pu être encadrée durant les siècles
précédents.
Inventaire général du patrimoine culturel, dossier
n° 83001046.
225 Chez Mimault, l'apôtre est présent au dernier
plan, derrière le tombeau.
73
du conscient. Il n'y a que la copie conforme qui traduise
vraiment l'admiration, la volonté de faire comme l'autre
»226.
Cette dernière phrase pourrait définir l'ultime
oeuvre de notre catalogue, l'Assomption
(Fig.21)227 anonyme conservée
au sein de la chapelle Saint-Symphorien de Vernègues228.Il
s'agit en effet de la copie inversée de
l'Assomption229 de Simon Vouet conservée au
musée des Beaux-arts de Reims et réalisée en 1644 pour
l'oratoire de la chapelle d'Anne d'Autriche au Palais Royal. L'oeuvre
présente au bas les apôtres, de part et d'autre de quelques
marches au premier plan qui mènent au tombeau. Juste au-dessus la Vierge
s'élève debout sur les nuages accompagnée par plusieurs
anges. Vouet la représente le visage quasiment de profil. Le mouvement
ascensionnel est particulièrement mis en avant par l'agitation des
drapés du manteau bleu de Marie. Derrière la scène figure
un décor architectural composé de colonnes corinthiennes,
révélant chez Simon Vouet un rapprochement vers le classicisme,
amorcé dès 1640. Cette oeuvre est également
caractérisée par la finesse du dessin et des coloris. En effet
l'oeuvre de la chapelle Saint-Symphorien, bien que le sens soit inversé,
présente une composition identique. Le peintre ne fait cependant pas
figurer les colonnes corinthiennes et « comble » le fond de la
scène par une masse nuageuse. Les personnages se trouvent dans les
mêmes postures, rendant une dynamique similaire à l'oeuvre de
Vouet. Si la lumière vient de la même source sur les deux toiles,
nous remarquons que dans la copie celle-ci est plus intense. Un rayon illumine
la Vierge jusqu'à son tombeau et tranche ainsi d'avantage les
volumes.
226HOMET, Marie-Claude, Michel Serre et la
peinture baroque en Provence (1658-1733), Aix-en-Provence, 1987, p.37.
227 Anonyme, Assomption, 17ème siècle, 173
x 120 cm, chapelle Saint-Symphorien, Vernègues.
228 Dans l'actuel département des
Bouches-du-Rhône.
229Simon VOUET, Assomption de la Vierge, 196
x 129cm, 1644, musée des Beaux-arts, Reims. Annexe
14.
74
Pour le reste, le peintre de Vernègues a largement
copié l'Assomption de Vouet, qui fut reproduite par la gravure
en 1647 par Michel Dorigny230. L'oeuvre de la chapelle
Saint-Symphorien est donc très certainement postérieure à
1647. Bien que le peintre demeure inconnu, la présence au bas à
gauche de l'oeuvre d'un blason231 pose la question du commanditaire.
La halle voutée dans laquelle se trouve l'oeuvre aujourd'hui,
était au XVIIème ouverte sur l'extérieur. L'Assomption
a donc probablement été destinée à un autre
emplacement au sein de l'édifice. Selon les informations connues, cette
halle voutée fut offerte par la dame d'Oppède, certainement
Marie-Thérèse de Pontevès232,
épouse233 d'Henri de Forbin-Mainier234, baron
d'Oppède. La halle ayant été intégrée au
volume intérieur de la chapelle seulement en 1767, il n'est cependant
pas impossible que Marie-Thérèse de Pontevès ait offert
cette toile au même titre que son mécénat envers
l'architecture. Les armoiries présentes sur l'oeuvre rappellent celle de
la famille noble provençale des Agoult235 dont sont issus les
Pontevès. Ainsi nous retrouvons des armoiries où figurent les
deux familles236. De plus l'oeuvre a été datée
par la DRAC237 de la deuxième moitié du XVIIème
siècle, ce qui correspondrait au mécénat pour la halle de
1650 émanant de Marie-Thérèse de Pontevès. Elle
aurait pu également offrir cette oeuvre à une date
postérieure. Il s'agit là d'une hypothèse, car aucun prix
fait existant ne vient confirmer avec certitude cette information.
230 Michel Dorigny était le gendre et
l'élève de Simon Vouet, c'est un peintre et un graveur qui
réalisa de nombreuses oeuvres.
Voir DUMESNIL, Robert, Catalogue raisonné des
estampes gravées par les peintres et dessinateurs de l'école
française, Tome 4, Allouard Libraire, Paris, 1839, p.247 à
p.300.
231 Ces armoiries se présentent sous la forme d'un blason
bleu portant un loup sur la diagonale. Voir détail
(Fig.21).
232 Marie-Thérèse de Pontevès (1626 -
1699).
233 Le mariage eu lieu en juin1637.
CHENAYE-DESBOIS, M. de la, Dictionnaire de la
noblesse, Tome 6, Antoine Boudet Libraire, Paris, 1773, p. 528.
234 Henri de Forbin-Mainier fut baron d'Oppède, «
seigneur de la Fare, du Rouvet, de Peyroles et en partie de Varage, fut connu,
comme son père, conseiller, puis président, et enfin premier
président du Parlement de Provence, par provisions du 19 septembre 1655.
»
Idem
235 Voir CHENAYE-DESBOIS, M. de la, Dictionnaire de la
noblesse, Tome 1er, Antoine Boudet Libraire, Paris, 1770,
p.74.
236 Voir (Fig.21).
237 Dossier DRAC n° PM13002600
75
Par ailleurs, nous avons connaissance d'une autre copie
inversée de l'oeuvre de Simon Vouet, conservée au sein de
l'église paroissiale Saint-Michel de Bordeaux, cette
Assomption238 anonyme est néanmoins
datée239 et porte les armoiries du commanditaire, qui
là aussi n'ont pas pu être identifiées avec certitude.
L'exemple de la copie de Vernègues prouve la
rapidité de diffusion en Provence des oeuvres des grands maitres
parisiens, mais pas seulement. Bien que le peintre reproduise la composition
exacte de Vouet, le traitement de la lumière et des coloris nous indique
une maitrise certaine de son art, et dénote un trait stylistique propre
aux artistes provençaux. Si nous n'avons qu'un exemple dans notre
catalogue de réplique exacte comme celle-ci, nous remarquons ici que la
réponse de l'artiste à la question de la copie est double. La
notion d'admiration, liée à Simon Vouet peintre tout autant
parisien qu'italien, devait être présente chez le commanditaire et
chez l'artiste. Cependant ce dernier, s'il répond à la demande en
reproduisant la composition, ne tourne pas le dos à une tradition
ancrée en Provence où la vivacité des coloris est
prédominante. Mais il ne faut pas oublier un paramètre important,
notre peintre était peut être copiste, ce qui est certain c'est
que le fait qu'il soit choisi par le commanditaire pour ce type de travail
révèle un aspect de son art. Cela démontre que l'artiste
était alors considéré comme digne et assez talentueux pour
reproduire au mieux la manière du maître.
Au XVIIème siècle, la notion de copie, de
reproduction n'était donc absolument pas considérée de
manière dépréciative comme aujourd'hui. Nous le savions
pour sa fonction d'enseignement, lorsque les peintres au cours de leur
apprentissage reproduisaient les oeuvres de grands maîtres de la
Renaissance ou les modèles antiques. La copie avait une réelle
fonction d'enseignement, et était considérée comme une
règle inhérente à la pédagogie
238Anonyme, Assomption, 1652, 211x151 cm,
d'après Simon Vouet, église Saint-Michel, Bordeaux.
Annexe 15. 239 La date, 1652, se trouve en bas au gauche de
l'oeuvre.
Inventaire général du patrimoine culturel,
région Aquitaine, dossier n° IM33002195.
76
artistique. Outre cette fonction que nous connaissons bien,
elle permettait donc la diffusion d'oeuvres prestigieuses dans tout le royaume
dont la Provence.
c. Un mode de représentation
privilégié ?
Afin de répondre à cette question et
après analyse de notre catalogue qui compte vingt-et-une oeuvres,
anonymes et attribuées, nous pouvons dégager deux
catégories principales de représentations de l'Assomption en
Provence. Il convient d'y ajouter les oeuvres qui font figure d'exception dans
notre étude et celles où est représenté le
commanditaire. Les deux modes de représentations que nous rencontrons se
répartissent ainsi : les Assomption à la composition
traditionnelle et les Assomption où sont figurés des saints
extérieurs à la scène.
La première catégorie, les oeuvres à la
composition traditionnelle sont les plus nombreuses, sur vingt et une oeuvre
recensées, huit d'entre elles sont concernées. Il s'agit de la
représentation de l'Assomption qui est la plus en accord avec les
textes, apocryphes mais surtout les écrits issus de la
littérature religieuse du XVIIème. Si ce type de composition
retranscrit fidèlement les écritures, par les personnages
présents et les émotions qu'ils sont supposés ressentir,
la séparation des deux registres, le terrestre et le céleste est
une tradition strictement picturale. Issu des premières
représentations de l'Assomption au Moyen-âge, puis repris par les
grands maîtres de la Renaissance italienne, ce schéma de
composition perdure ainsi durant tout le grand siècle, et
particulièrement en Provence.
Ainsi nous avons placé dans cette catégorie
quatre Assomption anonymes et quatre autres attribuées. Ces
dernières se composent, dans un ordre chronologique, des oeuvres de
Jacques Macadré240, Nicolas Mignard241, Reynaud
Levieux242 et Claude Bousquet243 en Provence.
240 Voir p.45.
241 Idem, p.53.
77
Pour les oeuvres anonymes, trois se trouvent également
en Provence, celles de Grimaud244, d'Aups245, du
Luc246, et une dans le Dauphiné au
Monêtier-les-Bains247. L'ensemble de ces oeuvres fait figurer
les apôtres regroupés autour du tombeau, suivant là aussi
les représentations traditionnelles du thème. Nous l'avons
déjà souligné, mais seule l'Assomption anonyme de
l'église Saint-Pancrace d'Aups déroge à cette règle
puisque les apôtres y sont disposés en cercle autour de la
sépulture.
Bien que notre catalogue ne soit pas exhaustif, le panel des
oeuvres étudiées nous permet toutefois d'observer les tendances
qui en découlent, pour tenter de mieux comprendre la production
artistique liée au thème en Provence. Ainsi au vu de la
majorité des oeuvres reprenant une composition strictement
traditionnelle, nous pourrions tirer la conclusion suivante ; l'Assomption
bénéficie dans la région d'une résonance
particulière au sein du culte des habitants. Ce qui se traduit
picturalement par la reprise d'un schéma de représentation
coutumier, accessible à tous par une narration qui ne conserve que
l'essentiel.
La deuxième catégorie qui regroupe les
Assomption où figurent des saints extérieurs à la
scène, compte six oeuvres, dont quatre attribuées et deux
anonymes. Nous avons là le deuxième type de représentation
le plus rencontré lors de notre étude, ce qui est
révélateur à plus d'un titre. De manière
générale, nous avons vu que les saints sont toujours
représentés par deux, à l'exception peut-être de
l'oeuvre de Trophime Bigot où le Christ et sainte Anne accueillent la
Vierge au ciel. Pour les autres cas, les deux saints sont exclusivement
présents dans le registre terrestre. Nous en comptons donc onze au total
répartis dans six oeuvres. Lorsque nous nous penchons sur la population
de ces saints, la majorité d'entre eux sont issus du premier
millénaire : la tendance que nous avions remarquée au cours de
cette étude se
242 Idem, p.55.
243 Idem, p.57.
244 Voir p.66.
245 Idem, p.65.
246 Idem p.71.
247 Idem p.70.
78
confirme donc. Ainsi huit d'entre eux sont issus des Ier,
IIème, IIIème et IVème siècles248, et
trois du Moyen-âge249. Le culte de ces saints est donc
particulièrement présent en Provence, reflétant une
société où les traditions se perpétuent, car comme
le souligne Marie-Hélène Froeschlé-Chopard, « tous
ces saints (...) renvoient à la première
évangélisation »250 et en ce sens « à
la première strate du christianisme d'une région
»251. Nous pouvons aisément conclure que dans le cas de
l'Assomption, l'iconographie participe à maintenir vivantes ces
croyances. En effet, la scène de l'Assomption permet de regrouper les
deux cultes qui font partie des trois plus populaires dans la région, la
Vierge et les saints du premier millénaire. De plus, là encore
nous constatons la persistance des croyances du Moyen-âge avec le culte
de saint François, sainte Claire et sainte Marguerite, que nous
retrouvons dans nos oeuvres dans l'Assomption anonyme d'Ollioules et celle de
Laurent Brunier à Visan.
Ces deux premiers modes de représentation majoritaires,
la composition traditionnelle et la composition incluant des saints qui ne sont
d'ordinaire pas présents, sont le reflet dans les oeuvres
dédiées à l'Assomption d'une région aux traditions
religieuses fermement ancrées.
Nous trouvons également des compositions incluant le
commanditaire : elles sont au nombre de trois ; les oeuvres de François
Mimault à Senez252 et Entrevaux253, et
l'Assomption anonyme de Guillestre254. Peu nombreuses,
elles traduisent souvent la richesse, et / ou le haut rang auxquels
appartiennent les commanditaires. C'est le cas pour ces Assomption qui
émanent toutes du mécénat religieux avec les
évêques de Senez et d'Entrevaux et l'archevêque d'Embrun.
Dans ce cas les artistes répondent à une commande dont les
248 Ier siècle : saint Anne, saint Joseph. II et
IIIème siècles ; saint Marcellin, saint Christophe. III et
IVème siècles ; saint Sébastien, sainte Marguerite.
249 XIIème et XIIIème siècles ; saint
François, sainte Claire. XIVème siècle ; saint Roch.
Notons toute fois que le culte de saint Joseph fut intégré
à la liturgie chrétienne qu'au XVème siècle.
250FROESCHLÉ-CHOPARD,
Marie-Hélène, Espace et sacré en Provence (XVIe - XXe
siècle), Les Éditions du Cerf, Paris, 1994, p.133.
251 Idem, Idem.
252 Voir p.41.
253 Idem, p.43.
254 Idem, p.66.
79
directives iconographiques leurs ont été
clairement exposées, lors de la signature du prix fait notamment.
Cependant, la notion du lieu de destination de l'oeuvre est également
importante et à prendre en compte. En se faisant représenter en
spectateur, ou comme chez Mimault à Senez, acteur de la scène,
les commanditaires entendent ainsi témoigner leur dévotion. Ces
oeuvres exposées aux yeux des fidèles dans les églises
pour lesquelles elles ont été réalisées, offrent
à tous le témoignage de la grande piété de ces
représentants de l'autorité chrétienne.
Enfin, quatre dernières oeuvres n'appartiennent
à aucune de ces catégories, et révèlent des
exceptions plus rares dans la production artistique liée au thème
dans la région. Parmi celles-ci, deux oeuvres présentent une
iconographie originale qui n'est vraisemblablement pas très
répandue en Provence, il s'agit des Assomption anonymes de
Salon-de-Provence255 et de Cavaillon256. Nous l'avons vu
seul le groupe de la Vierge avec les anges est représenté. Ce
mode de représentation s'inscrit en effet à l'opposé de la
composition traditionnelle en deux registres. À Salon le choix du
peintre pour cette iconographie a peut-être été
dicté par le lieu de destination, qui impliquait une grande distance
entre l'oeuvre et le spectateur. Mais le point commun entre l'Assomption de
Salon et celle de Cavaillon semble être le fait qu'elles appartiennent
toutes deux à un ensemble de plusieurs oeuvres. Dans ce cas la
scène, réduite au groupe céleste, devient certainement
suffisamment lisible lorsque celle-ci est accompagnée par d'autres
oeuvres figurant les épisodes de la vie de la Vierge.
À ces deux toiles nous pouvons ajouter la copie
d'après Vouet de Vernègues257 qui dévoile une
facette du mécénat en Provence, cependant la commande de copie
conforme ne parait pas extrêmement répandue dans la région.
Nous pouvons en supposer de même pour les oeuvres commandées
à des peintres parisiens. En effet l'Assomption de Philippe de
Champaigne258
255 Voir p.66.
256 Idem, p.67.
257 Idem, p.73.
258 Idem, p.58.
80
conservée à Saint-Julien-en-Beauchêne est
la seule dans notre catalogue qui illustre cette particularité, pour le
Dauphiné. Il est d'autant plus étonnant de remarquer que cette
commande, qui témoigne très probablement d'une recherche de
prestige, émane d'un ordre religieux, les Chartreux, établis au
sein d'un si petit village. À ce sujet nous sommes forcés de
constater qu'au XVIIème siècle, la diffusion des oeuvres des
maîtres de la capitale par la gravure est rapide mais surtout, couvre un
large territoire. Cependant, cela ne suffit pas pour affirmer que Paris avait
un grand pouvoir d'attraction sur la Provence. Bien qu'elle ne dispose pas
XVIIème siècle de grands noms, tels que l'on peut rencontrer dans
la capitale, la présence de peintres de talents originaires de la
région est incontestable. Nous l'avons vu avec François Mimault
ou Reynaud Levieux par exemple. Néanmoins, nous remarquons que la notion
de prestige liée à l'artiste est nettement moins marquée
que dans un grand centre artistique tel que Paris. La région illustre
bien la complexité du passage d'un statut d'artisan à celui
d'artiste, car aucune réelle différence n'est faite dans la
première moitié du siècle. Les peintres étaient
alors intégrés à des corporations de sculpteurs dont le
statut était lui aussi associé à celui d'un artisan. Ce
que l'on pourrait reconnaitre comme un tournant dans le statut social des
peintres s'opère dans la deuxième moitié du siècle,
quand est créée à Aix en 1663 la confrérie de Saint
Luc, qui avait pour vocation de regrouper plusieurs arts, peinture, sculpteurs
ou encore broderie. Cette tardive assimilation du statut de l'artiste dans la
société a peut-être contribué à en garder un
certain nombre dans l'ombre. Toutefois cette étude permet de rassembler
autour du thème de l'Assomption, quelques noms, ou oeuvres anonymes qui
rendent compte du vivier de talent dont disposait la région.
En somme, notre catalogue qui regroupe des oeuvres de toute la
Provence, du comté Venaissin et du Dauphiné, montre la
prédominance du mode de représentation traditionnel
dédié à l'Assomption, révélant ainsi
l'étroit parallèle entre la production écrite et
picturale. Mais surtout, il met en évidence l'aspect
particulièrement pieux de la Provence. La région associe
81
les croyances universelles aux croyances locales, qui au
XVIIème maintiennent un climat mystique dans l'esprit des
fidèles. La composition des oeuvres picturales en est le reflet le plus
direct : l'Assomption est représentée avant tout pour servir une
dévotion bien vivante.
82
? CONCLUSION
Cette étude s'est attachée à faire un
état des lieux de la production picturale dédiée à
l'Assomption, sur un territoire défini, la Provence du XVIIème
siècle. Nous avons cependant choisi de sortir de ce
périmètre géographique, pour inclure les oeuvres
présentes dans le Dauphiné, Avignon et le comté Venaissin.
Ce choix justifié par la proximité entre ces comtés,
permet de donner une vue d'ensemble de la production, afin de rendre compte,
dans un premier lieu qu'une école ou plutôt une manière
provençale est décelable dans ces Assomption et qu'elle ne se
limite certainement pas aux frontières du comté de Provence.
Cette région qui dès l'Antiquité vivait d'échanges,
conserve cette particularité au XVIIème, celle d'une terre de
passage, de brassage d'influences pour les artistes. Ils circulent dès
le XVème siècle des Pays-Bas et des provinces françaises,
vers l'Italie, et s'arrêtent en Provence, qui accueille ces vagues
presque ininterrompues de peintres importés durant plusieurs
siècles. Les leçons italiennes ramenées des voyages
successifs effectués par les artistes, ajoute une donnée au
paysage artistique de la région. Malgré cet aspect
hétéroclite de l'art en Provence, l'étude de la production
liée à l'Assomption à permis de démontrer
l'existence d'une peinture provençale. Elle a été
perpétuée par la population d'artistes locaux et implantés
en Provence, dont la production a longtemps été oubliée
dans l'ombre d'un art national, celui que l'on rencontre dans la capitale. Si
François Mimault, établi dans la région, ou Reynaud
Levieux qui en est originaire, sont de bons exemples d'une
réhabilitation tardive, un grand nombre de ces peintres qui ont
peuplé la vie artistique de la région demeure dans l'anonymat.
Cette étude a voulu intégrer ces Assomption privées de
signatures, comme autant de témoignages, d'indices menant à
l'élaboration de ce que l'on pourrait appeler un mode de
représentation spécifique à la Provence. Mais surtout nous
nous sommes attachés à discerner l'apport de ces artistes locaux,
originaires ou non de la région dans ces toiles.
83
Ainsi nous identifions dans nombre d'oeuvres des points
communs au niveau de l'appréhension de certaine donnée
stylistiques. En premier lieu le traitement des visages : la Vierge arbore une
physionomie douce et arrondie dans la grande majorité des oeuvres
étudiées. Nous pensons à celles de Levieux
évidemment, mais aussi aux oeuvres anonymes de Guillestre, d'Aups ou
encore de Grimaud. La seconde particularité qui semble marquer la
production provençale réside dans le traitement des couleurs. Les
peintres se constituent une palette riche et lumineuse. Alauzen affirme
à ce propos que la peinture en Provence « a trouvé son
expression de la lumière »259 dès le
XVIème siècle. À cela il convient d'ajouter la persistance
de certains traits de la peinture du Moyen-âge, visible dans nos oeuvres
aux poses figées des protagonistes. Cette caractéristique est
particulièrement marquée chez la Vierge, souvent
représentée de manière statique, excluant les apports plus
modernes. Nous pensons aux leçons italiennes avec l'essor du courant
baroque, qui associe la recherche du mouvement à l'expression des
passions. Nous n'affirmons pas qu'il s'agisse d'un rejet total, puisque
certains artistes font tout de même preuve de modernité par la
représentation du paysage dans certaines toiles. Néanmoins cet
exemple concerne seulement quatre oeuvres de notre catalogue, l'Assomption
anonyme avec sainte Claire d'Ollioules et celles de Monier et Reynaud
Levieux.
Mais plus généralement, nous pouvons tirer
plusieurs leçons de l'ensemble de ces représentations de
l'Assomption. Ces oeuvres, nous l'avons vu, sont en majorité de
composition traditionnelle, aux registres superposés, avec pour beaucoup
la présence de saints extérieurs à la scène. Cette
tendance en peinture traduit la réalité d'un territoire
attaché à ses traditions anciennes, où la recherche de la
nouveauté, par la modernisation des formes notamment n'est pas
essentielle. Nous constatons que ce qui semble primer dans ces Assomption est
le message délivré. Sans pour autant nier le talent de certains
peintres
259ALAUZEN, André, La peintre en Provence
du XIVe siècle à nos jours, La Savoisienne, Marseille, 1962,
p.34.
84
évidemment, nous remarquons en effet la
répétition des modes de représentation, assurant une
lecture aisée des oeuvres. En somme, le lieu de destination est
primordial : les oeuvres de notre catalogue ont pour la plupart un aspect
utilitaire que l'on ne peut ignorer. Elles illustrent les besoins
esthétiques des foyers artistiques majeurs, Aix, Arles et Avignon, mais
aussi ceux de communautés beaucoup plus rurales, comme Le
Mônetier-les-Bains ou encore Senez. De plus, l'Assomption se
révèle être un sujet populaire au sein de divers ordres
religieux, pénitents, Franciscains ou encore les Chartreux qui se
développent grâce au renouveau de la vie monastique.
Particulièrement nombreux en Provence, ces ordres, ainsi que les
très nombreux lieux de cultes participent à définir le
caractère extrêmement religieux propre à la
région.
Si l'on place à part les oeuvres qui font figures
d'exceptions dans notre catalogue, - la copie formelle de Vernègues, la
toile commandée à Champaigne et les deux
compositions260 isolant le groupe de la Vierge - toutes les autres
Assomption, qui dévoilent le talent plus ou moins grand de chaque
artiste, ont la même caractéristique. Nous sommes forcés
d'admettre le rôle prépondérant des commanditaires, qui
donnent aux artistes des recommandations iconographiques strictement
traditionnelles, ne laissant que peu de place à l'imagination des
peintres. Mais notre étude, dès son début, rappelle les
prédispositions conséquentes qu'avait un territoire tel que la
Provence à perpétuer les traditions religieuses et artistiques
qui ont défini son identité avant même le XVIIème
siècle.
Ces représentations de l'Assomption sont donc avant
tout des oeuvres destinées à susciter la dévotion et la
piété, elles offrent un support matériel à ces deux
vertus, permettant à tous, y compris les moins instruits, de concevoir
le caractère mystique de la fin terrestre de la Vierge.
260 Les oeuvres de Cavaillon et Salon-de-Provence.
85
Parallèlement l'étude du culte de l'Assomption
et plus généralement du culte marial a permis de démontrer
la présence toute particulière de cette figure maternelle dans la
région. Les vocables dédiés à la sainte Vierge se
multiplient en Provence, et de nombreuses processions ont lieu pour la
fête du 15 août, directement issues de la tradition populaire.
Finalement cette étude a voulu éclairer la
production d'un thème particulièrement populaire au Grand
Siècle, au sein d'une région chargée d'histoire et de
religion. Et au fil de ces oeuvres, nous avons découvert une peinture
parlante, chaleureuse, qui correspond à la Provence telle que nous la
connaissons.
Aujourd'hui, la région conserve toujours un patrimoine
religieux particulièrement riche, la Révolution ayant
épargnée un grand nombre d'oeuvres cachées dans les
églises qui peuplent le territoire. Ces lieux de culte qui
étaient si nombreux n'ont pas totalement disparu, les églises des
villes et villages sont parfois toujours en activité, mais lorsqu'elles
sont fermées, la question de la visibilité de ces oeuvres se
pose. La réhabilitation de cette part de la production artistique
provençale particulièrement féconde, peuplé
d'artistes de tous horizons, est une grande entreprise, dont on doit
l'initiative à monsieur Boyer. À ce jour il parait primordial de
rappeler l'importance de faire connaitre ce patrimoine, ces oeuvres qui sont
les témoins d'une vie artistique intense et prolifique en Provence.
86
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