Université Panthéon-Assas
Institut Français de Presse (IFP)
Mémoire de master/ Juin 2015
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Mémoire de Master 1, Sciences politiques et sociales,
mention médias, information et communication
dirigé par Valérie Devillard
La Neknomination :
Défi d'expression de soi et Culture du «
Share »
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Clémence Cordeau
Sous la direction de Colin Robineau
Date de dépôt : 4 juin 2015
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
2015
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Avertissement
La Faculté n'entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans ce mémoire ; ces opinions
doivent être considérées comme propres à leur
auteur.
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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Remerciements
Je remercie Colin Robineau sans lequel ce mémoire
n'aurait pas pu voir le jour, pour ses conseils, toujours précieux et
justes, la méthodologie qu'il nous a enseigné et pour
s'être rendu disponible afin de répondre à nos
questions.
Merci à Frédéric Lambert et Maëlle
Bazin dont j'ai suivi le séminaire de sémiologie au premier
semestre. Je les remercie pour leur aide, leurs conseils qui m'ont
été précieux afin de constituer et de bien analyser mon
corpus de vidéos, objet central et indispensable de cette
étude.
Merci aux professeurs de l'IFP pour leurs cours qui m'ont
éclairé et servi pour la rédaction de ce mémoire,
tant au niveau du contenu que de la méthodologie et de l'écriture
qu'un chercheur en sciences humaines et sociales se doit de respecter.
Je voudrais adresser des remerciements à Guillaume Sire
dont le cours « Réseaux de communication et innovations sociales
» m'a été tout particulièrement utile dans ma
réflexion sur le phénomène de Neknomination et dans ma
compréhension des différentes recherches sociologiques
utilisées.
Un grand merci aux enquêtés qui ont
accepté de m'accorder de leur temps afin d'éclairer mon sujet
d'étude et d'apporter des preuves empiriques aux différentes
théories mobilisées.
Enfin, je remercie les quelques personnes de mon entourage qui
ont bien voulu relire ce mémoire afin de clarifier les points sur
lesquels je ne m'étais pas assez attardée.
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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Résumé :
Entre défi d'expression de soi et culture du «
Share », la Neknomination, ces chaînes de vidéos où
des internautes se sont filmés buvant cul-sec de l'alcool sur Facebook,
illustre, de façon significative, les nouvelles pratiques de
sociabilisation qui sont encore en train de se faire à l'heure où
le numérique a pris une place considérable dans nos quotidiens.
L'hypothèse selon laquelle les espaces de socialisation
numériques et physiques sont interconnectés, inséparables
les uns des autres, constituera le leitmotiv de cette étude, à la
fois théorique et empirique. On étudiera ainsi les
manières dont les internautes construisent et façonnent leurs
identités sur les réseaux socionumériques au travers d'une
auto-présentation et d'une mise en scène de soi bien
pensées. On analysera la question du défi que sous-tend le
phénomène de Neknomination comme matière à se
sociabiliser (ou à ne pas se désociabiliser) dans la
communauté bien spécifique de ceux qui ont pris part à ce
grand jeu d'alcool 2.0. Nous verrons également de quelle manière
une pression à différents niveaux s'exerce dans cette
communauté. Enfin, comment oublier la question de la viralité,
conséquence de cette Culture du « Share », lorsque l'on parle
de chaînes de vidéos sur Internet. Véritable
réalisation collective, entre individualisme et solidarité ;
entre similitude et différence, on verra comment la Neknomination
circule dans l'espace socionumérique mais aussi et surtout dans quel but
les internautes s'y adonnent.
Mots clés : Neknomination, identités
numériques, réseaux socionumériques, réseaux
sociaux, culture expressive, défi, alcool, auto-présentation,
vidéos, mise en scène de soi, viralité, Social Bragging,
besoin de reconnaissance
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Sommaire
Introduction 6
Partie 1 - Facebook : un espace de socialisation 2.0 ?
12
Chapitre 1 : La culture expressive 12
Chapitre 2 : Une mise en scène assumée
devant un public ciblé 19
Partie 2 -- Le défi comme matière
à sociabiliser 27
Chapitre 3 : Un jeu d'alcool en clair obscur
27
Chapitre 4 : La pression sociale du défi
34
Partie 3 -- La nature virale de la Neknomination
41
Chapitre 5 : La culture du « Share »
41
Chapitre 6 : Contagion et propagation de la
Neknomination 48
Conclusion 56
Bibliographie 59
Sources 61
Corpus 62
Table des annexes I
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Introduction
Les réseaux sociaux, vastes territoires investis par
des milliers d'internautes. Ils nous ont conquis et, aujourd'hui, il n'est
presque plus possible d'y échapper, surtout lorsqu'on fait partie des
Digital Natives ou natifs numériques, ces jeunes de la
génération Y, nés avec Internet entre le début des
années 1980 et celui des années 2000. Mais qu'est-ce que ces
réseaux ont changé à nos vies ?
Ils ont d'abord et surtout modifié comment on s'exprime
et à qui on s'adresse. Pour mieux comprendre cette affirmation, il
convient de revenir sur la création de ces nouvelles plateformes que
sont les réseaux sociaux.
Historique de la réussite des réseaux
sociaux
Pourquoi les réseaux sociaux ont pris autant
d'importance dans nos vies ? La réponse à cette question tient en
une invention simple mais efficace qu'est la mise en place progressive de la
liste d'amis comme principal outil de navigation. Inspirée par les
travaux de Stanley Milgram sur les « six degrés de
séparation » montrant les réseaux d'interconnaissances entre
plusieurs personnes totalement inconnues. En bref, le vieil adage qui nous dit
que « le monde est petit ». Cette étude fût
réalisée en 1967, reprenant une idée
développée en 1929 par Frigyes Karinthy. Milgram a ainsi
démontré que tout individu est facilement relié à
un autre par une chaîne de relations sociales. Grâce à cette
expérience empirique réalisée sur 217 individus, une
longueur moyenne de ces chaînes de connaissances a été
établie, celle-ci étant de 5,2 intermédiaires avant
d'avoir une connaissance commune entre deux personnes. Il est donc assez
évident que cette étude constitue l'un des principes fondateurs
des réseaux sociaux actuels, mais cette théorie a malgré
tout été profondément chamboulée par
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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ces derniers, on dit souvent que les réseaux sociaux,
et plus particulièrement Facebook a rétréci le monde. Une
étude réalisée en 2011 par quelques chercheurs en
partenariat avec le site Facebook a montré que ces six degrés de
séparation ont été ramenés à 4,74 en moyenne
alors que le site mobilisait 10% de la population mondiale cette année
là.
La réussite de ces sites s'appuie sur une forme
inédite de navigation qui s'inspire des formes de socialisation dans les
espaces physiques, notamment par la mise en place d'un moteur de recherche
imparfait où seule la connaissance a priori de l'identité d'une
personne, nous permet de la retrouver, ou une exploration des traces
d'activité d'amis en amis. Une expérience donc très proche
des attentes et des pratiques ordinaires des utilisateurs. «
Véritable opérateur de territorialisation, le réseau
social transforme l'univers proliférant du Web en un espace familier et
navigable. Il impose aussi une contrainte de réalisme pour les
participants puisqu'il est beaucoup plus difficile de jouer avec ses
caractéristiques identitaires lorsque celles-ci sont soumises au regard
des proches »1. C'est ce qui se joue lorsqu'on parle de
Facebook, un réseau dans lequel on s'exprime, selon Dominique Cardon, en
« clair obscur », « cette zone de familiarité
contrôlée dans laquelle les utilisateurs rendent publics des
éléments parfois très personnels de leur vie quotidienne
tout en pensant ne s'adresser qu'à un réseau de proches »
dans lequel deux processus d'individualisation s'observent : le processus de
subjectivation, qui témoigne davantage d'une capacité de faire
que d'une identité, et un processus de simulation par lequel
l'internaute exprime ses multiples facettes afin d'afficher sa
différence et accroître ses chances d'être identifié
par d'autres. Ce « souci de distinction et de différenciation
à l'égard des autres qui s'affiche par la mise en scène de
signes identitaires sert avant tout à relier ». « Il traduit
ensuite un désir d'individualisation et de singularisation expressive
qui fait de plus en plus dépendre l'identité de chacun des signes
de reconnaissance qu'il reçoit des autres »2.
1 Dominique Cardon, « L'identité comme
stratégie relationnelle », Hermès, n° 53, 01/
2009, p. 142
2 Ibid.
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Naissance des bravades démonstratives du
web
C'est dans ce contexte que ces bravades, appelés Social
Bragging, sont nées sur les réseaux sociaux. Des chaînes,
des jeux, dangereux ou non, tout y passe et les jeunes en raffolent tout en
s'en lassant très vite. Ephémères, ces contenus sont
pourtant imperméables, scotchés sur la toile et participent de
notre eReputation, de l'expression de soi et des réactions attendues
après leur partage. Selon Beauvisage et al., « les
médias sociaux du Web opèrent une intrication inédite
entre sociabilité et contenus, entre discussion et partage, entre dire
et faire ». L'objectif de ces bravades et de toujours faire mieux que son
prédécesseur pour marquer sa différence et être
reconnu par ses pairs.
La Neknomination
La Neknomination est une de ces nombreuses bravades
démonstratives auxquelles s'adonnent, chaque année, de nombreux
utilisateurs des réseaux sociaux. Cette chaîne de vidéos
dans lesquelles des internautes se filmaient buvant cul-sec un verre d'alcool
(ou tout autre récipient susceptible de contenir un liquide). Le nom est
un néologisme qui résulte de la combinaison de « Nek »,
venant de l'expression anglophone, « To neck your drink » («
boire cul-sec ») et « nomination »3. Effectivement,
avant de devoir réaliser leur vidéo, chacun des internautes doit
avoir été nominé par un confrère qui a
lui-même relevé ce défi. Lorsqu'une personne est
nominée, elle doit également nominer à son tour trois
autres personnes qui auront un temps limité pour réaliser et
publier sa Neknomination sur Facebook. Dans ce mémoire, ceux qui
nominent seront appelés « Neknomineurs » et les
nominés, « Neknominés ».
Le choix de la Neknomination a été une
évidence, défi polémique à cause du rapport
explicite à l'alcool, beaucoup de personnes, dont j'étais, n'ont
pas compris les internautes qui l'ont pratiqué. Dans mon entourage, une
majorité a qualifié de
3 Prononcé à l'anglaise ou à la
française selon les personnes
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« débile » cette pratique, donnant comme
principal argument, le danger de s'exposer sur Internet buvant une grande
quantité d'alcool, ou pour certain, leur ivresse. Assez d'accord,
lorsqu'en février et mars 2014, ces vidéos ont envahi mon fil
d'actualité Facebook. Par ce mémoire, j'ai voulu comprendre ce
qui avait poussé certains utilisateurs du réseau social à
participer à cette chaîne 2.0. Je ne me doutais alors pas que
cette pratique était un exemple symptomatique des transformations qui
s'opèrent en terme de socialisation à l'ère du
numérique et de ses réseaux sociaux.
Cette étude interroge des problématiques en
construction, dynamiques, aucunes d'entre-elles ne sont arrêtées
car les réseaux socionumériques, eux aussi, sont en constante
évolution et les individus se les approprient dans leur quotidien en
créant de nouvelles manières de communiquer. Ils s'en sont
imprégnés pour reconstruire leurs espaces de sociabilités.
L'hypothèse selon laquelle, espaces, physique et numérique sont
interconnectés sera le leitmotiv de cette recherche. On pourra ainsi
voir que les internautes construisent leur identité sur l'Internet, plus
explicitement que dans l'espace physique, dans la mesure où ces
données sont stockés et analysables de manière permanente.
Une enquête d'un échantillon d'utilisateurs de Facebook a
été réalisée pour mieux montrer cette
interconnexion entre ces deux mondes inséparables.
Pour cette étude et afin d'avoir une base
théorique solide, différents auteurs scientifiques ont
été mobilisés, souvent sociologues
spécialisés dans le domaine du numérique. Maintenant
incontournable dans les études sur les identités
numériques, ou plutôt de ce que le numérique a fait des et
aux identités, Dominique Cardon n'a évidemment pas pu être
oublié pour questionner la Neknomination. Il en va de même pour
son confrère Antonio A. Casilli dont les recherches ont
éclairé cette analyse. Les études de Monique Dagnaud sur
les jeunes et le rapport à la fête ont été
mobilisées pour comprendre la culture de ces jeunes étudiants
avides de soirées. Fabien Granjon et Julie Denouël ont permis
d'interroger les questions de la reconnaissance par les pairs qui se joue sur
ces plateformes. Enfin, Thomas Beauvisage a apporté des analyses solides
quant à la viralité des contenus sur le web. Ceci ne constitue
pas une liste exhaustive des auteurs mobilisés qui seront, de toute
façon, cités en
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bibliographie et tout au long de ce mémoire, mais une
liste des principaux chercheurs dont les études ont pu éclairer
ce sujet.
Ces différentes théories ont ensuite
été appliquées à un corpus de huit vidéos.
Cinq vidéos4 constituent une partie d'une chaîne de
Neknomination dont leurs auteurs5 ont fait l'objet d'une
enquête et ont été interrogé indviduellement selon
une grille d'analyse précise6.
Le principal problème rencontré a
été celui de la récupération de vidéos qui
constituaient mon panel d'étude. Certains avaient supprimé leur
vidéo de Facebook, d'autres ne voulaient pas me la confier, des
négociations se sont entamées, et j'ai pu réussir à
récupérer la plupart en me déplaçant dans une autre
ville pour les récupérer par souci technique car les fichiers
étaient trop lourds pour s'envoyer par mail et la personne qui les avait
récupéré ne savait pas comment faire autrement. Pour deux
autres vidéos, les personnes n'ayant pas gardé leur
enregistrement sur leur ordinateur, il a fallut trouver un moyen de les
enregistrer, le téléchargement des vidéos sur Facebook
n'étant pas possible, j'ai donc fait une sorte de screenshot
vidéo, filmer mon ordinateur de l'intérieur via QuickTime,
je m'excuse de la qualité sonore de ces vidéos.
Ainsi, ce mémoire entend avoir une approche à la
fois théorique et empirique pour tenter de comprendre de quelle
manière les vidéos de Neknomination participent d'un besoin de
reconnaissance dans les espaces sociaux, numériques et physiques et
comment circulent-elles dans l'espace socionumérique.
Il s'articule autour de trois parties. La première
questionne les manières dont les internautes utilisent l'espace de
socialisation qu'est le web. Nous verrons comment les internautes construisent
et façonnent leurs identités sur ces réseaux
4 Les trois vidéos restantes sont des
ratés.
5 Sauf un qui n'a pas voulu répondre à
l'étude.
6 Voir Guide d'entretien en Annexes
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socionumériques par l'intermédiaire d'une
auto-présentation réfléchie dont la Neknomination
constitue un bon exemple.
La seconde interroge la question du défi comme
matière à sociabiliser ou à ne pas se
désociabiliser autour d'une étude sur les internautes qui ont
pratiqué la Neknomination, des étudiants fêtards, adeptes
des jeux d'alcool. Elle analysera également autour de la question du
défi, la pression exercée par les pairs.
Enfin, la troisième partie étudiera la question
de la viralité des contenus sur le web, elle montrera comment
circulent-ils dans cet espace socionumérique mais surtout dans quel but,
car c'est bien en cela que la Neknomination, notamment, prend tout son sens
pour ces jeunes.
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Partie 1 - Facebook : un espace de socialisation 2.0
?
L'espace de socialisation 2.0 est virtuel et ne s'oppose en
rien à l'espace hors ligne, bien au contraire. Le virtuel, comme il est
défini ici, est un prolongement des espaces physiques de socialisations.
En effet, les réseaux sociaux « ont été pensés
et construits en se rapprochant des techniques de soi développées
depuis des siècles »7. Ce n'est donc pas étonnant
que dans beaucoup de cas les amis Facebook soient des connaissances ou amis
réels. Ceux avec qui on a le plus d'interactions sur Facebook sont bien
ceux avec qui on partage dans la vie réelle.
Sur Facebook chacun se présente et dévoile ce
qu'il entend valoriser, mais sans jamais mentir car l'internaute est toujours
jugé par ses amis 2.0, des connaissances hors ligne, seuls arbitres de
cette auto-présentation, cette mise en scène de soi qui constitue
l'identité des internautes dans ces espaces que sont les réseaux
socionumériques.
CHAPITRE 1 : LA CULTURE EXPRESSIVE
Avec les réseaux sociaux, on remarque le passage d'une
intimité non partagée vers une intimité partagée de
plus en plus grande. Cette observation est appelée «
extimité » par le psychanalyste, Serge Tisseron. C'est un
dévoilement d'une partie de l'intimité pour être
validé par autrui. Ce dévoilement s'effectue en clair obscur,
Dominique Cardon nous dit de ne pas croire au développement d'un «
exhibitionnisme généralisé et sans règle »,
les internautes acceptent de ne rendre leur vie privé accessible
qu'à leurs seuls amis, c'est-à-dire, ceux qu'ils ont
accepté sur Facebook.
Toutes ces informations sont soumises au regard de ces amis,
à la fois On- et Off-line. L'internaute est alors contraint de dire
vrai, même s'il entend valoriser certains
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traits de sa personnalité, le mensonge n'est pas admis
dans les communautés. Cette mise en récit de soi est toujours
dans l'attente d'une validation de cet arbitre que sont nos amis. Elle
s'exprime par des « J'aime » ou des commentaires sur le réseau
Facebook.
Les identités sont alors toujours en quête de
validation et l'internaute prend, à chaque publication, le risque de ne
susciter aucune réaction de la part de son audience.
L'utilisateur est, nous dit le psychanalyste, un « expérimentateur
de lui-même ».
A/ Auto-présentation et valorisation de soi
« Le travail de subjectivation, entendue comme processus
de création continue de soi, imprime sur les interfaces des plateformes
du web 2.0 des traces interactives qui font alors corps avec la personne et
désignent aux autres sa singularité »8, c'est de
cette façon que Dominique Cardon défini cette
auto-présentation. Serge Tisseron9, psychanalyste,
émet la possibilité qu'Internet, communément
considéré comme un lieu de mensonges et de dissimulations en tout
genre, constituerait un lieu privilégié de l'authenticité
de chacun. Dominique Cardon appuie cette hypothèse en montrant
qu'effectivement, Internet est connu pour les tromperies et les mensonges, mais
l'Internet des réseaux socionumériques, de par le fait que les
internautes sont amis avec des personnes qu'ils connaissent dans les espaces
physiques, « se trouvent (contraints) par le regard et le jugement
potentiel des autres »10, le coût de la tromperie est
donc fort et il devient « difficile de tricher lorsque les informations
que l'on affiche sur soi vont être également lues et
entérinées par des personnes qui vous connaissent dans la vraie
vie ».
7 Alexandre Coutant, « Des techniques de soi
ambivalentes », Hermès, n° 59, 01/2011, p. 57
8 Dominique Cardon, « Le design de la
visibilité », Réseaux, 152, 2008, p. 100
9 Serge Tisseron, « Intimité et
extimité », Communication, n°88, 19/05/2011
10 Dominique Cardon, « Le design de la
visibilité », Réseaux, 152, 2008, p. 117
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Le cogito de Descartes se déplace pour devenir «
Je vois et je suis vu donc je suis »11. La présentation
de soi, dans la vie ou sur le web est une confirmation de soi par les
réactions qu'elle provoque. Sur les réseaux
socionumériques, la notion d'extimité est
prégnante, ce terme a été proposé par Jacques
Lacan, psychanalyste, ensuite repris par Serge Tisseron12 afin de
rendre compte d'une dynamique par laquelle « des fragments du soi intime
sont proposés au regard d'autrui pour être validés
»13. Cette extimité porte sur des parties de
soi qui étaient secrètes jusque-là et sur la
reconnaissance de leur originalité par les autres. C'est, accéder
à la connaissance de soi en se mettant nu face aux autres. Cependant, il
est important de mentionner que le désir d'extimité et
celui d'intimité fonctionnent ensemble, c'est parce qu'on sait qu'il est
possible de cacher certaines parties de soi que l'on entend en dévoiler
d'autres que l'on sélectionne. D'ailleurs, les Digital Natives
sont connus pour modifier leurs paramètres de
confidentialité et ne pas partager leur vie au vu et au su de n'importe
qui14.
Dresser son profil sur les réseaux sociaux est une
« mise en récit de soi »15, les Digital Natives
savent le faire, ils vont même plus loin, ces réseaux sont un
moyen de se valoriser, d'insister sur les meilleurs traits de leur
personnalité en réponse à ce que ses relations attendent,
de se montrer sous son meilleur jour. Serge Tisseron, pour expliquer cette
tendance, parle de la théorie du « miroir du soliloque ».
« (Cette théorie) correspond à la tentation
de ne chercher que la rencontre avec soi à travers tous les appels
lancés à l'autre. C'est la maladie du « moi, je », la
consécration d'un espace où l'autre n'est invité
qu'à me renvoyer l'image de moi que j'attends. Alors que dans la vie
cette posture est difficile à tenir longtemps, Internet la
11 J. Birman, « La visibilité en
question : l'espace, le temps, l'histoire », in Voir ; être vu.
L'injonction à la visibilité dans les sociétés
contemporaines, Acte du colloque organisé les 29, 30 et 31 mai 2008 par
l'Association internationale de sociologie (CR 46) et l'Association
internationales des sociologues de langue française (CR 19). Cité
par Serge Tisseron dans l'article mentionné ci-dessus.
12 Serge Tisseron, L'Intimité
surexposée, Ramsay, 2001, Réédition Hachette
Littératures, 2002
13 Serge Tisseron, « Intimité et
extimité », Revue Communication, n°88, 19/05/2011, pp. 83
à 91. Citation p. 84.
14 La génération Y (18-24 ans),
hyper-connectée se heurte à un paradoxe. C'est bien elle qui se
méfie le plus des réseaux sociaux, notamment au niveau des
paramètres de confidentialité (ils sont 43% à ne laisser
accès à leur profil qu'à leurs seuls amis selon une
étude IFOP réalisée en 2010, Observatoire des
réseaux sociaux), ce chiffre peut paraître faible mais il est
très nettement supérieur par rapport aux autres
générations, moins connectées et moins connaisseuses de
ces réseaux.
15 Dominique Cardon, « Le design de la
visibilité », Réseaux, n°152, 2008, p. 95
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favorise. Pour entrer en contact, chacun est en effet
invité à fabriquer un espace personnel associant des textes, des
photos, des musiques, etc. Le but est d'intéresser l'« absent
», de lui faire signe, de l'amener à soi. (É) dans les
mondes virtuels, les hommes et les femmes sont invités de la même
façon à créer leur « page perso » comme un
reflet de l'identité qu'ils veulent offrir à l'échange.
» 16
Ainsi l'« absent » fait signe à son tour en
likant ou en commentant un lien, une vidéo, une nouvelle photo
de profil, etc. Selon Dominique Cardon, « les goûts, les textes, les
photos ou les vidéos que l'on aime ou que l'on a faites constituent
aussi de puissants instruments de reconnaissance et d'affiliation aux autres.
»17
Ainsi, ce désir d'extimité
répond également à la théorie de la «
pénétration sociale »18 qui décrit un
processus de connaissance réciproque dans nos relations
interpersonnelles dû au passage d'une intimité non partagée
vers une intimité partagée de plus en plus grande.
Néanmoins, dans le même temps, le désir
d'extimité se fait davantage sentir envers des personnes
choisies. Sur les réseaux sociaux, on se dévoile à un
grand nombre de personnes mais le désir d'extimité se
trouve bien dans une volonté de ne la montrer qu'à ses seuls
amis. Selon la « théorie de la facilitation sociale
»19 résumée par Serge Tisseron, « la
présence - réelle ou imaginée - d'un public influence le
processus d'auto-présentation de soi dans le sens d'une
conformité à ce qui est attendu ». C'est comme dire «
Dites-moi comment vous vous intéressez à moi et je saurai qui
j'ai envie d'être »20. Cette quête de validation
des identités passe généralement par trois étapes,
la première est celle de la création d'un espace personnel
proposé au regard et à l'avis des internautes,
c'est-à-dire le profil, sur Facebook. La démarche, dit Tisseron,
est alors toujours narcissique avant d'être réciproque. La seconde
étape s'enclenche lorsqu'un premier visiteur a pris connaissance du
profil, nous sommes alors invités à profiter de son regard sur
16 Théorie développée par
Serge Tisseron dans Virtuel, mon amour - Penser, aimer, souffrir à
l'ère des nouvelles technologies, Albin Michel, 2008, p. 67
17 Dominique Cardon, « Le design de la
visibilité », Réseaux, 152, 2008, p. 95
18 Théorie développée par I.
Altman et D. A. Taylor in Social Penetration : The Development of
Interpersonal Relationships, New York, Holt, Rinehart and Winston, 1973
19 Proposée par R. B. Zajone, in « Social
Facilitation », Science, 149, 1965, pp. 269 à 274
20 Serge Tisseron, Virtuel, mon amour - Penser,
aimer, souffrir à l'ère des nouvelles technologies, Albin
Michel, 2008, p. 39
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l'internaute à travers ses commentaires, ses
likes et ses publications, dans le cas de Facebook. La troisième
commence à partir du moment où le réseau d'« amis
» est bien constitué (même s'il évolue toujours).
Cette étape représente la « sortie du monde
autocentré »21 et chacun est invité à
prendre connaissance des identités de son réseau. A chaque
publication, l'internaute prend un risque car il publie avant d'être
certain de la validation des autres, l'internaute est un «
expérimentateur de lui-même »22.
Cependant, dans cet espace socionumérique qu'est
Facebook, les Digital Natives ne font pas signe à n'importe
qui, ils ont accepté certaines personnes et seuls leurs amis 2.0 sont
invités dans l'espace personnel qu'ils ont créé. C'est
bien d'une expression en clair obscur à laquelle on a à faire sur
Facebook.
B/ Une expression en clair obscur
Avant de faire une analyse des vidéos de Neknomination
qui ont affublé les Timelines Facebook de février à mars
2014, il convient de définir ce réseau socionumérique et
la manière dont les internautes s'y expriment. Dominique Cardon emploie
le terme de « clair obscur » pour le réseau qui nous
intéresse, lorsqu'il dresse une typologie des différentes
expressions utilisées sur les réseaux sociaux. Selon lui, il
serait hâtif de conclure qu'il n'y aurait plus aucune distinction entre
les sphères privée et publique et « au développement
d'un exhibitionnisme généralisé et sans règle
», le chercheur explique que dans cet univers, des ressources sont mis
à disposition des internautes pour contrôler « ce qu'ils
montrent d'eux et la manière dont les autres y accèdent ».
Différentes stratégies sont adoptées suivant le mode
d'expression associée à chaque réseau social, « dans
le modèle en clair-obscur, on verra les participants dévoiler des
caractéristiques souvent très personnelles de leur
identité en profitant de l'opacité de plateformes n'autorisant la
navigation que par les liens de proche en proche ». On voit donc bien ici
l'importance de ne pas accepter
21 Serge Tisseron, Virtuel, mon amour - Penser,
aimer, souffrir à l'ère des nouvelles technologies, Albin
Michel, 2008, p. 38
22 Serge Tisseron, Virtuel, mon amour - Penser,
aimer, souffrir à l'ère des nouvelles technologies, Albin
Michel, 2008, p. 40
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n'importe qui. Un panel d'utilisateurs de Facebook
interrogé, âgés de 17 à 23 ans, confirme bien cette
hypothèse, les Digital Natives n'acceptent que des
connaissances, c'est-à-dire des personnes qu'ils ont vu et à qui
ils ont parlé au moins une fois dans un espace relationnel physique.
Leurs relations 2.0 (sur Facebook en tout cas) naissent donc d'abord dans la
vie réelle. Sur ce type de plateforme en clair obscur, la
visibilité des personnes est donc relative, c'est ce que le chercheur
appelle, « la navigation à la torche », à l'image d'une
lampe de poche utilisée dans le noir qui ne nous permet de voir que le
triangle de lumière que l'objet produit. Pour les internautes, la vision
de leurs informations est claire pour leurs proches (amis) et en
pénombre pour les autres, l'internaute peut en contrôler
l'étendue en modifiant ses paramètres de confidentialité.
Sur Facebook, il est possible de créer un profil public (par
défaut), tout le monde, même les inconnus pourront donc
accéder au profil. Lorsqu'on les modifie, on peut rendre accessible le
profil qu'aux seuls amis, ou amis d'amis, etc. On peut également le
bloquer totalement de manière à ce que personne ne puisse publier
sur le mur, même les amis, cependant ces paramètres là sont
assez rares. Facebook offre ainsi un panel assez large dans les changements des
paramètres de confidentialité, même s'il a pu exister des
failles, par exemple, lorsque l'on se mettait sur le
Facebook.us on pouvait accéder
à tous les profils, il y a également eu l'affaire des
conversations instantanées qui se sont retrouvées sur le journal
des personnes concernées23. Il n'en reste pas moins que ces
plateformes n'offrent pas de moteurs de recherche critériel, sur
Facebook, pour trouver une personne, il est nécessaire de
connaître a priori, son prénom, nom ou pseudo, ceci «
installe une opacité relative face aux risques pris par les utilisateurs
qui rendent visibles des traits sensibles de leur identité
»24. Les internautes sont donc protégés d'une
recherche rapide. Ils s'exhibent alors dans un espace en clair obscur et
profitent de « la plasticité de la visibilité sur internet
pour constituer des cercles relationnels avec des
23 Huffington Post, Messages privés rendus
publics : hallucination collective ou désinformation de Facebook ?,
article du 24/09/2012, par Alexandre Phalippou
http://www.huffingtonpost.fr/2012/09/24/bug-facebook-hallucination-ou-desinformation-prives-publics
n 1910500.html
24 Dominique Cardon, « Le design de la
visibilité », Réseaux, n°152, 2008, p. 109
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proches, qu'ils connaissent et rencontrent souvent dans la vie
réelle, tout en restant relativement cachés des autres
»25.
Le principal problème se situe dans le fait que les
internautes, de plus en plus, mêlent différentes sphères de
leur vie dans leur profil Facebook. En effet, amis, familles, connaissances et
professionnels y sont sans cesse mélangés et « cette
capacité à s'exposer tout en contrôlant son exposition
réclame des compétences sociales et relationnelles
spécifiques et très inégalement distribuées
»26.
« Le principe d'extension du réseau relationnel -
qui reste limité sur les plateformes en clair obscur -
introduit cependant de nouvelles dimensions, la visibilité, la
calculabilité et l'exhibition, dans la fabrication des relations
sociales. La logique d'accumulation des liens que viennent constamment
entretenir de multiples artefacts proposant une métrique relationnelle
(compteur d'amis, classement de popularité, notes de pertinence)
contribue à réifier la relation amicale. Plus encore, elle invite
les participants à endosser des formats de présentation
d'eux-mêmes qui les place dans une logique du calcul, de l'exhib' et du
rendement. »27
Selon Monique Dagnaud, sur ces espaces, les jeunes travaillent
moins une explication de soi qu'une projection de soi, ils ne perdent «
jamais à l'esprit que sa subjectivité va être
publicisée et qu'elle doit être affinée sous un angle
original (É) Cette communication est donc en partie calculée
»28. Pour la chercheuse, l'affaire de chaque utilisateur de
Facebook est de créer « un fan-club autour de soi », on gagne
en popularité en dressant son « roman personnel » dont chaque
chapitre est écrit subtilement dans son profil, ses relations, ses
partages. Selon Dominique Cardon, « La tyrannie du « cool »,
l'injonction à accepter les nouveaux « amis », l'invitation
à l'exposition de soi, le frottement de cercles de sociabilités
différents, les révélations incontrôlées ou
le conformisme dans la théâtralisation de son identité
peuvent générer
25 Dominique Cardon, « Le design de la
visibilité », Réseaux, n°152, 2008, pp. 109 et
110
26 Ibid., p. 132
27 Ibid.
28 Monique Dagnaud, Génération Y
- Les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la
subversion - 2ème édition, Science Po les
presses, 2013
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tout une série d'expériences malheureuses
»29. Mais la Neknomination est-elle l'une de ces
expériences malheureuses ? Toujours est-il qu'elle repose sur ces
différents points proposés par Dominique Cardon. C'est une mise
en scène assumée devant le public que sont les amis Facebook des
Neknominés. Il ne faut cependant pas perdre de vue que «
l'exposition de soi ne signifie pas un renoncement au contrôle de son
image »30.
CHAPITRE 2 : UNE MISE EN SCENE ASSUMEE DEVANT UN PUBLIC
CIBLE
Par l'analyse d'une chaîne de Neknomination et celle
d'une série d'entretiens réalisés auprès des
contributeurs de cette chaîne, ce chapitre montrera que chacune de ces
vidéos ont été réfléchie en amont de leur
réalisation. Un paradoxe est soulevé dans la mesure où les
Neknominés respectent un schéma narratif précis et
co-construisent ces vidéos avec leurs pairs tout en se mettant en
scène de manière à se différencier de son
prédécesseur par l'originalité de la réalisation
et/ou par la quantité d'alcool ingurgitée.
Nous verrons également que ces vidéos sont
toujours destinées à un public précis. Le destinataire
premier est évidemment la personne responsable de la nomination, mais la
Neknomination est aussi adressée à l'audience que le
Neknominé entend capter sur les réseaux sociaux,
c'est-à-dire les membres de son cercle d'amis.
Néanmoins, cette pratique représente un vrai
risque sur Facebook quand on sait que toutes les sphères, amicales,
familiales et professionnelles cohabitent dans cet espace. Les discours doivent
être adaptés à chacune et la Neknomination est un contenu
qui ne devrait pas sortir du cercle amical.
A/ Des vidéos réfléchies et
standardisée...
Chaîne (cinq personnes) : Damien - Louis -
Antoine - Maxime - Norby Zuman (profil d'un personnage inventé par
Lucas)
29 Dominique Cardon, « Le design de la
visibilité », Réseaux, n°152, 2008, p. 132
30 Dominique Cardon, « L'identité comme
stratégie relationnelle », Hermès, n° 53, 01/
2009, p. 142
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Les quatre premières vidéos partent de
l'ISMANS31. Cela semble important dans la mesure où l'on
constate que cette chaîne a été davantage suivie dans les
écoles qu'à l'université. En effet, la Neknomination
réunie deux idéaux de ces écoles : la convivialité
et les soirées (alcoolisées). Le cinquième maillon de la
chaîne ne fait pas partie de l'école mais connaît cependant
la personne qui l'a nominé, depuis longtemps. Le cinquième cas
est particulièrement intéressant dans la mesure où c'est
un homme qui a créé un profil totalement indépendant de sa
vraie identité, seules les personnes qui le connaissent ailleurs que sur
le web savent que ce profil Facebook lui appartient. De plus, il a fait sa
vidéo masqué et sans boire, en dénonçant de
manière totalement ironique que cette chaîne est une
opération marketing des marques de boissons alcoolisées et
qu'elle a été créé seulement dans le but de leur
profiter. Damien, Louis, Maxime et Lucas ont tous été
interrogés pour comprendre leurs motivations à faire cette
vidéo, à relever le défi et la manière dont ils
l'ont imaginé.
Damien et Louis ont réalisé leur vidéo
l'un après l'autre dans l'appartement du second lors d'une soirée
en nombre très restreint (trois personnes), Damien a commencé et
a nominé Louis, répondant ainsi à sa volonté.
Damien : « (É) je me suis concerté avec
Louis car Louis voulait se faire nominer, il m'a demandé de le nominer.
Et après il voulait faire passez ça dans l'ISMANS. »
Alors pour des raisons pratiques, ils ont
réalisé leurs vidéos dans la même soirée.
Damien a donc commencé, il a fait deux essais.
Damien : « (É) j'suis arrivé entre 21h
et 22h et on a du commencer vers minuit. Donc là je commence à
boire mon bol de Ricard pur, sauf que Louis, au lieu de filmer, a pris une
photo donc moi j'étais un peu vert parce que c'était une grosse
dose et ça m'a ... Après Louis a fait sa vidéo, Antoine la
sienne, et moi après j'ai refait le truc, pour descendre l'alcool car je
pouvais pas le refaire direct après. »
31 Une école d'ingénieur du Mans
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Il a voulu choisir un thème pour rendre sa vidéo
plus « fun » et plus « cool », car, ils ne voulaient
« pas faire un truc basique « bonjour, je bois et tu bois
après »32. On voulait mettre un peu d'ambiance là
dedans et mon but c'était vraiment ça, mettre de l'ambiance dans
la vidéo »33, confie Louis. En ce qui concerne la
mise en scène, Damien a fait sur le thème militaire et Louis sur
le thème mexicain. Leurs deux vidéos sont construites sur un
schéma similaire, ils portent quelques accessoires qui rappellent leur
thème.
Damien : « Alors la soirée qu'on a fait chez
Maxime où c'était le bordel, c'est le lendemain que j'ai fait la
Neknomination. (É) Le mardi on s'était déjà
concertés avec Louis. Donc on arrive chez Louis le mercredi soir, mais
on boit même pas, on commence à réfléchir sur ce
qu'on va faire dans les vidéos parce qu'il y avait plein de trucs chez
Louis pour avoir des idées, des chapeaux et tout donc fallait choisir.
Et après on a commencé à faire les vidéos, on a du
mettre deux trois heures avant, j'suis arrivé entre 21h et 22h et on a
du commencer vers minuit. »
On voit bien ici que ces trois vidéos résultent
d'une co-construction entre les trois amis, que ce soit dans le thème,
la mise en scène des vidéos et les personnes nominées.
Dans leurs réalisations, tous deux commencent par
saluer leur auditoire virtuel. Ils remercient ensuite celui qui les a
nominé en citant leur nom, ils expliquent, dans un troisième
temps, comment ils vont relever ce défi, c'est-à-dire ce qu'ils
vont boire, et la quantité. Ils se servent devant leur public pour
montrer qu'ils font preuve de bonne foi. On entend de la musique en fond
sonore, le volume augmente lorsque Damien dit « Santé ». Ce
mot peut alors être considéré comme performatif, c'est une
parole illocutoire selon les théories d'Austin, car à partir du
moment où il le dit, il boit et il n'a plus le choix. Il boit donc son
verre (enfin son bol), d'ailleurs transparent pour insister sur le fait qu'il
s'est servi une bonne quantité d'un alcool anisé très
célèbre
32 Extrait de l'entretien de Louis
33 Ibid.
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sans eau et qu'il ne ment pas. Quand il l'a fini, il montre
également par une grimace que l'alcool qu'il vient de boire d'une seule
traite est fort. Puis, il essaye de reprendre la parole tant bien que mal pour
annoncer ceux qu'il nomine et leur surnom, toujours sur le modèle de
« Je tiens à nominer prénom nom, dit surnom
» d'une vidéo à l'autre. Il annonce ensuite le temps
qu'ils ont pour relever ce défi à leur tour. Damien dans sa
vidéo, qualifie de « nouvelle tradition » la Neknomination.
Pour lui, c'est plus qu'un défi, ils essaient de faire perdurer le
challenge dans leur école d'ingénieur. Enfin, il salut son public
en concluant avec le même mot qu'il avait utilisé au commencement,
« bonsoir ».
Celle de Louis est donc construite de la même
manière, il a choisi un thème, celui du Mexique, en portant
quelques accessoires, à savoir un chapeau mexicain, un collier de fleurs
et des lunettes. Une musique mexicaine est lancée au moment de boire ses
cinq shooters de vodka pure qu'il s'est servi devant nous, internautes.
Louis a nominé Antoine Maillard, pendant plus de deux
minutes, celui qui est chargé de filmer laisse tourner la vidéo
par erreur en filmant le sol, on entend donc un passionnant débat autour
de quand ils commenceront à filmer le dit Antoine et combien de temps la
vidéo devra durer avec une musique indienne en fond sonore (celle
qu'Antoine utilise pour son thème, comme les deux autres ont fait avant
lui). Puis il s'entraine à propos du discours qu'il tiendra et les trois
débattent sur la dose d'alcool que se servira le Neknominé.
Après, ils regardent les commentaires de la vidéo de Damien
postée avant de filmer Louis et Antoine. Tout ceci a été
coupé lors de la publication sur Facebook34. Enfin, la
vidéo commence avec la musique indienne (qui démarre un peu en
retard mais pas intentionnellement), Antoine est assis, un pull enroulé
autour de ses cheveux à l'indienne. Il commence par saluer « les
amis », remercie Louis qui l'a nominé en ajoutant une insulte
amicale35. Il se sert une « petite vodka » dans une verre
en plastique dur de 50 cL en commençant par la grenadine. Il
34 La vidéo est disponible dans la clé
USB ci-jointe, sous le nom de « Neknomination Antoine »
35 « Cette petite pute »
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finit la bouteille (par étape en vérifiant s'il
n'y en a pas trop non plus) de vodka remplissant environ la moitié de
son verre, en ajoutant « bon bah les amis ! », puis il prend son
verre, trinque virtuellement avec les membres de sa communauté Facebook
en ajoutant « Santé ! ». Il boit son verre d'une traite, fait
la grimace qui nous signifie que c'est fort en rajoutant un « Ouh !
», un « Ah ! » et un « Ouf' », des onomatopées
lourdes de sens. Il annonce ensuite ses trois nominés ainsi que le temps
qu'ils ont pour relever le défi.
Parmi les nominés d'Antoine, il y avait Maxime, sa
vidéo a également une mise en scène très
réfléchie mais aussi très différente des deux
premières, il a d'ailleurs fait un mini buzz dans son
école puisque beaucoup de personnes l'ont trouvé vraiment «
cool ». Il l'a fait en plein jour (ce qui n'était pas le cas pour
Damien, Louis et Antoine), et dehors (en plein mois de février en short
et t-shirt). Il commence par saluer, et remercie celui qui l'a nominé,
il ouvre ensuite la bouteille de Vodka devant nos yeux et précise par
des mots et comme si l'image n'était pas suffisante pour prouver sa
bonne foi que « c'est bien une vraie » et lit le mot « Vodka
» écrit en gros sur la bouteille en nous le montrant rapidement du
doigt. Il se sert et trinque virtuellement avec Antoine, responsable de sa
nomination en disant « Santé » accompagné du geste pour
trinquer. Il boit et a son tour nous fait ressentir ce qu'il vient de boire par
une grimace qui montre que l'alcool était fort (et donc vrai). Sa
grimace est signe de vérité, et on remarque ceci pour les autres
décrits précédemment. Il met ensuite ses lunettes de
plongée sur les yeux et réalise une sorte de Ice Bucket
Challenge36 avant l'heure. Cette vidéo est faite avec
beaucoup d'humour, on voit bien tout le travail qui a du être accompli
pour obtenir ce résultat, il y a un Slow Motion, un petit message
écrit et une mélodie. Il finit par nominer trois autres
personnes, toujours selon le même schéma narratif37.
Enfin, il remercie tout le monde et enlève son bob.
36 Le Ice Bucket Challenge est une autre
chaîne survenue sur Facebook pendant l'été 2014, elle a eu
un succès mondial mais en France, s'est presque limitée
exclusivement aux célébrités qui la réalisaient
pour récolter des fonds et aider certaines associations humanitaires.
37 Il a cependant inversé en disant «
je tiens à nominé surnom dit prénom nom
» au lieu de l'inverse mais ce n'était pas intentionnel.
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Pour terminer cette chaîne, nous allons étudier
la vidéo de Norby Zuman, sa vidéo est intéressante dans la
mesure où elle provient d'un compte Facebook public mais faux. La
personne possède deux comptes sur le réseau, l'un avec son vrai
nom, Lucas, et l'autre au nom de Norby Zuman, un personnage qu'il a
inventé qui publie des vidéos plus loufoques les unes que les
autres. Quasi aucune information relative à sa véritable
identité n'est présente sur ce second profil. D'ailleurs, dans sa
vidéo il est masqué du début à la fin, il prend
aussi une voix étrange pour qu'on ne le reconnaisse pas. Il fait une
vidéo décalée et totalement ironique qui dénonce la
vraie nature de cette chaîne, celle d'une motivation
économique qui viserait à relancer le marché des boissons
alcoolisées. Il rompt avec le schéma narratif de la
Neknomination, il ne remercie pas la personne qui l'a nominé, ne boit
pas d'alcool et ne nomine personne. Ce faisant, la chaîne se termine par
lui et prend la forme d'une conclusion et d'une fin.
Pour conclure cette première chaîne, on peut
remarquer que toutes ces vidéos suivent la trame narrative
précise (sauf la dernière) décrite ci-dessous, tout en
essayant malgré tout de se différencier par la mise en
scène (celle de Norby Zuman essaye également de se
différencier des autres).
« Bonjour » - « merci X pour cette
nomination » - service du verre d'alcool - « Santé !
» (Souvent accompagné du geste pour trinquer) - descente du
verre - grimace - nomination - annonce du temps attribué pour la
relève du défi (24H)
Dans cet univers socionumérique, l'expression
humoristique prime, selon Monique Dagnaud38, « elle vise
à déclencher une libération émotionnelle, une
catharsis », le fun, la bêtise, « elle est « non prise de
tête », désinvolture et outrance ». Ces qualificatifs
sont prégnants dans le phénomène Neknomination et commun
aux
38 Monique Dagnaud, Génération Y
- Les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la
subversion - 2ème édition, Science Po les
presses, 2013
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personnes interrogées pour l'enquête. On publie
du « fun » mais toujours à destination d'une audience
que chaque internaute connaît ou du moins, pense connaître,
cette audience n'est autre que nos amis de la toile.
B/ ÉA destination d'un public ciblé
Lorsqu'on publie un contenu sur Facebook, on s'adresse
toujours à un échantillon de nos amis Facebook afin d'avoir un
minimum d'audience et de retour (par un « j'aime » ou un
commentaire). Si un internaute sait qu'un contenu qu'il a
apprécié n'intéressera que lui, il ne le publie pas. Si le
contenu intéresse un ami en particulier, on publie directement sur son
mur ou on lui envoie un message privé grâce à l'outil de
conversation instantanée rendue possible par le site. Le public est donc
toujours ciblé quelque soit le contenu partagé. L'internaute sait
plus ou moins qui sera susceptible d'être intéressé par le
post selon le groupe d'appartenance de ses amis.
En effet, sur un grand nombre de réseaux sociaux
aujourd'hui, dont Facebook, toutes les sphères de nos vies sont
mélangées dans nos relations. Familles, amis, travail, trois
cercles où nos façons d'être, de nous exprimer
diffèrent et doivent être adaptées. Lorsqu'on partage un
contenu sur Facebook, l'illusion est telle que nous avons l'impression de nous
adresser qu'à l'audience concernée mais ce n'est
évidemment pas le cas. L'employeur, ou un membre de la famille peuvent y
avoir accès d'autant plus que les profils sont publics par défaut
et qu'aujourd'hui encore, les personnes qui réduisent leurs
paramètres de confidentialité sont rares. Dans le cas de la
Neknomination, ce paramètre est à prendre en compte, alors que
réservées aux seuls amis, d'autres sphères, non
concernées par ces vidéos et non appropriées au contexte,
se retrouvent membres du public a priori ciblé par les
Neknominés. La Neknomination est pourtant une réponse directe au
Neknomineur (d'ailleurs notifié de la publication39) et un
appel à trois autres personnes qui devront par la suite relever le
défi. Le reste des amis peuvent être intéressés mais
d'autres n'ont rien n'à voir
39 Nous reviendrons sur ce point dans la suite du
développement, lorsque sera évoquée la
performativité sur Facebook.
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 |
juin 2015
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avec ces vidéos qui viennent à eux en «
push » par l'intermédiaire du fil d'actualités. Les
enquêtés confessent ne pas se soucier de se filmer en train de
boire de l'alcool sur Facebook, ils sont encore étudiants, s'amusent.
Certains d'entre eux n'ont pas modifié leurs paramètres de
confidentialité, tout le monde peut alors avoir accès à
leurs publications, ils ne savent d'ailleurs même pas comment faire,
cause d'un grand manque d'information concernant la protection de sa vie
privée sur les réseaux sociaux.
Ainsi, la Neknomination participe bel et bien de ce processus
de construction des identités numérique sur l'espace de
socialisation 2.0. Par ces images, ces internautes dévoilent une partie
de leur intimité et tentent de la faire valider par autrui, c'est ici
que ce situe la part de défi, conséquence d'un besoin de
reconnaissance dans un groupe. Challenge paradoxal, car la Neknomination est le
résultat d'une double volonté : similarité et
démarcation. Similarité dans le schéma narratif, sorte de
contrat passé entre adeptes de ce défi pour l'inscrire dans une
réalisation collective. Démarcation dans la mise en scène
et/ou la quantité d'alcool qui s'inscrit dans cette tendance du Social
Bragging, qu'Olivier Glassey, sociologue à l'université de
Lausanne, appelle « bravades démonstratives ». En ce sens, la
Neknomination est bien un challenge soumis au regard et à la pression de
ses pairs. Une vidéo qui fera corps avec d'autres, réunies dans
une chaîne d'interconnaissances qui se mettent au défi les uns les
autres.
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Partie 2 - Le défi comme matière à
sociabiliser
La Neknomination s'inscrit dans cette tendance du «
toujours plus » désignée par le terme de Social
Bragging. Véritable jeu d'alcool physique, puis numérique,
elle est pratiquée par de vrais fêtards. Cette partie montrera
à quel point les soirées alcoolisées sont
routinières chez ces jeunes qui ont participé à la
chaîne. Les jeux d'alcool sont pratiqués très souvent lors
des fêtes entre amis. Pour eux, bien tenir l'alcool représente une
certaine fierté, plus on boit plus on est un héros aux yeux de
nos camarades. Ce défi prend forme autour d'un usage collectif qu'ils
ont choisi de valoriser. Une certaine pression s`exerce ainsi sur les
nominés dans la vie réelle qui les a motivé à
relever le défi. Plus encore, une pression numérique s'exerce,
montrés du doigt sur Facebook par l'intermédiaire du tag, tous
ceux présents sur le réseau savent qu'ils sont mis à
l'épreuve et qu'ils ont vingt-quatre heure, ils sauront aussi quand les
Neknominés l'auront relevé, s'ils le font, car, heureusement, ils
ne sont pas dépossédés de leur libre-arbitre.
CHAPITRE 3 : UN JEU D'ALCOOL EN CLAIR OBSCUR
Cette chaîne, pourtant virtuelle, est un
véritable jeu d'alcool en clair obscur40 (accessible qu'aux
seuls amis pour ceux qui ont modifié leurs paramètres de
confidentialité sur Facebook), ces vidéos sont une manière
de s'amuser en soirée pour la majorité d'entre elles. De se
désinhiber grâce à l'alcool. On s'amuse en la faisant, on
boit sur les réseaux sociaux mais il ne faut pas oublier que d'abord, on
a bu chez soi avec un ou des amis. Les enquêtés ont confié
qu'ils étaient assez adeptes des jeux d'alcool en tout genre lors des
soirées festives, à l'exception de Lucas alias Norby Zuman, qui
n'a d'ailleurs pas bu une goutte d'alcool dans sa vidéo.
40 Pour une typologie des modes d'expression sur
les réseaux sociaux, voir Dominique Cardon, « le design de la
visibilité », Réseaux, n°152, 2008
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Selon Olivier Glassey, « ces tendances [de défi]
ne se forment qu'autour des usages collectifs que l'ont choisi de valoriser
», ici, l'alcool est assez significatif dans la mesure où se sont
essentiellement des jeunes hommes, étudiants, assez adeptes de
soirées alcoolisées entre amis, qui, comme déjà
mentionné plus haut, pratiquent régulièrement des jeux
d'alcool. Pour eux, boire en grande quantité et bien tenir l'alcool est
quelque chose d'important dans leur groupe et participe d'une certaine
fierté. Ces vidéos sont des manières d'exposer à
leur réseau de connaissances, ce qui, pour eux, est une sorte de
talent.
A/ La culture de la fête et des fêtards
La fête : rituel de jeunesse et
échappatoire
Ces individus considèrent la fête comme un rituel
de leur jeunesse. Monique Dagnaud, chercheuse à l'EHESS, dresse dans son
ouvrage, La teuf - essai sur le désordre des
générations, trois schémas de fêtards. Le
premier concerne les moins fêtards, ceux qui préfèrent les
sorties cinéma ou les rencontres « cosy » entre petits groupes
d'amis, ils se défoulent quelques samedis soirs mais de manière
exceptionnelle. Le second profil comprend les jeunes qui sortent tous les
weekends, Monique Dagnaud parle de « rituels festifs de fin de semaine
». Ils savent néanmoins contrôler leur consommation d'alcool
ou de cannabis et restent plutôt raisonnables, « ils cadrent avec le
scénario de sociabilité juvénile gentille telle que la
conçoivent les adultes ». Le dernier schéma est celui de
ceux communément appelé « teuffeurs », des
soirées toujours dans l'excès où se mêlent avalanche
de décibels, renfort de l'alcool et de psychotropes, et ce, plusieurs
fois par semaine. Cette dernière catégorie inclue ces jeunes en
recherche d'adrénaline pour tenter de bousculer leurs limites, de se
mettre l'épreuve. Ce dernier profil est cependant assez minoritaire chez
les jeunes, ils ne représentent que 10 à 15% des 18-24
ans41.
Les enquêtés, qui ont pratiqué la
Neknomination, ne font pas parti du troisième schéma, le plus
extrême. Ils correspondent davantage au deuxième, même s'ils
peuvent dépasser leurs limites par des challenges, comme celui du Grand
Schelem,
41 Chiffres tirés d'une étude du CREDOC,
Le Risque routier chez les jeunes, conduite en 1999
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une tradition de l'Ecole d'ingénieur des quatre
premiers Neknominés de notre chaîne qui consiste à
être ivre tous les soirs pendant une semaine, ils restent
néanmoins assez raisonnables et connaissent leurs limites. Ce profil
entre donc dans une logique hédoniste qui fait l'apologie de la
fête.
Cette hédonisme est consolidé par Internet qui a
favorisé l'arrivée de l'homme du « tout et tout de suite
», habitué à accéder à tout, de manière
rapide et simple.
« Un individu dominé par le besoin de
satisfactions immédiates, un individu intolérant à la
frustration, un individu qui exige tout et tout de suite, dans un contexte
où la satisfaction de ce besoin est rendue possible non seulement par
l'hyperchoix permanent de la société de consommation, mais aussi
par la quasi-instantanéité avec laquelle ce besoin peut
être satisfait. »42
Ceci favorise la recherche du plaisir instantané,
surtout chez ces jeunes, Digital Natives, habitués, depuis leur
enfance, à cette manière de vivre. Un plaisir auquel la
fête peut répondre.
Néanmoins, c'est aussi à cause d'un
mal-être développé par notre société auquel
ces jeunes tentent d'échapper par ces fêtes alcoolisées.
William Lowenstein, médecin spécialiste des addictions, remarque
qu'« Aux jeunes, on ne parle pas d'existence mais de réussite
». C'est bien dans ce contexte que la fête trouve son
efficacité. Monique Dagnaud affirme qu'« Elle permet de
décompresser face à ces pressions, et donc de pouvoir les
assumer. Elle permet de s'en évader, et donc de les ignorer, de les
oublier »43. Effectivement, les enquêtés, Louis,
Damien, Antoine et Maxime, sont en Ecole d'ingénieur, des études
compliquées et longues où la pression est omniprésente.
Louis, par exemple, a des difficultés de compréhension, il n'est
pas rare qu'il obtienne de mauvaises notes lors des interrogations mais confie
ne pas avoir le droit au redoublement à cause de la quantité
d'argent qu'il a investi pour
42 Nicole Aubert, « L'individu
hypermoderne : un individu « dans l'excès » »,
in Joyce Aïn (dir.), Dépendances, paradoxes de notre
société, Paris, Érès, 2005
43 Monique Dagnaud, La teuf - essai sur le
désordre des générations, Éditions du Seuil,
2008, p. 23
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pouvoir étudier dans cette école. Alors, pour
lui, les soirées avec ses amis sont une sorte de libération
où il peut se défouler et l'alcool augmente ce sentiment.
D'abord, les virées nocturnes s'inscrivent dans un
rituel d'âge, celui du passage de l'adolescence au statut d'adulte,
période de transition qui configure ce que les spécialistes de la
jeunesse nomment la post-adolescence - caractérisée par
l'allongement des études et la désynchronisation entre le moment
de départ du foyer familial, l'installation dans l'indépendance
économique grâce à un métier et la formation d'un
nouveau couple. »44
Avec qui, où et quand fait-on les plus grosses
fêtes ?
Ce petit groupe de potes sort toujours ensembles
lorsqu'ils sont dans la ville où ils font leurs études. Ils ont
confié sortir en moyenne trois ou quatre fois par semaine. A l'occasion,
certaines nouvelles personnes sont accueillies avec plaisir, ils n'excluent
personne et sont plutôt sociables. Ils disent tous compartimentés
leurs groupes d'amis, celui de leur ville d'origine, là où ils
retrouvent leurs amis d'enfance et le groupe des camarades de leur promotion.
Ils sont un peu caméléons, s'adaptant à chacun de ces deux
groupes. Cependant, Lucas confie trouver que Maxime a changé depuis son
arrivée dans l'Ecole d'ingénieur. Tous deux sont amis depuis le
lycée et Lucas n'est pas adepte des grosses soirées où
l'alcool coule à flot, c'est aujourd'hui le contraire pour Maxime.
L'explication ressortie de l'enquête est double, il y a évidemment
un effet de groupe et de « promo » mais aussi l'effet d'une ville
inconnue, territoire vierge où Maxime confie ne pas avoir peur de
croiser ses parents ou un de leurs amis. Il se sent libre de toute critique qui
aurait pu lui être faite.
Non seulement ces jeunes compartimentent les groupes d'amis et
les villes où se produisent ces soirées, mais ils savent aussi
quand est-ce qu'il faut être sérieux. Ils « passent sans
difficulté d'un état à l'autre, de l'état
débridé à l'état concentré, de
l'ébriété à l'esprit clair »45. Ils
n'oublient pas qu'ils sont aussi là pour étudier, que c'est ici
que se joue leur avenir professionnel.
44 Monique Dagnaud, La teuf - essai sur le
désordre des générations, Éditions du Seuil,
2008, p. 78
45 Ibid., p. 105
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Souvenirs de fêtes comme péripéties
héroïques
Lorsque chacun des enquêtés de cette école
parlent de leurs souvenirs de fête, c'est comme s'ils racontaient des
« faits d'arme », leurs soirées sont faites de
péripéties héroïques comme lorsque Damien raconte
celles de Maxime qui se tient juste à côté de lui, le
visage épris d'une expression pleine de fierté d'avoir
saccagé son appartement qu'il appelle « terre d'accueil des
soirées ». Maxime décrit d'ailleurs son logement comme un
« no man's land » le jour de l'entretien, car il n'a pas eu le temps
de nettoyer, une semaine après une grande fête organisée
chez lui.
Damien (en s'adressant à Maxime) : Ah et c'est
cette semaine où tu as saccagé ton appart' !
Maxime : Ah oui c'est cette soirée là, la
plus folle que j'ai vécu !
- Donc racontez moi, Damien était là ?
Maxime : Oui il était là et il s'en souvient
d'ailleurs certainement mieux que moi (rires) Damien : En fait on était
en soirée, donc dans l'appart' de Maxime, vers minuit, il nous dit
« faudrait peut-être partir les gars » donc nous on commence
à s'habiller, on met nos manteaux, et là, on voit Maxime qui
arrive avec une bouteille de bière, il l'éclate au plafond, comme
si il avait remporté un grand prix tu vois, comme au podium ; et
après il commence à jeter des verres droite gauche sur les murs
(rires), c'était n'importe quoi (rires). Après on va dans la
cuisine, on voit un sac de café, il l'appelle Monsieur Café et il
lui parle, il fait une conversation après il le balance un grand coup
donc ça salit tout son appart'. Et donc pareil avec Monsieur
Bière, donc rebelote, conversation avec la bière, et puis
Monsieur Poubelle (Rires) avec le sac de poubelle. Après il a pris le
sac et il tapait dedans comme dans un punching ball avec l'autre main et le sac
s'est déchiré. C'est Louis qui a donné l'idée de
faire ça à Maxime donc Maxime ça a percuté.
Après d'ailleurs vous vous êtes chamaillés il me
semble.
Maxime : Ouais on s'est tombé dessus.
Damien : Et après y a eu la mayonnaise sur les murs
et il s'est douché habillé, ça c'était marrant
aussi, il s'est douché habillé le mec (rires).
Maxime : Il m'a fallu plus d'une semaine pour tout
nettoyé le saccage de cette soirée, y a encore des traces
d'ailleurs. J'ai totalement pété un câble.
On voit bien ici l'importance de la désinhibition que
provoque l'alcool, ces enquêtés ont tous confiés être
adeptes des jeux de boissons. Louis dit passer en moyenne 30% de la
soirée à pratiquer ce genre de jeux avec les autres personnes
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présentes. Ceci pour deux raisons, se motiver, se
lancer et pour faire participer tout le monde. Selon lui, l'alcool est un
« lien social », et favorise donc un être ensemble. La
Neknomination, d'une certaine manière, en est un.
B/ Un jeu d'alcool physique et numérique
Pour ce petit groupe de futurs ingénieurs, les jeux
d'alcool sont là pour motiver tout le monde mais surtout pour les
rapprocher et vivre la soirée ensemble, « partager un moment avec
d'autres personnes ». Maxime dit ne faire un jeu d'alcool seulement quand
tout le monde est autour de la table, si les gens sont
éparpillés, le jeu d'alcool ne peut être fait.
Maxime : Alors moi je considère vraiment ça
comme un amusement, parce que ces jeux, pour peu que tu sois un petit peu
bourré, tu commences à gueuler, tu rigoles, voilà, c'est
juste marrant, et puis, c'est vrai que ça soûle plus vite mais
c'est pas pour être bourré plus vite qu'on le fait, c'est juste
pour nous amuser. C'est pour partager un moment avec d'autres personnes.
Souvent, c'est quand les gens sont pas super motivés que ça
tombe, il y a toujours quelqu'un qui propose ça, parce qu'après,
une fois que les gens sont soit trop bourrés, soit trop motivés,
ils partent dans leur coin tatata, ils bougent tatata, et là, c'est
impossible de canaliser l'attention pour faire un jeu tous ensemble. Alors que
si on est autour d'une table, les jambes entrecroisées, qu'on s'allume
des clopes tout le temps, enfin qu'on sait pas trop comment faire
évoluer la soirée, Rim ! Jeu d'alcool, tout le monde rigole,
ça lance la soirée et puis ça part en cacahuètes
après quoi. Donc ouais ça peut lancer une soirée, et puis
même quand elle a bien démarré c'est aussi marrant, c'est
pas QUE pour lancer la soirée.
Rendre acceptable une transgression des
moeurs
« L'assouplissement de certains codes sociaux et la
réapparition à la surface de la vie sociale de comportements
jusque-là sous contrainte (par exemple en lien avec la nudité) ne
sont possibles, précise Elias, que si cette apparente transgression des
moeurs est cadrée par un réglage des conduites qui durcit par
ailleurs les permissivités allant de pair avec ces nouveaux
comportements plus relâchés. Autrement dit, leur
déprivatisation n'est possible que si, dans le même temps, on fait
en sorte que de plus grandes réserves et une plus importante
maîtrise des pulsions soient adoptées face à ces attitudes
de relâchement. On renforce ainsi le contingentement des économies
affectives par des
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formes d'autocontrainte. Ce qui, à première vue, se
présente comme une libéralisation des moeurs masquerait en fait
une limitation des libertés pulsionnelles individuelles. »46
La Neknomination répond également à cette
analyse de Norbert Elias, cette pratique, vue par certains, comme une
transgression des moeurs dans l'espace numérique, est cadrée par
le schéma narratif abordé précédemment.
Puisqu'elles sont réfléchies, ces vidéos ne sont pas
pulsionnelles et le schéma narratif le rappelle tout au long de la
réalisation, Fabien Granjon et Julie Denouël parleraient de «
contrôle du décontrôle »47. Une place
à l'improvisation est néanmoins laissée, mais par
l'existence et l'imposition de ce discours, les Neknominés sont
contraints d'être assez sobres pour pouvoir le prononcer. Cette narration
cadre la pratique et fixe ainsi des limites, elle la rend également plus
« digeste » pour ceux qui s'y opposent, autrement dit, moins
extrême. La mise en scène la plus originale possible participe
également d'une dédiabolisation de l'alcool, ce dernier ne
devient donc qu'un prétexte pourtant elle n'en reste pas moins un jeu
d'alcool partagé entre écrans interposés.
La Neknomination : jeu d'alcool dans son chez soi
numérique
Alors que la tradition voudrait que le virtuel sonne le glas
de nos corps physiques, il n'en est rien, la représentation du corps est
omniprésente dans les réseaux socionumériques.
Arrangé sur les photos via des filtres, ou en vidéo comme dans la
Neknomination et mis en scène, le corps est partout, rappelé
à chaque instant et il en dit long sur la personnalité des
internautes. Ne dit-on pas « profil perso » ? Les réseaux
sociaux n'ont rien d'impersonnel, c'est une sorte de « chez soi » que
chaque utilisateur a aménagé selon ses goûts et les
messages qu'il veut faire passer.
La Neknomination est un jeu d'alcool réalisé
dans ce « chez soi », cet espace extime qu'est Facebook. Un
jeu fait et réalisé entre copains mais visible à beaucoup
plus de personnes. C'est un peu comme faire une fête chez soi avec toutes
ses
46 Fabien Granjon, Julie Denouël, «
Exposition de soi et reconnaissance de singularités subjectives sur les
sites de réseaux
sociaux », Sociologie, 01/2010, p. 40
47 Ibid.
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fenêtres d'ouvertes, en en faisant profiter les voisins
sans même forcément s'en rendre compte. Un « chez soi »
dont les portes sont ouvertes au monde.
Selon Antonio Casilli, « les ordinateurs se font porteurs
d'un imaginaire domestique »48, le chercheur donne plusieurs
exemples de termes qui font de l'Internet une métaphore de nos maisons
et appartements, « accueil », « adresse » ou encore «
fenêtres ». Ce vocabulaire nourrit l'impression d'un chez soi
cloisonné et diminue ainsi le sentiment de risque que ces informations
soient vues par des personnes non ciblées par la publication sur un
réseau social. Antonio Casilli émet l'hypothèse que «
les représentations sociales du numérique seraient
partagées entre l'infiniment restreint et l'infiniment vaste,
tiraillées entre le clos des maisons de particulier et l'ouvert des
espaces à explorer en quête de connaissance et de rencontres
»49. Internet ne remplace en rien la sociabilité
physique, il s'y ajoute. C'est bien le cas de la Neknomination,
véritable jeu d'alcool à la fois physique et numérique,
plus précisément, physique puis numérique.
Ce n'est qu'une fois le jeu d'alcool devenu numérique
qu'il peut être, enfin validé par les pairs.
CHAPITRE 4 : LA PRESSION SOCIALE DU DEFI
Dans la pratique de la Neknomination, s'exerce une double
pression sociale. D'une part, une pression hors ligne par laquelle le
Neknominé va devoir subir une souffrance pour montrer sa bravoure et
triompher du défi. Cette pression est d'autant plus forte dans ce groupe
de futurs ingénieurs où, on l'a vu, l'alcool et les
soirées ont une place de choix. D'autres part, une pression
numérique s'exerce par l'intermédiaire d'une
performativité technique sur Facebook.
Le Social Bragging participe de cette pression
réelle numérisée. Se rendre visible à tout prix et
attirer le plus de likes possible en faisant toujours plus,
voilà le but initial
48 Antonio A. Casilli, Les liaisons
numériques - Vers une nouvelle sociabilité ?,
Éditions du Seuil, coll. « La couleur des
idées », 2010, p. 20
49 Ibid.
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de cette tendance du web. Néanmoins, ce mouvement vise
aussi à une uniformisation des pratiques dont l'objectif principal est
de faire partie d'une communauté.
A/ La pression des pairs
Cette chaîne est un appel à perpétuer un
lien, à construire une chaîne ensemble, « nommer
quelqu'un c'est le provoquer en duel mais aussi l'exposer aux autres par
rapport aux regards des autres et faire jouer la pression des pairs »,
nous dit Olivier Glassey. Damien montre d'ailleurs, à quel point la
pression des pairs joue, une pression qui n'est pas forcément
exprimée par le Neknomineur mais ressenti par le Neknominé
à cause de l'amitié qui les relie :
- Et quand tu as vu la vidéo de la personne qui t'a
nominé, tu t'es tout de suite dit, je vais le faire ?
Damien : Ouais !
- Pourquoi ?
Damien : Je sais pas, je trouvais ça marrant et
cool, et puis c'était un pote de prépa, j'avais confiance en lui
donc il fait le jeu moi je fais le jeu tu vois, pour pas, je sais pas, pour
jouer le truc, jouer le délire. Pour continuer le délire.
- Tu te sentais obligé de le faire par rapport à
lui ?
Damien : Ouais mais c'est naturel, c'est mon pote tu vois,
pour lui faire plaisir de continuer la chaîne et puis moi je trouvais
ça marrant en plus.
Ces vidéos constituent une forme de rituel auxquels
ceux qui ont relevé le défi s'attèlent, ce rituel marque
« la transition d'un état à un autre en organisant un «
avant » et un « après ». Ensuite, ils se déroulent
selon un modèle stéréotypé qui associe souffrance,
bravoure et triomphe. Le rituel est douloureux, celui qui l'a traversé a
souffert, mais il est doublement récompensé : par le changement
de son statut bien sûr, mais surtout par la reconnaissance de son
mérite à avoir franchi les épreuves »50.
Ainsi, la Neknomination est ritualisée, stéréotypée
dans son schéma narratif. Le défi est relevé quand il y a
transition entre état de sobriété et
d'ébriété. La souffrance, associée à la
bravoure et au triomphe, est perçue et exagérée par la
50 Serge Tisseron, Virtuel, mon amour - Penser,
aimer, souffrir à l'ère des nouvelles technologies, Albin
Michel, 2008, pp 92-93
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grimace faite après avoir bu l'alcool d'une traite.
Damien a même parlé de « Nouvelle tradition ». Lui et
Louis ont tenté d'imposer la Neknomination dans la durée,
à l'instar du Grand Schelem, cette tradition ancienne de leur
école dont ils ont entendu parler et qu'ils ont souhaité relever.
Ce challenge consiste à se soûler tous les jours pendant une
semaine. Louis, Damien, et ceux qui les ont accompagné ont
résisté six soirs. Pour y arriver, ils avaient
décidé de nominer chacun au moins un membre de leur école
mais ils n'ont pas insisté par la suite pour que toutes les personnes le
relèvent.
Pression de la performativité sur
Facebook
La pression se ressent également dans la
performativité, notion développée par Austin dans son
ouvrage post-mortem de 1955 qui résume ses conférences Quand
dire c'est faire. Dans ce défi 2.0, lancé sur Facebook, la
nomination est illocutoire, dès qu'elle est prononcée dans la
vidéo, le nominé ne peut y échapper. De plus, cette
nomination est rappelée dans le message accompagnant la vidéo -
initié par le Neknomineur - qui refait la liste des trois personnes
défiées. Dans cette liste, les personnes sont marquées
sous forme de liens qui redirigent vers leur profil Facebook. On peut alors
parler d'une performativité technique dans la mesure où la
personne est notifiée par Facebook de sa nomination. Ce lien vers son
profil a pour conséquence que le Neknominé ne peut
échapper à ce défi, c'est comme une fatalité, il
est fiché (qu'il ait un homonyme sur le réseau social ou qu'il
ait un pseudo, on sait que c'est à lui, que le défi est
lancé car tout le monde peut cliquer sur ce lien). Enfin, il est
important de préciser que la vidéo de chaque Neknomineur
apparaît sur le journal de chaque Neknominé dans la mesure
où il identifie dans le partage la personne nominée. Les amis de
la personne nominée peuvent ainsi avoir accès à sa
vidéo, même s'ils ne sont pas en relation avec celui qui lance le
défi.
Ici, on fait face à un défi à deux
vitesses, la première étape est la mise en scène de la
vidéo et sa fabrication. La seconde, sa publication, si ces deux
conditions ne sont
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pas respectées, le défi n'est pas relevé.
L'étape de la nomination d'autres personnes entrent aussi en compte
sinon la chaîne est inachevée.
Sur la vidéo de Maxime, publié le 15
février 2014, on peut lire quelques commentaires intéressants qui
constituent la preuve d'une certaine pression :
Le 16 février, le prénommé Norb publiait
sa vidéo (le deuxième commentaire étant la personne qui
l'a nominé).
Lucas a confié ne pas avoir tenu compte de ces
commentaires, d'autant plus que les 24 heures accordées pour la
réalisation de la vidéo n'était pas terminées.
Cependant, ceci prouve malgré tout que ses amis attendaient Lucas au
tournant et comptaient sur lui pour relever le défi.
Ceci constitue une première école de
pensée, cependant, celle-ci s'oppose à une autre composée
des internautes ayant publié leur vidéo et nominé des
personnes et qui ne font plus attention aux suites. Elles sont « cool
» et n'attachent plus vraiment d'importance à ce défi une
fois qu'il a été relevé par eux. C'est notamment le cas de
la personne interrogée pour l'entretien, Louis, qui a confié :
- Et je pense surtout à ceux qui ne l'ont pas fait suite
à ta nomination, est-ce qu'ils t'ont
prévenu qu'ils ne relèveraient pas le défi
hors Facebook ?
Louis : Non je crois pas, en fait je l'ai posté et
après je m'en occupais plus du tout.
- Ah et il t'en a jamais reparlé en fait ?
Louis : Non il ne m'en a pas parlé et moi je m'en
foutais
En fait, cette deuxième école en dit long sur la
personnalité de ceux qui la composent, des personnes qui « ne se
prennent pas la tête », elles ont pris le défi plus comme un
jeu fait entre « potes » pour rire en soirée, cette
deuxième école illustre que la Neknomination n'est pas seulement
une pression exercée en ligne ou hors ligne mais aussi une
compétition de fêtards qui se mettent en scène pour boire
la plus grande quantité d'alcool (ou en tout cas faire mieux que le
précédent) et de manière la
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plus originale possible. Cette volonté de toujours
faire mieux que son prédécesseur s'inscrit dans la tendance du
Social Bragging.
B/ Les bravades démonstratives de la
génération Y
La Neknomination est une compétition de fêtards.
Les enquêtés sont en école d'ingénieur, le genre
d'établissement où la compétition entre étudiants,
majoritairement garçons, est toujours présente. Cette
compétition est finalement beaucoup plus visible dans les soirées
où celui qui tiendra le mieux l'alcool ou fera les pires folies aura
gagné la palme du héros de la fête.
Lors de l'enquête, nous avons pu constater qu'il y a
avait une fille, Elise, nominée par Damien, qui a relevé le
défi. Néanmoins, il n'a pas été totalement
relevé dans la mesure où elle a dépassé les
vingt-quatre heures de délai accordé par Damien. Il est aussi
important de mentionner qu'elle a fait sa vidéo en binôme avec un
ami. Elise est dans la même école que le groupe
d'ingénieurs en devenir, elle est ainsi toujours entourée de
garçons et fait la fête avec eux. Elle a donc le même
rapport à l'alcool que ses camarades.
C'est sur Facebook que s'est joué ce défi,
relevé par beaucoup d'étudiants de cette école
d'ingénieur.
Mise au défi et auto valorisation
Le terme de « Google ·sation de l'estime de soi
»51 développé par Serge Tisseron désigne
cette tendance du « toujours plus » que les
générations X et Y adopte. Se rendre visible à tout prix,
attirer le plus grand nombre de likes possibles, voilà
l'objectif que les Facebookers entendent atteindre. Selon Dominique
Cardon, « en augmentant la compétition entre des individus en
quête de reconnaissance, les réseaux sociaux de l'Internet
contribuent aussi à uniformiser les manières de se
présenter, de se singulariser et d'agir les uns envers les autres
»52. C'est le paradoxe de cette génération qui
veut toujours plus se différencier en restant dans l'ère du
51 Serge Tisseron, Virtuel, mon amour - Penser,
aimer, souffrir à l'ère des nouvelles technologies, Albin
Michel, 2008
52 Dominique Cardon, « Réseaux sociaux de
l'Internet », Communication, n°88, 01/2011, p. 147
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temps, c'est-à-dire en suivant les tendances. La
Neknomination rend bien compte de ce mouvement. De par sa mise en scène,
de par le choix de l'alcool ingurgitée, et de par la relève
même du défi.
La Neknomination suit une tendance de plus en plus forte sur
le web, celle du Social Bragging, Olivier Glassey la définit
ainsi : « C'est une bravade démonstrative, une manière de
mettre au défi quelqu'un, tout en se mettant soi-même en valeur.
[Dans le cas de la Neknomination] "Je bois, je me filme et je le montre,
pourquoi pas toi ? T'es pas capable ?" »53. Il n'y a rien
de nouveau, le Social Bragging est quelque chose qui existe depuis
longtemps sur les réseaux sociaux, on peut parler des jeux sur Facebook
où l'on partage nos scores à tous nos amis pour montrer qu'on a
réussi à passer un niveau compliqué, à Candy
Crush par exemple. C'est une manière de dire à ses amis
« fais mieux si tu peux ». Cette tendance est prégnante sur
les réseaux sociaux depuis 2014, plusieurs chaînes au
schéma sensiblement identique que celui de la Neknomination ont ainsi pu
défiler sur nos Timelines. On pourrait citer, à l'eau ou un
resto, une chaîne dont le nom s'inspire du site de livraison de
repas à domicile, Allo Resto, et qui consistait, une fois qu'on
était nominé, à se jeter littéralement à
l'eau dans les prochaines vingt-quatre heures sinon le nominé devait
payer un repas au restaurant à celui qui avait lancé le
défi. On n'a pas pu passer à côté du fameux Ice
Bucket Challenge, sans doute la chaîne qui a le plus fait parler
d'elle, dans la mesure où de nombreuses stars s'y sont adonnées,
un jeu où l'on devait se verser de l'eau glacée sur le corps et
faire une mise en scène la plus originale possible.
Plus qu'une volonté de sociabilisation, le défi
est surtout un moyen de ne pas se désociabiliser ou du moins, de nourrir
ce sentiment. Relever le défi répond à cette pression que
la communauté, consciemment ou inconsciemment, exerce sur leurs pairs.
Si le défi est relevé sans faire mieux que son
prédécesseur, la personne ne sera pas rejetée mais elle ne
restera pas dans les mémoires. Si le défi est bravement et
courageusement relevé, l'internaute, lui non plus, ne sera pas
rejeté de la communauté
53 Olivier Glassey, « Le pire et le meilleur
des jeux à boire », publié le 13/02/2014 dans le
plus.nouvelobs.com,
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1146040-neknomination-le-pire-et-le-meilleur-du-web-en-un-seul-jeu-a-boire.html
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mais en plus il acquerra un statut élevé dans la
communauté, celui du héros de la soirée correspondant
à l'élite des étudiants fêtards.
On l'a vu, la Neknomination est bien un défi dont la
relève a pour but une place dans la communauté de pairs. Dans ces
vidéos, on peut distinguer trois niveaux de défi,
premièrement, le méso-défi qui désigne la
vidéo de Neknomination supposant que le défi a été
relevé. Puis, vient le micro-défi, la personne a
surenchéri dans l'originalité de sa vidéo et/ou dans la
quantité d'alcool ingurgitée, etc, il faut alors qu'il
dépasse le nombre de likes que le précédent a
obtenu. Plus ce nombre de likes et/ou de commentaires est grand, plus
il constitue la preuve que le défi a été relevé et,
avec succès. Ce micro-défi prend ses racines dans le
fait que les réseaux sociaux « constituent une mise à
l'épreuve du pouvoir magnétique de chacun, de sa capacité
à capter l'attraction de ses semblables ou des groupes qu'il entend
séduire È.54 Le macro-défi se
situerait donc dans le fait que la vidéo soit reprise ailleurs que sur
la plateforme même de Facebook. Cependant, en ce qui concerne la
Neknomination, aucune vidéo particulière n'a réellement
fait le buzz55, c'est un buzz collectif dont on peut parler pour
cette chaîne, virale, dans son essence.
54 Monique Dagnaud in Génération
Y - Les jeunes et les réseaux sociaux, de la dérision à la
subversion, Science Po les pesses, 2011.
55 A part celle du Sud Africain mais cette
vidéo constitue un détournement de la Neknomination et le
commencement d'une nouvelle chaîne aux règles différentes
mais qui suivent néanmoins toujours le même schéma
d'énonciation
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Partie 3 - La nature virale de la Neknomination
Cette partie constitue une réflexion sur la nature
virale du phénomène Neknomination. Elle abordera les
éléments constitutifs de la culture du « Share » des
réseaux socionumériques en analysant la configuration
sociotechnique de ces sites internet qui incitent leurs utilisateurs au partage
de contenus et en interrogeant les motivations des individus à partager
sur ces réseaux. Dans un second temps, sera étudiée la
circulation de cette chaîne en tant que réalisation collective, on
conclura sur le besoin de reconnaissance qui a animé ceux qui ont
publié une vidéo de Neknomination.
CHAPITRE 5 : LA CULTURE DU « SHARE »
Les internautes ont appris, au fil des années, à
tourner les possibilités qu'on leur offrait à leur avantage. Ce
chapitre met l'accent sur ce Culte du « Share » que les
réseaux sociaux, et le web de manière général ont
imposé depuis leur création, des codes et des conduites que les
internautes se sont appropriés. Ce partage n'est en aucun cas
désintéressé, il a toujours pour but de valoriser celui
qui partage un contenu, il est l'outil de cette auto-présentation et
valorisation de soi que la première partie de cette étude met en
exergue.
A/ Configuration sociotechnique et incitation au
partage
Les réseaux sociaux nous incitent-ils au partage ?
Internet tout entier est un espace sociotechnique où les algorithmes
exercent un pouvoir sur les internautes, Code is Law, disait Lawrence
Lessig56. En réalité, l'utilisateur n'est jamais
dépossédé de son libre arbitre, Michel Foucault affirme
qu'il y a toujours une marge de liberté, les
56 Lawrence Lessig, Code is Law - On Liberty in
Cyberspace, 1999
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personnes qui exercent un pouvoir incitent les autres à
faire quelque chose. C'est la logique du faire-faire, le pouvoir se trouve dans
l'action mais il peut toujours y avoir négociation. Le code fonctionne
de la même manière, nous sommes toujours, en tant qu'internautes,
contraints par le code, la façon dont le site a été
agencé pour nous faire-faire des choses : partager une photo, partager
un statut, partager une vidéo, réagir sur un partage par un
like ou un commentaire (qui n'est autre qu'un partage de point de vue).
Vous trouvez que le mot « partage » revient souvent ? C'est parce que
le « Share » est omniprésent dans les réseaux
socionumériques. Toute la construction de ces sites a été
pensée pour faciliter et amplifier les partages de contenus.
Aujourd'hui, le pouvoir n'est plus dans l'interdiction d'une action mais dans
ce qu'il est rendu possible de faire. Les stratégies
élaborées par un site tel que Facebook influencent les
comportements de ses usagers à travers des outils techniques, le design
est un des résultats de ces stratégies. Puisqu'on décide
des caractéristiques par laquelle l'action va être possible, on
oriente les comportements. La contrainte n'est plus ce qui limite l'action mais
ce qui la rend possible. Pour s'en rendre compte, une analyse de la page
d'accueil de Facebook a été faite.
! Accueil du site : en haut, au milieu : barre de statut dans
laquelle est inscrit « Exprimez-vous »57 à
l'intérieur (phrase qui s'éclairci quand on y met le curseur et
s'efface quand on commence à écrire), puis on choisi dans
l'onglet de cet encadré si on veut poster un statut (par défaut)
ou partager une photo ou une vidéo, trois choix s'offrent alors à
nous : « télécharger des photos/vidéos » ;
« Ajouter des photos synchronisées » ; « créer un
album photo ». Cet encadré est donc destiné à faire
partager nos contenues personnels à nos amis.
! Dans la Timeline / le fil d'actualités,
s'entremêlent publications d'amis et publications de pages que l'on a
aimé.
57 On note ici l'importance de l'usage de
l'impératif
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- Dans le cas des publications de nos amis, si c'est un statut
ou une photo (que ce soit photo de profil ou photo partagée), on peut
aimer, commenter et/ou partager. On peut également réagir dans le
commentaire avec ce que Facebook appelle un « autocollant » (gros
émoticône proposé et fait par le site, des marques ou des
studios de production (dessins animés, films mais de toute façon
toujours cautionnés par Facebook) ou une photo.
- Dans le cas des publications des pages que l'on a
aimé, ce sont en général des liens qui sortent de Facebook
lorsque l'on clique sur le lien par ordinateur, si c'est par
téléphone via l'application Facebook donc hors web, on reste sur
la plateforme Facebook. Le dispositif reste le même, on nous propose
d'aimer, de commenter et/ou de partager, si on veut partager une fois que l'on
a cliqué sur le lien on peut copier l'adresse URL de la page et la
coller dans l'encadré de statut sur Facebook, ainsi la page se charge
« aux normes » de Facebook et on peut également partager ce
que l'on pense du contenu partagé. Ainsi nos amis seront incités
également à réagir et/ou à repartager le lien
lorsqu'ils le verront apparaître sur leur Timeline.
A côté des icônes « J'aime »,
« Commenter », « Partager », dès la première
réaction est indiquée le nombre de chacune de ces actions comme
sur la capture d'écran ci-dessous :
Ainsi, likes, commentaires et partages font office
d'indicateur de popularité sur Facebook. Les liens pour réagir et
les indicateurs sont d'ailleurs séparés car les icônes sont
simplement là pour indiquer le nombre de réactions. Ce faisant,
le site Facebook attire plus de monde, de réaction et de partage, c'est
une boucle sans fin dans laquelle l'internaute a intérêt à
partager et à réagir pour avoir des réactions en retour.
On remarque d'ailleurs que plus un usager est actif, plus il aura un
réseau
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important de groupes homogènes et par un effet boule de
neige, de réactions.
On l'a vu, l'espace socionumérique favorise le partage.
Ces outils techniques mis à notre disposition sont des configurations
sociotechniques qui favorisent ainsi le partage. En un clic et quelques
secondes, un contenu peut faire le tour de tous nos amis voire du monde, c'est
la viralité des contenus, conséquence de cette culture du «
Share ». Néanmoins, on peut se demander si ces partages sont
davantage un généreux don de soi, ou une démonstration
c'est-à-dire une construction réfléchie de son
identité, pas un mensonge mais une version embellie de sa
personnalité, une mise en scène du corps qu'Antonio Casilli
appelle un « projet de soi », une quête de soi qui passe par la
quête d'un corps idéal. « L'identité numérique
est-elle une coproduction où se rencontrent les stratégies des
plateformes et les tactiques des utilisateurs ? »58.
B/ Le partage : don ou démonstration de soi ?
Existe-t-il un « communisme de l'Internet »
?
Le réseau sociotechnique que l'on connaît
aujourd'hui est situé dans le temps et dans l'espace. Créé
aux Etats-Unis dans les années soixante-dix, décennie à
laquelle est traditionnellement associée le paroxysme du mouvement
hippie, Internet est pensé et construit comme un territoire vierge,
signe d'un nouveau départ dans lequel la volonté principale est
de créer un espace horizontal habité par différentes
communautés qui pourront facilement communiquer.
Richard Barbrook, activiste politique et fondateur du
département hypermédia de l'université de Westminster,
interrogé par Antonio A. Casilli, parle d'un « communisme de
l'Internet ». Pour lui, le don est le mode de circulation des biens et des
services propre aux structures sociales en réseaux59. Cette
surenchère de partages,
58 Dominique Cardon, « Le design de la
visibilité », Réseaux, n° 152, 2008, p. 98
59 Jacques Godbout, Le Don, la Dette et
l'Identité : Homo donator versus Homo oeconomicus, Paris, La
Découverte, 2000
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fermement ancrée dans les technologies et dans les
pratiques sociales des réseaux, marque un éloignement de l'esprit
mercantile. Selon Antonio Casilli, on ne peut pas nier qu'une envie de partage
s'est emparé de nos sociétés face aux millions
d'utilisateurs qui, chaque jour, publient d'innombrable photos, vidéos,
textes et renseignements sur les réseaux sociaux. Pour Richard Barbrook,
« cela trahit une envie d'avoir des contacts, de créer un lien
social ». Le don qui se pratique sur ces sites montre une façon de
« faire société » tous ensemble. Dans le fait
d'échanger un contenu sans intention, d'en récupérer un
gain et traduit une volonté de créer des espaces de partage et de
communauté.
Ce « communisme de l'Internet » est néanmoins
une vision trop utopiste des réseaux sociotechniques, parce que des
inégalités existent dans les espaces physiques et se reproduisent
sur la toile mais aussi parce que ces dons ne sont pas totalement
désintéressés. Effectivement, les internautes, quand ils
partagent un contenu, ont un gain à récupérer, il n'est
pas matériel mais symbolique, il se mesure par la reconnaissance des
pairs et donc par la réputation sur le ou les réseaux sociaux.
Partager pour augmenter son « capital social
»
La vraie valeur ajoutée d'une bonne liste d'amis sur
Facebook se situe dans le fait que l'utilisateur choisi à qui il donne
accès à toutes ses informations, Antonio Casilli explique le
modèle du réseau comme une forme de capital social, dont
Bourdieu, qu'il cite, donne la définition suivante : « (É)
ensemble des relations humaines qui permettent à un individu
d'améliorer sa position à l'intérieur d'un contexte social
». Il réalise une expérience sur Facebook durant cinquante
jour, du 27 avril au 15 juin 2009, par laquelle le chercheur tente de
répondre à la question suivante : « Est-ce qu'en
améliorant la présentation de soi et de son corps dans son
profil, un utilisateur arrive à maximiser son capital social ? ».
Pour tenter de répondre à cette interrogation, le chercheur
créé deux profils pour pouvoir ensuite les comparer. Le premier
sous le nom de Tony Cas, le second, Ant Cas. Il commence donc à «
faire vivre » ses deux profils, tout en essayant de « créer
collectivement une identité faite
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d'échanges et de capacité à
écouter les autres »60. Le sociologue va davantage
partager des contenus, des photos, des vidéos, des informations sur lui,
ses goûts, ses activités, etc, sur son profil N°1 qui devient
bien plus riche que le second en terme d'informations personnelles mais aussi
de nombre d'amis. Il se rend compte que « Dans les médias sociaux,
les utilisateurs qui réussissent le mieux sont ceux qui
révèlent le plus d'informations à propos
d'eux-mêmes. Le maître mot ici est « dévoilement
», la démarche de s'ouvrir aux autres »61. La
retenue du profil N°2 est interprétée, dit le chercheur,
comme un désinvestissement, « son réseau d'amis est alors un
reflet emblématique de son identité en ligne », « s'il
n'y a pas réciprocité dans l'échange d'informations, de
suggestions, de narration de soi, les amis ne cautionnent pas l'identité
cachée par l'utilisateur »62. Le partage sur les
réseaux sociaux est alors davantage un échange, on ne parle plus
de don mais de « donnant donnant » par cette
réciprocité dont parle Antonio Casilli.
Dominique Cardon parle d'une logique de démonstration de
soi.
« Les signes culturels (les goûts, les pratiques,
les productions, etc.) deviennent des marqueurs beaucoup plus puissants pour
identifier des proximités potentielles avec des inconnus. Ils
supplantent la proximitéì locale et conduisent les
utilisateurs à se définir de plus en plus fortement par leurs
activités culturelles et de loisir. Sous l'effet de l'individualisation
et des nouveaux modes de consommation, l'expression de ses goûts
(musicaux, cinématographiques, télévisuels, etc.) devient
une performance identitaire, permettant de s'affirmer et de se
différencier des autres » : « signaler que l'on est «
dans le vent » et marquer sa « petite différence ».
»63
Quant à Judith Donath cet activisme de la
démonstration de soi est « une parade indispensable pour marquer sa
« petite différence ». Les personnes se sentent
obligées de constamment signaler (i. e. se distinguer) aux autres
qu'elles sont en mouvement, en se référant à des
goûts, des attitudes, des produits, à l'actualité
médiatique ou
60 Antonio A. Casilli, Les liaisons
numériques - Vers une nouvelle sociabilité ?,
Éditions du Seuil, coll. « La couleur des idées »,
2010, p. 213
61 Ibid.
62 Ibid., p. 218
63 Dominique Cardon, « le design de la
visibilité », Réseaux, n°152, 2008, p. 117
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musicale ou encore aux dernières informations virales
sur la toile, afin de montrer qu'elles sont à la pointe des tendances
»64, et même, qu'ils les créent. « Loin
d'être une contrainte, l'exposition de soi apparaît alors comme une
ressource permettant de signaler une certaine forme d'aisance sociale, une
attitude « cool », transparente et ouverte et une capacité
à jouer avec les codes. »65.
Lorsque Maxime partage tout ce qu'il écoute sur Deezer,
Soundcloud ou autre Spotify, il confie que c'est surtout pour des raisons
pratiques qu'il relie son compte Facebook avec ces sites, logiciels ou
applications d'écoute musicale. C'est un partage d'une activité
individuel, Maxime est fier de ce qu'il écoute. En vrai mélomane,
il est éclectique, arrive à dénicher les sons de demain et
le montre. Cette pratique individuelle devient alors collective car « le
sentiment d'appartenance éprouvé par chaque membre tient
davantage à l'échange avec les autres qu'à son
activité solitaire »66. Par là même, il
montre ce qu'il est, son identité, mais dans le même temps, il se
valorise et anime son profil Facebook régulièrement sans n'avoir
rien d'autre à faire que d'écouter de la musique.
Depuis sa création, le web nous incite au partage, sur
Facebook, l'analyse à montrer que le « Share » est le
maître mot du trombinoscope venu d'outre-Atlantique. Aujourd'hui, et
grâce à l'avènement de techniques sophistiquées,
l'internaute ne se rend même plus compte qu'il partage un contenu sur
Facebook, autorisant une application à utiliser son compte à la
première connexion, il lui permet de publier pour lui et en son nom.
Les internautes se sont familiarisés, puis
appropriés ces codes et ces conduites 2.0 pour nourrir leur
auto-présentation et marquer leur « petite différence
».
Ce culte imposé et voué au partage favorise
assez naturellement et logiquement la création de buzz,
c'est-à-dire, la circulation importante et rapide d'un contenu sur le
web.
64 Dominique Cardon, « L'identité comme
stratégie relationnelle », Hermès, n° 53, 01/
2009, p. 63
65 Dominique Cardon, « le design de la
visibilité », Réseaux, n°152, 2008, p. 118
66 Antonio A. Casilli, Les liaisons
numériques - Vers une nouvelle sociabilité ?,
Éditions du Seuil, coll. « La couleur des idées »,
2010, pp. 55-56
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La Neknomination est l'un des nombreux buzz de la toile
auxquels nous, internautes, avons pu assisté. Cette pratique s'inscrit
dans le phénomène de viralité que la toile a
intensifié, voire créé.
CHAPITRE 6 : CONTAGION ET PROPAGATION DE LA
NEKNOMINATION
La Neknomination est une combinaison de la tendance du Social
Bragging et du concept des Chaînes de lettres. Ce phénomène
est, par définition, une réalisation collective, si une personne
brise la chaîne, l'oeuvre en marche est inachevée. Nous verrons
dans ce chapitre comment ces chaînes prennent forme sur Facebook et
quelques unes de leurs caractéristiques. Selon Dominique Cardon, ce
genre de phénomène montre des modes de collaborations
inédits entre internautes, c'est une articulation originale entre
individualisme et solidarité. Ce faisant, ces pratiques ont toujours
pour objectif de se sentir reconnu par ses pairs. Ils répondent à
un besoin de reconnaissance exprimé de manière implicite, parfois
inconsciente de la part des internautes mais ceux-là attendent toujours
des retours sur leurs publications. La volonté de susciter des
réactions positives à des qualités identitaires
exprimées.
A/ Une réalisation collective
La culture du « Share » existait avant que les
réseaux sociaux n'arrivent, les chaînes que l'on a vu
défiler sur notre fil d'actualités Facebook ne sont pas
nées avec ce réseau. Sa genèse est celle des «
chaînes de lettres ». « Une chaîne de lettres est un
courrier (postal ou électronique) demandant au destinataire d'en envoyer
une copie à chacun de ses proches ou s'il ne l'envoie pas, un «
malheur » lui arrivera »67. La première
apparition de cette pratique remonte au Moyen Âge, des lettres qui, sous
motifs religieux, incitaient le destinataire à faire copie et envoi de
la lettre reçue. Ce phénomène s'est cependant fortement
développé au XX° siècle avec l'apparition des
67 Définition de Wikipédia :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Chaîne
de lettres
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courriers électroniques. Dans le cas de la Neknomination,
aucun malheur68 n'arrive au nominé mais le processus
s'inspire de cette pratique.
Schéma théorique et utopique d'une
chaîne sur Facebook
La personne n'est pas dépossédée de son
libre-arbitre, elle a le choix ou non de continuer la chaîne.
Néanmoins, on l'a vu, une certaine pression sociale peut exister pour
inciter les nominés à relever le défi et, comme l'a fait
remarquer Olivier Glassey, le propre d'une chaîne est de créer une
réalisation collective, si la personne brise la chaîne,
il n'achève pas l'oeuvre en marche. « Les nouveaux usages des
plateformes relationnelles du web 2.0 font ainsi apparaître des modes de
collaboration
68 « Si vous n'envoyez pas cette chaîne à tous
vos contacts, vous allez mourir »
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inédits entre utilisateurs »69, «
(É) elles favorisent l'émergence d'une dynamique de bien commun
à partir de logiques d'intérêt personnel en articulant de
façon originale individualisme et solidarité »70.
Le schéma ci-dessus illustre une chaîne idéale et parfaite
au sens où elle sera suivie par toutes les personnes nominées qui
nomineront à leur tour trois autres personnes, et ce, à l'infini.
Bien sûr, empiriquement, ce schéma n'est jamais validé, il
y a, dans tous les cas, au moins une personne qui rompt la chaîne
à un moment et brise donc la dynamique de la collaboration. D'ailleurs
le caractère éphémère de ces chaînes trouvent
son explication dans le fait que tous les nominés ne la suivent pas,
à chaque fois, le nombre de participants diminue, soit parce qu'ils ne
souhaitent pas y participer, soit parce que l'effet de mode, qui doit
être pris également en compte, est passé.
Cependant, ce schéma, même s'il illustre le
concept des chaînes sur les réseaux sociaux, et notamment
Facebook, est trop simpliste et présente des inexactitudes. Puisque ces
chaînes fonctionnent selon un réseau d'interconnaissances proches,
il est facilement possible d'imaginer qu'A1 peut être également B2
voire même C1, se faisant, la personne a été nominée
trois fois par trois personnes différentes qu'elle connaît.
Empiriquement, lorsque ce cas se présente, les trois vidéos des
Neknomineurs se retrouvent toutes sur le journal du Neknominé mais ce
dernier fait d'une pierre deux coups en répondant par une vidéo
à ses trois amis, et en les remerciant tous les trois en bon et du
forme.
Une autre caractéristique de ce genre de chaîne
est le flou du « patient zéro », effectivement, il est
quasiment impossible de remonter jusqu'à la personne qui a lancé
la chaîne, on ne sait jamais pourquoi elle a d'ailleurs été
suivi, c'est le « nobody knows », quelque chose prend ou ne prend pas
et si la chaîne fait buzz, elle est toujours
éphémère, remplacée par une autre presque
immédiatement, comme si des chaînes étaient
fabriquées à la chaîne.
On observe dans le cas de la Neknomination une sorte de buzz
collectif. Ceci est une des conséquences directes de cette culture du
« Share », aucune des vidéos du
69 Dominique Cardon, « Le design de la
visibilité », Revue Réseaux, 152, 2008, p. 131
70 Ibid.
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phénomène de Neknomination n'a fait un
véritable buzz71 mais c'est bel et bien une masse de
vidéos, toute les chaînes qui ont fait le buzz, le processus
lui-même et non quelques vidéos particulières. La
Neknomination est cependant un cas atypique de la viralité d'Internet,
effectivement, cette viralité repose sur un principe, devenu une maxime
du numérique, celle du « public par défaut ». Ce
caractère favorise une circulation massive des contenus sur le web et
par là même, leur succès. Dans le cas de la Neknomination,
on l'a vu, aucune n'a réellement fait le tour du monde, de cette
pratique, nous retenons un succès collectif, suivi par des milliers
d'internautes, le « public par défaut » ne fonctionne pas
systématiquement pour ces vidéos, d'ailleurs beaucoup de
Neknominés n'ont permis le visionnage de leur vidéo qu'à
leurs seuls amis Facebook.
Une vidéo est virale si « elle est
caractérisée par une montée, puis par une baisse,
progressives, de l'audience quotidienne avant, et après, le pic de
popularité »72. Il est toutefois impossible de mesurer
l'audience d'une vidéo de Neknomination, dans la mesure où la
plupart d'entre elles ont été publié directement sur
Facebook, via l'outil partage de fichier vidéo. Sur le site, il n'y a
pas de possibilité de vérifier combien de fois la vidéo a
été visionnée comme ce serait le cas sur You Tube, ni
quand elle a été visionnée. Le seul indicateur de
l'audience est le nombre de likes et de commentaires laissés
par les amis, une vision donc incomplète du public que la vidéo a
réussi à capter. Ce qui permet de qualifier ce genre de
vidéo de « virale » est le fait que cette tendance a
été suivie un mois durant et qu'elle ne l'a plus
été du jour au lendemain. Selon Crane et Sornette repris dans
l'article de Thomas Beauvisage et al., ce type de trajectoire d'un
contenu est « le produit d'une influence exercée par le biais du
bouche à oreille », et quoi de mieux que les notifications pour
recréer ce mode de transmission orale ? La Neknomination relève
donc plus de la contagion que du buzz à proprement parler, comme un
virus, la chaîne s'est propagée, allant de profil en profil pour
s'éteindre et laisser place à une autre.
71 Sauf la reprise par un Sud Africain mais il change
le principe pour faire ce qui lui semble être une bonne action
72 Thomas Beauvisage et al., « Le
succès sur Internet repose-t-il sur la contagion ? Une analyse des
recherches sur la viralité », Tracés, n° 21,
2/ 2011, p. 156
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Réplication et réappropriation des
vidéos virales
« La plupart du temps, les messages ne circulent pas
selon un strict mécanisme de réplication, contrairement à
ce que la métaphore virale laisse entendre : ils sont
retravaillés, remixés, distordus voire détournés.
Cette perspective conduit ainsi (É) à mettre l'accent sur les
contenus culturels, pour comprendre ce qui les rend si perméables
Jenkins utilise le terme « spreadable media ». Jenkins
présente ainsi l'exemple des LOLcats, les photographies de chats,
accompagnées d'une légende humoristique en mauvais anglais. Pour
lui, ce qui circule n'est pas le contenu de l'image (la photographie et le
texte qui l'accompagne), mais la structure permanente, à savoir la
juxtaposition d'une photographie de chat avec une phrase comique, et la
succession des LOLcats qui sont partagés les uns après les
autres. Ainsi, la circulation virale s'accompagne d'une transformation de
l'objet et d'une prolifération des contenus. »73
Il en est de même pour la Neknomination, les
vidéos suivent toutes, comme évoqué auparavant, un
schéma narratif strict adopté par mimétisme mais
retouché paradoxalement par chaque internaute dans la mise en
scène de la vidéo. Ainsi, les paroles et le but sont les
mêmes mais les images changent pour toujours plus d'originalité.
Ce schéma ainsi adopté est une sorte de contrat inconscient
respecté par chaque Neknominé et signe l'appartenance à
une communauté.
B/ L'appartenance à une communauté
Dans l'expérience d'Antonio Casilli effectuée
sur Facebook décrite dans un précédent chapitre, pour
laquelle il avait créé deux profils de lui-même, un premier
davantage fourni en informations personnelles et un second plus anonyme. Le
chercheur avait remarqué, qu'en ajoutant des informations personnelles
sur son profil n°1 il attirait beaucoup plus de personnes, ce
profil était alors plus attractif. Voici un extrait du carnet de bord
qu'il tenait lors de cette expérience :
73 Thomas Beauvisage et al., « Le
succès sur Internet repose-t-il sur la contagion ? Une analyse des
recherches sur la viralité », Tracés, n° 21,
02/ 2011, p. 163
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« Je propose une mise en scène très
précise de son style personnel. Inconsciemment on imagine une apparence
physique, des vêtements... C'est encore Pierre Bourdieu qui nous a appris
que l'expression des goûts dans la vie de tous les jours participe d'un
processus social qu'il appelle « distinction ». Processus complexe,
qui consiste à trouver le juste équilibre entre l'envie de se
démarquer des autres en affirmant son individualité, et le besoin
de se conformer aux goûts dominants de son milieu social. »74
Il en tire ainsi la conclusion que « C'est un besoin de
cohésion qui anime les internautes, une envie de resserrement de leurs
rapports sociaux »75. Ces rapports online s'entremêlent
avec le monde hors ligne. « Les deux univers sociaux sont alors dans un
continuum »76. D'autant plus que sur Facebook, le lien
d'amitié est bidirectionnel. En effet, alors que sur certains
réseaux sociaux ce lien peut être unidirectionnel dans la mesure
où une personne peut suivre et avoir accès aux contenus
publiés par un utilisateur sans que le second n'ait besoin de le suivre
à son tour, comme sur Twitter ; sur Facebook, l'autorisation
donnée à accéder aux informations stockées sur le
profil est réciproque. L'appartenance à une communauté est
d'autant plus vraie que dans l'espace socionumérique, l'acte d'«
amitié », désignée par le terme de friending
en anglais, est un acte déclaratif fort, selon Antonio Casilli.
C'est une requête officielle d'amitié envoyée à
quelqu'un d'autre qui doit l'accepter ou la refuser. La
réciprocité de départ est ainsi toujours observable dans
l'échange des deux amis, elle donne lieu à cette relation
« donnant donnant » qui caractérise le partage dans
l'espace socionumérique.
Le sentiment de communauté est aussi largement
renforcé dans les groupes privés que Facebook permet de
créer. Lucas et Maxime en ont d'ailleurs un où tous leurs amis
d'enfance de leur ville d'origine sont réunis. Lucas confie d'ailleurs
davantage partager de contenus sur ce groupe car il s'adresse à un
public bien plus ciblé et qu'il connaît mieux.
74 Antonio A. Casilli, Les liaisons
numériques - Vers une nouvelle sociabilité ?,
Éditions du Seuil, coll. « La couleur des idées »,
2010, pp. 215 à 216
75 Ibid., p. 229
76 Barry Wellman, « Connectig Community : On- and
Off-line », Contexts, vol. 3, n° 4, 2004, p. 22-28
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Plus qu'un projet de soi, un projet de
nous
Les internautes façonnent leur identité en
fonction de ce qui est attendu, comme le rappelle Fabien Granjon et Julie
Denouël, « La production de soi en ligne est (É) indissociable
d'une exigence communicationnelle, d'échanges et de dialogues avec des
tiers car ce sont eux qui vont agréer positivement ou non la demande de
reconnaissance ainsi formulée. »77. Et d'ajouter que
« (É) c'est cette mise en relation par la monstration de soi et la
production d'énoncés valorisants qui conditionne l'accès
à la reconnaissance. »78. Par leurs posts ou
« textualisation des subjectivités », les internautes fondent
une demande de reconnaissance qui doit être approuvée par leurs
pairs, c'est-à-dire, susciter une réaction positives à des
qualités identitaires. Les commentaires valorisants et/ou les
likes participent également de cette approbation, ils sont d'autant
plus efficaces qu'ils sont explicitement exprimés sur la plateforme.
Ainsi ils constituent des marqueurs importants de reconnaissance publique, et
plus ils sont en nombre, plus ils sont la preuve qu'il y a reconnaissance des
pairs. Le sociologue Olivier Voirol fait remarquer que « (É) la
possibilité que des acteurs parviennent à se constituer un soi,
une conception d'eux-mêmes dans un rapport intersubjectif et entrer dans
des rapports de reconnaissance avec autrui dépend de leurs
capacités à se rendre visibles, à exister et à
être vus et entendus »79.
Ainsi, la Neknomination participe bien de ce besoin de
reconnaissance, ces vidéos entendent moins mobiliser la réaction
d'un grand nombre plutôt que la reconnaissance de leurs pairs, amis
Facebook et proches offline. Ils répondent tous d'une même
communauté de fêtards, reconnus pour leur capacité à
s'abreuver en grande quantité, à faire les plus grandes folies en
soirée, ces héros de la fête montrent, dans leur
réalisation, cette folie de deux manières, par
l'originalité de la mise en scène, mais aussi par la
quantité d'alcool bue.
77 Fabien Granjon, Julie Denouël, «
Exposition de soi et reconnaissance de singularités subjectives sur les
sites de réseaux sociaux », Sociologie, 01/2010, p. 27
78 Ibid., p. 70
79 Olivier Voirol, « Les luttes pour la
visibilité. Esquisse d'une problématique »,
Réseaux, vol. 23, n° 129-130, 2005, pp. 89121
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Ce besoin d'appartenir à une communauté est
lié à l'auto-présentation et à la valorisation de
soi, selon Antonio Casilli, « le sentiment d'épanouissement
éprouvé par chaque membre tient davantage à
l'échange avec les autres qu'à son activité solitaire
»80, tout notre « chez soi » virtuel est donc
pensé et calculé en fonction de cette volonté de plaire
aux autres et donc d'appartenir à une communauté. Le chercheur
rappelle « l'existence de forces sociales qui façonnent notre
manière de vivre la corporéité : dans les habitats en
ligne, la présence corporelle cesse d'être simplement un projet de
soi pour devenir un « projet de nous » »81. La
Neknomination, on l'a vu, est bien un des résultats symptomatiques de ce
grand « projet » que les internautes entendent réaliser.
80 Antonio A. Casilli, Les liaisons
numériques - Vers une nouvelle sociabilité ?,
Éditions du Seuil, coll. « La couleur des idées »,
2010, p.56
81 Ibid., p.224
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Conclusion
Toujours dans un souci d'articuler espace numérique et
espace physique, car Internet n'annule pas la sociabilité de ses
utilisateurs, il la reconfigure82, cette étude est une
analyse des techniques de socialisation développées par des
individus présents sur les réseaux socionumériques. A
travers l'exemple de la Neknomination, on a ainsi pu montrer comment une
culture expressive s'est formée dans ces espaces online, entre
auto-présentation et valorisation de soi en clair obscur sur Facebook.
Ainsi, une analyse empirique d'un échantillon de vidéos a pu
être faite afin de montrer cette mise en scène assumée et
réfléchie de soi devant une audience que ces internautes
entendent capter.
Le principe de défi que sous-tend la Neknomination
également être mis en exergue dans une communauté
d'étudiants adeptes des fêtes où l'alcool et les jeux qui
l'accompagnent sont toujours présents. La culture de ces jeunes a
été exposée pour essayer de comprendre leur motivation
à s'insérer dans cette chaîne. Une deuxième
réponse a été formulée, celle de la pression
sociale qui s'est exercée sur certains d'entre eux, tantôt
explicite, tantôt implicite pour ainsi expliquer pourquoi le Social
Bragging s'est imposé sur les réseaux socionumériques.
Enfin, la question de la viralité a été
étudiée afin d'expliquer la propagation et la contamination de
ces vidéos sur les réseaux sociaux. On a pu voir que ces sites
vouent un Culte au « Share », le partage est omniprésent dans
leur configuration sociotechnique. Ce partage qui vise plus a une
démonstration de soi qu'à un don, il est toujours
intéressé et ne fonctionne que par réciprocité. Ces
chaînes alimentent un paradoxe du web où individualisme et
solidarité s'articulent constamment. La
82 Antonio A. Casilli, Les liaisons
numériques - Vers une nouvelle sociabilité ?,
Éditions du Seuil, coll. « La couleur des idées »,
2010, p.248
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Neknomination résulte donc d'une réalisation
collective de la part des internautes, à la fois similaires et
originales, aucunes de ces vidéos n'est totalement différentes ni
totalement identiques. Elles expriment une volonté de suivre son
camarade dans le « délire » mais en même temps une
intention de faire mieux que son prédécesseur afin
d'acquérir un statut qui se rapproche du « héros de la
fête », celui qui fait les pires folies, et qui constitue une sorte
d'élite dans cette communauté bien définie. Ceci exprime
un besoin de reconnaissance dans une communauté numérique,
prolongement de l'une des communautés physiques d'un individu.
Le phénomène de Neknomination est un exemple
emblématique des dynamiques qui s'opèrent sur Internet. Il
participe de la fabrique des identités sur les réseaux
socionumériques dans le but de satisfaire un besoin de reconnaissance
dans une communauté de pairs. A noter qu'il y a des
inégalités entre les individus d'une même
communauté, certains acteurs auront plus d'influence sur l'acceptation
et la valorisation d'un individu que d'autres au sein de ce groupe, c'est
toujours la question des dynamiques entre les leaders d'opinions et les
personnalités qui s'en inspirent que la sociologie étudie
constamment.
Le manque de temps a surtout été une contrainte
quant au nombre d'enquêtés qui n'a pas pu être
supérieur à quatre individus interrogés (le
cinquième ayant refusé de répondre). Le corpus s'en voit
alors également réduit dans la mesure où la volonté
était de ne pas séparer les vidéos de leurs auteurs.
Malgré cela, l'étude est assez complète et montre les
enjeux de chaque internaute quant à la réalisation de cette
vidéo.
Si le temps et l'espace de ce mémoire n'avaient pas
été aussi limités, une étude plus approfondie de
plusieurs les chaînes et les défis qui s'opèrent sur
différents réseaux socionumériques auraient pu être
pertinente et renforcée les hypothèses énoncées.
Ce mémoire s'intéresse à la construction
des identités numériques qui s'inscrit
dans un besoin de reconnaissance. Si j'en ai l'occasion plus
tard, j'aimerais pouvoir
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
2015
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étudier, dans la même optique, les dynamiques de
ces expressions sur Facebook en comparaison à celles utilisées
sur Twitter, où les manières de s'exprimer diffèrent ainsi
que les communautés dans lesquelles elles s'inscrivent.
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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Bibliographie
Ouvrages :
CARDON Dominique, La démocratie Internet : Promesses
et limites, Paris, Éditions du Seuil, coll. « La
république des idées », 2011, 102 p.
CASILLI Antonio A, Les liaisons numériques - Vers une
nouvelle sociabilité ?, Paris, Éditions du Seuil, coll.
« La couleur des idées », 2010, 332 p.
DAGNAUD Monique, Génération Y - Les jeunes et
les réseaux sociaux, de la dérision à la subversion -
2ème édition, Paris, Science Po les presses, 2013, 208
p.
DAGNAUD Monique, La teuf - essai sur le désordre des
générations, Paris, Éditions du Seuil, 2008, 208
p.
DALSUET Anne, T'es sur Facebook ? - Qu'est ce que les
réseaux sociaux changent à l'amitié ?, Paris
Flammarion Antidote, 2013
MERCKLÉ Pierre, Sociologie des réseaux
sociaux, Paris, La Découverte, 2011, 109
p.
TISSERON Serge, L'intimité surexposée,
Paris, Hachette Littérature, 2002, 180 p.
TISSERON Serge, Virtuel, mon amour - Penser, aimer,
souffrir à l'ère des nouvelles technologies, Paris, Albin
Michel, 2008, 227 p.
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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Articles scientifiques :
Dossier sous la responsabilité de ALLARD Laurence avec
la collaboration de BLONDEAU Olivier "Cultures numériques, cultures
expressives", MediaMorphoses, n° 21, septembre 2007, pp. 19 à 25
BEAUVISAGE Thomas et al., « Le succès sur
Internet repose-t-il sur la contagion ? Une analyse des recherches sur la
viralité », Tracés, n° 21, 02/ 2011, pp. 151
à 166
CARDON Dominique, « le design de la visibilité
», Réseaux, n° 152, 2008
CARDON Dominique, « L'identité comme
stratégie relationnelle », Hermès, n° 53,
01/2009, pp. 61 à 66
CARDON Dominique, « Réseaux sociaux de l'Internet
», Communication, n°88, 01/2011, pp. 141 à 148
COUTANT Alexandre, « Des techniques de soi ambivalentes
», Hermès, n° 59, 01/2011, pp. 53 à 58
GRANJON Fabien, DENOUèL Julie, « Exposition de soi
et reconnaissance de singularités subjectives sur les sites de
réseaux sociaux », Sociologie, 01/2010, pp. 25 à
43
TISSERON Serge, « Intimité et extimité
», Communication, n°88, 19/05/2011, pp. 83 à 91
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Sources
« Le pire et le meilleur des jeux à boire », le
13/02/2014 dans le
plus.nouvelobs.com,
par Olivier Glassey,
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1146040- neknomination-le-pire-et-le-meilleur-du-web-en-un-seul-jeu-a-boire.html
Comment les réseaux sociaux bousculent la théorie
de Milgram, par Frédéric Foschiani, le 20 octobre 2010,
http://blog-ereputation.com/2010/10/20/comment-les-reseaux-sociaux-bousculent-la-theorie-de-milgram/
Facebook a rétréci le monde, ramenant les «
six degrés de séparation » à 4,74 en moyenne, par
Kimihiro Hoshino
AFP.COM, 20 minutes, le 22.11.11,
http://www.20minutes.fr/ledirect/828370/facebook-retreci-monde-ramenant-six-degres-separation-474-moyenne
Conférence de Clément Mabi, maître de
conférence à l'UTC de Compiègne, chercheur au laboratoire
Costech, Pourquoi le design compte ? Analyse critique du design de sites
web participatifs, le 08.04.2015
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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Corpus
Fichiers joints dans la clé USB fourni au dossier
+ Vidéos de Louis :
o Neknomination Louis essai 1.mp4
o Neknomination Louis essai 2.mp4
o Neknomination Louis.mp4 (publiée le 14 février
sur Facebook)
+ Vidéos de Damien :
o Neknomination Damien essai 1.mp4
o Neknomination Damien.mp4 (publiée le 13 février
2014 sur Facebook)
+ Vidéo d'Antoine :
o Neknomination Antoine.mp4 (publiée le 14 février
sur Facebook)
+ Vidéo de Maxime :
o Neknomination Maxime (publiée le 15 février 2014
sue Facebook)
+ Vidéo de Lucas alias Norby Zuman :
o Neknomination Norby Zuman (publiée le 16 février
2014 sur Facebook)
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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Table des matières
Introduction 6
Partie 1 - Facebook : un espace de socialisation 2.0 ?
12
Chapitre 1 : La culture expressive 12
A/ Auto--présentation et valorisation de soi 13
B/ Une expression en clair obscur 16
Chapitre 2 : Une mise en scène assumée
devant un public ciblé 19
A/ Des vidéos réfléchies et
standardisée 19
B/ ...A destination d'un public ciblé 25
Partie 2 -- Le défi comme matière à
sociabiliser 27
Chapitre 3 : Un jeu d'alcool en clair obscur
27
A/ La culture de la fête et des fêtards 28
B/ Un jeu d'alcool physique et numérique 32
Chapitre 4 : La pression sociale du défi
34
A/ La pression des pairs 35
B/ Les bravades démonstratives de la
génération Y 38
Partie 3 -- La nature virale de la Neknomination
41
Chapitre 5 : La culture du « Share »
41
A/ Configuration sociotechnique et incitation au partage 41
B/ Le partage: don ou démonstration de soi ? 44
Chapitre 6 : Contagion et propagation de la
Neknomination 48
A/ Une réalisation collective 48
B/ L'appartenance à une communauté 52
Conclusion 56
Bibliographie 59
Sources 61
Corpus 62
Table des annexes I
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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- I -
Table des annexes
Annexe 1 II
Annexe 2 IV
Annexe 3 XXI
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- II -
Annexe 1
Guide d'entretien
Informations
o Nom, prénom, âge, situation professionnelle,
école, lieu d'habitation, milieu social et celui des parents,
réseau social, autres espaces de socialisation en dehors de la famille
et du milieu pro (lieux de loisir, etc), trajectoire scolaire, niveau
d'études.
o Parcours social, vie associative dans l'école ?
(BDE, etc)
Utilisation des réseaux sociaux
o Es-tu sur Facebook depuis longtemps ?
o Utilises-tu Facebook régulièrement ? (heures par
jour, par semaine passées sur Facebook)
o Dans quel but utilises-tu Facebook ? (Utilisation du chat,
veille informationnelle, publication de photo, etc)
o Es-tu présent sur d'autres réseaux sociaux ?
Rapport à la fête
o Sors-tu souvent en soirée ?
o Sors-tu avec des gens de ton école ?
o Sors-tu régulièrement avec la personne qui t'as
nominé ?
o Aimes-tu les jeux d'alcool ? Est-ce que tu en fais souvent
lors de soirées ?
o Bois tu de l'alcool à chaque soirée ?
o L'alcool et les jeux qui vont avec sont-ils un moyen de lancer
la soirée quand elle démarre ? (Moyen de socialisation), un moyen
pour se désinhiber ?
La nomination
o Quelle personne t'a nominé ?
o Te souviens-tu du moment où tu as vu la nomination ?
o Combien de temps s'est écoulé entre le moment
où tu as vu la publication et le moment où tu as publié la
tienne ?
o Connais tu cette personne ailleurs que sur Facebook ? Si
oui, d'où ?
o Quelle relation as-tu avec elle ? Est-ce une personne
proche ou une simple connaissance ?
o Beaucoup de personnes ont-elles fait une vidéo de
neknomination dans ton école ?
o Quelle a été ta principale motivation
à accepter de relever ce défi ?
La fabrication (mise en scène)
o
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 |
juin 2015
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- III -
As-tu filmé cette vidéo par toi même (webcam)
ou quelqu'un t'a-t-il filmé ?
o As-tu pensé longuement à comment tu allais te
mettre en scène dans cette vidéo ?
o As-tu fait plusieurs prises avant d'avoir une vidéo qui
te convenait afin de pouvoir la partager ?
o Que voulais-tu montrer par cette mise en scène ?
Voulais tu faire passer un message quelconque aux personnes qui t'ont
nominé ?
o Dans quel lieu as-tu fait cette vidéo ? (Chez toi, chez
un ami, dans la rue, etc)
o Dans quel cadre as-tu fait cette vidéo ? (Dans une
soirée entre amis, tout seul, etc)
La publication
o Pourquoi l'as-tu partagé sur les réseaux sociaux
par la suite ?
o Etait-ce la première fois que tu partageais une
vidéo de toi ?
o As-tu eu des critiques suite à la publication de cette
vidéo ? (hors Facebook et sur Facebook -> commentaires)
o Est-ce que tu pouvais ne pas la faire ? La publier ? En
d'autres termes, as-tu hésité à publier ta vidéo ?
Si oui, pourquoi ? Et quelles ont été tes motivations à la
faire et à la mettre en ligne ?
La mobilisation - « l'audience »
o Te souviens-tu du nombre de « likes » que tu as
réussi à mobiliser ?
o As tu eu des commentaires sur votre vidéo ? Si oui,
t'en souviens-tu ?
o As-tu eu des discussions à propos de cette
vidéo hors des réseaux sociaux suite à sa publication ?
o As-tu nominé une ou plusieurs personnes ? Combien ?
La chaîne a t-elle continué après toi ? Sur le nombre de
personne(s) nominée(s), combien ont accepté le défi ?
o Quels sont tes rapports hors web avec les personnes que tu
as nominé ?
Les dangers du clair-obscur
o (Ce contenu pourrait te porter préjudice dans ta
future vie professionnelle (patrons qui naviguent sur Facebook avant l'embauche
par ex)), as-tu modifié tes paramètres de confidentialité
sur les réseaux sociaux afin que seuls tes amis aient accès aux
contenus que tu publies ?
o Limites-tu Facebook aux relations amicales ou est-ce aussi
un réseau où ta famille est présente ? (Je pense surtout
aux parents qui ne sont pas forcément d'accords avec ce genre de
vidéo)
o Ta vidéo est-elle toujours en ligne (même si
quasi-invisible sur le fil d'actualité du profil) ? Si non, pourquoi
l'as-tu « supprimé » ? Si oui, pourquoi l'as-tu laissé
?
o Utilises-tu un pseudo sur Facebook ou ton vrai nom ?
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
2015
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- IV -
Annexe 2
Entretien Maxime, le 12 mars 2015
(habillé décontracte, entretien dans son
appartement, à mon arrivée, il me prévient, en me montrant
la cuisine, qu'il me conseille de ne pas y entrer, il qualifie cette
pièce de « No man's land », effectivement, c'est une cuisine
ouverte et je m'aperçois des dégâts, rien n'est
rangé, la vaisselle déborde de l'évier, Maxime m'explique
que ce sont les restes d'une soirée qu'il a fait chez lui (il est un peu
la terre d'accueil des soirées de sa promo, selon ses dires) et qu'il
n'a pas encore rangé. Je lui demande si c'était hier, il me dit
que non, ça datait d'une semaine (nous étions jeudi).
C : Donc je t'explique le but, dans l'idéal il faudrait
que ce soit comme une conversation, que tu me racontes ta vie en fait,
j'essayerais d'intervenir le moins possible. On va plutôt commencer par
le informations générales, ta vie, ton parcours, tes parents, ce
qu'ils font, ce que tu as vécu, ton parcours scolaire, ce genre de
chose.
Maxime : Moi je suis né à Paris, je suis
arrivé à La Rochelle à l'âge de 2 ans et demi, j'ai
fait là-bas toutes mes études jusqu'à ma deuxième
année de prépa, donc jusqu'à ma L2, j'étais en
prépa physique chimie. Pouf, je passe les concours d'école
d'ingénieur, je débarque au mans et là j'suis en M1,
école d'ingénieur généraliste mais je me suis
spécialisé dans les matériaux, tout ce qui est dans la
modélisation moléculaire, polymère, tout ça, tout
ça. Voilà.
C : d'accord, et tes parents, ils font quoi ?
Maxime : Mon père travaille aux impôts et ma
mère est gestionnaire de comptes à La Poste. Voilà.
C : Et tu t'entends bien avec eux, pas de souci particulier ?
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
2015
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- V -
Maxime : Ah oui nickel, ça a toujours été
bien ouais jamais de gros conflit mais je ne dévoile pas toute mon
intimité à mes parents, on est souvent dans de bons termes et les
problèmes se résolvent de manière calme donc pas de souci
à ce niveau là, voilà.
C : D'accord, donc une situation familiale assez confortable,
et au niveau financier c'est pareil ?
Maxime : Ouais je n'ai pas à me plaindre, ils ne
roulent pas ni en Jaguar ni en Bentley mais oui je n'ai pas à me
plaindre.
C : donc après au niveau de l'utilisation des
réseaux sociaux ?
Maxime : Ouais ?
C : les réseaux sociaux en général.
Maxime : alors je ne suis pas sur Twitter, euh, j'suis sur
Facebook, je l'utilise tous les jours pour rien, enfin à part pour
parler mais sinon c'est plus pour passer le temps, voire même, il y a un
petit côté addictif quand même, des fois c'est un peu un
réflexe d'y aller. J'suis assez mitigé sur les réseaux
sociaux, les problèmes d'intimité.
C : t'es que sur Facebook ?
Maxime : Sinon y a quoi d'autre ?
C : Instagram, après les réseaux un peu plus
professionnels comme LinkedIn, ou
Viadeo ?
Maxime : Oui j'ai Linkedin
C : J'ai vu qu'il n'y a pas longtemps sur Facebook tu as
posté une annonce pour un stage, donc tu t'en sers aussi
professionnellement ?
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
2015
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- VI -
Maxime : Oui je m'en suis servie une fois et j'ai eu deux
trois retours donc ça a plutôt fonctionné.
C : J'ai vu que tu avais plus de 500 amis, c'est toi qui
demandes en ami en général ou tu acceptes tout le monde, tu
parles avec tout le monde ?
Maxime : a priori j'accepte tout le monde, enfin quand je
connais les têtes quoi, parce que je trouve que justement c'est la
puissance de Facebook, c'est qu'il n'y a pas vraiment de raison de refuser
puisque le côté sacré de l'amitié sur Facebook a
totalement disparu donc tu vas pas dire à un mec « bah non je
t'accepte pas sur Facebook », enfin ça rime à rien c'est pas
le but de Facebook. Après oui je demande certaines personnes en ami mais
quand j'ajoute des gens c'est dans l'optique de leur parler et de les revoir.
J'ai déjà vu au moins une fois chacun de mes amis Facebook.
C : Et au niveau de tes paramètres de
confidentialité vue que tu m'as parlé juste avant des
problèmes de vie privée etc, t'as modifié quelques trucs
ou pas du tout ?
Maxime : Bah en fait le truc c'est que je suis conscient de
ces problèmes de confidentialité et tout ça mais j'en ai
rien à secouer en fait (rires).
C : Tu pars du principe que tu n'as rien à cacher ?
Maxime : Ouais c'est un peu ça, mais vue que je post
pas beaucoup de trucs sur Facebook, quand je post des trucs c'est soit des
musiques, soit des trucs faits avec des potes, je fous pas de photos de moi
à poil quoi donc je vais pas cacher des photos à certaines
personnes.
C : Et même aux gens avec lesquels tu n'ai pas amis ?
Maxime : Ouais, alors si justement, je me suis fait avoir une
fois parce que j'avais mis un statut qui disait en gros qu'on avait un partiel
de je sais plus ce que c'était,
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
2015
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- VII -
mécanique je sais plus quoi, et j'avais dit en gros
qu'on allait se faire fister et j'avais pas vu qu'il était public et le
lendemain, mon prof en question, enfin de cette matière vient me voir en
disant « bah dit donc, Mr Guillotte, le fist et tout je sais pas quoi
», donc du coup là je me suis dit « ok ! Va peut-être
falloir que je fasse attention quand même quand je mets des statuts
publics ou juste entre amis. Parce que le prof en fait, il était pas ami
avec moi mais vu que mon statut était public il fait des petits
espionnages. Et donc voilà, maintenant je sais que sur ça je vais
être un peu plus méfiant pour le côté professionnel.
Pour pas salir mon image quoi.
C : Et du coup tu vas être plus méfiant par
rapport à ce que tu publies ou par rapport aux paramètres de
confidentialité que tu as peut-être modifié depuis ?
Maxime : Un peu des deux. A chaque fois que je post un truc,
je fais attention à quel paramètre est engagé,
après je fais aussi un peu attention à ce que je mets mais je me
dis que les paramètres de confidentialité suffisent à
filtrer. Voilà.
C : Et du coup tu t'es inscrit quand ?
Maxime : Sur Facebook ? Houlà, euh, moi et la
mémoire, euh je crois que c'était en 2008 ou 2009.
C : Et tu te souviens pourquoi tu t'es inscrit ?
Maxime : Oui ! J'étais en colo, dans une colo sportive
et y avait une nana, on est resté très potes d'ailleurs, enfin on
s'est un peu perdu de vue mais enfin bon bref, et justement elle, elle
était sur Facebook et elle m'en parle « Oh tu vas voir c'est
génial machin » et puis du coup je me suis dit vas y je m'inscris
et puis voilà. Juste pour suivre le mouv' quoi. Tout le monde n'y
était pas encore mais ça commençait à
émerger beaucoup quoi.
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 |
juin 2015
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- VIII -
C : J'ai vu aussi que tu es assez mélomane, tu partages
pas mal de musique, les événements auxquels tu participes, des
festivals électro pas mal, et puis des soirées, tu sors beaucoup,
quel est ton rapport à la fête ?
Maxime : J'ai commencé à sortir en
3ème, bon c'était des sorties avec limite horaire, pas
beaucoup d'argent non plus donc pas beaucoup d'alcool.
C : Et pas de permis ?
Maxime : et pas de permis ouais, mais j'habitais à
côté d`où je sortais donc c'était pas vraiment
handicapant, mais j'ai eu une limite horaire, minuit en général,
jusqu'à la première à peu près. Après en
Terminal, je sortais tous les samedis ou les deux samedis à peu
près. C'était souvent les mêmes genres de sorties. On
allait à l'Harmattan, c'est le nom d'un bar, on prenait une ou deux
bouteilles de punch et on finissait à la plage de temps en temps. En
prépa, je suis pas mal sorti la première année,
c'était un peu scandaleux, je sortais quasiment tous les samedis et
quelques jeudis. Donc ça a pas été pour les notes quoi,
j'étais à Jean Dautet à La Rochelle, j'ai fait mon
lycée et ma prépa là-bas, en plein centre ville et
ça motivait à sortir, d'autant plus qu'il y avait tous les
étudiants qui n'étaient pas de La Rochelle qui avaient tous leur
appart' en plein centre et soirée before en appart' et après on
sortait dans les bars. Enfin ça c'était pour le jeudi car le
samedi j'étais avec mes potes du lycée.
C : Donc tu dissociais vraiment les deux ?
Maxime : Ouais, c'était vraiment deux types de
soirée différente. Avec mes potes de lycée c'était
toujours un peu la même rengaine, c'était, euh, pas mollasson
mais, É parce qu'on se fendait la poire mais on faisait rien en fait,
enfin on faisait pas grand chose. Alors qu'avec les mecs de prépa
c'était un peu plus actif, on allait dans les bars, on allait danser un
peu et tout ça quoi. Mais bon, j'ai quand même validé ma
prépa, scandaleusement. Après, j'ai choisi mes écoles
d'ingénieur, j'ai d'ailleurs hésité à aller
à Paris parce qu'en fait j'étais accepté au Mans en
école d'ingénieur et au Magistère d'Orsay et j'ai dû
faire un choix qui n'était vraiment pas facile parce
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
2015
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- IX -
que les deux me plaisaient beaucoup. En fait, le
magistère d'Orsay c'était pour faire prof et l'école
d'ingé c'était pour faire ingénieur, les études du
magistère d'Orsay, a priori, m'auraient plus plu que les études
en école d'ingé mais en même temps je me voyais plus
ingénieur que prof. Et donc Le Mans, je déboule, première
fois que je bouge du cocon familial. Donc changement, patati, patata,
très vite, de bonnes rencontres, quelques mois après, en gros,
une équipe qui commence à vraiment se souder avec Louis, Hugo et
tutti quanti.
C : Damien aussi ?
Maxime : Damien aussi mais moins que Louis et Hugo mais il
fait partie de la même tribu quoi. C'est la même tribu mais pour
moi il y a un noyau central avec Louis et Hugo, Damien est plus proche de Louis
que moi je le suis.
C : Et Antoine qui était également dans la
chaîne ?
Maxime : Ouais mais on le voit moins du coup, lui il est dans
une autre tribu (rires), mais bon tout le monde s'entend bien et il y a aucun
problème de mélange. Et donc, très vite on a
enchaîné les soirées avec ce cocon là, avec cette
tribu (rires) et mon foie s'est usé depuis que je suis arrivé au
Mans, mais vraiment ! Parce qu'on avait pas beaucoup de boulot, moi je sortais
de prépa donc ça changeait un peu, le rythme était un peu
plus souple. Sauf à certaines périodes en fait, où il y
avait quand même des moments de gros rush donc là c'était
un peu pas possible de sortir mais y a quand même eu des semaines... Bah
on a fait notamment la semaine du grand chelem l'année dernière
qui consiste à se mettre un murge tous les soirs. Du lundi au dimanche.
Bon on n'a pas fait le dimanche soir, donc j'suis un peu déçu
(rires) mais sinon c'était d'une violence extrême
c'est-à-dire qu'à partir du mercredi déjà c'est
plus ton corps qui répond, t'es comme un robot. A partir du mercredi
parce qu'on s'était déjà pris deux cuites, ça
commençait déjà à bien tirer sur le foie. Mais
c'est une bonne expérience, c'est marrant et puis quand t'as fini la
semaine bah t'es content de te reposer.
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 |
juin 2015
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- X -
C : Et pourquoi cette idée ?
Maxime ; Pourquoi cette idée ? Parce que visiblement
c'est une sorte de tradition à l'école, bon, personne ne la
respecte, mais nous on a trouvé ça super fun du coup on s'est
lancé. Mais en plus, on s'est pas dit « tiens cette semaine on fait
la semaine du grand chelem », c'est juste qu'on a commencé à
sortir le lundi, le mardi et puis on a vu que le mercredi on était
encore un peu chauds pour sortir et bah ça s'est fait naturellement,
sans se dire on fait la semaine du grand chelem.
C : Et ça représentait un défi de
réussir à le faire jusqu'au bout ?
Maxime : Ah bah une fois qu'on était lancés oui,
les trois premières soirée c'était pas du tout un
défi mais après on s'est dit, vas y on est lancés, c'est
parti quoi, et à la fin on était super contents de nous.
C : Et qui vous avait parlé de cette tradition ?
Maxime : Je sais plus trop, ça devait être nos
parrains de l'école. Voilà.
C : Et à l'école comment ça se passe pour
toi ?
Maxime : On dirait que tu parles à ton petit
frère (rires). A l'école ça se passe bien, je m'y sens
super bien, bien intégré, je me sens à ma place dans cette
école, la formation me plait, la pédagogie c'est autre chose, les
profs sont pas... enfin, si, les profs sont biens mais au niveau de
l'administration y a eu beaucoup de problème donc c'est un peu
galère pour tout ce qui est organisation et tout ça. En ce qui
concerne mon projet, l'année prochaine je vais partir au Québec,
dès le mois d'août là. En fait, je vais valider un
double-diplôme à la fin de l'année prochaine, j'aurais le
Master de machin nano technologie à Sherbrooke, au Québec, et
j'aurais mon diplôme d'ingénieur en parallèle. Parce qu'il
y a eu une sorte de partenariat entre l'Université de Sherbrooke et
l'ISMANS.
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
2015
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- XI -
C : Ok, et tu m'as dit que tu étais bien
intégré, on pourrait dire que tu es populaire, si on prend un
terme assez américain ?
Maxime : Ouais on pourrait dire ça je pense, parce
qu'on sort tout le temps donc on se voit souvent, enfin au moins ceux qui
sortent, c'est aussi parce qu'on est une petite école, on est trois fois
cinquante, parce que trois promos de cinquante personnes.
C : Et vous sortez tous ensemble, entre toutes les promos ?
Maxime : Non, alors moi quand j'étais en
première année, on ne sortait qu'avec les première
année, sauf quelques rares fois où ça arrivait qu'on sorte
avec les deuxièmes et troisièmes années, notamment chez
moi quand je faisais des soirées, parce que c'était terre
d'accueil (rires). Et cette année, on est pas mal avec les
troisièmes années du coup, et les premières années
sont pas mal entre eux. J'ai l'impression que c'est souvent 1 ensemble et 2 et
3 ensemble.
C : d'accord, et vous vous êtes parrains aussi des
premières années ?
Maxime : Ouais, et ça se passe bien avec mon fillot,
à vrai dire je le vois pas trop, normalement on est censés
s'entraider pour l'école et tout mais au final pas du tout. Enfin mon
parrain, moi il m'avait filé pas mal d'annales, des cours, il m'a pas
mal aidé, parce que je lui avais demandé. Mon fillot, ça a
l'air d'être une tête donc il a pas trop besoin de moi. Et sinon,
on fait quelques repas de famille de temps en temps, entre parrains et fillots,
entre grands parrains et petits fillots. La dernière fois, on
était chez mon parrain, donc on était tous les trois avec mon
fillot et y avait aussi les collocs de mon parrain donc c'était pas un
tête à tête. Donc c'était bière à la
main, saucisson et Fifa, le bon trio quoi (rires).
C : Et au niveau des jeux d'alcool ?
Maxime : Alors moi je considère vraiment ça
comme un amusement, parce que ces jeux, pour peu que tu sois un petit peu
bourré, tu commences à gueuler, tu rigoles,
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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- XII -
voilà, c'est juste marrant, et puis, c'est vrai que
ça soûle plus vite mais c'est pas pour être bourré
plus vite qu'on le fait, c'est juste pour nous amuser. C'est pour partager un
moment avec d'autres personnes. Souvent, c'est quand les gens sont pas super
motivés que ça tombe, il y a toujours quelqu'un qui propose
ça, parce qu'après, une fois que les gens sont soit trop
bourrés, soit trop motivés, ils partent dans leur coin tatata,
ils bougent tatata, et là, c'est impossible de canaliser l'attention
pour faire un jeu tous ensemble. Alors que si on est autour d'une table, les
jambes entrecroisées, qu'on s'allume des clopes tout le temps, enfin
qu'on sait pas trop comment faire évoluer la soirée, Bim ! Jeu
d'alcool, tout le monde rigole, ça lance la soirée et puis
ça part en cacahuètes après quoi. Donc ouais ça
peut lancer une soirée, et puis même quand elle a bien
démarré c'est aussi marrant, c'est pas QUE pour lancer la
soirée.
C : Et est-ce que par exemple quand il y a quelqu'un
d'étranger à votre groupe qui vient à la soirée,
vous allez faire un jeu d'alcool pour mieux l'intégrer ?
Maxime : Euh, non, enfin pas pour moi, si y a une autre
personne que je connais pas trop, pour moi, la meilleure façon de
l'intégrer c'est justement de pas trop lui prêter attention, parce
que justement, si on lui dit « oh tu veux faire quoi, qu'est-ce qui
t'arranges ? Machin... », il va se sentir gêné donc qu'il
soit là ou pas, j'aurais lancé un jeu d'alcool et s'il joue, tant
mieux, il s'intègre, mais s'il a du mal à s'intégrer, bah,
je sais pas trop comment faire, c'est pas en lui proposant un jeu d'alcool
qu'on va l'intégrer, c'est si le jeu d'alcool est lancé, il peut
bien s'intégrer.
C : Et du coup vous en faites souvent en soirée ?
Maxime : Quasiment systématiquement, que ce soit en
petit comité ou non, on trouve ça marrant quoi, et puis, y en a
tellement !
C : Souvent tu sors qu'avec des gens de ton école ?
ça n'arrive jamais que ce soit une personne extérieure ?
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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- XIII -
Maxime : Alors, si, la soirée se lance toujours avec
des gens de mon école, mais c'est arrivé fréquemment
d'appeler des gens extérieurs pour leur dire de passer ou des trucs
comme ça, des gens que j'ai rencontré, pour la plupart, en
soirée, enfin qu'en soirée en fait.
C : Donc c'est là que tu fais la plupart de tes rencontres
?
Maxime : Ouais, bah en même temps y a pas d'autre chose
à faire au Mans quoi, enfin, je veux dire, c'est pas en allant au
cinéma que tu vas faire des rencontres, si à un concert à
la limite pourquoi pas mais y a pas grand chose au Mans.
C : Et tu fais souvent des concerts au Mans ?
Maxime : Bah du coup non, y en a pas des masses.
C : Festival ? J'ai vu que vous aviez été
à un festival avec Louis y a pas très longtemps ?
Maxime : On devait y aller mais bites comme on est, on voulait
acheter les places mais en fait elles étaient complètes
dès le lendemain, enfin bref, en plus c'était énorme,
c'était The Avener, Synapson, et d'autres, c'était fou, j'suis
dégoûté, mais c'était à Alençon, pas
au Mans, c'est à quarante minutes d'ici.
C : Alors maintenant on en vient à la Neknomination, je
vais faire appel à ta mémoire j'suis désolée, donc
est-ce que tu te souviens de la journée où tu as
été nominé ?
Maxime : Je me rappelle à peine qui m'a nominé,
je pense que c'est Antoine, mais la journée non, je pourrai pas de dire
ce que j'étais en train de faire.
C : Et pourtant tu m'as dit qu'Antoine, tu sortais pas
énormément avec lui ?
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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- XIV -
Maxime : Bah oui mais je sais pas c'est... enfin je pense que
quand tu nomines quelqu'un c'est pas juste pour le nominer, tu t'attends
à ce qu'il le fasse, tu te dis pas « tiens je vais nominer la
personne la plus proche de moi », c'est aussi pour voir qui pourrait faire
le truc le plus fou, sûrement qu'Antoine s'est dit « tiens Max il
pourrait faire un truc marrant donc je vais le nominer ».
C : Est-ce que tu te souvient le temps qui s'est
écoulé entre le moment où tu as vu ta nomination et le
moment où tu t'es dit « ok je vais le faire » ? Et pourquoi tu
as décidé de relever le défi ?
Maxime : Alors le moment entre la prise de décision et
la nomination a été très court, entre quelques secondes et
quelques minutes je pense. Pourquoi je l'ai fait ? Je pense pour faire rire,
c'était vraiment juste pour faire rire et pour aussi me marrer parce que
du coup, j'avais pas du tout l'intention de faire le défi genre en gros
qui boira le plus, ça ne m'intéressait pas du tout. Alors j'ai
cherché un truc légèrement plus original quoi à
boire et en même temps à relever le défi donc du coup j'ai
appelé Lucas alias Norby Zuman, parce qu'il a une petite caméra
tout ça tout ça. Donc je suis allé chez lui et je lui ai
expliqué ce que je voulais faire donc c'était mettre des lunettes
de piscine, de plongée et en gros, au lieu de boire une bouteille de
vodka, je voulais me la vider sur la gueule. Et donc c'est ce qu'on a fait et
c'était super marrant, on était dehors en maillot de bain tout
ça, et on était avec un autre pote en plus donc ça
permettait de passer la journée ensemble, c'était juste pour
faire un petit truc quoi. Et donc voilà, c'était pour le fun, et
surtout pour montrer que je le ferai sans boire, même si j'ai bu un petit
verre pour le geste.
C : Et est-ce que tu penses pas que d'avoir fait une
vidéo plus original constitue un défi n lui-même ?
Maxime : Bah le défi de faire rire oui. Le défi
c'était faire quelque chose de plus original plutôt que de
boire.
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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- XV -
C : Et quelque chose qui m'a fait rire dans ta vidéo,
tu te souviens que c'était quand même au mois de février,
tu étais en maillot de bain dehors ! T'avais pas froid ? (Rires)
Maxime : C'était d'autant plus drôle ! Et
d'ailleurs avec Lucas on s'est marrés ! On avait des défis au
lycée, je crois que c'était tous les lundis, en fait, on devait
faire un petit défi en arrivant au lycée et donc, je me rappelle
plus très bien mais c'était des petits défis de merde mais
c'était par exemple, arriver en plein hiver en tongs ou arriver au
lycée sans n'importe quoi. Le genre de défi que j'aime bien quoi.
On a fait ça que quelques lundis mais c'était marrant, j'en garde
de bons souvenirs. Ou placer des mots incongrus en cours quand on participait,
ça je l'ai beaucoup fait aussi.
C : Donc du coup c'est Lucas qui t'as filmé ?
Maxime : Ouais
C : Et ils t'ont aidé sur la mise en scène
où tu y avais déjà réfléchi depuis pas mal
de temps ?
Maxime : Non, j'avais plus réfléchi à
comment je m'habillais, à ce que j'allais faire et puis le reste
c'était « on verra bien », mon discours je l'ai
improvisé.
C : Et pourquoi cette petite musique et le message ?
Maxime : De souvenir il me semble que c'était Lucas ou
Hugo qui avait eu cette idée.
On regarde la vidéo pour que Maxime se souvienne du
message
Commentaires de Maxime . · « Ah oui
c'était quand même un grand verre » C . · t'es au
courant que tu as fait un Ice Bucket Challenge avec l'heure ? Maxime
. · Oui carrément ! (Rires)
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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- XVI -
Maxime : Ah oui je me rappelle ! Bah tout est dit dans le
petit écriteau, c'est juste qu'on voulait garder la fin de la bouteille
pour la soirée ou pour je sais plus quand, et du coup je voulais pas
vider totalement la bouteille mais j'en ai vidé pas mal quand même
!
On continue à regarder la vidéo pour voir les
gens qu'il a nominé
C : Tu as regardé Lucas quand tu as nominé Norby
Zuman non ?
Maxime : Oui parce qu'en fait, il se doutait que Norby Zuman
il pouvait très bien y passer et donc quand je l'ai regardé il a
fait « Oooooh ! »
C : Parce que j'ai vu qu'il ne postait plus de vidéo
sur ce profil, c'était un projet au départ ?
Maxime : Bah c'est un projet qui n'est pas totalement
stérile, c'est un projet qui a été fait avec Hugo, la
troisième personne qui était là pendant le tournage, ces
deux là sont meilleurs potes depuis l'enfance et ils sont tous les deux
très créatifs, donc Lucas a inventé le personnage de Norby
Zuman et ils sont partis tous les deux pour faire des petites vidéos
dans les bois et tout ça, enfin des trucs bien marrants. C'était
censé continuer un peu sauf qu'il n'a pas trop eu le temps et ce qui le
fait chier aussi c'est qu'il doit se raser pour faire ce personnage et Lucas
porte la barbe donc ça l'emmerde (rires).
C : Et du coup, c'est un peu pour relancer sa page que tu la
nominé ?
Maxime : Ah non pas du tout, c'est juste que c'était un
peu dans la même optique que moi, je me disais que Norby Zuman, vu que
c'est un personnage très extravagant, il pourrait nous faire un truc
vraiment stylé et il a relevé le défi dignement.
C : Alors maintenant on passe à la publication, donc ta
vidéo tu l'as partagé parce que tu la trouvais réussi je
suppose ?
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
2015
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- XVII -
Maxime : Ouais ouais ouais
C : Et est ce que tu avais déjà partagé des
vidéos de toi sur Facebook ?
Maxime : Non je ne publie jamais rien de moi.
C : C'était la première fois que tu publiais une
vidéo où tu te mets en scène ?
Maxime : Euh... La première dont je me rappelle en tout
cas, bah en fait je ne fais jamais de photos ou de vidéos de moi, c'est
d'autres gens qui postent des vidéos ou des photos de moi. Ah si ! Je me
rappelle d'une autre vidéo que j'ai mise ! C'était en
Première, quand j'étais dans la classe d'Hugo, on faisait des
petites expériences en TP de physique-chimie et du coup c'était
assez marrant et c'est les seules vidéos que j'ai publiées. Y en
a une qui s'appelle le « goulou goulou », en fait on a
accroché une sorte de tyrolienne entre notre rang et le rang d'en face,
enfin devant. On a accroché une sorte de ficelle sur le bureau d'en face
et on tendait cette ficelle jusqu'à notre bureau on se levait sur les
tabourets et on faisait rouler un rouleau de scotch, je sais plus mais un truc
comme ça, jusqu'au bureau de devant. Enfin de la merde hein, de la belle
merde mais c'était marrant le « goulou goulou ».
C : C'était une sorte de défi aussi un peu (rires)
?
Maxime : Ouais je sais pas c'était pour faire les
pitres.
C : Et est-ce que tu as eu des critiques suite à ta
vidéo ? Positives ou négatives ? Des commentaires oraux ou sur
Facebook ?
Maxime : ça m'a pas marqué, mais en
général les gens ont rigolé, de souvenir, y a des gens qui
m'ont dit, « ouais mais c'était pas une vraie bouteille de vodka
», mais je n'ai absolument pas compris, parce que déjà si,
c'en était une c'est évident et en plus, je ne vois pas
l'intérêt de prendre une fausse bouteille de vodka, enfin je veux
dire, je
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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- XVIII -
la vois pas vraiment donc j'ai pas trop compris ces
commentaires, mais je sais plus qui c'était ces gens.
C : Et à part Lucas, les autres personnes que tu as
nominé ont relevé le défi ?
Maxime : non les autres, Bastin et Louis-Dimitrie ne l'ont pas
fait et je sais pas pourquoi mais je leur en ai pas reparlé
après, je m'en fichais qu'ils le fassent ou non.
C : t'es proche de ces deux autres personnes ?
Maxime : Bastien c'est mon parrain, je le vois assez souvent
et Louis, je le vois pas trop, je le vois que à l'école en fait
mais il est marrant donc voilà, c'est un adepte de la tortue donc je me
suis dit qu'il aurait pu nous en faire une et que ça aurai pu être
marrant mais bon il l'a pas fait.
C : Explique-moi ce qu'est la tortue
Maxime : Alors la tortue, c'est exhiber ses parties
génitales, mais juste les deux coucougnettes (rires).
C : Ok (rires). Et est-ce que tu sépares ton groupe
d'amis d'où tu viens et ceux du Mans, de ta vie d'étudiant ? Ou
est-ce qu'il y en a qui se sont rencontrés ?
Maxime : Je distingue vraiment ces deux groupes, c'est pas du
tout le même type de personne. Cependant, on a fait le nouvel an avec
Louis et Hugo, donc du Mans, et on l'a fait à Bordeaux avec mes potes de
lycée et ça s'est très bien passé, ils se sont
super bien entendus. Ils se sont fendus la poire comme pas possible.
C : Et tu sors autant avec un groupe ou l'autre ?
Maxime : Non justement je sors davantage avec les gens du
Mans. En comparaison à quand j'étais à La Rochelle, je
sors plus au Mans.
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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- XIX -
C : Pourquoi ?
Maxime : Euh... Parce qu'alors déjà y a le
côté personnel, le fait d'arriver au Mans, je ne connais personne,
je suis complètement libéré par rapport à La
Rochelle où c'est une petite ville où on croise toujours les
mêmes personnes et on fait attention à ce qu'on fait. Donc
ça ça stimule pas forcément pour sortir et faire le fou.
Un problème d'image à tenir quoi, ça m'est
déjà arrivé de croiser mes parents en ville alors que
j'étais bourré ou les parents d'un pote, des trucs comme
ça, donc ça la fou un peu mal quoi. Alors qu'au Mans c'est free
quoi, un terrain vierge, tu t'en fou de ce que tu fais, je pense que Louis et
Hugo étaient dans la même optique donc c'est pour ça que
ça a été vachement vite et vachement fort en fait. On
avait vraiment le même état d'esprit, que ce soit pour les
soirées ou autre chose, le rapport au boulot, des trucs comme ça.
Et puis les mêmes modes de pensée, vraiment, on est
spontané entre nous, y avait un bon feeling. Alors qu'à La
Rochelle, c'était beaucoup plus de prise de tête sur « alors
qu'est ce qu'on fait » et puis y en a toujours un qui veut pas et paf paf
paf, et puis c'était un plus gros groupe aussi à La Rochelle,
donc c'est toujours plus compliqué pour réunir tout le monde. Y
en a toujours un qui a la flemme et en plus on était vachement
soudés, c'est-à-dire que quand il y a en avait un qui voulait pas
faire un truc, en général ça plombait tout.
C : Est-ce que tu as tes parents sur Facebook ?
Maxime : Ils sont pas sur Facebook.
C : Est-ce que s'ils y étaient et que tu les avais en ami,
tu aurais publié cette vidéo ?
Maxime : Ils l'ont vu la vidéo.
C : Ah donc pas de tabou par rapport à l'alcool, la
fête...
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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- XX -
Maxime : Y en a eu mais y en a plus. Après c'est pas
une histoire de tabou mais je leur dis pas tout et certains états dans
lesquels je suis parce que ça les inquiète, donc c'est juste pour
eux que je leur dis pas tout mais sinon moi j'ai aucun complexe par rapport
à ça. Même si ma vidéo était plutôt
soft au niveau de l'alcool j'ai quand même hésité à
leur montrer parce que quand je l'ai faite, ils étaient
déjà au courant de tous ces trucs, des Neknomination, et ils
avaient surtout entendu aux infos patati patata, qu'il y avait eu des morts et
tout ça. Donc ça les a inquiété aussi mais bon
quand ils ont vu que je buvais rien, ou presque, ça les a pas
inquiété plus que ça même s'ils ont
été peut-être un petit peu étonnés de moi.
C : Tu te souviens pourquoi tu leur as montré ?
Maxime : Il me semble que c'était justement parce que
c'était un phénomène qui faisait beaucoup de bruit et du
coup quand on en parlait je leur ai dit « Ah bah oui bah je l'ai fait
ça » et de fil en aiguille je leur ai montré.
C : Et ta vidéo est toujours en ligne, pourquoi tu l'as
laissé ?
Maxime : Pourquoi je l'aurais supprimé ?
C : Beaucoup l'ont supprimé, par rapport aux
problèmes au niveau professionnel, etc.
Maxime : Ouais bah euh... J'y ai même pas
réfléchi en fait.
C : Et une dernière question, tu relies toutes les
applications que tu utilises avec Facebook ? Soundcloud, Deezer, etc ?
Maxime : Oui mais c'est juste parce que c'est pratique,
l'inscription automatique, pas besoin de nouveau mot de passe ou identifiant,
tout se fait automatiquement, même le partage du coup.
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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- XXI -
Annexe 3
Entretien Lucas, le 27 mars 2015
Entretien par Skype, Lucas est dans sa chambre, il vit
toujours chez ses parents mais il a une pièce pour lui qu'il a
aménagé, il a donc plus d'indépendance. Lors de
l'entretien il est sur son canapé, détendu, il revient de
cours.
C : On va commencer par les informations un peu
générales sur toi, ta situation professionnelle, ta famille,
où tu vis, où tu as peut-être vécu avant si tu as
déménagé, etc
Lucas : Donc moi, comme tu le sais, je m'appelle Lucas, je
viens de La Rochelle et j'y ai toujours vécu, donc je suis 100%
Rochelais, je n'ai jamais vécu ailleurs, je suis née ici,
maternité de La Rochelle, tout ça tout ça (rires). Euh,
j'ai 21 ans et je suis né le 21 août 1993 exactement. Qu'est ce
que je pourrais dire d'autre ? Euh... Tu as besoin de savoir mon parcours
scolaire ou pas ?
C : Oui oui, tout, même si c'est un détail qui
peut te paraître insignifiant, tout m'intéresse.
Lucas : Ok, alors en primaire, j'étais à
l'école Paul Doumer, au collège, j'étais au collège
Fromentin qui est en Centre Ville à La Rochelle. Et au Lycée,
j'étais à Dautet, également en Centre ville de La
Rochelle. Donc j'ai fait ES, Economique et Social. Ensuite, j'ai
été en Droit, pendant trois semaines je crois, quelque chose
comme ça (rires), suite à ça je me suis dit que
c'était pas trop fait pour moi, ça m'a pas trop plu donc j'ai
changé un peu de parcours, je suis allé en Gestion, à
l'IAE, avant c'était l'Institut de Gestion, maintenant, c'est
passé IAE de La Rochelle. IAE, c'est une sorte de label qu'ils ont
obtenu après. Donc, je suis rentré au second semestre, parce
qu'avant j'étais en droit et j'ai pas pu intégrer l'IAE
directement après avoir arrêté la fac de droit. Donc,
l'année d'après j'ai du refaire une première année
comme j'avais
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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- XXII -
pas tout fait et là donc je suis en deuxième
année à l'IAE de LR. Voilà, ça c'est pour mon
parcours.
Euh, sinon, dans la vie je fais pas mal de vidéos, donc
c'est des sketchs, un peu dans le même genre que Bagel.
C : T'as une chaîne You Tube ?
Lucas : Non pas encore, on va la lancer cet été
justement, là on est en train de produire donc j'ai acheté un peu
de matériel et tout donc tout ça a quand même un petit
coût. Donc il a fallut s'équiper dans le but de lancer notre
chaîne You Tube avec ce qu'on a fait. Et voilà, après si
t'as des questions.
C : Oui c'est qui « on » ?
Lucas : Ah oui, donc c'est deux potes à moi, y en a un
c'est Simon et Charles, donc c'est deux amis, y en a un qui ne fait rien, il a
arrêté ses études depuis, officiellement pas beaucoup de
temps mais officieusement pas mal de temps quoi. Et l'autre vient
d'arrêter ses études pour reprendre par la suite mais voilà
il s'est un peu... ça l'a saoulé quoi, on va dire ça comme
ça. Et après j'ai des copains qui vont faire de la figuration
mais ils sont pas aussi impliqué dans le projet disons.
C : D'accord, et votre but c'est vraiment de devenir aussi
important comme les studios Bagel ou Golden Moustache par exemple ? C'est pour
gagner ta vie ou simplement un passe-temps ?
Lucas : non pas du tout, c'est pas notre but de devenir aussi
connus qu'eux. C'est plus parce que j'ai pas mal d'idées en tête,
je les ai mises sur papier et c'est plus de voir ce qu'on imagine à
l'écran, enfin réaliser l'objectif. Après, alors bien
sûr, si ça plaît, c'est aussi sympa d'avoir de la
reconnaissance dans son travail et tout ça mais c'est plus de
réaliser ce qu'on a dans la tête et d'avoir un truc qui nous
plaît à nous, quand on le regarde, moi qui va me plaire quoi, qui
soit fidèle à ce que j'imagine.
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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- XXIII -
C : T'as déjà fait du théâtre ?
Lucas : Vite fait, j'ai fait du théâtre d'impro
mais quand j'étais tout petit, j'ai fait juste 1 an mais sinon
après non j'ai pas fait de théâtre, je suis pas acteur, je
préfèrerai être derrière la caméra mais sinon
à l'oral, en impro et tout, j'ai toujours été assez
à l'aise.
C : D'accord, et tuas déjà un public
préconçu on va dire, des gens qui t'attendent un peu
derrière ce projet ?
Lucas : Euh... Ouais ouais, quelques potes on va dire, c'est
pas un grand public mais oui quelques copains qui attendent ça avec
impatience et puis du coup pour rebondir sur la Neknomination, comme tu as pu
le voir dans ma vidéo, je suis entre guillemets, déguisé,
et en fait ça c'est, c'est un peu ça aussi qui m'a fait
débuter la vidéo, c'est suite à un personnage que j'ai
créé quand j'étais en, ah oui j'ai redoublé ma
première aussi, j'avais oublié de le mentionner, c'était
un choix personnel, j'avais pas trop envie de quitter le lycée quoi
(rires), et voilà. Et donc j'ai créé un personnage avec un
copain en fin d'année pour déconner, on s'était
déguisés en bizut un peu à la Cyprien pour
déconner, le film Cyprien, je sais pas si tu l'as vu, avec Eli Semoun.
Et donc j'ai créé ce personnage pour déconner et tout le
monde a trouvé ça drôle, et donc j'ai fait des petites
vidéos avec ce personnage mais vraiment très à l'arrache.
Je lui ai créé un compte Facebook pour déconner aussi et
c'est un peu ça qui m'a donné envie de démarrer.
C : D'accord, et avec tes parents tout se passe bien, tu n'as pas
de conflit particulier ?
Lucas : Non non, je pense qu'on est la famille, enfin, pas la
petite maison dans la prairie mais mes parents ne sont pas divorcés
déjà, enfin c'est assez rare aujourd'hui, enfin voilà ils
s'entendent très bien, après des petits conflits y en a, c'est
normal, de parents à enfants quoi, mais pas de situation très
compliqué.
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 |
juin 2015
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- XXIV -
C : Et au niveau de la classe socioprofessionnelle de tes
parents, t'es dans une situation assez confortable financièrement ?
Lucas : je dirais que je fais partie de la classe moyenne, mon
père a un plutôt bon poste, il travaille, je peux dire son
métier hein ça me gêne pas, il travaille à La Poste,
il est cadre supérieur on va dire, dans le domaine commercial, il est
responsable commercial exactement, donc c'est plutôt moyenne classe,
assez confort quoi. Et ma mère, elle travaille au conseil
général, elle assiste à la création d'entreprise et
elle est au secréterait. Ça balance un peu entre les deux. Ma
mère a un poste un peu moins important que mon père disons et
donc ça fait une moyenne on va dire.
C : Donc ce qui te permets de continuer tes études
aussi.
Lucas : Oui c'est vrai que niveau études j'ai pas trop de
souci
C : Donc dans l'IAE, en gros c'est l'université c'est
ça ?
Lucas : Oui
C : et est-ce que tu es impliqué dans la vie associative,
des choses comme ça ?
Lucas : Alors pas du tout, et je rêve de changer de fac
en fait. L'année prochaine j'ai comme projet d'essayer de passer en
Licence Pro création multimédia, donc toujours avec les
caméras, l'animation, la 3D et tout, ce que j'ai fait un peu, par la
vidéo quoi. Et donc de changer car la gestion ça ne
m'intéresse pas du tout alors je ne m'implique pas du tout, non plus,
dans la vie étudiante quoi.
C : C'est vrai que j'allais te demander que par rapport
à ta passion de la vidéo, c'est vrai que faire ce que tu fais, la
gestion, c'est totalement à part. Comme si aussi tu compartimentais ta
passion et ta vie professionnelle future.
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
2015
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- XXV -
Lucas : En fait, moi ça me gêne pas de la
compartimenter mais j'ai choisi gestion par défaut parce que c'est plus
simple, c'est sur La Rochelle, et je savais pas trop ce que c'était non
plus quoi. Quand t'arrives dans les études supérieures, t'es vite
balancer dans le truc et puis on sais pas grand chose quoi au final. Et du
coup, je me suis retrouvé là, et j'ai fait un stage obligatoire
avec la fac en janvier-février, pendant un mois et demi et j'ai
réussi à avoir un stage dans le domaine de la communication, donc
c'est une agence de communication où on va faire de la création
web, de la création papier, logo, tout ça, de la vidéo,
etc. Donc moi j'ai fait de la création vidéo pour eux et du coup
je me suis dit « putain faut absolument que je change ». Et donc
professionnellement, je vais m'orienter plus vers ça, donc dans les
agences de communication parce que, déjà y a plus de
débouchés je trouve et après ouais continuer
derrière la vidéo, parce qu'il y a quand même le
côté technique qui est apporté par mes études
futures quoi qui pourra être utile aussi pour les vidéos de notre
projet et voir après comment ça se passe.
C : Et du coup, au niveau de ton utilisation des
réseaux sociaux ? T'utilises quoi ? Tu as que Facebook ? Ou alors
Snapchat ou Instagram, Twitter, des choses comme ça ?
Lucas : J'utilise que Facebook et j'ai pas Snapchat, je l'ai
installé juste pour voir comment ça faisait, enfin ce que
c'était quoi, et non, donc j'utilise que Facebook et je poste quasiment
jamais de statut, enfin t'as peut-être vu si tu as fait un tour sur mon
profil. Après je partage un peu de liens mais je le fais pas trop non
plus, je partage plus sur un groupe entre potes qu'on a qui est privé.
Donc on partage entre nous pour déconner mais je suis pas adepte du
partage et tout ça et sinon ouais vers des groupes, mais privés,
pas trop public.
C : Ce groupe là, privé, donc maxime fait partie je
suppose
Lucas : Ouais
C : Et t'as réduit tes paramètres de
confidentialité ?
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 |
juin 2015
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- XXVI -
Lucas : Oui je les ai bien réduit.
C : Par contre celui de Norby Zuman est public mais je pense
que tu t'en fiches (rires) ?
Lucas : Ah oui je m'en fou ça c'est clair, c'est pas
important et puis je l'administre même plus cette page là, je suis
plus partie sur autre chose, c'était pour déconner quoi,
c'était pour les potes.
C : Mais si tu voulais faire un profil totalement
indépendant de toi, tu as quand même laissé ton lieu
d'habitation, donc La Rochelle en information du personnage de Norby.
Lucas : Ouais mais ça je me dis que c'est large quoi
(rires), je me suis même mis en ami avec Norby.
C : Ah tu es ami avec toi même ? (Rires)
Lucas : Ouais je trouvais ça marrant.
C : Du coup derrière ce personnage, y a toi mais y a aussi
quelqu'un d'autre ?
Lucas : Ouais Hugo
C : Et c'est lui aussi qui étais là quand vous
avec filmé Maxime pour la Neknomination d'après ce qu'il m'a dit
?
Lucas : Ouais, c'est mon meilleur pote que je connais depuis
la maternelle je crois, enfin on se connaissait mais on est vraiment devenus
très proche depuis le lycée en vérité. Lui il est
pas trop dans ces trucs là mais il avait relevé le challenge avec
moi de se déguiser en bizut, y a des photos d'ailleurs où on est
tous les deux sur nos profils, y a moi en Norby et lui. Et du coup on
s'était motivés et on avait filmé des
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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vidéos de Norby pour déconner parce que
ça nous faisait marrer mais lui il est pas plus impliqué que
ça mais c'est mon meilleur pote lui.
C : Et du coup Facebook tu l'utilises aussi pour le chat ?
Lucas : Ouais, en fait Facebook je l'utilise comme (il met les
doigts en guillemets) MSN, c'est vraiment comme le chat pour parler un peu.
Après je regarde les actus mais vraiment les conneries, ça
m'arrive souvent j'avoue, j'ai un peu honte de cliquer sur les liens qui me
dirige sur Ohmymad ou Buzzfeed, genre « Oh un homme machin ou je sais plus
quoi », des trucs extraordinaires ou je sais pas quoi (rires), des
conneries comme ça, mais sinon je m'en sers pas plus que ça.
C : tu te sers aussi de Facebook pour lire les actus ?
Lucas : Ouais, enfin j'en partage, je mets des trucs qui m'ont
intéressé mais très rarement, la plupart du temps je
postes des trucs un peu cons, mais c'est surtout les groupes dont je me sers
pour partager des liens, j'ai le groupe de potes dont je t'ai parlé,
là j'en ai créé un autre pour trouver des figurants et
aussi des pages, maintenant ça se fait beaucoup, donc nous on en a une,
les pages de licence où on partage les cours, les infos. Parce que moi
j'ai jamais les cours j'ai jamais rien donc ça m'aide bien aussi quoi
(rires).
C : et au niveau de tes « likes » sur Facebook, tu
likes quel type de page ? Les pages qui te permettent de te tenir au courant
des actualités de chaque média ou personne derrière la
page, type Le Monde ou Golden Moustache, etc
Lucas : Alors moi mes likes doivent remonter à la
création de mon profil Facebook, donc quand j'étais en Seconde je
pense. Après je pense pas du tout à liker des pages, même
pour suivre les infos en temps réel. La plupart du temps, je
préfère aller directement à la source pour me renseigner.
Donc faut pas trop se fier à mon profil Facebook finalement. Je pense
pas du tout, c'est bien en plus hein mais j'y pense pas du tout à faire
ça, je préfère aller taper des mots clef sur internet,
chercher des infos, aller directement sur le site ou aller sur Youtube pour
regarder les vidéos. Par
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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exemple, je vais directement sur la chaîne, je suis
même pas abonné en fait, je vais directement chercher la
chaîne. J'ai bien un compte parce qu'un jour j'ai du remettre une
vidéo je sais même plus pourquoi mais c'est vrai que j'ai pas le
réflexe de m'y connecter et j'ai surtout la flemme, en plus je me
souvient même plus de mes identifiants, et j'ai même pas d'adresse
Gmail, j'en ai pas l'utilité, j'ai une adresse Orange.
C : Alors maintenant on va parler de ton rapport à la
fête, les soirées, l'alcool. Donc j'ai besoin de savoir si tu sors
beaucoup, avec quels amis, si tu vas plus en bar qu'en appart' ou alors before
en appart' et après en bar, des choses comme ça.
Lucas : Ok, alors moi déjà je suis plus bar,
j'aime pas du tout les discothèques ou les boîtes de nuit. J'aime
beaucoup les bars, j'aime bien en appart' aussi parce que je suis plus en mode
cosy, calé et tout, j'suis plus « relax » quoi. En ce moment
je sors pas trop parce que je considère que j'ai mieux à faire,
et j'ai la flemme aussi, je suis TRÈS flemmard. Et c'est que j'aime bien
être tout seul aussi, je suis pas antisocial du tout, parce qu'au
contraire je créé très facilement des liens avec des gens,
des fois malgré moi, quand j'ai pas forcément envie d'être
pote avec quelqu'un mais je me retrouve vite lié. Et ouais donc en ce
moment je sors pas beaucoup, j'ai perdu un peu le goût de ça et
puis j'aime bien rester chez moi aussi, mater un film tranquille, être
posé allongé dans mon canap' et pas mal aussi me documenter sur
la vidéo, faire du montage, j'aime bien faire des trucs plus concrets
maintenant, plus concrets dans les loisirs quoi. Mais avant je sortais pas mal,
tous les weekends, après, j'ai jamais été un «
énorme buveur », je me suis jamais mis de grosses races, enfin
ça m'est arrivé bien sûr, mais j'ai pas le même
rapport à l'alcool que pas mal de mes potes qui se mettent vraiment
d'énormes murges.
C : et Maxime ?
Lucas : Ah ouais Maxime ! Putain c'est n'importe quoi ! Oui
donc je bois pas comme Maxime, mais Maxime, il était moins... enfin
là j'ai l'impression qu'il est devenu très fêtard au Mans.
Dernièrement on était à une soirée, il est revenu y
a deux semaines
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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sur La Rochelle et ouais il était vraiment sur
bourré et il pissait dans le couloir d'un mec.
C : parce qu'il était pas comme ça avant, enfin pas
autant ?
Lucas : je sais pas, il était moins dans
l'extrême peut-être, c'était plus soft, enfin ça
dépendait des soirs quoi. Je pense qu'il est un peu plus «
underground » depuis qu'il est plus avec Zoé.
C : Qu'entends-tu par « underground » ?
Lucas : je sais plus fou quoi, à plus boire, plus
à se mettre la race, à partir plus en live dans les
soirées. Et puis y a peut-être un effet de groupe car apparemment
au Mans y a une bonne ambiance, je pense que c'est les deux qui ont
joué. Quand il était sur La Rochelle, à un moment on
buvait bien on sortait pas mal mais après les derniers temps où
il y a été on était soft, on rentrait pas forcément
hyper tard et tout et puis, maintenant quand il revient on voit que ça a
redynamisé un peu le truc quoi, au niveau sorties en tout cas.
C : Toi du coup t'es un peu plus casanier on va dire et
l'alcool c'est pas non plus ton grand truc contrairement à beaucoup de
jeunes, de notre âge en tout cas aujourd'hui ?
Lucas : Oui c'est vrai que moi j'suis un peu plus en marge
parce que je suis un peu casanier maintenant, aussi j'aime pas forcément
boire dans les bars, je suis plus dans l'optique boire à table, je suis
peut-être un peu trop, par rapport à mon âge, un peu trop
loin, j'aime bien les alcools un peu nobles, comme le Cognac. Après je
m'en fou mais c'est vrai que boire pour boire, maintenant j'ai plus de mal. Et
puis c'est écoeurant de boire les vodkas malabar ou je sais pas quoi.
C : Et du coup, par rapport aux jeux d'alcool, est-ce que t'en
pratiques beaucoup ? Parce que vu ce que tu m'as dit, je suppose que non
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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Lucas : Avant ça m'arrivait un peu en soirée,
maintenant, c'est rare, ça me fait souvent chier de faire un jeu
d'alcool, après on n'est pas obligé de boire pendant un jeu
d'alcool, des fois tu peux un peu déroger à la règle et
c'est dommage que ce soit un jeu d'alcool parce que c'est vrai que le fait que
ce soit un jeu ça redynamise un peu les apéros et tout. Le but du
jeu est quand même de se bourrer la gueule mais le fait du jeu remet un
peu d'ambiance à la soirée donc j'en pratique mais je vais jamais
boire trop dans ces jeux là quoi. Moi je préfère les jeux
où l'alcool est un prétexte pour jouer que vraiment pour se
mettre la mine, par exemple le Barbu, c'est un peu entre les deux, un peu
ambigu, parce qu'il y a un côté marrant avec le truc des
règles donc on va pas non plus boire des litres et des litres mais y a
d'autres jeux où tu ne fais que boire et ça ça
m'intéresse pas quoi. J'aime bien quand c'est un peu ludique, qu'il y a
un côté un peu marrant, amusant, des petites règles sympas
où on se marre et on boit un peu mais sans trop non plus vraiment tout
le temps boire.
C : Donc maintenant on en vient à la Neknomination,
donc c'est Maxime qui t'a nominé du coup...
Lucas : Ouais (rires)... Enfin il a nominé Norby
C : Ah oui ! Et d'ailleurs si par exemple il t'avais
nominé toi plutôt que Norby, tu l'aurais fait ?
Lucas : C'est pas sûr, je pense que je l'aurais pas
fait. Déjà je trouvais ça super con, ça me faisait
marrer de les regarder des fois, quand y avait un peu d'originalité
à la limite, dans le scénario, je me disais, « Ah tiens
là il a essayé d'être original », mais après
dans le concept je trouve ça un peu con ouais, de boire comme ça,
de se mettre la mine, la première ça m'a fait marrer, je pense
comme tout le monde, mais ça m'intéressait pas de le faire
vraiment, j'ai pas besoin de prouver quoique ce soit. Et donc non, je ne
l'aurais même pas fait s'il m'avait nominé moi. Donc la
réponse c'est non du coup.
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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C : Et s'il t'avait nominé toi, tu l'aurais
peut-être quand même fait sur le profil de Norby ?
Lucas : Non parce que je considère que c'est deux
personnes différentes en fait, enfin, je suis pas schizophrène ou
quoi, c'est juste que Norby c'est Norby et moi c'est moi, enfin c'est un
personnage quoi. Un personnage que j'ai inventé mais en aucun cas je
veux qu'il soit lié à moi. C'est pour ça aussi que j'ai
fait un compte, même mes potes des fois ils rigolent et ils font un
événement et l'invitent aux soirées et ils me disent
« on n'a pas de nouvelles de Norby » ou des fois ils me demandent des
nouvelles, des choses comme ça. Donc c'est un peu ça le
délire aussi et j'aime bien faire la part des choses entre les deux.
C'est un personnage à part entière.
C : et du coup tu le savais avant qu'il allait te nominer ?
Lucas : non, parce qu'on l'a faite en une prise et donc
j'étais derrière la caméra, et cet enfoiré de merde
(rires) il a dit les noms des nominés et là j'étais
là et je me disais « oh non » et donc oui je l'ai vu au
tournage quand je filmais et il m'a nominé et je me disais «
l'enfoiré pourquoi il a fait ça », donc c'était la
surprise en direct quoi.
C : Ok, alors après j'ai vu un truc assez
intéressant sur Facebook, sur la vidéo de Maxime, c'est que
DobÉ qui écrit le 16 février : « enfoiré de
Norb il a pas joué le jeu » parce que t'avais toujours pas
publié ta vidéo, et Maxime, ce même jour dit « Ouais
pas encore... j'y crois plus trop mais sait-on jamais », et le même
jour, après, tu publies ta vidéo après. Donc est-ce que tu
comptais le faire ou est-ce qu'ils t'ont un peu poussé à relever
le défi ?
Lucas : donc en fait je comptais le faire dès le
départ mais j'étais en train de réfléchir et de la
tourner surtout au moment où ils ont posté ces commentaires. En
fait ce qu'il faut savoir aussi sur le personnage de Norby, c'est qu'il y a un
truc, donc tous mes potes qui ont vu la vidéo ils ont clairement
compris, qui me fait absolument chier, c'est que Norby est absolument imberbe
et comme tu l'auras remarqué je porte la barbe et ça, ça
fait un peu partie de mon identité, donc le coup du sac sur la
tête c'est
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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aussi une façon de détourner le truc quoi, de
dire c'est Norby mais je vais pas montrer mon visage, à la fois, je me
cache pour pas être reconnu et en plus ça m'arrange parce que
j'étais pas obligé de raser ma barbe. Maintenant, donc, je
comptais le faire mais j'étais en train soit de tourner, soit de
réfléchir.
C : Mais ça t'a motivé à la faire plus vite
quand tu as vu ça ?
Lucas : Non en fait j'étais en train de la faire au
moment où ils faisaient les remarques mais c'est sûr que j'allais
la faire, j'ai pas eu plus de temps et ils étaient juste pas patients,
et moi j'ai pris mon temps accordé par le défi, c'était
24h il me semble donc j'étais dans les délais, je crois
même que je l'ai posté un peu avant la fin du délai.
Après je crois que j'avais vu les commentaires avant de poster ma
vidéo mais vu que j'étais en train de la faire et que j'allais la
poster après je me suis dit « vas-y je vais pas répondre
» enfin ça servait à rien.
C : Et du coup depuis combien de temps vous vous connaissez avec
Maxime ?
Lucas : Depuis le lycée. Hugo je le connais depuis la
Primaire et il me semble que Hugo avait un petit peu vu Maxime parce qu'ils
sont issus du même quartier donc ils avaient un peu les mêmes
fréquentations et j'ai connu Maxime de Hugo parce qu'ils étaient
dans la même classe en Première il me semble et après on a
formé notre groupe de potes, un groupe assez soudé, on est cinq
ou six. Donc on est un petit groupe, mais après on voit aussi d'autres
gens.
C : Est-ce que dans ta fac, beaucoup de personnes ont fait la
Neknomination ?
Lucas : J'en sais rien, tu me l'aurais dit avant j'aurais
demandé mais là j'en ai vraiment aucune idée.
C : T'as pas trop de relations à la fac ?
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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Lucas : (Rires) tu me demandes si j'ai pas d'amis,
sincèrement je connais tout le monde à la fac (rires), si tu
veux, ma première année de fac, j'ai eu du mal à me
détacher du groupe que je te dis, de cinq six là. Ils
étaient tous partis à droit à gauche et je me faisais
chier quoi, donc ça c'était ma première année de
fac, j'étais un peu tout seul, j'avais ma copine et tout et puis dob
dont on a parlé tout à l'heure, le mec qui avait commenté
la vidéo de Maxime quand j'avais pas encore posté la mienne. Lui,
il était resté un peu alors que les autres étaient partis
à Bordeaux, Maxime au Mans, c'était un peu la dispersion du
groupe, et puis dob est parti au Vietnam quelques mois. Donc je suis
arrivé en deuxième année, euh, au deuxième
semestre, pardon, dans une fac et c'est pas facile non plus de
s'intégrer quand t'arrives au milieu de l'année mais je me suis
quand même fait des potes malgré que j'avais pas envie de m'en
fait. C'est pour ça quand je dis que j'ai des facilités à
créer des contacts avec les gens. Et cette année, je parlais
à personne mais tout le monde m'a parlé et maintenant je connais
tout le monde, j'ai vraiment de très bonnes facilités à
m'intégrer. C'est juste plus le weekend, car avant je bougeais tout le
temps et maintenant on me demande « tu fais quoi » et je reste chez
moi, je fais rien de spécial, c'est juste que le weekend j'ai envie
d'être tranquille un peu. J'aime bien me recentrer un peu sur
moi-même, prendre un peu de temps pour moi.
C : Et t'as nominé personne, c'était vraiment
une volonté de prendre totalement le contrepied, parce que
déjà t'as pas bu d'alcool, tout est dans l'ironie en fait, de ce
constat là déjà de dire que c'est un lobbying des boissons
alcoolisées, de toutes les marques pour relancer l'économie, et
à la fin tu nomines personne pour justement mettre fin à cet
espèce de cartel très bizarre des boissons alcoolisées,
donc dès le départ tu voulais nominé personne et tu mets
fin à la chaîne quoi ?
Lucas : Ouais c'est un peu ça ouais, bon
déjà j'ai pas écrit de scénario ou quoi que ce
soit, j'ai fait vraiment ça en totale impro, faire ça en une ou
max deux prises donc je disais un peu ce qui me passait par la tête et
donc oui le but c'était de briser la chaîne, déjà
parce que je bois pas d'alcool et c'est une dénonciation de
manière un peu ironique parce que le personnage de Norb il est con,
enfin il est pas con mais il est simplet, c'est un enfant, il comprend pas trop
la vie dehors on va dire. Le but c'était
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 |
juin 2015
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de dire bon déjà je vais pas faire le jeu, je
vais déroger aux règles, pour montrer aussi que je trouve
ça con et puis dans tous les cas le personnage de Norby aurait jamais bu
d'alcool, donc moi j'aurais jamais bu d'alcool et Norby aurait jamais bu
d'alcool parce que lui n'a jamais bu d'alcool de sa vie, ou peut-être une
fois sans faire exprès, donc voilà c'est ça un peu le
délire quoi.
C : Mais du coup il a quand même un discours qui est
quand même assez intellectuel, même si c'est une thèse assez
conspirationniste, pour quelqu'un qui est totalement simplet c'est bizarre de
tenir ce genre de discours ?
Lucas : Oui oui c'est vrai, là pour le coup la
cohérence avec le discours c'est pas top. Bah ouais c'est vrai,
là je sais pas trop quoi te répondre pour le coup (rires). En
fait je dirai que c'est plus la façon de le dire, enfin plus la forme
que le fond qui le rend con. Mais dans le fond, j'ai voulu quand même
garder, je pense pas vraiment que c'est les lobby le point de départ, au
fond je le pense pas vraiment, je pense que c'est un jeu qui a commencé
en connerie et peut-être qu'après ils en ont profité tu
vois. Mais je pense pas que c'est les lobby qui ont commencé le jeu ou
quoi que ce soit après peut-être. C'est justement le fait que lui
il est dans son monde donc il va imaginer des trucs, il est pas con, il est
juste un peu enfant immature mais il a quand même des connaissances.
C'est pour ça que j'essaye, enfin il dit des trucs qui peuvent
paraître un peu intelligentes mais qui sont complètement conne au
final quoi.
C : C'est surtout que ça part loin quoi, c'est pas con
c'est perché quoi (rires)
Lucas : Oui oui oui totalement oui, bah Norby il est
perché un peu, enfin, en fait, ça ça tient de l'histoire
du personnage, d'ailleurs il y a un truc que j'ai oublié de te raconter.
Enfin je ferais ma parenthèse après, oui le personnage est
vraiment super perché parce que déjà il a un ami, un
compagnon, disons, un animal de compagnie, ça je l'ai jamais
publié parce que je trouvais ça vraiment con mais en gros c'est
un spermatozoïde, donc déjà il est vraiment super con, en
gros il a trouvé une capote dans les bois, avec du sperme dedans et
depuis il l'a mise dans un bocal et il croit que
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 |
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c'est une sorte d'animal de compagnie qu'il trimbale partout
avec lui, parce qu'il a une banane et donc il a toujours son petit
préservatif dedans.
C : d'accord ! (Rires), et du coup ta parenthèse
c'était ?
Lucas : ma parenthèse c'était que le personnage
de norby je l'ai fait réapparaître en vérité lors de
ma première année de gestion au deuxième semestre quand
j'ai fait ma première première année donc où
j'avais pas fait l'année en entier donc en 20122013. Donc je suis
arrivée au deuxième semestre après le droit et fallait
faire une lettre de motivation qui expliquait le motif et tout et moi j'avais
marqué deux mots dessus, parce qu'en fait je savais pas, je pensais
qu'à la fac on rentrait comme ça (rires) donc j'avais juste
écrit « désintérêt du droit » donc c'est
pour ça que je suis pas arrivé au premier semestre, mais j'ai pu
arriver au deuxième, et je suis arrivé en même temps que
les rattrapages du premier semestre de gestion donc j'ai quand même pu
passer les rattrapages sans avoir fait aucun cours ni rien du premier semestre.
Et il y avait une matière qui s'appelle PPP, et pour cette
matière je savais pas quoi faire et je me suis dit « tiens je vais
reprendre le personnage de Norby » donc le but c'était de
créer un site web et ensuite, à l'oral, devant une jury et y
avait aussi d'autres gens dans la salle, de présenter son site web
projeté avec son projet professionnel en même temps. Et donc moi
je savais pas du tout quoi faire, je suis arrivé deux jours avant et
là je me suis dit « si je reprenais le personnage de Norby et que
je fasse la présentation un peu à la sauce Norby quoi. Donc bien
sûr j'ai pas utilisé son nom j'ai utilisé le miens parce
que c'était pour un exam' la prof me connaissait pas et elle m'aurait
pris pour un con. Et donc je suis arrivé au truc sapé en Norby,
j'avais créé un faux site avec que des conneries, j'avais dit que
mon projet professionnel c'était, et ça au fur et à mesure
c'est rentré dans la personnalité de Norby, enfin son histoire,
c'était de travailler à Darty, parce que j'adorais vraiment
Darty, j'y allais tous les weekends avec mon père, c'était
vraiment quelque chose que j'aimais et tout. Que je voulais faire gestion parce
que je voulais apprendre comment monter et gérer mon propre magasin
Darty, enfin j'étais parti super loin, que je voulais écrire
aussi un manga avec les personnages comme supraman, je parlais de superpouvoir,
enfin que des conneries quoi. Pour le coup, j'avais créé le site
la veille
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et après à l'oral je flippais parce que j'y suis
allé complètement à l'impro quoi et puis j'ai pris la voix
de Norby pendant toute la présentation. Donc déjà
j'arrive, ça se projette à l'écran et y avait ma gueule en
gros plan avec un onglet sur le front et j'ai déjà failli rigoler
et j'ai fait mon exposé comme ça à sortir des grosses
conneries et ils étaient tous hilares dans la salle et la prof demandait
de garder son calme, elle arrivait plus à parler. Enfin c'était
marrant, enfin voilà, c'est juste pour dire que ça a
rajouté au personnage de Norby cet épisode quoi.
C : Et finalement elle a aimé ou tu as eu une sale note ?
(Rires)
Lucas : Non non j'ai eu 11 donc ça va !
C : Elle a du être déstabilisée je pense
Lucas : Bah ouais et en plus j'ai joué le jeu jusqu'au
bout, j'ai rajouté des conneries aussi, franchement, moi-même je
me faisais rire quoi, vraiment, tout en impro et tout j'étais content
parce que c'était pas l'évidence quoi et changer de voix aussi
ça fait bizarre.
C : Et juste tu m'as pas expliqué pour Norby Zuman,
pourquoi tu a choisi ce nom ?
Lucas : Ah bah ça tout est dans le nom, parce que je
trouve déjà que Norby c'est ridicule et pourquoi Zuman, parce que
si tu décompose ça fait Nor et byzuman, le bizut quoi.
C : Donc du coup t'as tout fait tout seul en fait toi pour la
vidéo de Neknomination ? Tu t'es pas fait filmer ? C'était avec
une webcam ?
Lucas : Ouais ouais je l'ai fait tout seul, c'était un
avec un petit caméscope, je crois même que j'ai branché un
micro, je sais que j'en ai un sur la vidéo mais je me souviens plus s'il
était branché ou pas.
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C : Et le petit synthétiseur ? (Rires) ?
Lucas : (Rires) Ah ça c'est un truc que j'ai plus ou
moins volé à un copain en fait, c'était un truc qu'il
avait quand il était petit et il s'est retrouvé chez un copain
puis chez moi et quand je l'ai vu je me suis dit que j'allais l'utiliser parce
que ça faisait ridicule donc un peu marrant. Et sinon oui je fais tout
tout seul et même pour le matos j'ai tout acheté.
C : et du coup c'était chez toi ? Dans ton appart'
où tu es là ?
Lucas : Ouais c'était ici, mais en fait j'habite chez
mes parents et ma maison, en haut c'est les pièces à vivre et en
bas c'est le garage et dans les maisons des années soixante -
soixante-dix ils faisaient des chambres d'amis en bas et moi j'ai
réaménagé la chambre d'amis en salon, donc j'ai mis des
canap', un écran plat. Enfin, j'ai tout ce qu'il faut, table basse, etc
et je fais des apéros ici.
C : Comme ça t'as un peu d'indépendance même
chez tes parents quoi
Lucas : Exactement, et puis y a une porte qui se ferme
à clef donc c'est vraiment un truc à part, très
indépendant de la maison où je suis tranquille.
É Il explique où il habite dans La Rochelle : en
plein centre.
C : Est-ce que cette vidéo a marqué le retour de
Norby ?
Lucas : Ouais carrément ! ça faisait longtemps
que j'avais pas sorti de vidéo et c'est vrai qu'il (Maxime) le ressorte
ça a un peu marqué le retour mais en même temps
c'était un retour que sur un événement, il vient et il
disparaît direct après et beaucoup de mes potes insistent pour que
je fasse vivre le personnage, ils me disent qu'il est génial, et se
demandent pourquoi je ne fais rien sur Norby alors que je fais plein de choses
à côté. Et en fait c'est que pour lui, je n'ai aucune
inspiration donc de toute
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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- XXXVIII -
façon il est voué à disparaître
parce que voilà, je peux pas le faire vivre en gros et c'est pas ce que
j'ai envie de faire aussi.
C : Est-ce que tu as pris le contre-pied de ta
personnalité en le créant ?
Lucas : Oui c'est vrai que c'est complètement l'inverse
de moi, c'est un personnage con mais après je trouve qu'il est attachant
dans sa simplicité, sa bêtise. C'est un personnage après
qu'est venu comme ça, je l'ai inventé sur un coup de tête,
j'ai jamais réfléchi à comment il serait, c'est venu au
fur et à mesure de mes conneries quoi, j'ai dû développer
sa vie alors que je comptais pas le faire au début, il s'est
créé tout seul, c'est venu d'un coup, au fur et à mesure
des années et des conneries. On s'était déguisés au
self une fois, je m'étais déguisé en Norby et il y avait
des cantinières qui pensaient qu'on était des gens d
l'extérieur, d'une autre école. Donc non ça n'a rien a
voir avec moi, c'est un personnage que j'ai créé pour
déconner et parce que ça me fait marrer cette simplicité.
Et aussi, avec mes potes, on est pas mal dans des délires un peu
enfantin, pokémon, un peu « pipi caca », donc finalement
ça n'a pas rien a voir avec moi non plus ce personnage (rires). C'est
tous ces trucs là qui nous font marrer donc il y a quand même une
petite part de ma personnalité sur ce personnage là,
accentuée et tournée au ridicule, à la dérision.
C : D'accord, alors je fais une parenthèse parce que
depuis tout à l'heure je vois l'affiche que tu as derrière toi
sur ton mur et il me semble que c'est ta photo de couverture ET celle de Maxime
sur Facebook
Lucas : Et celle de trois autres amis à nous.
C : Donc c'est tout votre groupe ? Celui dont tu me parlais
tout à l'heure je suppose, le groupe du lycée, hyper
soudé. Donc pourquoi c'est votre photo de couverture ?
Lucas : En fait cette affiche c'est, on a été
à Amsterdam avec Hugo et c'est un coffee Shop d'Amsterdam qui est super
joli donc on a acheté une carte postale et je la trouvais tellement
belle que j'ai voulu m'en faire un poster donc j'ai été sur
poster
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
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- XXXIX -
XXL machin et j'ai eu l'idée d'incruster une photo en
fait dans la fenêtre sur l'image pour faire croire que c'était
nous dans le coffee, à la fois en mode pas super réaliste, on est
dans une cabane en bois en fait sur la photo. Donc ça m'a fait marrer et
après je l'ai mise en photo de couverture et après les autres
aussi.
C : et du coup ça me permet de te demander si tu fumes du
cannabis ?
Lucas : Ouais, je fume assez régulièrement,
j'essaye en période scolaire de pas trop fumer, après je fume pas
pour la défonce ou quoi, j'aime bien le goût, je fume dans mon
canap' devant un film pour me poser, j'aime bien tout ce qui va autour, de se
poser, mon joint je le fume pas en cinq minutes comme quand on le fait tourner,
ça va prendre des heures tu vois, le temps d'un film quoi, tout le long.
Donc c'est vraiment pour me détendre et c'est pas associé
à la défonce même si je peux avoir une petite
défonce, c'est pas mon but.
C : tu as eu des retours sur ta vidéo ? Des critiques
positives ou négatives ?
Lucas : Alors je me souviens d'un truc même si ça
fait longtemps, c'est juste Simon qui m'a dit « t'as fait ça (le
sac sur la tête) pour pas te couper la barbe » (Rires).
Après, au niveau des retours, ils ont trouvé ça
plutôt marrant. Après tu pourras regarder les commentaires de la
vidéo car je ne m'en rappelle plus.
C : t'as combien d'amis sur le profil de Norby ?
Lucas : Une trentaine je pense, c'est resté un
personnage assez intimiste, j'ai pas voulu le « médiatiser »
si on peut dire ça comme ça, c'est resté entre potes parce
que ça les faisait marrer, même les vidéos, elles
étaient pas de bonne qualité, c'était pour nous faire
marrer et je les ai même pas mise sur Youtube donc faut aller sur ce
profil pour le voir et même si le profil est public, très peu de
gens connaissent l'existence de Norby. Y a peut-être juste une ou deux
personnes que je connais pas en amis avec lui mais c'est un pote qui a du leur
en parler et j'ai pas voulu que ça aille plus loin
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CORDEAU Clémence| Mémoire de master 1 | juin
2015
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parce que de toute façon je l'alimente pas trop. Je m'y
connecte d'ailleurs pas beaucoup, peut-être une ou deux fois
l'année.
C : Et tu l'as pas lié avec toi ? Je veux dire mis
à part le fait que tu l'ai en ami, il y a aucun lien entre toi et lui
?
Lucas : Non aucun lien, justement le fait que je l'ai mis en
ami c'est justement pour dire que voilà c'est une autre personne et que
limite je le connais moyen, parce que je l'ai pas mis dans « famille
», etc. On est deux personnes différentes quoi, un peu pour
brouiller les pistes.
A la fin de l'entretien, Lucas et moi discutons et il conclu
:
« ça m'intéressait pas ce challenge, en
fait on peut dire que je n'ai pas vraiment relevé le défi, je
l'ai pas fait, je n'ai pas bu d'alcool, je l'ai fait sur un compte annexe et
donc on ne peut pas savoir que c'est moi, et puis je trouvais ça con
comme jeu, après y a des gens qui se sentent obligés parce qu'on
te nomine sur internet et tout. Mais moi je me dis que c'est pas non plus la
honte de ne pas le faire mais tout le monde ne réfléchi pas comme
ça ».
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CORDEAU Clémence| Mémoire de Master 1 | Juin
2015
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Résumé :
Entre défi d'expression de soi et culture du «
Share », la Neknomination, ces chaînes de vidéos où
des internautes se sont filmés buvant cul-sec de l'alcool sur Facebook,
illustre, de façon significative, les nouvelles pratiques de
sociabilisation qui sont encore en train de se faire à l'heure où
le numérique a pris une place considérable dans nos quotidiens.
L'hypothèse selon laquelle les espaces de socialisation
numériques et physiques sont interconnectés, inséparables
les uns des autres, constituera le leitmotiv de cette étude, à la
fois théorique et empirique. On étudiera ainsi les
manières dont les internautes construisent et façonnent leurs
identités sur les réseaux socionumériques au travers d'une
auto-présentation et d'une mise en scène de soi bien
pensées. On analysera la question du défi que sous-tend le
phénomène de Neknomination comme matière à se
sociabiliser (ou à ne pas se désociabiliser) dans la
communauté bien spécifique de ceux qui ont pris part à ce
grand jeu d'alcool 2.0. Enfin, comment oublier la question de la
viralité, conséquence de cette Culture du « Share »,
lorsque l'on parle de chaînes de vidéos sur Internet.
Véritable réalisation collective, entre individualisme et
solidarité ; entre similitude et différence, on verra comment la
Neknomination circule dans l'espace numérique mais aussi et surtout dans
quel but les internautes s'y adonnent.
Mots clés : Neknomination, identités
numériques, réseaux socionumériques, réseaux
sociaux, culture expressive, défi, alcool, auto-présentation,
vidéos, mise en scène de soi, viralité, Social Bragging,
besoin de reconnaissance
Nota : cette page, dernière de couverture, sera
retournée avant reliure.
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