UNIVERSITE OUAGA IBURKINA
FASO
PROFESSEUR JOSEPH KI ZERBOUnité -
Progrès - Justice

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UNITE DE FORMATION ET DE
RECHERCHE EN SCIENCES HUMAINES
(UFR/SH)
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Département de philosophie - psychologie
********
Année
académique 2014-2015
Mémoire de maitrise en psychologie clinique et
pathologique
LE DESSIN DU BONHOMME CHEZ DES ENFANTS AUTISTES :
quatre études de cas à l'Association Burkinabè
d'Accompagnement Psychologique et d'aide à l'Enfance (ABAPE)
Présenté par :Sous la direction
de :
OUEDRAOGO W. Daniel
Docteur Sébastien YOUGBARE
Maitre-Assistant en psychologie clinique et de la
santé
DEDICACE
Je dédie ce mémoireà la famille
OUEDRAOGO.
REMERCIEMENTS
Ces remerciements s'adressent particulièrement
à notre Directeur de mémoire, le docteurYOUGBARE
Sébastien, psychologue clinicien et de la santé et
Enseignant-chercheur à l'Université de Ouagadougou (UO). La
qualité et la précision de ses explications ont certainement
rehaussé la qualité de notre travail. Qu'il trouve en ces
quelques lignes le témoignage de notre profonde gratitude.
En outre, j'adresse mes sincères remerciements
à :
· madame Line NIKIEMA, Psychologue clinicienne à
l'Association Samenti, pour nous avoir apporté son soutien et ses
conseils ;
· monsieur PAMTABA Boukary, Président de
l'Association Burkinabè d'Accompagnement Psychologique et d'Aide
à l'Enfance (ABAPE)pour son ouverture d'esprit et pour son
soutien ;
· tous les enfants qui ont participé à
cette étude ;
· tout le personnel de l'ABAPE pour leur
disponibilité et leur accompagnement ;
· mes camarades de la promotion. Merci pour ces moments
d'échanges enrichissantsque nous avons passéset continuons de
passer ensemble.
SIGLES ET ABREVIATIONS
ABA: AppliedBehaviorAnalysis
ABAPE: Association Burkinabè
d'Accompagnement Psychologique et d'Aide à l'Enfance
AC : Age chronologique
AD : Age de développement
BUC :Bibliothèque Universitaire
Centrale
CARS :ChildhoodAutism Rating Scale
CHU-YO :Centre Hospitalier Universitaire
Yalgado Ouédraogo
CIM :Classification Internationale des
Maladies mentales
DSM:Diagnostic and Statistical Manual of
Mental disorders
EEG :Electroencéphalogramme
FFPP :Fédération
Française des Psychologues et de Psychologie
OMS :Organisation Mondiale de la
Santé
PEI :Programme éducatif
individualisé
PEP-R :Profil Psychoéducatif
Révisé
QD : quotient de développement
QI :Quotient Intellectuel
SFP :Société
Française de Psychologie
TSA :Trouble du Spectre de l'Autisme
UO :Université de Ouagadougou
WISC:Wechsler Intelligence Scale for
Children
WPPSI:Wechsler Preschool and Primary Scale of
Intelligence
LISTE DES TABLEAUX ET DES FIGURES
TABLEAUX
Tableau
1: Les étapes de représentation de la figure humaine
d'après
Baldy........................................................................................................................................
28
Tableau
2: Principaux stades du graphisme et de la représentation de la
forme humaine
29
Tableau 3: Zones symboliques de la
feuille du dessin
35
Tableau 4: Les vingt tracés
fondamentaux de Kellogg
42
Tableau 5: Caractéristiques
générales de la population évaluée avec le CARS
59
Tableau 6: Référence
pour le diagnostic de l'autisme à partir du CARS
61
Tableau 7: Comparaison du quotient de
développement du PEP aux scores des tests d'intelligence
63
Tableau 8:Extrait de la fiche de
cotation du test du dessin du bonhomme de Royer
67
Tableau 9: Récapitulatif des
scores de Alpha (10 ans)
72
Tableau 10: Récapitulatif des
scores de Brahim (10 ans)
78
Tableau 11: Tableau
récapitulatif des scores de Clément (6 ans)
84
Tableau 12: Tableau
récapitulatif des scores de Julie (10 ans)
89
FIGURES
Figure 1: Dessin du bonhomme de Alpha
(10 ans).
1
Figure 2: Dessin du bonhomme de
Brahim (10 ans)
77
Figure 3: Dessin du bonhomme de
Clément (6 ans)
83
Figure
4: Dessin du bonhomme de Julie (10 ans)
88
SOMMAIRE
DEDICACE................................................................................................................................I
REMERCIEMENTS
...............................................................................................................II
SIGLES ET ABREVIATIONS
..........................................................................III
LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX
...............................................................IV
SOMMAIRE...................................................................................................V
RESUME....................................................................................................1
INTRODUCTION............................................................................................2
PARTIE I. PARTIE
THEORIQUE........................................................................................4
Chapitre 1.Cadre
conceptuel..............................................................................5Chapitre
2. Cadre théorique et
problématique......................................................40
PARTIE II. PARTIE
EMPIRIQUE...................................................................54
Chapitre
3.Méthodologie.................................................................................55Chapitre
4. Présentation des cas et
discussion........................................................69
CONCLUSION.............................................................................................96
BIBLIOGRAPHIE........................................................................................97
ANNEXES...................................................................................................i
TABLE DES
MATIERES................................................................................ix
RESUME
Notre étude cherche à pallier le manque
d'information sur l'autisme infantile au Burkina Faso. Elle se centre sur
l'étude du niveau de développement intellectuel, de la
structuration de l'image du corps et de la vie affective de l'enfant
burkinabè atteint du trouble du spectre de l'autisme.Le test dessin du
bonhomme de Royer a été utilisé dans le but d'examiner
notre hypothèse qui considère qu'il y a une forme de ressemblance
entre les bonshommes des autistes burkinabè et ceux des enfants autistes
exposés dans la littérature scientifique en particulier les
enfants autistes de l'Europe. En effet, la particularité de ce test est
qu'il permet une approche à la fois normative (centrée sur les
détails du dessin) et qualitative (centrée sur le symbolisme des
représentations graphiques) du dessin du bonhomme chez l'enfant.
Nous avons donc adopté l'approche psychanalytique en
psychopathologie pour l'interprétation des représentations
graphiques recueillies auprès des enfants. Les cas étudiés
sont respectivement le cas Alpha, le cas Brahim, le cas Clément et le
cas Julie. L'étude a été entièrement menée
au centre de prise en charge de l'Association Burkinabè d'Accompagnement
Psychologique et d'aide à l'Enfance (ABAPE).
L'analyse des dessins des bonshommes révèle des
déficiences intellectuelles (modérée, légère
et limite) chez trois enfants et un cas d'intelligence moyenne chez le plus
jeune enfant (Clément).Nous constatons donc que ce ne sont pas tous les
enfants autistes qui présentent un retard mental même si les cas
sont rares. En outre, les dessins révèlent des angoisses
profondes sans doute liées au sentiment de fragilité des limites
corporelles et au manque de sécurité interne. Les carences
affectives et les problèmes de contact sociaux sont effectifs chez tous
ces enfants. L'insécurité de l'attachement constitue donc une
association à explorer dans l'approche de l'autisme.
Mots-clés : Dessin -
Autiste - Enfant.
ABSTRACT
Our study seeks to address the lack of information on
childhood autism in Burkina Faso. It focuses on the study of the level of
intellectual development, structuring of body image and emotional life of the
Burkinabe child with the disorder of autism spectrum. Draw-a-man test of Royer
was used in order to test our hypothesis considers that there is a form of
resemblance between the drawings of burkinabe autistic children and those
exposed in the scientific literature especially autistic children from
Europe.Indeed, the specificity of this test is that it allows both normative
approach (centered on the details of the drawing) and qualitative (focus on
symbolism graphical representations) of man drawing in children.
We have therefore adopted the psychoanalytic approach in
psychopathology for interpreting graphs collected from children. The studied
cases are respectively the case Alpha, the case Brahim, the case Clément
and the case Julie.The study was completely led in the center of support of the
Burkinabe Association of Psychological Support and assistance for Children
(ABAPE).
The analysis of drawings reveals intellectual disabilities
(moderate, light and limit) in three children and one case of average
intelligence among the youngest child (Clement). We thus notice that it is
not all autistic children that present a mental retardation even if the cases
are rare. In addition, the drawings reveal deep anxieties probably related to
the sense of fragility of bodily limitations and lack of internal security.
Emotional deprivation and social contact problems are effective in all these
children. Insecurity of attachment is therefore an association to explore in
the approach to autism.
Keywords:Drawing - Autistic - Child.
INTRODUCTION
Plusieurs pays africains, dont le Burkina Faso, ne disposent
pas de données sur le nombre d'individus concernés par l'autisme,
et son évolution dans le temps1(*). Mais dans les pays (France, Suisse, Canada,
Etats-Unis) où ce trouble est bien connu du public, le constat est
qu'il y a une augmentation de la prévalence de l'autisme depuis les
années 1960-1970.
L'autisme a fait l'objet de nombreuses recherches aussi bien
dans les différents domaines de la psychologie que dans les
neurosciences. En psychopathologie, ce trouble a fait l'objet de nombreuses
théorisations qui, de nos jours n'ont plus de consistance vu les grandes
découvertes scientifiques. En effet, les parents et
particulièrement la mère étaient tenus pour responsables
des difficultés de l'enfant en raison de leur attitude
« pathologique ». En outre, l'enfant autiste ne pouvait
accéder à une vie psychique épanouie parce-que
inconsciemment ses parents ont souhaité sa destruction. Ces tentatives
d'explication de l'autisme ont été vivement critiquées et
celles-ci avaient tendance à culpabiliser les mères(Rogé,
2003).
Bien de progrès ont cependant été
réalisés dans le domaine de la psychopathologie infantile par
des auteurs tels que Klein (1882-1960), Winnicott (1896-1971), Tustin
(1913-1990), Anzieu (1923-1999). Leurs théories continuent d'occuper une
place prépondérante dans toute approche psycho-dynamique de
l'autisme. Par ailleurs, la contribution du biologique dans la genèse de
l'autisme est affirmé mais comme l'affirme Rogé(op.cit.),
l'origine biologique ne veut pas dire que l'on doit renoncer à
comprendre la psychologie de la personne autiste et des réactions de son
entourage.
C'est dans l'objectif de comprendre la psychologie des enfants
autistes du Burkina Faso que nous avons choisi comme thème de
mémoire : « Le dessin du bonhomme chez des
enfants autistes : Quatre études de cas à l'Association
Burkinabè d'Accompagnement Psychologique et d'aide à l'Enfance
(ABAPE) ». Il s'agit d'une étude minutieuse d'indices
graphiques qui, d'un point de vue scientifique sont capables de nous fournir
des informations sur le niveau de développement de l'enfant autiste
africain et du Burkina en particulier.
La démarche méthodologique adoptée pour
atteindre nos objectifs consiste en trois volets essentiels.D'abord une revue
de la littérature ; ensuite, unecollecte des données
quantitatives et qualitatives a été effectuéeau sein de
notre structure d'accueil à travers des entretiens et des dessins.
Enfin, il y a eu l'analyse et l'interprétation des données
recueillies à partir de quatre (4)cas cliniques.
Ce mémoire de fin de cycle se subdivise en deux parties
essentielles.La première partie est théorique et se
décline en deux chapitres. Le premier chapitre aborde les
différentes approches théoriques de l'autisme, du dessin enfantin
et son application en psychopathologie, le deuxième chapitre aborde le
cadre théorique de référence et présente la
problématique.
La seconde partie est pratique et se subdivise
également en deux chapitres. Le chapitretrois présente la
méthodologie et lechapitre quatre présente les cas cliniques et
la discussion des résultats.La conclusion quant à elle permet de
tirer des observations sur ce travail tout en ouvrant la voie à des
questionnements pouvant aboutir à des intérêts de recherche
dans le futur.
PARTIE THEORIQUE
Chapitre 1.Cadre conceptuel
Dans ce chapitre, nous présentons l'autisme tel qu'il
est appréhendé par les différents courants
théoriques. Il s'agit principalement des approches organiques,
cognitives et la psychanalyse. Nous abordons également le dessin tel
qu'il se développe chez l'enfant et tel qu'il est utilisé en
psychologie.
1.1.1 Autisme
1.1.1.1 Apparition de la notion
Bleuler, psychiatre suisse, fut le premier à utiliser
le terme « autisme » (dérivé du mot grec
auto qui signifie soi-même) lorsqu'il décrivait des
schizophrènes adultes (Bleuler, 1911 ; cité par Labruyere,
2006). Gueniche (2011) pense que Bleuler a introduit ce terme en
référence au terme freudien
d' « auto-érotisme » pour désigner les
symptômes majeurs de la schizophrénie que sont l'isolement social
et le repli sur soi.
Le malade schizophrène a été
décrit comme ayant une vie coupée du monde extérieur et
enfermé dans son univers propre. Plus tard, des observations de onze
enfants réalisées par le psychiatre américain Kanner lui
ontpermis de décrire pour la première fois l'autisme permettant
ainsi sa reconnaissance dans la sémiologie psychiatrique. Le trait le
plus caractéristique de l'autisme est selon lui le retrait (Kanner,
1943 ; cité par Labruyère, op.cit.). Pour Kanner,
l'autisme est un ensemble « de troubles et d'une incapacité
innée à constituer une relation affective et à
répondre aux stimuli provenant de l'environnement »(Kanner,
1943, cité par Gueniche, op.cit. p.79).
1.1.2 Définition, critères nosographiques et
évolution de l'autisme
§ Définition
L'autisme est désormais appelétrouble du
spectre de l'autisme(TSA)dans le DSM-5. Il y est défini comme
« un trouble d'origine neurobiologique caractérisé par
un développement anormal ou déficient de l'interaction sociale et
de la communication ainsi qu'un répertoire considérablement
restreint d'activités et d'intérêts »(DSM-5,
2013 ; cité par Psychomedia, 2013).
§ Critères nosographiques
Le trouble du spectre de l'autisme regroupe le trouble
autistique, le syndrome d'Asperger, le trouble désintégratif de
l'enfance et le trouble envahissant du développement non
spécifié(DSM-5, 2013 ; cité par Psychomedia, 2013).
Ces quatre troubles sont considérés comme différents
niveaux de sévérité d'une même condition.
Les critères diagnostiques sont :
A. Déficits persistants dans la communication sociale
et les interactions sociales dans de multiples contextes, comme en
témoigne ce qui suit:
1. Déficits de la réciprocité
socio-émotionnelle, allant par exemple, de l'approche sociale anormale
et l'incapacité d'échanger dans une conversation; au partage
réduit d'intérêts, d'émotions, ou de l'affect;
à l'échec d'engager ou de répondre à des
interactions sociales.
2. Déficits dans les comportements de communication non
verbaux utilisés pour l'interaction sociale, allant par exemple, de la
communication verbale et non verbale mal intégrées ;
à des anomalies dans le contact visuel et le langage du corps ou des
déficits dans la compréhension et l'utilisation de gestes;
à un manque total d'expressions faciales et de communication non
verbale.
3. Déficits dans le développement, le maintien
et la compréhension des relations, allant par exemple, de
difficultés à adapter le comportement en fonction de divers
contextes sociaux; à des difficultés à partager les jeux
imaginatifs ou à se faire des amis; à l'absence
d'intérêt pour les pairs.
B. Modes restreints, répétitifs de
comportements, d'intérêts ou d'activités, comme en
témoigne au moins deux des éléments suivants, actuellement
ou précédemment :
1. Mouvements moteurs, utilisation d'objets, ou paroles
stéréotypés ou répétitifs (par exemple,
stéréotypies motrices simples, aligner des jouets ou retourner
des objets,
écholalie,
phrases idiosyncrasiques c'est-à-dire « hors
contexte »).
2. Insistance sur l'adhésion inflexible à des
habitudes ou modes ritualisés de comportement verbaux ou non verbaux
(par exemple, une détresse extrême en cas de petits changements,
difficultés avec les transitions, modes de pensée rigide, rituels
de salutation, besoin de prendre le même itinéraire ou de manger
la même nourriture tous les jours).
3. Intérêts très restreints et
circonscrits qui sont anormaux dans leur intensité ou leur orientation
(par exemple, un fort attachement à des objets inhabituels, des
intérêts excessivement circonscrits ou poursuivis avec une
persévération excessive).
4. Hyper- ou hypo-réactivité à des inputs
sensoriels ou niveau d'intérêt inhabituel pour les aspects
sensoriels de l'environnement (par exemple, indifférence apparente
à la douleur/température, réaction négative
à des sons ou des textures spécifiques, sentir ou toucher des
objets excessivement, fascination visuelle pour des lumières ou des
mouvements).
C. Les symptômes doivent être présents
dans la période de développement précoce (mais peuvent ne
devenir pleinement manifestes qu'après que les exigences sociales
dépassent les capacités limitées, ou peuvent être
masqués par des stratégies apprises plus tard dans la vie).
D. Les symptômes causent une altération
cliniquement significative du fonctionnement actuel dans les domaines sociaux,
scolaires ou professionnels, ou d'autres domaines importants.
E. Ces perturbations ne sont pas mieux expliquées par
la déficience intellectuelle ou un retard global de
développement. La déficience intellectuelle et le trouble du
spectre de l'autisme surviennent fréquemment ensemble; pour poser les
deux diagnostics de trouble du spectre de l'autisme et de déficience
intellectuelle, la communication sociale devrait être inférieure
à celle prévue pour le niveau de développement
général (DSM-5, 2013 ; cité par Psychomedia,
2013).
Les progrès réalisés au niveau des
critères de diagnostic ont eu comme incidence la facilitation des
échanges et la communication entre les cliniciens2(*), les chercheurs, les parents et
les personnes qui militent en faveur des personnes handicapées.
D'une manière générale, la
nécessité d'un diagnostic précoce est reconnue par tous
les professionnels car il conditionne l'évolution ultérieure. En
outre, il ouvre la voie à l'intervention précoce qui permet une
amélioration de la santé mentale de l'enfant. Cette
amélioration est le plus souvent perceptible au niveau des
capacités d'adaptation aux structures scolaires ordinaires ou
spécialisées (Rogé, 2003).
§ Évolution de l'autisme
Nous reprenons ici les observations que Lebovici a faites par
rapport à l'évolution de l'autisme :
- il peut persister, rester inchangé jusqu'à
l'âge adulte n'aboutissant pas à l'acquisition d'un langage bien
structuré, compréhensible ni à une bonne interaction
sociale ;
- il peut « guérir » assez
tôt sans laisser d'autres traces que quelques rituels, une
rigidité narcissique et quelques originalités de
caractère ;
- il peut se transformer en une déficience qui reste
atypique (Lebovici, 1978 cité par Bergeret et al. 2008).
Quand l'autisme évolue vers un retard important, on
peut observer deux cas de figure (Lenoir, Malvy &Bodier-Rethore,
2007) :
- l'autisme reste présent et l'hypothèse est que
l'isolement a entrainé une perte de la curiosité et des
capacités d'acquisition;
- l'autisme s'améliore : soit l'autisme
était au premier plan et s'est amélioré mais le retard
reste, soit l'autisme était une expression comportementale
passagère contenue dans un autre trouble envahissant du
développement.
Pour mieux comprendre les processus en jeu dans l'autisme, il
nous est indispensable de présenter les principales théories qui
ont amplement abordé la question.
1.1.2.1 Théories explicatives de
l'autisme
Des modèles explicatifs de l'autisme se sont
développés dans les différents domaines scientifiques. Il
s'agit principalement des théories neurobiologiques, cognitives et
psychanalytiques.
· La neurobiologie de l'autisme
Beaucoup d'arguments ont été avancés pour
rendre compte de l'implication des facteurs génétiques
dans l'étiologie de l'autisme (Rogé, 2003). Pour
Rogé, les études familiales ont révélé un
risque de récurrence d'environ 3 à 5 % chez les frères et
soeurs. En outre, beaucoup de recherches ont été menées
sur des groupes de jumeaux monozygotes dits « vrais
jumeaux » et de jumeaux dizygote dits « faux
jumeaux ».
Une première étude a été
menée sur vingt et une paire de jumeaux et a révélé
une concordance d'environ 36 % chez les monozygotes alors qu'aucune des paires
de jumeaux dizygotes n'était concordante. Par ailleurs, le suivi des
jumeaux des paires monozygotes non concordantes3(*) a révélé que parvenus à
l'âge adulte, les jumeaux non atteints présentaient des
déficits sociaux importants, ce qui indique le fait que la dimension
héritée est sociale et cognitive.
Une étude menée par des chercheurs (Freeman,
Ritvo,Guthrie& Schroth, 1978 ; cité par Rogé, 2003) sur
quarante paires de jumeaux (23 monozygotes et 17 dizygotes) ont montré
une concordance de 96 % chez les monozygotes contre 24 % chez les dizygotes.
Bien que cette dernière étude ait été
critiquée au niveau de la constitution de l'échantillon, les
recherches tendent à confirmer la concordance élevée chez
les jumeaux monozygotes et l'absence de concordance chez les jumeaux
dizygotes.Le mode de transmission reste encore aujourd'hui un sujet et
suggère l'implication de plusieurs gènes.
Il existe une hypothèse biochimique qui rend
compte d'une possible désorganisation de certains neuromédiateurs
chez les personnes autistes. C'est ainsi qu'on a constaté une
élévation de près de 50 % de la sérotonine4(*) chez des patients autistes. Ce
neuromédiateur est impliqué dans les émotions, la
régulation de l'humeur et dans l'anxiété. La
dopamine5(*) serait aussi
impliquée dans l'autisme car les substances qui bloquent ses
récepteurs entrainent une réduction de certains symptômes
tels que les stéréotypies alors que les substances qui stimulent
ces mêmes récepteurs entrainent une aggravation des
symptômes (Rogé,op.cit.).
L'hypothèse neurologiquequant à elle
est apparue suite aux observations de cas cliniques. En effet, les neurologues
ont constaté que de nombreuses maladies ou anomalies neurologiques
s'associent généralement à l'autisme. En outre, quelques
études post-mortem ont révélé un poids
généralement élevé de la masse
cérébrale, ce qui correspond aux données concernant le
périmètre crânien supérieur à la moyenne. Des
anomalies touchant particulièrement le système limbique, le
cervelet et les connexions complexes existant à ce niveau ont
été décelées. Ces découvertes ont donc
suggéré l'existence d'une perturbation du développement
cellulaire dans les trente premières semaines de la
gestation(Rogé, 2003).
Les premières observations réalisées par
la pneumo-encéphalographie et le scanner ont privilégié
l'hypothèse d'une pathologie de l'hémisphère gauche. Les
troubles du langage sont alors considérés comme étant
à la base du syndrome autistique (Rogé, op.cit.).
Sur le plan radiologique, l'asymétrie des ventricules
et de certaines zones hémisphériques a ensuite été
identifiée comme étant la caractéristique essentielle de
l'autisme.
Plus récemment, des études
réalisées chez de très jeunes enfants ont montré
que le tronc cérébral, le vermis cérébelleux dans
sa globalité et tous leurs composants étaient plus petits chez
les enfants autistes comparativement au groupe contrôle.
L'amélioration des techniques a par la suite permis de
déceler une diminution du débit sanguin cérébral au
niveau des deux lobes temporaux sur une population d'enfants atteints d'autisme
(Zilboviciuset al., 2000 ; Ohnishiet al., 2000 ;
cité par Rogé, op.cit.).
Bien de découvertes continuent d'être faites par
les neurologues et les spécialistes des neurosciences dans le champ de
l'autisme, cependant, elles ne permettent pas encore d'élaborer un
modèle cohérent, intégrant tous les aspects du
fonctionnement autistique.
· Approches cognitives de l'autisme
Pour les cognitivistes, les problèmes liés au
déficit intellectuel, au retard dans le développement du langage
et aux anomalies d'intégration des informations conditionnent les
réponses de la personne autiste et entravent ses possibilités
d'apprentissage et d'adaptation.
- Un déficit de théorie de l'esprit
Le concept de théorie de l'esprit a été
introduit par Premack et Woodruff dans un article intitulé :
Does the chimpanzee have atheorie of Mind. Leur travaux ont
porté sur un chimpanzé capable de résoudre des
problèmes en inférant des buts ou des intentions à un
personnage (Premack&Woodruff, 1978, cité par Labruyere,
op.cit.). Cette théorie de l'esprit est définie comme la
capacité à comprendre, à inférer et à
attribuer des états mentaux (désirs, pensées, croyances)
à soi-même et à autrui afin de comprendre et de
prédire les comportements. C'est une capacité de mentalisation
qui permet de comprendre ce qu'une personne pense, croit, désire dans
une situation donnée et donc d'anticiper sur ce que cette personne va
dire ou faire (Labruyère, 2006).
Des difficultés de théorie de l'esprit chez les
enfants autistes ont été démontrées à la
suite d'une série de travaux expérimentaux
réalisées par des chercheurs(Baron-Cohen, Leslie &Frith,
1995 ; cité par Gueniche, 2011). C'est ainsi que ce déficit
de théorie de l'esprit empêcherait l'autiste de pouvoir distinguer
les évènements physiques et mentaux, à comprendre la
tromperie, à inférer des états mentaux par la direction et
l'expression du regard. En outre, ils ne sont pas capables de faire des jeux
symboliques, de faire semblant ou d'utiliser des termes renvoyant à des
états mentaux (penser, espérer, souhaiter, etc.).
L'hypothèse d'un déficit spécifique et primaire dans la
capacité de théorie de l'esprit chez l'enfant autiste constitue
actuellement (dans les sciences cognitives) une piste importante qui
permettrait de rendre compte des troubles des relations sociales, de la
communication et de la symbolisation à l'oeuvre dans l'autisme.
- Un déficit des fonctions
exécutives
Les fonctions exécutives renvoient à un ensemble
complexe de mécanismes cognitifs qui permettent d'organiser, de
contrôler, de réaliser des actions et des pensées. Elles
impliquent la planification des séquences d'actions, l'inhibition des
réponses routinières, la flexibilité et l'ajustement de
l'attention en fonction du contexte, l'organisation des procédures en
mémoire de travail (Labruyère, 2006).
D'une manière générale, les fonctions
exécutives font appel à l'attention, au raisonnement et à
la résolution de problèmes. Leur rôle est de faciliter
l'adaptation du sujet aux situations nouvelles dans lesquelles la mise en
oeuvre de processus contrôlés est indispensable.
Pour Labruyere, les recherches en neuropsychologie ont permis
d'attribuer cette fonction aux structures du cortex préfrontal.
L'hypothèse d'un déficit des fonctions exécutives chez les
enfants autistes est apparue suite à l'observation de leurs
déficits et de leurs comportements proches de ceux des patients
fronto-lésés.
Certains travaux se sont intéressés au
traitement de l'information chez la personne autiste.
- Les difficultés dans la saisie de
l'information
Les signaux en provenance des récepteurs sensoriels
(vision, audition, toucher, odorat, goût) sont perturbés dans
l'autisme. C'est ainsi que l'information peut être
atténuée, exagérée ou être enregistrée
tardivement. Cette perturbation dans le domaine perceptif et le manque de
liaison des informations qui en résultent font que l'enfant autiste
perçoit une certaine incohérence dans son environnement. L'enfant
autiste se comporte alors d'une manière désorganisée en
fonction de ce qu'il arrive à percevoir dans son environnement. Le
manque de cohérence de l'environnement perçu a donc
engendré des comportements incohérents et imprévisibles
chez l'enfant autiste. Les apprentissages peuvent s'avérer difficiles
voire improbables du fait des perturbations dans la gestion des informations
sensorielles (Rogé, 2003).
Certains auteurs (Hermelin&O'Connor, 1970, cité par
Rogé, op.cit.) ont avancé l'hypothèse d'un
déficit de l'encodage sémantique de l'information. Les
expériences qui sous-tendaient cette hypothèse portaient sur la
mémorisation et le rappel en fonction du type de matériel. Ils
sont arrivés à la conclusion que les performances des enfants
autistes dans le domaine du rappel d'une information verbale ne sont pas
améliorées par l'organisation des mots, ce qui suppose que les
données sont stockées sous forme brute et ne font pas l'objet
d'une organisation en fonction du sens.
D'autres recherches (2003) ont souligné le fait que le
déficit pouvait toucher la saisie d'autres informations et qu'il ne se
limitait pas uniquement au langage. Les autistes utiliseraient directement une
information sans la recoder. Le matériel ainsi intégré est
plus facilement restitué avec une fidélité car il n'est
pas organisé en fonction d'une structure plus élaborée qui
permet d'interpréter et de donner un sens à l'information. C'est
ainsi qu'on peut rencontrer des personnes autistes ayant des capacités
de reproduction quasi photographique par le dessin, de restitution très
exacte des mélodies, de mémorisation des calendriers et
d'hyperlexie6(*).
PourRogé (op.cit.), certains auteurs ont
retenu l'hypothèse de modalités sensorielles
privilégiées comme le toucher, le goût, et l'odorat
chez les autistes.
Ces théories cognitives demeurent étroitement
liées à un modèle organiciste de l'autisme. Les
psychanalystes, tout en ne remettant pas en cause la totalité de ces
théories, apportent une conception très fructueuse sur
l'autisme.
· Approches psychanalytiques de l'autisme
Le point de vue psychanalytique se réfère
principalement à la vie affective, émotionnelle et fantasmatique
pour expliquer l'autisme. L'autisme est l'effet d'une réaction à
une situation d'angoisse majeure et précoce. Toutefois, ce point de vue
n'exclut pas la réalité biologique.
D'une manière générale, les
psychanalystes considèrent l'autisme comme une mesure de protection
devant un danger vécu comme catastrophique. Cette défense est
cependant défaillante car l'enfant autiste est obligé d'employer
des manoeuvres (manoeuvre autistique) qui sont une sorte de compensation aux
faibles défenses dont il dispose.
- Approche de l'autisme par Tustin
Les conceptions de Tustin (1986) sur l'autisme ont une place
prépondérante dans l'approche psychanalytique de l'autisme. Elle
emploie le terme « autisme » pour désigner des
états normaux ainsi que des états pathologiques de l'enfance.
Elle distingue alors l'autisme primaire normal de l'autisme pathologique. Elle
suggère ensuite de réserver les termes
« autisme » et « autistique » aux
états pathologiques. En ce qui concerne les états normaux, elle
propose d'employer les termes « autosensualité » et
« autosensuel ».Elle n'a cependant pas exclu dans sa
conception de potentiels troubles organiques à l'origine de certaines
formes d'autismes. La prédisposition génétique ou la vie
intra-utérine ne sont pas ignorées.
L'autisme primaire normal est défini comme un
état où règne la sensualité auto-induite et
où toute l'attention du bébé est portée sur les
sensations et les rythmes corporels. Les objets extérieurs sont
vécus comme faisant partie de son corps ou comme un prolongement de
l'activité corporelle. Tustin (op.cit.) les qualifie de
« sensations-objets » qui, bien qu'au départ ne sont
pas reconnues comme distincts du corps favoriseront par la suite avec le
concours des soins maternels, la perception du non-moi. La mère elle
aussi est vécue comme « sensation-objet ».Les
sensations que produisent ces « sensations-objets »
donnent à l'enfant un sentiment d'existence. C'est une forme d'illusion
qui protège l'appareil neuropsychique de l'enfant en
développement contre les expériences pouvant
révéler la séparation. Cette phase est qualifiée de
« matrice postnatale » protectrice.
Tustin (op.cit.) considère qu'il n'y a pas
d'autisme normal absolu. L'autisme primaire normal n'est pas complet car il y a
des instants de conscience vacillante du monde extérieur. Au terme de
cette phase, le bébé devient conscient de sa séparation
d'avec la mère et ajuste alors ses comportements pour s'adapter aux
intentions à elle. Le bébé basculera dans l'autisme
pathologique lorsqu'il prendra prématurément conscience de la
séparation d'avec la mère à une période où
son appareil neuropsychique n'est pas suffisamment solide pour lui permettre de
faire face à cette expérience.
Si la mère n'arrive pas à contenir les
expériences de séparation corporelles qui confrontent le
bébé à un environnement hostile alors celui-ci se
retrouvera à utiliser les sensations de son propre corps, à
manipuler et à engendrer des objets autistiques7(*). L'utilisation de ces objets
autistiques donnent à l'enfant l'illusion d'une parfaite satisfaction et
d'un sentiment d'intégrité du corps. Il s'en suit alors une
négation de l'objet maternant du fait de son indisponibilité.
À une étape du développement de l'enfant,
la mère doit s'absenter mais jamais avant que cette séparation ne
soit supportable. Pour Ciccone et Lhopital (2001), le sevrage ne devient
maturatif que lorsque le sein a suffisamment bien nourri l'enfant. C'est ainsi
que le monde extérieur au lieu d'être un facteur stimulant pour le
développement du bébé, devient un objet de négation
ou de confusion avec la sensation-objet.Ciccone et Lhopital (op.cit.,
p.38) affirment : « cette prématurité
psychologique nait d'une rencontre entre un enfant hypersensible et un
environnement maternant en difficulté pour amortir les chocs dus
à la prise de conscience de la séparation corporelle ».
L'enfant pense alors qu'il a perdu une partie de son corps et est envahi par
des terreurs primitives comme le sentiment de se vider, d'exploser
ou detomber.
En définitive, Tustin considère l'autisme
pathologique comme étant le signe d'un échec dans
l'établissement du premier contact humain, un contact qui aurait pu
soulager l'enfant de toutes les terreurs normales auxquelles sont
confrontés tous les enfants dans les premiers instants de la vie
postnatale. L'enfant autiste se retrouve alors comme encapsulé et son
fonctionnement psychique (cognitif et affectif) est mis en arrêt.
Celui-ci est alors en proie à des angoisses archaïques
insupportables.Tustin n'apporte pas beaucoup de précision sur
l'apparition de l'autisme dans le processus de la psychogenèse
contrairement à Anzieu (1995).
- Approche de l'autisme par Anzieu
Pour Anzieu (op.cit.), le bébé dans sa
relation indifférenciée à la mère fait
l'expérience d'importantes stimulations tactiles par le fait
d'être tenu, porté, manipulé et serré contre le
corps de la mère, le tout dans un bain de paroles. Si ces
expériences répondent aux conditions satisfaisantes de la
pulsion d'attachement, elles conduiront le bébé à
différencier une surface (interface) comportant une face
externe et une face interne, distinguant le dehors et le dedans et un volume
dans lequel il se sent baigner. Cette interface et ce volume donne au
bébé la sensation d'un contenant.
Ainsi, à travers les expériences de contact
corporel et la relation sécurisante avec la mère, le
bébé acquiert la perception d'une peau qui se trouve à la
limite d'un extérieur et d'un intérieur. Le bébé
acquiert alors un sentiment d'intégrité de l'enveloppe corporelle
et comme le dit Albert Ciccone : « Ce sentiment
d'intégrité de l'enveloppe corporelle donne au moi une enveloppe
narcissique et à l'appareil psychique un bien être de
base,... »(Ciccone&Lhopital, 2001, p. 132).Lorsque tout se
passe bien la personnalité du nourrisson commence à se rattacher
au corps et aux fonctions corporelles.
Anzieu (1995) attribue à la peau trois principales
fonctions :
- c'est un sac qui contient et retient à
l'intérieur le bon et le plein que l'allaitement, les soins, le bain de
paroles y ont accumulés ;
- c'est une interface qui marque la limite avec le dehors et
maintient celui-ci à l'extérieur. Il constitue une
barrière qui protège de la pénétration par les
agressions et les avidités provenant des autres êtres ou
objets.
- C'est le lieu et le moyen primaire de communication avec
autrui, d'établissement de relations signifiantes et une surface
d'inscriptions des traces laissées par ceux-ci.
L'origine épidermique et
proprioceptive du moi lui confère la double
possibilité d'établir des barrières que sont les
mécanismes de défense psychiques et de filtrer les
échanges avec le ça, le surmoi et le monde extérieur.
Anzieu (op.cit.) distingue trois étapes dans
la psychogenèse d'un moi-peau. Les deux premières étapes
sont respectivement caractérisées par un fantasme
« intra-utérin » et un fantasme de « peau
commune ». C'est danscette étape que l'enfant acquiert un
moi-peau qui lui est propre à travers une double
intériorisation : une intériorisationde l'interface
qui constituera l'enveloppe psychique contenant les contenus
psychiques (pulsions) et une intériorisation de l'entourage
maternant qui devient le mondeintérieur (pensées,
images, affects).
D'un point de vue structural, le moi-peau est perçu
comme une enveloppe constituée d'un feuillet externe et d'un feuillet
interne. Le feuillet externe (le pare-excitation) interpose un écran
protecteur entre le monde extérieur et la réalité
psychique et joue un rôle de filtre quantitatif.Le feuillet
interne (la surface d'inscription) est la membrane la plus sensible de
l'appareil psychique. C'est un écran optique où sont
enregistrées les expériences tactiles, visuelles, sonores
kinesthésiques. Ce dernier a une fonction de filtre qualitatif au
service de la communication (Ciccone &Lhopital, 2001).
La fixation à la première étape de la
psychogenèse du moi-peau est à l'origine des enveloppes
autistiques dans lesquelles le bébé se retire et se
protège face au monde extérieur. L'enveloppe autistique est
décrite comme un système fermé, un oeuf qui
n'éclot pas.D'un point de vue de la structure du moi-peau,
l'absence des deux feuillets caractérise l'autisme primaire tandis que
l'absence du feuillet externe (le pare-excitation) associé à une
rigidification du feuillet interne pour combler le manque caractérise
l'autisme secondaire.
- La métapsychologie de l'enfant autiste
Une approche métapsychologique permet de faire un
aperçu sur le fonctionnement psychique de l'enfant autiste à
plusieurs niveaux. On peut alors constater que la vie psychique de l'enfant
autiste est déterminée par le caractère primitif de ses
mouvements pulsionnels et défensifs. Ce monde dans lequel l'enfant
autiste est plongé n'a ni repères ni limites, de ce fait,
celui-ci va développer des mécanismes restreints mais d'une
efficacité redoutable pour faire face à ce sentiment de vide et
d'anéantissement. Ces mécanismes d'adaptation pathologiques vont
empêcher sa pensée de se déployer, de croitre et aboutira
à l'impossibilité pour l'enfant à établir un lien
avec les objets extérieurs.
Au niveau du rapport à la
réalité, l'enfant autiste éprouve des
difficultés à établir un lien avec le monde
extérieur car celui-ci est source d'une grande angoisse. L'autisme qui
est du point de vue psycho-dynamique une organisation défensive permet
alors de le mettre à distance et à s'en couper. Cependant bien
que la forteresse dans laquelle vit l'enfant autiste est difficilement
accessible, elle n'est pas hermétiquement fermée.
Boutinaud considère que : «Quel qu'en soit
son caractère plus ou moins inaccessible, cette forteresse ne nous
apparait pas ni vide ni exemptes d'ouvertures et d'aménagements vers
l'extérieur. Ces fenêtres aménagées de façon
furtive, précaire, restreinte ou ritualisée viennent nous montrer
que l'autisme ne débouche pas sur une désobjectalisation totale,... » (Boutinaud, 2013, p. 124). Ainsi, selon
lui, les troubles comportementaux des enfants autistes sont
considérés comme une tentative d'établissement d'un lien
avec la réalité qui le plus souvent n'a pas aboutie. L'enfant
désespérément en souffrance essaie de rétablir ce
lien par ses comportements stéréotypés, il est donc
possible de l'aider à émerger.
Au niveau de la relation d'objet, l'enfant autiste
peut tendre à :
- un repli derrière la muraille qu'il s'est
construit,
- une observation du monde extérieur à travers
les meurtrières qu'il aménage,
- une émergence et à une tentative
d'établissement d'un lien aux objets du monde extérieur
(Boutinaud, 2013).
Hochmann (2005) affirme que l'enfant autiste reproduit avec
tous ceux qu'il rencontre un même mode relationnel
caractérisé par le collage et l'interpénétration
donc sur un mode indifférencié. L'enfant autiste établit
une relation avec des objets partiels8(*) qu'il perçoit comme n'étant pas
différenciés de son corps. Ces objets sont le plus souvent
investis pour les qualités sensorielles qu'ils procurent. Il s'agit d'un
besoin de stimulation corporelle qui renvoie à un stade primitif du
développement normal de l'enfant où l'accrochage sensoriel
prédomine.
Tustin (1986) décrit deux types d'objets couramment
utilisés par l'enfant autiste d'une manière obsessionnelle et
idiosyncrasique. Il s'agit des objets autistiques qui sont durs et
des objets confusionnels qui sont mous. Ces objets sont
manipulés par l'enfant car ils permettent de maintenir un sentiment de
sécurité corporelle. L'enfant veut ainsi éviter la prise
de conscience de la présence de trous et de béances dans
l'enveloppe corporelle caractéristiques du Moi poreux (Anzieu,
1995).
Selon Tustin (op.cit.), la relation d'objet de
l'enfant autiste n'est associée à aucun fantasme sinon
qu'à des sensations corporelles. Ainsi, on considère que la
relation d'objet dans l'autisme est caractérisée par une absence
d'affect qui donne l'impression que l'enfant autiste investit
mécaniquement les objets partiels et sans ressenti. Bien souvent,
l'enfant autiste peut présenter une excitation extrême (Cris,
rires, agitations psychomotrices, etc.) qui peut renvoyer à des affects
primitifs et indifférenciés : ces proto-affects se
situant à la limite du plaisir et de l'angoisse. Sur le plan de la
communication, les mots et les phrases acquis ne permettent pas
d'établir une bonne interaction avec l'entourage et sont utilisés
sans une association affective. Ces éléments sont le plus souvent
manipulés comme les objets concrets à l'exemple des
écholalies.
Houzel (1997) affirme que l'enfant autiste est
très sensible ou même trop sensible au désir et à
l'attente d'autrui mais, cela étant pour lui, une source d'angoisse du
fait de la défaillance de la fonction de pare-excitation. En
outre, l'expérience clinique a montré que certains enfants
autistes sont extrêmement sensibles à l'ambiance familiale ou
institutionnelle et changeaient leurs comportements.
L'autisme se développe essentiellement autour d'une
défaillance précoce dans l'établissement du moi-corporel
de l'enfant. S. Freud (1923) affirme que le psychisme s'étaye sur le
corporel et que le moi est avant tout un moi corporel. Ainsi, sur le plan
clinique, l'absence de constitution, la perte ou la fragilité des
fondements de l'image corporelle caractérisent de l'autisme.
Boutinaud (2013) résume trois (3) états dans
lesquels l'enfant autiste peut se retrouver dans la relation avec son
corps :
- un état dans lequel l'activité mentale est
absente et où la représentation du corps laisse place à un
vécu corporel brut fait de jaillissement d'excitations qui n'arrivent
pas à se traduire en affects et en angoisses ;
- un état où l'activité mentale devient
« balbutiante » s'appuyant sur l'identification
adhésive pour parvenir à la figuration d'un espace corporel
à deux dimensions. C'est à ce niveau que les angoisses
corporelles de déchirement ou de perforation commencent à se
spécifier. Dans ce contexte, l'enfant peut mobiliser des
mécanismes de défense qui risquent d'empêcher
l'élaboration de l'image du corps ;
- un état où l'activité mentale commence
à s'enrichir et le Moi corporel est perçu dans sa fonction de
contenance. Les mécanismes d'identification projective et l'introjection
commencent à être utilisés. Cependant, certains enfants
construisent à ce niveau des néo-contenants psychiques qui les
enferment dans une sorte de coquille.
Pour ce dernier, la plupart des enfants autistes se trouvent dans
les deux (2) premiers états avec une possibilité
d'évolution vers le troisième état. L'image du corps
n'arrive donc pas à se stabiliser du fait des allers retours possibles
entre ces différents états.Par ailleurs, Tustin parle d'une
auto-sensualité qui peine à se mettre en place car le corps, ses
parties, ses orifices et ses organes ne sont pas investis libidinalement.
Les angoisses impensables vécues par l'enfant
autiste peuvent être envisagées dans le cadre de la théorie
du Moi-peau. En effet, les perturbations de certaines fonctions du Moi-peau
font état de l'expérience vécu par l'enfant autiste
(Anzieu, 1995).
Boutinaud (op.cit.) parle d'une angoisse de
l'épanchement à la façon dont un liquide se
répandrait, le corps n'étant pas perçu par l'enfant
autiste comme un contenant capable de retenir les parties du
self envisagées comme un ensemble de particules
liquéfiées. Ces angoisses s'associent à un sentiment de
chûte interminable car les repères spatiaux sont abolis.
Tustin (1986) affirme que l'enfant autiste à
l'impression que son corps est un morceau de rocher qui s'est
détaché du haut d'une paroi rocheuse. Toutes ces terreurs
qualifiées par Winnicott d'agonies primitives sont liées à
l'impossibilité pour l'enfant autiste de trouver un contenant interne et
externe, secourable qui puisse lui permettre de se repérer.
Les mécanismes de défense
présents dans l'autisme sont primitifs et leurs déploiements par
l'enfant autiste ne peuvent que contribuer à le renfermer dans son
monde. L'utilisation répétée de ces stratégies
primitives en vue de contenir l'activité pulsionnelle
généralement vécue comme des terreurs sans nom,
empêche l'enfant autiste d'avoir accès à des
mécanismes plus élaborés et donc d'émerger.
1.1.3 Dessin en psychologie et en psychopathologie
Cette partie aborde principalement les différents
stades du développement du dessin chez l'enfant, les différentes
applications du dessin en psychologie ainsi que les liens qui existent entre
les caractéristiques du dessin et certains troubles psychiques.
1.1.3.1 Développement du dessin
chez l'enfant
· Les stades de Luquet
Luquet (1927) fut l'un des premiers à
s'intéresser aux dessins des enfants. Ses recherches ont porté
sur une monographie des dessins de sa fille Simonne. Il définit le
dessin comme un système de ligne dont l'ensemble a une forme, un
ensemble de traits dont l'exécution a été
déterminée par l'intention de représenter un objet
réel que la ressemblance avec cet objet soit obtenue ou non. Pour lui le
dessin a deux principales destinations. Le dessin peut être
exécuté pour le plaisir qu'elle procure à l'oeil. Il
affirme : « L'enfant dessine pour s'amuser. Le dessin est pour
lui un jeu comme les autres et qui s'intercale parmi eux » (Luquet,
op.cit., p.13).Même si l'enfant considère le dessin comme
un jeu, ce jeu constitue une activité sérieuse. En outre, le
dessin peut concerner la reproduction d'un objet déterminé.
Pour Luquet, l'enfant ne représente dans ses dessins
que ce qui fait partie de son expérience et ce qui s'est offert à
sa perception. En examinant les dessins d'un même enfant, on peut
constater que chacun des défauts que présentaient les dessins
antérieurs disparaissent avec le temps. Cette évolution du dessin
comporte des périodes de stagnation et même de régression.
Il propose la notion de réalisme pour caractériser le
dessin enfantin. Le réalisme du dessin concerne la nature de ses motifs
et des sujets dont il traite. Il distingue quatre stades dans le
développement du dessin chez l'enfant. Ce sont :le réalisme
fortuit, le réalisme manqué, le réalisme intellectuel et
le réalisme visuel.
- Le réalisme fortuit (Vers 2ans)
Au début, l'enfant fait des tracés sans
intention de faire une image. Pour lui, faire un tracé c'est
exécuter des mouvements de la main, ces mouvements sont comparables
à n'importe quel mouvement qu'il effectue d'habitude. Il s'agit ici
d'une sorte de décharge de l'énergie neuromusculaire dont le
plaisir incite l'enfant à recommencer. Lorsque l'enfant voit les traces,
il se rend compte que c'est sa production, une manifestation de sa
personnalité. Il prend alors conscience qu'il possède un pouvoir
créateur et décide alors intentionnellement de recommencer. On
passe alors d'une production fortuite à une production intentionnelle.
Cependant, on en est toujours au stade de traits dépourvus de
signification. L'enfant reconnait ensuite qu'il y a certains de ses
tracés qui ressemblent à quelque chose qu'il a déjà
vu, à une image réelle ou à un objet quelconque : le
tracé devient donc la représentation de l'objet.
Pour Luquet (1927), l'enfant à ce stade ne songe
même pas à reproduire l'objet réel du fait qu'il est
convaincu que sa tentative serait d'avance vouée à
l'échec. Progressivement, chaque tracé de l'enfant reçoit
une interprétation flottante car celui-ci applique au
tracé le nom d'une chose quelconque dont il a l'idée dans
l'esprit au moment du gribouillage. Le même tracé peut recevoir
successivement plusieurs interprétations différentes. Puis
l'enfant devient capable de produire d'une manière constante des
tracés toujours sans intentionnalité qu'il essaie de
perfectionner à travers quelques additions et des reprises. Il finit
alors par acquérir la faculté graphique totale car il
est capable d'annoncer son intention (ce qu'il va faire), d'exécuter et
d'interpréter ses tracés.
- Le réalisme manqué (3-4 ans)
Cette étape est marquée par une imperfection
générale du dessin ou incapacité synthétique. A ce
stade, l'enfant veut que son dessin soit réaliste mais il n'arrive pas
à le reproduire. Le premier obstacle est une immaturité physique
qui ne lui permet pas de bien diriger et limiter ses mouvements graphiques de
manière à donner à son tracé l'aspect
souhaité. Le second obstacle concerne une discontinuité de
l'attention enfantine. L'enfant ne reproduit que très peu les
détails de l'objet représenté bien qu'il est conscient de
leur existence. Il cherche à représenter tous les détails
dont il songe et en fonction du degré d'importance qu'il accorde
à telle ou telle partie de l'objet. Des détails viennent
s'ajouter au dessin précédent dès qu'ils attirent
l'attention de l'enfant. Lorsqu'il dessine un détail, il ne pense plus
à ce qu'il a tracé auparavant.
Luquet considère que l'attention de l'enfant dans cette
phase s'épuise vite parce qu'elle doit songer à ce qu'il faut
dessiner et contrôler les mouvements graphiques par lesquelles la
représentation se fait. Le dessin est achevé pour l'enfant
lorsque son attention est épuisée même si le dessin semble
incomplet pour l'adulte qui l'observe. Dans cette phase on note
également des défauts dans les éléments
représentés, des disproportions, des exagérations de
dimensions, des disjonctions, des extériorisations et des inclusions de
détails, une mauvaise relation des parties représentées.
L'imperfection générale du dessin disparait progressivement au
fur et à mesure que l'attention de l'enfant se développe.
- Le réalisme intellectuel (4-10 ans)
Dans le réalisme intellectuel, l'enfant
considère que son dessin ressemble à l'objet
représenté s'il contient tous les éléments
réels visibles ou invisibles (c'est-à-dire tout ce qui y est) de
cet objet. Il cherche à donner dans le dessin la représentation
la plus complète et la plus fidèle. Parfois, ce réalisme
intellectuel peut pousser l'enfant à représenter des
éléments abstraits qui n'existent que dans son esprit. En fait,
à ce stade l'enfant ne dessine que pour sa propre satisfaction et s'il
lui arrive de présenter ses dessins à l'adulte c'est pour montrer
son habileté à dessiner à ce dernier.
C'est à ce stade qualifié d'apogée du
dessin enfantin que l'enfant commence à ajouter des légendes
à ses dessins mais qu'il ne sait pas encore écrire. Il
considère le nom de l'objet comme un de ses caractères au
même titre que ses différentes parties, celui-ci doit donc figurer
dans le dessin.
Les dessins de l'enfant sont aussi caractérisés
par :
Ø La transparence qui consiste à
figurer dans le dessin des éléments invisibles de l'objet comme
si ceux qui les masquent sont devenus transparents (par exemple des meubles
d'une maison visibles de face, le corps du bonhomme visible sous ses
vêtements ou sous les couvertures d'un lit).
Ø Le plan qui consiste à figurer
l'objet par sa projection sur le sol, comme s'il était vu de dessus. Ce
type de représentation est surtout appliqué aux maisons vu de
l'intérieur.
Ø Le rabattement qui consiste à
rabattre de chaque côté les supports des objets (pieds des
animaux, des meubles, les roues des voitures).
Luquet considère que la fin du dessin enfantin est
caractérisée par une renonciation au réalisme intellectuel
comme mode de représentation graphique des objets et la volonté
de se conformer à l'apparence visuelle. Ce dépassement n'est pas
une tâche facile car il est possible de rencontrer des adultes dont les
dessins révèlent qu'ils n'ont pas dépassé le stade
du réalisme intellectuel.
- Le réalisme visuel (Vers 12 ans)
L'exécution du dessin à ce stade se soumet
à la réalité de l'objet tel qu'il est perçu.
L'enfant a en quelque sorte atteint la période adulte et ses dessins
tendent à se perfectionner par l'apprentissage de certaines techniques
spéciales. Le réalisme visuel suppose une exclusion des
procédés à l'oeuvre dans le réalisme intellectuel.
C'est ainsi que l'opacité (suppression dans le dessin des
détails objectivement invisibles) se substitue à la
transparence et la perspective (qui consiste en une
modification de la silhouette d'un objet ou d'un détail vu de face ou de
coté) au rabattement.
La narration graphique apparaît alors sous plusieurs
formes: une scène ou plusieurs scènes de l'histoire sur le
même dessin ou encore un mouvement décomposé dans le
même dessin. Le point critique de ce dernier stade est que maintes fois,
le réalisme intellectuel vient s'y substituer.
L'examen du dessin par Luquet nous a permis de comprendre la
psychologie de l'enfant qui selon lui est influencée par des facteurs
extrinsèques (la société, la famille) et
intrinsèques (absence des leçons de l'expérience,
prédominance de l'instinct). En outre, Luquet considère que le
dessin peut et doit intervenir dans l'explication de la réalité
psychique de l'enfant. Il affirme : « Par le sérieux avec
lequel il s'applique à ses dessins, par les facultés qu'il y met
en oeuvre, l'enfant forge, si l'on peut le dire, son organisme
psychique. » (Luquet, 1927, p.182). Luquet pense que l'enfant utilise
la couleur de façon réaliste ou décorative. L'utilisation
de la couleur est réaliste lorsqu'elle est conforme à l'objet
(plante, ciel, eau) et décorative quand l'objet est d'une autre
couleur.
1.1.3.2 Dessin du bonhomme
La représentation de la personne humaine a toujours
occupé une place de choix parmi les autres types de dessin que
sont : le dessin de la maison, le dessin de la famille, le dessin de
l'arbre, etc. Plusieurs auteurs (Cox, 1993 ; Goodnow, 1977 ;
cité par Scetbon, 2013) observent que ce dessin-là est
probablement aujourd'hui, le plus précoce, le plus fréquent et le
plus valorisé par les adultes. C'est probablement le dessin le plus
étudié par les chercheurs.Son analyse peut aider à
évaluer le stade de maturation de l'enfant par rapport à sa
découverte des structures corporelles.
· Les étapes de la représentation de la
figure humaine
L'accès à la représentation chez l'enfant
est conditionné par sa capacité à sortir d'un état
symbiotique et indifférencié afin de pouvoir accéder au
monde qui l'entoure et se différencier de l'autre. En effet, le
nourrisson ne reconnait sa mère qu'à partir des sensations
visuelles, tactiles, auditives et olfactives.
Quelques semaines plus tard, les sensations visuelles seront
privilégiées par rapport aux autres. C'est alors que l'enfant
pourra distinguer le visage de sa mère du visage de l'étranger
(angoisse du 8ème mois) : il s'agit d'une
première forme de différenciation. Le visage de la mère
est considéré comme le premier miroir qui renvoie à
l'enfant ses émotions et lui permet de structurer sa
personnalité. La différenciation progressive de l'enfant face
à l'image maternelle lui permet de prendre conscience du dedans et du
dehors. L'image du corps se met en place lors de cette expérience et
peut être représentée à travers la projection.
Du point de vue symbolique, il existe une ressemblance entre
le miroir et la feuille de dessin. Tout comme le miroir reflète l'image
spéculaire de l'enfant, la feuille blanche est une surface neutre
où se projette l'image du corps à travers le geste de
dessiner.
- Avant 18 mois
Avant le 18ème mois de la vie, on dit
généralement que l'enfant produit des traces plutôt que
des dessins. On distingue alors des traces non figuratives et des traces
pré-figuratives. Celles-ci apparaissent lors des contacts ou les
mouvements des doigts, des mains ou des pieds tachetés sur une surface
donnée.
Tisseron pense qu'il s'agit d'une forme de symbolisation
sensori-affectivo-motrice par le geste. Ces traces participeraient
à la mise en place de deux fonctions psychiques primordiales : la
fonction d'enveloppe et la fonction de transformation. Ces grandes fonctions
sont associées aux fantasmes de peau commune avec la mère et de
séparation progressive. En fait, La production de telles traces favorise
l'introjection du fantasme de peau commune, puis son dépassement
(Tisseron, 1995 ; cité par Scetbon, 2013). Pour Haag, les
premières traces se font sur les murs ou sur le sol puis progressivement
sur une feuille détachable du fait d'un dédoublement de la peau
commune (structure en double feuillet de l'enveloppe psychique). Les traces
apparaissent dans des moments où l'enfant se trouve séparé
du corps de sa mère, cela lui permet de projeter les rudiments de son
image corporelle et de représenter les mouvements de va-et-vient de la
mère qui aboutiront à la séparation (Haag, 1995 ;
cité par Scetbon, op.cit.).
- Vers le 18ème mois
Au cours de cette période, l'oeil de l'enfant suit ses
mouvements graphiques sans pouvoir les guider : il a un contrôle
visuel de ses gestes. Pour Tisseron (1995), les traces qui apparaissent
à cet âge sont secondaires, correspondent à la mise en
scène visuelle des fantasmes que les traces primaires ont
contribués à réaliser (Tisseron, 1995 ; cité
par Scetbon, op.cit.).
Deux principales traces apparaissent au cours de cette
période(Haag, 1995 ; cité par Scetbon,
op.cit.) :
Ø les formes circulaires, arrondies ou ovoïdes
souvent refermées sur elles-mêmes et contenant d'autres formes
arrondies ou des points ou des fragments de traits.
Les différentes figures qui y sont issues mettent en
scène le fantasme d'enveloppement réciproque mère-enfant.
L'enfant peut avoir tendance à entourer le contour de la feuille par un
trait comme s'il créait un cadre pour entourer ses surfaces de
figuration. Les figures circulaires avec des surfaces vides correspondent
à des ébauches de conteneurs (le creux maternel et les contours)
plutôt que des contenants. Dans le cas où il existe un point ou
plus à l'intérieur de ces ébauches de cercle on pourrait
penser à des yeux ou les seins maternels.
Ces ébauches de cercles ne pourront symboliser des
formes de contenances que lorsqu'elles se fermeront complètement.
L'enfant à ce stade parvient à figurer trois
représentations symboliques dites essentielles. La première
figuration concerne le Moi psychique de l'enfant qui remplit une fonction de
contenant de pensée comme en témoignent tous les traits et les
points à l'intérieur du cercle. Ensuite vient la
représentation symbolique de l'unité primitive mère-enfant
avant la séparation et enfin la séparation avec une mère
détachée avec le soi de l'enfant.
Ø Les balayages dans lesquels le crayon inscrit les
va-et-vient de la main, aboutissant à la réalisation de lignes
ondulées.
Les lignes mettent en scène le fantasme d'un
éloignement et d'un rapprochement rythmique du corps de la mère
et de son psychisme. L'enfant a dès ces moments accès à
une représentation de la permanence intérieure de la mère.
L'absence physique de la mère n'est plus une source d'angoisse pour
l'enfant.
- Entre 18 mois et 3 ans
C'est la période où l'usage de la main est
primordial, celle-ci relayant peu à peu la bouche dans l'exploration des
objets. La tenue et l'utilisation du crayon s'améliore. Du point de vue
du développement psychologique, la sphinctérisation anale est
entamée, le moi-corps est bien structuré, l'enveloppe-peau est
suffisamment introjectée et dédoublée pour être
projetée sur la feuille de dessin.Les productions graphiques de ce stade
sont :
Ø le balayage simple à travers les
gestes de coloriages rythmés et les traces en dents de scies ;
Ø le pointillage : dans les
premières figurations, les points vont servir à
représenter les éléments des premiers visages que l'enfant
reconnait ainsi que les orifices de communication. Les points à
l'intérieur du corps peuvent figurer des boutons ou symboliser le
squelette interne de l'enfant. Les points de dehors (soleil,
étoile, pluie, etc.) représentent des éléments de
nature affective ;
Ø les spirales qui sont les tracés
privilégiés des enfants d'âges compris entre 2 ans et 2
ans 6 mois. Dans le développement normal de l'enfant, les spirales se
font dans le sens antihoraire à partir du centre. Lorsque l'enfant
grandit, ce sens à tendance à s'inverser. Pour Haag, la spirale
correspond à une image qui représente l'enroulement du corps de
la droite sur la gauche (Haag, 1995 ; cité par Scetbon, 2013).
- Entre 3 et 4 ans
Les formes se complexifient avec l'apparition de plusieurs
inclusions, l'enfant représente une individuation sous la forme d'une
enveloppe individuelle séparée de la mère. Nous avons
les formes solairesqui constituentdes formes rondes auxquelles
viennent se rattacher des traits. Ces formes représentent le visage, les
yeux, les mains, et des objets d'amour (« papa »,
« maman ») et soi en miroir. Ces formes solaires sont
bisexuées.
Pour Baldy (2009), c'est vers l'âge de trois ans que les
premiers bonshommes émergent du gribouillage. Il distingue d'abordle
bonhomme rond quiest composé d'une figure fermée dans
laquelle quelques traits s'entrecroisent. Ce type de bonhomme traduit la vision
syncrétique du corps humain par l'enfant.
Ensuite, on a lebonhomme énuméré
qui se compose des parties du corps que l'enfant connaît et qu'il
nomme. Ici, l'enfant a une vision discontinue du corps humain. Ces premiers
bonshommes rendent compte de l'impossibilité pour l'enfant de coordonner
les parties et le tout.
C'est vers 3 ans et 6 mois qu'on verra apparaitre
lebonhomme têtard ou figure-têtard apparait en
moyenne à 3ans et demi. Les formes solaires sont orientées, les
traits dans la partie supérieure deviennent des cheveux et les traits
dans la partie inférieure figurent les membres (bras et jambes). Il
s'agit dès ces instants d'une projection du schéma corporel du
fait de la spécificité de la figure fermée et à la
présence du regard. En effet, les yeux permettent au visage de s'animer
et entre en jeu dans la reconnaissance des personnes et des choses. Les
bonshommes-têtards des enfants ont généralement deux
jambes, deux bras ou des cheveux. Ils sont caractérisés par leur
aspect rayonnant, leur contenance et la présence des yeux.
Le bonhomme-têtard est la structure de base de
la représentation des êtres, cette figure apparaît comme le
support de l'identité à un âge où l'enfant devient
capable d'utiliser le " je " dans la communication. Le bonhomme-têtard
n'est pas un bonhomme sans ventre, mais un bonhomme dans lequel la tête
et le ventre seraient confondus.
- A partir de la 5ème
année
Le bonhomme se structure peu à peu au cours de la
cinquième année en se rapprochant de la réalité
(stade du bonhomme complet ou conventionnel). Pour dessiner
le bonhomme conventionnel, l'enfant doit interrompre son travail
après le dessin du rond figurant la tête, puis faire un rond pour
le tronc et reprendre pour ajouter les membres. Les détails du visage
sont de plus en plus nombreux.
On peut distinguer un tronc auquel viennent se rattacher des
membres de plus en plus épais. En règle générale,
le tronc apparait soit en rattachant les bras aux traits figurant les jambes,
soit en comblant le vide situé entre les jambes (espace noirci, trait
horizontal, nombril, boutons, etc.), soit en surajoutant un ventre une fois
fini le bonhomme têtard. Le tronc du bonhomme prend une allure
géométrique, il est debout, de face, nu, souvent avec le nombril
et souriant. Les vêtements apparaissent avec leurs accessoires et les
proportions sont progressivement contrôlées.
La différence des sexes est reconnue vers la
7ème année (stade de la différenciationdes
sexes) et affirmée à travers l'ornementation (bijoux, jupes,
moustaches, cheveux) et les scènes. Katzaroff, a remarqué que les
garçons ne dessinaient que 1 % de filles et que, réciproquement,
les filles avaient tendance à dessiner des personnages féminins
(Katzaroff, 1909 ; cité par Baldy, 2009).
Entre 6-10 ans, l'enfant devient capable de faire une
représentation en profil du bonhomme (stade du profil). On
aboutit à la représentation d'un bonhomme contour, qui
intègre l'ensemble du corps dans un tout cohérent. Ce bonhomme en
plus du profil, peut désormais se baisser et éprouver une
émotion. Cela montre qu'il est capable d'une aptitude à la
décentration, au regard extérieur et sur lui-même. Les
différentes étapes du développement du graphisme et du
bonhomme sont répertoriées dans les deux tableaux
ci-après.

Tableau 1: Les étapes de
représentation de la figure humaine d'après Baldy (op.cit.,
p.134).

Tableau 2: Principaux stades du
graphisme et de la représentation de la forme humaine (Marcilhacy C et
coll., 2011).
1.1.3.3 Valeurs psychologiques du contenu
du dessin
· Valeur projective du dessin
La valeur projective du dessin réside dans son contenu
manifeste que dans son contenu latent. Le contenu manifeste concerne le
matériel qui est « induit plus ou moins consciemment» par
l'individu. Le contenu latent, quant à lui, est le matériel
inconscient livré par le sujet (Widlöcher, 2002 ; cité
par Scetbon, 2013).Le dessin est donc un outil projectif où l'individu
peut représenter sa vie intérieure par l'intermédiaire
d'images et de symboles très personnels et qui ont signification
particulière. De ce fait, le dessin est considéré comme
un outil qualitatif qui permet de faire émerger le sens d'une
expérience pour un individu.
Pour Philippe Wallon, l'enfant projette sur la feuille de
papier, les sentiments qui l'occupent intérieurement. Le dessin
constitue donc un médiateur qui permet de révéler les
difficultés psychologiques (angoisses) de l'enfant et ses
mécanismes de défense, ses intérêts, son estime de
soi, etc(Wallon, P., 2012, cité par Scetbon, op.cit.).
Widlöcher (2002 ; cité par Scetbon,
op.cit.)considère que les commentaires de l'enfant sont aussi
importants que l'observation du dessin et des séries de dessins. Pour la
lecture d'un dessin il propose plusieurs niveaux :
- 1èr niveau : identification
des objets figurés et la scène représentée.
L'histoire racontée à travers le dessin est
révélatrice de l'activité imaginative de l'enfant.
- 2ème niveau : étude
des particularités formelles (taille et forme) qui présentent
également une valeur narrative.
- 3ème niveau : prendre en
compte les réactions affectives liées au travail et
l'impression d'ensemble.
· Dessin et quotient intellectuel : le test de
dessin du bonhomme
En 1926, Florence Goodenough créa un système de
cotation (test de Goodenough) à partir du dessin d'un bonhomme parce
qu'elle pensait que des composantes intellectuelles existaient dans le dessin
d'enfant. Son test utilise une cotation à échelle composée
de 51 critères binaires «absence-présence»
évaluant la quantité de détails, les proportions et la
coordination motrice (Picard &Baldy, 2011).
En 1984, Royer (cité par Picard &Baldy, 2011) a
également élaboré une grille d'analyse du dessin du
bonhomme afin de faire ressortir le quotient intellectuel et des indices
cliniques reliés à la personnalité de l'enfant.
L'étalonnage de son test concerne les enfants de 3 à 12 ans 6
mois. Elle a administré le test du dessin d'un bonhomme et le WISC
à un échantillon de 35 sujets d'intelligence normale,
garçons et filles, âgés de 7 à 13 ans, dont le Q.I.
moyen était de 105, les extrêmes atteignant 90 et 130. Elle a
ensuite administré les deux mêmes tests à un
échantillon de 35 déficients légers et moyens,
âgés également de 7 à 13 ans, dont le Q.I
s'étendait de 42 à 92 et ayant une moyenne de 73.
De ses multiples travaux, elle parvient aux conclusions
suivantes :
- sur le plan de l'intelligence, les résultats
obtenus au dessin du bonhomme peuvent permettre de discriminer, dans une
certaine mesure, les normaux des débiles, ou encore les débiles
légers des débiles profonds, mais non pas les sujets
d'intelligence moyenne des sujets d'intelligence supérieure ;
- pour réussir à bien dessiner un bonhomme,
il faut un minimum d'intelligence qu'on pourrait situer aux alentours d'un Q.I
de 80 à 90. Passé ce cap, d'autres éléments entrent
en jeu pour favoriser le dessin de la forme humaine ;
- aux niveaux les plus bas, l'influence de la perception
spatiale sur le dessin est la plus forte; aux niveaux moyens, c'est
l'intelligence globale; aux niveaux les plus hauts, c'est l'intelligence
verbale (Royer, 1984, p. 72).
· Style graphique et traits de personnalité
Plusieurs auteurs ont identifié des indices graphiques
à analyser lors de l'interprétation d'un dessin. Ces indices sont
révélateurs des traits de personnalité ou encore les
émotions ressenties lors de l'exécution du dessin.
En 1947, (cité par Scetbon, 2013) ont comparé le
style graphique d'enfants et leur vie affective. Leurs travaux ont permis de
trouver des associations entre le type de formes représentées et
certains aspects de la personnalité. Ils ont découvert
que :
- les enfants qui représentaient les lignes droites et
les angles étaient plus réalistes, souvent agressifs et
opposants. De plus, ils avaient de bonnes capacités d'organisation et
d'initiative ;
- les enfants qui préféraient les lignes courbes
étaient plus sensibles et avaient tendance à rechercher
l'approbation des adultes. Ces enfants étaient imaginatifs mais
manquaient de confiance en eux ;
- la prédominance de formes circulaires serait un signe
d'immaturité et de féminité.
- l'équilibre entre formes circulaires et lignes
verticales serait le reflet d'un bon équilibre et d'un contrôle de
l'impulsivité ;
- les enfants qui avaient recours aux verticales avaient un
tempérament viril, actif, constructeur et extraverti ;
- les lignes horizontales étaient plus rares et
seraient l'indice de conflits psychologiques.
· Utilisation de l'espace
- L'emplacement du dessin sur la page
On peut considérer l'emplacement du dessin comme un
aspect structural de base du dessin, riche en significations de l'image du
corps. Il est étroitement lié à la hauteur du personnage
dessiné, à sa position, à son expansion dans le cadre
graphique.
Cette notion spatiale n'est pas géométrique mais
psychologique c'est-à-dire subjective. En effet, on fait
référence ici à l'espace dans lequel peut
s'épanouir le moi de l'enfant, ses activités, ses projets de vie.
Cet espace est en fait, le produit de synthèses, de mouvements qui
intègrent des sensations kinesthésiques, visuelles,
proprioceptives, tactiles, auditives. Toutes ces sensations sont vécues
au cours des relations affectives des autres envers l'enfant et de l'enfant
envers les autres (Scetbon, 2013).
Cette position qu'occupe le dessin sur la feuille est donc en
relation avec les désirs, les conflits, les anxiétés qui
marquent les processus de réalisation de soi. Ceux-ci sont gravés
dans l'image du corps et c'est par son intermédiaire que le dedans et le
dehors s'unissent pour déterminer « l'espace vécu » de
chacun.
On considère généralement que l'axe
vertical est étroitement lié au sentiment du poids du corps.
En effet, dans une humeur d'optimisme, de rêverie, d'aspiration, le
corps s'élève comme dégagé de son poids réel
alors que dans une humeur dépressive, le corps devient lourd et est
dans un mouvement de chute en bas. L'image symbolique de « en haut »
et « en bas » dans les traditions et dans les religions est
liée à la survie et à la mort.
L'emplacement horizontal renvoie à la relation
du sujet envers soi-même et vers les autres. Machover (1949)
interprète le choix de la partie droite de la feuille comme
témoignage d'une personnalité tournée vers les autres,
tandis que l'usage de la partie gauche indique une personnalité
tournée vers elle-même. Buck (1948) a, pour sa part, introduit la
dimension temporelle dans le dessin. La partie droite concerne une orientation
vers l'avenir et la partie gauche indique l'impulsivité ou la
satisfaction émotionnelle. Un personnage bien centré dans la
feuille correspond à une maturité. Cette interprétation
s'accorde avec le symbolisme de la droite et de la gauche. La main droite est
la main éduquée, socialisée. La main gauche est plus sous
l'emprise de la spontanéité, du naturel, de la
personnalité.
Plusieurs études ont établi un lien entre
l'emplacement du dessin à gauche et l'anxiété. Par
exemple, Handler et Reyher ont constaté dans leurs recherches que
l'emplacement à gauche va de pair avec l'anxiété. Johnson
lui aussi a trouvé que les étudiants qui sont bien notés
dans leurs études, révèlent une anxiété, et
préfèrent placer leur personnage dans la partie gauche en haut de
la page. Les personnes inhibées, ayant des difficultés sociales
ont tendance à choisir le déplacement du personnage dans une
extrémité de la page (Handler &Reyher, 1964 ;
cité par Anusaksathien, 2011).
Lorsqu'un dessin occupe une très petite dimension, cela
est associé à une perception négative de soi, à la
dévalorisation et à la timidité. Cependant, il sera signe
de confiance en soi, d'extraversion s'il occupe plus de la moitié d'une
feuille. Dans ce dernier cas, il peut aussi indiquer une difficulté
à se contrôler ou une tendance à passer à l'acte
(Crotti&Magni, 1996; Urban, 1963 ; cités par Scetbon,
op.cit.).
Pour Alschuler et Hattwick (1947 ; cité par
Scetbon, op.cit.), la tendance de l'enfant à dépasser le
cadre lors du dessin est associée à un manque de contrôle
et serait un signe d'immaturité ou une attitude d'opposition.
Les enfants qui n'acceptent pas les limites réalisent
de grands dessins jusqu'au bord de la feuille. Si le dessin est excentrique ou
de très petite taille, cela serait un indice de
déséquilibre.
Les enfants inhibés n'osant pas explorer le monde,
réalisent souvent de petits dessins. Si l'enfant à une
préférence pour la partie supérieure de la feuille, cela
marquerait l'orgueil, alors que la préférence de la partie basse
serait liée à la stabilité. Pour ces deux auteurs, l'usage
du côté droit ou gauche de la feuille ne serait pas significatif
d'un trait de personnalité.
Quant à Max Pulver (cité par Scetbon, 2013) a
tenté de diviser la feuille de papier en plusieurs zones symboliques.
Pour lui, le haut de la feuille correspond à la zone de l'esprit et de
l'épanouissement dans le monde ambiant, le bas exprimerait la zone des
tendances érotiques, des pulsions biologiques et notre appartenance au
monde collectif, la gauche figurerait le passé, l'introversion, les
fixations infantiles et la droite symboliserait l'avenir, l'extraversion,
l'autorité. Le centre serait la zone où se projette le Moi du
sujet et les diagonales représenteraient des combinaisons des quadrants
décrits. Ces zones symboliques sont illustrées par Royer dans le
tableau 3 ci-après.
Tableau 3: Zones symboliques
de la feuille du dessin (Royer 1995 ; cité par Couillard), 2011.

· Utilisation de la couleur
Pour Buck (cité dans Royer, 1995), la couleur
révèle le noyau affectif le plus profond de la psyché.
Pour Royer (op.cit.), un dessin sans couleur peut être
comparé à une phrase sans qualificatif ni tonalités
affectives. Les enfants bien adaptés font des dessins avec une
variété de couleurs alors que les enfants émotionnellement
instables n'utilisent que quelques couleurs.
Selon Greig (2000), les plus jeunes enfants choisissent les
couleurs qu'ils préfèrent (le rouge en particulier) sans se
préoccuper des teintes naturelles. Pendant la période de latence,
le choix des couleurs devient de plus en plus réaliste. Au début
de l'adolescence, la couleur est généralement abandonnée.
Widlöcher (2002), après une étude sur
l'utilisation des couleurs chez des enfants révèle que :
- les enfants ouverts, bien adaptés au groupe ont
tendance à utiliser les couleurs chaudes ;
- les couleurs neutres sont retrouvées chez des enfants
renfermés, indépendants et le plus souvent agressifs ;
- le rouge est la couleur préférée des
jeunes enfants, mais chez les enfants plus grands, elle exprimerait des
mouvements d'hostilité et des dispositions agressives ;
- les enfants qui utilisent le bleu se conformeraient aux
règles extérieures et se répartissent en groupes : ceux
qui n'acceptent pas ces règles en profondeur et ceux qui les
acceptent ;
- l'utilisation du noir serait liée à la peur,
l'anxiété et des comportements dépressifs ;
- l'orange refléterait un état d'esprit heureux,
détendu et le brun, le besoin de salir ;
- le vert serait utilisé en lien avec une
réaction contre la discipline trop rigoureuse ;
- le violet serait témoin de tensions
conflictuelles.
La répartition des couleurs est également
à prendre en compte. La superposition serait le reflet d'un conflit des
tendances. L'isolement des couleurs refléterait rigidité et
crainte. Le mélange sans discrimination serait lié à une
immaturité et de l'impulsivité.
Selon Barbey, les dessins monochromes, de couleur sombre
marquent, des affects dépressifs, abandonniques. Les dessins
multicolores, aux couleurs exubérantes sont un signe de défenses
maniaques tandis qu'un dessin où la couleur est bien
tempérée est signe d'une affectivité moins secouée
de conflits. Les couleurs rouges et noires ont principalement été
utilisées pour représenter la douleur. Les enfants en souffrance
par rapport à leur image corporelle, proposeront des dessins
souillés ou raturés de couleurs sombres et froides (Barbey,
2002 ; cité par Scetbon, 2013). Toutefois, le symbolisme des
couleurs peut varier d'une culture à l'autre.
· Caractéristiques du trait
Le type de traits utilisé par l'enfant dans ses dessins
est également riche de sens.Fernandez (2005) propose huit
caractéristiques physiologiques du trait. Les quatre premières
qui concernent l'appui et l'épaisseur du trait, la
netteté, la droiture et la rapidité sont des
éléments actifs. Les quatre autres éléments sont
passifs : la légèreté, le caractère
pâteux, le caractèrecourbé et la lenteur
du trait.
Un tracé appuyé sans hésitation renvoie
à la vitalité et à l'affirmation de soi tandis que des
traits trop marqués, au point de trouer le papier trahissent
l'agressivité. Le tracé léger peut refléter une
timidité, de la difficulté à s'affirmer, de l'inhibition,
ainsi qu'un manque de confiance. Les courbes sont davantage associées
à la féminité alors que les angles et les lignes droites
évoquent la virilité, l'agressivité (Chermet-Carroy,
1988).
Kim-Chi (1989) mentionne que des traits trop appuyés
peuvent trahir une importante tension nerveuse tandis que des traits faibles
peuvent refléter un manque d'assurance et même un sentiment
dépressif. Les individus équilibrés auront donc tendance
à utiliser des traits d'une intensité contrôlée.
Les traits réguliers (fluides, sûrs) pourraient
refléter de bonnes capacités d'adaptation ainsi que de la
confiance en soi alors que des traits hésitants, morcelés ou
repris peuvent être présents chez des individus éprouvant
des difficultés d'adaptation. La circularité et l'arrondi du
trait seraient liés à un désir de protection.
(Crotti&Magni, 1996, 2001 ; cité par Scetbon, 2013).
Selon Royer (1984), le carré fait
référence à la rationalité, à l'abstraction
et à la dureté alors que le cercle évoque l'unité,
la cohérence, l'harmonie. En ce qui a trait au triangle, si la pointe
est en haut, il reflète la stabilité alors qu'une pointe en bas
peut évoquer le manque de stabilité. Quant à la spirale,
Royer considère qu'il s'agit d'un cercle vivant qui va en s'agrandissant
ou en se refermant sur lui-même.
Pour Aubin (1970), un trait léger allant jusqu'au
pointillé serait le signe d'une inhibition et un estompage flou pourrait
refléter une difficulté à se vivre comme une personne,
voire un sentiment de dépersonnalisation. Philippe Wallon (2012)
considère les traits repassés comme des révélateurs
d'angoisse tandis que pour Vinay, un trait net témoignerait d'une grande
capacité d'indépendance, d'un équilibre psychique et une
solidité. Par ailleurs, ce type de trait serait aussi associé
à une froideur dans les échanges sociaux. Le trait droit serait
caractéristique de la capacité à prendre des
décisions. La rapidité d'exécution du trait serait un
signe de l'énergie motrice. Un trait léger évoquerait la
timidité, la fragilité, le manque de confiance en soi. Un trait
pâteux serait lié à une charge affective importante. La
lenteur du trait témoignerait d'obstacles psychiques (Vinay, 2007).
D'après Alschuler et Hattwick (cité par Scetbon,
2013), la représentation de lignes avec des directions cohérentes
est associée à l'esprit de décision, alors que la
représentation de traits qui vont dans toutes les directions est le
reflet d'une impulsivité. Les formes angulaires reflètent un
maniérisme agressif tandis que la disposition en zigzag ou la
représentation de lignes brisées seraient des signes
d'instabilité. L'absence de trace a été
particulièrement observée chez des enfants autistes
parHaag(1995).
1.1.3.4 Signes de lapathologie dans le
dessin
Pour Royer (1984), la présence d'un des critères
témoignerait de la présence d'une maltraitance (abus,
négligence) ou de l'émergence de problématiques de
santé mentale (troubles psychotiques, la dépression ou
l'anxiété) : le refus de dessiner ; l'abandon du dessin non
terminé ; l'insatisfaction manifeste ou la tendance à provoquer
le praticien ; l'incommunicabilité de la représentation ; la
représentation des scènes de violence ; l'évocation de
scènes sexuelles ; le morcellement ; la présence de
dissymétries flagrantes ; l'emploi de stéréotypies ; le
schéma corporel perturbé (disproportions,
difformité) ; la robotisation des personnages; les
couleurs utilisées de façon massive ou irréaliste ;
l'emploi exclusif du noir ; les bizarreries.
1.1.3.5 Influence de la culture sur le
dessin
En tant que fait de culture, le dessin d'enfant soulève
des problématiques cliniques qui s'associent à la
pluralité des cultures. Les caractéristiques du dessin enfantin
sont influencées par les règles culturelles (thèmes,
conventions, couleurs, composition). Pour Giraud, la culture impose ses
contraintes à l'expression graphique. L'apparition d'une
représentation interdite par la culture doit attirer l'attention. Il est
important de prendre en compte chez un enfant, la version qu'il propose de sa
culture. Celle-ci reflèterait sa santé psychique (Giraud,
2011 ; cité par Scetbon, op.cit.).
1.1.3.6 Limites
dans l'interprétation du dessin
La plupart des auteurs qui ont travaillé sur le dessin
s'accordent sur la prudence qu'il faut avoir quand on veut interpréter
les dessins des enfants. Pour Vinay (2007), l'interprétation d'un dessin
ne peut être objective que lorsque l'on a assisté à sa
réalisation. Les éléments d'anamnèse et le contexte
dans lequel le dessin est réalisé doivent être pris en
compte. Pour elle, les caractéristiques de l'activité graphique
ne doivent pas être analysées arbitrairement. Philippe Wallon
(2012) souligne que la fatigue et la copie peuvent altérer la
qualité du dessin de l'enfant.
Ce chapitre nous a permis d'éclaircir la notion
d'autisme telle qu'elle est utilisée actuellement par les scientifiques.
C'est un trouble de nature précoce qui réduira
considérablement les aptitudes relationnelles, communicationnelles et
l'autonomie comportementale de l'enfant qui en est atteint. En outre, nous
avons pu aborder les différentes théories sur l'autisme. La
deuxième partie de ce chapitre nous a permis d'aborder l'utilisation du
dessin en psychologie et en psychopathologie.Le dessin du bonhomme occupe
actuellement une place de choix dans ce contexte, d'où l'importance de
son utilisation dans l'évaluation et l'approche de l'autisme dans le
champ de la psychopathologie de l'enfant.
Chapitre 2. Cadre théorique et
problématique
Dans ce deuxième chapitre, nous présentons
d'abord la psychopathologie, puis, les théories de Royer et de Machover
et enfin, nous présentons la problématique.
2.1. Champ de l'étude : la
psychopathologie
2.1.1. Définition
La psychopathologie est définie
comme :« une approche visant une compréhension
raisonnée de la souffrance psychique » (Roussillon,
Chabert, Ciccone, Ferrant, Georgieff& Roman, 2007, p. 233). Elle
s'intéresse aux situations dans lesquelles le psychisme du sujet
n'arrive plus à s'adapter aux expériences (positives ou
négatives) inhérentes à la vie.
Pour Roussillon et al.(2007), la souffrance psychique
est liée à tout ce qui échappe au processus de
symbolisation, à tout ce qui est en attente de symbolisation et qui
reste bloqué psychiquement et sans adresse.Ceci ayant pour effet
d'empêcher l'émergence du fonctionnement psychique de
l'individu.
En dépit de la pluralité des approches en
psychopathologie, certains auteurs affirment qu' « aucune
présentation de la psychopathologie ne serait complète sans que
l'on tienne compte de l'approche psychodynamique » (Willerman&
Cohen, 1990, cité par Ionescu, 2000, p. 170).
Pour Ionescu, la psychanalyse a apporté quatre
contributions majeures en psychopathologie :
- le passé personnel notamment la petite enfance, peut
provoquer des troubles psychopathologiques lorsqu'il est occulté,
clivé, devenant ainsi inconscient ;
- la sexualité a un rôle primordial dans la
compréhension des symptômes névrotiques ;
- les expériences individuelles
(évènements, traumatismes, facteurs familiaux et sociaux) en
fonction de la période à laquelle elles surviennent peuvent avoir
une incidence néfaste sur le fonctionnement psychique ;
- la maladie mentale constitue une tentative d'ajustement, de
résolution des problèmes qui n'ont pu être résolus
de manière plus satisfaisante : c'est une forme
d'ordre.
2.1.2. La Métapsychologie
La métapsychologie est la base théorique de la
psychanalyse. Elle permet d'approcher le fonctionnement psychique selon trois
(3) paramètres. D'abord, il y ale point de vue topiquequi
décrit différentes instances intrapsychiques permettant ainsi de
comprendre le fonctionnement mental.Le point de vue dynamique quant
à lui, évoque la notion de conflit intrapsychique. En effet, des
conflits pulsionnels ou inter-systémiques apparaîtraient suite la
combinaison de forces plus ou moins antagonistes. Enfin, il y a le point de
vue économique qui est une approche quantitative des forces en
présence. Il implique une étude de la circulation au niveau des
instances et de l'investissement de l'énergie psychique sur les objets
ou les représentations.
Après Freud (1856-1939), d'autres auteurs ont introduit
le point de vue génétique ou
développemental(Marcelli& Cohen, 2009). Ce point de vue met
l'accent sur l'évolution des instances psychiques et des conflits en
fonction du niveau de développement.
2.2. Théories de référence : le
dessin du bonhomme selon l'approche de Royer et de Machover
2.2.1. Les stades de Royer
L'évolution du dessin chez l'enfant telle que Royer l'a
développée est liée à l'acquisition progressive de
la notion du temps et de sa traduction dans le graphisme. Elle distingue cinq
stades principaux qui sont :
· Le stade préliminaire ou gribouillage moteur
(1 à 3 ans)
C'est la période gribouillage proprement dit, celui-ci
prend fin avec le gribouillage intentionnel où apparaissent des formes
reconnaissables dans le dessin de l'enfant. C'est dans ce stade qu'apparaissent
le « bonhomme têtard » et la maison « en forme de simple
enclos » : forme arrondie ou angulaire très simplifiée.
Kellogg décrit explicitement les 20 tracés fondamentaux qu'elle a
repérés au cours de ses observations, c'est-à-dire les 20
premiers gribouillis exécutés par l'enfant. Ces tracés
sont indiqués dans le tableau suivant.
Tableau 4: Les vingt
tracés fondamentaux de Kellogg (Kellogg, 1970 ; cité par Gervais,
2005).


· Le stade du dessin éparpillé (4
à 6 ans)
A ce stade, le graphisme est intentionnel et
représentatif. Royer considère que l'enfant ne recherche pas un
lieu sur la feuille pour sa représentation, il n'y a pas de chronologie
et les thèmes sont versatiles. En effet, les différentes formes
représentées par l'enfant sont dispersées sur la feuille,
elles flottent dans l'espace graphique, sans ordre et ne sont pas
parallèles aux bords de la feuille. Il arrive que la même
représentation soit nommée différemment. Les
différentes formes représentées sont à dominantes
anthropomorphiques et la verticalité ne s'acquiert que tardivement. Pour
Royer, c'est la période où les affects oedipiens se manifestent
chez l'enfant et se traduisent graphiquement par la multiplication des
thèmes, des symboles le plus souvent à caractère
phallique.
· Le stade du dessin localisé (6 à 8
ans)
Ce stade correspond à la période de latence, la
période de la scolarité. Le thème du dessin devient unique
même si parfois l'enfant présente plusieurs formes.
L'écriture se différencie du gribouillage et contribue à
améliorer les règles d'orientation dans l'espace, la forme et la
dimension imposées au tracé. La notion du « haut et du
bas » est acquise à travers la représentation du ciel,
du soleil, des arbres, du sol, etc. La notion du temps est
évoquée sous la forme du temps qu'il fait et non sous la forme du
temps qui s'écoule (matin, soir, saisons). La verticalisation est
acquise et l'enfant dessine au crayon noir avant de colorier. Les
éléments sont en relation les uns avec les autres mais la
transparence peut persister jusqu'à 7ans.
Entre 5 et 7 ans, la représentation du soleil est
maximale et Royer propose l'idée de la signification oedipienne du
soleil représentant le père. Vers la fin de ce stade, les
représentations anthropomorphiques baissent considérablement.
· Le stade du dessin temporalisé à
l'âge (9 à 11 ans)
A cet âge, l'unité du temps est acquise par
l'enfant et l'espace de la feuille est bien occupé. La
représentation des objets et des personnes est influencée par les
connaissances que l'enfant accumule. Les formes que l'enfant représente
prennent en compte la variation des dimensions des objets en fonction de leur
éloignement et des relations qu'ils peuvent avoir entre eux.
Le vide entre la terre et le ciel se remplit et la ligne
d'horizon apparait. La représentation des formes cubiques n'est pas
encore maitrisée. La notion de profondeur est acquise et se manifeste
à travers les représentations en plan, la représentation
des motifs de dimensions différentes pouvant être cachés
partiellement en fonction de leur position.
La représentation du mouvement dans les dessins est
intégrée de même que la présentation des personnes
ou des animaux d'âges différents. Le contexte historique s'inscrit
alors dans les dessins. On observe le passage de l'expression implicite
à l'expression explicite (titre, légendes et commentaires).
· Le stade critique (au-delà de 12-13 ans)
Il y a un désintérêt progressif du dessin
chez le préadolescent. Ses dessins sont généralement
empruntés aux bandes dessinées, aux médias (caricatures)
plutôt qu'à la spontanéité créative.
Aubin(1970) pense que c'est la remise en cause de ses
capacités dans le dessin et l'investissement du langage verbal comme
moyen d'expression qui sont à l'origine de la régression du
dessin chez le préadolescent. Ils découvrent à travers les
longues conversations un moyen de communication qui les affranchit de
l'enfance, un moyen de s'affirmer dans les relations sociales et de se
découvrir.
Seul un petit nombre d'adolescents vont conserver un
intérêt pour le dessin, ils travaillent alors à renforcer
en nombre et en qualité les caractéristiques du stade
précédent.
Pour Royer, l'évolution du dessin est liée au
système éducatif de la société qui tend à
développer l'activité de l'hémisphère
cérébral gauche, celui de la raison, aux dépens de
l'hémisphère droit, celui de l'affectivité et de
l'intuition.
Le personnage humain est l'un des contenus les plus
retrouvés dans les dessins d'enfants. Lorsque le personnage est seul, on
pourrait supposer qu'il s'agit d'un autoportrait réalisé plus ou
moins consciemment (Royer, 1995).
La présence des animaux peut
représenter la complicité, la communication non verbale, mais
peuvent également être un symbole des instincts de l'enfant. Ils
peuvent servir à masquer une réalité humaine. L'eau
représenterait la mère et l'essence du féminin tandis
que le feu serait le symbole de la puissance virile. Le
soleil est généralement associé à l'image
paternelle alors que la lune, symbole lié à la
féminité, évoque la nuit et les mystères (Royer,
op.cit.).
2.2.2.Interprétation du dessin du bonhomme
d'après Machover
Dans la perspective psychanalytique, toute trace
laissée volontairement sur un support par un sujet, peut être
traitée comme une projection de soi. Le dessin du bonhomme chez l'enfant
est perçu comme son autoportrait chargé de connotations
affectives. Il permet d'appréhender les relations entre l'enfant et son
environnement. Au départ, l'enfant ne vit pas son corps comme une
totalité unifiée. Il n'arrive pas à distinguer son corps
de ce qui lui est extérieur. Il le perçoit comme quelque chose de
dispersé, de morcelé. C'est le stade du miroir qui va mettre un
terme à ce fantasme et qui va permettre à l'enfant
d'accéder à un vécu psychique de son corps, une
représentation de son corps comme une totalité unifiée.
Pour Machover (1949), le dessin du bonhomme est un reflet
fidèle de l'humeur et une projection authentique de la
personnalité, tant dans ses éléments conscients que dans
ses éléments inconscients. Il peut être utilisé
aussi bien dans l'examen psychologique de l'enfant que de l'adulte.
L'étude de cet auteur est centrée sur le symbolisme des organes
et des détails vestimentaires.Du point de vue de la psychanalyse, chaque
partie du corps a une symbolique.
La tête support du visage renvoie à
l'identité, à la possibilité de se percevoir distinct des
autres. La présence ou absence des éléments du visage
dénotent du niveau de conscience de sa propre image. En outre, La
tête porte les organes de la communication directe et des principaux
organes des sens (ouïe, odorat, vue, goût). La présence ou
l'absence de certains organes (oreilles, bouche, yeux) dénotera soit
d'un oubli par manque d'intérêt pour le dessin, ou bien une
conscience imparfaite de leur existence ou de leur rôle.
L'hypertrophie ou l'absence de certains organes peut aussi
traduire des censures en rapport avec des souffrances ou des interdits. Les
bonshommes têtards disparaissent dans le développement normal de
l'enfant, dans le cas contraire, ils traduisent une pathologie. C'est le cas
des sujets paranoïaques qui souffrent d'une hypertrophie du moi et des
personnes socialement exclues. Les bonshommes à petites têtes sont
typiques aux sujets déprimés ou aux sujets qui souffrent d'un
sentiment d'infériorité.
Le visage quant à lui est
l'élément essentiel du bonhomme, car c'est lui qui l' «
humanise ». Son expression correspond à l'état
émotionnel de l'enfant : haine, peur, agressivité, douceur,
sérénité. Ilrend compte des relations interhumaines. Ses
détails sont accentués chez les sujets agressifs qui recourent le
plus souvent à la vue de profil.
Le nezest un équivalent phallique ; il est
déformé lorsqu'il y a des problèmes sexuels. Il est
très long en cas d'angoisse de castration.
Les yeux constituent les fenêtres de
l'âme, ils révèlent le regard que l'enfant porte sur le
monde, le contact social. L'oeil assure aussi la sécurité de
l'Homme en lui prévenant des dangers. La présence des sourcils
révèle des préoccupations esthétiques.
La bouche,moyen de communication, ellesymbolise la
parole, les aliments, ainsi que l'érotisme. Elle témoigne de la
relation à la mère à travers l'expérience du
nourrissage. Lorsque la bouche n'est pas représentée cela peut
traduire des problèmes sexuels, relationnels notamment une mauvaise
relation avec la mère ou une culpabilité orale. Les enfants
vivant dans les familles où les membres ne communiquent pas assez
représentent également des personnages sans bouches. Lorsque la
bouche, ouverte, laisse apparaitre les dents, cela évoque
l'agressivité. Les bouches fermées, sans sourire, traduisent un
certain degré de tension. La présence d'une bouche ronde chez
l'enfant plus âgé peut être le signe d'un retard mental.
Les oreilles permettent à l'enfant d'apprendre
et d'entendre. Elles sont grandes chez les enfants avides de connaissances et
chez l'enfant qui entend mal. Lorsqu' elles font défaut dans le
dessin, elles traduisent l'incommunicabilité.
Les cheveux et le système pileuxont un
attribut sexuel. Ils sont coiffés ou bouclés chez les
narcissiques.
Le cou relie le corps (image de la vie instinctive et
impulsive) à la tête (siège de l'intelligence et du
contrôle rationnel du moi et du sur-moi). Il est long chez les sujets qui
souffrent d'un manque de contrôle sur leurs impulsions. Les colliers et
autres bijoux auraient pour but de détourner l'attention de cette
région ; une ligne coupant le cou signifierait une castration
symbolique.
Les mainspeuvent apparaitre sous forme de balayettes,
râteaux, ronds ou avec les cinq doigts. L'enfant qui les
représente bien traduit la sociabilité de l'enfant. En effet, les
mains sont généralement omises ou vaguement dessinées,
lorsque l'enfant manque de confiance dans les contacts sociaux mais elles
peuvent aussi se trouver dans les poches, derrière le dos ou
mutilées, lorsqu'il existe des problèmes sexuels (masturbation)
ou sociaux (voleurs, délinquants).
Les doigts peuvent apparaitre comme des griffes
(agressivité). Des poings serrés trahiraient la rébellion.
Pour Machover (1949), lorsque les membres
supérieurs sont écartés du corps et tendus, cela
exprime la sociabilité. Ils évoquent le retrait ou la
démission lorsqu'ils sont pendus au corps. Le dessin des bras par un
simple trait témoigne de l'infantilisme ou d'un sentiment d'impuissance
du sujet. Les membres supérieurs sont reliés aux relations
interhumaines. Les membres inférieurs expriment la
sécurité. Supports du personnage ils traduisent parfois une
déficience physique ou psychique lorsqu'ils sont déformés
ou absents. Les sujets déprimés ou repliés sur
eux-mêmes préfèrent dessiner un bonhomme assis. Les cuisses
sont un équivalent phallique tout comme le nez. Des pieds serrés
renvoient à l'inhibition, à la crainte, largement
écartés, ils révèlent l'assurance.
Les articulations seraient très
marquées chez les sujets préoccupés par
l'intégrité et le bon fonctionnement du corps. Les bonshommes
prennent alors un aspect mécanique ; robotiques. Ces sujets
s'appuieraient sur ces détails pour se défendre contre un
sentiment de désorganisation du corps.
Le tronc n'apparait pas chez les enfants très
jeunes. Chez les filles, il est plus ou moins ovale tandis que chez les
garçons il est angulaire. Un tronc représenté par deux
lignes parallèles avec un vide au milieu indique une tendance à
la régression. Ce type apparait fréquemment dans les dessins des
enfants dissociés ou primitifs. Un corps très mince traduit une
insatisfaction vis-à-vis du corps, une peur de grossir, de vieillir ou
une fixation dans l'infantile.
La poitrine et les épaules chez le
garçon signifient la force tandis que le sein chez la fille rappelle des
préoccupations orales (mère, nourriture) ou sexuelles. Les seins
traduisent des préoccupations sexuelles et mettent aussi l'accent sur
les relations mère-enfant.
L'habillement (vêtement) révèle
le groupe social de référence ou d'appartenance. Normalement
à partir de dix ans, le personnage est habillé. Si la
représentation des personnages nus persiste au-delà de 10 ans,
alors cela reflète un comportement asocial, un sentiment
d'infériorité voire une attitude pathologique. Le vêtement
présente plusieurs fonctions dont la plus importante reste la protection
contre l'environnement. Le chapeau montre le besoin de se protéger
contre une menace qui pourrait tomber sur la tête. L'habillement, en
masquant le corps, protège également du regard des autres. Dans
ce cas, le dessin reflètera ce que l'enfant s'autorise à voir ou
à montrer au moment de sa réalisation. Par ailleurs, la
présence des lunettesévoque des yeux trop curieux, la
présence des gants évoquedes mains encombrantes et la
présence d'un bonnet renvoie à des oreilles
indiscrètes.
Les vêtements chauds représentent la
nécessité de se protéger du froid c'est-à-dire la
tiédeur des sentiments. Ils symbolisent aussi la mère-
protectrice et affectueuse. Beaucoup de vêtements chauds traduit une
compensation et cacherait une dépression infantile ou un manque d'amour.
La cravate, la pipe, le chapeau
pointu, la cigarette, le parapluie, la canne,
les souliers sont des symboles phalliques. Les poches et
les boutons valorisent les personnages. Des vêtements où
les boutons et les poches sont en trop grand nombre marquent un sentiment de
dépendance du dessinateur. Lorsqu'une fille dessine des poches sur un
vêtement de garçon cela pourrait signifier son désir
d'indépendance. La ceinture sépare la poitrine de la
région sexuelle et symbolise la puissance chez le garçon.
Les pansements mettent en avant des parties du corps
fragilisées ou réellement blessées. Les enfants en
souffrance par rapport à leur image du corps feront des dessins
souillés, raturés de couleurs sombres et froides. Dans cette
situation, la présence du vêtement se réduit à un
balayage agressif du personnage nu. Cela traduirait également la
négation de soi et de la souffrance associée.
Machover exige la prise en compte des aspects formels du
dessin, la mise en page, le graphisme, les ratures, les couleurs et les ombres
dans l'analyse des dessins. L'ordre dans lequel sont dessinées les
parties du corps, l'excès de rapidité ou l'excès de
minutie, les retours en arrières peuvent aussi entrer en compte dans
l'interprétation.
Un dessin de profil indiquerait selon elle,
l'introversion ou une attitude d'évasion. L'excès de
symétrie correspond à une certaine rigidité
mentale tandis que l'accumulation des détails suivant l'axe
médian du corps correspond à une immaturité
émotionnelle.
A propos du dessin du personnage,Machover(1949) ajoute les
significations suivantes :
- les hachures ou le trait renforcé signifient que les
sujets sont préoccupés par une obsession, un conflit ou une
anxiété ;
- l'axe médian du corps révélé par
une rangée de boutons tout au long du corps exprime un sentiment de
dépendance ;
- une longueur importante du cou se réfère
à un manque de contrôle sur les impulsions du sujet ;
- l'expression du visage du personnage est un reflet des
émotions actuelles du sujet ;
- une augmentation ou une diminution d'une partie du corps par
exemple une grosse tête, des extrémités de membres absentes
exprime une préoccupation voire une frustration. Par exemple la
représentation d'une grande oreille est liée à une
préoccupation d'audition ;
- les parties du corps non représentées prouvent
que les fonctions de ces parties sont mal acceptées par le
sujet ;
- la taille du personnage petite ou grande exprime l'amplitude
d'une évaluation de soi, du sujet sur lui- même ;
- le trait du dessin du personnage exprime une impulsion
latente du sujet par exemple chez la personne dépressive le trait est
fin, chez la personne agressive le trait est épais.
Dans ce chapitre, nous avons pu définir et aborder la
psychopathologie selon la perspective psychanalytique. Cela nous permet de
mieux comprendre et d'exploiter nos références théoriques
qui sont tous d'inspiration psychanalytique. En effet, Royer (1984, 1995) en
plus de son approche développementale sur le dessin, propose à
chaque stade une interprétation globale du contenu du dessin
(c'est-à-dire les caractéristiques graphiques et le
bonhomme).Machover (1949) quant à elle, nous fournit de
précieuses informations à travers sa lecture minutieuse et
approfondie du bonhomme.
2.3. Problématique et hypothèses
C'est dans cette partie que nous nous proposons de
présenter la problématique de la recherche, les objectifs ainsi
que les hypothèses de recherche.
2.3.1. Problématique
De nombreux travaux sur les caractéristiques du dessin
du bonhomme ont été effectués en Afrique. Par exemple,
Aupècle (1955) a cherché à savoir si les performances des
enfants éthiopiens étaient supérieures ou
inférieures à celles d'enfants d'autres nationalités. Il a
donc comparé les scores obtenus par 203 élèves
éthiopiens âgés de 7 à 12 ans et 174
élèves français, âgés de 5 à 11 ans.
En comparant les moyennes fournies à chaque âge par les 2
échantillons, pour les âges communs (7 à 11 ans), il
remarque qu'à :
- 7 et 8 ans, les performances étaient
identiques ;
- 9 ans, il y a un écart de 1 point en faveur des
enfants français ;
- 10 ans, il y a un écart de 3 points en faveur des
enfants français ;
- 11 ans, il y a le même écart de 3 points
toujours en faveur des enfants français.
Pour cet auteur, les tests de dessin sont des tests de
développement du dessin. C'est pour cela que lorsqu'une
infériorité a été décelée par un test
de dessin à l'échelle d'une population entière, elle doit
s'interpréter comme une infériorité dans le
développement du dessin, et non comme une infériorité dans
le développement mental. Aupècle (op.cit.) pense qu'il
s'agit d'une différence d'aptitude et non d'une différence de
développement mental.
Didillon et Veyrinaud (1989) ont étudié
l'évolution du dessin du bonhomme chez l'enfant brazzavillois (Congo).
Leur étude s'est portée sur un échantillon de 548 enfants
congolais âgés de 2 ans 9 mois à 6 ans 3 mois, afin de
dégager des normes génétiques et différentielles de
l'évolution de cette représentation graphique chez des enfants
citadins fréquentant une institution préscolaire. Cette
étude a révélé que l'évolution des types
était proche de celle qui a été observée dans
d'autres cultures et pour les deux sexes. Par ailleurs, les dessins
comportaient peu d'indices culturels.
Certains chercheurs (Bardet,
Moreigne&Sénécal, 1960) ont appliqué le test du dessin
d'un bonhomme de Goodenough à 901 enfants de Dakar
(Sénégal). Ils ont constaté queles bonshommes sont
placés au milieu et en haut de la feuille, la hauteur totale du
personnage s'accroît avec l'âge de l'enfant. Les quotients
intellectuels de ces écoliers sont généralement compris
entre 70 et 100. Ils expliquent que ce retard apparent pourrait provenir de
facteurs extérieurs au développement mental. Il n'y a pas de
« bonhomme typiquement africain ». Par contre, les costumes
sont plus souvent européens qu'africains. Ils ont également
observé l'influence musulmane dans le nombre de fez et de « grands
boubous » de type « Hadji ». En ce qui concerne l'influence du
sexe sur le dessin, les chercheurs ont constaté que les garçons
ne dessinaient que des personnes de sexe masculin tandis que les filles
dessinaient des personnes des deux sexes.
Certains auteurs se sont intéressés aux dessins
des enfants autistes. Pour Tustin (1986), les enfants autistes n'ont pas de
goût naturel pour le dessin car dans l'autisme, les moyens d'expression
communicationnels et symboliques (parole, jeu, dessin, écriture) sont
peu investis. Le dessin confronterait ces enfants à leurs angoisses de
perte de substance. Les enfants autistes perçoivent mal les limites de
leur corps et semblent manquer du sentiment d'enveloppe indispensable à
leur sécurité interne. Ils essaient de fuir le dessin, craignant
que cette trace individuée qui signe la séparation des corps ne
vienne amplifier leurs angoisses extrêmes.Elle a remarqué que les
autistes de type « crustacé »9(*) ne dessinent pas. Ils
n'essaieront de le faire que lorsque la psychothérapie les a fait
progresser. Les « enfants à segments »10(*) dessinent quelquefois et la
plupart des « enfants confusionnels »11(*) dessinent dès le
début du traitement. Lorsque les « enfants à
carapace »12(*)
commencent à dessiner, ils représentent des cercles et des lignes
droites.
Haag (1995) a approximativement la même
considération. Pour elle,les enfants autistes ne peuvent pas sortir du
monde tactile. Ils manquent d'attache interne et conçoivent l'espace
entre les corps comme un espace sidéral. Ils ne sont pas
sûrs de franchir cet espace sans se retrouver en
« chûtetourbillonnaire anéantissant ».Haag (1995)
observe dans les productions des enfants autistes, une inhibition massive ou au
contraire une compulsion répétitive (uniformité de style)
et destructive. En général, la trace déborde, perfore,
envahit le support ce qui est le reflet d'un état de soi fissuré,
perforé, envahi, débordé par un mouvement pulsionnel ou
émotionnel. Par ailleurs, elle constate que l'amélioration de la
santé des autistes peut s'accompagner de l'investissement de la
géographie et des recherches spatiales.
Scetbon (2013) affirme que les médias ont mis en valeur
les compétences extraordinaires des autistes de type Asperger sur le
plan de la mémoire ou du graphisme, alors que dans la
réalité de tels autistes sont rares.
Plus récemment, Boutinaud (2013) a constaté que
la représentation du bonhomme chez les enfants autistes
s'étendent des formes les plus élémentaires (forme ronde,
esquisse du bonhomme têtard) aux constructions les plus
« abouties ». Les dessins sont marqués par le
morcellement (dissociation des membres), la présence de trous, l'absence
de certaines parties, des disproportions, l'ambiguïté sexuelle, la
prédominance de thèmes fantastiques (monstres, figures
mythologiques ou divines), la prédominance d'un corps robotique ou
mécanique. Par ailleurs, on assiste à la reproduction de
l'identique comme une tentative pour l'enfant autiste de se sentir exister.
En Afrique, une étude sur les représentations
sociales de l'autisme a été réalisée (Ebwel,
Roeyers&Devlieger, 2010). Les études s'intéressant au dessin
du bonhomme des personnes autistes vivant en Afrique sont quasiment
inexistantes.
Les précédents auteurs (Boutinaud, 2013 ;
Haag, 1989, 1995 &Tustin, 1986) qui, pour la plupart ont
travaillé avec des autistes d'Europe, suggèrent que l'autisme a
une incidence sur la représentation du bonhomme chez les enfants. Qu'en
est-il alors des dessins des bonshommes des enfants autistes vivant au Burkina
Faso?
Au Burkina Faso, le dessin du bonhomme n'a pas encore fait
l'objet d'une étude spécifique. D'ailleurs, la seule recherche
qui s'est intéressée aux dessins des enfants burkinabés a
été menée par De ceccoNikiema(2006). Elle a fait une
étude comparative sur l'identité culturelle à travers le
dessin entre les enfants burkinabè et français de 7 à 11
ans. Le but de sa recherche était de construire des repères qui
serviront d'appui à un étalonnage adapté permettant le
diagnostic des pathologies psychiques infantiles au Burkina Faso. Cette
recherche nous a permis de savoir que les stades du dessin sont les mêmes
chez les enfants normaux,burkinabè et français.
Pour mener à bien notre recherche, nous nous proposons
d'apporter des réponses aux questions suivantes :
- quel est le niveau d'efficience au dessin du bonhomme chez
l'autiste burkinabè?
- pouvons-nous observer les problématiques liées
à la représentation du corps notamment les troubles de l'image du
corps dans le dessin du bonhomme de l'autiste burkinabè ?
- les préoccupations affectives associées
à l'autisme sont-elles projetées dans le dessin du bonhomme de
l'autiste burkinabè ?
Pour répondre à ces questions, nous avons choisi
d'étudier les dessins de quatre enfants. Il s'agit d'un groupe d'enfants
autistes qui sont pris en charge à l'Association Burkinabè
d'Accompagnement Psychologique et d'aide à l'Enfance (ABAPE).
2.3.2. Objectifs de l'étude
Nous menons ce travail dans le but d'atteindre nos objectifs.
Ces objectifs se déclinent en objectif général et en
objectifs spécifiques.
Notre objectif général est d'étudier
l'incidence que peut avoir l'autisme sur la représentation du bonhomme
par des enfants autistes du Burkina Faso.
De façon spécifique :
Ø nous cherchons à évaluer le niveau de
développement intellectuel de l'autiste burkinabè à
travers le dessin du bonhomme qu'il produit ;
Ø nous cherchons à identifier les
problématiques de l'image corporelle de l'autiste à travers la
qualité du bonhomme dessiné ;
Ø nous visons la compréhension de la vie
affective de l'autiste burkinabè à partir de son dessin du
bonhomme.
Ce travail nous permettra de confronter nos connaissances
théoriques avec la pratique sur le terrain. En outre, il constitue un
moyen qui nous permettra d'apporter notre modeste contribution à la
réflexion sur l'autisme au Burkina Faso et à la réduction
de la stigmatisation.
2.3.3. Hypothèses de l'étude
Nous présenterons d'abord notre hypothèse
principale et ensuite les hypothèses secondaires.
· Hypothèse générale
Une ressemblance existe entre les dessins des bonshommes des
enfants autistes décrits dans la littérature et les dessins des
bonshommes des enfants autistes du Burkina Faso.
· Hypothèses spécifiques
Nous formulons trois (03) hypothèses spécifiques
dans le cadre de notre hypothèse générale.
Le dessin du bonhomme de l'autiste burkinabè
présente peu de détails.
Le dessin du bonhomme de l'autiste burkinabè
reflèteles troubles de l'image du corps.
Le dessin du bonhomme de l'autiste
burkinabèreflète des carences affectives précoces.
PARTIE EMPIRIQUE
Chapitre 3.Méthodologie
Dans l'objectif de vérifier nos hypothèses, nous
avons choisi comme principal outil le test du dessin d'un bonhomme de Royer.
Il s'agit d'un outil dont la passation est moins complexe et qui permet
à la fois une analyse quantitative et qualitative du bonhomme. Ceci
étant, notre travail consiste à faire un examen psychologique de
chaque enfant en prenant en compte les variables socioculturelles. En outre, le
consentement des responsables légaux de l'enfant est pris en compte
avant le recueil et la communication des données.
Dans ce chapitre, nous présenterons successivement
le cadre de l'étude, la population ainsi que l'échantillon de
l'étude, la méthode et les outils utilisés.
3.1. Cadre de l'étude
Notre étude est menée dans un centre
spécialisé de l'Association Burkinabè d'Accompagnement
Psychologique et d'aide à l'Enfance (ABAPE). Le choix de ce centre s'est
effectué après un stage que nous y avons effectué du 14
Mars 2014 au 14 Juin 2014.
Créée en 2010, cette association a pour
principal objectif la rééducation des enfants et adolescents
vivant avec un handicap mental. En 2015, on pouvait dénombrer une
quinzaine d'enfants présentant des troubles autistiques, une dizaine
d'enfants trisomiques et d'autres enfants dont le handicap mental est d'origine
fonctionnelle.
Le centre de l'ABAPE compte actuellement (04) services qui
sont :
- Le service psychologique : ce
service permet de situer le type de handicap, d'évaluer l'enfant et
d'élaborer un programme éducatif individualisé (PEI). Il
s'occupeaussi des guidances parentales et coordonne les activités du
centre.
- Le service éducatif : ce
service accompagne les enfants de façon permanente. Le personnel de ce
service participe à divers ateliers éducatifs, d'expression et de
production artistiques. Les éducateurs mènent leurs
activités en se référant aux programmes éducatifs
individualisés (PEI).
- Le service pédagogique :
ce service vise le développement des capacités graphiques et des
connaissances pré-mathématiques de l'enfant à travers la
mise en place de stratégies pédagogiques appropriées.
- Le service
socio-éducatif : ce service développe des
activités de communication permettant aux enfants d'interagir ensemble,
ce qui développe leur socialisation.
Plusieurs spécialistes apportent leurs contributions
techniques dans ce centre. Il s'agit notamment des psychologues, des
monitrices, des orthophonistes et des bénévoles
psychomotriciennes de l'hôpital de la Salpetrière de Paris.
3.2. Les participants à l'étude
De façon générale, la population cible de
notre étude est l'ensemble des enfants autistes du Burkina Faso.
Cependant pour être plus pragmatique, nous avons restreint cette
étude à l'ensemble des enfants autistes accueillis dans le centre
de l'ABAPE.Le choix de nos sujets a lieu à l'ABAPE après
consentement du Directeur du centre et des parents.Notre recherche concerne les
enfants atteints du trouble du spectre de l'autisme (TSA)âgés d'au
moins 3 ans 6 mois et 12 ans 6 mois au plus. Les autistes présentant
des maladies neurologiques ou des troubles sensoriels avérés ne
sont pas pris en compte. Les passations du test s'effectuent dans une salle
neutre de la structure.
Dans le cadre de ce mémoire, nous nous limitons à
la présentation de quatre (4) cas cliniques. Ces enfants sont tous
capables de comprendre la consigne du test utilisé. Ces enfants ont
été diagnostiqués à partir du CARS13(*)(ou échelle
d'évaluation de l'autisme infantile) et présentent un
degré d'autisme léger.
3.3. Méthode et outils de collecte
3.3.1. L'examen psychologique
Pour Fua (2002), l'examen psychologique a pour but de
répondre à une demande, de résoudre un problème
posé. Elle aboutit à une proposition de solution ou peut
permettre à d'autres intervenants d'en proposer. La présence
d'une souffrance ou non peut motiver la formulation de la demande.L'examen se
construit dans le cadre d'une relation entre la personne concernée et le
psychologue. Ce dernier applique les connaissances théoriques, les
méthodes et les instruments de sa discipline dans l'objectif de
récolter des informations nécessaires à la
compréhension du fonctionnement psychique et relationnel de la
personne. En outre, il reste attentif à la complexité et à
la singularité de la personne examinée qu'il situe dans son
contexte familial, socioculturel et éducatif.
Pour la Fédération Française des
Psychologues et de Psychologie (FFPP) et la Société
Française de Psychologie (SFP)14(*), l'examen psychologique prend en compte des
informations issues de l'anamnèse et des examens antérieurs,
l'entretien avec l'enfant et/ou son entourage, l'observation de l'enfant et/ou
son milieu. Puis, il y a les informations issues des questionnaires
standardisés et des tests administrés à l'enfant et /ou
son entourage.Ces dernières informations rendent compte de l'efficience
intellectuelle et permettent d'affiner la compréhension du
fonctionnement psychique du sujet.
3.3.2. Les entretiens
Des entretiens semi-directifs sont réalisés au
cours de notre travail de recherche. Les informations qui en ressortent sont
recueillies sous formes de notes. Le premier entretien a pour objectif
d'installer un climat de confiance en vue de favoriser la relation avec
l'enfant.
Le deuxième entretien concerne essentiellement
l'enquête sur le dessin produit. Enfin, un dernier entretien avec les
parents ou avec les personnes proches de l'enfant permet de compléter
les informations recueillies pour l'anamnèse.
3.3.3. Le CARS (Childhood Autism Rating Scale)
· Présentation générale et
pertinence de l'échelle
Cette échelle a été
élaborée en 1971 par Schopler et ses collaborateurs (Rogé,
2003) sous l'appellation Echelle d'évaluation des psychoses
infantiles (ChildhoodPsychosis Rating Scale CPRS). Celle-ci a
été développée dans le cadre d'un projet de
recherche sur l'enfant à l'Université du Caroline du nord. Ses
auteurs cherchaient à identifier les enfants autistiques et de les
distinguer des enfants porteurs d'autres troubles de développement sans
syndrome autistique associé.
C'est après une quinzaine d'années (en 1988)
d'utilisation sur plus de 1500 cas que cette échelle reçut le nom
d'Echelle d'évaluation de l'autisme infantile ou
ChildhoodAutismRating Scale en abrégé CARS (Schopler et
al. 1988). L'échelle a été révisée
pour tenir compte de l'élargissement de la définition de
l'autisme et pour évaluer des enfants référés
à un programme de traitement et d'éducation pour enfants autistes
et pour des enfants ayant des troubles de la communication (Treatment and
Education of Autistic and related Communication HandicappedChildren TEACCH).
Le CARS permet de distinguer les enfants dont les signes
d'autisme sont de discrets à moyen des enfants dont l'autisme est
sévère. Pour Rogé : « Le CARS est largement
reconnu et utilisé comme un instrument fiable pour le diagnostic de
l'autisme. Son administration prend environ trente à quarante-cinq
minutes. Le CARS est probablement l'instrument de diagnostic le plus
utilisé en France » (Rogé, 2003.p.98).
La version actuelle du CARS compte 15 items (cf. annexe
iv) qui se présentent ainsi qu'il suit :
(1) Relations sociales
(2) Imitation
(3) Réponses émotionnelles
(4) Utilisation du corps
(5) Utilisation des objets
(6) Adaptation au changement
(7) Réponses visuelles
(8) Réponses auditives
(9) Goût-Odorat-Toucher (Réponses et modes
d'exploration)
(10) Peur, Anxiété
(11) Communication verbale
(12) Communication non verbale
(13) Niveau d'activité
(14) Niveau et homogénéité du fonctionnement
intellectuel
(15) Impression générale
Les items du CARS ont été construits de
façon à ce qu'ils soient conformes aux principaux systèmes
de diagnostic existants. Cela autorise d'abord une comparaison des
résultats obtenus au CARS aux cinq (5) systèmes de diagnostic et
ensuite une utilisation plus large dans la clinique et dans la recherche.
Cette échelle peut être utilisée par un
grand nombre de professionnels : médecins, étudiants en
médecine, psychologues scolaires, spécialistes du langage et de
l'audition.
En plus de l'évaluation lors des séances de
tests, le diagnostic à l'aide du CARS peut se faire à partir des
informations issues des dossiers médicaux, de l'observation en milieu
scolaire ou des entretiens avec les parents.
Les avantages du CARS résident également
sur la possibilité d'application à des enfants de tous
âges incluant les enfants d'âge préscolaire (au-dessus de 24
mois) et le remplacement des jugements cliniques par des évaluations
objectives et quantifiables basées sur l'observation comportementale.
Tableau 5:
Caractéristiques générales de la population
évaluée avec le CARS

La principale limite du CARS réside dans le fait qu'il
ne prend pas en compte l'évolution antérieure des troubles du
comportement chez l'enfant diagnostiqué. Les observations ne se portent
que sur les comportements présents.
· Qualités psychométriques
Différents travaux ont été menés dans
l'objectif de vérifier la validité et la fidélité
de l'échelle.
- La validité de l'échelle : les scores au
CARS ont une validité élevée (une corrélation de
.84) quand ils sont comparés aux scores issus des évaluations
cliniques de la même séance. Une corrélation de .80
(p<.001) a également indiqué que les résultats du CARS
sont en accord avec le jugement clinique de différents
spécialistes (psychologue et pédopsychiatre) (Schopler et
al. 1980).
- La fidélité de l'échelle : le CARS
a une consistance interne élevée (un coefficient alpha de .90).
Cela justifie la combinaison des scores partiels du CARS en un seul score
à partir duquel le diagnostic est réalisé. Une
fidélité inter-correcteurs de .71 a été obtenue sur
280 évaluations. L'évaluation de la fidélité
test-retest a indiqué que les résultats du CARS sont stables dans
le tempsmême sur une période de 12 mois (Schopler et al.
1980).
· Administration, cotation et interprétation des
résultats
L'administration du CARS prend en moyenne trente à
quarante-cinq minutes.Tout utilisateur du CARS doit être
familiarisé avec les descriptions et les cotations des 15 items de
l'échelle. Pendant l'observation, l'entretien ou l'étude des
dossiers, ce dernier doit prendre des notes sur la feuille de notation. La
particularité, la fréquence, l'intensité et la
durée des comportements anormaux doivent attirer l'attention de
l'utilisateur.
Chacun des 15 items du CARS reçoit une note pouvant
aller de 1 à 4 :
- une note de 1 signifie que le comportement de l'enfant est
dans les limites de la normale pour un sujet du même âge ;
- une note de 2 signifie que le comportement de l'enfant est
légèrement anormal comparé à celui d'un sujet du
même âge ;
- une note de 3 indique que le comportement de l'enfant est
moyennement anormal pour cet âge ; - une note de 4 indique que le
comportement de l'enfant est sévèrement anormal pour un sujet de
cet âge.
Il existe également trois notes intermédiaires
(1.5 ; 2.5 ; 3.5) qui sont utilisées lorsque le comportement
observé se situe entre deux catégories.
Le score global est obtenu en additionnant les 15 notes des 15
items du CARS. Celui-ci varie de 15 à 60 sur lequel un score total de 30
ou plus correspond à l'autisme. De façon générale,
plus le score est bas, moins l'enfant présente des comportements
autistiques et plus le score est élevé, plus l'enfant
présente des comportements autistiques.
L'interprétation du score global se
réfère essentiellement à la catégorisation
mentionnée dans le tableau ci-dessous :
Tableau 6: Référence pour le diagnostic
de l'autisme à partir du CARS
Score total CARS
|
Catégorie de diagnostic
|
Degré d'autisme
|
15 à 29.5
|
non autiste
|
-
|
30 à 36.5
|
autiste
|
Léger à moyen
|
37 à 60
|
autiste
|
sévère
|
3.3.4. Le Profil psycho-éducatif
révisé ou PEP-R
· Présentation générale et
pertinence du profil
Le PEP-R est un inventaire de comportements et de
compétence élaboré par Schopler et son équipe dans
le cadre d'un projet de recherche sur l'enfant au département de
psychiatrie à l'université du Caroline du nord entre 1971 et
1976. Des révisions de l'outil se sont avérées
nécessaires pour tenir compte des usages et des définitions
actuelles de certaines terminologies.
Le PEP-R propose une approche développementale de
l'évaluation des enfants autistes ou les enfants présentant des
troubles du développement apparentés dans la mesure où un
même enfant peut présenter des niveaux de développement
différents dans certains domaines. Il est adapté aux enfants
d'âge préscolaire ou au-dessous (entre 6mois et 7 ans).
Les domaines explorés par le PEP-R sont :
l'imitation, la perception, la motricité fine, la motricité
globale, la coordination oculo-manuelle, la performance cognitive et la
cognition verbale. Au niveau comportemental, le PEP-R identifie les relations
et l'affect (coopération et intérêt pour les personnes), le
jeu et l'intérêt pour le matériel, les réponses
sensorielles et le langage.L'échelle de développement permet de
situer l'enfant par rapport à ses pairs tandis que l'échelle de
comportement permet d'identifier les réponses et comportements
compatibles avec le diagnostic du CARS.
Le matériel est constitué d'un ensemble de
jouets et de d'outils pédagogiques qui sont présentés
à l'enfant lors d'un jeu structuré. L'examinateur observe,
évalue et enregistre les réactions de l'enfant pendant la
passation. Les cotations qui en résultent sont ensuite réparties
dans les sept domaines de développement et les quatre domaines de
comportement. Cela permet alors d'identifier les forces et les faiblesses de
l'enfant dans ces différents domaines. Ces informations sur l'enfant
faciliterons alors la mise au point des programmes éducatifs
individualisés (PEI).
· Qualités psychométriques
Une étude de fidélité inter-juges a
été effectuée dans le but de déterminer la
fidélité du PEP-R.
La procédure statistique utilisé est la
corrélation interclassequi donne une mesure du degré de
similitude dans les observations faites par plusieurs examinateurs dans le
même domaine de développement. Le coefficient de
corrélation interclasse obtenu est de .92 indiquant ainsi un
degré élevé de similitude dans les observations faites par
les examinateurs sur l'ensemble des domaines de développement. Une
comparaison des scores obtenus par les examinateurs a par ailleurs
révélé que les différences étaient non
significatives (Schopler, 1994).
La validité de contenu de l'échelle de
comportementdu PEP-Rest liée à la validité reconnue de
l'échelle d'évaluation de l'autisme infantile (CARS) car ses
items en sont directement dérivés. En ce qui concerne les items
de l'échelle de développement, Schopler (op.cit.)
déclare qu'ils ont été sélectionnés à
partir d'un large inventaire de compétences développementales
acquises par les enfants normaux entre 1 et 7 ans. En outre, le matériel
et les activités spécifiques du PEP-R ont été
révisés plusieurs fois pendant 20 ans. Ces révisions ont
permis de tester empiriquement tous les items et de supprimer ceux qui
n'avaient pas de signification clinique.
Des comparaisons entre les quotients de développement
obtenus au PEP et les scores obtenus à certains tests d'intelligence ont
montré des corrélations significatives à p< .0001.
Tableau 7: Comparaison du quotient de
développement du PEP aux scores des tests d'intelligence (Schopler,
1994).
Tests
|
Coefficients de corrélation
|
Merrill-Palmer
|
0.85
|
Vineland Social MaturityScale
|
0.84
|
Bayley Scales of Infant Development
|
0.77
|
Peabody Picture Vocabulary Test
|
0.71
|
WISC-R et WPPSI
|
0.47
|
Leiter International Performance Scale
|
0.24
|
Lorsque nous faisons une lecture du tableau ci-dessus nous
voyons que le score total du PEP peut être utilisé avec le
même degré de confiance que ceux obtenus avec les quatre premiers
tests d'intelligence.
· Administration, cotation et interprétation
D'après Schopler (1994), le PEP-R peut être
administré, coté et interprété par toute personne
qui maitrise le manuel et qui a l'habitude d'administrer d'autres tests
à des enfants. En ce qui concerne l'administration à des enfants
autistes, il est important pour l'examinateur de maitriser et l'outil et le
comportement de l'enfant.
Le PEP-R comporte 131 items de développement et 43
items de comportement. Pour administrer et coter les items, un matériel
spécifique est mis à la disposition de l'examinateur. La plupart
des items concernant le comportement sont cotés après le
départ de l'enfant. En fait, les cotations pour ces items se reposent
sur les notes prises par l'examinateur tout au long de la séance de
passation.
Le PEP-R n'est pas une épreuve de vitesse, de ce fait,
le temps total de la passation est fonction des aptitudes et des comportements
de l'enfant. En moyenne, le temps de passation dure au maximum une heure et
trente minutes (1h 30).
Au début, il peut être nécessaire pour
l'examinateur de collaborer avec les parents dans l'objectif d'établir
une relation de confiance avec l'enfant. Les parents sont autorisés
à assister à la séance dans les situations où la
séparation est difficile à établir. En ce qui concerne
l'attitude de l'examinateur, Schopler déclare : « La
meilleure façon pour l'examinateur d'aider les parents et l'enfant est
de rester calme et de recueillir des informations qui pourraient
éventuellement servir à calmer l'enfant »
(Schopler, 1994, p.30).
Pour se faire comprendre par l'enfant, l'examinateur peut
utiliser une consigne verbale dans un langage simple ; faire une
démonstration de la procédure de l'activité ou faire une
guidance physique avec l'enfant.
La totalité des items de l'échelle de
développement sont cotés pendant la passation. Ce premier
système de cotation est divisé en trois niveaux :
Réussite (R), Emergence (Em) et Echec (E). Cependant, la cotation des
items de comportement ne dépendent pas de la manière dont
l'enfant utilise le matériel mais se réfère aux
réactions et aux intérêts de ce dernier pendant les
situations structurées et non structurées du test.Les
critères de cotations pour l'échelle de comportement sont
basés sur l'observation et le jugement clinique. Lorsque le comportement
est approprié pour l'âge, l'item est coté
« A ». Lorsque le comportement est clairement
inapproprié, l'item est soit coté « L » pour
« léger » soit « S » pour
« sévère ».
Le protocole du PEP-R se compose d'une feuille
récapitulative, dix feuilles de cotation et d'une feuille de pointage
qui sert à réduire les erreurs lors du calcul du score final.
Le nombre total de « Réussite »
dans chaque domaine de développement est utilisé pour dessiner le
profil de développement sur la feuille prévue à cet effet.
Pour déterminer l'âge de développement pour un domaine
donné, il suffit pour l'examinateur de regarder les échelles
d'âges à droite et à gauche du profil.Le nombre de
cotations « Emergence » permettent de choisir des points de
départ pour l'élaboration du programme éducatif
individualisé (PEI).
Au niveau du profil de comportement, l'examinateur doit
simplement noircir le nombre d'anneaux (ronds) correspondant au nombre total de
cotations « Sévère » pour un domaine
donné. C'est le même procédé pour les cotations
« Léger ». Les cotations se font toujours en partant
du centre vers l'extérieur.
Un quotient de développement (QD) peut
être calculé en divisant l'âge de développement par
l'âge chronologique (réel) et en multipliant le résultat
par 100 (AD/AC x 100). Selon Schopler (op.cit.), ce quotient peut être
utilisé comme une alternative ou un complément au quotient
intellectuel (QI) car il permet de mesurer le décalage entre les
performances correspondantes à l'âge chronologique de l'enfant et
son fonctionnement réel.
3.3.5. Le test du dessin d'un bonhomme de Royer
Pour approcher le niveau intellectuel, la structuration de
l'image corporelle et la vie affective de l'enfant autiste nous avons choisi
comme outil principal le test du dessin d'un bonhomme de Royer. D'après
Moore (2000), seul le dessin permet de contourner les défenses et
d'atteindre les couches les plus profondes de la personnalité. Il est
généralement utilisé par les cliniciens pour une
compréhension des conflits intérieurs, les peurs infantiles, les
perceptions de soi-même ou des autres.
· Présentation générale et
pertinence du test
Le test du dessin d'un bonhomme de Royer (1984) est une
révision du test du dessin d'un bonhomme de Goodenough applicable
à des enfants âgés de 3 ans et demi à 12 ans et demi
(individuellement ou collectivement). L'objectif de cette révision
était de permettre l'étude de l'affectivité à
travers le test.
Une première révision du test du dessin d'un
bonhomme de Goodenough a été effectuée par Harris en 1963.
Cette révision a permis de rendre les items plus objectifs et leur
nombre augmenta de 51 à 73. Le dessin d'une personne de sexe
féminin comportant 71 items a également été
ajouté. En 1986, Sattler considère le test du dessin d'un
bonhomme commeun instrument pertinent pour mesurer les habiletés
cognitives non-verbales des enfants de 5 à 12 ans (Bissonnette, 2003).Ce
test est reconnu comme un test d'efficience intellectuelle papier-crayon
(évalue l'âge mental) et un test de personnalité à
travers l'étude de la symétrie, du vêtement et des
caractéristiques graphiques (tracé, couleur, espace, etc.).
· Qualités psychométriques
La corrélation entre le test du dessin d'un bonhomme et
certains tests évaluant le quotient intellectuel (QI) a
été établie.En 1926, Goodenough a trouvé une
corrélation élevée (.86) entre le test du dessin d'un
bonhomme et le QI obtenu par des enfants de 5 ans et moins au Stanford-Binet.
En 1967, Dunn a trouvé une corrélation de .64 avec le WISC (p
<.01) et une corrélation de .78 avec le Stanford-Binet chez des
enfants normaux de 6 à 10 ans.
En 1977, Abraham a remarqué une constance des dessins
effectués par les mêmes sujets sur une période de un
à deux ans. Elle a constaté que le contenu du dessin changeait
lorsqu'il y avait un évènement perturbateur dans la vie du
dessinateur. En 1981, Scoot remarque une fidélité de .74 du test
du dessin du bonhomme de Goodenough (Moore, 2000).Pour Royer (1984), le dessin
du bonhomme à l'instar des autres épreuves projectives est
capable de refléter les changements qui interviennent au niveau de la
personnalité lors d'une psychothérapie et permet de distinguer
la personnalité normale et pathologique.
Toutefois, la validité optimale du dessin n'est obtenue
que pendant la situation de test et non lors d'une production
spontanée. En 1996, Trevisan a postulé que la validité et
la fidélité du test du dessin du bonhomme ne peuvent être
obtenues qu'en utilisant une grille de cotation objective pour toute analyse
(Moore, 2000).
· Administration, cotation et interprétation
Cet outil a été choisi pour plusieurs
raisons :
- il nécessite peu de temps (au maximum 20
minutes) ;
- il peut être exécuté individuellement ou
collectivement ;
- il s'agit d'une épreuve non-verbale, valide et facile
à faire passer ;
- il nécessite très peu de
matériel ;
- l'utilisation du langage est limitée permettant
à la fois son application chez des enfants d'autres ethnies (Royer,
1984) ou des enfants autistes qui ont généralement un langage
limité.
Au cours de la passation, on donne à l'enfant une boite
contenant sept (7) crayons de couleur (bleu, vert, rouge, jaune, violet,
marron, noir), un crayon noir, une gomme, une feuille de papier 21*29, 7
présentée verticalement et un taille-crayons. La consigne du test
est : « Sur cette feuille de papier, vous allez dessiner un
bonhomme, aussi beau que possible et, si vous le voulez, vous le
colorierez ». Nous avons reformulé cette consigne dans
l'objectif de la faire comprendre par l'enfant autiste tout en gardant la
neutralité. Nous avons choisi la reformulation suivante :
« Sur cette feuille de papier, tu vas dessiner une personne, la
plus belle que tu peux et, si tu veux, tu pourras colorier ». On
laisse l'enfant dessiner comme il veut, sans lui donner une aide et sans
formuler une critique, une appréciation ou une suggestion. Le temps est
libre et l'examinateur note les commentaires spontanés de l'enfant et la
dynamique de son travail.
Le test évalue le niveau de maturité à
partir d'une échelle totale pour la représentation de la
tête (23 points), pour le schéma corporel (33 points), pour le
vêtement (14 points) et pour l'utilisation de la couleur (11 points).
Ces notes partielles permettent d'obtenir une note totale à partir de
laquelle le Quotient Intellectuel (Q.I) approximatif est déduit.
Ce test présente toutefois des limites parce-que la
qualité du bonhomme peut être influencée par certains
troubles affectifs (Moore, 2000).
Tableau 8: Extrait de la fiche
de cotation du test du dessin du bonhomme de Royer

3.3.6. Méthode d'analyse des dessins
Nous procédons à deux types d'analyse : une
analyse normative et une analyse qualitative.
L'analyse normative se réfère à
l'étalonnage et à la cotation du test du dessin d'un bonhomme par
Royer. Le bonhomme produit par l'enfant est alors situé dans l'un des
stades du développement du bonhomme évoqués
précédemment. Ce premier niveau d'analyse nous permet de situer
le niveau intellectuel de l'enfant et l'intégration du schéma
corporel.
L'analyse qualitative concerne les aspects globaux du
dessin (temps, emplacement, dimensions, tracé, position, environnement,
symétrie, coloriage, sexe, personnalisation, etc.), les aspects
analytiques du dessin (tête, tronc, membres, vêtement) et les
comportements de l'enfant pendant le dessin (nervosité/calme, paroles,
mimiques, position des membres, etc.). Ce deuxième niveau d'analyse nous
permet de comprendre la vie affective et la représentation du corps
(image du corps).
Le respect de cette méthodologie s'avère
indispensable pour l'organisation pratique de notre travail notamment dans le
recueil et dans l'analyse des données individuelles.
Chapitre 4. Présentation des cas et
discussion
Dans ce présent chapitre, nous présentons les
différents cas cliniques ainsi que l'analyse et l'interprétation
des dessins de ces derniers.
4.1. Présentation des cas cliniques
4.1.1.Cas Alpha
· Eléments d'anamnèse
Alpha (10 ans) est le benjamin d'une fratrie de trois enfants
(dont deux grandes soeurs) et vit avec ses deux parents. Son père est un
cadre supérieur burkinabè et sa mère est une
ménagère de nationalité malienne. D'après eux les
deux premières grossesses ont évoluées normalement
jusqu'à terme. Par contre, lors de sa dernière grossesse, la
mère de Alpha a eu des écoulements vaginaux qui se sont
progressivement arrêtés au fur et à mesure qu'elle suivait
son traitement médical. C'est alors que la grossesse a pu évoluer
normalement jusqu'à l'accouchement. Au fur et à mesure que leur
enfant grandissait, les parents ont remarqué que celui-ci se montrait
indifférent lorsqu'il y avait du bruit (ou lorsqu'on l'appelait) et son
langage tardait à apparaitre. Après avoir consulté un
médecin, les parents décidèrent alors de faire
l'électroencéphalogramme (EEG) et l'audiogramme qui n'ont rien
révélé d'anormal.
A deux ans, Alpha est successivement
référé à l'unité de pédopsychiatrie
du CHU-YO puis à l'ABAPE pour manifestation d'un trouble autistique.
L'évaluation au CARS a révélé un autisme
léger et l'évaluation au PEP-R à 5ans a
révélé un âge développemental (AD) de 19 mois
et un retard de langage. De ce fait, il a été renvoyé de
l'école maternelle qu'il fréquentait. Alpha est décrit par
les monitrices comme un enfant très calme qui devient extrêmement
violent lorsqu'il est irrité. Il manifeste son mécontentement en
se cognant la tête, en griffant ou en se tapant la poitrine. Lorsqu'il
n'est pas occupé par une activité, il siffle, tapote les doigts
ou met l'index à l'anus qu'il va ensuite sentir. Il a peur de la
hauteur, se bouche les oreilles et se met en retrait la plupart du temps.
Alpha a beaucoup évolué depuis qu'il est au
centre. Par exemple, il comprend les consignes des différentes
activités, joue un rôle dans certaines activités de groupe,
imite les gestes, peut monter sur un toboggan, sait répéter des
phrases, apprend à lire et à faire des calculs (l'addition, la
soustraction et la division).
· Passation du test et présentation dudessin
Grand de taille, Alpha entre dans la salle en marchant
lentement, il me regarde sans tourner la tête vers moi. Vêtu d'un
pullover gris et un pantalon noir, il vient s'asseoir calmement sur la chaise
que je lui indique. Après avoir pris la feuille et le crayon que je lui
ai tendu, il me fixe des yeux pendant que je lui explique la consigne. Il
commence par écrire les lettres
« a »« a »« p »« p ».
Comme il semble ne pas comprendre la consigne je décide alors de la
répéter. C'est alors qu'il retourne la feuille, la gomme au
centre et commence à dessiner son bonhomme.
Il commence par représenter lentement la tête,
puis les sourcils, les oreilles, la bouche, le tronc, les jambes, les fesses et
enfin les bras. Pendant le dessin, Alpha prend une bonne posture sur la chaise
et est légèrement penché sur la table. Il attrape le
crayon avec la main droite pendant que la main gauche appuie la feuille contre
la table. Il est concentré dans son travail et fait
régulièrement des sons en laissant passer l'air entre ses dents.
Il dessine ensuite une figure ovale à gauche du bonhomme.
Il prend ensuite le crayon de couleur rouge et commence
à colorier les limites du tronc puis les jambes, la tête, les
oreilles. Il revient et colorie la tête, la bouche, les bras, les fesses,
les sourcils et encore la bouche. Après avoir fini un premier coloriage,
Alpha fait repasser quatre fois le crayon rouge sur tout le bonhomme. Il appuie
tellement fort que la mine du crayon de couleur se casse. Il reprend le crayon
de couleur qui a été taillé, fait quelques traits au
niveau inférieur de la feuille et entoure la figure ovale. Il essaie de
gommer les traits en rouge à tel point que la feuille se froisse et que
des lignes apparaissent sur la feuille.
Il prend la mine du crayon et fait des cercles sur la table.
Il dépose le crayon, gomme la feuille et reprend le crayon. Alpha
commence ensuite à s'exciter, il mord les lèvres, tapote sur la
table, essuie régulièrement la table, puis son pantalon et se
gratte le sexe. Le crayon glisse et tombe suite aux multiples tapotements et
l'instabilité corporelle, il s'abaisse donc et prend le crayon. Il prend
le crayon de couleur rouge et la repasse respectivement sur les jambes, le
tronc et la tête. Puis il s'arrête et applaudit en disant
« bravo ». Il achève son dessin en dix minutes.
A la question comment il s'appelle ?Alpha
réponden disant son prénom. Il fait des
écholalies et le reste de mes questions (que fait-il ?)
sont sans réponse. Il se gratte les doigts, croise l'auriculaire droit
aux autres doigts de la main droite, se gratte les fesses, le sexe, fait des
battements de mains, fait des tours de la tête, rit aux éclats
puis s'étire. La passation se termine ainsi avec un au revoir.

Figure 1: Dessin du bonhomme de Alpha (10
ans).
· Analyse normative
Tableau 9: Récapitulatif des scores de Alpha
(10 ans)
Note par niveau de représentation
|
Note globale
|
Tête
|
Schéma corporel
|
Vêtement
|
Couleur
|
14
|
04
|
10
|
00
|
01
|
Calcul du quotient intellectuel (QI)
Date de naissance : 03 Septembre 2005
Date de la passation : 06 Aout 2015
Quotient intellectuel Age mental/Age réel x 100
Age réel = 9ans + 11 mois + 3 jours = 119 mois + 3
jours = 10 ans 3 jours soit 10 ans
Pour une note globale de 14 on déduit un Age mental de
58 mois15(*) soit 5
ans.
QI = 5/10 ans X 100 =>QI = 50
- Comparaison des scores partiels
Tête : le score obtenu est largement inférieur au
score minimal obtenu par la population de son âge. Ce score correspond
à une population dont l'âge est compris entre 3 ans et 6 mois
à 4 ans.
Schéma corporel : le score obtenu est largement
inférieur au score minimal obtenu par la population de son âge. Ce
score correspond à une population dont l'âge est de 5 ans.
· Analyse des caractéristiques graphiques
L'utilisation de l'espace graphique : Alpha
choisit de dessiner en suivant l'axe vertical de la feuille après un
gommage de la feuille blanche. Le dessin effectué flotte dans l'air et
est incliné vers la gauche. Le dessin a une bonne dimension par rapport
à l'espace de la feuille, la grande partie se situe dans la partie
supérieure de la feuille, le vide prédomine à
l'intérieur des formes. La feuille s'est finalement froissée
à cause des gommages multiples.
L'utilisation de la couleur : Alpha utilise
uniquement la couleur rouge qui est superposée quatre fois de suite. La
zone droite de la partie inférieure de la feuille a été
coloriée en rouge et ensuite gommée.
Les caractéristiques du trait : les
traits sont trop appuyés, repassés et sont exécutés
avec une certaine lenteur. Les tracés sont courbes et les formes
arrondies dominent. Les lignes débordent et il y a des gommages
multiples. En un mot le geste graphique n'est pas bien contrôlé.
· Analyse des caractéristiques du bonhomme
En ce qui concerne le thème, il s'agit du dessin d'un
bonhomme « patate » de face, d'une taille de 15,5 cm. Il
est en position debout mais est incliné vers la gauche. Le bonhomme est
nu mais ni le sexe et ni l'âge ne sont reconnaissables. Il y a une
dissymétrie générale du corps, les parties de l'axe gauche
du bonhomme étant plus atrophiées. On note aussi la
présence de rabattement.
Le bonhomme a une grosse tête, les yeux, le nez de
même que les cheveux sont absents. Les oreilles sont grandes, les
sourcils apparaissent, la bouche, excentrée est grandement ouverte mais
l'intérieur est vide. Le cou est absent, le tronc plus petit que la
tête est de forme ovale et est dépourvu de ses détails sauf
les épaules qui semblent rabattues. Deux jambes (disproportionnelles et
difformées) auxquelles se rattachent des fesses rabattues, viennent se
rattacher à divers endroits du tronc. Les pieds sont absents et les
limites du corps sont renforcées à l'aide d'un crayon de couleur
rouge.
· Interprétation du dessin
Alpha a un âge mental de 5 ans pour un âge
réel de 10 ans soit un retard de 5 ans. Le quotient intellectuel obtenu
(50) indique une déficience intellectuelle modérée (OMS).
En outre les caractéristiques du dessin telles que le rabattement, le
flottement du bonhomme, les disproportions ou l'utilisation de la couleur nous
renvoient aux stades du réalisme manqué (3 à 4 ans) de
Luquet (1927) et du dessin éparpillé de Royer (1984) qui
concernent l'enfant dont l'âge se situe entre 4 et 6 ans. Les scores
partiels obtenus par Alpha indiquent qu'il a un retard par rapport aux enfants
normaux de son âge.
Le dessin de Alpha est un autoportrait donc une projection de
sa propre image. Les formes circulaires renvoient à un désir de
protection, à l'immaturité ou à la sensibilité. Il
a l'impression que son corps est léger, sans support (absence des pieds,
du sol) et risque de chuter (flottement et inclinaison du bonhomme).
L'emplacement gauche du dessin nous révèle un repli sur soi, une
anxiété, une régression ou une fixation infantile tandis
que le vide à l'intérieur des formes nous révèle
une carence affective et une angoisse de séparation.
La forme des traits et les multiples gommages traduisent aussi
l'instabilité de Alpha ainsi que son impulsivité. Le choix ainsi
que l'emploi de la couleur rouge sont un signe d'instabilité
émotionnelle, d'angoisses et d'obsession autour des limites de son
corps. Elle révèle aussi les dispositions agressives profondes de
Alpha. Le schéma corporel est perturbé comme en
témoignent les disproportions autour de l'axe du corps et le score
partiel obtenu. L'absence des yeux, des bras, du nez, des mains, des pieds
montre que l'enfant n'a pas conscience de leur existence ou de leur
utilité.
La bouche grandement ouverte renvoie au besoin de communiquer
sa douleur psychique et le besoin de nourrissage affectif. La forme ronde de la
bouche à l'âge de Alpha traduit le retard mental. L'absence des
yeux, des bras, des mains quant à elle témoigne des
problèmes de contacts sociaux de l'enfant.
En définitive, nous voyons que le dessin de Alpha nous
éclaire davantage sur ses capacités intellectuelles qui sont
vraiment limitées ; ses difficultés de représentation
du corps et ses difficultés à interagir socialement du fait d'une
carence affective assez importante.
Après l'étude de ce premier cas, nous abordons
le deuxième cas dans le point suivant.
4.1.2. Cas Brahim
· Eléments d'anamnèse
Brahim (10 ans) est le fils ainé de la seconde
épouse de son père. En effet, le père a pris une
deuxième femme du fait de la stérilité de la
première.Le grand-père maternel de Brahim s'est farouchement
opposé à cette union jusqu'à son lit de mort car pour lui
il y avait une incompatibilité ethnique et religieuse. Le mariage civil
n'ayant pas été réalisé, Brahim et son frère
vivent avec leur mère dans une cour modeste tandis que la
première épouse légale vit dans une luxueuse villa.
Au deuxième mois de sa première grossesse, la
mère de Brahim a souffert d'une petite complication de son état.
Un suivi médical régulier a ensuite permis d'aboutir à un
accouchement normal. Sur le plan physique, l'enfant s'est bien
développé mais présentait des troubles de comportements
qui ont alerté les parents et les médecins.
L'électroencéphalogramme et l'audiogramme n'ont rien
révélé d'anormal. Brahim a alors été
référé en pédopsychiatrie puis à l'ABAPE et
suivait parallèlement une rééducation orthophonique.
L'évaluation au CARS a révélé un autisme
léger et l'évaluation au PEP-R à 4 ans a
révélé un âge développemental (AD) de 25
mois. Il a été renvoyé de l'école maternelle du
fait de son mutisme et de son instabilité.
Les deux parents de Brahim sont très soucieux de sa
santé. Brahim joue souvent avec son petit frère et d'après
la mère, ce dernier est le porte-parole de Brahim étant
donné son retard de langage. Au centre, Brahim est décrit comme
un enfant hyperactif16(*)
et a une onychophagie sévère au point qu'il n'a presque plus
d'ongles sur les doigts. Il est atteint du pica17(*) et aime jouer avec son reflet dans le miroir. Il a
une hyper-graphie18(*), ce
qui le pousse à écrire les noms de certaines stars du football ou
de la musique sur n'importe quel support même sur son corps propre.
· Passation du test et présentation du dessin
Lorsque je l'accompagne vers la salle réservée
pour la passation, Brahim marche normalement mais dès qu'on atteint le
seuil de la porte, il s'arrête et commence à me suivre très
lentement. Vêtu d'une chemise jaune et d'un pantalon gris, il s'avance en
fermant et en ouvrant les yeux et soulève la lèvre
supérieure comme si on projetait sur son visage une forte lumière
qui clignote. Il marche doucement ayant l'air de contrôler ses pas et
vient s'asseoir sur la chaise qui lui était réservée. Il
me fixe des yeux pendant que je lui formule la consigne, il a l'air de bien
comprendre.
Il prend le crayon avec la main gauche et commence par
représenter la tête, le tronc puis, il s'arrête un moment et
gomme entièrement sa production. Il va vers le milieu de la feuille et
recommence à dessiner. On voit apparaitre la tête, ensuite les
yeux, le nez, la bouche, le tronc, la jambe droite, le pied droit et la jambe
gauche. Il s'arrête un instant, se couche sur la table puis se
relève. Il dessine la nuque, repasse trois fois le crayon et enfin les
oreilles. Le dessin est fait à la hâte dans une sorte de
distraction. Le bonhomme terminé, il prend le crayon de couleur jaune et
colorie respectivement le tronc, la tête et la jambe droite, le pied
droit et la jambe gauche.
L'exécution du dessin est alternée par de
nombreux tics (grincements de dents, rongement des oncles, fermeture des yeux,
mouvements des jambes). Le dessin est effectué en quatre minutes. A la
fin du dessin, il se lève et regarde par la fenêtre et revient
prendre place sur la chaise. Il ne porte plus attention ni à son dessin
ni à l'adulte. Son intérêt semble se porter sur les notes
que j'ai prises. Il soulève la tête et fait semblant de lire les
écritures puis il tourne le regard vers le mur. Lorsqu'on lui demande
de nommer les parties du bonhomme indiquées du doigt, il ne fait aucun
effort pour parler. Il se contente de poser l'index sur la partie que je viens
de lui montrer du doigt. Il se met alors à bailler, à ronger les
ongles et finit par croiser les bras. J'ai alors mis fin à la
séance.

Figure 2: Dessin du bonhomme de Brahim (10
ans)
· Analyse normative
Tableau 10: Récapitulatif des scores de Brahim
(10 ans)
Note par niveau de représentation
|
Note globale
|
Tête
|
Schéma corporel
|
Vêtement
|
Couleur
|
23
|
09
|
14
|
00
|
04
|
Calcul du quotient intellectuel (QI)
Date de naissance : 01 septembre 2005
Date de la passation : 06 Aout 2015
Quotient intellectuel = Age mental/Age réel X 100
Age réel = 9 ans + 11 mois + 5 jours= 10 ans + 5 jours
soit 10 ans
Pour une note globale de 23 on déduit un Age mental de
67, 5 mois soit 6ans.
QI = 6/10 ans X 100 => QI = 60
- Comparaison des scores partiels
Tête : le score obtenu est largement
inférieur au score minimal obtenu par la population de son âge. Ce
score correspond à une population dont l'âge est compris entre 5
ans et 6 mois à 6 ans.
Schéma corporel : le score obtenu est largement
inférieur au score minimal obtenu par la population de son âge. Ce
score correspond à une population dont l'âge est compris entre 5
ans et 6 mois à 6 ans.
· Analyse des caractéristiques graphiques
L'utilisation de l'espace graphique : Brahim
dessine son bonhomme en suivant l'axe vertical de la feuille. Le bonhomme est
flottant, excentré et de petite taille par rapport à l'espace
graphique. Il est localisé dans la zone droite de la partie
inférieure de la feuille. Il y a une prédominance des formes
angulaires et courbes.
L'utilisation de la couleur : il y a utilisation
d'une couleur unique qui est le jaune. L'utilisation de cette couleur est
irréaliste et elle déborde les contours du dessin.
Les caractéristiques du trait : les
traits sont légers et sont effectués avec une grande
rapidité. Il y a beaucoup de lignes droites et des lignes courbes qui
sont imprécises. Les lignes se croisent, les yeux et le nez apparaissent
en pointillés.
· Analyse des caractéristiques du bonhomme
Il s'agit d'un « bonhomme robot » de face,
d'une taille 10,5 cm. Il est débout mais statique, son âge et son
sexe ne sont pas reconnaissables. Le bonhomme semble gai vu la forme de la
bouche. On note des dissymétries un peu partout sur le corps. On note
des transparences et un rabattement.
La tête est ronde,les yeux et le nez sont en
pointillés, les oreilles sont disproportionnelles et sont reliées
à la tête sans grande attention. La nuque (renforcée avec
le crayon) apparait en haut de la tête et la bouche en forme de U est
décalée. Le cou est absent et le tronc de forme
géométrique est sans détail sauf des ébauches
d'épaules alors que la coloration semble indiquer qu'il est nu. Les
jambes écartées ne sont pas bien rattachées au tronc.
Seule la jambe droite du bonhomme porte un pied. Brahim ne dit rien à
propos de son bonhomme.
· Interprétation du dessin
Brahim a un âge mental de 6 ans pour un âge
réel de 10 ans soit un retard de 4 ans. Son quotient intellectuel est de
60 ; ce qui indique une déficience intellectuelle
légère (OMS). Les caractéristiques du dessin telles que,
la transparence, le rabattement, le flottement du bonhomme, les disproportions
ou l'utilisation de la couleur nous renvoient aux stades du réalisme
manqué (3 à 4 ans) de Luquet (op.cit.) et du dessin
éparpillé de Royer (op.cit.) qui concerne l'enfant dont
l'âge se situe entre 4 et 6 ans. Les scores partiels obtenus au niveau de
la tête et du schéma corporel indiquent qu'il a un retard
considérable par rapport aux enfants normaux de son âge.
Brahim est un enfant rationnel, il a de bonnes
capacités d'organisation et d'initiative comme le témoignent les
lignes droites et les angles. La rapidité d'exécution des
tracés, la position droite du bonhomme nous montrent que c'est un enfant
extraverti et débordant d'énergie motrice (Marcilhacy et al.
2011). Cependant, les tracés sont légers et traduisent un manque
d'assurance et un sentiment de fragilité. Le bonhomme de Brahim flotte,
il est incliné vers la droite et sa jambe gauche ne porte pas de pieds.
Cela renvoie à l'insécurité et à la
fragilité corporelle qui caractérisent le vécu de Brahim.
L'insécurité et le désir de protection se manifestent
également à travers les multiples renforcements et la
prédominance des formes arrondies au niveau de la tête.
L'utilisation d'une couleur unique à son âge
révèle une instabilité émotionnelle. L'emploi du
jaune témoigne de l'extraversion, de la gaieté et de la
sensorialité. Son utilisation sur le bonhomme met en évidence des
difficultés de contact avec la réalité.
Le schéma corporel est perturbé en raison des
disproportions et des difformités des parties. La présence du
sourire exprime la gaieté mais également une capacité
à interagir par imitation. Les yeux sont petits, ce qui montre qu'il y a
une ouverture au monde extérieur mais que cette ouverture n'est pas
encore importante. Brahim a un besoin de communication, des
préoccupations orales qu'il exprime à travers une bouche grande
mais fermée et des oreilles considérablement grandes.
L'absence des membres supérieurs évoque le
manque de confiance dans les relations interhumaines. Des membres
inférieurs déformés, incomplets, mal rattachés au
tronc sont révélateurs de l'insécurité et de la
déficience psychique. L'aspect robotique du bonhomme nous
révèle que de façon générale, Brahim est
préoccupé par l'intégrité et le bon fonctionnement
de son corps.
Le dessin de Brahim reflète son fonctionnement
intellectuel dont la différence n'est pas assez grande avec notre
premier cas. Cependant, la particularité de ce dessin est qu'il nous
montre comment cet enfant essaie de supporter ses carences en ayant recours
à une défense (rigidification).
A la suite de ce deuxième cas, étudions
maintenant le cas Clément dans le point ci-après.
4.1.3. Cas Clément
· Eléments d'anamnèse
Clément a 6 ans et est l'unique fils de ses parents.
Son père est burkinabè tandis que sa mère est
béninoise. D'après le couple parental, la grossesse a bien
évolué et l'accouchement a été normal. Des troubles
du comportement et du langage qu'ils ont remarqué chez leur enfant leur
a successivement conduit chez un médecin puis au centre de l'ABAPE alors
qu'ils s'apprêtaient à l'emmener à l'étranger pour
des soins.
L'évaluation au CARS a révélé un
autisme léger et son audiogramme n'a pas révélé un
problème d'audition. L'évaluation au PEP-R à 5 ans a
révélé un âge développemental (AD) de 27
mois. D'après ses parents, Clément passe la plupart de son temps
devant la télévision et dort tardivement. Ils ne veulent plus
avoir d'autres enfants par crainte qu'il soit comme son grand-frère. Il
fait la grande section dans une école préscolaire de la capitale
et a des compétences avérées en mathématiques. Il
est attaché à sa mère et refuse de dormir lorsqu'elle
n'est pas auprès de lui.
Le langage de Clément est restreint mais ilarrive
parfois à formuler une bonne phrase pour exprimer ses besoins ou pour
répondre à une question. Il a des stéréotypies
gestuelles, suce constamment sa langue et fait des acrobaties pour simuler le
super héros « Spiderman19(*) ».
· Passation du test et présentation du dessin
Clément entre dans la salle en chuchotant. Il est
vêtu d'un pullover et a beaucoup de cheveux sur la tête. Il a un
rhume et une petite toux. Il répond à mon
« bonjour » et vient s'asseoir sur la chaise. Après
avoir écouté la consigne, il tourne la feuille en position
horizontale, se lève pour regarder par la fenêtre puis s'asseoit.
Il tient le crayon avec la main droite et la main gauche appui la feuille.
Bien concentré, il commence à dessiner une
fleur, la tige et la feuille. La fleur est obtenue en faisant tourner
progressivement la feuille blanche. La fleur terminée, il
représente la tête du bonhomme, les yeux, le nez, la bouche. Le
tronc apparait sous forme de filet, puis les jambes, le prolongement du tronc
reste entre les jambes et les bras. Il ramasse tous les crayons de couleurs,
les assemble dans sa main droite, les porte vers sa bouche et chuchote comme
s'il leur parlait. Ensuite, il les aligne sur la table tout près de lui.
J'entendis d'un coup « la pluie »20(*), il se met debout et regarde
à travers la fenêtre puis reprend place sur la chaise. Il prend le
crayon de couleur violet, regarde derrière la feuille puis les
dépose sur la table. Lorsque Clément ne chuchote pas, il suce sa
langue dont le bout est visible de dehors. Il assemble encore tous les crayons
de couleurs, fait des cris de combat « ichaah » puis les
frappe d'un point fermé. Comme il ne s'intéresse plus à
son dessin je demande s'il a fini et il me répond sereinement
« c'est fini ».
Le dessin est effectué en cinq minutes. Il continue de
faire beaucoup de grimaces avec les crayons de couleurs. Il retourne les bouts
pointus vers lui, les rapproche à quelques centimètres de ses
yeux, les retire et les dépose sur la feuille. Il ramasse encore les
crayons, puis d'un mouvement violent du bras il crie
« ichaahichaah ». Il prend le crayon de couleur verte et
colorie la feuille de la plante, la couleur jaune est réservée
pour le centre de la fleur. Lorsqu'on lui parle du bonhomme, il répond
d'une voix robotique « c'est clément ». Il arrive
à nommer les différentes parties du bonhomme sauf le trait
situé entre les jambes. Il serre ensuite les points comme si mes
questions l'irritait, il prend le crayon de couleur jaune mais ne colorie
pas.
Clément se contente d'abord de le glisser entre ses
doigts puis il le glisse sous la feuille blanche et la retourne. Il prend le
crayon de couleur violet et dessine sa « maman » sur la
page de derrière puis dépose son crayon. La
« maman » ne diffère du premier bonhomme que par sa
grande taille, les jambes qui sont plus courtes et les bras qui sont
levés vers le ciel.

Figure 3: Dessin du bonhomme de Clément (6
ans)
· Analyse normative
Tableau 11: Tableau récapitulatif des scores de
Clément (6 ans)
Note par niveau de représentation
|
Note globale
|
Tête
|
Schéma corporel
|
Vêtement
|
Couleur
|
25
|
11
|
14
|
00
|
07
|
Calcul du quotient intellectuel (QI)
Date de naissance : 14 Juin 2009
Date de la passation : 07 Aout 2015
Quotient intellectuel = Age mental/Age réel X 100
Age réel = 6 ans + 1 mois 23 jours = 6 ans + 23 jours
soit 6 ans.
Pour une note globale de 25 on déduit un Age mental de
70,5 mois soit 6 ans.
QI = 6/6 ans X 100 => QI = 100
- Comparaison des scores
partiels
Tête : le score obtenu le situe parmi les meilleurs
de la population de son âge.
Schéma corporel : le score obtenu le situe dans la
médiane.
· Analyse des caractéristiques graphiques
L'utilisation de l'espace graphique : le dessin
est réalisé en suivant l'axe vertical de la feuille. Il est
constitué de deux entités toutes flottantes dans le vide. La
fleur est placée au centre de la feuille et a une grande occupation de
l'espace. Le bonhomme occupe un petit espace et est comparativement plus petit
que la fleur. Il est situé dans l'extrémité gauche de la
partie inférieure de la feuille.
L'utilisation de la couleur : Clément
utilise deux couleurs dans son dessin : la couleur jaune et la couleur
verte. Le centre de la fleur est colorié en jaune et la feuille en vert.
La couleur dépasse légèrement les contours de la fleur. Le
bonhomme quant à lui, n'est pas colorié.
Les caractéristiques du trait : la fleur
est dessinée avec une grande attention tandis que le bonhomme est
effectué avec une grande rapidité. On observe des tracés
droits, courbes et des formes arrondies. Les lignes se croisent et
Clément a des difficultés à relier les
extrémités des lignes. Le tracé est net et les yeux tout
comme le nez sont représentés en pointillés.
· Analyse des caractéristiques du bonhomme
Clément représente un « bonhomme fil
de fer » de face avec une taille de 9 cm. Le bonhomme est tout
souriant mais est placé dans la zone gauche de la partie
inférieure. Le sexe est reconnaissable contrairement à
l'âge.
Le bonhomme est débout et les bras tendus. La
tête est représentée par un grand rond mal fermé.
Les yeux et le nez sont représentés par des points et la bouche
est en forme de V. Le cou est présent et fait suite au tronc qui se
prolonge jusqu'entre les jambes. Les bras, les jambes et le tronc sont
représentés par de simples traits. Le bonhomme ne possède
ni de mains ni de pieds. Les jambes sont disproportionnelles.
· Interprétation du dessin
Un quotient intellectuel de 100 indique que Clément a
un niveau de développement intellectuel qui se situe dans la moyenne
(OMS). En outre les caractéristiques du dessin nous renvoient aux
stades du réalisme manqué (3 à 4 ans) de Luquet
(op.cit.) et du dessin éparpillé de Royer (op.
cit.) qui concernent l'enfant dont l'âge se situe entre 4 et 6 ans.
Les scores partiels obtenus par Clément indiquent qu'il a un bon niveau
d'intégration du schéma corporel.
Le bonhomme de Clément est son autoportrait comme il le
dit pendant l'entretien. Les formes arrondies et les lignes droites nous
renvoient à un besoin de protection mais aussi à une
agressivité latente. Clément se sent en insécurité
et met en évidence sa fragilité psychique à travers les
flottements des figures, le tronc du bonhomme en forme d'algue, l'absence de
pieds ainsi qu'à travers la légèreté des
tracés. La position du bonhomme sur la page met en évidence le
repli sur soi de l'enfant, une fixation infantile, en un mot l'angoisse. Deux
couleurs sont utilisées sur la fleur, le bonhomme est dessiné
uniquement au crayon de papier. Cela est l'indice que l'enfant ressent un grand
vide affectif. C'est un enfant immature mais qui investit le domaine
intellectuel (forme de la tête).
La forme crochue de la bouche nous révèle des
préoccupations orales notamment l'agressivité mais peut
également révéler des problèmes relationnels avec
la mère. Le tronc filiforme nous montre que l'enfant n'a pas conscience
des contenus corporels. Le corps est perçu comme un sac vide dont le
squelette interne n'est pas édifié.
Le bonhomme révèle des problèmes de
contacts sociaux à travers l'absence des mains. La petite taille du
bonhomme, les bras représentés par de simples traits
caractérisent l'infantilisme et le sentiment d'impuissance. Le bonhomme
semble se tenir sur trois jambes, celle du milieu pouvant renvoyer au phallus
ou à un support supplémentaire.
Clément est un enfant assez particulier car il se
démarque des deux premiers enfants par son niveau intellectuel assez
normal. La latéralité du corps est bien intégrée
mais des troubles de l'image du corps sont constatables. C'est un enfant qui
présente une avidité affective et qui a besoin d'étayage
(support). Ses comportements semblent résulter de cette carence
affective.
Notre dernière présentation est le cas Julie qui
est la seule fille du groupe.
4.1.4. Cas Julie
· Eléments d'anamnèse
Julie (10 ans) est la deuxième fille d'une fratrie de
trois enfants. Ses parents sont tous burkinabè et vivent dans la
capitale. Le père est constamment en déplacement parce qu'il est
un cadre d'une entreprise agroalimentaire. D'après les deux parents la
grossesse et l'accouchement ont été normaux. Ils ont
négligé les troubles du comportement de leur jeune enfant et
l'ont inscrite dans une école maternelle ou elle sera recaléeplus
tard.
L'électroencéphalogramme (EEG) qu'ils ont
ensuite réalisé après avoir consulté un
médecin était normal. Après avoir longtemps erré
à la recherche de soins pour leur enfant, ils ont alors découvert
le centre de l'ABAPE ou l'enfant est suivi jusqu'à ce jour.
L'évaluation au CARS a révélé que Julie
présentait un autisme léger et l'examen au PEP-R à 6 ans a
révélé un âge développemental (AD) de 37
mois.
Julie aime écouter la musique ou manipuler l'ordinateur
de son père. Elle passe la plupart de son temps dans un salon de
coiffure situé à une vingtaine de mètres de sa maison.
Souvent, ellefait semblant d'écrire dans le vide et lorsqu'elle
s'irrite, elle casse tout ce qu'elle trouve dans la maison.
Elle n'a pas une bonne relation avec sa petite soeur qui
pourtant cherche à jouer avec elle. Elle se bouche
régulièrement les oreilles, fait des écritures dans le
vide et applaudit. Elle a également une obsession à la
propreté.
· Passation du test et présentation du dessin
Julie arrive dans la salle de passation habillée d'un
pull-over de couleur blanche et d'un pantalon « jean ».
Elle marche très lentement les pieds nus. Dès qu'elle s'assoit
sur la chaise, elle fixe le chronomètre pendant longtemps et commence
à rire. Toute joyeuse, elle me fixait des yeux pendant que je lui
formule la consigne.
Le crayon dans la main droite, Julie retourne la feuille et se
met tout de suite à dessiner un rond qui deviendra la tête, puis
le bras droit, la main droite, le bras gauche et enfin la main gauche. Les
prolongements des bras vers la partie inférieure de la feuille viendront
former le tronc. On voit apparaitre respectivement la jambe droite, le pied
droit, la jambe gauche et la main gauche.
Elle revient sur le rond et dessine les yeux, la bouche, les
sourcils et les cheveux. Elle s'arrête un instant et fait semblant de
dessiner avec le doigt dans le vide.
Elle prend le crayon de couleur jaune et colorie les cheveux.
Elle reprend le crayon noir et dessine une limite pour les cheveux qu'elle va
encore colorier avec le crayon de couleur jaune. Après cela elle appuie
son ventre et se met debout.
Lorsque je lui demande où est ce qu'elle veut aller,
elle répond « pipi ». Cependant elle ne sort pas
mais se rassoit. Elle reprend le crayon de couleur jaune et se met à
colorier les cheveux maintenant en se tournant vers moi. Elle se met ensuite
à chuchoter en tapotant sur les cheveux de son bonhomme avec son crayon.
Elle gomme les yeux et dessine deux autres plus grands, puis colorie les
chaussures en noir. Puis, elle se met à répéter :
« c'est fini, Burkina Faso, Burkina Faso ». Elle termine
son dessin en 10 minutes mais continue de manger le bout du crayon. Elle me
regarde prendre des notes, puis chuchote et fait semblant de dessiner dans le
vide.
Après cela elle ne cessait de répéter :
« c'est fini ».

.
Figure 4: Dessin du bonhomme de Julie (10 ans)
· Analyse normative
Tableau 12: Tableau récapitulatif des scores de
Julie (10 ans)
Note par niveau de représentation
|
Note globale
|
Tête
|
Schéma corporel
|
Vêtement
|
Couleur
|
44
|
15
|
22
|
07
|
08
|
Calcul du quotient intellectuel (QI)
Date de naissance : 23 Mars 2006
Date de la passation : 27 Novembre 2015
Quotient intellectuel = Age mental/Age réel X 100
Age réel = 9 ans + 8 mois + 4 jours = 10 ans + 4 jours
soit 10 ans.
Pour une note globale de 44 on déduit un Age mental de
93 mois soit 8 ans.
QI = 8/10 ans X 100 => QI = 80
- Comparaison des scores
partiels
Tête : le score obtenu la situe dans la population
de son âge (9 ans et 6 mois à 10 ans et 6 mois).
Schéma corporel :le score obtenu est
égaleau score le plus faible de la population de son âge. Ce score
correspond en fait à une population dont l'âge est compris entre 7
ans et 6 mois à 8 ans et 6 mois.
· Analyse des caractéristiques graphiques
L'utilisation de l'espace : Julie dessine son
bonhomme en retournant l'axe de la feuille. Le bonhomme est bien centré
mais n'a pas de support (flottant). La taille et la forme s'adapte bien avec
les dimensions de la feuille.
L'utilisation de la couleur : Julie n'utilise
que 2 couleurs à savoir la couleur jaune pour les cheveux et le noir
pour les chaussures.
Les caractéristiques du trait :les traits
sont nets et sont tracés lentement sauf au niveau des cheveux et des
jambes où ils sont légers. Il y a une prédominance des
lignes droites et des angles droits. Au niveau du tronc nous voyons que les
traits sont trop appuyés. On observe également quelques lignes
brisées.
· Analyse des caractéristiques du bonhomme
Julie dessine un bonhomme de type robot ayant une taille
d'environ 18,7cm. Celui semble figé comme un monument, les avant-bras
sont tendus et les coudes retournés. Le bonhomme est bien centré
sur la page mais le support (sol) n'est pas représenté.
L'âge et le sexe ne sont pas reconnaissables. Les cheveux sont mal
représentés et il y a une transparence.
Le niveau des bras ne correspondent pas à la
réalité de même que la forme et le nombre des doigts (4
doigts sur la main droite et 6 doigts sur la main gauche). La position des
pouces semble indiquer que les mains sont retournées (l'une de face et
l'autre de dos). La pupille droite est plus large que la pupille gauche. On ne
voit pas les oreilles en dépit de la position de la tête. La
bouche est représentée par un rond mal refermé.
De façon générale, il y a une
asymétrie entre l'axe gauche et l'axe droit du corps du bonhomme :
il y a une différence de largeur et de longueur au niveau des avant-bras
et des bras, le pied gauche est plus court et moins réaliste que le pied
droit, l'écart entre les cheveux est plus grand du côté
gauche, la jambe gauche est mal rattachée au tronc.
· Interprétation du dessin
Julie a unâge mental de 8 ans pour un âge
réel de 10 ans soit un retard de 2 ans. Son quotient intellectuel (80)
traduit une déficience intellectuelle limite (OMS). L'aspect
général du dessin nous renvoie au stade du réalisme
intellectuel de Luquet (op.cit.) situé entre 4 et 10 ans. En
nous référent aux caractéristiques des stades de Royer
(op.cit.), nous pouvons dire que Julie se situe au stade du dessin
localisé (6 à 8 ans). Cependant, Julie ne se trouve qu'au tout
début de ce troisième stade. En effet, il n'y a pas assez de
détails, ni vestimentaires (absence de plis, de boutons, etc.), ni sur
les parties du corps (par exemple le sexe n'est pas reconnaissable). En outre,
il n'y a pas de détails sur l'environnement (sol, ciel, soleil, etc.).
Les scores partiels se rapprochent de la moyenne mais
traduisent un retard notable quant à l'intégration du
schéma corporel.
Le bonhomme est bien centré sur la feuille et il y a un
retournement; cela traduit une volonté d'affirmation de soi. Nous
remarquons une importance des lignes droites, des lignes brisées et des
angles droits. Ils nous révèlent aussi bien les dispositions
agressives, l'opposition, l'instabilité de Julie mais aussi ses
capacités d'organisation. Elle manifeste plus de virilité que de
féminité. La lenteur dans le geste graphique peut
révéler à la fois une lenteur du fonctionnement cognitif
et un certain goût pour l'esthétique.
La pauvreté du dessin en couleur et la
prépondérance du vide sur le corps du bonhomme sont le signe
d'une instabilité émotionnelle associée à des
carences affectives. Julie est une fille qui a tendance à passer
à l'acte comme en témoigne l'utilisation de la couleur chaude
(jaune). La robotisation du personnage traduit sa psychopathologie
(préoccupation autour de l'intégrité et du fonctionnement
du corps) et le flottement, une immaturité intellectuelle. Cette
immaturité s'observe également à travers la taille de la
tête, la forme ronde de la bouche et la présence des yeux aussi
grands (et ronds) que la bouche.
Les difficultés de communication et
d'établissement de contacts sociaux s'observent à travers
l'absence des oreilles, les doigts pointus et des bras qui ne peuvent presque
pas être tendus.
La présence des sourcils et de la coiffure
témoignent d'un certain goût pour l'esthétisme mais
également une confusion d'identité.
Le tronc est représenté par 2 lignes
parallèles avec un vide central comme c'est le cas chez les enfants
primitifs (Machover, 1949). Les traits sont épais au niveau de ses
limites, cela trahit un sentiment d'insécurité au niveau de cette
partie du corps. Nous remarquons aussi une difficulté de
représentation de l'axe gauche du corps (la jambe gauche est mal
reliée au tronc, le pied est plus court, plis, pupille plus petite,
cheveux éloignés les uns des autres).
Julie est une fille qui cherche à s'affirmer
malgré ses capacités intellectuelles limitées et les
troubles que nous pouvons constater au niveau de l'image du corps. Elle a donc
besoin d'un cadre structuré dans lequel elle pourra s'exprimer.
Les scores obtenus par nos quatre cas sont assez
hétérogènes. Ils indiquent un niveau intellectuel allant
de la déficience intellectuelle modérée (Alpha),
légère (Brahim), limite (Julie) à un niveau intellectuel
moyen (Clément). Le diagnostic au CARS a cependant
révélé un autisme léger chez tous ces enfants.
Leurs points communs se trouvent dans les carences affectives
avérées et les troubles de l'image du corps.
4.2. Discussion des résultats
Nous présentons ici la discussion de tous les
résultats obtenus à partir des quatre cas cliniques que nous
avons étudiés.
4.2.1.Le niveau intellectuel
L'analyse des quatre dessins nous montre des traits communs
qui traduisent le retard dans le développement du graphisme en
référence à leur âge réel (Aupècle,
1955). Il s'agit des multiples disproportions des parties du bonhomme, le
flottement du bonhomme et des autres figures qui lui sont souvent
associées. Les bonshommes de ces enfants n'ont pas beaucoup de
détails et le sexe n'est pas reconnaissable. En outre, il y a
l'utilisation d'une couleur unique, souvent irréaliste sur l'ensemble du
bonhomme. Ces caractéristiques nous ont permis de situer la
majorité de ces enfants autistes dans le stade du réalisme
manqué (3 à 4 ans) de Luquet (1927) et au stade du dessin
éparpillé (4 à 6 ans) de Royer (1984).
Nous constatons à travers le calcul du quotient
intellectuel (QI) que trois (3) enfants sur quatre (4) ont une
déficience intellectuelle selon la classification intellectuelle de
l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Cette déficience est
associée à des troubles du schéma corporel.
Les résultats de Clément nous amènent
à dire que les enfants diagnostiqués autistes ne sont pas tous
des déficients mentaux.
De ce fait, nous pouvons dire que notre première
hypothèse secondaire est partiellement confirmée : le dessin
du bonhomme de l'autiste burkinabè présente très peu de
détails comme il est généralement observé chez la
majorité des autistes européens (Scetbon, 2013).
4.2.2. L'image du corps
L'analyse des dessins nous montre que les enfants autistes
dessinent un corps très primitif. Les bonshommes sont petits par rapport
à l'espace graphique de la feuille (3 dessins sur quatre), nus (3
dessins sur quatre) et deux (2) bonshommes sur quatre (4) sont situés
dans la partie gauche de la feuille. Le corps manque de consistance, de support
et de contenu donc ces enfants sont en proie à des angoisses
corporelles. Les corps flottent dans le vide et créent une angoisse de
chute (inclinaison) chez certains enfants.
Pour faire face à leurs angoisses les enfants ont
recours à l'autostimulation (repassage du crayon au niveau des limites
corporelles), à la rigidification (renforcements, bonhomme robot),
à la régression (bonhomme filet), au retrait (absence ou
petitesse des yeux) ou à l'agressivité (formes pointues). Il n'y
a pas de continuité entre les parties du corps, celles-ci étant,
le plus souvent, maladroitement rattachées au tronc.
Le cou n'apparait pas sur trois (3) dessins. Il y a une
asymétrie autour de l'axe du corps et de grandes préoccupations
avec les membres qui sont, soit absents soit mal représentés.
Au vu de ces éléments, nous pouvons donc
affirmer que notre deuxième hypothèse secondaire est
confirmée : le dessin du bonhomme de l'autiste burkinabè
comparativement au dessin de l'autiste européen reflète les
troubles de l'image du corps (Tustin, 1986 ; Haag, 1989 ; Anzieu,
1995 ;Boutinaud, 2013)
4.2.3.L'affectivité
Dans notre analyse, nous avons remarqué que les dessins
de ces enfants sont très pauvres en couleur. La plupart d'entre eux
n'utilisent qu'une seule couleur qu'ils répandent sur l'ensemble du
bonhomme. On observe des bouches assez larges traduisant des
préoccupations orales ou des difficultés relationnelles avec
l'environnement maternant.
Deux (2) dessins sur quatre (4) sont situés dans la
partie gauche de la feuille mettant en évidence le fait que ces enfants
sont tournés vers leurs mères. L'intérieur des formes est
dominé soit par le vide soit par un remplissage systématique
d'une couleur unique. Des difficultés à établir des
contacts sociaux sont également observables.
Ces indices sont observés chez les enfants ayant une
carence affective, ce qui nous amène à conclure que notre
troisième hypothèse secondaire est confirmée : Le
dessin du bonhomme de l'autiste burkinabè, tout comme celui de l'autiste
européen reflète des carences affectives précoces (Tustin,
1986 ; Haag, 1989, Boutinaud, 2013).
L'analyse des quatre dessins enfantins nous permet d'observer
une déficience intellectuelle chez la majorité. Ceux-ci ont un
retard au niveau du graphisme car la majorité se situe au stade du
réalisme manqué (3 à 4 ans selon Luquet) et au stade du
dessin éparpillé (4 à 6 ans selon Royer). L'image du corps
est troublée car ces enfants présentent des angoisses corporelles
archaïques. Les limites du corps ne sont pas solides et le corps est comme
un sac dépourvu de son contenu. Les carences affectives sont
observées à travers les caractéristiques graphiques mais
aussi à travers l'observation des bonshommes dessinés. Le dessin
du bonhomme a donc permis l'évaluation du niveau intellectuel,
l'étude de l'image du corps et de la vie affective de ces enfants
autistes.
D'une manière générale, cette
évaluation a mis en exergue une immaturité de ces enfants par
rapport à ces composantes majeures de la vie psychique. Nous pouvons
donc conclure que notre hypothèse générale est
confirmée : une ressemblance existe entre les dessins des
bonshommes des enfants autistes décrits dans la littérature et
les dessins des enfants autistes du Burkina Faso.
Ce travail nous a permis de savoir que le dessin du
bonhommereflète à la fois la maturité intellectuelle et la
vie affective (Widlöcher, 2002) de l'enfant quel qu'en soit son milieu
culturel et son niveau d'équilibre psychologique. Nous constatons que
chez les enfants autistes, il y a un véritable problème de
régulation de l'émotion comme l'a souligné le
modèle de la régulation émotionnelle (Rogé, 2003).
Cependant nous pensons que ce trouble de la régulation
émotionnelle est la conséquence d'une défaillance du
contenant plus qu'à des perturbations du cerveau.
Cette analyse nous permet de confirmer les travaux de Haag
(1989, 1995) sur la structuration de l'image du corps. Celle-ci affirme que
l'intégration de l'image du corps passe d'abord par l'intégration
de la tête, puis de la moitié supérieur du corps et enfin
des membres inférieurs. Nous remarquons que tous les enfants ont suivi
cette logique dans la représentation du bonhomme.
Contrairement à l'affirmation de Royer21(*), nous constatons que Alpha et
Brahim dont les QI sont respectivement de 50 et 60 sont parvenus à
dessiner le bonhomme.
La seule fille présentée a obtenu les meilleurs
scores au niveau de la représentation de la tête et de la
structuration du schéma corporel. Royer (1984) avait constaté que
les filles étaient légèrement en avance sur les
garçons du point de vue développement graphique.
Nous voyons qu'il n'y a pas de morcellement des dessins
contrairement au constat de certains auteurs (Boutinaud, 2013).
En définitive, nous pouvons dire que la plupart des
enfants autistes rencontrés au Burkina présentent un retard
mental mais pas tous et des difficultés affectives aigues (Lenoir ;
Malvy &Bodier-rethore, 2007 ; Tustin, 1986).
Cependant, l'absence de travaux de validation des outils que
nous avons exploités au Burkina Faso constitue la principale limite de
notre travail. En effet, au lieu de considérer ces enfants comme
déficients mentaux, il serait plus prudent pour nous de supposer qu'il
s'agit d'un déséquilibre affectif avec un retentissement sur le
plan intellectuel.
CONCLUSION
Le dessin est une activité qui est très
développée chez les enfants ; le dessin d'un bonhomme
étant l'un des thèmes favoris. Dans un monde où le trouble
du spectre de l'autisme (TSA) prend de l'ampleur, nous avons choisi
d'étudier l'incidence la personnalité de l'enfant autiste du
Burkina Faso sur son dessin du bonhomme.
Vu que l'autisme est peu connu au Burkina Faso, nous l'avons
d'abord défini dans la première partie qui est l'approche
théorique du sujet. Après avoir posé le problème du
dessin du bonhomme chez les personnes autistes, nous avons formulé trois
hypothèses spécifiques. La première hypothèse
spécifique est que le dessin du bonhomme de l'autiste burkinabè
n'est pas détaillé. La deuxième hypothèse est que
le dessin du bonhomme de l'autiste burkinabè reflète des troubles
de l'image corporelle et la dernière hypothèse spécifique
considère que le dessin du bonhomme de l'autiste burkinabè
reflète des carences affectives précoces.
Nous avons ensuite procédé à
l'étude de quatre cas cliniques. Il s'agit de quatre enfants avec un
autisme léger et qui sont suivis dans un centre spécialisé
de l'ABAPE. La cotation des dessins s'est reposée sur la cotation de
Royer à travers son test du dessin du bonhomme. L'analyse et
l'interprétation des dessins quant à elles, se sont
basées sur les travaux de Machover (1949) et de Royer (1984, 1995).
Les résultats ont d'abord révélé
des casd'enfants autistes avec une déficience intellectuelle. Ensuite,
nous avons pu mettre en évidence les troubles de l'image du corps
associés à l'autisme et enfin, ce travail nous a permis de
découvrir des carences affectives sous-jacentes à l'autisme.
Autant d'indices qui confirment notre hypothèse générale
selon laquelle l'autisme des cas d'enfants burkinabè a une incidence sur
le bonhomme dessiné.
Toutefois, il parait nécessaire pour nous de nous
exempter de toute généralisation hâtive dans la mesure
notre recherche ne s'est portée que sur l'étude de quatre cas
cliniques. De plus les productions des enfants ont pu être
influencées par certaines activités (peinture, dessins) qu'ils
font régulièrement au niveau du centre de prise en charge. Des
recherches ultérieures, mieux contrôlées, pourront alors
être menées avec un grand échantillon. Ces recherches
peuvent se porter sur les différences qui peuvent exister entre les
dessins des enfants présentant différents types d'autisme, le
nôtre s'étant porté sur des enfants présentant un
autisme léger. En outre, elles peuvent s'intéresser à la
validation des outils de diagnostic de l'autisme (le CARS et autres) ou du test
du dessin du bonhomme au Burkina Faso.
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www.euro.who.int(consulté le 11
Janvier 2016)
* 1 D'après l'OMS, des
dizaines de millions de personnes sont atteintes de l'autisme en Afrique.
* 2 Une étude
d'Opinion Way de 2010 révèle que seulement un
médecin français sur trois sait faire un diagnostic correct de
l'autisme.
* 3 On désigne ainsi de
vrais jumeaux dont un seul est atteint par l'autisme.
* 4La sérotonine est un
neurotransmetteur
intervenant notamment dans la régulation de l'humeur, du sommeil, de
l'appétit et de la température du corps.
* 5La dopamine est un
neurotransmetteur
du cerveau intervenant notamment dans la motivation, la motricité et les
addictions.
* 6 Il s'agit d'un trouble du
langage écrit. Les personnes hyperlexiques ont une bonne capacité
à déchiffrer les mots mais n'ont pas accès à leurs
sens. C'est ainsi que certains enfants autistes apprennent à lire avant
même de savoir parler.
* 7Selon Tustin, l'enfant
autiste utilise répétitivement des objets statiques.
L'utilisation de ces objets n'est pas associée à aucun fantasme
mais aux sensations corporelles qu'ils procurent par exemple les jouets en
métal.
* 8 Il peut s'agir de certaines
parties du corps de l'enfant, de l'adulte, d'objets, etc.
* 9 C'est-à-dire dont le
« moi » est totalement encapsulé de façon
à exclure le « non-moi »
* 10 Dans ce cas, des segments
du « moi » et du « non-moi »
perçus comme « moi » sont encapsulés
ensemble. Le non-moi est toujours exclut.
* 11 Il s'agit des enfants dont
le développement psychologique est exagérément
désorganisé mais non arrêté. Ces derniers ont des
traits communs avec les adultes schizophrènes.
* 12 Cette appellation concerne
à la fois les autistes de type « crustacé »
et de type « segments » pour lesquels le
développement psychologique s'est arrêté.
* 13ChildhoodAutism Rating
Scale : Traduction et adaptation française de Bernadette
Rogé.
* 14 Recommandations issues de
la conférence de consensus sur l'examen psychologique et l'utilisation
des mesures en psychologie de l'enfant (Novembre 2010).
* 15 Pour le calcul on s'est
référé aux tableaux des étalonnages de Royer
* 16 Il remue les mains et les
pieds, se tortille sur les chaises, aime grimper sur les murs ou dans les
arbres et a du mal à se tenir tranquille en classe ou pendant les jeux.
* 17 Il s'agit d'une ingestion
de substances non nutritives.
* 18 Il s'agit d'une manie de
l'écriture.
* 19 Il s'agit d'un super
héros d'une bande déssinée.
* 20 En effet, il avait
commencé à pleuvoir et il voyait les gouttes à travers la
fenêtre vitrée.
* 21Pour elle,
réussir à bien dessiner un bonhommenécessiteun minimum
d'intelligence qu'on pourrait situer aux alentours d'un Q.I de 80 à
90.
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