CONCLUSION GENERALE
Au terme de cette étude qui a porté sur
« Les groupes armés et la position géopolitique de la
RDC dans la région des Grands Lacs »; Cette dernière s'est
beaucoup plus penché sur la problématique de la dynamique de
naissance de groupes armés à l'Est de la RDC tout en cherchant
à comprendre les relations qui existent entre ces groupes armés
et les enjeux géopolitiques de la RDC dans la région des grands
lacs, mais aussi d'analyser les conséquences sociopolitiques des groupes
armés opérant à l'échelle régionale et ceux
locaux sur la stabilité nationale en RDC et régionale dans la
région des grands lacs. Ainsi, trois questions l'ont orientée
à savoir :
1) Quels sont les groupes armés nationaux et
régionaux qui opèrent en RDC?
2) Quelles sont les relations établies entre les
groupes armés à l'Est et les enjeux géopolitiques de la
RDC dans la région des grands lacs?
3) Quel est l'impact des groupes armés opérant
à l'échelle régionale sur la stabilité nationale et
régionale?
En guise des réponses provisoires à cette
problématique, les hypothèses suivantes ont été
émises :
1) L'identification exhaustive des groupes armés
nationaux et régionaux opérant en RDC serait illusoire au regard
de la dynamique de leur naissance.
2) Les relations établies entre les groupes
armés à l'Est et les enjeux géopolitiques de la RDC dans
la région des grands lacs seraient l'établissement des
administrations parallèles dans l'optique d'alimenter l'exploitation
illicite et illégale des ressources minières; le problème
foncier et un surpeuplement tacite conduisant à la thèse
d'envahissement du territoire national par des populations allogènes
donnant lieu à la crise d'identité sociale ainsi qu'à la
quête de l'espace au compte des agresseurs.
3) L'impact des groupes armés opérant à
l'échelle régionale sur la stabilité nationale et
régionale serait multidimensionnel à analyser sous divers angles
à la fois politique, économique et social.
Cette étude a eu trois objectifs à
savoir :
v Déterminer et identifier les deux principales
catégories des groupes armés actifs en RDC et en produire une
cartographie non exhaustive.
v Démontrer les relations qui existent entre les
groupes armés à l'Est et les enjeux géopolitiques de la
RDC dans la région des grands lacs.
v Dégager l'impact sociopolitique des groupes
armés opérant à l'échelle régionale sur les
groupes armés locaux et sur la stabilité nationale et
régionale.
Ainsi, pour réaliser ce travail, nous nous sommes
servis de la méthode d'analyse stratégique,
utilisée à la lumière de M. Crozier et E. Friedberg,
emprunté savamment par Jean OTEMIKONGO MANDEFU, qui nous a permis de
nous servir des données recueillies lors des entretiens pour
définir les stratégies futures probables que les acteurs vont
poursuivre les uns à l'égard des autres.
Ainsi, se basant à cette méthode, voici les
résultats auxquels nous sommes abouti : En termes des acteurs du
processus étudié, nous avons produit la cartographie non
exhaustive des groupes armés nationaux, entre autres le CNDP, les
milices MAÏ-MAÏ (APCLS, MAÏ-MAÏ KIFUAFUA, NDC, RAÏA
MUTOMBOKI, MAÏ-MAÏ SHETANI, MAÏ-MAÏ KIRIKICHO, UPCP-FPC,
MAÏ-MAÏ YAKUTUMBA, FRPI, MAÏ-MAÏ BAKATA-KATANGA),
PARECO-NYATURA, le M23, le MCRC ainsi que le MRE. La seconde catégorie a
cartographié les groupes armés régionaux à
savoir les FDLR, les ADF-NALU, et les FNL.
La troisième catégorie a
répertorié les pays impliqués directement ou indirectement
dans le système de parrainage des groupes armés à l'Est de
la RDC dont le Rwanda, l'Ouganda, le Burundi, les Etats-Unis, ainsi que la
Grande-Bretagne.
Quant à la quatrième catégorie, elle a
identifié les organisations régionales et internationales qui,
loin de se soucier de la situation sociopolitique chaotique en RDC, sont par
contre animées par la quête du lucre à savoir la MONUSCO
à travers ses composantes, la SADC, et la CIRGL.
Ainsi, l'avant dernière catégorie a ciblé
les multinationales Anglo-Saxonnes impliquées dans des réseaux
mafieux d'exploitation illicite et illégale des matières
premières pour leurs industries, entre autres Consolidated European
Venture de Lundin group; Barrik Gold Corporation (BGC); Anglo American
Corporation (AAC); American Mineral Field Inc (AMFI); American Diamond Bayers;
CLUFF; Bridge; et enfin Point Averseas Development of British Virgins
Island.
Pour la dernière catégorie, elle a pointé
les personnalités internationales, régionales et nationales
impliquées dans des circuits de soutien aux groupes armés
à l'Est de la RDC dont nous avons cité le Général
SALIM SALEH de l'Ouganda; le Général James KAZINI; le
Général TIKAMANYIRE; Mr JOVIA AKANDWANAHO; le Colonel UTAFIRE; le
Colonel MUGENI; Mr MKAHALI; Mr ATEENYI TIBASIMA; Mr MBUSA NYAMWISI; Mr NAHIM
KIHANAFFER; Mr Roger LUMBALA; Mr Jean-Yves OLIVIER; Mr Jean-Pierre Bemba; Sir
Adela LOTSOVE ou ABDU RHAMAN;
Quant aux nouveaux venus dans ces circuits de soutien aux
groupes armés régionaux, nous avons identifié le Colonel
MUYOMBO; le Colonel NZANZU BIROTSHO (emprisonné dans la prison militaire
de Ndolo à Kinshasa). Du côté rwandais : Ali Hussein
(transfert d'or et diamant à Bukavu et à Kisangani); l'ex
Général et actuel ministre rwandais de la défense JAMES
KABAREBE; Sir VICTOR BOUT (cité aussi dans le rapport d'amnistie
internationale et de Human Rights Watch); Mr MOHAMED ALI SALEM; Mr TIBERE
RUJIGIRO; Mr AZIZA KULSUM GULAMALI.
Ce premier résultat n'a fait que confirmer notre
première hypothèse où on a estimé que la
cartographie des différents acteurs impliqués dans le processus
de guerres de l'Est de la RDC serait non exhaustive au regard de la dynamique
observée dans la naissance des groupes armés et la
pluralité des personnalités impliquées à
différents niveaux concernant ce chaos.
Pour les relations établies entre les groupes
armés à l'Est et les enjeux géopolitiques de la RDC dans
la région de grands lacs, nous avons constaté que les multiples
causes de la création des groupes armés à l'Est de la RDC
sont directement ou indirectement liées aux différents enjeux que
nous avons épinglé dans ce travail dont l'enjeu
économique, qui a confirmé l'hypothèse de l'exploitation
illicite et illégale des ressources minières par les groupes
armés et soutenue, pour le cas de l'Est, par la CIRGL, et à
l'Ouest, par la SADC; l'enjeu foncier qui nous a permis de confirmer, toujours
en marge de la deuxième hypothèse, l'idée du
problème foncier lié au surpeuplement tacite et à
l'immigration illégale des populations allogènes en RDC; Ensuite,
l'enjeu socio-culturel qui a appuyé l'hypothèse de la crise
d'identité sociale donnant lieu à la nationalité douteuse
pour le cas de certaines ethnies et opposant des binômes
(Autochtonie/Allogénie, Hutu/Tutsi, Est/Ouest, et
Banyamulenge/Banyarwanda); et enfin, l'enjeu régional qui, quant
à lui, a confirmé le dernier point de la seconde
hypothèse, qui faisait allusion à la problématique de la
quête de l'espace par les agresseurs de la RDC, en l'occurrence le Rwanda
et l'Ouganda mais aussi le Burundi, animés par une politique
expansionniste, confirmant par la suite l'hypothèse de la Balkanisation
de la RDC dont beaucoup d'observateurs et citoyens congolais avertis sont
persuadés. Nous avons, en outre, annexé à ce travail
certaines lettres demeurées secrètes, qui confirment, dans une
optique qui ne fait l'ombre d'aucun doute, cette thèse de la
Balkanisation qui serait issue des « accords de
Lémera ».
Quant à l'impact de l'activisme de ces groupes
armés opérant à l'échelle régionale sur la
stabilité nationale et régionale, ce dernier, vue sa
complexité, a été analysé sous divers angles
à savoir : Impact sur le bon fonctionnement de l'armée,
impact social issu de la désinformation des medias internationaux et des
pays comme les Etats-Unis, impacts psycho-sociaux sur les populations
congolaises, l'inertie et la stérilité des déclarations
des ONGs de défense de droits de l'homme, et enfin, l'implicite
rôle et mission de l'ONU en RDC.
Tout ceci nous permettant de confirmer notre troisième
hypothèse.
Remarquons cependant, qu'à l'issu des investigations,
cette étude a débouché sur la confirmation de toutes nos
hypothèses, en ce sens que la principale cause qui continue, du jour le
jour, à favoriser la prolifération des groupes armés en
RDC, c'est la question de matières premières, de la
conquête du territoire (pour les groupes armés crées par
les agresseurs) et de l'identité sociale (pour les deux
« tribus rwandophones » : tutsi et hutu), mais aussi
des conflits interethniques (autochtones-allogènes,
Banyamulenge-Banyarwanda). Tout ceci étant la résultante du
dépérissement de la mission de souveraineté de l'Etat en
RDC, qui est incapable d'assumer la sécurité de l'ensemble de son
étendue territoriale, et d'user d'une bonne diplomatie tant sur le plan
régional qu'international.
Ainsi, sans prétendre avoir épuisé
toutes les questions relatives à cette thématique, qui a
cadré son champ de recherche sur les relations existant entre les
groupes armés et les enjeux géopolitiques de la RDC dans la
région des grands lacs ainsi que l'impact sociopolitique de ces derniers
sur la stabilité nationale en RDC et régionale dans la
région des grands lacs, nous invitons les futurs chercheurs
intéressés par elle de nous compléter en abordant certains
aspects comme les groupes armés et la construction de l'Etat de droit en
RDC.
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