Construire une démocratie consociative en afrique subsaharienne. cas de la république démocratique du congo( Télécharger le fichier original )par David NZENZE Université de Kinshasa (RDCongo) - Licence en Sciences Politiques et Administratives 2015 |
Section1. L'attitude des pays occidentaux face à la démocratieDans notre quête d'une société démocratique, il y a un risque de confusion entre la démocratie de type occidental et la démocratie tout court. La démocratie à l'occidentale est une chose. La démocratie en est une autre. Si la première est une adaptation propre à l'occident de ce patrimoine de l'humanité, la seconde est une valeur universelle61(*). Celle-ci est fondée sur la liberté, la justice et l'égalité ; il n'y a en ceci aucun doute ni objection. En effet, au cours de l'histoire, il est devenu de plus en plus clair que la participation et l'avis de tous sont indispensables pour pouvoir vivre ensemble et réunir des objectifs communs. Le développement d'une communauté, d'une région, d'un pays, d'un continent, ne peut valablement se faire que s'il repose sur la volonté et la contribution de tous62(*). De ce point de vue, en 1945, après la deuxième guerre mondiale qui a couté la vie à des millions de personnes, les Etats se sont réunis afin de créer une Organisation à vocation universelle dénommée Organisation des Nations Unies(en sigle, ONU) dans le but de prendre des décisions de manière consensuelle pour l'intérêt de tous les peuples du monde, et de prévenir des nouveaux conflits mondiaux. Pour cela, article 2, alinéa 1, de la charte de cette organisation stipule que : «L'Organisation est fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses Membres »63(*). Pourtant, déjà à ce niveau, le principe démocratique fonctionne très imparfaitement. Les Etats-membres n'y jouissant pas d'une représentation égalitaire de fait64(*), dans la mesure où, l'Organisation est composée de six organes parmi lesquels l'assemblée générale et le conseil de sécurité. Le premier englobe tous les membres de l'Organisation (au moins 193), et le second renferme quelques membres éternels(5) : les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni(les pays très démocratiques), la Chine et la Russie. Ces pays, se sont octroyés le droit de veto sans consulter qui que ce soit, et dictent leur volonté à l'Assemblée générale qui est le congrès du monde. En conséquence, les membres permanents peuvent décider d'intervenir là où ils le souhaitent sans l'autorisation des Nations Unies, comme ils l'ont fait au Kosovo ou en Irak ; on voit bien que cela n'entraîne aucune sanction officielle. L'ordre international incarné par le conseil de sécurité consacre le règne de la force, non du droit. On dit parfois, pour en tirer orgueil, que ce nouvel ordre mondial met fin à la sacro-sainte notion westphalienne de souveraineté des Etats, au principe « charbonnier maître chez soi », autrement dit : chaque gouvernement fait ce qu'il veut chez lui, c'est lui qui décide de ce qui est bien ou mal. Certainement imparfait, cet ordre est cependant remplacé par un principe plus ancien encore, selon lequel la force fait le droit et les puissants de ce monde peuvent imposer leur volonté aux plus faibles : maintenant, c'est « même charbonnier maitre partout » !65(*) Dans ce contexte, nous donnons raison à l'ancien président français CHARLES DE GAULE qui disait : « l'ONU est un gros machin »66(*). L'année dernière, la RDC avait renoncé au soutien des forces de la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation du Congo (MONUSCO) dans la traque contre les groupes armés et autres opérations. En plus, elle avait demandé le départ progressif des casques bleus sur son sol. De son côté, le conseil de sécurité, s'est prononcé non seulement contre, mais a décidé aussi que, les reconfigurations futures de la MONUSCO et son mandat seraient conditionnées par les résultats sur terrain. Or, en 1960, à propos de la mort de PATRICE LUMUMBA, FRANZ FANON écrivait?: « L'ONU n'a jamais été capable de régler valablement un seul des problèmes posés à la conscience de l'homme par le colonialisme, et chaque fois qu'elle est intervenue, c'était pour venir concrètement au secours de la puissance colonialiste du pays oppresseur »67(*). Par ailleurs, de quelle manière, au nom de la « démocratie », (facteur de paix et gage de développement) les occidentaux ont d'abord obligé à la Côté d'Ivoire d'organiser les élections, dans un pays coupé en deux par la guerre. Ensuite, après la crise postélectorale, ils ont privilégié un camp plutôt qu'un autre, c'est-à-dire ils ont envoyé les militaires français et onusiens dans le but d'aller déloger LAURENT GBAGBO de la résidence présidentielle en faveur d'ALASSANE OUATTARA. Au lieu de résoudre ce conflit postélectoral de façon pacifique, en recomptant par exemple les voix ou en établissant une discussion objective comme ça se fait ailleurs. A titre illustratif, en Afghanistan, en 2014, nous avons vu comment deux candidats (ABDULLAH ABDULLAH et ASHRAF GHANI) se disputaient la victoire à l'élection présidentielle au second tour. Et c'est à partir d'un dialogue constructif que ces deux protagonistes se sont entendus, en signant l'accord de gouvernement d'union nationale sans que les armes ne puissent parler comme en Côte d'Ivoire. Par conséquent, comme dit AMINATA TRAORÉ : « l'attaque de la résidence du président LAURENT GBAGBO et son arrestation ne sont ni plus ni moins qu'une illustration de ce que CHEIKH HAMIDOU KHAN appelle l'art de vaincre sans avoir raison, qui est le propre de l'Occident »68(*). Comment encore expliquer toujours au nom de la « démocratie » l'OTAN avait détruit non seulement la Lybie et tué MOUAMMAR KADHAFI mais elle a aussi créé une insécurité permanente dans la bande sahélo-saharienne ! Et, cette guerre aurait fait, selon les estimations du président du (CNT), MOUSTAPHA ABDELJALIL, environ 20.000 morts, chiffre arrondi à 30.000 en octobre69(*). C'est ça donc la démocratie et les droits de l'homme ? Comparons aujourd'hui la Lybie « démocratique » et la Lybie pendant l'époque de MOUAMMAR KADHAFI. La résultante est claire, la Lybie actuelle « démocratique » est devenue centre des terroristes, pays ingouvernable, les libyens sont devenus orphelins, négligés et éparpillés. Certains tentent d'aller en Europe, et cette dernière a tracé un mur pour les empêcher ; et d'autres finissent leur course dans la Méditerranée. Pourtant, avant l'intervention de l'OTAN, les occidentaux étaient « humanistes », ils prétextaient : « nous intervenons en Lybie au nom de la démocratie afin de pouvoir protéger les civils ». A ce sujet, nous nous posons quelques questions innocentes : Est-ce- qu'on peut établir la démocratie par la voie des armes lourdes ? Les pays qui ont bombardé la Lybie afin d'instaurer la prétendue « démocratie » ne savent pas que la Lybie est aujourd'hui ingouvernable ? Est-ce- qu'un pays démocratique peut avoir deux gouvernements et deux parlements parallèles ? Comment parler de la démocratie seulement à l'intérieur des quelques Etats (surtout l'Afrique subsaharienne) au moment où certains parmi eux n'ont pas droit au chapitre au conseil de sécurité ? Conséquemment, ceux qui veulent donner des leçons à l'Afrique au sujet de la démocratie ne sont pas mieux placés. S'ils se souciaient réellement des peuples africains, ils devraient d'abord démocratiser le système de Nations Unies, c'est-à-dire promouvoir le droit à la place de la force. En d'autres termes, le mandat qu'ils ont confié au conseil de sécurité de façon arbitraire pour leurs propres intérêts, ils devraient le confier normalement à l'assemblée générale (congrès du monde) pour l'intérêt de tous les peuples du monde car, la devise de l'ONU est « c'est votre monde ». Et, les africains doivent savoir que les élections, l'alternance, la liberté d'expression et le droit de l'Homme ne sont pas des priorités majeures. Ce sont les termes que les occidentaux utilisent pour montrer aux africains que ce sont eux qui les aiment plus, et non plus leurs dirigeants. La priorité ultime est le droit au développement, c'est ici où repose les vrais droits de l'Homme. Puis, la construction d'un régime démocratique stable, la stabilité des institutions et leur développement économique et social ne viendront pas d'en haut. C'est le fruit d'un travail raisonnable et responsable avec la patience et la confiance mutuelle. * 61 MAYOYO BITUMBA, T., op.cit., p.160. * 62 MAPPA, S., op.cit., p.304. * 63 Charte des Nation Unies du 26 juin 1946, p.2. * 64 MEILLASSOUX, C., Identités et Démocratie. En Afrique et ailleurs..., L'Harmattan, Paris, 1997, p.10. * 65 TODOROV, T., Les ennemis intimes de la démocratie, Editions Robert Laffont, Paris, 2014, pp.90-95. * 66 DE GAULE, C., « La RDC victime d'une conspiration internationale », in Le Potentiel, n° 5836, Mardi 28 mai 2013, p.2. * 67TRAORÉ,A., « Aminata Traoré et Laurent Gbagbo », http://www.contrepoids_infos.blogspot.com/.../aminata_traore_et_laurant_gbagbo.htm..., [enligne], mis en ligne le 08 juin 2014, consulté le 17 novembre 2014 à 12h 05', p.4. * 68TRAORÉ, A., « Pour une Côte d'Ivoire libre et indépendante », http ://www.contrepoids_infos.blogspot.com/.../aminata_traore_et_laurent_gbagbo.htm..., [En ligne] publié le 8 juin 2014, Consulté le 17 novembre 2014 à 10h 03', p.2. * 69 TODOROV, T., op.cit., p.98. |
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