Coronarographie par voie radiale : solutions contre le spasme( Télécharger le fichier original )par Feno RABENIRINA Université Libre de Bruxelles (ULB) - Diplôme d'Etudes Spécialisées de cardiologie 2014 |
Résumé de l'étudeCe travail a pour but principal de comparer de façon prospective et randomisée trois voies d'administration de dérivés nitrés, à dose équivalente, sur la prévention d'apparition du spasme de l'artère radiale (SAR) durant la coronarographie : injection intra-artérielle directe (A), patch trans-dermique (D), perfusion intra-veineuse continue (V). La diffusion trans-dermique systémique et la perfusion intra-veineuse continue n'ont jamais été testées dans cette indication. Les critères principaux d'évaluation sont : ? La douleur ressentie par le patient (SD). ? Le frottement de la sonde ressenti par l'opérateur (SO). ? Le nombre de conversion vers l'abord fémoral. ? Les mesures doppler de l'artère radiale juste avant et juste après la procédure. ? L'évolution clinique locale sur trois mois (incidence douleur au bras et occlusion de l'artère radiale). Une analyse secondaire des facteurs favorisants un SAR a été réalisée à titre indicatif. Quatre cent quarante-deux patients (166 femmes et 276 hommes, avec un âge moyen de 64.1+/-13.6 ans) sont inclus dans un cadre de coronarographie élective. Sur les critères SD et SO, les administrations A et D sont significativement supérieures à V. Les formes A et D sont équivalentes en terme d'efficacité. Les données du Doppler vasculaire nous apprendront que le fait seul d'avoir l'introducteur, l'artère a déjà un spasme. L'évolution clinique montre un taux inférieur de douleur tardive dans les groupes A et D par rapport à V. Par contre, nous ne constatons pas de différence sur l'occlusion tardive de la radiale dont le taux reste globalement bas (1.8%). Les facteurs favorisants le SAR sont : les opérateurs, le nombre de ponction radiale, le sexe féminin et la durée de la procédure. L'administration trans-dermique apparaît donc, pour la première fois, comme une alternative efficace, simple et bien tolérée, au standard injection intra-artérielle, pour la prévention du SAR. 5 1 Introduction L'abord radial est privilégié pour la coronarographie en raison de nombreux avantages : réduction du risque hémorragique local, même dans les situations les plus hémorragipares1, diminution du temps d'immobilisation et de la durée d'hospitalisation, amélioration du confort ultérieur du patient. Néanmoins, cette approche est grevée d'une complication principale immédiate qu'est le spasme de l'artère radiale (SAR) qui, selon les critères utilisés, a une incidence moyenne de 30%2. Outre la douleur engendrée, le SAR peut justifier une conversion vers la voie fémorale. La complication à moyen terme est une occlusion de l'artère radiale qui peut atteindre 30%3,4 des cas. En règle générale, le SAR est défini par une apparition de douleur dans le bras le long de l'artère radiale ponctionnée et un frottement du cathéter ressenti par l'opérateur2,5-8. Les signes objectifs du SAR sont une diminution du diamètre de l'artère radiale et une modification de la vitesse du flux. Ceux-ci sont classiquement mis en évidence par artériographie6,9,10 ou par échographie vasculaire11,12. L'administration d'un vasodilatateur juste avant la procédure de coronarographie, permet d'augmenter le diamètre de l'artère radiale11,13 et ainsi diminuer le frottement des sondes. Théoriquement, cela prévient la survenue du SAR. La plus forte composante musculaire lisse de la média de l'artère radiale l'expose davantage à la vasoconstriction par rapport aux artères plus « centrales »14. L'artère reste sensible aux produits vasodilatateurs dont les dérivés nitrés (DN). Il est actuellement admis un certain nombre de facteurs prédisposant au SAR2,5,9: sexe féminin, durée de l'intervention, diamètre de l'artère initiale, utilisation de guide non hydrophile, expérience de l'opérateur. La littérature relate plusieurs tests de produits vasodilatateurs (DN, inhibiteur calcique, sulfate de magnésium, antagoniste alpha-adrénergique...) et différentes voies d'administration (voie intra-veineuse (IV) directe, voie sous-cutanée injectée, voie intra artérielle (IA) directe). Globalement les DN en intra-artériel apparaissent les plus efficaces2,8,11,13,15,16. L'inconvénient est une sensation thermique et douloureuse brève mais intense et particulièrement désagréable. L'injection IV est mieux tolérée mais il s'agissait d'injection directe et sans preuve de sa supériorité sur l'injection IA. L'injection sous-cutanée para-radiale n'a été étudiée que pour faciliter l'accès à l'artère radiale17,18. Notre étude compare de façon randomisée, pour la première fois, l'efficacité de l'administration trans-dermique de trinitrine (D) et intra-veineuse continue de dinitrate d'isosorbide (V) au standard dinitrate d'isosorbide en intra-artériel (A). 6 2 Buts de l'étude L'objectif principal de l'étude est de comparer les trois voies d'administration des DN sur la prévention d'apparition du SAR selon les critères suivants :
4.5 Facteurs associés au spasme : échelle de douleur et de frottement (tableau 6) Parmi les facteurs favorisants le SAR, à la fois sur l'échelle de douleur que sur l'échelle de frottement, citons le sexe féminin, le nombre de ponctions, l'opérateur et le mode d'administration. La durée de la procédure affecte seulement l'échelle de frottement. 11 5 Discussion Les deux produits les plus étudiés en prévention du SAR sont les dérivés nitrés2,5,7-9,11-13,15-18 et les inhibiteurs calciques (principalement le Verapamil et une étude pour le diltiazem12). Ils sont associés de temps en temps avec de la lidocaine2,11,13,15 en application topique. Les différentes voies d'administration de DN ont été largement étudiées notamment pour la voie IA directe et IV directe. Les études sur la forme trans-dermique montrent l'efficacité de ce mode d'administration sur la dilatation de l'artère radiale sans tester son efficacité sur la prévention du SAR pendant la coronarographie13,17,18. L'étude de Majure DT et al.13 met en évidence que l`application locale de patch de DN à dose de 30 mg augmente de façon significative le diamètre de l'artère radiale chez les volontaires sains. Cette étude nous a servi de base pour fixer la dose de 30 mg de patch trans-dermique, appliqué 2 heures avant la ponction de l'artère radiale. Nous n'avons pas retrouvé d'étude testant l'administration intra-veineuse continue. Aucune étude n'a comparé trois modes d'administration de DN sur les paramètres cliniques du SAR en particulier la forme trans-dermique et IV continue. L'échelle de la douleur par EVA et l'échelle de frottement du cathéter sont les 2 méthodes d'évaluation du SAR que nous avons retenues. L'EVA, comme critère de douleur, a souvent été utilisée dans la littérature. Elle apparait fiable et reproductible dans de nombreux domaines. Nombreuses sont les techniques utilisées pour objectiver le frottement de la sonde. Kiemeneij F et al. 19 utilise un dispositif « automatic pullback device (APD) » qui permet de quantifier en kg la force de retrait de l'introducteur : le « The mean maximal pullback force (MPF) ». Une relation significative existe entre le spasme clinique ressenti par le patient et une MPF plus grande. La principale limite de cette technique est la mesure du SAR uniquement à la fin de la procédure et ne tient pas compte du SAR durant la procédure. Nous ne disposions pas d'un tel dispositif. Nous avons choisi une échelle de frottement ressenti par les opérateurs. Les critères étant bien définis, et les opérateurs expérimentés, nous avons jugé cette méthode d'évaluation du SAR fiable, surtout combiné avec l'EVA. Elle a été souvent utilisée par d'autres études5-8. Notre étude montre une supériorité des voies d'administration du nitré par voie intra-artérielle directe et par patch trans-dermique par rapport à l'injection intra-veineuse continue. Les échelles de douleur et de frottement concordent parfaitement, ce qui permet de relativiser un éventuel biais subjectif. Par ailleurs, il n'y a pas de différence significative entre les voies intra-artérielle directe et patch trans-dermique. 12 A notre connaissance, l'administration trans-dermique de nitrés apparaît pour la première fois équivalente au standard IA directe. Il s'agit d'une forme d'administration simple et bien tolérée (absence d'hypotension artérielle, elle dispense de la désagréable sensation thermo-algique de l'administration IA directe, on note très peu de céphalée). Bien qu'elle n'ait été utilisée dans notre étude que chez des patients hospitalisés, cette voie d'administration est bien adaptée à la coronarographie radiale, en clinique d'un jour, pour autant qu'elle soit appliquée au moins 2 heures avant la procédure. L'administration IV continue s'est avérée inférieure aux deux autres sur les échelles de la douleur et de frottement ainsi que sur l'interruption du protocole. Cette dernière est principalement liée aux hypotensions artérielles symptomatiques. Notre protocole d'administration pourrait notamment être en cause, car il ne débute qu'en salle de cathétérisme. Les doses individualisées efficaces et tolérées n'ont probablement pas toujours été administrées. On ne peut exclure, qu'un protocole mis en route plusieurs heures plus tôt et mieux titré, pourrait s'avérer efficace. Néanmoins cela demanderait une mise en oeuvre plus lourde et mal adaptée à la coronarographie élective. Pour les paramètres objectifs du SAR, nous avons choisi la mesure de la vitesse par Doppler vasculaire. Un spasme artériel devrait se traduire par une diminution du diamètre de l'artère et un changement de la vitesse du flux a priori à la baisse. L'artériographie de l'artère radiale est une des techniques pour objectiver le SAR, mais elle peut s'avérer spasmogène9,20 et le calibre de référence ne peut être connu. Par ailleurs, l'injection est douloureuse et consommatrice en contraste. Nous avons dès lors préférer l'éviter. Le diamètre échographique de l'artère radiale avant et après le spasme a été utilisé comme critère objectif du spasme dans l'étude de Beyer et al. (The PRE-DILATE Study)11. Cette mesure est non invasive et reproductible aux mains d'opérateurs expérimentés. Nous nous sommes limités à la mesure de la vitesse du flux radial, par Doppler pulsé, sous le pli du coude, comme utilisée dans l'étude de Mont'Alverne Filho JR et al. 12 Nous n'avons pas relevé de différence significative entre la variation des vitesses (Delta T0-T1) mesurée par Doppler pulsé vasculaire entre les trois formes d'administration. Cette méthode d'évaluation du spasme apparaît dès lors moins discriminante que les critères cliniques. La mesure T1 plus basse pourrait être liée à la seule présence de l'introducteur et/ou à un effet de spasme global. La réduction du flux engendré par l'introducteur pourrait également masquer l'effet du spasme. L'étude de Fukuda N. et al.20 montre bien que le seul fait d'avoir un introducteur est générateur de spasme chez tous les patients. 13 Les vitesses T0 sont plus élevées dans la forme trans-dermique (de façon significative) et intra-veineux (de façon non significative) que la forme intra-artérielle. Ceci traduit l'effet vasodilatateur effectif préalable de la forme trans-dermique alors que cet effet est moins marqué pour l'administration intra-veineuse. L'injection intra-artérielle ne peut naturellement bénéficier de cet effet préalable. Ces données concordent avec les données de Beyer et al11. Ceci pourrait contribuer à l'efficacité de la forme trans-dermique. Le taux de SAR est difficile à préciser. La méta-analyse de Kristic I. et al2 montre bien l'hétérogénéité de la définition du SAR dans les différentes études. Les incidences du SAR ont un écart important, de 2%21 à 52%10. Notre étude montre l'étalement des critères de douleur et de frottement. Il s'agit manifestement d'un phénomène d'intensité variable. Dès lors, les résultats des études ayant défini le SAR de façon univoque6,7,16,20, pourraient être relativisés. Si on retient les critères de douleurs et de frottement supérieurs à zéro, dans notre étude, le taux de SAR serait d'environ 40%, soit une valeur relativement élevée. Néanmoins un spasme suffisamment important pour justifier une conversion fémorale est rare (19 patients soit 4%). Malgré le taux du SAR semblant élevé, le taux d'occlusion tardive reste très rare (1.8%). Le SAR est donc davantage un problème de confort du patient (et de l'opérateur) qu'un critère pronostique d'occlusion de la radiale. Secondairement, nous avons constaté un certain nombre de facteurs prédisposant au SAR : le sexe féminin, le nombre de tentatives de ponctions de l'artère radiale, l'opérateur, le mode d'administration du dérivé nitré et la durée de la procédure (uniquement pour l'échelle de frottement). Ces données concordent avec celles retrouvées dans la littérature2,,5,9. 14 6 Limites de l'étude La procédure par voie veineuse a été souvent interrompue en raison des effets secondaires, limitant notre analyse sur l'efficacité de cette voie pour la prévention du SAR. Le protocole de l'étude pourrait être optimisé afin de rendre plus efficace cette voie d'administration. Notre méthode de vitesse de flux par Doppler pulsé a été pratiquée par des opérateurs non rompus au Doppler vasculaire. 15 7 Conclusion Notre étude randomisée de façon prospective sur une cohorte importante de 442 patients met en évidence, dans la prévention du SAR, une équivalence d'efficacité de la voie d'administration des dérivés nitrés par voie intra-artérielle directe et par dispositif trans-dermique. Ces deux voies d'administration sont significativement supérieures à la voie intra-veineuse continue. Nous retrouvons plusieurs facteurs favorisant le SAR, conformes à la littérature (le sexe féminin, la durée de la procédure, le nombre de tentatives de ponction, l'opérateur et le mode d'administration du nitré). A notre connaissance, il s'agit de la première étude indiquant une efficacité de la voie trans-dermique égale au standard intra-artérielle. Aisée à mettre en oeuvre et bien tolérée, elle constitue une intéressante alternative à l'injection intra-artérielle pour autant qu'elle soit appliquée au moins deux heures avant la procédure. 16 8 Annexes
Tableau 2 : Population
17 Tableau 3 : Paramètre des procédures en fonction de la voie d'administration
Tableau 4 : Paramètre du spasme en fonction de la voie d'administration
Tableau 5 : Doppler radiale en fonction du mode d'administration
Tableau 6 : Facteurs de spasme selon les échelles de douleur et de frottement
Figure 1 : Distribution de l'échelle de douleur Degré douleur
300 250 200 150 100 50 263 26 40 16 34 0 Figure 2 : Distribution de l'échelle de frottement
Degré frottement 0 1 2 3 20 21 9 Bibliographie
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