III.4.3 Evaluation empirique de ces différentes
méthodes
Toutes ces techniques engagées dans la lutte
anti-érosive concourent au contrôle de l'eau de ruissellement en
gérant leur drainage tout en ralentissant leur écoulement. Mais
elles ne sont pas très efficaces :
? minimisation du ruissellement dans les parcelles et sur les
avenues : les puisards dans les parcelles et les bassins d'orage dans les rues
sont trop petits pour engorger toute l'eau des pluies et faciliter
l'infiltration et ainsi diminuer sensiblement le ruissellement des eaux. Aussi,
il se pose un problème de curage de ces puisards et des bassins de
rétention d'eau parce que cette eau de ruissellement emporte avec elle
les sables qui se déposent dans ce dispositif. Et par conséquent,
il y a diminution de la capacité de rétention d'eau. Ces
dispositifs sont creusés dans un sol sableux et leurs parois ne sont pas
protégées de l'attaque par l'eau à l'instar des ravins de
Kisenso et du quartier COGELOS au Mont - Amba ;
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y' la protection de la tête des ravins avec des
déchets ménagers et les sacs plastiques semble tenir longtemps
tel qu'au ravin Elimo Santu à Livulu. Mais cette technique est
contradictoire avec les mesures de santé publique. Les autres
dispositifs comme les bâches et les glissières métalliques
ne résolvent pas les problèmes car ils ne couvrent pas tout le
ravin. L'érosion reprend juste au bout de l'installation à
l'instar de Laloux où l'érosion est stabilisée à la
tête mais elle évolue latéralement au milieu du ravin par
glissements des parois ;
y' les digues érigées dans le ravin ne peuvent
être efficaces que si sa tête est stabilisée par les
déchets ménagers et plastiques ainsi que par la
végétation et qu'aucun ruissellement d'eau de pluies n'y arrive.
Sinon toute autre stabilité s'avère temporaire et donc apparente.
Aussi les joints de sacs ne sont pas cohérents car l'eau finit toujours
par les déstabiliser à l'exemple de Kisenso, Mbanza Lemba ;
y' la végétation ne joue son rôle de
fixation du sol que quand elle le couvre totalement surtout en zone de fortes
pentes. Sinon le ruissellement profite toujours des espaces non couverts pour
reprendre l'érosion. Il faut dire que la reprise de la couverture
végétale à la tête du ravin Mataba grâce
à la déviation du ruissellement constitue un succès
énorme ;
y' le drainage des eaux par le système de caniveau ne
tient que lorsqu'il est bien calibré et curé
régulièrement, répondant aux intensités
extrêmes et au volume d'eau à évacuer et, quand le drain
arrive jusqu'à la vallée. Au cas contraire, tout dispositif de
drainage qui s'arrête sur le versant constitue un danger énorme
puisqu'il recueille déjà beaucoup d'eau qui reprenne
l'érosion et emporte même ce caniveau dans sa progression par
érosion régressive. Ainsi nous déplorons des pertes
d'investissements faute d'avoir exécuté le projet jusqu'à
terme à l'instar de Mataba et Laloux ;
y' le grand problème qui se pose actuellement dans les
quartiers pourvus de caniveaux est le manque de curage. Ce qui réduit
sensiblement leur capacité. Il y a aussi la cassure de ces drains par
des inciviques ou par le sapement du sol à la base à l'instar du
site de l'Université de Kinshasa menacé de tout bord par le
ravinement.
Généralement, la conception des égouts ne
tient souvent pas compte de la surface drainée. Les ingénieurs -
concepteurs n'intègrent pas dans le calcul de dimensionnement ou
calibrage des ouvrages le volume d'eau à évacuer, et ce, surtout
pas les intensités de pluie exceptionnelles ou extrêmes.
Parfois, lors de l'exécution de ces travaux, l'eau de
ruissellement est déviée de la tête de ravin. Ce qui
constitue une très bonne action afin de stopper sa progression. Mais
très souvent, ce détournement ne fait que déplacer le
problème. L'eau érode le site où on la conduit si la
canalisation n'arrive pas jusqu'au talweg ou à la vallée avant la
saison des pluies. Cela est dû surtout avec la non-prise en compte de la
quantité d'eau pouvant être drainée : cas
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du site Mataba très médiatisé où
Google Earth 2010 avec sa fonction chronologique nous a aidé à
reconstituer une partie de son histoire (Figure 3.10) :
Figure 3.10 : Reconstitution du ravin Mataba
grâce à Google Earth 2010
Route Matadi reliant Kinshasa au port (situé à
350 km à l'Ouest) : situation harmonieuse
Fin saison sèche : stade #177; stable
Ravinement très manifeste (Tête stable) Petite
saison sèche : Travaux de génie civil
de consolidation de la stabilité
100 m
100 m
Fig.3.10c (Image 2005 sur Google Earth 2010) Fig.3.10d
(Anaglyphe_Spot 5 2006/2007)
100 m
Fig.3.10b (Image 2004 sur Google Earth 2010)
Fig.3.10a (Photo - aérienne 1957)
68
Fin saison des pluies : digues ayant fonctionné
correcte - ment (rétention d'eau ) et construction d'un caniveau
100 m
100 m
Début saison des pluies : situation stable +
caniveau
Fig.3.10e (Image 2006 sur Google Earth 2010) Fig.3.10f (Image
2008 sur Google Earth 2010)
ept Jan Juin ept Mai
204 205 8 209
200
En plein saison sèche et donc situation
héritée de la saison des pluies : stade de
réactivité en suivant le profil du caniveau
Entretemps stabilité à la tête du ravin
grâce à la déviation des eaux
Fig.3.10g (Image 2009 sur Google Earth 2010)
100 m
Lorsque la phytotechnie adaptée (bandes
alternées) est incapable d'arrêter l'érosion des sols,
notamment dans le cas de l'érosion en ravines, il est nécessaire
de recourir à une modification radicale des modalités
d'écoulement des eaux, via un aménagement du terrain (XANTHOULIS,
2010). Mais ces modifications devront tenir compte de tous les
paramètres hydrologiques du site sinon elles engendrent d'autres
catastrophes.
Le service étatique commis au drainage en RD.Congo et
en particulier dans la ville de Kinshasa est l'Office de Voirie et Drainage
(OVD). Face à la démission de l'Etat ou au non financement de ce
service par le budget public vers les années nonante (à partir
1992), la société civile s'est constituée en organisations
non gouvernementales (ONG) pour résoudre les problèmes qui se
posent à la base avec des moyens financiers dérisoires. Par
conséquent, une main tendue vers les missions diplomatiques qui ont
coupé toute coopération structurelle avec l'Etat pour appuyer les
ONG locales et plus tard via des ONG internationales comme les
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Agences locales d'exécution (A.L.E) qui semblent
être beaucoup plus crédibles. Même à la reprise de la
coopération bi-et/ou multilatérale, ces structures
intermédiaires ont encore la confiance des bailleurs de fonds et des
communautés locales.
Pendant plus de dix ans, la Fédération des ONG
laïques à vocation économique du Congo (FOLECO)
appuyée par la Coopération technique allemande (GTZ) au
départ, puis par la Coopération technique belge (CTB), la Banque
Mondiale (BM), ... joua un rôle non négligeable à la base
et aida tant soit peu à la lutte anti-érosive (LAE). Elle emploie
la méthode dite « Haute intensité de la main d'oeuvre »
(HIMO) et utilise des techniques biologiques (reboisement) et
semi-mécaniques (combinaison avec des sacs en terre). Aussi, le Fond
social urbain/Kisenso financé par la DGCD/Belgique atténuera les
dégâts dans la commune de Kisenso avec la méthode
semi-mécanique (reboisement, sacs des terres, terrassements, ...).
Actuellement, le Ministère des Infrastructures, Travaux
Publics et Reconstruction a dû créer une Commission chargée
de la lutte anti -érosive dont fait partie notamment l'OVD, la FOLECO,
...
Aucune mesure n'est envisagée pour lutter contre les
effets à l'aval tels que les ensablements et les inondations dans les
rivières Lubudi, Binza (affluent de Lukunga), Tshangu, Funa, ...
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