En nous inspirant de MOEYERSONS & TREFOIS (2008), nous
pourrions énumérer les dangers ou les risques hydrologiques
auxquels une pente est exposée lors d'une augmentation du ruissellement
:
- Le ruissellement diffus constitue un premier risque. Il est
peu connu que le ruissellement diffus dans la ville de Kinshasa peut prendre
l'allure d'un vrai « sheet flood » (McGEE, 1887), mais il se fait que
des personnes sont parfois emportées par le courant, ou même des
objets lourds comme une camionnette, etc. Aussi, constate - t'on souvent sur
les sommets et la partie supérieure des flancs de collines, le
déchaussement des maisons ou même de gros arbres ;
- C'est un fait connu que le ruissellement peut se concentrer
le long de routes et qu'il se crée ainsi des problèmes de
ravinement (MOEYERSONS, 1991). L'érosion hydrique en
général et en particulier le ravinement constitue un grand
problème dans la ville haute de Kinshasa. Les problèmes
corrélatifs sont les dépôts et ensablements dans les
vallées et dans la basse ville ;
- Les inondations de cours d'eau et ensablements en basse
ville à cause des crues de rivières plus importantes qui jadis
n'atteignaient pas une telle ampleur, ...
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? Le ravinement en haute ville
La haute ville connait une forte dissection par des profonds
(30 m) et larges (40m) ravins de plusieurs centaines de mètres de long.
Ainsi, le site urbain est localement transformé en bad-land.
Ces méga-ravins isolent et séparent les quartiers habités
en îlots, hypothéquant ainsi tout développement harmonieux
de la ville. Sur les flancs des collines et les versants, des torrents
modèlent le relief et le paysage de Kinshasa (MITI et al.,
2004). Dans leur description, MITI et al. (2004) confondent les
glissements de terrain comme le témoignent très souvent leurs
loupes observées dans le paysage de Kinshasa et l'érosion
ravinante. Car ces deux phénomènes sont encore en activité
dans ce paysage.
La Fédération des organisations non
gouvernementales laïques à vocation économique du Congo
(FOLECO, 2002/2003) signale 212 érosions10. Ce même
rapport fait état de 2400 maisons englouties par l'érosion
ravinante.
LELO (2008) dénombre 19 grandes érosions en
utilisant une méthode d'observation directe sur le terrain tandis que
MAKANZU (2008) en a dénombré 22 sur base de la photo -
interprétation et qu'il a bien désignées par le terme
« ravin.»
L'érosion de la drève de Selembao,
commencée en 1990, longue de 1300 mètres et de largeur moyenne de
60 mètres avec une profondeur moyenne de 12 mètres, a
déjà causé la mort des 6 personnes et la destruction de 71
logements (STEVENS, 2006). Cette érosion qui semble être
maîtrisée pour l'instant grâce aux travaux de génie
civil financé par la Banque Mondiale, menaçait de détruire
tout un quartier résidentiel de haut standing, planifié,
structuré. Au-delà, elle menaçait la route RN1 reliant la
ville de Kinshasa aux villes portuaires de Matadi et Boma.
? L'ensablement
De nombreux ravins de grande envergure entaillent les
altérites sableuses sur 40 m de profondeur dans la zone à
collines de la ville, tandis que les déblais
générés par le ravinement ensevelissent l'habitat dans la
zone basse et y favorisent des inondations parfois catastrophiques (MITI &
ALONI, 2005).
La plupart des bassins versants des parties ouest et sud sont
ravinés : Lukunga, Lubudi, Bumbu, Funa, Matete, N'kwambila, N'djili, ...
Généralement, ces rivières ont une pente suffisante pour
qu'un écoulement puisse s'établir. Mais leur régime est
perturbé par le phénomène d'érosion en amont de ces
petits bassins versants qui fait naître un débit solide
constitué pour la plupart de sable et secondairement de limons. Ce
débit crée un encombrement progressif des lits de rivières
et par conséquent, on assiste à la naissance de bancs de sable
qui augmentent l'envasement des cours d'eau, exhaussent les lits des
rivières et
10 Ravins qu'elle appelle érosion
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accroissent le débit à pleins bords. Ce qui
amoindrit le débit liquide en aval. L'exemple le plus frappant est celui
de la rivière Lukunga où est implantée depuis 1932 la
première usine de la régie de distribution d'eau potable de
Kinshasa (Régideso) obligeant l'exploitant public de recourir au pompage
d'eau du fleuve Congo, compliquant ainsi la chaîne de traitement. NTOMBI
& TUMWAKA (2004) conclurent en ces termes : « en conséquence,
il est plus que vraisemblable que les nombreux problèmes auxquels est
confrontée la Régideso, notamment ceux aujourd'hui avec l'usine
de Lukunga, procèdent fondamentalement d'une approche de la
géologie environnementale urbaine et dont la mauvaise occupation des
surfaces marginales constitue la clé de voûte ». Aussi, ce
phénomène est accentué par l'apport des déchets
ménagers et autres ordures. Ce qui accentue le phénomène
d'inondations des quartiers de la plaine de Kinshasa : Bandalungwa, Lingwala,
Ngiri Ngiri, Kasa Vubu, ... Perturbant parfois, la fourniture électrique
sinon occasionnant des cas d'électrocution.
L'accumulation des matériaux arrachés sur les
versants est matérialisée par l'envasement du réseau du
drainage, débordement du débit à pleins à bords et
par des pavages en bancs de sable. A Pompage, au quartier Kinsuka dans la
commune de Ngaliema, le mesurage systématique dans le canal
d'alimentation de la Régideso sur la rivière Lukunga pendant les
mois de juillet, août, novembre et décembre 1998, donne un total
de 4.035,6 tonnes de sable charrié par le cours d'eau (MAKANZU,
2004).
? Les inondations
Il existe différents types d'inondation à Kinshasa
; notamment :
- des crues de rivières : N'djili et le Pool Malebo
dues aux pluies qui s'abattent en amont ;
- par des crues de remous de la N'djili dues aux inondations
du Pool Malebo suite aux hautes eaux venant des affluents comme l'Oubangui ;
- par des débits à pleins bords des cours d'eau
locaux dues aux pluies locales.
Ainsi, malgré une pente suffisante (2,3 - 7%) du
réseau hydrographique pour évacuer les pluies les plus
importantes dans un laps de temps évalué à 24 heures (VAN
CAILLIE, 1983), on enregistre très souvent lors de pluies d'une certaine
intensité des inondations dans la ville basse en novembre et
décembre. Dans certains quartiers cependant, l'évacuation de plus
fortes pluies est insuffisante, car les fossés de drainage sont
encombrés de sable ou de débris divers. Ailleurs,
l'érosion généralisée du sol a abaissé
certains quartiers de 20 à 50 cm sous le niveau originel, favorisant
leur inondation lors des pluies qui ne sont plus évacuées (VAN
CAILLIE, 1983).
Les inondations provoquées par le débordement
du débit à pleins bords et ensablements jamais vécus
à Kinshasa se sont produits les 13 et 20 mai 1990 et le 17 mai 2001 en
aval de la rivière Lubudi (appelé communément Makelele
à Kinshasa). Ils ont gravement touché le quartier Lubudi et
Makelele de la commune de Bandalungwa s'étendant sur une superficie de
11,2 hectares à une distance moyenne de plus ou moins 90 mètres
du lit mineur où une
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épaisseur moyenne de 66,5 cm d'enfouissement sableux
des habitations a été calculée. On enregistra la mort de
33 personnes, d'une vingtaine des disparus, 1070 familles sinistrées et
les pertes matérielles estimées à 1.005.800 dollars
américains ; hormis les diplômes, brevets, attestations et autres
documents de grande valeur difficile à estimer en terme monétaire
(KODIAWILA, 2009). Ces catastrophes étaient dues à la suite des
pluies diluviennes. Au pluviomètre, on enregistra 142,3 mm le 13 mai
1990, 96,7 mm au 20 mai 1990 et 212 mm le 17 mai 2001. Le
phénomène n'est pas différent de celui qui est
décrit par MOEYERSONS & TREFOIS (2008) : les lits de rivière,
en aval des sources, s'adaptent aux nouvelles conditions hydrauliques
créées par l'occurrence des inondations des cours d'eau. Dans les
terrains plats, les crues subites conduisent à l'élargissement
des chenaux de cours d'eau et l'installation des systèmes de
rivières en tresse. L'érosion latérale va de pair avec une
forte accumulation dans les radiers. Dans des zones escarpées, les crues
subites contribuent à l'érosion verticale active, ce qui conduit
la plupart du temps aussi à des instabilités de pente et par
conséquent des mouvements de masse.
Les observations du niveau d'eau au port public de Kinshasa
nous renseignent que sa variation annuelle entre les saisons des pluies et
sèches est d'environ trois mètres et que la différence
entre le niveau d'eau maximum et minimum connue est d'environ six mètres
selon MBOKOLO (2003). En saison des pluies, une influence par remous,
appelée aussi contre courant, dans la partie allant de Masina
Pétro - Congo à Kingabwa-Pêcheurs et donc, en aval de
quelques petites rivières traversant la ville de Kinshasa, crée
durant des mois (Mi-novembre - début janvier) par moment des inondations
des quartiers et périmètres maraîchers riverains du fleuve.
Cette inondation par remous des eaux du fleuve Congo, remonte parfois sur la
rivière N'djili jusqu'à inonder le quartier Limete/Salonga en
aval du pont N'djili qui relie Kinshasa Est et Ouest. L'analyse de la Planche
II Hydrologie de la carte géomorphologique et géotechnique de la
ville de Kinshasa réalisée par VAN CAILLIE (1976/77) nous
renseigne qu'en ces endroits, la profondeur de la nappe souterraine au repos
varie entre 0 et 2 m voire 4 m. Ces inondations sont exacerbées par la
saturation du sol due par des remontées de la nappe phréatique
lors des événements pluvieux exceptionnels.