INTRODUCTION GENERALE
Le lac Kivu est l'un des 4 grands lacs de la branche
occidentale du rift Est Africain. Actuellement, il est relié au lac
Tanganyika par la Ruzizi, après avoir été forcée,
à changer de direction de son écoulement par les éruptions
volcaniques des volcans de la chaine de Virunga. Ainsi, sa connexion avec les
autres lacs du nord fut totalement coupée et ses eaux furent
retranchées du bassin du Nil pour le bassin du Congo (Beadle, 1981).
Il est situé à 1463 m d'altitude entre
1°34' et 2°30' de latitude sud. D'ouest à l'Est, il est
compris entre 28°50' et 29°25' de longitude Est (Capart, 1960) en
frontière entre la République Démocratique du Congo et la
République du Rwanda.
Le lac Kivu est différent des autres lacs africains par
son origine tecto-volcanique, son altitude, sa morphologie et sa permanente
stratification due à ses propriétés physico-chimiques
(Degens et al., 1973).
Le socle précambrien est couvert sous le lac Kivu par
plus de 500 mètres de sédiments dans la partie profonde (environ
485 m) septentrionale du lac, suggérant ainsi un âge plus
avancé (pliocène si on tient compte de la vitesse de
sédimentation estimée à 30 cm pour 1000 ans) (Degens et
al. 1974, Hamilton, 1982).
Le mélange des eaux ne concerne que les premiers 60 m
des eaux du lac ; sauf dans les baies peu profondes telles que la baie de
Bukavu. C'est donc un lac méromictique. Il présente une teneur
élevée en sels dissous qui se manifestent par une
conductivité élevée, une stratification thermique
verticale des eaux et la présence d'importantes quantités de gaz
méthane qui étaient estimées à 60 milliards de
m3 contre 300 milliards de m3 de dioxyde de carbone en
1978 (Fig. 1) (Tietze, 1978 ).
La température de l'eau du lac Kivu diminue au fur et
à mesure qu'on descend en profondeur (jusqu'à environ 100 m).
Cette diminution de la température avec la profondeur dépend des
mouvements de mélange de l'eau du lac lié à
l'intensité du vent. Les profils verticaux de la température
permettent de déterminer la profondeur de la zone de mélange. La
Figure 1 montre qu'à partir de 100 m, le lac Kivu présente une
thermocline dans laquelle ; la température et la salinité
augmentent avec la profondeur (Degens et al. 1973, Schmid et al. 2005). La
cendre volcanique y est détectée entre 75 et 78 cm des
carottes.
251671552Les eaux profondes du lac Kivu contiennent une
quantité considérable dissoute de CO2 et de
CH4 (Schmid et al., 2005, Fig.1). Des récentes études
montrent que la concentration du lac Kivu en CH4 a augmenté
de 15% de plus qu'il y a 30 ans (Schmid et al., 2005) et que cette accumulation
peut conduire à une catastrophe liée à l'éruption
de gaz aux environs des années 2100 (Pasche et al., 2010). Et selon les
estimations de la production du CH4, la concentration de ce gaz en
eaux profondes du lac va approcher la saturation au courant de ce
siècle, car présentement le CH4 cause environ 80% de
la pression des gaz dans ce lac (Schmid et al., 2005).
Figure
1. Profil vertical de température(T), salinité (S) et des gaz
dissous dans le lac Kivu en Février 2OO4 (Modifié à partir
de Schmid et al., 2005).
Le lac Kivu connait un gradient des températures tel
qu'en dessous de 100 m, la température croit avec la profondeur (Degens
et al., 1973). Ce lac volcanique est stratifié et sans oxygène
dans ses eaux profondes (Damas, 1937). Une concentration en P et un rapport
Ca:Na élevés ont été signalés par Schmid et
al. (2005) dans les eaux profondes du lac Kivu, ce qui indique une production
accrue en sédiments. La récente augmentation de la
quantité de CH4 dans le lac Kivu (Schmid et al., 2005) est
considérée comme fonction de la disponibilité des
nutriments.
Une quantité de matières organiques est
certainement déposée par sédimentation depuis la zone
oxique dans les eaux profondes (Boltz et al., 1988) où elles sont
dégradées en méthane par les bactéries
méthanogéniques (Schoell et al., 1988). Selon Hecky et al.
(1996), les sédiments des lacs africains constituent une importante
source qui renseigne sur leur production primaire et sur leur biomasse
algale.
Comme tous les autres lacs africains, le lac Kivu peut
probablement être vulnérable des activités humaines ;
tel est le cas du lac Victoria où l'agriculture et la
déforestation ont causé une augmentation des concentrations en
nutriments et l'eutrophisation (Hecky, 1993).
Les vastes plans d'eau superficiels comme les lacs surtout
les moins profonds sont très sensibles et réagissent
immédiatement aux changements environnementaux (climat, hydrologie,
pollution, activités anthropiques) (Perga, 1901 ; Matzinger et al.,
2006 ; Descy et Sarmento 2008).
Les lacs étant relativement fermés, ils sont
vulnérables à certaines espèces invasives quand elles y
ont été introduites (volontairement ou non). Ils sont
également pour cette raison plus sensibles à certains
micro-polluants (médicaments, antibiotiques, biocides, pesticides,
perturbateurs endocriniens, ...) qui peuvent s'y accumuler ou se
dégrader à une vitesse différente que dans les cours d'eau
(Papon, 2007).
Dans le but d'exploiter le milieu pélagique du lac
Kivu, Collart y a introduit en 1959, un poison pélagique et
planctonophage du lac Tanganyika, le Limnothrissa miodon (Collart,
1960 ; cité par NZAYISENGA, 2007). Après analyse des
échantillons de 1984, Dumont (1986) a rapporté d'importantes
perturbations écologiques et parle d'un « désastre
écologique » car la plus grande espèce brouteuse de
Zooplancton à savoir la daphnie avait été
considérée comme ayant disparu (Isumbisho et al., 2006 ;
Nzayisenga, 2007).
L'introduction des nouvelles espèces perturbant
l'écosystème, les facteurs environnementaux conditionnent la
limnologie physique et chimique d'un écosystème lacustre et
certainement la qualité des sédiments aussi. Cependant, la
différence entre la limnologie de différents bassins d'un
même lac doit également avoir des répercussions sur la
qualité des sédiments qui constituent des importantes archives
pour les études paléolimnologiques.
Dans cette étude nous nous intéressons a
comparer les profils en nutriments (TN et TP) ainsi que les concentrations en
pigments totaux (Chl.a et phéo.a) dans les carottes à
sédiments du bassin d'Ishungu (assez profond, interface
eau-sédiment anoxique) et du bassin de Bukavu (peu profond, interface
eau-sédiment oxique) afin de contribuer à l'évaluation de
la différence entre ces deux bassins par rapport au recyclage des
nutriments et de la matière organique.
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