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Rôle des conditions limnologiques et environnementales dans le recyclage des nutriments et pigments dans les sédiments du lac Kivu ( cas des bassins d'Ishungu et de Bukavu )en RDC

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par Christian MAPENDANO HABAMUNGO
Institut supérieur pédagogique de Bukavu - Licencié en chimie 2012
  

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Figure 14. Concentration des phéopigments (en ug/g de sédiment) dans la carotte d'Ishungu (à gauche) et de Bukavu (à droite).

3. 2. INTERPRETATION DES RESULTATS

Les nutriments dans les sédiments varient raisonnablement, avec des fluctuations maximales pendant la saison sèche (entre juin et septembre) et durant la période de grands vents (Pasche et al., 2010). Les fluctuations observées dans les profils des nutriments peuvent être liés à des taux différents de leurs dépositions selon la productivité de la période de déposition en question.

Dans le bassin de Bukavu, les apports externes dépendent de l'intensité des activités de l'eau. Durant cette période, les courants de conviction influencent la productivité du lac (Pasche et al., 2010). Dans un bassin moins profond comme celui de Bukavu, le taux de TP ne peut qu'être faible à cause d'une production primaire élevée.

Lors de mélange des eaux dans le bassin de Bukavu, il est possible que les matières dissoutes à l'interface eau-sédiment soient relarguées dans la colonne d'eau alimentant la production primaire ; et, cela explique la faible transparence de l'eau de la baie de Bukavu (2,60 m) par rapport celle d'Ishungu (5,20 m) durant la même période d'échantillonnage.

Ce phénomène de rélargage ne sera pas d'application pour le bassin meromictique d'Ishungu qui, lui étant très profond (~170 m), ce ne sont que les couches superficielles de la colonne d'eau qui se mélangent sans atteindre la surface des sédiments.

Il est ainsi raisonnable que la composition en nutriments des sédiments d'un bassin profond et meromictique soit caractérisée par un faible recyclage des nutriments sédimentaires.

Les bassins dominés par les érosions sont caractérisés par une concentration en TP élevée à cause des apports du bassin versant (Müller et al., 2007). Le taux de concentration de TP est plus élevé dans les sédiments de Bukavu par rapport à ceux d'Ishungu. Muvundja et al. (2009) ont trouvé que les rivières de la partie sud du lac Kivu sont caractérisées par un flux des nutriments dû aux activités anthropiques suite aux fortes densités démographiques (Ville de Bukavu) dans le bassin versant.

Les raisons de fluctuations pour le TP sont aussi valables pour le TN. On constatera que même pour le TN, dans le bassin de Bukavu, il diminue en surface de la carotte, mais pas sensiblement comme le TP ; pourtant à Ishungu, la distribution semble être homogène. Cela fait alors penser à l'azote comme facteur co-limitant de la production primaire tel que l'ont observé Sarmento et al. (2009).

La proportion molaire TN :TP qui décroit dans les sédiments du bassin d'Ishungu (Fig. 12 à gauche) et sensiblement dans ceux de Bukavu (Fig. 12 à droite) en fonction de la profondeur, fait penser à une autre source de nutriments à part les autochtones. Cette nouvelle source est bien sûr le bassin versant (Muvundja et al., 2009). Le rapport TN :TP élevé ainsi que la grande fluctuation de TP dans la carotte de Bukavu s'expliquerait par une forte anthropisation du bassin versant immédiat (déposition des matières terrestres).

Le profil de Chl a (Fig. 13) ne fait que corroborer cette observation. La faible concentration en TP dans les sédiments récents de Bukavu est certainement lié à une forte demande en P par les microorganismes dans des conditions oxydantes plus favorables (4 mg O2/l au fond du lac) conduisant à une régénération quasi-totale de phosphate soluble à partir du phosphore organique déposé à la surface des sédiments.

A Ishungu, le recyclage du phosphore sédimentaire serait réduit par le déficit en demandeurs d'électrons étant donnée les conditions réductrices élevées qui y prévalent au fond du lac (Pasche et al. 2011). Cirhuza (2009) avait observé qu'à l'interface eau-sédiment, la demande chimique en oxygène était la plus élevée qu'à toute autre profondeur de la colonne d'eau du lac.

En surface des carottes, on trouve moins de TP que de TN. En profondeur, le TN est majoritaire à Bukavu comme à Ishungu. Ceci prouve qu'il y a eu une grande modification dans le recyclage des nutriments au lac Kivu.

Les majeures modifications observées dans le cycle des nutriments du Lac Kivu peuvent être expliquées par un ou l'ensemble de 3 changements environnementaux effectués sur le lac Kivu : l'introduction de Limnotrissa miodon, la surpopulation et les changements hydrologiques dans le bassin versant (Muvundja et al. 2009 ; Pasche et al. 2010 ; Pasche et al. 2012; Wüest et al. 2012 ; Descy . et al., 2012.

Le taux très élevé de chl.a dans le bassin d'Ishungu par rapport à la baie de Bukavu se justifie par le déficit des conditions anoxiques de l'interface eau-sédiment qui permettent leur préservation d'une part, et les conditions méromictiques, d'autre part, facilitant leur accumulation alors que dans le bassin de Bukavu les sédiments sont constamment exposés à l'oxygène, d'où leur dégradation facile et avancée. Bianchi et al. (2000) avaient observé une plus grande dégradation en pigments sédimentaires dans les conditions oxiques de la Mer baltique par rapport à ceux exposés aux conditions anoxiques confirmant ainsi que la préservation de la matière organique pigmentaire des sédiments est favorisée par l'anoxie. A Bukavu, le chl. a serait dilué par des apports allochtones accrus suite à l'urbanisation et l'érosion (Muvundja et al. 2009).

L'allure du profil des phéopigments à Ishungu montre un shift spectaculaire à partir de 12 cm de profondeur de la carotte. Cette partie de la carotte coïncide à la partie où des changements spectaculaires s'observent dans les autres paramètres chimiques tels que le carbone organique et inorganique (Pasche et al. 2010& 2012 ; Muvundja, données non publiées). Par contre à Bukavu, ce changement n'est pas aussi net qu'a Ishungu. La différence est tout de même remarquable entre les phéopigments des sédiments anciens comparés à ceux des sédiments plus récents (Fig. 14 à droite).

Dans le domaine des biormaqeurs organiques, les phéopigments trouvés dans les sédiments sont considérés comme marqueurs de grazing zooplanctonique. Carpenter et al.(1986) suggèrent que les phéopigments peuvent être utilisées comme proxy de l'abondance du zooplancton ou de sa prédation. La tranche de la carotte où survient le changement spectaculaire coïncide avec l'introduction de Limnothrissa miodon qui a eu lieu au lac Kivu à la fin des années 1950 et qui est reconnu d'avoir soumis le zooplancton à une forte prédation (Dumont 1986, Isumbisho et al. 2006). Cependant, la dégradation rapide et facile des chloropigments dans les eaux aérées du bassin de Bukavu peut également être accrue par la bioturbation au moyen des macroorganismes benthiques (Bianchi et al. 2000).

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