Le symbole de la paix dans le processus de démocratisation des régimes monolithiques d'Afrique noire. Le cas du Cameroun( Télécharger le fichier original )par Fridolin Martial FOKOU Ecole normale supérieure de l'Université de Yaoundé I - Diplôme de professeur de l'enseignement secondaire général 2ème grade 2012 |
2- Les élections anticipées de 1992 : transition démocratique ou consolidation du système ?La fin de la tripartite offrait au chef de l'Etat une occasion importante de convoquer enfin le corps électoral. Le climat social était alors propice à l'organisation d'une élection. C'est ainsi que le corps électoral fut convoqué le 07 Février 1992 et les élections fixées au 1er mars 1992. Cependant, cette convocation crée des remouds au sein de la classe politique de l'opposition ; en effet, ceux que l'on nommera désormais d'opposition radicale selon les mots de Mathias Eric Owona Nguini, à savoir le SDF et l'UDC refusèrent de participer à ces élections sous le prétexte que le code électoral mis en place ne respectait pas les termes de la tripartite. Les partis politiques de l'opposition ayant participé à ces élections sont appelés « opposition républicaine »188(*) c'est-à-dire celle là qui a bien voulu se battre pour obtenir une part de pouvoir au sein de la nouvelle assemblée ; Ainsi, le scrutin législatif donna les résultats suivants : Tableau n°4 : résultats des élections législatives de 1992 ainsi que le nombre de siège par partis.
Source : A. Mehler, « Cameroun, la transition qui n'a pas eu lieu ...», p.223. Ainsi, comme le montre le tableau, le RDPC sortit de cette élection avec une légère avance. Mais cette avance ne permettait pas au parti au pouvoir de gouverner en toute quiétude car comme le montre la carte politique du Cameroun au sortit des législatives, les forces politiques étaient polarisées (carte n° 1). Carte n° 1 : carte politique du Cameroun à l'issue des législatives de 1992. Source : L. Sindjoun, « construction et déconstruction locale de l'ordre politique au Cameroun ; La sociogenèse de l'Etat», thèse de doctorat d'Etat en science politique, UYII, 1994, p. 438. Après l'épopée des législatives vient celle des présidentielles d'octobre 1992. En effet, usant des prérogatives à lui accordées par la constitution, le chef de l'Etat décida de convoquer le corps électoral pour les présidentiels le 25 Aout 1992 et en profita pour annoncer la date de sa tenue pour le 11 Octobre 1992. Cette fois, tout le monde répond présent à l'appel. Le consensus entre l'opposition radicale et l'opposition républicaine n'était pas fait mais l'enjeu était tel que personne ne voulait rater ce rendez-vous avec l'histoire189(*). La période pré-électorale fut ainsi marquée par quelques soubresauts notamment dans la région du Nord- Ouest190(*). Mais dans l'ensemble, le climat de relative accalmie régnait sur l'ensemble des régions du pays. C'est ainsi que le 11 Octobre, les camerounais se rendit aux urnes et à l'issue de ce vote, malgré le fait que le candidat du SDF se déclara vainqueur à travers un communiqué de presse tonitruant191(*), le candidat du RDPC fut déclaré vainqueur comme en témoigne les résultats publiés par la cour suprême du Cameroun tels que retransmis dans le tableau suivant : Tableau n°5 : résultat des élections présidentielles de 1992 au Cameroun par candidats et par région.
Source : L. Sindjoun, «construction et déconstruction... », p.450. Il en ressort de ce tableau publié par la cour suprême que l'élection présidentielle de 1992 faisait entrevoir des perspectives difficiles pour le nouveau chef de l'Etat. Ceux d'autant plus que son élection était contestée non seulement par ses protagonistes du scrutin que par une partie de la communauté internationale comme en témoigne la carte politique du Cameroun au sorti des élections de 1992 (carte n° 2). Carte n° 2 : La carte politique du Cameroun à l'issue de l'élection présidentielle de 1992. Source : L. Sindjoun, « construction et déconstruction locale de l'ordre politique...», p. 463. L'on perçoit à travers cette carte, une redistribution des pouvoir de vote au Cameroun. Une lecture simpliste et claire de la carte fait apparaitre l'existence d'un vote communautaire car la plupart des candidats recueillent le maximum de voix dans leurs fiefs d'origine, ce qui est normale. Mais, cela s'apparente aussi à un vote ethnique et tribal en vertu duquel un électeur vote pour un candidat davantage parce qu'il est son frère que par rapport au programme politique présenté par ce dernier. Au demeurant, l'analyse qui ressort de l'attitude des acteurs politiques de l'opposition est celle des « opportunistes » car comment comprendre cette volte-face en l'espace de sept mois d'intervalle. En refusant de participer aux législatives de 1992, une partie de cette opposition, et la plus importante, avait laissée passer sa chance de réaliser une véritable coalition parlementaire. Or comme l'écrit Samuel Huntington, « dans les nouveaux Etats démocratique de la fin du XXème siècle, l'obtention d'une véritable coalition et d'un partage de pouvoir passe nécessairement par la force d'impulsion réalisée au sein du parlement »192(*). L'attitude des opposants camerounais avait donc été tout autre. En décidant de participer aux présidentielles, l'aile dure de l'opposition, considérée comme la plus importante en capacité de mobilisation, avait montré par là que l'institution présidentielle camerounaise, présentait le sommet de la carrière politique193(*). Tous se définissent donc par ou en dehors de celle-ci. On comprend dès lors ces mots Luc Sindjoun : Certain partis de l'opposition comme le SDF et l`UDC avaient refusait de présenter les candidats aux législatives de Mars 1992, mais présentèrent leur candidat à l'élection présidentielle, organisée à sept mois d'intervalle, sans la moindre réserve. C'est par rapport à l'élection présidentielle que s'organise l'intégration du champ politique. La dramatisation de la dite élection présentée comme un « tournant de l'histoire », la performance démagogique et les stratégies charismatiques des candidats contribuent à la promotion du rôle présidentielle [...] le conflit avec le président Paul Biya, ne traduit pas une dénégation du rôle présidentiel. Son intensité est à la mesure de la centralité qu'on lui prête dans la vie politique camerounaise...194(*). C'est donc dire que c'est l'idéalisation du poste de président de la république qui a causé en partie l'échec de l'opposition pendant cette période. Or, ils leurs auraient plus loisible de faire preuve de « realpolitik » en pesant de façon raisonnable tous les ressorts de l'assise politique au Cameroun. A cet égard, le parlement semble de notre avis être un des ressorts les plus importants qu'il aurait fallu bâillonner en 1992 afin d'avoir plus d'emprise sur le gouvernement. Ainsi, comme on peut le comprendre, l'ouverture politique au Cameroun s'est faite sous le prisme de plusieurs considérations. Si la passation de pouvoir de 1982 apparait ici comme un moment important pour avoir permit une « démocratisation au sein du parti unique », ce sont les évènements internationaux qui viendront précipiter le Cameroun dans cette voie. Cela a été perceptible à travers les comportements du gouvernement qui oint quelques fois donnés l'impression d'un tâtonnement ou des essais et à d'autres moments l'on a perçu une réelle volonté de dialogue et d'ouverture. Toujours est il que ce comportement à demi-teinte a créé des remouds sans précédent au Cameroun. Les villes mortes en ont été les points le plus crucial de cet état d'esprit. C'est donc avec raison que la première élection multipartite ait été contesté par certains acteurs, même si leurs responsabilités furent aussi notable comme nous avons put le constater. Quoiqu'il en soit, le Cameroun à la fin de l'année 1992 est en situation de turbulence et de marginalisation internationale traduite par les réactions à l'issu des scrutins pluralistes. Le gouvernement doit donc prendre les mesures afin de regagner du terrain et aussi retrouver de la confiance auprès des partenaires internationaux. Mais, cette démarche entrait davantage dans le cadre du combat pour la démocratisation du Cameroun que de celui de la transition politique. * 188 Woungly Massaga, Environ 80 ans, politicien, le 24 Novembre 2011 à Ydé. * 189 J. Ouafo, environ 60 ans, politicien, Le 08 Janvier 2012 à Bafoussam. * 190 L. Onana Mvondo, 1990-1992 au Cameroun..., p. 328. * 191 Cf. Annexe 2. * 192 S. Huntington, Troisième vague, les démocratisations de la fin du XXème siècle..., p. 246. * 193 S. Fordita, Politicien, membre de la cellule de communication du SDF, environ 60 ans, Le 06 Janvier 2012 à Bafoussam. * 194 L. Sindjoun, « le président de la république du Cameroun... », p. 91. |
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