Le symbole de la paix dans le processus de démocratisation des régimes monolithiques d'Afrique noire. Le cas du Cameroun( Télécharger le fichier original )par Fridolin Martial FOKOU Ecole normale supérieure de l'Université de Yaoundé I - Diplôme de professeur de l'enseignement secondaire général 2ème grade 2012 |
2- Le discours de la Baule et la naissance du Nouvel Ordre International Africain (NOIA).Prenant ainsi la logique de la conditionnalité afin de ne point perdre du leste en Afrique, la France par l'entremise de son président fixa le cadre de la future coopération franco africaine. D'ailleurs, « il se dit partout aujourd'hui que François Mitterrand par la déclaration de la baule en 1990 a déclenché indirectement l'agitation populaire dans les républiques francophones en y donnant le coup d'envoi de la démocratisation »139(*) . De fait, à y regarder de près, l'on se rend compte que l'attitude de Paris visait non pas le bien être des Etats Africains mais sa survie en tant que grande puissance à l'heure où les Etats Unis gagnaient du terrain. C'est donc cette logique qui guide le président français à procéder à ce que Francine Bitée appelle le « revirement »140(*). En recevant donc ces pairs africains pour le compte du quatorzième sommet des chefs d'Etat et de gouvernements d'Afrique et de France qui se tint à La Baule en France entre le 19 et le 21 Juin 1990, le président français prononça un discours important. Le thème central portait sur la démocratie et les Droits de l'Homme. Après avoir félicité et remerciés ses pairs d'avoir acceptés l'invitation, Mitterrand se plut à dire à propos des évènements de l'Europe de l'Est, « ce souffle fera le tour de la planète »141(*). Invitant ainsi ses pairs à adopter la voie de la démocratisation. Allant plus loin, et précisant la pensée de son président, le ministre français des affaires étrangères chargé de la coopération, M. Rolland Dumas sera plus explicite : Ce que le président a voulu dire c'est que le vent de la liberté qui a soufflé à l'Est devra inévitablement souffler un jour en direction du Sud [...] il n'ya pas de développement sans démocratie et il n'ya pas de démocratie sans développement142(*). Le ton était donc donné désormais la France lierait son aide au développement à l'effort consenti par les pays africains vers plus de liberté143(*)et pour cause, martèlera le président de la République lors de la conférence qui allait suivre, il y'aura désormais selon lui « une aide tiède » pour les régimes totalitaires africains et une « une aide enthousiaste » pour ceux qui franchiront le pas de la démocratie144(*) avec courage. C'est donc un publique médusé qui quitte le sol français au soir du 21 Juin 1990. Chaque pays est désormais mis en garde et il appartiendra à chacun d'eux d'en faire bonne usage de ces injonctions. Au-delà de tout, le discours de La Baule consacre l'entrée de l'Afrique dans le mouvement global de reconfiguration des positions internationales. J-F bayart a ainsi perçu le discours de La Baule comme manifestant la naissance du nouvel ordre africain. Ainsi note Francine Bitée : Cette entrée de la Pérestroïka à l'Elysée signifiait que la France, base arrière des dictatures africaines avait préférée la fuite en avant à une crise aigüe qui viendrait de son indifférence à l'égard d'une évolution du monde qui balaierait son pré Carré africain et son propre prestige si elle s'entêtait à soutenir mordicus ses suppôts au pouvoir(...) ce revirement consistait en un changement dans la demande politique vis-à-vis de la France après l'autorité et des centres politiques forts, la France demandait simplement le contraire à ses « clients », à savoir la démocratie et la liberté d'expression 145(*). Il revenait donc aux élites politiques africaines d'en tirer les meilleures conséquences. On constate dès lors que la fin de la guerre froide et le revirement de paris ont « fortement contribué en faveur du retour à la démocratie intégrale au Cameroun »146(*). Paul Yambe Tchientcheu l'a d'ailleurs affirmé en ces termes « ce sommet sonne le glas du parti unique et un retour anticipé du système du multipartisme en Afrique en général et au Cameroun en particulier »147(*). De plus, en face d'un calendrier d'arrimage pas clairement défini, la contestation interne naquit au Cameroun et hâta l'avènement du multipartisme. Cette contestation interne, apparu de prime à bord comme une simple réaction éparse au refus du gouvernement de libéraliser le champ politique camerounais allait progressivement prendre l'allure des manifestations de masse. Le détonateur principal de cette confluence est attribué à l'ordre des avocats du Cameroun qui ont jeté les bases du mouvement démocratique camerounais à partir de 1990. * 139 Mongo Béti, la France contre l'Afrique, Paris, la découverte, 1999, p.178. * 140 F. Bitée, la transition démocratique au Cameroun de 1990 à 2004, Paris, l'harmattan, 2008, p. 53. * 141 Mitterrand, cité par Z. Ngniman, Cameroun, la démocratie emballée, Ydé, clé, 1993, p. 212. * 142 F. Bitee, la transition..., p. 53. * 143 J.-F. Bayart, « La Baule et après... », Afrique politique, 1993, p. 21. * 144 C'est nous qui soulignons * 145 F. Bitee, La transition..., p. 54. * 146 C. Gueguim Zébazé, « les scrutins pluralistes de 1992... », p. 14. * 147 P. Yambé Tchientcheu, le Social Democratic Front se meurt-il ?, Paris, Ed. biblio-Europe, 1999, p. 23. |
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