CHAPITRE I
1.1 Enoncé du problème.
5
Les lésions traumatiques deviennent de plus en plus
fréquentes. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), on
estime entre 20 et 50 millions le nombre de blessés chaque année.
Les traumatismes constituent une nouvelle "épidémie" des temps
modernes. C'est pourquoi la décennie 2001-2010 a été
déclarée «décennie des os et des articulations»
[1] Environ 5,8 millions de personnes meurent dans le monde chaque année
des suites de traumatismes, ce qui représente 10% des
décès survenant dans le monde, 32% de plus que le nombre des
décès imputables au paludisme, à la tuberculose ainsi
qu'au VIH/SIDA. [2]
Par ailleurs, un autre rapport de l'OMS note que les
traumatismes sont un problème de plus en plus grave : on prévoit
que les trois principales causes des décès dans le monde
(accidents de la route, homicide et suicide) vont gagner en nombre par rapport
à d'autres causes de décès, de sorte que d'ici 2030, elles
figureront parmi les 20 principales causes de décès dans le
monde. On prévoit également que les accidents de la route
deviendront d'ici à 2030 la cinquième cause de
décès, tandis que les suicides et les homicides passeront
respectivement au douzième et au dix-huitième rang. [2] Les
traumatismes constituent donc un problème de santé publique.
En fonction des lésions traumatiques, la
thérapeutique effectuée peut être soit un traitement
à domicile à travers des gestes simples, soit dans un centre de
santé périphérique ou alors requérir l'avis d'un
médecin. Celui-ci après investigations et diagnostic dresse la
conduite à tenir à travers une prise en charge qui ne rencontre
pas toujours l'assentiment du patient. Plusieurs médecins de
l'unité d'hospitalisation de Traumatologie
6
Orthopédie(T.O) se sont maintes fois retrouvés
confrontés à la décision d'un patient d'interrompre les
soins qui lui sont proposés et de quitter l'établissement. En
pareil cas, il est d'usage de faire signer par le patient une «
décharge », un document par lequel il reconnait quitter
l'hôpital contre avis des médecins.
Le phénomène est vécu dans le monde et en
Afrique. Les sorties contre avis médical (SCAM) touchent tous les
secteurs de la médecine. Une étude menée en RD Congo en
2005 par MUSHAGALUSA S. P. sur les déterminants des soins de
santé a révélé que 28% des patients refusaient les
soins généraux de santé et sortaient contre avis
médical. [3]
Dans le même ordre d'idée, une étude
menée en 1995 par AYITE et
coll. et portant sur les refus de soins
à l'hôpital National de Niamey, relate que 122 malades sur 629
admis pour fractures soit 19.39% sont sortis contre avis médical en
signant une décharge ou en s'évadant. [4]
Au Burkina Faso, les statistiques nationales en 2004 ont
notifié 4 376 cas de sorties contre avis médical [5] et 1411 cas
en 2006. [6]
Dans toutes unités de soins confondues, le CHU YO a
enregistré 1022 cas de sorties contre avis médical sur 34552
entrants en 2009, soit 2.96% [7]
Le service de chirurgie reste particulièrement
affecté et ce dans la prise en charge des traumatismes
ostéo-articulaires.
L'unité d'hospitalisation de Traumatologie
Orthopédie n'est pas en reste : on y note les statistiques suivantes
:
· 2007 : 36 cas sur 298 entrants : 12.98%
· 2008 : 42 cas sur 440 entrants : 9.54%
·
7
2009 : 93 cas sur 431 entrants : 21.57%
· 2010 : 84 cas sur 598 entrants : 14.01% [8]
L'écart statistique de 2009 est dû à
l'inondation du 1er septembre 2009. Cette inondation a porté
un coup dur sur l'hôpital qui a connu un ralentissement
général des activités dans les différents services
et en particulier au bloc opératoire. Le bloc n'étant plus
fonctionnel, plusieurs malades sont donc sortis avant le traitement
définitif.
Les patients sortis contre avis médical font ensuite
recours à plusieurs types de soins dont :
- La médecine traditionnelle notamment chez le rebouteux
dans le but de poursuivre les soins.
- En médecine moderne, mais dans les centres
privés de soins.
Les sorties contre avis médical (SCAM) ne sont pas un
fait nouveau. Elles datent de depuis longtemps et restent d'actualité.
Ces pratiques ont des conséquences sur le service, les patients et
semblent majorer le coût thérapeutique des affections
traumatiques.
Une étude menée par YEYE H. [9]
en 2005 dans le District Sanitaire de Ouahigouya note que 29.4% des patients
sont revenus au centre de santé pour les soins après échec
du traitement chez le rebouteux.
En effet, certains patients développent des complications
après recours chez le rebouteux et sont très souvent contraints
de revenir à l'hôpital. La prise en charge dans ce cas devient
alors longue, coûteuse et appauvrit les patients et les familles.
Au-delà de l'invalidité qu'elle peut entraîner, le
rebouteux ignore les règles élémentaires d'asepsie. Cela
est source d'infections et ces infections sont responsables d'un retard de
cicatrisation, de la consolidation de la fracture et engendrent de longs
8
séjours hospitaliers. Certaines complications conduisent
à des amputations avec des séquelles majeures pour le patient.
Une étude réalisée au CHU YO par Da S.C et
Coll. souligne les inconvénients et les conséquences graves de la
pratique des rebouteux. L'étude a porté sur 110 patients dont 59%
d'enfants admis entre 1982 et 1984 dans les services de Chirurgie pour cause de
complications diverses consécutives à la tradithérapie.
Parmi eux, 48,18% ont été amputés d'une jambe ou d'un bras
et 3,63% sont décédés. [10]
Pour le personnel de santé, la charge de travail se
trouve majorée or, l'idéal est que tous les patients admis en
Traumatologie-Orthopédie y restent jusqu'à la réalisation
du traitement définitif.
La santé de la population constitue l'une des
priorités pour les autorités de notre pays. C'est pour cela que
de nombreuses actions ont été menées par le
ministère chargé de la santé pour améliorer la
prise en charge des traumatismes ostéo articulaires afin de
réduire les sorties contre avis médical. Parmi ces actions on
peut citer :
La décentralisation des hôpitaux dans presque
toutes les régions du pays.
La création des CMA dont le nombre ne fait qu'accroitre
aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé.
Au CHUYO :
~ Création d'un service d'urgences de Traumatologie en
Janvier 2004.
~ La remise à niveau des prestataires de soins ;
~ L'organisation de la prise en charge (équipe de jour et
de nuit,...)
9
~ L'équipement des blocs opératoires en
matériels et consommables médicaux.
Malgré ces initiatives combien appréciables, force
est de reconnaître que les sorties contre avis médical demeurent
toujours préoccupantes. C'est pourquoi nous voulons mener cette
étude afin d'apporter notre contribution à la réduction
des sorties contre avis médical.
|