1.3.2 Mobilisation des ressources : un point de la
littérature disponible
Cette section fait un point de la revue de littérature.
Elle procède d'abord à un tour d'horizon général de
certains résultats sur la question de la mobilisation des ressources
financières et ensuite présente trois études
réalisées au Bénin sur la même
problématique.
1.3.2.1 Impacts des ressources mobilisées
Le développement durable des pays du Sud
nécessite des ressources financières adéquates sans
lesquelles il est impossible de mettre en oeuvre les politiques
économiques et sociales indispensables. L'atteinte des OMD exige
d'énormes investissements en matière d'infrastructures et des
dépenses sociales importantes. Les gouvernements sont contraints de
mobiliser des ressources pour financer le développement. Le Consensus de
Monterrey a retenu la MRI comme premier axe d'intervention pour le financement
du développement et la MRE comme deuxième axe. Ainsi, les
gouvernements sont donc invités à améliorer leur
capacité de mobilisation de ressources surtout de ressources
intérieures. En effet, comme l'ont remarqué Culpeper et Bhushan
(2010), les ressources extérieures ne permettront pas à elles
seules d'atteindre une croissance durable et une réduction de la
pauvreté.
Culpeper et Bhushan (2009) ont cherché à
distinguer les ressources intérieures des ressources extérieures.
Pour ces auteurs la MRI englobe la mobilisation de l'épargne (publique
et privée), le maintien de l'investissement domestique (public et
privé) à un niveau élevé, l'accroissement de la
capacité des marchés nationaux, l'amélioration des
recettes publiques et l'élargissement de l'assiette fiscale et
l'accroissement de la ressource humaine (à travers la création
d'emplois et une bonne organisation du marché du travail). Les
ressources extérieures concernent la mobilisation des IDE, les capitaux
privés (bons de Trésor, investissement de portefeuille, etc.),
l'APD, l'allégement de la dette extérieure, etc.
L'institut Nord-Sud (INS) a entrepris une série
d'études sur la mobilisation des ressources nationales en Afrique
Sub-saharienne. Cinq pays sont retenus pour les études de cas : il
s'agit du Burundi, du Cameroun, de l'Éthiopie, de l'Ouganda et de la
Tanzanie. Ces études ont pour objectif de faire un état des lieux
et de proposer les possibilités d'amélioration de la mobilisation
des ressources intérieures (surtout les recettes fiscales).
L'étude de Bhushan et Samy (2010), du même institut, a
été un complément aux cinq études de cas.
L'étude empirique faite par ces deux auteurs montre que l'aide n'a pas
un impact significatif sur le taux d'imposition qui, selon eux, dépend
surtout de la structure de l'économie. Ils pensent aussi que les
donateurs peuvent aider les pays en développement à
améliorer la mobilisation
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des ressources intérieures. En effet, les donateurs
peuvent appuyer les stratégies d'expansion et de diversification des
recettes publiques. Ils peuvent aussi assister les gouvernements en ce qui
concerne les infrastructures dans le secteur financier et le soutien au
développement des marchés financiers locaux.
L'urgence de la MRI a amené la Banque Africaine de
Développement (BAD) à mener, à l'instar de l'INS, une
série d'études sur la mobilisation des ressources
intérieures pour la réduction de la pauvreté en Afrique de
l'Est. Comme précisé dans la préface4 de ces
études, l'objectif est de partager les leçons des
expériences en matière de MRI à travers des études
de cas des pays de la Communauté d'Afrique de l'Est (CAE), de l'Afrique
du Sud et de certains pays d'Asie du Sud. Les leçons qu'on peut tirer de
ces études se résument comme suit :
- la stabilité politique améliore la
capacité de développement;
- les exonérations et les incitations peuvent
compromettre l'équité et la justice;
- la modernisation de l'administration fiscale peut
améliorer l'effort fiscal;
- la lutte contre les évasions fiscales doit être
une priorité;
- en Afrique du Sud, l'excellente collaboration entre le South
African Revenue Service
(SARS) et le Trésor Public a été
très déterminante dans la mobilisation des ressources.
Une autre étude qui mérite une attention
particulière est celle de l'OCDE à travers les
Perspectives Économiques en Afrique (PEA (2010)) et
portant sur 50 pays africains. Selon la première note d'orientation de
la Commission Économique pour l'Afrique (CEA (2011)), la question de la
mobilisation des ressources par la fiscalité n'a pas encore reçu
toute l'attention nécessaire. Selon la note d'orientation, c'est donc
pour combler ces lacunes et proposer des solutions concrètes pour
améliorer les ressources publiques, que les PEA se sont
intéressées au thème « la mobilisation des
ressources publiques et de l'aide en Afrique ». Cette étude a
permis de conclure que la part des impôts dans le PIB sur le continent
connaît une hausse depuis 1990. Cette augmentation est principalement
liée à l'accroissement des revenus provenant de l'extraction des
ressources naturelles. Les pays moins dotés en ressources naturelles ont
fourni plus d'efforts pour améliorer leurs recettes fiscales. On
constate enfin que les revenus des droits de douanes ont diminué du fait
de la libéralisation. Ainsi, trois principaux défis sont
identifiés dans le cadre de cette étude : le problème de
l'informel, l'élargissement de l'assiette fiscale et le problème
d'équité du
4. The African Development Bank (AfDB) has partnered with the
African Tax Administration Forum (ATAF) and the East African Secretariat on a
project aimed at sharing lessons of experience from Domestic Resource
Mobilization (DRM) though case studies for the East African Community partner
states (EAC), South Africa and South Korea. For the purposes of this work, DRM
is defined to include only tax policy and administration and excludes other
possible components of DRM such as domestic financial markets.
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prélèvement fiscal.
D'autres études ont plutôt cherché
à cerner les déterminants de la mobilisation des ressources
intérieures. Ainsi, par une analyse sur données de panel, ? ont
constaté que l'épargne et l'investissement agissent positivement
sur la MRI. Mais en Afrique, le taux d'épargne est assez faible par
rapport aux autres régions en développement (BM (2007)).
Certaines études citées par Aryeetey (2009) ont tenté
d'expliquer le faible taux d'épargne en Afrique. Ainsi, Hadjimichael
(1995) ont montré que les réformes soutenues et un taux de
croissance élevé engendrent un accroissement de l'épargne
privée. Toutefois, Nissanke et Aryeetey (1998)ont remarqué que
les réformes ont des impacts très limités sur la
croissance de l'épargne. De même, une étude de la Banque
Mondiale (1994) remarque qu'il y a très peu de preuves que les
réformes économiques ont eu des impacts sur l'épargne.
Pour mieux mobiliser les ressources intérieures, Aryeetey (2009) propose
d'améliorer la mobilisation de l'épargne, de motiver les
ménages à posséder des actifs financiers, de renforcer le
système bancaire, de développer le marché des capitaux, la
microfinance et d'élargir l'assiette fiscale. Les pays en
développement ont donc besoin de poursuivre les réformes qui vont
rendre la MRI plus significative et efficace (Aryeetey 2009). Cela
réduira l'intensité d'exposition aux chocs extérieurs.
Les études portant sur les ressources
extérieures (surtout l'aide publique au développement) mettent
l'accent sur leur incidence sur le pays receveur. Mais, les résultats
empiriques sont très contradictoires. D'abord, le paradoxe micro-macro
mis en évidence par Mosley (1987) qui a montré que même si
l'aide a un impact positif d'un point de vue microéconomique, l'impact
macroéconomique de l'aide est difficilement identifiable. D'autres
auteurs ont montré que l'aide a un impact positif sur la croissance des
pays à faibles revenus (Durbarry et Greenaway (1998); Berg (2000)). Mais
quant à Clemens et Radelet (2003), l'aide n'a aucun impact si elle
représente entre 15 et 45% du PIB. Doucouliagos et Paldam (2009) sont
allés plus loin pour infirmer l'existence d'un quelconque lien entre
l'aide et le développement. Mais ce dernier résultat a
été rejeté par Tarp et Mekasha (2011) qui ont
montré que l'hypothèse " d'effets fixes" utilisée par les
premiers auteurs n'était pas réaliste. Ils concluent que l'aide a
un impact positif et statistiquement significatif sur la croissance. De
même, Arndt et al. (2009) ont conclu que l'aide a une incidence causale
positive et statistiquement significative sur la croissance à long
terme. Burnside et Dollar (2000) ont, quant à eux, obtenu des
résultats plus nuancés : l'aide a un impact positif sur la
croissance des pays en développement mais cet impact dépend de la
qualité des politiques mises en oeuvre dans le pays.
Une autre catégorie de chercheurs s'est plutôt
penchée sur l'impact de l'aide sur la
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gouvernance et l'effort fiscal. Depuis 1963, Kaldor pensait
déjà qu'un flux important d'aide extérieure incite les
autorités à réduire les efforts fiscaux. D'autres auteurs
sont parvenus au même résultat Azam et al. (1999); Gupta et al.
(2003); Morrissey (2006). Par contre, Brun et al. (2008) ont obtenu des
résultats qui prouvent un effet positif de l'aide sur l'effort fiscal.
Ces auteurs ajoutent que l'instabilité de cette ressource impose un
effort fiscal supplémentaire pour faire face aux fluctuations sur le
budget. Pour Culpeper et Bhushan (2010), l'aide étrangère est
souvent assortie de conditions particulières ce que ces auteurs
appellent de « l'aide liée ». Selon ces auteurs, l'aide ne
permet pas aux gouvernements de définir librement les politiques de
développement. Dans son article intitulé « Aid
effectiveness reconsidered », Rahman (2008) affirme que
l'efficacité de l'aide dépend fortement des institutions et de la
politique des pays receveurs. Ainsi, une chose sera de mobiliser les ressources
(MRI, MRE) mais l'autre sera de disposer des institutions responsables pour
entreprendre les investissements économiquement et socialement
efficaces.
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