4.3. Impacts économiques
« ....Outre la tragédie humaine qu'ils
provoquent, les conflits armés coûtent environ 18 milliards de
dollars par an à l'Afrique, mettant sérieusement à mal le
développement.» 150
Pour sa part, Irungu Houghton, conseiller en politique
africaine d'Oxfam déclare : «La violence armée est
l'une des plus grandes menaces pour le développement de
l'Afrique ». Les conflits armés aggravent le fossé
existant, mettent en mal les initiatives au développement. Durant la
dernière décennie, même si les efforts sont menés
sur l'ensemble du continent pour créer un environnement propice
à la croissance économique donc au développement, les
rivalités armées contribuent au ralentissement des mesures et
initiatives qui sont prises avec le concours de la communauté
internationale pour donner un coup d'accélérateur au processus
économique. L'économie sinon le développement étant
lié à un environnement sécuritaire et à une paix
durable, les résultats escomptés dans la projection de la
croissance ne sont pas encore visibles dans certains cas. La lutte contre la
pauvreté qui est inscrite dans le cadre des Objectifs du
Millénaire pour le Développement (OMD) connait un ralentissement
du fait de l'intensité et de la persistance des conflits dans certains
pays.
Dans une étude publiée par le Réseau
d'actions internationales pour les armes légères (RAIAL), un
conflit armé déclenché dans un pays africain,
entraîne une baisse de 15% de l'activité économique et une
perte de 18 milliards de dollars par an151. Cet argent pourrait
contribuer à mettre en oeuvre les activités de
développement communautaire, renforcer les programmes de prise en charge
des grandes maladies endémo-épidémiques, de la
pandémie du VIH/SIDA, voire construire des infrastructures socio
éducatives. Vu les effets que produisent les guerres africaines,
destruction du capital humain, de l'environnement, des structures naturelles
comme cadre de vie et de l'épanouissement de l'homme, on peut dire que
ces chiffres sont en deçà des réalités
vécues.
L'impact des conflits sur l'économie des pays
touchés, se traduisent en coûts directs et indirects.
___________________________________________________
150 - RAIAL, les milliards manquants de l'Afrique, les flux
d'armes internationaux et le coût des conflits, Oxfam et
Saferworld, octobre 2007
151 - Ibid.
D'abord en termes de dépenses militaires, la prise en
charge des hommes de troupes, mobilisés au front, le déploiement
des matériels et la maintenance pèsent énormément
sur le budget de l'Etat. A titre d'exemple, l'Angola a consacré en 1999
près de 900 millions de dollars pour l'acquisition de matériels
militaires152 alors qu'en temps réel, ce montant ne pourrait
être affecté pour les besoins sociaux de la population pour la
même durée. Par ailleurs, la force de la violence armée
provoque des dégâts corporels tant sur les combattants que sur les
populations civiles. Cela induit des coûts médicaux
élevés en cette période où les infrastructures
médicales sont détruites ou vidées de leur personnel, les
soins deviennent presque inaccessibles.
Ensuite, l'activité économique tourne au ralenti
puis s'effondre soit par la fermeture des unités de production soit par
le tarissement des ressources, dû à une baisse de la
consommation ; la population déplacée, dépourvue de
moyens, est réduite au strict minimum pour assurer sa survie. Le
Zimbabwe et l'Ouganda en plein conflits ont vu leur économie
s'effondrée, conséquence de l'inflation, obligeant la rupture
avec les institutions de Brettons Woods153, donc des partenaires au
développement.
Si la majeure partie des dépenses militaires
effectuées dans le monde revient aux pays développés, 32
pays avec 16% de la population mondiale, réalisent 79% des
dépenses militaires mondiales et 58 pays parmi les plus pauvres avec
41% de la population mondiale, réalisent 4% des dépenses
militaires mondiales154. Même si globalement, les
dépenses militaires des pays africains restent minimes au plan
international, toutefois, elles constituent un poids économique pour ces
pays africains en raison de leur faible PIB par habitant.
_________________________________________________
152- Philippe Hugon, l'Economie des conflits en Afrique,
Armand Colin | Revue internationale et
stratégique 2001/3 - n° 43 pages 152 à 169
153: E. Sköns, et. Al., 2005, « Military expenditure
», dans SIPRI, SIPRI Yearbook 2005: Armaments, Disarmament and
International Security, Oxford, Oxford University Press, chap.8.
154- Luc MAMPAEY, les rapports du GRIP, dépenses
militaires, production et transfert d'armes, Compendium, 2011. GRIP = Groupe
de recherche et d'information sur la paix et la sécurité
Un facteur qui explique la part élevée des
dépenses militaires dans les pays pauvres, est l'instabilité
politique permanente qui pousse les régimes en place à jouer la
carte de « prévoyance ». Ainsi, les matériels
militaires qui, naturellement sont perçus comme moyen de dissuasion
contre les agressions armées extérieures, deviennent un moyen
pour protéger des régimes autoritaires. Convaincus de la
nécessité de contrôler le pouvoir et maitriser le flux de
la violence, les gouvernements africains n'hésitent pas à
inscrire dans leurs priorités, les achats d'armes et autres
matériels militaires que d'investir dans les actions de
développement155. Les pays qui entrent dans cette dynamique
où la guerre constitue le premier chapitre sur le plan
budgétaire, sont touchés par les conséquences indirectes
desdits conflits :
. la baisse des activités économiques, suivie de
celle des ressources donc, des revenus et de la consommation ;
. les fonds destinés à financer les
activités de développement sont injectés dans le
conflit ; cela entraine une carence dans l'accessibilité au service
des biens courants.
. le budget de l'Etat se détériore avec une
inflation galopante ;
. la destruction, la fermeture ou le
démantèlement des entreprises, contribuent à
l'appauvrissement du tissu économique, entrainant le chômage et
une crise sociale accentuée.
Dans ce contexte, les institutions internationales qui
participent au côté des gouvernements dans leur politique de
développement : infrastructures, gouvernance, secteur privé,
agriculture, formations techniques et professionnelles etc..... se retrouvent
seules face au défi d'une crise sociale accentuée qui apparait
dans ces pays156.
|
|
_____________________________________________________
155- Philippe HUGON, l'économie des conflits,
Armand Colin, 2001/3 -n°13, p.152-169
- Jean Désiré HARERIMANA KIMARARUNGU,
l'organisation des nations unies face aux conflits armés en
Afrique : contribution à une culture de prévention,
mémoire de DEA en relation internationales et intégration
européenne, université de Liège, juin 2007
156- Ibid.
|
|
|