Quelle gouvernance des risques
majeurs pour une meilleure
résilience des territoires ?
Léo MASSEY
Master 2 Métiers du Politique et de la Gouvernance
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Directeur de Mémoire : M. Fabrice Hamelin 2eme Lecteur :
Mme. Florence Veber
Sommaire
Introduction 3
1- La résilience des territoires face aux risques majeurs
5
1-1 L'action publique et les risques majeurs 5
1-1-1 Les politiques face aux paradigmes des risques majeurs
5
1-1-2 Aléas, enjeux et vulnérabilité : les
composantes des risques majeurs 11
1-1-3 Les crises Çhors-cadresÈ 19
1-2 La résilience des territoires: une nouvelle
stratégie pour les risques majeurs..24
1-2-1 De la polysémie à la mesure de la
résilience 24
1-2-2 Risques majeurs et territoires 30
1-2-3 Le contexte international de la stratégie de
résilience 32
1-2-4 Résilience organisationnelle, résilience
urbaine et résilience des territoires 34
1-2-5 Plaidoyer pour une stratégie francaise de
résilience des territoires 38
2- Analyse de la gouvernance française des risques
majeurs 41
2-1 Institutions et acteurs 42
2-1-1 Une approche moniste : Pouvoir des experts et hauts
fonctionnaires d'Etat 43
2-1-2 Une approche pluraliste : l'exemple des EPCI 47
2-1-3 Une approche par les réseaux : le rTMle des
associations et des entreprises 50
2-1-4 Le rTMle central du citoyen : les réserves
communales de sécurité civile et 54
l'organisation de la solidarité en temps de crise
2-2 Instruments 58
2-2-1 La collecte et la diffusion de l'information
préventive sur les risques majeurs 58
2-2-2 Le contrTMle de l'urbanisation et les Plans de
Prévention des Risques (PPR) 63
2-2-3 Focus sur le régime d'indemnisation des catastrophes
naturelles 64
2-2-4 Le Plan Communal de Sauvegarde (PCS) : une organisation
contractuelle pour 66
gérer les crises
2-2-5 L'évaluation : un nouvel instrument pour piloter la
résilience des territoires ? 69
Conclusion 72
Bibliographie 74
Remerciement 79
Introduction
Quelle gouvernance des risques majeurs pour une meilleure
resilience des territoires ?
A travers la lecture de ce titre, meme en ayant la
connaissance des différents mots qui le composent, voire de leur
relation, la première impression perceptible est un sentiment de
complexité. Cette impression est justifiée. L'un des objectifs de
ce mémoire sera d'expliciter cette complexité et de comprendre
son utilité. Pour débuter, il est utile d'en avoir une approche
distante. Cela permet de saisir le contexte sémantique soutenu par le
choix des mots, et ainsi d'ouvrir la réßexion sur leur sens et la
pertinence de leur emploi.
A cette fin, nous commencerons par une brève analyse
comparative des deux concepts clefs fournis par notre titre, la gouvernance
(governance) et la résilience (resilience). Ces deux
concepts ont plusieurs points communs qui vont nous permettre d'introduire leur
définition et de situer le contexte de leur emploi pour notre
étude. Le premier point commun notable entre les deux concepts est leur
polysémie respective. Quelques recherches sur internet
témoigneront de l'effervescence de l'emploi des mots gouvernance et
résilience dans des domaines variées (sociologie, psychologie,
économie, géographie, politique, environnement...). Le second
point commun est leur origine, le langage scientifique, et leur emploi de plus
en plus fréquent par les administrations internationales et les
gouvernements. Leur résonance internationale n'a de cesse d'augmenter
depuis le début du XXIème siècle. D'ailleurs,
de nombreux débats sont toujours ouverts sur leur définition et
leur portée heuristique. Enfin, pour les deux concepts, leur traduction
opérationnelle et leur évaluation se révèlent
difficiles.
L'objectif de ce mémoire ne sera donc pas de
définir précisément ces concepts mais plutTMt d'essayer
d'analyser leur apport théorique et pratique pour la gestion des risques
majeurs, avec en ligne de mire notre problématique :
Quelle gouvernance des risques majeurs pour une meilleure
resilience des territoires ?
Cette question qui contient plusieurs
«mots-clésÈ, entra»ne avec elle d'autres questions
relatives à la définition de ces mots. Qu'est-ce qu'un risque
majeur ? Qu'est-ce que la résilience des territoires ? Nous tenterons de
répondre à ces questions de définition dans notre
première partie qui constituera le «point d'ancrage»
de notre réßexion. La notion de «point
d'ancrage» fournit par Chester Barnard correspond à
l'état d'esprit de l'apport de cette première partie :
« Il est necessaire d'avoir un tel cadre theorique
afin de définir une sorte de «point d'ancrage», quelque lieu
à partir duquel il devient possible de commencer à extraire de
l'ordre à partir d'un chaos indescriptible, et d'avoir assez de rigidite
- de « consistance È pour garder les choses en ordre
suffisamment longtemps pour qu'il soit au moins possible de les considerer.
»1
Pour résumer, l'architecture de notre
développement sera construite pour déterminer la doctrine et
ses objectifs, afin ensuite, d'appréhender les rouages de sa mise en
oeuvre.
1 Chester Barnard, « Comment on the Job of the
Executive», Harvard Business Review, 1940 p. 307.
C'est seulement apres avoir présenté et
analysé le concept de résilience des territoires dans le champ de
la gestion des risques majeurs dans un premier temps, que nous tenterons
ensuite de qualifier sa gouvernance. Il s'agira ici de présenter une
analyse des modalités de prise de décisions des politiques mises
en Ïuvre en France pour faire face aux risques majeurs. Nous tenterons
d'élaborer une réßexion basée sur l'étude
d'exemples. Celle-ci aura pour but d'identifier les acteurs
ÇdécideursÈ et leurs intérêts, avant de
présenter les instruments disponibles pour mettre en Ïuvre les
décisions de ces derniers. Notre réßexion sera construite
avec une vision intentionnellement critique.
La conclusion de ce mémoire sera double. Elle montrera
que l'évolution de la gestion des risques nécessite aujourd'hui
d'intégrer de nouveaux concepts comme celui de la résilience des
territoires. Elle fournira ensuite une synthese des pistes d'évolution
de la gouvernance des risques majeurs qui permettent d'améliorer la
résilience des territoires.
1- La résilience des territoires face aux risques
majeurs
Tous les jours les médias nous informent d'une nouvelle
catastrophe dans le monde ou de la commémoration d'une catastrophe.
Inondations, tempêtes, séismes, incendies, et accidents
industriels surviennent avec une fréquence et une intensité qui
n'a eu de cesse de se développer ces dernières années.
Fukushima, Xynthia, Katrina, AZF, Tchernobyl, ... Cette liste non exhaustive de
catastrophes nous renvoie tous à des évènements
ultramédiatisés ayant eu des conséquences sociales et
économiques désastreuses aux échelles locale, nationale et
internationale. La question des risques majeurs est caractéristique des
sociétés modernes empreintes de technologies
sophistiquées, interdépendantes, et de plus en plus fragiles.
L'impact négatif croissant des catastrophes, interpelle aujourd'hui plus
que jamais l'opinion publique et les décideurs qui la
représentent. L'évolution des stratégies
déployées face aux risques majeurs sera étudiée en
deux temps dans cette première partie.
Le premier temps traitera des liens entre les politiques et
les risques majeurs. Nous y exposerons les paradigmes2 en jeu pour
la gestion des risques majeurs, leur traduction politique, ainsi que
l'anticipation des nouvelles formes de risques majeurs.
Dans un second temps, nous nous intéresserons au
concept de résilience des territoires. Nous y exposerons la
polysémie de la résilience et les relations qui lient risques
majeurs et territoires, puis nous analyserons le contexte international des
stratégies de résilience, avant de détailler les
qualificatifs qui lui sont associés (organisationnelle, urbaine et
territoriale). Nous finirons par un appel pour l'élaboration d'une
traduction stratégique de ce concept en France.
1-1 L'action publique et les risques majeurs
1-1-1 Les politiques face aux paradigmes des risques
majeurs
Nous allons analyser ci-dessous, les relations qui lient les
politiques aux paradigmes des risques majeurs. Ces paradigmes sont
présents aux niveaux sémantique, institutionnel, voire juridique.
Après l'introduction des termes de Çcatastrophes> et de
Çrisques majeurs>, nous présenterons la première
politique française intégrant le concept de risques majeurs. Pour
finir, nous exposerons les systèmes de légitimités qui
déclenchent l'action publique face aux risques majeurs.
1-1-1-1 Les catastrophes et les risques majeurs : quels
liens avec les politiques ?
La catastrophe peut se définir comme un
évènement brutal entra»nant un nombre de décès
important et/ou des dommages économiques de plusieurs centaines de
millions d'euros. Deux variables permettent de caractériser une
catastrophe : les impacts humains (nombre de victimes) et économiques
(montant des dommages).
2 Définition du paradigme que nous retiendrons :
ÇEn doctrine économique, choix des problèmes à
étudier et des techniques propres à leur étude> (
Larousse.fr)
La notion de catastrophe est bien plus ancienne que le concept
de risques majeurs. Les mythes bibliques comme le déluge, sont des
témoins de l'intérêt très ancien des hommes pour ces
évènements. Longtemps, l'ampleur désastreuse des
catastrophes est supposée être le résultat de la
volonté divine. Cette perception est toujours présente, en
particulier dans des pays peu développés, oil la faiblesse de
l'éducation scientifique et l'importance de la religion sont
dominantes3.
En France, la séparation de la religion du champ
politique de 1905 marque un pas important pour la gestion des catastrophes. Si
Dieu n'est plus responsable des désastres naturels et des accidents,
alors il nous faut trouver d'autres responsables. Le hasard ? Celui-ci est un
bien trop faible argument face aux revendications des populations en
quête de sécurité. Les responsables sont ainsi tout
désignés : les politiques. La gestion des crises est en effet la
mission première du politique. Il doit prendre les décisions dans
le but de limiter les catastrophes, afin de garantir l'ordre et la
sécurité de l'Etat. Cela est d'autant plus vrai si l'on
considère que les crises physiques sont interdépendantes des
crises sociétales. Une déclaration de guerre peut aboutir
à des milliers de morts, tout autant qu'une famine peut provoquer une
guerre civile. C'est ainsi que depuis toujours, même avant les
prémisses de l'Etat-providence, les fonctions premières des
gouvernements étaient relatives à l'ordre et à la
sécurité de l'Etat.
Outre ce lien originel entre les responsables politiques et
les catastrophes, il existe un autre lien bien plus pragmatique. Celui-ci
correspond à la crise que provoque la catastrophe. Comme toutes les
crises, elle entra»ne des changements. Et ces changements sont l'occasion
pour les politiques d'imposer leur vision. Ce constat est résumé
dans un article récent de Didier Heiderich et Natalie Maroun (experts
communication de crise), intitulé «La fabrique de la crise par
le politiqueÈ4.
Les auteurs y démontrent que les hommes politiques
fabriquent les crises. Ils expliquent ce constat par plusieurs causes. La
première est le résultat d'un certain besoin de reconnaissance
des élus politiques. En effet, «une bonne gestion de la
criseÈ par un élu lui fournira un bilan positif à
même de convaincre ses administrés de lui réitérer
leur confiance. La seconde cause, plus perceptible, se matérialise par
la création de la peur par la crise. Cette peur étant un moteur
puissant, elle permet de déclencher des actions qui appara»tront
comme légitimes au regard de la gravité de la catastrophe. Le
scénario des crises est toujours le même. Il se déroule en
trois actes. L'évènement est d'abord hypertrophié. Ensuite
l'émotion de l'opinion publique est mobilisée. Enfin, des mesures
d'urgence sont annoncées. Ce scénario est soutenu par les
médias qui y trouvent tous les ingrédients pour
l'élaboration d'un bon sujet. Le public est ainsi amené à
passer d'une émotion à une autre sans avoir le temps de recul
nécessaire pour se poser des questions de fond sur les catastrophes et
le concept de risques majeurs. Nous noterons que ce positionnement de sauveur
incarné par les politiques n'est pas étranger au faible sentiment
de responsabilité de la population face aux catastrophes. Les liens
entre catastrophes, crise et politiques sont donc de deux ordres : la
responsabilité que la catastrophe exige des politiques, mais aussi leur
possible utilisation à des fins électorales.
3 Andreana Reale, «Acts of God(s): the role
of religion in Disaster Risk Reduction', Humanitarian exchange magazine,
octobre 2010
4 Didier Heiderich et Natalie Maroun,«La
fabrique de la crise par le politique', Libération, le
03/05/2012
Après ces quelques réßexions sur les liens
entre catastrophes, crises et politiques, nous souhaitons plus
particulièrement mettre en avant la relation de cause à effet
entre les risques majeurs et les catastrophes. Voici une définition
synthétique de cette relation : une catastrophe matérialise
l'avènement d'un ou plusieurs risques majeurs. Un risque majeur se
caractérise donc par la probabilité d'occurrence d'un
évènement brutal, que l'on pourra qualifier de catastrophique ou
de désastreux.
En France, cette notion de risques majeurs est apparue vers la
fin des années 70. Elle fut conceptualisée par le chercheur
Patrick Lagadec, en référence à certains accidents
technologiques (Three Miles Island, Seveso, etc.) ayant eu un fort écho
dans les médias. La notion de risque majeur a recouvert également
les phénomènes naturels catastrophiques dont les dég%ots
considérables avaient suscité une vive émotion dans
l'opinion publique. Les risques majeurs sont à opposer aux autres
risques, qualifiés de «quotidiens ou de «chroniques, et qui
ont une plus forte probabilité d'occurrence. Ainsi les accidents
routiers, domestiques ou professionnels, ainsi que les problèmes de
santé publique (tabac, alcool et drogues), ne sont pas des «risques
majeurs à proprement parler.
Ces «risques chroniques sont caractérisés
par une forte probabilité d'occurrence et un impact dispersé dans
le temps et l'espace. Et bien qu'ils soient fortement combattus par les
politiques, ils jouissent d'une perception plus conciliante auprès de
l'opinion publique. En effet, la prise de risque individuelle est ici
acceptée en rapport avec les bénéfices qu'elle propose
(transport, travail, confort, plaisir). Les risques majeurs sont moins admis
car plus complexes. Les «bénéfices des risques majeurs sont
moins évidents, et mettent en jeux des prises de risques collectives. En
outre, leur matérialisation en catastrophe touche des populations
nombreuses dans des intervalles de temps courts. Evidement de nombreux liens
existent entre «risques chroniques et «risques majeurs. Dans les
accidents technologiques majeurs, les causes peuvent être liées
à des incidents ou accidents que l'on qualifiera de «chroniques. Ce
fat par exemple l'une des origines de l'explosion, en 1984, de l'usine chimique
de Bhopal (Inde). A l'inverse certains accidents majeurs (Tchernobyl,
Fukushima) peuvent créer des risques chroniques (radioactivité,
pollution des sols et des nappes phréatiques).
Que ce soient des tempêtes, des tsunamis, des incendies,
des inondations, ou des accidents nucléaires ou chimiques, les risques
majeurs ne sont pas acceptés par la population. Cela est encore plus
vrai en ce qui concerne les «nouvelles menaces telles que les
pandémies, ou les actes terroristes sur lesquels nous reviendrons.
Ce refus a un impact important dans la fagon dont les
politiques traitent les risques majeurs. L'opinion publique,
entra»née par les médias, constitue le déterminant de
la prise de décision politique. La plupart des lois en matière de
risques majeurs ont ainsi une genèse intimement liée à des
évènements catastrophiques. C'est le cas des directives
européennes «SEVESO, éponymes de l'accident industriel de
1976. C'est également le cas de la loi «Bachelot de 2003 faisant
suite à la catastrophe d'AZF de Toulouse en automne 2001.
L'opinion publique ayant déclenchée la mise en
avant des problèmes à l'origine des catastrophes, les politiques
sont alors amenés à se tourner vers l'expertise. L'expertise est
à la fois construite et pilotée par les hauts fonctionnaires de
l'Etat. En matière de risques majeurs, cette expertise nécessite
une mobilisation transversale des administrations publiques qui est encore
aujourd'hui en cours de structuration.
1-1-1-2 A l'origine de l'action publique face aux
risques majeurs, une politique de transition
Nous allons présenter un épisode
révélateur de la structuration de l'action publique pour faire
face aux risques majeurs. Cet épisode revient sur l'origine de
l'apparition de la notion de risques majeurs dans les politiques frangaises. La
description que nous allons en faire est tirée d'un article des
politologues Genevieve Decrop et Claude Gilbert, datant de 1992,
intitulé «L'usage des politiques de transition : le cas des
risques majeurs».5
En France, c'est en 1981 que les politiques s'emparent de la
notion de «risque majeur». Cela se traduit par la création
d'un commissariat à l'étude et à la prévention des
risques naturels majeurs par le président de la République
Francois Mitterrand au lendemain de son élection. Celui-ci nomme
à sa tête Haroun Tazieff, scientifique émérite, pare
de la volcanologie frangaise, et personnalité médiatique
reconnue. Cet acte semble ainsi indiquer de prime abord un «coup»
politique. Cependant, il s'accompagne par la suite d'une décennie de
structuration administrative ayant pour objet les risques naturels, ensuite
étendus aux risques technologiques, et à la gestion de crises
liée à ces risques.
Ce premier élan peut être défini comme une
«aventure» politique plutTMt qu'une véritable politique
publique telle que les chercheurs la définissent habituellement. En
effet, son émergence, sa configuration particuliere, sa morphologie
administrative et la quasiimpossibilité d'évaluer ses
résultats font de cette gestion des risques majeurs une politique
à la marge. Le premier chantier de l'équipe restreinte d'Haroun
Tazieff fat la réalisation de l'inventaire des risques naturels et de
leur cartographie. La loi du 13 juillet 19826, relative à
l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles donna à ce
programme toute sa légitimité.
Le décret du 10 avril 1984 transforme le commissariat
en une délégation directement rattachée au Premier
Ministre. Un budget et des locaux propres lui sont alors dédiés,
accompagnés par de nouvelles attributions : «participer
à l'elaboration des programmes d'utilisation des moyens de secours
nationaux en cas de catastrophes, qu'elle qu'en soit l'origine, de proposer les
mesures de coordination interministerielle necessaire» et
«de proposer au Premier Ministre les mesures necessaires à
l'information du public». Tous les éléments d'une
action publique globale de gestion des risques majeurs sont présents
dans ce texte. La loi du 22 juillet 1987 reprendra d'ailleurs l'ensemble de ces
éléments.
La vision globale de la gestion des risques majeurs n'est pas
sans générer des divergences au plus haut niveau de l'Etat, en
particulier avec le ministere de l'Industrie. Cependant, il est
également intéressant de souligner l'observation bienveillante du
ministere de l'Environnement qui voit, de par les catastrophes, ses themes
remis à l'ordre du jour. Ainsi, lors de la cohabitation de 1986, le
ministere de l'Environnement dirigé par Alain Carignon intégra le
secrétariat d'Etat aux risques majeurs. Avec l'intégration de
l'objet «risque majeur» dans le ministere de l'Environnement, le
rTMle central de Tazieff se
5 Genevieve Decrop et Claude Gilbert,
«L'usage des politiques de transition : le cas des risques
majeurs», In:Politiques et management public, vol. 11
n° 2, 1993. La modernisation de la gestion publique : les legons de
l'expérience - Actes du Cinquieme Colloque International Paris - 26/27
mars 1992 (Deuxieme partie). pp. 143-157.
6 Il est intéressant de noter qu'Haroun
Tazieff lui-même avait à l'époque critiqué cette
loi. Ses conséquences en termes de déresponsabilisation des
citoyens face aux risques naturels constituaient l'argument principal de cette
critique. Nous y reviendrons en 2-2-3
termine. Celui-ci tire alors un bilan pessimiste de son
passage au gouvernement : «On avait naguere créé (...)
un secrétariat d'Etat, mais on l'a fait trépasser alors qu'il
n'était qu'un bébé de deux ans à peine. On avait
créé une délégation aux risques majeurs, laquelle a
presque aussitTMt sombré dans la vanité, le gaspillage et
l'inefÞcacité d'une administration courtelinesque».
L'évaluation mitigée qu'il fait de son action peut
se traduire ainsi :
- il aura fallu dix ans de batailles de frontieres et de luttes
intestines pour faire entrer les risques majeurs dans la pratique
administrative.
- le rTMle de l'importation du concept de risques majeurs aura
surtout été médiatique.
Malgré ces critiques, le traitement politique de la
question des risques naturels et technologiques n'en reste pas là. La
notion de risques majeurs est consacrée par la loi du 22 juillet 1987
qui lui donne une légitimité juridique. L'architecture
administrative actuelle se dessine alors. Le ministere de l'Environnement, tres
impliqué dans la conception de ce texte, se charge de la mise en oeuvre
de ses grandes orientations : traduction des risques dans les documents
d'urbanisme, et information du public. En plus de la surveillance des
établissements classés (exercé depuis 1971 par le
ministere de l'Environnement via les DRIR7) est donc
conÞée la «surveillance» des élus locaux en
matiere de prévention des risques naturels. Pour leur part, le ministere
de l'Intérieur et la sécurité civile s'afÞrment dans
leur prérogative en matiere de gestion opérationnelle des
crises.
L'épisode Tazieff, suivi par le «phagocytage»
de la question des risques majeurs par le ministere de l'Environnement
constitue une séquence révélatrice de deux transitions
caractéristiques. La première est une tentative, presque
avortée, de construire une stratégie globale, au sens militaire
du terme, de la gouvernance des risques majeurs au sein des administrations.
Cette tentative peut être qualiÞée de «politique de
transition», qui a plus fait évoluer les esprits et la culture des
fonctionnaires qu'elle n'a véritablement changé le mode
d'administration des risques majeurs.
1-1-1-3 Les systemes de légitimités et
l'action publique face aux risques majeurs
Apres avoir introduit les liens entre catastrophes et risques
majeurs, et présenté l'exemple originel de la prise en compte de
ces notions dans les politiques frangaises, nous allons reprendre et
détailler le déclenchement de l'action publique face aux risques
majeurs. Pour se faire, nous reprendrons le développement
réalisé en 2008 par le chercheur Romain Laufer dans son article
intitulé «O0 est passé le management public ?
Incertitude, institutions et risques
majeurs»8.
L'auteur nous indique deux pistes dont la synthese nous
permettra d'orienter notre propos. Il soutient l'idée que les risques
majeurs marquent la frontiere du régalien et que l'incertitude propre
aux risques majeurs est au coeur de l'action publique.
Il présente une analyse des risques majeurs axée
sur l'incertitude, et son impact sur l'action publique. AÞn
d'appréhender la notion de risque majeur, il propose ainsi de
déÞnir
7 DRIR : Direction régionale de l'industrie et
de la recherche
8 Romain Laufer, « O0 est passé le
management public ? Incertitude, institutions et risques majeurs
», Politiques et management public, Vol. 26/3, 2008 - URL
:
http://pmp.revues.org/1498
les « fondements institutionnels de nos croyances »
en s'appuyant sur la notion de système de légitimité, et
de crise de ce système. Il cite sur ce sujet l'anthropologue Mary
Douglas (2001, "Dealing with uncertainty») :
« L'idée fondamentale qui soutient la
possibilité de la société, plus fondamentale même
que l'idée de Dieu, est l'idée qu'il y peut y avoir une
connaissance certaine. Et celle-ci se révèle à son tour
extraordinairement robuste, passionnément défendue par la loi et
le tabou dans les civilisations modernes comme dans les anciennes.
»
Il définit deux caractéristiques fondamentales
des sociétés occidentales modernes : la démocratie et la
bureaucratie. La première suppose que chacun a le droit d'objecter
à l'action de tout autre, et la seconde suppose qu'au moins une fraction
des actions sociales sont accomplies par de grandes institutions telles que
l'Etat. Ces deux caractéristiques entra»nent la
nécessité d'avoir une théorie admise par tous, «
une représentation normative du sens commun ». Celle-ci est
rendue obligatoire par le droit (« nul n'est censé ignorer la loi
»). Nos démocraties modernes sont ainsi caractérisées
par un système de légitimité autonome fondé sur la
raison et la loi.
L'auteur montre ensuite comment la crise de ce système
de légitimité poussée à son comble entra»ne
une remise en cause des Çfondements institutionnels de nos
croyances», eux-mêmes à l'origine de la notion de risque
majeur. Cette crise des Ç fondements institutionnels de nos
croyances » correspond à la remise en cause de «
l'idée qu'il peut y avoir une connaissance certaine », que
désormais ni « la loi », ni « le tabou » ne
parviennent plus à défendre. Cette crise a pour effet une
redéfinition de la souveraineté de l'État, définie
alors comme l'instance qui a en charge la décision dans les situations
exceptionnelles.
En analysant l'histoire des risques majeurs en relation avec
l'histoire du système de légitimité
rationnel-légal, Romain Lauffer dégage trois temps :
- l'État-Gendarme dont la t%oche et le destin sont
d'être confrontés aux risques majeurs que sont la guerre et la
révolution
- l'État-Providence qui ajoute aux risques majeurs de
la période précédente la lutte contre l'anomie gr%oce aux
développements des politiques de solidarité
- l'État de la dernière période,
caractérisé par la crise du système de
légitimité rationnel-légal lui-même, crise qui
s'exprime par la prolifération des risques majeurs.
Cette crise de légitimité qui semble devoir
conduire à un recul systématique de l'action publique, au
bénéfice de logiques privées, conduit, dès que se
manifeste un risque majeur, au retour rapide et massif, de l'État. C'est
ce que montre aux États-Unis la critique de la faiblesse de
l'intervention publique à la suite de l'ouragan Katrina.
Résumons-nous.
Nous avons vu que les politiques sont liés aux
catastrophes car ils sont jugés responsables de la gestion des risques
majeurs. Cette gestion des risques majeurs, et la gestion de crise en
particulier, peut-être un moteur puissant pour le déclenchement de
décisions.
Le rappel historique de l'entrée de la question des
risques majeurs dans le champ politique frangais nous a permis de
modérer l'impact réel de ce concept dans l'action publique.
Cependant cette «politique de transitionÈ a constitué le
déclenchement d'une lente évolution des consciences au sein des
législateurs et de l'administration. Cette évolution s'est
traduite par l'adoption de différents textes de lois depuis le
début des années 80.
EnÞn, la notion de système de
légitimité et le lien entre la crise de ce système, les
risques majeurs, et l'action publique nous ont fourni une clef de
compréhension supplémentaire pour appréhender la
profondeur régalienne de la gestion des catastrophes.
Fort des différents paradigmes que nous venons de citer,
nous allons maintenant exposer plus en détail la question des risques
majeurs, via l'étude de l'expertise de l'Etat.
1-1-2 Aleas, enjeux et vulnerabilite : les composantes des
risques majeurs
Nous avons montré comment la gestion des risques
majeurs est une compétence régalienne, de par le rTMle
fondamental de l'Etat dans le maintien de la sOreté et la
sécurité. Pour mener à bien ces missions de gestion des
risques majeurs, l'Etat s'appuie sur son expertise. Nous ne nous attarderons
pas sur la description des acteurs et les conditions d'élaboration de
cette expertise (cette approche sera développée dans la seconde
partie). Notre présentation portera davantage sur le
contenu et l'évolution de la «doctrineÈ des administrations
en matière de gestion des risques majeurs. L'expertise de l'Etat a
intégré les évolutions de cette «doctrineÈ, en
étant parfois à l'origine meme de ces évolutions.
L'expertise s'est d'abord focalisée sur l'étude des aléas,
avant de se pencher sur la vulnérabilité. Aléa et
vulnérabilité constituent les deux composantes du risque. Cette
relation est généralement simpliÞé
mathématiquement sous la forme du produit R = A ×
V9 .10
Dans les deux paragraphes qui suivent nous allons
présenter deux approches complémentaires qui coexistent encore
aujourd'hui dans les administrations en charge de la gestion des risques
majeurs : une approche typologique par l'étude des aléas et une
approche globale par l'étude de la vulnérabilité.
1-1-2-1 L'approche typologique des risques majeurs
L'approche typologique des risques a été pendant
longtemps l'axe privilégié d'étude des risques majeurs.
Cette approche typologique se focalise sur l'étude des aléas.
L'aléa se déÞnit comme «une manifestation
physique, un phénomène ou une activité humaine susceptible
d'occasionner des pertes en vies humaines ou des
préjudices corporels, des dommages aux biens, des perturbations sociales
et économiques ou une dégradation de
l'environnement. Font partie des aléas les conditions
latentes qui peuvent, à terme constituer une menace. Celles-ci peuvent
avoir des origines diverses: naturelles
9 R : risque. A : aléa,
caractérisé par une fréquence et une intensité. V :
vulnérabilité, caractérisée par la somme des enjeux
présents dans la zone touchée par l'aléa
(potentialité des pertes humaines et économiques)
10 André Dauphiné, ÇRisques
et catastrophes : Observer - Spatialiser - Comprendre -
Gérer», Armand Colin, 2001, p24
(geologiques, hydrometeorologiques ou biologiques) ou
anthropiques (degradation de l'environnement et risques
technologiques)È.11
L'approche typologique des risques classe les risques suivant
l'origine de l'aléa. Pour chaque origine une science est
privilégiée pour produire l'expertise. Aux hydrologues revient
l'étude des inondations, aux géologues celle des séismes,
aux ingénieurs forestiers la prévention des incendies, aux
ingénieurs nucléaires l'étude des risques
nucléaires, et ainsi de suite... Cette approche permet d'établir
un panorama exhaustif des risques majeurs, en se focalisant sur les
aléas, pour ensuite orienter les recherches vers une réduction de
l'intensité de ceux-ci. Cette approche découle d'une vision
prométhéenne : la Nature doit être étudiée
pour être contrTMlée afin d'en supprimer les dangers pour l'Homme,
et de pouvoir profiter pleinement de ses ressources.
Pour appuyer notre propos, nous allons faire une
présentation typologique des risques susceptibles de toucher la France.
Cela nous permettra d'identifier les différents risques, et de
comprendre la méthodologie utilisée, depuis la fin du
XIXème siècle jusqu'à une période récente,
pour construire l'expertise scientifique en matière de risques
majeurs.
La première classification communément admise
est la distinction entre risques naturels et risques technologiques. Elle est
d'ailleurs reprise dans nombre d'ouvrages et textes de lois, et a le
mérite d'établir un socle pédagogique facilement
compréhensible par le plus grand nombre. La lecture du guide
élaboré par la Direction de la Prevention de la Pollutions et
des Risques en 200412 reprend cette approche typologique pour
vulgariser les connaissances scientifiques en matière de risques
majeurs. Nous allons utiliser la classification proposée par ce guide
pour expliciter les différents risques majeurs.
Les risques naturels majeurs
Dans la « famille È des aléas naturels on
intègre communément : les inondations, les séismes, les
éruptions volcaniques, les tempêtes, les mouvements de terrains,
les avalanches, les incendies de forêt, les cyclones et les tornades,
voire les phénomènes climatiques extrêmes (grands froids et
canicules). Nous allons brièvement présenter les trois premiers
(inondation, séisme, éruption volcanique) en poussant encore leur
classification et en fournissant quelques exemples d'évènements
qui se sont produits par le passé. Cela nous permettra
d'appréhender la complexité des risques naturels et
d'évaluer leur potentiel de destruction.
Les inondations
11 Cette définition est celle de l'ONU
(Secrétariat interinstitutions de la Stratégie internationale de
prévention des catastrophes, Genève, 2004).
12 Ministère de l'Ecologie et du
Développement Durable, Direction de la Prévention de la
Pollutions et des Risques - SDPRM, « Les risques majeurs - Guide
general », 2004, 64 p, URL :
http://catalogue.prim.net/43
les-risques-majeurs--- guide-general.html
Une inondation est une submersion rapide ou lente d'une zone
habituellement hors d'eau. C'est un phénomène naturel qui
dépend de plusieurs facteurs (météorologique,
topographique, voir urbanistique).
La typologie retenue en France depuis 1992 est la suivante :
-les inondations de plaines
-les inondations par remontée de nappe
-les crues des rivières torrentielles et des torrents
-les crues rapides des bassins périurbains
On peut ajouter à cette typologie le risque de submersion
marine.
La matérialisation du risque lié à ces
inondations est la conséquence de deux composantes : l'augmentation
anormale du niveau d'eau, et la présence d'enjeux (humains et/ou
économiques) dans la zone submergée.
Exemples d'inondations :
La tempête Xynthia de 2010 à l'origine d'une
submersion marine qui toucha onze départements, en particulier la
Vendée, la Charente-Maritime, les Deux-Sèvres et la Vienne. 47
décès et plus d'1 milliard d'euros de dommages furent
recensés.
Les crues torrentielles de 2010 dans le département du
Var. 25 décès et près d'1milliard d'euros de dommages
furent recensés.
En 2007, la Commission européenne a adopté la
directive inondation relative à l'évaluation et la gestion des
risques d'inondation. Dans ce cadre, les services de l'Etat ont
réalisé en 2011 des évaluations préliminaires des
risques d'inondation13.Les principaux résultats de cette
évaluation sont les suivants :
-17 millions d'habitants sont exposés aux
débordements de cours d'eau
-1,4 million d'habitants sont exposés aux submersions
marines
-Près d'un emploi sur trois pourrait être
directement touché par une inondation
Les séismes
Les séismes sont la conséquence de
phénomènes géologiques globaux liés à la
tectonique des plaques. Ils sont le résultat d'une libération
d'énergie brutale suite à des frottements le long de failles
géologiques. Ils sont caractérisés par une magnitude, qui
traduit l'énergie libérée par le séisme
(généralement mesurée sur l'échelle de Richter), et
par une intensité qui mesure les effets et dommages du séisme en
un lieu donné.
Voici une synthèse de la typologie des séismes
(présentés dans un récent document du
ministère14) :
- les séismes « inter-plaques È qui se
déclenche aux limites des plaques. En France, les Antilles,
situées à la frontière entre les plaques
nord-américaine et sud-américaine et la plaque cara ·be,
peuvent connaître ces types de séismes.
- les séismes « intra-plaques È qui se
déclenchent à l'intérieur des plaques tectoniques.
Généralement moins puissants que les séismes
inter-plaques, c'est ce type de séismes que l'on observe en France
métropolitaine, en particulier dans le sud-est du territoire.
13 Ministère de l'Ecologie, du
Développement Durable et de l'Energie, « Première
évaluation nationale des risques d'inondation, Principaux
résultats - EPRI 2011 È, juillet 2012, 9p
14 Ministère de l'Ecologie, du
Développement Durable et de l'Energie, «Les seismes -
Collection prevention des risques naturels», juillet 2012, 58p
- les séismes liés à l'activité
volcanique. Ainsi, en France, ce type de séisme peut être
rencontré sur les volcans actifs : la Soufrière à la
Guadeloupe, la montagne Pelée à la Martinique et le piton de la
Fournaise à La Réunion.
La matérialisation du risque sismique est la
conséquence de deux composantes : la survenue d'un séisme, et la
présence d'enjeux (humains et/ou économiques) dans la zone
touchée par le séisme.
Exemple de séismes :
- La séquence de séismes de mai 2012 dans la
région d'Emilie-Romagne en Italie ayant engendrés une trentaine
de morts, plus de 350 blessées et un coUt estimé entre 300 et 700
millions d'euros15. Comme le Bureau de recherches géologiques
et minières (BRGM) l'indique dans une note d'information sur le
sujet16, bien que non situé sur le territoire national, ce
type de séisme est également susceptible de survenir en
France.
Depuis mai 2011, un nouveau zonage sismique a
été adopté en France. Celui-ci a, entre autres, pour but
d'établir des normes de construction suivant les différentes
zones. 21000 communes sont ainsi concernées par la réglementation
parasismique (zones 2 à 5).
Les éruptions volcaniques
Les éruptions volcaniques sont avec les séismes
l'une des manifestations de la tectonique des plaques. En majorité
localisées aux frontières entre deux plaques tectoniques, les
éruptions, dites de Çpoints chaudsÈ, peuvent
également se produire indépendamment du mouvement des plaques.
Les éruptions volcaniques peuvent être à
l'origine de différents phénomènes :
- des nuées ardentes, correspondant à une
émission brutale d'un mélange constitué de gaz brUlant et
de roches à plus de 800°C pouvant atteindre des vitesses de 500
km/h.
- des coulées de lave d'une température moyenne de
1000°C
- des émissions de gaz
- d'autres phénomènes annexes, comme la
coulée de boues ou Ç lahar È correspondant à un
apport d'eau sur des cendres volcaniques
La matérialisation du risque volcanique est la
conséquence de deux composantes : l'éruption d'un volcan, et la
présence d'enjeux dans la zone oü déferlent la lave, les
nuées ardentes et les lahars.
En France, le risque volcanique concerne surtout les
territoires d'outre-mer (Martinique, Guadeloupe et Réunion). En
métropole, le Massif central est également concerné mais
à un degré bien plus faible car les volcans y sont
considérés comme étant en sommeil contrairement aux DOM
oü ils sont actifs.
Exemple d'éruption :
15 Source : http://www.eqecat.com/
16 BRGM, ÇNote d'information - Crise sismique de mai
2012 survenue au nord de la region Emilie-Romagne (Italie)È,
30/05/2012, URL :
http://www.brgm.fr/brgm/includes/actualites/2012-05_crise-sismique-italie.shtml
- L'éruption explosive de la Montagne Pelée
(Martinique) en 1902, lors de laquelle des nuées ardentes tuèrent
près de 29 000 personnes et détruisirent les villes de
Saint-Pierre et de Morne-Rouge.
- L'éruption du volcan islandais Eyjafjöll en avril
2010 qui paralysa l'ensemble du transport aérien de l'Europe occidentale
pendant près d'une semaine.
Les risques technologiques majeurs
Les risques technologiques majeurs sont provoqués par
des activités anthropiques. Le risque industriel, le transport de
matières dangereuses, le risque nucléaire et le risque de rupture
de barrage font partie de cette famille. Nous allons brièvement
présenter les deux premiers en fournissant quelques exemples
d'évènements qui se sont produits par le passé. Comme pour
les risques naturels, cela nous permettra d'appréhender la
complexité des risques technologiques majeurs et d'évaluer leur
potentiel de destruction.
Le risque d'accident industriel
Un risque industriel majeur est un évènement
accidentel se produisant sur un site industriel et entra»nant des
conséquences immédiates graves pour le personnel, les populations
voisines, les biens et l'environnement.
Les typologies communément admises pour les risques
industriels correspondent soit aux éléments
générateurs de risques correspondant à la diversité
des activités et des produits, soit aux conséquences
redoutées des accidents.
Typologie selon la diversité des activités et des
produits :
- les industries chimiques qui produisent des produits
chimiques de base, des produits destinés à l'agroalimentaire
(dont les engrais), les produits pharmaceutiques ou de consommations courantes
(eau de javel, etc.)
- les industries pétrochimiques qui produisent l'ensemble
des produits dérivés du pétrole (essences, gaz,
goudrons).
Typologie suivant les conséquences redoutées :
- les effets thermiques liés à une combustion
d'un produit inflammable ou à une explosion. - les effets
mécaniques liés à une surpression, résultant d'une
onde de choc provoquée par une explosion, une réaction chimique
violente, ou une décompression brutale d'un gaz sous pression.
- les effets toxiques résultants de l'inhalation d'une
substance chimique toxique suite à une fuite sur une installation.
La matérialisation du risque industriel est la
conséquence de deux composantes : la survenance d'un accident
(aléa) et la présence d'enjeux dans la zone d'impacts
redoutés.
En France, les sites industriels présentant des risques
sont soumis à la réglementation des Installations Classées
pour la Protection de l'Environnement (ICPE), en application de des directives
européennes dites «SEVESOÈ. Il existe plus de 500 000 ICPE
en France.
Exemple d'accidents industriels :
- l'incendie de la rafÞnerie de Feyzin (Rhône) en
1966 qui provoqua 18 décès, 88 blessés et l'endommagement
de plus de 1400 habitations
- l'explosion du site AZF de Toulouse en 2001 qui provoqua 30
morts et plus de 2000 blessés.
Le risque de transport de matières dangereuses
Le risque de transport de matières dangereuses, ou
risque TMD, est consécutif d'un accident se produisant lors du transport
de ces matières par voie routière, ferroviaire, ßuviale ou
par canalisations.
La classification retenue pour le risque TMD reprend celle en
place pour les risques industriels (conséquences thermiques,
mécaniques et toxiques).
Comme pour les risques industriels, la matérialisation
du risque TMD est la conséquence de deux composantes : la survenance
d'un accident (aléa) et la présence d'enjeux dans la zone
d'impact des conséquences redoutées. Nous noterons toutefois que
les enjeux sont ici difficilement évaluables et prévisibles
étant donné la mobilité inhérente au transport qui
induit une dispersion du risque à travers le territoire.
Exemple d'accident de TMD :
- le renversement d'une semi-remorque de propane (gaz
explosif) à Saint-Amand-lesEaux (Nord) en 1973, à la suite duquel
l'explosion et l'incendie entrainèrent la mort de 9 personnes et la
destruction de 9 véhicules et de 13 maisons.
- la collision entre un camion citerne de produits
pétroliers et un train au niveau d'un passage à niveau à
Port-Sainte-Foy (Dordogne) en 1997, lors duquel 12 personnes périrent et
43 autres furent blessées.
Au terme de cette présentation succincte de trois types de
risques naturels et deux types de risques technologiques, nous formulerons deux
constatations.
La première concerne les spectaculaires coUts
susceptibles d'être engendrés par les conséquences des
catastrophes naturelles et technologiques. Au niveau planétaire, le
montant annuel, pour les seuls dommages assurés, se compte en centaines
de milliards. Ces montants astronomiques atteignent des records ces
dernières années comme en témoigne l'estimation fournit
fin 2011 par Swiss Re (second réassureur mondial). L'ensemble des pertes
économiques mondiales s'élèverait ainsi à 350
milliards en 201117, pour les seules catastrophes naturelles.
Notre seconde constatation est d'ordre méthodologique.
La présentation que nous avons réalisée de ces risques
majeurs est utile pour comprendre les liens entre aléa et enjeux, mais
elle peut appara»tre comme limitée. En effet, la distinction
apparente entre ces différents risques est théorique. Des
relations complexes existent en réalité entre les aléas et
leurs conséquences. En témoigne par exemple le lien de
causalité entre séisme et tsunami. Cela est également vrai
pour d'autres risques que nous n'avons pas évoqués, tel que les
mouvements de terrains qui sont fortement dépendants des
précipitations. Nous touchons en fait ici aux limites de l'approche
typologique des risques majeurs. Ayant le souci de construire un raisonnement
pour comprendre chacun des risques, l'expertise s'est segmentée en se
spécialisant. Cette Çultra-spécialisationÈ est
utile, mais elle
17 Véronique Smée, ÇAnnôe record
pour le coOt des catastrophes naturellesÈ,
novethic.fr, le 21/12/2011
entra»ne un frein relatif pour l'étude des risques
majeurs. Afin de compléter l'approche typologique et surmonter ses
limites, une approche globale est aujourd'hui privilégiée.
1-1-2-2 L'approche globale des risques majeurs
Les limites de l'approche par les aléas incitent
aujourd'hui à orienter la recherche sur les risques vers la connaissance
de la vulnérabilité. Comme l'évoque le géographe
Jacques Donze18 en 2007 dans une préface de la revue
Géocarrefour, «la vulnérabilité est au
coeur des recherches actuelles».19 Il explique cette
constatation d'une part par la relative instabilité du concept de
vulnérabilité, et d'autre part, par le retard pris par rapport
aux recherches sur les aléas. Ce retard tiendrait à l'approche
analytique qui a été privilégiée par les
initiateurs de l'étude des risques majeurs (ingénieurs,
géologues, et géographes « physiciens »). L'approche
globale des risques majeurs est actuellement développée dans les
centres de recherche lyonnais et stéphanois regroupés au sein de
l'UMR20 5600 du CNRS intitulé «Environnement, Ville et
Sociétés».
L'approche globale emprunte également des
éléments à la «cindynique». La cindynique est la
science du danger qui fut élaborée dans les années 1980
pour accompagner les études de danger dans l'industrie. Elle propose une
analyse systémique de la gestion des risques, en adoptant une
unité conceptuelle entre tous les types de risques. Gr%oce à
cette approche, des outils d'analyse tres utiles ont été
développés par les industriels : les retours d'expérience
et ses méthodologies comme « l'arbres des causes
»21, ou les analyses de sOreté de fonctionnement comme les
méthodes AMDEC 22.
Deux définitions peuvent être données
à la vulnérabilité, comme le souligne le géographe
André Dauphiné dans son ouvrage sur les risques et les
catastrophes de 200123.
La première considere la vulnérabilité
comme l'expression du niveau de conséquences prévisibles d'un
aléa sur les enjeux. Ainsi pour chaque enjeu reconnu est établie
une évaluation des dommages en fonction des niveaux d'aléa. Cette
approche classique de la vulnérabilité s'intéresse
à la mesure des endommagements potentiels des biens et des personnes et
ses répercussions sur l'environnement économique. Cette
définition de la vulnérabilité est quelque peu
restrictive.
Depuis une vingtaine d'années, les auteurs
privilégient un second type de définition. Ils considerent la
vulnérabilité comme les « conditions
déterminées par des facteurs ou processus physiques, sociaux,
économiques ou environnementaux qui accentuent la
18 Jacques Donze est chercheur et ma»tre de
conférences au sein de l'UMR 5600 Environnement, Ville,
Société de l'Université Lyon 3 (rttaché au CNRS)
19 Jacques Donze, «Le risque : de la
recherche à la gestion territorialisée»,
Géocarrefour, vol. 82/1-2, 2007 - URL :
http://
geocarrefour.revues.org/1395
20 UMR : Unité Mixte de Recherche
21 Un arbre des causes vise à comprendre un
accident. Cette démarche consiste à chercher toutes les causes de
l'évenement, pour ensuite identifier les facteurs ayant
généré l'évenement (techniques, humain ou
organisationnels).
22 AMDEC : Analyse des Modes de Défaillance, de
leurs Effets et de leur Criticité
23 André Dauphiné, ÇRisques
et catastrophes : Observer - Spatialiser - Comprendre -
Gérer», Armand Colin, 2001, p19
sensibilite d'une collectivite aux
consequences des aleas È24. Cette définition sert
a traduire la fragilité d'un système dans son ensemble et sa
capacité a surmonter la crise provoquée par un aléa.
Ainsi, plus une société est apte a se rétablir
après une catastrophe, moins elle sera considéré comme
vulnérable.
L'étude de la vulnérabilité - ou plutTMt
des vulnérabilités - nécessite une approche
synthétique, qui place la société au centre de
l'étude, ou sources d'aléas (de dangers) et de
vulnérabilité sont indissociables. Plusieurs niveaux d'analyse de
la vulnérabilité sont donc a prendre en compte. La
vulnérabilité matérielle, couverte en partie par les
assurances, mais également la vulnérabilité fonctionnelle
d'interactions entre les enjeux, et enfin la vulnérabilité
structurelle liée a l'organisation spatiale des réseaux.
La mesure de la vulnérabilité face a un
aléa n'est donc pas chose simple. André Dauphiné propose
plusieurs solutions pour surmonter cette complexité.
La première consiste a tout évaluer en termes
financiers et a procéder a une analyse coatavantage. Les assurances
fondent leur activité et leur prospérité sur ces mesures.
Elles peuvent ainsi estimer le coat d'un séisme sur la CTMte d'Azur ou
celui d'une crue de la Seine comparable a celle de 1910.
Une autre solution consiste a évaluer la
vulnérabilité selon une durée de retour a la normale. Dans
cette méthode utilisée principalement pour les inondations,
aléa et vulnérabilité sont tous deux
représentés par une dimension temporelle exprimée par un
temps de retour. Sur une meme carte de risques, chaque parcelle de terrain est
alors représentée en fonction de ces deux durées de
retour. Cette démarche opérationnelle a l'inconvénient de
mesurer la vulnérabilité indépendamment de tout aspect
économique.
Enfin, la dernière solution développée
bien plus récemment, consiste a mesurer la vulnérabilité
par son inverse : la somme de la résistance et de la
résilience.
La résistance est relativement simple a mesurer. Par
exemple pour la résistance face aux inondations, on mesurera la
capacité d'une digue a contenir les eaux. Pour la résistance face
aux séismes, on mesurera la capacité des b%otiments a ne pas
s'effondrer.
Par contre, la résilience est un concept plus complexe,
sur lequel nous reviendrons en détail dans le 1.2. Cela nous permettra
d'exposer les approches les plus récentes concernant la
vulnérabilité, en lien avec l'utilisation du concept de
résilience.
Nous terminerons nos réßexions sur la
vulnérabilité et l'approche globale des risques, par la
description du principal obstacle qu'elles rencontrent. Celui-ci est lié
a la forte dissociation administrative qui existe pour traiter des
différents problèmes que posent les risques majeurs. En effet, le
traitement actuel des risques majeurs n'est aujourd'hui pas
intégré de fagon globale dans toutes les administrations. Non
seulement pour l'élaboration d'une expertise (encore centrée sur
les aléas), mais également pour les problèmes
d'urbanisation, de prévision et de prévention, ainsi que pour les
questions liées a la sécurité des populations.
Résumons-nous.
Nous avons vu que l'expertise sur les risques majeurs s'est
longtemps focalisé sur l'étude des aléas et de leur
réduction. L'approche typologique se révèle didactique
pour
24 Définition du Secrétariat
interinstitutions de la Stratégie internationale de prévention
des catastrophes de l'ONU, Genève, 2004
comprendre le lien entre aléa et risque. Cependant elle
appara»t aujourd'hui comme limitée.
L'approche globale, se basant sur l'étude de la
vulnérabilité, constitue une vision contemporaine plus
pertinente. Les nombreuses recherches actuelles confirment cette
réorientation de l'expertise. Malheureusement, cette vision globale des
risques majeurs est encore éloignée des administrations. Cette
lacune constitue un facteur supplémentaire de la
vulnérabilité de nos sociétés.
Cette Çméta-vulnérabilité> se
révèle être primordiale, et elle appara»t comme
évidente lorsque survient une crise Çhors-cadres>.
1-1-3 Les crises Çhors-cadresÈ
Pour ouvrir la réßexion sur la gestion des crises
Çhors-cadres> nous nous servirons d'une introduction
rédigée par Patrick Lagadec à l'occasion d'un retour
d'expérience sur les conséquences de l'ouragan KATRINA de 2005 25
:
ÇLa conjugaison de diverses évolutions
(changements climatiques ; complexité technologique croissante ;
interdépendance économique ; systèmes de flux tendus ;
vulnérabilités asymétriques, etc.) fait aujourd'hui
émerger un nouvel univers stratégique. Nous sommes
désormais confrontés à des crises
Çhors-cadresÈ qui n'entrent plus dans nos hypothèses de
travail, nos logiques de réponse, nos scripts opérationnels
traditionnels. Plus préoccupant, alors que ces crises n'étaient
hier que des phénomènes exceptionnels, marginaux, et sans effet
déterminant sur nos dynamiques essentielles, elles tendent aujourd'hui
à affecter et déstabiliser le centre de nos systèmes. Ces
épisodes ÇimpensablesÈ empruntent de plus en plus aux
logiques chaotiques et laissent désemparés les meilleurs
ÇhorlogersÈ qui opéraient à merveille dans les
environnements stables et mesurés, caractéristiques d'un
passé encore récent.>
1-1-3-1 Les effets dominos et l'auto-organisation
critique
Comme la citation de Lagadec le souligne, il est aujourd'hui
nécessaire de faire évoluer nos conceptions mentales pour pouvoir
nous préparer à des évènements catastrophiques
Çimpensables>. Ces évènements, qualifiés de
crises Çhors-cadres>, s'avèrent de plus en plus
fréquents. L'accident nucléaire de la centrale de Fukushima
DaiiChi de mars 2011, constitue un représentant emblématique de
ces désastres. La séquence séisme-tsunamis-accident
nucléaire est révélatrice de la funeste rencontre entre
une intensité exceptionnelle, des aléas naturels et la
vulnérabilité d'une industrie à risques majeurs.
Ces séquences complexes sont qualifiées
Çd'effets dominos> par certains auteurs. C'est le cas de Damienne
Provitolo qui dans un article de 2005 expose ses études sur la
25 X Guilhou, P Lagadec, E Lagadec, "Les crises hors cadres
et les grands réseaux vitaux Ð Katrina. Faits marquants, pistes de
réflexionÓ, Mission de retour d'expérience, La
Nouvelle Orléans ,13-15 mars 2006. EDF, Direction des Risques Groupe,
avril 2006 - URL :
http://www.patricklagadec.net/fr/pdf/EDF_Katrina_Rex_Faits_marquants.pdf
panique26. Elle y souligne l'importance de cette
notion d'effets dominos, en particulier lors des catastrophes urbaines dans
lesquelles la dissociation aléa naturel/technologique n'a plus
d'utilité. A travers l'exemple de la panique, elle tente de
démontrer qu'en analysant les catastrophes au niveau des comportements
humains, individuels et collectifs, il est possible de réaliser des
modélisations. De par le nombre important de données
nécessaires et sa complexité de développement, la
modélisation des «effets dominos ne permet pas encore des
prévisions et encore moins des prédictions. Nous pouvons
cependant espérer qu'elle se développe pour nous fournir des
indices supplémentaires sur les conséquences de ses crises
«hors-cadres.
L'une des conséquences redoutées suite à
ce type d'évènements catastrophiques est la panne
généralisée des réseaux électriques. Le
passé récent nous a prouvé que ces «Black Out peuvent
atteindre une ampleur très importante, touchant des centaines de
millions de personnes, et paralysant l'ensemble des réseaux de
transports. Ce fat le cas le 15 aoit 2003 dans le nord-est des Etats-Unis
(New-York compris) et le Canada27, et le 30 juillet 2012 dans le
nord de l'Inde28. Ces deux exemples ne trouvent pas leur origine
dans une catastrophe, mais il souligne la vulnérabilité de nos
sociétés «technico-dépendantes.
Pour comprendre les séquences complexes à
l'origine de ces « crises-hors cadre, il est utile de présenter la
théorie de l'auto-organisation critique pour analyser la
vulnérabilité intrinsèque de notre société.
Cette théorie est présentée par la géographe
Damienne Provitolo dans un article de 200829.
La théorie de l'auto-organisation critique nous
enseigne que certains systèmes évoluent vers un état
critique, sans intervention extérieure et sans paramètre de
contrTMle. L'ampliÞcation d'une petite fluctuation interne peut alors
mener à un état critique et provoquer une réaction en
cha»ne menant à une catastrophe. Cette théorie se base sur
deux concepts : l'auto-organisation et la criticalité.
L'auto-organisation désigne la capacité des
éléments d'un système, à produire et maintenir une
structure, sans que cette structure apparaisse au niveau des composantes, et
sans qu'elle résulte de l'intervention d'un agent extérieur. Si
on applique ce concept à l'étude des sociétés, cela
signiÞe qu'il n'y a ni leader, ni centre organisateur, ni programmation
au niveau individuel d'un projet global. Ces phénomènes
d'autoorganisation s'observent par exemple lors d'applaudissements, de panique
collective, d'intention de vote, d'embouteillages aux horaires de pointe,
etc.
La criticalité caractérise quant à elle
les systèmes qui changent de phase, par exemple le passage de la
panique individuelle à la panique collective. Un système devient
critique quand tous ses éléments s'influencent mutuellement.
L'état critique est dit « auto-
26 Damienne PROVITOLO, « Un exemple
d'effets de dominos : la panique dans les catastrophes
urbaines , Cybergeo : European Journal of Geography,
Systèmes, Modélisation, Géostatistiques, article 328, 2005
- URL :
http://
cybergeo.revues.org/2991?file=1
27 Radio Canada, «La mégapanne de
l'été 2003, Archives de Radio Canada, diffuser le14 aoet 2003,
26min URL :
http://archives.radio-canada.ca/economie
affaires/energie/clips/14225/
28
LEXPRESS.fr, «Inde: un black-out
géant prive 300 millions de personnes d'électricité, le 30
juillet 2012 URL:
http://
www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/inde-un-black-out-geant-prive-300-millions-de-personnes-d-electricite
1144129.html
29 Damienne Provitolo, «Thoorie de
l'auto organisation critiqueÈ, 2008 - URL :
http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/
00/39/15/70/PDF/article_426.pdf
organisé > quant l'état du système
résulte des interactions dynamiques entres ses composantes et non d'une
perturbation externe.
Cette théorie de l'auto-organisation critique a par
exemple été appliquée par André Dauphiné en
2003 pour l'étude des réseaux urbains30. Pour
appréhender l'application de cette théorie, nous prendrons donc
l'exemple du système Ç ville > en lui appliquant un
scénario Þctif :
Une panne du réseau électrique de la ville
entra»ne une déÞcience de la signalisation. Quelques
carambolages paralysent alors la circulation. Comme la situation perdure, l'un
des automobilistes décide de quitter son véhicule. Ce
comportement est ensuite mimé, ce qui ampliÞe le Çchaos>
et prolonge la paralysie alors même que la signalisation serait
rétablie.
La théorie de l'auto-organisation critique permet donc,
comme pour les effets dominos, de fournir une explication à
l'accroissement de la vulnérabilité de la société.
Ces axes de recherches récents sont d'autant plus importants pour
l'étude des catastrophes et des risques majeurs lorsque l'on prend en
considération les risques Ç émergents >
1-1-3-2 Les risques émergents
Pour alimenter nos réßexions sur les crises
Çhors-cadres>, il est utile d'ouvrir la réßexion sur les
risques émergents et les nouvelles menaces. Ces risques englobent
l'ensemble des risques dont l'occurrence était encore impossible il y a
quelques années. Les menaces terroristes et les maladies infectieuses
émergentes en sont les deux représentants les plus
emblématiques.
Les menaces terroristes majeures.
Nous nous intéresserons ici au terrorisme dans la
mesure oü celui-ci peut entra»ner des conséquences
catastrophiques. Comme le propose le HCFDC dans son Rapport d'activité
201131, il est possible de faire une distinction entre menaces et
risques majeurs. En effet, les menaces majeures se distinguent par leur
dimension Çmilitaire> lors de laquelle la destruction est volontaire
et planiÞée.
Cependant, les nouveaux modes d'actions terroristes exploitent
de plus en plus la vulnérabilité de nos sociétés,
rapprochant ainsi risques et menaces. Les attentats du 11 septembre 2001 aux
Etats-Unis constituent l'un des sinistres exemples de ce mode
opératoire. Il est ainsi à redouter dans les années
à venir, que les actes terroristes s'orientent vers l'attaque
d'installations sensibles (réseaux de transports, industries chimiques
ou nucléaires) à même de déclencher des
séquences du type Çeffet domino> que nous avons
présentées précédemment.
Cette constatation est d'autant plus vraie que les armes des
terroristes se sont étoffées depuis quelques années.
30 Dauphiné A., 2003, Ç Les réseaux urbains
: un exemple d'application de la théorie des systèmes
auto-organisés critiques >, Annales de Géographie, n°
631, p. 227-242
31 Haut Comité Français pour la Défense
Civile, ÇRisques et menaces exceptionnels - Quelle preparation
?È, Rapport d'activité 2011 - URL :
https://www.hcfdc.org/securise/pdf/rapport_hcfdc_lq2.pdf
Les cyber-menaces utilisant l'informatique deviennent ainsi
tout à fait réelle comme le souligne le HCFDC : Ç on
ne peut exclure la menace terroriste pesant sur les réseaux
d'infrastructures de type SCADA (Supervisory Control And Data Acquisition).
Systèmes de télégestion à grande échelle
permettant de contrTMler à distance des installations techniques, ils se
retrouvent dans différents contextes critiques, comme la surveillance de
processus industriels, le transport de produits chimiques, les systèmes
municipaux d'approvisionnement en eau, la distribution électrique, ou
encore les canalisations de gaz et de pétrole
È32.
Les attaques NRBC (Nucléaire, Radiologique, Biologique,
et Chimique) constitue une autre menace terroriste majeure, bien que Ç
moins vraisemblable à court terme, compte tenu de la faible
sophistication des individus oeuvrant aujourd'hui dans les groupes
terroristes È33.
La Çcrise de l'anthraxÈ34 d'automne
2001 est révélatrice de la vulnérabilité de nos
sociétés face à l'utilisation d'armes biologiques. Cette
crise est analysée en détail par Jacques Massey, dans son ouvrage
Ç Bioterrorisme, l'état d'alerte »35 .
Lors de cette crise, le problème principal des administrations fUt
l'identification du mode de propagation de la contamination. Le vecteur des
lettres contaminées était en fait les centres de tris postaux.
Le(s) terroriste(s) a (ont) ainsi fait une utilisation
ÇingénieuseÈ du système de distribution du
courrier.
Dans son livre, Jacques Massey expose également un
scénario catastrophe étudié par les gouvernements. Ce
scénario imagine qu'un terroriste kamikaze s'inocule la variole (pour
lequel la population n'est plus vaccinée) et qu'il se rende dans un
aéroport international. Nous imaginerons ainsi aisément qu'en
plus des conséquences physiques d'une telle attaque, il est à
redouter le développement d'un sentiment très fort de peur,
pouvant être à l'origine d'une panique
généralisée.
Ces derniers scénarios nous renvoient à un autre
risque émergent : les maladies infectieuses émergentes et les
nouveaux risques sanitaires.
Maladies infectieuses émergentes et nouveaux risques
sanitaires
Pour présenter les maladies infectieuses
émergentes, nous nous appuierons sur un rapport36
récent de la sénatrice Fabienne Keller. Dans ce rapport, la
sénatrice illustre plusieurs tendances, pour les années à
venir, propices à l'émergence de nouvelles maladies
infectieuses.
La première concerne l'accroissement de la population
mondiale qui dépasse les 6,5 milliards d'individus et atteindra 9
milliards d'ici à 2050, en se concentrant dans des mégalopoles
oü les transmissions inter-humaines sont facilitées. La seconde
tendance
32 Page 16 du rapport 2011 du HCFDC
33 Page 15 du rapport 2011 du HCFDC
34 Au Etat-Unis, en octobre et novembre 2001, plusieurs dizaines
de personnes (dont des personnels du Sénat) reçoivent des lettres
contaminées au bacille du charbon, une bactérie très
volatile et potentiellement mortelle
35 Jacques Massey, ÇBioterrorisme, l'état
d'alerteÈ, l'Archipel, 2003, 357p, p19-66
36 Fabienne Keller, Ç Les nouvelles menaces des
maladies infectieuses émergentes È, Synthèse du
rapport n°638 du Sénat, juillet 2012 - URL :
http://www.fabiennekeller.fr/wp-content/uploads/2012/07/Quatre-pages-maladiesinfectieuses-%C3%A9mergentes-final-5-juillet-2012-1.pdf
est relative à la mondialisation des échanges
qui contribue à la diffusion des vecteurs de maladies et à la
propagation d'épidémies, via le commerce maritime ou les trafics
de denrées alimentaires. Une autre tendance correspond à la
progression du transport aérien qui accélère les
mouvements de personnes dans des zones à risques et fragilise les
populations Ç naïves È (touristes et hommes d'affaires par
exemple). Enfin, la dernière tendance que nous citerons est la
résultante du changement climatique qui favorise la multiplication de
certains vecteurs (moustiques et autres insectes) à l'origine de
l'apparition de nouvelles maladies dans nos régions
tempérées (lyme, dengue, chikungunyaÉ).
Comme pour les menaces terroristes, ces
pandémies37 profitent de la vulnérabilité
induite par la mondialisation. Cette nouvelle vulnérabilité est
le résultat de la combinaison de l'apparition des grands réseaux
mondiaux (caractérisés par une accélération des
échanges), et de l'ignorance des populations pour ces nouveaux risques.
Nous retrouvons ainsi la notion d'hyper complexité des Ç crises
hors-cardesÈ introduite par Lagadec.
Résumons-nous
Nous avons montré que nos sociétés sont
désormais soumises à des crises Ç horscadresÈ qui
s'appuient sur la vulnérabilité de nos systèmes. Des
recherches récentes sur les effets dominos et l'auto-organisation
critique tentent ainsi d'apporter de nouveaux éléments de
compréhension à ces crises Ç hors-cadresÈ. Les
risques émergents que représentent la menace terroriste et les
maladies infectieuses constituent des indices supplémentaires du
développement de la vulnérabilité de nos
sociétés.
Au travers de la présentation successive que nous avons
faite des paradigmes des risques majeurs, du triptyque aléas - enjeux -
vulnérabilité, et des crises Çhors cadreÈ, nous
avons tenté de démontrer que l'action publique doit
évoluer vers une nouvelle conception. Cette conception se traduit
aujourd'hui par l'adoption d'un nouveau concept : la résilience des
territoires.
37 Définition de pandémie par
http://www.larousse.fr : Ç
Epidémie étendue à toute la population d'un continent,
voire au monde entier. È
1-2 La résilience des territoires : une nouvelle
stratégie pour les risques majeurs
Nous venons d'étudier les liens entre l'action publique
et les risques majeurs. Cela nous a permis de présenter les paradigmes
relatifs aux risques majeurs, d'exposer les composantes du risque (aléa,
enjeu et vulnérabilité) et les diverses approches de l'expertise,
et pour finir, nous avons ouvert notre réßexion sur les crises
«hors-cadreÈ qui témoignent de l'augmentation de la
vulnérabilité de nos sociétés.
Afin de traduire les nouveaux besoins de nos
sociétés en termes de réduction de la
vulnérabilité, le concept de résilience
est aujourd'hui utilisé. Dans les paragraphes qui suivent nous allons
tenter d'expliquer en quoi le concept de résilience est utile pour la
gestion des risques majeurs et la sécurité civile, et comment il
oriente les politiques vers ce nouvel objectif : améliorer la
résilience des territoires.
Nous commencerons par introduire le concept de
résilience en définissant sa polysémie, via l'étude
de ses origines et de son utilité pour l'analyse systémique. Nous
nous attarderons ensuite sur la notion de territoire. Cela nous permettra de
replacer l'utilisation du concept de résilience dans le champ
privilégié de l'étude des risques majeurs : la
géographie. Puis, nous présenterons le contexte international.
Nous analyserons ainsi comment et pourquoi le concept de résilience
s'est imposé au niveau international et dans certains pays occidentaux.
Nous présenterons enfin les différents qualitatifs de la
résilience en expliquant les concepts de résilience
organisationnelle, de résilience urbaine et de résilience
territoriale.
Nous conclurons notre réßexion par une prise de
position en faveur d'une stratégie frangaise de résilience des
territoires.
1-2-1 De la polysemie à la mesure de la resilience
1-2-1-1 Origine et utilisations
Le mot résilience vient du latin Resilio qui
veut dire rebondir. La notion de rebond, au sens d'un retour à une
situation initiale, est l'une des caractéristiques premières de
la résilience. Ce caractère se retrouve d'ailleurs dans les
définitions présentent dans les différentes disciplines
utilisant la résilience, ce concept étant polysémique et
interdisciplinaire.
Il est d'abord une théorie physique qui
caractérise un système. Il représente ainsi la
capacité d'un objet à retrouver sa forme initiale après un
choc. C'est un concept également utilisé en psychologie pour
décrire la capacité de certaines personnes à se surpasser
après un choc émotionnel (accident, décès d'un
proche, maladie, etcÉ) Le terme de résilience est, de plus,
utilisé pour décrire la capacité d'un
écosystème à retrouver un équilibre après
une perturbation (pollution, perte de biodiversité, etc.). En
économie, la résilience est utilisée pour décrire
les capacités financières d'une entreprise pour faire face
à une crise. Et en informatique, la résilience est la
capacité d'un système ou d'une architecture réseau
à continuer de fonctionner en cas de panne.
En France, l'introduction du concept de résilience est
attribuée au psychiatre et éthologue Boris Cyrulnik dans son
livre Ç Un merveilleux malheur È publié en 1999.
Le concept est aujourd'hui largement répandu dans divers domaines,
à tel point que B. Cyrulnik déclarait en 2007 que la
résilience était devenue une Çbaudruche semantique de
plus en plus ambigu` au fur et à mesure qu'elle
gonßeÈ.38
En effet, la résilience est un concept à la
mode. Elle s'impose aujourd'hui autant dans les recherches académiques
que dans les pratiques gestionnaires. Son caractère polysémique
alimente d'ailleurs de nombreux débats sur sa pertinence
opérationnelle et heuristique. Ce regard critique est
développé dans un article intitulé ÇCe que la
résilience n'est pas, ce qu'on veut lui faire direÈ39,
dans lequel les auteurs définissent la résilience comme Ç
une sorte de mot valise sollicité à des fins très
diverses, à l'instar d'autres notions en vogue (durabilité,
gouvernance, etc.) qui lui sont d'ailleurs souvent attachées
È.
Conscient de ces critiques (d'autant plus que nous associons
résilience et gouvernance au sein de notre sujet) et du rejet du concept
par certains chercheurs, nous allons tout de même définir en quoi
et pourquoi ce concept est adapté à la gestion des risques
majeurs.
Comme nous l'avons montré, la résilience
revêt un caractère pluridisciplinaire. Or, cette ouverture
à plusieurs champs d'études est bénéfique. Si l'on
considère les risques majeurs dans leur globalité et avec une
vision transversale, un concept qui traduit cette transversalité est
très utile. Le caractère interdisciplinaire de la
résilience est schématisé par la Figure.1
ci-après.
Figure.1 Le caractère interdisciplinaire de la
resilience40
En observant cette figure, nous retrouvons différents
mots Ç satellitesÈ de la résilience
: durabilité, mitigation, adaptation, vulnérabilité,
apprentissage, reconstruction, résistance,
38 Boris Cyrulnik., ÇLa
résilienceÈ, Le Monde, 17/07/2007
39 G. Djament-Tran, A. Le Blanc, S. Lhomme, S. Rufat et M.
Reghezza-Zitt, Ç Ce que la resilience n'est pas, ce qu'on veut lui
faire dire È, 2011, 31p - URL :
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/67/92/93/PDF/resilience
french.pdf
40 G. Djament-Tran, A. Le Blanc, S. Lhomme, S. Rufat et M.
Reghezza-Zitt, Ç Ce que la resilience n'est pas, ce qu'on veut lui
faire dire È, 2011, p4 - URL :
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/67/92/93/PDF/resilience_french.pdf
absorption, récupération et persistance. Ces
différents mots sont souvent utilisés pour définir la
résilience, et nous permettent de souligner le contexte
sémantique lors duquel la résilience s'est liée à
la gestion des risques. La résilience des individus au sens
psychologique, et la résilience de l'économie face aux crises
financières (non liées à des catastrophes) sont d'ailleurs
très intéressantes pour comprendre la résilience de la
gestion des risques qui va nous occuper.
1-2-2-2 La résilience : une capacité
systémique mesurable
Comme nous l'avons vu un peu plus haut, le concept de
résilience est indissociable du concept de vulnérabilité.
Ils sont tous deux des concepts intégrateurs qui permettent de gommer
l'opposition entre le naturel et le social. La résilience est
très bien adaptée à la gestion des risques car elle
intègre à la fois dimension physique et dimension
sociale41.
Pour comprendre d'ob découlent ces constatations, nous
allons reprendre l'étude de la vulnérabilité
laissée un plus haut42.
La résilience, associée à la
résistance correspond à l'inverse de la
vulnérabilité. C'est à dire qu'un système est moins
vulnérable s'il est plus résilient. Cette démonstration
simple nous aiguille sur l'utilité principale du concept de
résilience pour les risques majeurs : permettre de qualifier une
capacité systémique.
En effet, la résilience, comme la
vulnérabilité sont des concepts qui servent à qualifier la
capacité d'un système à se maintenir/se rétablir ou
s'endommager/se détruire face à une perturbation. Ils sont ainsi
tous deux très didactiques car ils permettent d'englober un ensemble de
facteurs pour en dégager une tendance. Lors d'une prise de
décision, les décideurs peuvent ainsi évaluer la
vulnérabilité ou la résilience du système sans
avoir besoin de conna»tre en détail tous les facteurs de
risques.
De plus la résilience permet d'intégrer et de
qualifier une autre donnée capitale pour la gestion des risques majeurs
: l'incertitude. Les aléas qui touchent nos systèmes, villes et
communautés sont de plus en plus nombreux, divers et fréquents.
Certains restent prévisibles, mais la plupart ne peuvent pas etre
anticipés (tremblements de terre, tsunamis, et autres crise
«hors-cadresÈ). Par conséquent, la
vulnérabilité des systèmes techniques et sociaux ne peut
etre complètement évaluée, analysée et
planifiée. L'incertitude faisant pleinement partie du travail des
gestionnaires, la résilience s'est donc imposée pour qualifier la
capacité d'un système à faire face à tous types
d'évènements.
Si la résilience est une capacité
systémique elle doit pouvoir se mesurer. C'est en partant de ce
raisonnement que des expériences ont été menées
pour tenter de mesurer la résilience de certains systèmes.
41 André DAUPHINE et Damienne PROVITOLO «
La resilience : un concept pour la gestion des risques È,
Annales de géographie 2/2007 (n° 654), p115-125
42 Voir 1-1-2-2 L'approche systémique par la
vulnérabilité
En 2009, un étudiant québécois a ainsi
élaboré une méthodologie d'évaluation de la
résilience dans son mémoire de fin
d'étude43.
Cette méthodologie reprend l'approche systeme et permet
d'analyser les systemes du point de vue des ressources qu'ils utilisent
(intrants) et qu'ils fournissent (extrants). Apres une analyse tres
détaillée (et complexe) des intrants et des extrants du systeme,
la dimension temporelle est également explicitée, pour observer
l'évolution des différents parametres au court du temps.
L'approche systémique proposée permet l'évaluation de tous
types de systeme : organisation, entreprise, institution, ville, région
ou pays.
L'auteur propose également en annexe un guide
méthodologique qui reprend les principales étapes de mise en
oeuvre. Nous nous appuierons principalement sur ce guide afin de
présenter l'apport opérationnel de cette méthodologie
d'évaluation de la résilience.
La première étape consiste à identifier
le contexte de l'étude. Il faut ainsi définir le but de
l'évaluation, les moyens mis en oeuvre pour la réaliser et le
champ dans lequel elle est appliquée, c'est-à-dire la
définition claire du systeme (Figure. 2).
La seconde étape à pour but de réaliser
le portrait du systeme. Il faut donc consigner l'ensemble des informations
concernant le systeme et ses entités constitutives, ses intrants et ses
extrants. Cette étude s'effectue lorsque le systeme est dans son
fonctionnement normal.
Figure. 2 : Representation du système
La troisieme étape se focalise sur l'étude des
extrants. Apres une identification des principaux extrants, il faut les
décomposer. Cela permet d'établir les ensembles fonctionnels
du systeme et de définir leur rTMle. Concretement, un ensemble
fonctionnel est un ensemble d'éléments ayant des fonctions
spécifiques, mais organisé en vue de remplir un même rTMle
dans la fourniture d'une ressource définie (service ou produit). Le
tableau cidessous synthétise les principaux rTMles des ensembles
fonctionnels (Figure. 3).
Cette collecte d'informations permet de définir les
seuils et les états de dégradation adaptés à chaque
extrant. Leur mesure permettra donc de déterminer si la ressource est
disponible, dégradée ou indisponible.
43 Jean-Yves Pairet, Ç Méthodologie
d'évaluation de la résilience È, Ecole Polytechnique
de Montréal, 2009, 164p - URL :
http://www.polymtl.ca/crp/doc/MemoireJ-Y-Pairet.pdf
- Les figures 2, 3 et 4 proviennent du guide méthodologique fourni en
Annexe D, p131-164
Figure. 3 : RTMles des ensembles fonctionnels
L'étape suivante se focalise ensuite sur l'étude
des intrants. L'identiÞcation des intrants est similaire à celle
des extrants, mais en identiÞant ici les ressources utilisées par
les éléments. Une liste des fournisseurs et des intrants du
système doit etre rédigée en incluant la description des
moyens d'approvisionnement qu'ils utilisent.
Cela permet alors de raisonner au niveau des ensembles
fonctionnels. La recherche des dépendances entre intrants et ensembles
fonctionnels est facilitée par le chiffrage plus aisé des
données relatives aux consommations (électricité, eau,
gaz).
On tente ensuite de déterminer les seuils à partir
desquels la dégradation des intrants engendre la défaillance d'un
ou plusieurs éléments du système.
La cinquième étape concerne la gestion des
défaillances. Elle a pour objectif d'évaluer l'impact de
l'indisponibilité des intrants sur les extrants. C'est lors de cette
étape que sont caractérisées les mesures de
prévention (intervenant avant la défaillance) et les mesures de
protection (intervenant après l'apparition de la défaillance).
On synthétise ensuite ces études pour calculer
différents délais (Figure. 4) :
- le délai d'affectation qui correspond au temps mis par
l'indisponibilité d'un intrant pour engendrer l'indisponibilité
d'un ou plusieurs extrants du système
- le délai avant défaillance qui correspond au
temps mis par l'indisponibilité d'un intrant pour engendrer la
défaillance d'un ensemble fonctionnel du système
- le délai intrinsèque qui correspond au temps
entre le début de la défaillance de l'élément
fonctionnel, et son impact sur l'état de dégradation d'un extrant
du système
Figure. 4 Décomposition du délai
d'affectation
La dernière étape établit le bilan de
l'évaluation du niveau de résilience et a pour but: - de
souligner les faiblesses du système,
- de qualifier la capacité du système à
maintenir ses activités à un niveau de fonctionnement
acceptable
- de qualifier la capacité du système à
rétablir ses activités
La synthèse de ces éléments permet de
qualifier l'état de résilience du système.
La méthodologique de mesure de la résilience que
nous venons de présenter nous permet de faire plusieurs constatations
:
- la mesure de la résilience nécessite une collecte
d'informations relative au système étudié, qui peut
s'avérer très fastidieuse
- la connaissance du système étudié est
indispensable et nécessite donc d'impliquer les décideurs comme
les techniciens
- l'application à des systèmes complexes (comme
les villes), qui intègrent d'autres systèmes (du secteur public
et privé), nécessite d'avoir des pratiques uniformes qui sont
encore très rares.
Ces constatations rejoignent d'ailleurs celles
recensées par l'Agence européenne chargée
de la sécurité des réseaux et de l'information (ENISA),
lors du lancement de la campagne Ç Resilient Metric
»44 de 2010.
44 Agence européenne chargée de la
sécurité des réseaux et de l'information (ENISA),
ÇResilience MertricsÈ, Communiquer de presse
vidéo, 4 : 35 min, mars 2010 - URL :
http://www.enisa.europa.eu/front-page/media/newspictures/resilience-metrics-video
Au terme de cette présentation des origines de la
résilience, et de son utilité pour qualifier et mesurer la
capacité d'un système à se maintenir et se
rétablir, nous retiendrons la définition suivante :
La résilience est Çl'aptitude d'un
système, d'une collectivité ou d'une société
potentiellement exposée à des aléas à s'adapter, en
opposant une résistance ou en se modiÞant, aÞn de parvenir
ou de continuer à fonctionner convenablement avec des structures
acceptables. La résilience d'un système social est
déterminée par la capacité de ce système à
s'organiser de façon à être davantage à même
de tirer les enseignements des catastrophes passées pour mieux se
protéger et à réduire plus efÞcacement les
risquesÈ45.
1-2-2 Risques majeurs et territoires
Pour comprendre le lien entre les risques majeurs et la
résilience, la dimension primordiale est le territoire. En effet, la
résilience étant une capacité systémique, il est
légitime d'étudier le système auquel nous allons
l'appliquer : le territoire.
Comme l'évoque le géographe Jacques
Donze46, la notion de territoire a été introduite
récemment par les géographes pour l'étude des risques
majeurs. En effet, la géographie a pour ambition de fournir des
éléments de réponse aux problématiques des risques
majeurs. L'objet principal de cette science est l'analyse des rapports entre
nature et société, au milieu duquel émerge la notion de
territoire. Comme l'indique Jacques Donze, Ç le flux régulier
de publications et de thèses de doctorat [É] et la mise en place
de formations professionnelles de Ç risk manager È du territoire
témoignent du dynamisme de cette recherche résolument
tournée vers l'opérationnel È. Comme il l'indique,
c'est d'abord au travers de la recherche scientifique, et en particulier de la
recherche en géographie que la notion de territoire a
émergé.
En étudiant les travaux des géographes, nous
allons tenter de comprendre comment la recherche a amené les politiques
à structurer la gestion des risques majeurs autour des territoires.
Nous commencerons par définir le territoire comme une
connaissance collective des risques. Puis, nous présenterons la notion
de Çclefs de voUteÈ des risques qui nous permettra de comprendre
le processus au cours duquel les territoires se déterminent et se
structurent.
1-2-2-1 Le territoire : une connaissance collective des
risques
45 Définition du Secrétariat interinstitutions de
la Stratégie internationale de prévention des catastrophes de
l'ONU, Genève, 2004
46 Jacques Donze, Ç Le risque : de la recherche
à la gestion territorialisée
È,Géocarrefour, vol. 82/1-2, 2007, URL :
http://
geocarrefour.revues.org/1395
Des relations étroites lient les territoires et les
risques. Des recherches récentes, menées par Valérie
November, explorent ces relations qui émergent comme nouvel objet
d'étude dans le champ de la géographie.
Dans une vidéo de 201147, cette chercheuse
présente les grands axes de réßexion
développés dans son livre. Elle indique ainsi qu'il existe une
diversité de territoires à risques. Ceux-ci entretiennent des
relations complexes avec les aléas qui les affectent. En effet,
l'identiÞcation des risques transforme le territoire
déÞnitivement, car elle provoque un traitement politique de la
mise en sécurité des populations. Cette mise en
sécurité des lieux est à la charge des pouvoirs locaux. De
nombreuses tensions, mutations et transformations découlant du processus
de gestion des risques majeurs vont ainsi faire évoluer le
territoire.
Les mesures des collectivités et des individus pour
sécuriser le territoire sont le fruit d'un long processus de
négociation entre acteurs pour que cette gestion soit acceptée et
acceptable par tous. La prise de conscience des risques majeurs s'effectue
gr%oce à la mémoire et à l'héritage des
générations précédentes. En plus d'une dimension
spatiale, le territoire revêt donc une dimension temporelle au travers de
l'histoire locale jonchée d'évènements catastrophiques
(guerres, inondations, accidents technologiques).
En insistant sur la dimension imaginaire du territoire, nous
pourrons donc déÞnir le territoire comme une Çconnaissance
collective des risquesÈ. Cette notion de territoire rappelle en fait
l'inscription spatiale du pouvoir, comme en biologie oü le territoire
correspond à une hégémonie locale. Aujourd'hui, le
territoire renvoie aux systèmes de pouvoir imbriqués en
réseaux.
1-2-2-2 Les clefs de voUte des risques comme
déterminants du territoire
Ç La vulnérabilité [du
territoire] résulte des incompatibilités sectorielles entre
activités en interdépendance physique. La sécurité
collective implique de réßéchir au mode de
régulation de la coexistence territoriale des pratiques. La
dénomination commune d'un territoire pertinent permet aux acteurs en
interdépendance d'entrer dans une phase publique de conßit, de
répartition des contraintes, de contrepartie, de négociation
autour de l'appropriation du risque et des solutions
acceptables.È48
Cette citation du sociologue Stéphane Cartier nous
amène à nous intéresser à la façon dont les
territoires se déÞnissent suivant les risques majeurs.
Dans le cadre de la décentralisation et des programmes
de développement durable, l'Etat tente de déléguer les
politiques de contrôle des risques majeurs aux collectivités
locales. Cette responsabilisation collective implique une revalorisation des
relations communautaires qui est contraire à l'individualisme
dominant.
47 Ç Habiter les territoires à risques -
Valérie November -
ppur.org È,
Vidéo de présentation du livre, mis en ligne de 21/12/2011
par Polytecpress, 4min42 - URL :
http://www.youtube.com/watch?v=Tm1X1NBCP3Y
48 Stéphane Cartier, Ç Les nouveaux protocoles
d'action publique dans la gestion des risques naturels È, sous la
direction de Alain Faure et Anne Cécile Douillet, Ç L'action
publique et la question territoriale È, 2005, p 53-73
Au niveau des territoires, les risques posent la question de
la compatibilité des activités et de l'organisation politique des
contraintes. L'un des enjeux dans la découverte des
interdépendances est d'établir l'échelle des
systèmes emboités, les éventuels dénominateurs
communs et les facteurs clefs. Tels des Çclefs de voUteÈ, ces
facteurs sont ceux dont la ma»trise conditionne l'ensemble du
développement compatible des activités.
Face aux inondations urbaines, plusieurs activités
doivent décider de contenir le ruissellement dans le bassin versant pour
éviter d'être confrontées aux dégâts. La
ma»trise du ruissellement devient alors l'enjeu territorial
déterminant pour toutes les activités soumises aux
inondations.
Dans le cas des feux de forêt, c'est la
végétation qui constitue la clef de voUte du risque. Pour la
contrôler, de nombreuses règles comme le débroussaillage
obligatoire, sont ainsi édictées.
Si nous appliquons ce raisonnement aux risques d'accidents
industriels, il faudra alors tenir compte des clefs de voUte des risques
internes (incendie, explosion, rejets toxiques), et externes (risques naturels,
et risques liés aux industries voisines), mais également de
l'interaction entre ces clefs de voUte. Nous retrouvons ici l'importance des
effets dominos.
L'identiÞcation de la dénomination des espaces
d'interdépendances (bassin versant, massif forestier, zone industrielle)
est donc indispensable pour la gestion des risques majeurs. Ces clefs de voUte
des risques constituent les déterminants du territoire. Nous reviendrons
sur ces éléments dans notre seconde partie sur la gouvernance,
pour présenter des structures territoriales innovantes : les
Etablissements Publics Territoriaux de Bassins (EPTB).
1-2-3 Le contexte international de la strategie de
resilience
Le changement climatique et les problèmes de
dépendance énergétique et alimentaire, représentent
des facteurs nouveaux qui augmentent notre vulnérabilité. A cette
mondialisation des facteurs de vulnérabilité, s'ajoute
l'augmentation marquée du nombre, de la fréquence, de la
gravité et de la variété des catastrophes naturelles et
anthropiques. Nos sociétés sont en effet de plus en plus
vulnérables à cause de la plus forte concentration des
populations dans les villes et sur les littoraux, de l'urbanisation aveugle qui
conduit à l'extension des quartiers dans des zones à risques, et
de la complexiÞcation des villes, avec des interdépendances entre
réseaux qui s'accroissent.
Concernant le changement climatique en particulier, nous
citerons le groupe interministériel français Ç Impact du
changement climatique È qui déclarait en 2008 que :
Çles travaux réalisés à l'échelle
internationale s'accordent sur le fait que les interventions en matière
de lutte contre le changement climatique nécessitent une approche selon
deux axes visant d'une part à réduire les émissions de gaz
à effet de serre (atténuation du changement climatique), et
d'autre part, à réduire la vulnérabilité des
systèmes naturels et humains (anticipation et adaptation). Ces
études s'appuient sur le consensus actuel selon lequel les efforts de
réduction les plus drastiques ne peuvent éviter les impacts du
changement climatique dans les décennies à
venir.È49
49 Groupe interministériel, Ç Impact du
changement climatique, adaptation et coOt associés en France
È, Document d'étape, juin 2008, 247p
Cette citation nous indique qu'il existe deux approches face au
changement climatique.
La première, construite sur une stratégie de
résistance, est illustrée par le protocole de Kyoto. Il impose de
réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Dans les lignes qui suivent nous allons présenter la
seconde solution qui vise Ç à réduire la
vulnérabilité des systèmes naturels et humains
È. Peu médiatisée par rapport à la
stratégie de réduction des gaz à effet de serre, nous
verrons que la stratégie d'adaptation est pourtant indispensable.
L'adaptation au changement climatique incite les gouvernements à adopter
des stratégies de résilience.
Nous présenterons donc le contexte international en
deux temps. Dans un premier temps, nous exposerons la stratégie
onusienne de réduction des catastrophes naturelles. Et dans un second
temps, nous évoquerons les stratégies de résilience mises
en place dans certains pays occidentaux.
1-2-3-1 Une stratégie internationale de
résilience
Dès 1990 et le début de la décennie
internationale pour la réduction des catastrophes naturelles (IDNDR
1990-1999), l'ONU a encouragé la prise en compte de la résilience
pour améliorer la gestion des crises.
Au niveau international, la résilience est l'un des
principaux objectifs afÞchés pour faire face aux catastrophes.
Plusieurs initiatives et projets essaient ainsi de donner une impulsion aux
politiques de promotion de la résilience des gouvernements nationaux et
des pouvoirs locaux.
En janvier 2005, la Conférence mondiale sur la
prévention des catastrophes d'Hyogo (Japon) a été le point
de départ de nouvelles réformes pour de nombreux gouvernements.
Le cadre d'action d'Hyogo 2005-2015, intitulé ÇPour des nations
et des collectivités résilientes face aux catastrophes > a
été adopté par les Nations Unies lors de cette
Conférence.
Elle a, entre autres, Þxé comme objectif de
Ç mettre en place, à tous les niveaux,
notamment au niveau des collectivités et institutions,
des mécanismes et capacités quipeuvent aider
systématiquement à accro»tre la résilience face aux
aléas, ou les renforcer s'ils existent déjà
>50.
C'est dans ce cadre que la campagne Ç Making Cities
Resilient : My City is getting ready!>51(ÇPour
des villes résilentes : ma ville se prépare!È),
lancée en mai 2010, aborda les questions de gouvernance locale et des
risques urbains. Avec le soutien et la recommandation de nombreux partenaires
et participants, les maires des villes participantes se sont engagés
à poursuivre la campagne jusqu'en 2015.
Lors de l'évènement Ç Resilient Cities
> de la Conférence Rio+20 de juin 2012, le cadre d'action d'Hyogo
est entré dans une nouvelle phase. L'objectif est maintenant de
renforcer la sensibilisation des populations pour entrer dans la phase de
mise en Ïuvre. La
50 ÇCadre d'action de Hyogo pour 2005-2015: Pour des
nations et des collectivités résilientes face aux
catastrophesÈ, 9ème séance plénière de
la Conférence mondiale sur la prévention des catastrophes, ref.
A/CONF.206/6, janviers 2005
51 Site de la campagne :
http://www.unisdr.org/campaign/resilientcities/
campagne se poursuivra pour concentrer son action sur un plus
grand soutien dans la planiÞcation de l'action locale et le suivi des
progrès réalisés dans les villes.
Par ailleurs, la campagne continue de préconiser un
soutien accru des gouvernements nationaux pour renforcer la résilience
des collectivités locales aux catastrophes. La campagne propose
également d'associer les partenaires du secteur privé pour
soutenir le développement des <normes de l'industrie> et des
solutions innovantes de réduction des risques urbains.
Nous noterons qu'en France, seulement deux villes ont,
à ce jour, rejoint le projet onusien <Making Cities Resilient: My
City is Getting Ready>. Il s'agit de Nice (Alpes-Maritimes, 340 000
habitants) et de Sommières (Gard, 4 500 habitants).
1-2-3-1 Exemples étrangers de stratégie
de résilience
Certains pays se sont inscrits dans la stratégie
onusienne de réduction des catastrophes en adoptant comme nouvel
objectif la résilience. C'est le cas des Etats-Unis, du Canada et de
l'Australie, qui ont déÞni, en 2008, la résilience comme
priorité nationale.
Aux Etats-Unis, une réforme a été mise en
place par l'U.S Departement of Homeland Security. Elle s'intitule Building a
Resilient Nation: Enhancing, Security, Ensuring a strong Economy52
(Construire une Nation Résiliente : Améliorer, Sécuriser,
Assurer une économie forte).
La Stratégie Nationale et le plan d'action sur les
infrastructures essentielles du Canada53, a pour objectif la mise en
place d'une approche collective de gestion des risques à l'intention des
administrations fédérales provinciales et territoriales.
Le gouvernement australien a pour sa part adopté une
stratégie d'amélioration de la résilience à travers
le document intitulé <Building a more Resilient
AustraliaÈ54. Pour devenir résiliente,
l'Australie a pour ambition de faire évoluer sa culture en gestion des
risques. La culture du < need-to-know > (nécessité de
savoir) de la sécurité nationale se transforme en culture du <
need-to-share > (nécessité de partager) de la
résilience, car l'engagement, l'information et la préparation de
la population représentent, pour le Gouvernement Australien les points
clefs menant à une nation résiliente.
1-2-4 Resilience organisationnelle, resilience urbaine et
resilience territoriale
Nous avons vu que la résilience s'impose au niveau
international et dans les gouvernements comme une nouvelle stratégie
pour réduire les catastrophes et leurs impacts. Comme la
résilience est un terme très large, des qualiÞcatifs lui
sont
52 The Reform Institute, <Building a Resilient Nation:
Enhancing Security, Ensuring a Strong Economy>, 2008, 29p
53 Sécurité publique Canada, <Aller de
l'avant avec la Strategie nationale sur les infrastructures
essentielles>, 2008, 34p
54 Australia Strategic Policy Institute, <Taking a punch:
Building a more resilient Australia>, Strategic Insights 39, 2008,
24p
communément associés. Ils traduisent
l'échelle conceptuelle dans laquelle la résilience s'inscrit en
appliquant celle-ci à différents systèmes :
l'organisation, la ville et le territoire. Nous allons donc
présenter brièvement ces qualiÞcatifs, pour ensuite
expliquer pourquoi nous choisirons le concept de résilience de
territoire pour notre étude.
1-2-4-1 Résilience organisationnelle
Dès 1993, la résilience organisationnelle fat
proposée par le psychologue des organisations Karl E. Weick, dans son
analyse de l'effondrement de la construction de sens dans les
organisations55.
Dans son approche sociologique de la résilience, il mit en
avant plusieurs facteurs pouvant favoriser la résilience d'une
organisation face à une crise :
- le fait de maintenir mentalement la structure de l'organisation
dans le cas ou celle-ci devait s'effondrer
- l'attitude de sagesse
- l'interaction respectueuse
- l'improvisation et le bricolage
Le fait de maintenir mentalement la structure
organisationnelle, dans le cas ou celle-ci devait etre amenée à
s'effondrer, est nécessaire pour légitimer la place du leader au
sein du groupe. L'attitude de sagesse consiste à prendre une distance
avec son expérience aÞn d'éviter les erreurs
d'interprétation des informations collectées de l'environnement.
L'interaction respectueuse entre les membres de l'organisation est fondamentale
pour agir collectivement : c'est ce qui peut permettre de gérer une
situation inhabituelle. L'improvisation ou le bricolage consiste à
trouver une nouvelle solution adaptée à la situation.
Bien que relativement ancienne, cette analyse est très
intéressante et nous permet d'appréhender les pistes
d'amélioration de la résilience dans sa dimension sociale.
Le concept de résilience organisationnelle est
utilisé au Québec depuis 2008 via la démarche
gouvernementale visant à accro»tre la résilience des
systèmes essentiels. Cette approche systémique de la
résilience organisationnelle intègre en plus de la dimension
sociale initiée par Weick, une dimension technique.
Le document intitulé «Résilience
organisationnelle - Concepts et méthodologie
d'évaluation»56, du Centre Risque et
Performance de l'Ecole polytechnique de Montréal, nous renseigne sur
cette interprétation de la résilience organisationnelle.
L'organisation y est pensée selon une approche
systémique (comme nous l'avons vu en 1-1-2-2). L'acceptabilité et
la caractérisation des perturbations et des défaillances du
système y sont déÞnis comme indispensables. Et enÞn,
face aux perturbations, les modes de gestion de l'organisation doivent
s'adapter pour que celle-ci soit plus résiliente.
55 Karl E. Weick , ÇThe collapse of
sensemaking in organizations : The Mann Gulch disasterÈ,
Administrative Science Quarterly, Décembre 1993, ABI/INFORM
Global, p. 628 - URL http://cmapspublic.ihmc.us/
rid=1255442493375 13600551
21670/Mann%20Gulch%20Disaster%20(Weick).pdf
56 Beno»t Robert, «Résilience
organisationnelle - Concepts et méthodologie d'évaluation»,
Centre risque & performance, Presses internationales Polytechnique,
2009, 48p
Pour finir notre présentation de la résilience
organisationnelle, il est intéressant de signaler que Ç
l'amélioration de la résilience organisationnelle
È est l'un des objectifs de la norme ISO 3100057 sur le
management des risques.
1-2-4-2 La résilience urbaine
Quelques auteurs proposent d'appliquer le concept de
résilience aux villes pour traduire certains objectifs entrant dans le
cadre du développement durable ou des programmes onusiens
précédemment cités. Dans un article de mai 2012, des
auteurs expliquent ce nouvel intérêt :
Ç La recherche sur le milieu urbain et les villes
regroupe des compétences diverses relevant du champ de l'urbanisme, de
l'architecture, de l'ingénierie, de l'économie, de la
géographie, de la sociologieÉ, le concept de résilience
urbaine donne lieu à de multiples traductions en termes de
problématique et de développement méthodologique
permettant alors le dialogue (la confrontation) entre ces disciplines bien
souvent segmentées. »58
Les auteurs de l'article soulèvent cependant plusieurs
problèmes liés à l'application du concept à la
ville. Pour parler de résilience urbaine, il faut d'abord
démontrer que la ville est un système. Or, il n'est pas possible
de représenter l'ensemble du fonctionnement urbain et de ses
interactions (internes et externes) qui constituent un système complexe.
Afin de dépasser ces difficultés conceptuelles et tirer profit
des avantages du concept de résilience, les auteurs proposent une
définition plus opérationnelle.
La résilience urbaine est dans cette perspective
considérée comme la capacité de la ville à absorber
une perturbation puis à récupérer ses fonctions à
la suite de celle-ci. Dans cette acception, la ville est bien
considérée comme un système, au sens oü des
composants (habitats, activités, infrastructures, populations,
gouvernance) interagissent, mais il n'est pas utile de décrire en
profondeur le système urbain.
Cette définition plus réductrice que les
définitions premières (vue en 1-2-1-2), permet de dépasser
les difficultés conceptuelles liées à ces
définitions, et permet aux acteurs de la ville de se saisir de la
notion.
Au niveau des villes, la résilience s'interprète
suivant un temps court et un temps long.
La résilience urbaine de temps court s'appuie sur une
stratégie technique qui vise à limiter le degré de
perturbation de la ville (gr%oce à une meilleure capacité de
résistance et d'absorption), mais également sur une
stratégie plus organisationnelle qui vise à
accélérer le retour à la normale (gr%oce à une
gestion optimisée des moyens et des ressources).
Le lien avec la résilience urbaine de temps plus long
passe par un processus d'amélioration continu, en mettant à
profit les capacités d'apprentissage et d'adaptation de la ville pour
agir sur l'un des leviers précédemment évoqués.
57 (c) ISO 2009, Ç Norme Internationale ISO 31000,
Management du risque - Principes et lignes directrices È,
Première édition, 2009
58 M. Toubin, S. Lhomme, Y. Diab, D. Serre et R.
Laganier, Ç La Résilience urbaine : un nouveau concept
opérationnel vecteur de durabilité urbaine ? È,
Développement durable et territoires Vol. 3 n°1, mai 2012
- URL :
http://
developpementdurable.revues.org/9208
Pour résumer, la résilience urbaine de temps
court correspond à la capacité de réaction des
sous-systèmes de la ville (services, réseaux, population) face
à une perturbation, alors que la résilience urbaine de temps long
correspond au maintien des fonctions principales de la ville au niveau global
(prospérité, qualité de vie,
attractivité,É).
Le concept de résilience urbaine à donc pour but
d'analyser et de promouvoir les mécanismes qui font de la ville un
système apte à répondre à des situations de crises
éventuellement inconnues. A ce titre, la résilience urbaine
constitue donc un facteur de durabilité très important.
1-2-4-3 La résilience des territoires
La résilience organisationnelle et la résilience
urbaine que nous avons exposées correspondent à des
stratégies ciblées sur un seul niveau systémique (groupe
humain organisé ou ville).
La résilience des territoires, aussi appelé
Ç résilience territoriale È, à la vertu
d'être plus générale et d'intégrer plusieurs niveaux
:
- les organisations (entreprises, administrations,...)
- les infrastructures et réseaux (de
télécommunication, d'électricité, d'eau,É) -
les zones urbaines (villes et métropoles)
- les espaces ruraux (bassins versants, massifs forestiers,
littoraux,É)
Comme nous l'avons vu (1-2-2), les territoires sont
liés aux risques majeurs de part la connaissance collective des risques,
et les Çclefs de voUteÈ des risques. En suivant ces deux
facteurs, la résilience des territoires peut donc s'adapter aux
différents niveaux. Cette conception permet ainsi de traduire
l'embo»tement des niveaux de résilience des territoires en suivant
le modèle des Ç poupées russes È.
L'embo»tement de ces différents niveaux constitue
un système complexe adaptatif. Le groupe de recherche multidisciplinaire
Ç Resilience Alliance »59 s'est
spécialisé dans l'étude des dynamiques de ces
systèmes complexes adaptatifs. Une méthode opératoire
comprenant quatre phases a ainsi été élaborée par
certains de ces auteurs. En appliquant cette méthode au système
ÇterritoireÈ, dont nous avons démontré la
pertinence pour les risques majeurs, nous pouvons esquisser le processus
d'élaboration d'une stratégie de résilience des
territoires.
Une stratégie de résilience des territoires
impose d'abord de bien définir le territoire, au niveau spatial et
historique, et de conna»tre les variables clés de son
évolution. Cette étape oblige à mobiliser des experts
à même de distinguer, pour un risque donné, les variables
contrôlables et les variables incontrôlables à
l'échelle locale. Par exemple pour un séisme il faudra associer
une expertise architecturale et urbanistique sur la résistance des
bâtiments, ainsi qu'une expertise géologique.
Au cours d'une deuxième phase, des experts sur la
dynamique des territoires, se penchent sur l'évolution du territoire
en tant que métasystème. C'est à dire qu'il leur
faut identifier chacun des systèmes techniques (réseaux et
infrastructures) et des systèmes
59 http://www.resalliance.org/
naturels (météo, ßeuve, massif
forestier,...), ainsi que leurs interactions pour pouvoir repérer les
comportements non linéaires et les seuils qui conduisent à des
changements brutaux. Ils établissent ensuite un ensemble de trajectoires
possibles et construisent ainsi quelques scénarios d'évolution
face à une catastrophe.
Pour finir, il faut considérer les comportements
humains face à une catastrophe. Ceux-ci sont des
phénomènes complexes liés à la psychologie, la
sociologie et la culture. Cependant, nous savons que le souvenir des
catastrophes passées, le retour d'expérience, et l'enseignement
de l'inattendu constituent des ingrédients qui intensifient la
résilience des territoires. Il est donc nécessaire
d'établir des mesures préventives à long terme
(information de la population, éducation, exercices d'évacuation)
et à court terme (gestion de la phase d'alerte) afin d'éviter
l'éclosion de comportements de panique, et de renforcer ainsi la
résilience du territoire.
1-2-5 Plaidoyer pour une strategie française de
resilience des territoires
ÇPour assurer la stabilité et la survie
d'une société frappée par une catastrophe, la
résistance n'est pas toujours efÞcace. Elle provoque même
des effets pervers quand le système social n'a pas un comportement
linéaire et prévisible. Il est alors nécessaire de changer
de stratégie, de renforcer la résilience de ce système
menacé. Pour assurer la survie d'une société après
une catastrophe, il faut donc incorporer des innovations permettant de
renforcer la résilience. Paradoxalement, la stabilité d'une
société, sa pérennité passe par le changement.
»60
Cette citation d'A. Dauphiné et D. Provitolo
résume bien le changement de stratégie que nous allons soutenir
dans les paragraphes ci-dessous. En effet, même si les stratégies
de résilience des territoires ne datent que de quelques années,
et qu'il est difficile d'apprécier leurs efficacités, il est
indispensable de les développer au sein de notre pays.
Dans un premier temps, nous allons donc définir les
freins à la mise en place d'une stratégie française de
résilience des territoires, avec en premier lieu le droit. Et dans un
second temps, nous présenterons les prémices de la mise en place
d'une telle stratégie en France.
1-2-5-1 Le droit : un frein à la
stratégie de résilience des territoires ?
La chercheuse Valérie
Sansévérino-Godfrin, nous éclaire sur les freins à
l'origine de l'absence d'une stratégie française de
résilience des territoires dans une publication61 de 2011.
Elle remarque que la résilience ne figure pas au sein des textes
juridiques. Le droit ne semblant s'intéresser qu'aux situations de
fragilité impliquant une protection,
60 André Dauphiné et Damienne Provitolo Ç
La résilience: un concept pour la gestion des risques È,
Annales de géographie 2/2007 (n° 654), p115-125
61 Valérie Sansévérino-Godfrin, Ç
Risques naturels, vulnérabilité, résilience et le
droitÉ Dans un contexte de développement durable È, dans
les Actes des Ç 20ème journées scientiÞques de
l'environnement - Environnement entre passé et futur : les risques
à l'épreuve des savoirs È, mai 2011, 10p
notamment lorsqu'un dommage a été subi ou risque
d'être subi. Le droit est plutTMt envisagé comme un palliatif en
cas d'absence de résilience.
L'auteure constate également que, d'une manière
générale, les décisions et les actions de conception de
mesures de prévention et de protection reposent encore en grande
majorité sur l'évaluation des aléas potentiels pouvant
affecter les territoires et se limitent généralement à une
gestion technique de l'aléa. Le management des risques devrait pourtant
prendre en considération, en complément dans l'évaluation
des risques, les facteurs humains et sociaux. Cela permettrait
d'identiÞer les facteurs de fragilité et leurs
interdépendances susceptibles d'aggraver les conséquences de la
survenue de l'aléa. Ainsi, le management des risques fondé sur
l'aléa repose encore en majeure partie sur une approche analytique,
alors que la prise en compte de la vulnérabilité et de la
résilience requiert d'adopter une approche systémique (comme nous
l'avons vue en 1-2-1-2).
La prise en compte de l'ensemble des menaces susceptibles
d'affecter le territoire nécessite donc de compléter
l'évaluation des risques avec une dimension permettant de
développer la faculté d'adaptation du territoire dans une
perspective de durabilité, envisagée à travers la
propriété de résilience.
V. Sansévérino-Godfrin nous invite ensuite à
nous poser des questions aÞn de savoir si une stratégie de
résilience pourrait être traduite dans le droit :
« Le droit est-il susceptible d'intégrer le
caractere temporel de la résilience, c'est-à-dire sa dimension en
tant que processus ? De meme, le droit peut-il promouvoir par ses outils une
certaine souplesse ou une capacité d'adaptation ? È
D'après elle, en l'état actuel des choses, rien
n'est moins sur. En effet, la majeure partie de la politique frangaise de
prévention des risques majeurs s'inscrit dans le cadre d'une
planiÞcation : plan de prévention des risques naturels et
technologiques et plan local d'urbanisme par exemple (nous reviendrons sur ses
plans en 2-2-3).
Les mesures intégrées dans ces plans
acquièrent une valeur contraignante dès leur approbation et
s'imposent à tous, personnes publiques ou privées. En outre, ces
plans ne contiennent aucune mesure permettant une adaptation selon
l'évolution des situations pour lesquelles ils ont été
élaborés. La planiÞcation conduit ainsi à raisonner
de manière statique, freinant ainsi les capacités de
résilience des territoires confrontés aux risques majeurs. Une
succincte analyse sémantique renforce sa conclusion : le terme «
droit È et l'antonyme de « souple È et renvoie à
quelque chose de rectiligne, de raide, de rigide.
1-2-5-2 Les prémices d'une stratégie
frangaise de résilience des territoires
Actuellement en France, les ministères en charge du
dossier des risques majeurs (Intérieur et Ecologie-Développement
Durable) adoptent une position quelque peu attentiste vis à vis du
concept de résilience des territoires.
La résilience a cependant fait son apparition dans le
Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité nationale de
2008, sous ces termes :
Ç La résilience se déÞnit comme
la volonté et la capacité d'un pays, de la société
et des pouvoirs publics à résister aux conséquences
d'une agression ou d'une catastrophe majeure, puis à rétablir
rapidement leur capacité de fonctionner normalement, ou à tout
le
moins dans un mode socialement acceptable. Elle concerne non
seulement les pouvoirs publics, mais encore les acteurs économiques et
la société civile tout
entière.È62
Une revue bibliographique63 du Commissariat
général au développement durable (CRDD) de mars 2012
témoigne également de la prise de conscience récente, par
les pouvoirs publics, de l'importance du concept de résilience des
territoires.
Dans un article64 de 2008 le
président du conseil scientiÞque de l'AFPCN65,
Paul-Henri Bourrelier nous explique que c'est la nature des crises possibles
dans les prochaines années (du type crise Ç hors-cadres È)
qui a entra»né la prise en compte de l'objectif de
résilience dans la stratégie de sécurité nationale.
Le devoir de l'État est de se préparer à répondre
aux situations dans lesquelles pourraient être mis en cause la vie de la
population ou le fonctionnement régulier de la vie économique,
sociale ou institutionnelle du pays.
Accro»tre la résilience des territoires doit donc
constituer, à l'avenir, l'objectif principal de la stratégie de
sécurité nationale, déployé par l'État et
l'ensemble des collectivités publiques. En effet, la résilience
fait appel aux facultés de vigilance, d'adaptation et de réaction
de la population menacée. Il suppose ainsi une gouvernance plus
rapprochée, mobilisant mieux la société civile.
Notre seconde partie sera l'occasion d'analyser la gouvernance
française actuelle des risques majeurs, ce qui nous permettra
d'identiÞer des pistes d'amélioration pour mettre en place une
gouvernance susceptible de développer la résilience des
territoires.
62 Ç Livre Blanc sur la Défense et la
Sécurité nationale È, La documentation
Française, Odile Jacob, juin 2008, p64
63 Ministère de l'Ecologie, du Développement
durable, des Transports et du Logement - CGDD
Centre de ressources documentaires du Développement
durable, Ç La résilience des territoires È, mars
2012, 8p - URL :
http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/DossierCRDD
Resilience.pdf
64 Paul-Henri Bourrelier, Ç Résilience :
comment la renforcer pour réduire les vulnérabilités ?
È, 2008, 5p - URL :
www.ensmp.net/2008/11/18/Resilience
et vulnerabilite 18 11 08.doc
65 Association Française pour la Prévention des
Catastrophes Naturelles
2- Analyse de la gouvernance française des
risques
majeurs
La présentation que nous venons de faire des risques
majeurs et de la nouvelle stratégie de résilience des territoires
nous permet de garder des points d'ancrage qui vont alimenter notre
réßexion dans cette seconde partie. Le but de celle-ci sera
d'analyser la gouvernance française des risques majeurs pour
déterminer comment elle s'oriente vers une stratégie de
résilience des territoires. Cela nous permettra ensuite d'esquisser une
réponse à notre question centrale : Ç Quelle gouvernance
des risques majeurs pour une meilleure résilience des territoires ?
È
Ç La gouvernance désigne l'ensemble des
règles, procédures et pratiques concernant la manière dont
les pouvoirs sont exercés au sein d'une institution ou d'un pays. Elle
rend compte de la conduite des affaires, en mettant l'accent sur les
interdépendances entre acteurs au sein des processus de décision
È66. Cette définition est tirée des actes
d'un séminaire de réßexion, organisé en 2011 par la
DREAL67 du Languedoc-Roussillon qui témoigne de
l'intérêt de cette question de gouvernance au sein des
territoires.
La notion de gouvernance est importante car elle se substitue
à celle de gouvernement pour rendre compte des transformations actuelles
de l'action publique. Cette notion illustre les transformations
opérées depuis les années cinquante : du passage d'un
gouvernement hiérarchique, à une régulation en
réseaux complexes d'acteurs parties prenantes.
La décentralisation d'abord, qui implique des processus
de gouvernance multi-niveaux et multi-acteurs en introduisant une
contractualisation pluri-partenaire, et qui associe les parties prenantes et
les citoyens à travers des démarches participatives.
Ainsi, dans le cadre du Grenelle de l'Environnement
initié en 2007, l'Etat a tenté d'impulser une définition
de ce qu'il appelle une "gouvernance concertée"68
entendue comme "un dispositif de co-construction des décisions
publiques associant les représentants des différentes parties
prenantes". Notre analyse se penchera ainsi particulièrement sur
l'impact de cette nouvelle notion de gouvernance dans l'évolution des
modes de décision vers des stratégies de résilience des
territoires.
En effet, ces évolutions conduisent l'action publique
à se rapprocher d'une action collective territorialisée. Nous
qualifierons ainsi la gouvernance de ÇterritorialeÈ et nous
définirons celle-ci comme "l'ensemble des nouvelles
formes d'action publique quipermettent sous le mode du partenariat,
la négociation entre l'Etat, les collectivités
66 Démarche prospective participative organisée par
la DREAL du Languedoc RoussillonÇ Quelle gouvernance pour une
meilleure résilience ? È, atelier 3 du séminaire
Ç Quel littoral pour le Languedoc-Roussillon de 2010 à 2050 ?
È, 25 octobre 2011
67 DREAL : Direction Régional de l'Environnement, de
l'Aménagement et du Logement
68 Conseil général de l'Environnement et du
Développement durable, Ç La gouvernance concertée
È, Rapport N° 006766-00, mars 2010, 47p - URL :
http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/006766-00-
a-05_rapport_cle7f41a7.pdf
territoriales, les secteurs économiques et
associatifs, les groupes d'intérêt et la société
civileÈ69.
Nous tenterons donc d'analyser les partenariats, la
diversité des formes et dispositifs, mais aussi la diversité des
acteurs participants : publics et privés, avec des valeurs et des
intérêts contrastés, et avec des capacités
institutionnelles inégales.
Nous montrerons enfin qu'une gouvernance territoriale de la
résilience nécessite de renforcer les capacités
institutionnelles des acteurs, et de proposer des instruments innovants pour
:
- collecter, traiter et diffuser l'information sur les risques
majeurs
- assurer les dommages,
- contrôler l'urbanisation,
- construire l'organisation de la sauvegarde des populations
- évaluer l'efficacité des actions mises en
Ïuvre
Pour analyser la gouvernance nous adopterons donc deux angles.
Un angle centré sur les les institutions, les acteurs et leurs
intérêts. Et un second angle centré sur les instruments
à leur disposition.
2-1 Institutions et acteurs
Comme nous l'avons vu, la résilience territoriale
correspond à la capacité d'un système socio-spatial
(ville, littoral, bassin versant, massif forestier), à
récupérer d'une catastrophe et à diminuer les impacts
attendus lors d'une catastrophe ultérieure, notamment gr%oce à
l'apprentissage et à l'intégration du retour d'expérience
dans les caractéristiques du système.
Parallèlement, nous considèrerons les
institutions comme l'ensemble des structures politiques établies par la
Constitution, les lois, les règlements et les coutumes. Ces
dernières peuvent intervenir dans la promotion de la résilience
territoriale par le biais, entre autre, du découpage
politico-territorial, des services de sécurité locaux ou du cadre
législatif qui préside à la gestion des risques.
Nous prendrons ici le parti de considérer la
gouvernance des risques majeurs comme un système d'acteurs, avec une
approche que l'on peut qualifier de <politologiqueÈ. Nous
étudierons donc les territoires en analysant, pour plusieurs exemples,
les jeux des acteurs, leurs différentes échelles, et la
fragmentation des compétences institutionnelles.
Comme l'évoque le sociologue Stéphane Cartier,
< les risques majeurs représentent une transgression dans notre
univers public administré, mais cloisonné sectoriellement
È70. Ainsi, il perçoit comme indispensable de
réßéchir au mode de régulation de la coexistence
territoriale des activités. Le traitement public des risques doit donc,
selon lui, concilier à la
69 Bertrand Nathalie et Moquay Patrick, <La gouvernance
locale, un retour à la proximité.È,
Économie rurale. N°280, 2004. Proximité et
territoires. pp. 77-95.
70 Stéphane Cartier, < Les nouveaux protocoles
d'action publique dans la gestion des risques naturels È, sous
la
direction de Alain Faure et Anne Cécile Douillet, dans
< L'action publique et la question territoriale È,
Presse Universitaire de Grenoble, 2005, p 53-73
fois des données techniques (observer, spatialiser,
comprendre et ma»triser les risques majeurs) et des tensions sociales
(gestion des conßits locaux d'intérets, prise en compte des
contraintes naturelles et industrielles dans des contextes administratif et
économique globaux). Il pointe ainsi la question des lieux de
coordination et de décisions qui s'annonce alors primordiale.
Pour étudier ces aspects, nous allons utiliser le
concept de gouvernance précédemment exposé . Nous
l'utiliserons ici de manière analytique pour comprendre quelles sont les
institutions et les acteurs de la gestion des risques majeurs, mais
également pour comprendre comment sont prises les décisions via
l'énoncé des intérets en jeu.
A travers quatre approches différentes, nous allons tenter
d'analyser l'interaction de la multitude d'acteurs qui concourent à la
résilience des territoires.
2-1-1 Une approche moniste : Pouvoir des experts et hauts
fonctionnaires d'Etat
Notre première approche se focalisera sur le poids des
experts et des hauts fonctionnaires dans le processus de prise de
décisions. En effet, depuis la genèse de la gestion des risques
majeurs, une sorte d'élite de hauts fonctionnaires et de technocrates
spécialisés s'est construite. Leurs directives transforment et
modiÞent les politiques. En outre, ils sont présents bien plus
longtemps à leur poste que les ministres. Ce pouvoir d'une élite
experte s'est imposé au fur et à mesure du traitement par l'Etat,
des problèmes techniques relatifs aux risques majeurs. Notre
première approche revet ainsi une vision «monisteÈ de
l'action publique. Pour l'argumenter, nous nous focaliserons sur deux points :
l'organisation de l'Etat face aux risques majeurs, ainsi que les
compétences et la formations des fonctionnaires.
2-1-1-1 L'organisation de l'Etat face aux risques
majeurs
Nous considèrerons ici l'Etat au sens régalien
du terme, c'est à dire le gouvernement, les ministères et les
services déconcentrés. Nous allons donc présenter son
organisation face aux risques majeurs en prenant l'exemple des
différents niveaux : central, territorial et local.
Au niveau central
Comme nous l'avons vu en première partie, deux
ministères se partagent les thématiques relatives aux risques
majeurs. Le ministère de l'Intérieur se charge de toutes les
questions de sécurité civile : alerte et secours des populations,
planiÞcation d'urgence, et gestion de crise en général. Le
ministère de l'Ecologie du Développement Durable et de l'Energie
(MEDDE) se charge des questions de prévision, de prévention,
d'information, de planiÞcation et d'aménagement.
Au sein du Ministère de l'Intérieur, c'est la
Direction Générale de la Sécurité Civile et de la
Gestion des Crises (DGSCGC) qui est en charge des risques majeurs. Elle fat
créé en septembre 2011 avec pour but la gestion des crises et des
accidents en France ou à l'étranger. Elle est constituée
de plus de 2500 personnes, civils et militaires71. Dans cette
71 Source :
http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_l_interieur/defense_et_securite_civiles/presentation
Direction Générale se trouve le Centre
Opérationnel de Gestion Interministérielle des Crises (COGIC),
ainsi que le Centre Interministériel des Crises (CIC) qui entre en
action dès lors que la crise est déléguée par le
Premier Ministre au Ministre de l'Intérieur.
Au niveau central, les services opérationnels nationaux
sont également rattachés à cette Direction. Ils
interviennent sur le territoire frangais et participent aux actions
internationales de secours dans le cadre du mécanisme européen de
protection civile. D'importants moyens humains et techniques lui sont
alloués :
- 26 avions (polyvalents et spécialisés)
- 38 hélicoptères de secours
- 1462 sapeur-sauveteurs de formation militaire de la
Sécurité civile
Au sein du Ministère de l'Ecologie, du
Développement Durable et de l'Energie (MEDDE), c'est la Direction
Générale de la prévention des risques (DGPR) qui est en
charge d'élaborer la stratégie face aux risques
majeurs72. Au niveau central, elle s'appuie principalement sur deux
services. Le service des risques technologiques gère les risques
d'accidents technologiques majeurs via la Mission süreté
nucléaire et la Sous-direction des risques accidentels.
Le service des risques naturels et hydrauliques gère
les risques naturels via plusieurs bureaux : le Bureau des risques
météorologiques, le Bureau des risques naturels terrestres, le
Bureau de l'information préventive, de la coordination et de la
prospective et le Bureau de l'action territoriale.
Au vu de cette organisation centralisée au sein des
ministères, nous ferons une constatation : la gouvernance des risques
majeurs est partagée entre les directions en suivant les
compétences «légitimesÈ de chacun des
ministères. L'ingénierie de l'alerte et de la gestion de crise
revient au Ministère de l'Intérieur, et l'ingénierie de la
prévention des risques majeurs revient au MEDDE.
Au niveau des territoires
Nous retrouvons également cette organisation
bicéphale de l'action de l'Etat face aux risques majeurs au niveau des
territoires.
Les préfectures constituent l'armature administrative
de l'Etat. Sous les 7 Préfets des Zones de défense et de
sécurité, les 22 préfectures de région et les 96
préfectures de départements (pour la métropole) relaient
les directives du gouvernement. A chaque préfecture de
département correspond un Service Départemental d'Incendie et de
Secours (SDIS). Ces différents SDIS sont composés de plus de 250
000 pompiers (volontaires, professionnels et militaires).
Nous remarquerons que cette hiérarchisation des
compétences, héritée de Napoléon, permet une
réponse des secours sur l'ensemble du territoire. En ce sens,
l'organisation déconcentrée est bénéÞque
à la résilience face aux catastrophes.
72 Ministère de l'Ecologie, du
Développement Durable, des Transports et du Logement, « La
direction generale de la prevention des risques È, juillet 2011 -
URL :
http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Plaquette_DGPR.pdf
D'autres structures déconcentrées appuient
également le MEDDE. Il s'agit des 8 Centres d'études techniques
de l'équipement (CETE)73, des 21 Directions régionales
de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL).
Au niveau local
Au niveau local, ce sont les mairies qui représentent
l'Etat. Les maires, bien qu'élus, sont également placés
sous l'autorité du Préfet de département, en particulier
pour les questions de sécurité et d'environnement. Ainsi les
quelques 36 000 communes frangaises constituent le maillage le plus fin de la
représentation de l'Etat sur les territoires. Le maire a ainsi une
position particuliere, à la fois subordonné de l'Etat central et
en charge de la police administrative sur son territoire, il est
également un relai privilégié de la population de par le
mandat électif qui lui a été confié.
Plusieurs textes traduisent le rTMle et la responsabilité
du maire en matiere de gestion des risques majeurs :
L'art. R111-2 du Code de l'urbanisme permet au maire de
refuser un permis de construire s'il estime que «É les
constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à
porter atteinte à la securite ou à la salubrite
publiques».
Il est stipulé dans le Code général des
collectivités territoriales que «le maire est chargé de
la police municipale» (art. L2212.1) qui «a pour objet
d'assurer le bon ordre, la sOrete, la securite et la salubrite
publique» (art. L2212.2) et de «faire cesser, par la
distribution de secours necessaires, les accidents et les ßeaux
calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature[...], de pourvoir d'urgence
à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de
provoquer l'intervention de l'administration superieure»
(alinéa 5). L'article 21 de la loi n° 87.565 de juillet 1987
précise aussi que « les citoyens ont un droit à
l'information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis dans certaines
zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui les concernent
».
De par la diversité des compétences qui leur
sont attribuées, les maires n'ont ainsi pas d'intérêt
à retenir la dichotomie entre prévention (lutte contre les
aléas et la vulnérabilité «technique»), et
gestion de crise (organisation de l'alerte et des secours). Une vision globale,
supportée par le concept de résilience du territoire, est donc
parfaitement adaptée aux missions du maire.
2-1-1-2 Compétences et formations des fonctionnaires et
des élus
Comme nous l'avons suggéré lors de la
présentation de la résilience des territoires, les
compétences nécessaires pour gérer les risques majeurs
s'integrent de plus en plus dans une vision décentralisée. La
connaissance du territoire demeure primordiale. La compréhension des
enjeux, et de la vulnérabilité est indispensable pour mettre en
place un «management de la résilience».
Les premiers représentants de l'Etat sur les
territoires, c'est à dire les Préfets, ont majoritairement suivi
leur formation à l'ENA (Ecole Nationale d'Administration). Or, cette
formation trts conditionnante pour les futurs fonctionnaires, a
été pendant longtemps la première représentante de
la doctrine de résistance et de lutte technique contre les
aléas.
73 Source :
http://www.developpement-durable.gouv.fr/Les-CETE-centres-d-etudes,12616.html
Nous pouvons ainsi avoir des interrogations sur la volonté
de cette élite à engager des stratégies de
résilience des territoires.
Cependant, depuis quelques années, entre autre via la
RGPP (Révision générale des politiques publiques), les
services déconcentrés de l'Etat se sont appauvris en moyen
humains d'expertise et d'ingénierie. Nous assistons ainsi à un
transfert de compétences humaines vers les communes et les grandes
agglomérations.
En effet, les maires ne sont pas spécialistes des
risques majeurs, et les préfectures ne sont plus toujours en mesure
d'assister l'ensemble des communes pour fournir une expertise.
L'exemple du Mastère spécialisé Gestion
des Risques sur le Territoires74 de l'Ecole Internationale des
Sciences du Traitement de l'Information (EISTI) axé sur la formation des
fonctionnaires territoriaux, démontre ainsi la montée en
puissance d'une expertise et des compétences de plus en plus
fragmentées. Nous reviendrons sur cet aspect de territorialisation de
l'expertise en abordant les Etablissements Public de Coopération
Intercommunale (EPCI) en 2-1-2.
Pour revenir sur notre vision d'une expertise et d'une
administration à la fois Çmoniste> et façonnée
selon la doctrine de lutte technique contre les aléas (approche
typologique des risques majeurs, vue en 1-1-2-1), nous reprendrons
l'argumentèrent de A. Dauphiné et D. Provitolo. Ils
suggérèrent ainsi en 2007 de développer un nouveau champ
d'expertise, car ils considèrent que Ç par rapport aux
nombreux ingénieurs et géophysiciens compétents, les
experts de la résilience sont encore trop rares > et que
Ç nos connaissances sur la résilience sont donc
imparfaites. >75
Depuis cette constatation, des progrès importants ont
cependant été accomplis. La résilience devient ainsi un
sujet d'étude Çà la mode> qui s'inscrit dans les
programmes de formations en management des risques.
Pour exemple, nous pouvons citer la session nationale
ÇRésilience et Sécurités Sociétales>
organisée depuis 2010, chaque année, par le Haut comité
français pour la défense civile (HCFDC)76. La
création de ce type de formation, à destination des cadres des
secteurs privés et publics, correspond ainsi au nouveau besoin des
organisations en terme de compétences.
Pour résumer notre réßexion sur
l'organisation de l'Etat, nous nous appuierons sur les propos de Valérie
Sansévérino-Godfrin77.
Elle déclara ainsi en 2011, que les institutions d'Etat
peuvent constituer une entrave à la résilience, Ç
dans la mesure ot) si elles garantissent un fonctionnement du pouvoir
au-delà
74 Site du mastère :
http://risque-territoire.masteres.eisti.fr/index.php/accueil
75 André Dauphiné et Damienne Provitolo, Ç
La résilience : un concept pour la gestion des risques
>,Annales de géographie, n° 654, 2007, p. 115-125
- URL :
www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2007-2-page-115.htm.
76 Voir sur ce sujet la plaquette de présentation de la
session 2013 - URL :
https://www.hcfdc.org/securise/pdf/session/
plaquette session 2013.pdf
77 Valérie Sanseverino-Godfrin est juriste et
ingénieur de recherches au Centre de Recherches sur les Risques et les
Crises (Mines ParisTech)
de l'alternance politique, et donc un équilibre de
la société, elles témoignent aussi d'un conservatisme qui
peut aller à l'encontre des capacités d'adaptation
È78. En effet, les ministères peinent encore à
transcrire le concept de résilience des territoires dans leurs
politiques, et dans les mesures juridiques qui les accompagnent. Le
fonctionnement suivant une hiérarchisation militaire des administrations
n'est donc pas propice aux changements de mentalité, nécessaires
pour adopter des politiques de résilience des territoires.
2-1-2 Une approche pluraliste : l'exemple des EPCI
Ç La nouvelle conception de gestion des risques
amène également à poser la question de l'adéquation
des échelles de l'organisation administrative, la commune, le
département, voire la région, au regard des territoires
exposés aux risques, qui par nature, ne correspondent pas aux cellules
administratives.È79
Cette citation de V. Sansévérino-Godfrin
résume la seconde vision que nous allons adopter pour analyser la
gouvernance française de la gestion des risques majeurs. Nous allons
ainsi développer l'approche pluraliste selon laquelle l'action publique
serait davantage le résultat d'opinions contradictoires de groupes
d'intérêts. Ainsi, la vision centrale de la gestion des risques
majeurs rencontre des visions territoriales parfois contradictoires.
Pour argumenter cette approche, nous allons brièvement
analyser l'impact de la décentralisation sur la gouvernance des risques
majeurs. Nous prendrons ensuite pour exemple la gestion du risques d'inondation
par les EPTB pour étayer cette analyse.
2-1-2-1L'impact de la décentralisation
Ç Le problème des relations entre
collectivités locales n'était pas déterminant avant 1982,
parce que le préfet se situait au centre du système et pouvait
à tout instant arbitrer entre les élus. »80
Cette citation du politologue et géographe Jean-Pierre
Gaudin nous fait prendre la mesure de l'évolution engendrée par
la décentralisation dans la gouvernance des territoires. La
décentralisation a placé les communes, les départements,
les régions et l'Etat sur un même niveau formel, les obligeant
ainsi à entretenir des relations directes et à
négocier.
78 Valérie Sansévérino-Godfrin, Ç
Risques naturels, vulnérabilité, résilience et le
droitÉ Dans un contexte de développement durable È,
dans les Actes des Ç 20ème journées scientiÞques
de l'environnement - Environnement entre passé et futur : les risques
à l'épreuve des savoirs È, mai 2011, 10p, p8
79 voir note précédente
80 Jean-Pierre Gaudin, Ç Politiques urbaines et
négociations territoriales. Quelle légitimité pour les
réseaux de politiques publiques ? È, Revue française
de science politique, n°1 45e année, 1995, p31-56
Les transferts de compétences en matiere
d'aménagement se sont accompagnés par une réduction des
effectifs dans les services déconcentrés. Les
collectivités territoriales se dotent donc de nouvelles capacités
d'expertises et d'ingénierie. Ces nouvelles capacités, en
fournissant une expertise propre aux territoires, apportent un nouveau pouvoir
aux collectivités. Les collectivités territoriales sont donc de
plus en plus en mesure de défendre leurs intérets via la
mobilisation de cette «contre-expertise.
Autour des collectivités territoriales «classiques
(ville, département, région), la loi sur
l'intercommunalité du 12 juillet 1999 a également
multiplié les structures de coopération intercommunale, qui
ajoute un peu plus au ßou perceptible du processus de décision
politique en matiere de gestion des risques.
Pour la gestion des risques majeurs, l'organisation
intercommunale présente plusieurs intérets. Elle permet d'abord
de mutualiser les moyens techniques et humains.
La communauté urbaine de Nantes Métropole en est
un bon exemple. Au niveau intercommunal, une Direction «Risques et
Pollutions de 15 personnes permet ainsi de fournir un soutien aux services en
charge des risques des différentes mairies.
Cette Direction intercommunale a, entre autres, pour mission
81:
- d'animer un groupe de travail sur les Plans Communaux de
Sauvegarde (PCS)82 associant les référents risques des
24 communes, des services de Nantes Métropole et des
représentants du SDIS
- d'intervenir directement dans les communes, à leur
demande pour aider au lancement du PCS
Le second intéret des structures intercommunales est de
s'adapter à la spatialité des risques. Comme nous l'avons vu en
1-2-2-2, la gestion des risques majeurs passe par l'identification des clefs de
voOte des risques qui déterminent le territoire. Pour gérer ces
clefs de voOte, la structure intercommunale est alors la plus pertinente. Pour
une métropole confrontée à des risques urbains
spécifiques (ruissellement urbains, vulnérabilité des
réseaux interconnectés,...), l'organisation intercommunale
classique (par métropole, agglomération et zone urbaine)
appara»t alors tout à fait légitime.
Pour certains autres risques, des structures intercommunales
innovantes ont été édifiés.
2-1-2-2 L'exemple des EPTB
Certains exemples illustrent l'inadéquation de
l'organisation juridico-administrative. Nous choisirons pour exemple le risque
d'inondation lié à un cours d'eau. Celui-ci peut concerner
plusieurs communes, voire plusieurs départements ou régions. Or,
à l'échelle d'un bassin versant, plusieurs autorités de
police sont compétentes pour intervenir, à leur échelon
administratif (maire, préfet du département, préfet de
zone). On voit des lors toute la difficulté à gérer le
risque à l'échelle d'un bassin, dans la mesure ou cela implique
la réunion de plusieurs autorités de police, source de
conßits ou d'incohérences.
Pour harmoniser la gestion des risques d'inondation (et la
gestion de l'eau plus généralement), la loi n° 2003-699 du
30 juillet 2003 instaure ainsi la création des
81 Source :
http://www.irma-grenoble.com/PDF/05documentation/intercommunalites/cu/fiche%20nantes%20metropole
%20CU%20Fiche%201.pdf
82 Nous détaillerons ces plans en 2-2-4
Etablissements Publics Territoriaux de Bassin (EPTB). Ce type
de structure permet, entre autres, d'inscrire la gestion du risque d'inondation
à l'échelle d'un bassin de risques, quelle que soit
l'échelle administrative, et correspond davantage aux conceptions de
gestion globale.
Nous prendrons pour exemple l'EPTB Loire. Cette structure
administrative appelée «Etablissement public Loire (ou «EP
Loire) est un syndicat mixte composé de 50 collectivités ou
groupements (7 régions, 16 départements, 18 villes et
agglomérations, et 9 Syndicats Intercommunaux)83. Reconnu en
2006 comme Etablissement Public Territorial de Bassin, il contribue à la
cohésion des actions menées sur l'ensemble du bassin de la
Loire.
Il assume des missions de coordination, d'animation,
d'information et de conseil aupres des acteurs ligériens. En outre, ses
compétences sont axées sur les deux principaux métiers
d'hydraulicien et de développeur territorial. L'établissement est
également membre privilégié des comités de pilotage
des Programmes d'Actions de Prévention des Inondations
(PAPI)84.
L'EP Loire déploie ainsi des actions:
- de prévention et de réduction des inondations
- de stimulation de la recherche de données et
d'information
- de gestion des ouvrages stratégiques (barrages de
Naussac et de Villerest) - d'aménagement et de gestion des eaux.
Nous noterons que ces actions entrent dans le cadre du
«Plan Loire 2007-2013 financé en collaboration entre
l'Etat, les régions Auvergne, Basse-Normandie, Bourgogne, Centre,
Languedoc-Roussillon, Limousin, Pays de la Loire, Poitou-Charentes, Rhône
Alpes, l'agence de l'eau Loire-Bretagne et l'Etablissement public Loire. Des
fonds du programme FEDER85 alimentent également ce plan.
Au regard de la décentralisation et des nouvelles
structures intercommunales, nous pouvons remarquer une fragmentation et une
complexification des prises de décisions. L'administration en charge des
risques majeurs est en effet de plus en plus structurée autour
d'Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et autres
établissements publics spécialisés sur un type
d'aléa, comme les EPTB pour les inondations.
Dans ces nouvelles structures, la place des élus a
toute son importance. Entourés d'élites de plus en plus
spécialisées, les élus politiques rencontrent ainsi de
moins en moins de situations de subordination vis à vis du pouvoir
central de l'Etat.
D'apres cette vision, la gouvernance des risques majeurs
revêt ainsi un caractere compétitif et équilibré.
Nous qualifierons cette gouvernance de polyarchie, dans laquelle l'Etat
s'habille d'un rôle d'arbitre, alors qu'il demeure perméable
à l'influence des groupes d'intérêt (groupe d'élus,
et autres pressions politiques locales).
83 Source :
http://www.eptb-loire.fr
84 Pour plus de détail sur les PAPI, voir :
http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/PAPI.pdf
85 FEDER : Fonds européen de développement
régional
2-1-3 Une approche par les reseaux : le rTMle des
associations et des entreprises
« Des lecons ont ete tirees des efforts de creativite
en matiere de prevention des catastrophes au sein des communautes pauvres dans
les pays en voie de developpement. La politique de prevention est trop
importante pour etre laissee aux seuls gouvernements et agences
internationales. Pour reussir, la societe civile doit elle aussi etre engagee
de la meme facon que le secteur prive et les medias. »86
Cette citation de Kofi Annan, datant de 1999, est plus que
jamais d'actualité. En effet, les nouvelles formes de prise de
décisions publiques intègrent de plus en plus de place aux
acteurs non publics. Ce nouveau mode de gouvernance, intégrant
associations et entreprises privées, nous amènent à
proposer une autre vision pour analyser la gouvernance frangaise de la gestion
des risques majeurs : l'approche par les réseaux.
D'après l'approche par les réseaux, l'Etat est
central. Il intervient ainsi dans la sélection et la promotion de
certains groupes d'intérets. La mise en oeuvre d'un dialogue est
l'occasion de favoriser certains groupes au détriment d'autres
groupes.
Pour argumenter cette vision, nous nous appuierons d'abord sur
l'étude du rôle des associations et des entreprises dans la
gouvernance des risques majeurs. Nous montrerons ensuite comment la mise en
réseaux de l'ensemble de ces institutions instaure des conditions plus
propices à une stratégie de résilience des territoires.
2-1-3-1 Rôle des associations
Le nombre et le poids des associations dans la gouvernance
frangaise des risques majeurs ne cessent d'augmenter ces dernières
années. En effet, les services centraux (ministères) et les
services déconcentrés (préfectures) de l'Etat ont subi des
réductions importantes de leurs moyens humains et financiers qui ont
entra»né un retrait de leur mission de support et d'expertise pour
les collectivités. Face à ce retrait, les collectivités
s'orientent alors vers des structures associatives pour rassembler leurs
expériences. Cette co-production de connaissances sur les risques
majeurs participent d'ailleurs grandement à établir une
connaissance collective des risques majeurs.
Dans le tableau qui suit (Figure. 5), nous retrouvons les
principales associations frangaises participant à la gouvernance des
risques majeurs. Bien qu'elle ne soit pas exhaustive, cette liste nous permet
d'esquisser la physionomie générale de ces associations.
Les associations comme la Croix-Rouge frangaise et l'AMF sont
des institutions anciennes d'ampleur nationale, avec de gros moyens, et
traitant des risques majeurs de par la transversalité de leur
mission.
Nous remarquons également des associations se
spécialisent sur un type d'aléa (le CSEM pour les séismes,
Amaris pour les risques technologiques, ou le CEPRI pour les inondations),
alors que d'autres associations se spécialisent selon le territoire
(l'IRMa en Rhône-Alpes, le Cyprès en PACA, le C-PRIM en
Pyrénées). Cette polarisation selon les
86 Kofi Annan, Secrétaire général des
Nations Unies, «Décennie internationale de la prévention des
catastrophes naturelles (DIPCN)È, Forum du Programme, Genève,
juillet 1999
territoires nous démontre que les acteurs locaux ont une
volonté de développer une expertise territoriale sur les risques
majeurs.
Acronyme
|
Nom complet
|
Année de création
|
Principales ressources
|
Territoire et themes
privilégié
|
CR-F
|
Croix Rouge française
|
1864
|
- Dons
- Subventions publiques
|
France Secours des populations
|
AMF
|
Association des maires de France
|
1907
|
- Cotisation des maires
adhérents
- Congres
- Vente de revues
|
France Tous types de risques majeurs
|
CSEM
|
Centre Sismologique Euro- Méditérranéen
|
1975
|
- Subventions publiques et
européennes
- Subventions privées
|
Europe Risques sismiques
|
HCFDC
|
Haut Comité français pour la défense
civile
|
1982
|
- Colloques et formations
- Cotisations des collectivités
et des entreprises adhérentes
- Subventions publiques
|
France Tous types de risques majeurs
|
IRMa
|
Institut des Risques Majeurs
|
1988
|
- Cotisations des collectivités
et des entreprises adhérentes
- Subventions publiques
|
Rhône-Alpes Tous types de risques majeurs
|
Amaris
|
Association nationale des communes pour la ma»trise des
risques technologiques majeurs
|
1990
|
- Cotisations des villes
adhérentes
- Subvention publiques
|
France Risques technologiques
|
Cypres
|
Centre d'information pour la prévention des risques
majeurs
|
1991
|
- Cotisations des collectivités
et des entreprises adhérentes
- Subventions publiques
|
Provence-Alpes-
Côte d'Azur Tous types de risques majeurs
|
Iffo-RME
|
Institut français des formateur risques majeurs et
protection de l'environnement
|
1997
|
- Subvention publiques
|
France Tous types de risques majeurs
|
AFPCN
|
Association française de prévention des
catastrophes naturelles
|
2000
|
- Cotisation des adhérents
- Subventions publiques
- Rétributions des contrats
ou conventions
|
France Risques naturels
|
MRN
|
Mission risques naturels
|
2000
|
- Cotisation des sociétés
d'assurances adhérentes
|
France Risques naturels
|
CEPRI
|
Centre Européen de Prévention du risque
d'Inondation
|
2006
|
- Subvention publiques
- Cotisation des associations
et collectivités adhérente
|
Europe Risques d'inondations
|
C-PRIM
|
Centre Pyrénéen des Risques Majeurs
|
2012
|
- Subventions publiques
|
Pyrénées Risques naturels
|
Figure. 5 Liste des principales associations
françaises participant à la gouvernance des risques
majeurs
Toutes ces associations bénéficient de
financements d'Etat et des collectivités sous forme d'une cotisation ou
de subvention directe. Elles ont également, pour la plupart d'entre
elles, des activités de production éditoriale (sites web et
revues) et de formation à destination des fonctionnaires
territoriaux.
Via les subventions qu'elles reversent à ces
structures, l'Etat se délègue d'une partie de ses missions. Cette
«sous-traitanceÈ associative permet une plus grande souplesse dans
les crédits consacrés à la prévention des risques
majeurs. Cela permet également d'établir un contexte
compétitif propice aux expérimentations et aux innovations. De
plus, ces associations entretiennent des liens privilégiés avec
les entreprises.
2-1-3-2 RTMle des entreprises
Le rTMle des entreprises dans la gouvernance des risques majeurs
est primordial. Dans les lignes qui suivent, nous distinguerons cinq types
d'entreprises en analysant leur lien avec la gouvernance des risques majeurs
:
- les compagnies d'assurances
- les industriels
- les grands opérateurs de réseaux (transport,
télécom, électricité, eau, gaz) - les bureaux
d'études et cabinets conseils
- les entreprises spécialisées dans les TIC
(technologies de l'information et de la communication innovantes)
Les compagnies d'assurances ont un rTMle très important
dans la gouvernance des risques majeurs. Les activités de
dédommagement permettent en effet d'augmenter la résilience en
fournissant un instrument financier pour reconstruire le territoire. Nous
reviendrons plus en détail sur cet instrument en 2-2-2.
Les industriels ont également un rTMle très
important et un poids considérable dans la gouvernance des risques
majeurs. Ils possèdent une expertise de leurs risques technologiques, ce
qui leur confère une légitimité dans les prises de
décisions. De plus, leur pouvoir de négociation s'avère
très important sur le territoire ou ils sont installés, en
particulier quand ils sont l'un des principaux employeurs. L'observation du
secteur nucléaire est d'ailleurs révélateur des jeux de
pouvoir et des réseaux d'influences. Constituées en
véritables lobbys, ces entreprises peuvent avoir une influence sur les
décisions nationales ou locales.
Les députés souvent attachés à
l'industrie de leur territoire auront ainsi tendance à minimiser les
risques de ces activités.
Au niveau local, les maires sont également souvent
soumis à des pressions des entreprises privées, en particulier
sur les questions d'urbanisme. Nous reviendrons plus en détail sur ces
aspects dans notre analyse des instruments d'autorité (en 2-2-3), en
prenant pour exemple les plans de prévention des risques (PPR).
Les grands opérateurs de réseaux,
majoritairement issus de privatisations d'entreprises publiques, sont eux aussi
très impliqués dans la gouvernance des risques majeurs. La
vulnérabilité de leur système révèle la
vulnérabilité technique des territoires. En mettant en oeuvre des
procédures spécifiques, ils peuvent développer la
résilience des territoires.
En vigueur depuis le 1er juillet 2012, la réforme
«DT/DICTÈ, relative à l'utilisation d'un nouveau
téléservice (
www.reseaux-et-canalisations.gouv.fr),
est révélatrice de l'implication de ces opérateurs.
Entrant dans le cadre du plan d'actions anti-endommagement des
réseaux, cette réforme a été mise en place pour
prévenir les accidents lors de travaux réalisés à
proximité de réseaux aériens, enterrés ou
subaquatiques. Concrètement, toute personne envisageant de
réaliser des travaux a l'obligation de consulter le
téléservice (
www.reseaux-etcanalisations.gouv.fr)
aÞn d'obtenir la liste des exploitants auxquels ils devront adresser les
déclarations réglementaires de projet de travaux (DT) et
d'intention de commencement de travaux (DICT).
Pour Þnir sur les acteurs privés, nous
présenterons les bureaux d'études et cabinets conseil, ainsi que
les entreprises spécialisées dans les TIC.
L'ensemble de ces acteurs ont une influence souvent
centrée sur leur territoire d'implantation. Ils fournissent aux
collectivités locales des compétences externes qu'elles ne
possèdent que rarement en interne. L'expertise technique sur les
aléas, la communication, l'accompagnement, la formation, la fourniture
d'outils, voir l'audit sont autant d'activités en fort
développement et qui proÞtent à ces entreprises
privées de petites tailles.
Pour étudier l'influence de ce type d'entreprise de fagon
synthétique, il est intéressant d'étudier la mise en
réseaux actuellement en cours.
2-1-3-3 La mise en réseaux
La mise en réseaux est un processus formel ou informel
visant à rapprocher des acteurs privés et publics pour qu'ils
partagent leurs expériences et développent leurs
activités. Plusieurs dispositifs nous renseignent sur l'importance de
cette mise en réseau au sein de la gouvernance frangaise des risques
majeurs.
Notre premier exemple sera le PTMle de
Compétitivité "Gestion des Risques et
Vulnérabilités des territoires". Labellisé PTMle de
Compétitivité en 2005 et PTMle Régional pour l'Innovation
et le Développement Economique Solidaire (PRIDES) en 2007, ce pTMle
fédère des grands groupes, des PME, des laboratoires de
recherche, des collectivités et des centres de formation du
Languedoc-Roussillon et de Provence-Alpes-CTMtes-d'Azur. Il a pour but de
fournir des solutions concrètes dans la gestion de tous les risques
(naturels, technologiques, industrielsÉ).
Ce pTMle de compétitivité a, entres autres,
développé un label à destination des collectivités.
Ce label s'intitule « Gestion des Risques Territoriaux- pour Un
Territoire Resilient È87. Celui-ci a pour but la
reconnaissance des démarches communales de gestion des risques. Il se
base sur l'application d'un processus d'amélioration continue. Son
référentiel a été construit en suivant les lignes
directrices de la norme ISO 31000 sur le management des
risques88.
87 Plaquette de présentation du label :
http://www.pole-risques.com/files/plaquette%20label%20grt%20version%20gui
%20mai%202012.pdf
88 (c) ISO 2009, « Norme Internationale ISO
31000, Management du risque - Principes et lignes directrices È,
Première édition, 2009
Développé par le HCFDC depuis 2008, le label
«Pavillon orange est également destiné aux
collectivités. Il a pour but d'orienter et d'aider les
municipalités dans la montée en puissance de leur Plan Communal
de Sauvegarde. La labellisation a également pour mission de mettre en
avant les communes ayant mené des actions concretes en vue de renforcer
la sécurité et la protection de leur population face aux risques
majeurs.
Ces deux exemples sont révélateurs de
l'influence des réseaux rassemblant les entreprises et les associations.
Nous pourrions presque parler d'une sorte de «comitologie pour
déÞnir les relations et les règles régissant ces
réseaux. Ils jouissent d'un statut privilégié pour
assister l'Etat dans son rTMle, en proposant des traductions
opérationnelles des impératifs réglementaires.
Le «Réseau Risques d'IDEAL
Connaissance89 constituera notre dernier exemple pour étayer
notre analyse de l'importance de la mise en réseau dans la gouvernance
des risques majeurs. Créé en 2006, Le «Réseau
Risques, a pour ambition de fédérer les professionnels des
risques majeurs de toutes les collectivités territoriales au sein d'une
communauté professionnelle, qui associe échanges en ligne (via la
plateforme
www.reseau-risques.net)
et rencontres physiques entre homologues. Il rassemble actuellement environ
1000 collectivités représenté par 1600 agents.
C'est lors de conférences que cette mise en
réseau est la plus perceptible. Ces évenements rassemblant
l'ensemble des acteurs institutionnels sont l'occasion pour l'Etat de remplir
son rTMle privilégié de mise en relation et de réunions
des acteurs. Pour exemple, nous pourrons ainsi citer les Assises nationales des
risques naturels (dont la première édition s'est
déroulée en janvier 2012 à Bordeaux), les Assises
nationales des risques technologiques, ou encore les
«Irisées (organisé par le «Réseau
Risques mentionné précédemment).
Aux termes de la présentation de cette approche par les
réseaux, nous formulerons deux critiques principales :
- les différentes corporations dépendent encore
majoritairement des crédits fournis par l'Etat pour fonctionner
- ces réseaux d'acteurs s'adressent à des
professionnels avertis connaissant la doctrine en place, et sont toujours tres
éloignés des citoyens lambdas.
2-1-4 Le rTMle central du citoyen
ÇPour les risques majeurs, selon moi, la
résilience des populations se construirait à partir de
l'attachement au territoire (psychologie environnementale), de
la reconnaissance du rôle positif de l'individu dans la
prévention et de son pouvoir de contrôle (psychologie sociale et
vision positive de l'aménagement du territoire) et le
développement d'une vision
89 IDEAL Connaissances est une société
de droit privée, à gouvernance publique,
spécialisée dans l'animation de réseaux professionnels et
la formation à destination d'agents publics. A l'origine, c'était
une association (Réseau IDEAL) qui a évolué en une
structure privée pour se développer. Cette évolution est
révélatrice de la perméabilité existante entre le
monde associatif et les entreprises. Site internet d'IDEAL Connaissances :
http://www.idealconnaissances.com/
globale du futur de son territoire qui peut l'amener à
investir dans la prévention (réalisation de projet et
valorisation individuelle).È90
Cette citation de Paul-Henri Bourrelier constituera le point
de départ de notre dernière vision pour analyser la gouvernance
française des risques majeurs. En effet, il identiÞe la
résilience de la population comme déterminante pour la
résilience des territoires face aux risques majeurs.
Pour évaluer l'impact du rTMle que doit avoir la
population dans la gouvernance des risques majeurs, nous allons étudier
le principe de participation du public et les réserves communales de
sécurité civile.
2-1-4-1 Participation du public
Actuellement dans les modes de gouvernance, on parle beaucoup
de Ç démocratie participative È. Celle-ci implique
d'informer et de consulter le public aÞn de mettre en Ïuvre une
concertation. La concertation a pour but de faire participer l'ensemble de la
population à la prise de décision, ce qui implique un partage du
pouvoir, souvent difÞcilement accepté par ceux qui le
détiennent. Quoi qu'il en soit, le mouvement est en marche et les
législateurs ont créé petit à petit de nouveaux
outils pour mettre en Ïuvre cette démocratie participative. Nous
noterons que le développement de cette concertation rejoint
l'idée soutenue par les Nations Unies qui veut qu'un Etat soit d'autant
plus résilient qu'il est gouverné démocratiquement.
En France, l'association visant à rechercher un
consensus entre les personnes associées à la réalisation
d'un projet ou d'un document, est ainsi obligatoire dans un certain nombre de
procédures (cf. article L. 121-4 du Code de l'urbanisme). Ç
Une concertation est une attitude globale de demande d'avis sur un projet,
par la consultation de personnes intéressées par une
décision avant qu'elle ne soit prise (É) È. 91
Or, comme le souligne Valérie
Sansévérino-Godfrin, Çfaute d'avoir été
déÞnies très clairement sur le plan légal, ces
procédures peinent à être mises en place, de sorte qu'une
gestion des risques, impliquant l'ensemble des acteurs concernés reste,
pour l'heure, une Þnalité
théorique.È92
Concernant la thématique des risques majeurs, plusieurs
dispositifs de concertation existent. Nous citerons ainsi les procédures
d'enquete publique (en particulier lors de l'élaboration des PPR), les
CLIC (Comités locaux d'information et de surveillance)93 pour
les sites industriels SEVESO seuil haut, et les CLIS (Commission locales
d'information et de surveillance) auprès des installations
nucléaires.
90 Paul-Henri Bourrelier, Ç Résilience :
comment la renforcer pour réduire les vulnérabilités ?
È, 2008, 5p - URL :
www.ensmp.net/2008/11/18/Resilience
et vulnerabilite 18 11 08.doc
91 Commission Nationale du Débat Public (CNDP) :
http://www.debatpublic.fr/
92 Valérie Sansévérino-Godfrin, Ç
Risques naturels, vulnérabilité, résilience et le
droitÉ Dans un contexte de développement durable È, dans
les Actes des Ç 20ème journées scientiÞques de
l'environnement - Environnement entre passé et futur : les risques
à l'épreuve des savoirs È, mai 2011, 10p
93 A noter qu'ils seront progressivement remplacé par les
CSS (Commissions de suivis de site)
Ces dispositifs formalisent les processus de concertation,
mais ne remplissent que rarement l'objectif annoncé d'impliquer la
population dans les décisions et les choix politiques.
Le politiste Jean Tournon propose ainsi plusieurs pistes pour
atteindre une plus grande implication de la population. D'apres lui,
«la concertation doit rester au plus haut degre de generalite. Les
citoyens ne peuvent que se fourvoyer dans l'etude de situations subalternes
(...) ; il faut aussi que les citoyens s'en occupent eux-memes
et non à travers des representants ou des
porte-paroles.È94
En effet, le systeme démocratique est censé
produire des citoyens responsables de leurs décisions et des
conséquences de ces décisions. Alors qu'avec de bonnes
associations et de brillantes ONG qui plaident pour eux, ils ont peu de raisons
de le devenir. Jean Tournon déclare également que l'objectif de
la concertation n'est pas de former des experts. Il faut, selon lui, simplement
avoir des citoyens bien intentionnés et sensés à meme de
prendre un probleme grave à bras le corps pour acheminer la
société vers de bonnes solutions.
La concertation amene évidement son lot de confits. Mais
ceux-ci sont normaux et souvent tres utiles pour l'élaboration des
décisions collectives importantes.
De plus, nous ajouterons que la participation du public ne se
décrete pas, mais elle se construit au cas par cas et au jour le jour.
Elle est par définition un processus collectif et dynamique qui doit
évoluer vers une pratique usuelle.
Pour finir sur la participation du public, nous soulignerons
l'importance des vecteurs de participation informels qui sont actuellement en
plein essor. En effet, la mise en réseau des connaissances permet
d'établir des ponts entre les experts, les politiques et les
populations. L'impact d'internet et du web 2.0 (en particulier les
réseaux sociaux) est ainsi tres positif pour l'implication de la
population.
L'exemple du site internet
http://memoiredescatastrophes.org/ 95 est
révélateur de ce mouvement. Ce site met en avant le savoir
profane pour entretenir la mémoire des catastrophes ce qui contribue
à la construction d'une culture du risque.
2-1-4-2 Les réserves communales de
sécurité civile et l'organisation de la solidarité en
temps de crise
Pour comprendre l'idée qui a amené à la
mise en place des réserves communales de sécurité civile,
nous nous appuierons sur un article96 de l'anthropologue Souad Ait
Ouarab-Bouaouli. Celui-ci défend l'idée qu'il faut informer les
populations pendant la crise, mais aussi les intégrer dans les phases de
pré- et post-crise afin que les «victimesÈ deviennent des
citoyens acteurs de la résilience de leur territoire.
94 Jean Tournon, « Concertation : sur quoi ?
avec qui ? È, Risques infos, n°28, novembre 2011,
27p, p4
95 Ce site est développé par l'Institut pour
l'histoire et la mémoire des catastrophes (ihméc) dirigé
par le psychologue Serge Tisseron
96 Souad Ait Ouarab-Bouaouli, «Pour une equite dans
l'acces à l'information en cas de
catastrophesÈ, Communication, Vol. 26/2, 2008 - URL :
http://communication.revues.org/index850.html%23ftn1
Il revient ainsi sur l'impact du changement de
stratégies. Jadis collectives et chaotiques, elles sont aujourd'hui
institutionnelles et ordonnées. Or, cette mise à distance des
populations vulnérables lors des opérations de gestion de crise
débouche sur une victimisation de ces populations. Nous noterons que
cette victimisation rejoint Çla fabrique de la crise par le
politiqueÈ : s'il y a plus de ÇvictimesÈ (au sens ici de
population vulnérable) alors, les mérites des sauveurs n'en
seront que plus importants.
C'est pour répondre à ce nouveau besoin
d'implication de la population dans la gestion de crise que la loi du 13 aoUt
2004 a créé les réserves communales de
sécurité civile. Cellesci ont pour but d'organiser les
différentes bonnes volontés qui se manifestent lors d'une
situation d'urgence et de les doter d'un statut leur assurant une protection
juridique et sociale, dans le cadre de l'aide bénévole
apportée à la collectivité.
Ayant une part entière dans le Plan Communale de
Sauvegarde97 des communes la réserve communale de
sécurité civile rassemble des hommes et des femmes de tous %oges
et toutes professions. Ces bénévoles doivent être
formés pour avoir un minimum de compétences
opérationnelles. Ces formations traitent par exemple de l'utilisation
d'extincteurs, du fonctionnement des groupes électrogènes et des
vide-caves, de l'utilisation de déÞbrillateur, du montage et du
démontage de lits de camps, etc. Une attention particulière doit
être également être accordée aux EPI (Equipement de
Proctection individuelle) et à la tenue des bénévoles
(pantalon et parka haute visibilité, chaussure de
sécurité, gants de manutention, badge d'identiÞcation).
La réserve communale de sécurité civile est
un dispositif permettant l'implication active de la population, et joue donc un
rTMle déterminant pour la résilience des villes l'ayant mis en
place.
97 Nous détaillerons ce dispositif en 2-2-4
2-2 Les instruments
La seconde partie de notre analyse de la gouvernance
française des risques majeurs se portera sur l'étude des
instruments. En effet, les instruments structurent l'action publique et sont
déterminants pour la mise en oeuvre des décisions. Notre vision
sera donc plus pragmatique et nous permettra de répondre à la
question suivante :
Quels sont les instruments utilisés par les
décideurs pour mettre en application leur politique ?
Cette approche par les instruments permet de mettre en avant
le rapport entre gouvernant et gouverné. Elle permet également de
travailler sur l'évolution des stratégies des décideurs en
posant la question du ÇComment ?>. Cette optique nous fournira ainsi
un nouvel angle d'analyse qui sera bénéfique à notre
compréhension de la gouvernance des risques majeurs.
Enfin, l'étude du mixage des différents
instruments nous aiguillera sur des pistes qui alimenteront notre
réponse à notre question centrale : ÇQuelle gouvernance
des risques majeurs pour une meilleur résilience des territoires>.
Pour structurer notre analyse des instruments, nous suivrons
la classification ÇNATO>. Cette classification fUt
développée en 1983 par le politologue Christopher Hood dans son
ouvrage intitulé ÇThe Tools of Government >. La
méthode ÇNATO> classe les instruments des politiques publiques
en quatre types : les instruments de nodalité (nodality), les
instruments d'autorité (authority), les instruments financiers
(tresor), et les instruments d'organisation
(organization).
Pour compléter notre analyse des instruments, nous
finirons par présenter l'évaluation qui constituera notre dernier
angle d'analyse de la gouvernance des risques majeurs.
Pour chacun des types d'instruments précédemment
cité, nous étayerons notre analyse par la présentation
d'exemples. Ces exemples ne seront pas exhaustifs, mais ils nous permettront
d'esquisser une vision de l'utilisation des instruments pour la gouvernance des
risques majeurs.
2-2-1 La collecte, le traitement et la diffusion de
l'information : le cas de l'information preventive sur les risques majeurs
Le ÇN> de la classification ÇNATO>
correspond à la notion de nodalité (nodality). La
nodalité rassemble tous les outils permettant aux institutions de
remplir leur rTMle de Çnoeud>. Ce Çnoeud> est en fait une
métaphore pour décrire le processus de collecte, de traitement et
de diffusion de l'information.
Les instruments de nodalité sont essentiels pour la
gouvernance des risques majeurs car ils sont à l'origine de nos
connaissances, de par la collecte des données relatives aux aléas
et aux enjeux vulnérables. Le traitement de ces données sous
forme cartographique constitue les éléments de base
utilisés par les administrations pour prendre leurs décisions.
Les cartes de risques alimentent les argumentaires soutenant la
nécessité de
mettre en Ïuvre certaines mesures contraignantes comme les
Plans de Préventions des risques (sur lesquels nous reviendrons en
2-2-3).
EnÞn, ces instruments de nodalité sont aussi
primordiaux pour communiquer une information au grand public. Pour les risques
majeurs, nous parlerons ainsi de l'information préventive.
Pour mieux comprendre le rTMle des instruments de
nodalité dans la gouvernance des risques majeurs, nous étudierons
d'abord les outils cartographiques, les systèmes d'informations
géographiques (SIG) et l'apport des nouvelles technologies de
l'information et de la communication (NTIC).
2-2-1-1 Cartographie, SIG et NTIC
La cartographie permet d'analyser les risques majeurs dans
leurs caractéristiques spatiales. Elle intervient à plusieurs
échelles et peut représenter la répartition spatiale des
aléas, celle des enjeux et de leurs vulnérabilités, voire
une combinaison de ces facteurs. Cet outil représente par ailleurs un
appui dans la sensibilisation du grand public, des entreprises et des
élus, et s'inscrit ainsi dans le processus plus général
d'optimisation de la gestion des risques majeurs.
Les systèmes d'information géographique (SIG)
sont des systèmes permettant de créer, d'organiser et de
représenter des données référencées
spatialement pour produire des plans et des cartes. Ils sont ainsi des outils
privilégiés pour traiter l'information sur les risques.
Pour alimenter ces systèmes, les directions SIG des
services déconcentrés et des collectivités fournissent un
important travail de collecte. Les sources principales d'informations
utilisées sont les cadastres, les évaluations des risques
(fournies par les services de l'Etat ou des bureaux d'études
spécialisés), ainsi que les données sur la population de
l'INSEE98.
Pour mettre en place cette collecte, il est indispensable de
disposer d'un outil informatique performant.
Cet outil doit être capable :
- de fournir une base de données pour saisir les
informations
- de cartographier et de localiser les aléas
- de croiser les données fournies sur les enjeux (nombre
d'habitants pour chaque zone,
édiÞce à forte valeur patrimoniale, moyens
matériels pour la gestion de crise)
- de croiser les différentes couches géographiques
(réseau routier, électrique, zones
inondables,...)
Un bon exemple de SIG sur la thématique des risques
majeurs est l'outil ÇcartorisqueÈ créé en 2006. A
destination du grand public, il est accessible via internet (
http://
cartorisque.prim.net), et répond à la circulaire
du 4 juillet 2006 qui le désigne comme la Çsource de
données de référence pour l'ensemble des cartes de
risquesÈ.
Les SIG étant très complexes à mettre en
Ïuvre, ils nécessitent des compétences
spéciÞques qui constituent le cÏur du métier de
géomaticien.
98 Institut national de la statistique et des études
économiques
Les instruments de nodalité sont actuellement en pleine
évolution. En effet, les nouvelles technologies de l'information et de
la communication (NTIC) redéfinissent les contours de ces instruments en
apportant des fonctionnalités qui étaient encore impossibles il y
a quelques années.
Les réseaux sociaux comme facebook ou
twitter sont également de fabuleux outils pour
développer la résilience des populations. De plus en plus
connectés, les Français vivent aujourd'hui l'information en temps
réel. Le moindre indice ou rumeur peut être relayé à
des millions de personnes en seulement quelques heures. Il est donc très
important pour les donneurs d'ordres (maires, préfets, ministres)
d'être présents sur les réseaux sociaux. Ils doivent assoir
leur Çcrédibilité numériqueÈ pour être
en mesure de mobiliser les internautes lors d'une catastrophe. Cela passe par
la construction d'une communication quotidienne sur les actions mises en oeuvre
(mise en place de nouvelles règles, exercices d'alerte, bulletins de
prévision), mais également en répondant aux questions des
citoyens et en infirmant les rumeurs infondées.
L'apparition des smartphones, intégrant la
géolocalisation et des applications innovantes, fournit également
de nouveaux vecteurs pour sensibiliser la population aux risques majeurs et
l'alerter en cas d'évènement. La Direction de la
prévention des risques urbains de la ville de Nice a, par exemple,
développé une application spécifique pour promouvoir la
résilience de sa population en cas de crise. Cette application
intitulée ÇRisques NiceÈ99 permet aux
citoyens de signaler un désordre sur la voie publique, de s'inscrire au
service de télé-alerte pour être informé en cas de
vigilance météo ou de la survenance d'événements
importants, mais aussi d'accéder aux informations préventives et
aux documents d'information régulièrement mis à jour sur
les risques majeurs. Cette démarche s'inscrit pleinement dans le cadre
réglementaire actuel, qui oblige le maire d'une commune soumise aux
risques majeurs, d'alerter et d'informer sa population en cas de survenance
d'un événement mais également, de manière
régulière, sur les actions mises en oeuvre par la commune pour
lutter contre les risques.
Cependant, cette bonne pratique fait figure d'exception. L'une
des principales obligations des maires en matière de risques majeurs est
d'informer sa population en particulier sur les mesures à mettre en
oeuvre suivant les différents types d'aléas (évacuation,
confinement, coupure du gaz, etc.). Cette information est
réglementairement représentée par le DICRIM. Nous allons
donc présenter succinctement ce document et l'état de sa
réalisation par les communes.
2-2-1-2 Le Document d'Information Communal sur les
Risques Majeurs (DICRIM)
C'est le décret 90-918 du 11 octobre 1990 qui a
introduit le document d'information communal sur les risques majeurs (DICRIM) :
Ç le maire établit un document d'information qui recense les
mesures de sauvegarde répondant au risque sur le territoire de sa
commune, notamment celles de ces mesures qu'il a prises en vertu de ses
pouvoirs de police (É) È
Le DICRIM doit ainsi être réalisé dans les
communes :
99 ÇApplication smartphone Risques NiceÈ,
Vidéo de présentation par la ville de Nice, 1:14, 27 juillet 2012
- URL :
http://
www.youtube.com/watch?v=CGMYGBupuW8
- oü existe un Plan de Prévention des Risques
technologiques ou naturels approuvé - situées dans les zones
particulièrement exposées à un risque sismique
- désignées par arrêté
préfectoral en raison de leur exposition à un risque majeur
particulier
L'article R125-11 du code de l'environnement précise le
contenu du DICRIM :
Ç Le document d'information communal sur les
risques majeurs reprend les informations transmises par le préfet. Il
indique les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde
répondant aux risques majeurs susceptibles d'affecter la commune. Ces
mesures comprennent, en tant que de besoin, les consignes de
sécurité devant être mises en Ïuvre en cas de
réalisation du risque. È
Le DICRIM est donc un outil de communication
réglementaire à destination de la population de la commune. Il
doit être compréhensible par tous et privilégier les
illustrations (cartes, photographies, schémasÉ). Chaque DICRIM
est propre à la commune. Il doit être adapté à la
nature des risques présents sur la commune et
ÇpersonnaliséÈ avec éventuellement des
photographies et des informations locales (historique des crues,
témoignage d'un habitant...). Le DICRIM intègre les
éléments clefs du Plan Communal de Sauvegarde, tels que les
moyens d'alerte et les consignes à appliquer.
De par sa nature, les DICRIM sont donc des documents
déterminants pour développer la culture des risques sur les
territoires. Leur création et la communication qui en est faite à
la population constitue une étape importante pour développer la
résilience des territoires.
Une étude du géographe Johnny Douvinet lors
d'une rencontre100 en juin 2012 présente un état
d'avancement des DICRIM. En s'appuyant sur la base nationale et recensant les
DICRIM (
www.bd-dicrim.fr)101,
ce chercheur a ainsi établi une carte de France comparant le nombre de
communes à obligation de réaliser un DICRIM et le nombre effectif
de DICRIM consultable sur le site par département (Figure. 6). Au regard
de cette carte, nous constatons la faiblesse quantitative de ces documents.
Comme une représentante du MEDDE le précise, lors de cette
même journée, seulement 6000 DICRIM sur 29000 sont à
l'heure actuelle réalisés.102
100 Johnny Douvinet, ÇEtat d'avancement des DICRIM
dans plusieurs départements francais (mars 2012) : du reglement à
la réalité observée sur le terrain È,
Rencontre Technique ÇL'information préventive et la
communication sur les risques majeursÈ, organisé par le
Réseau Risque en partenariat avec l'IRMa, Hémicycle du Grand
Lyon, 21 juin 2012
101 Le site internet Çbd-dicrimÈ est gérer
par le Réseau Risques qui reçoit des subventions du MEDDE pour
l'entretenir et l'alimenter par une collecte auprès des
préfectures et des mairies.
102 Catherine Desfemmes (Chargée de mission Ç
information préventive È MEDDE), Ç Cadre
réglementaire de l'information préventiveÈ, Rencontre
Technique ÇL'information préventive et la communication sur
les risques majeursÈ, organisé par le Réseau Risque
en partenariat avec l'IRMa, Hémicycle du Grand Lyon, 21 juin 2012
Figure. 6 Nombre de communes à obligation de
réaliser un DICRIM comparé au nombre effectif de DICRIM
consultable sur le site bd-dicrim
Comme le souligne J. Douvinet, la présence d'un DICRIM
dépend de plusieurs facteurs : l'implication locale des élus ;
les types de risques ; l'importance de la population ; les ressources humaines
et financières.
L'absence d'un DICRIM s'explique également pour
plusieurs raisons : les mairies ne percoivent pas la population comme acteur de
leur propre prévention ; elles ignorent volontairement leurs obligations
; elles pensent que d'autres documents se substituent à l'information
préventive (comme les Plans de Prévention des Risques) ; ou elles
percoivent les risques majeurs comme ayant une faible fréquence qu'il
faut accepter.
Nous invoquerons donc plusieurs perspectives
d'amélioration relative aux DICRIM. La première serait d'impulser
une plus forte dynamique locale via l'utilisation d'outils innovants. C'est par
exemple ce qu'a fait Saint-Etienne en développant un DICRIM
interactif103. Il serait également profitable d'apporter une
expertise scientifique aux communes, par exemple en montant des partenariats
avec les départements de géographie des universités. Et
enfin, il faut améliorer l'appropriation de la démarche DICRIM
auprès des élus qui sont parfois ignorants de cette obligation,
ou de la façon de la mettre en oeuvre et de la valoriser.
Nous finirons notre analyse des instruments de nodalité
par une constatation : la faiblesse de la communication du gouvernement
français en matière de risques majeurs. Nous pourrions en
effet imaginer que l'Etat pourrait financer des campagnes de communication
103 Présentation de ce DICRIM sur le site de la ville :
http://www.saint-etienne.fr/cadre-vie/information-risques-majeursbis/risques-majeurs-a-saint-etienne
(télévisées et radios) ayant une ampleur
similaire à celle déployée pour la lutte contre le
tabagisme ou les accidents de la route. Malheureusement, nous en sommes encore
très loin...
2-2-2 Le contrTMle de l'urbanisation et les Plans de
Prevention des Risques (PPR)
Le deuxième type d'instrument de gouvernance des
risques majeurs que nous analyserons sont les instruments d'autorité.
Pour présenter ce type d'instrument, nous prendrons pour exemple le cas
du contrTMle de l'urbanisation Þxé par les Plans de
Prévention des Risques (PPR).
Au niveau territorial, c'est le préfet qui est
responsable de la prescription et de l'élaboration des Plans de
Prévention des Risques Naturels prévisibles (PPRN) et des Plans
de Prévention des Risques Technologiques (PPRT). Ces plans
déÞnissent, en fonction des niveaux de risques, des zones dans
lesquelles des mesures d'urbanisme doivent etre prises : servitude
d'utilité publique, expropriation de biens, droit de délaissement
ou encore prescription de mesure constructives de réduction de la
vulnérabilité. Les projets de PPR (N ou T) font l'objet de
processus de concertation impliquant tous les acteurs locaux (maires,
riverains, exploitants, associations, salariés,...). Une fois
approuvés par le préfet, les PPR sont annexés au Plan
Local d'Urbanisme (PLU), et deviennent opposables aux tiers.
Au niveau local, le maire et le préfet partagent la
responsabilité de la ma»trise de l'urbanisation vis à vis
des risques majeurs. Le maire délivre des certiÞcats d'urbanisme,
permis de construire et permis d'aménager en tenant compte des
informations sur les risques majeurs à sa disposition. Il dispose d'un
outil fondamental pour gérer les risques présents sur son
territoire : le Plan Local d'Urbanisme (PLU). Si un bien est
particulièrement exposé aux risques majeurs, il est possible au
maire comme au préfet de procéder à l'acquisition à
l'amiable du bien ou à l'expropriation de celui-ci.
Comme le décrit Valérie
Sansévérino-Godfrin104, les Plans de Prévention
des Risques répondent aux besoins de réduction de la
vulnérabilité des territoires exposés, en imposant des
mesures en vue de limiter les dommages aux personnes et aux biens. Ainsi, ils
permettent de ne pas aggraver la vulnérabilité des territoires
exposés, en réglementant pour le futur l'usage des sols et les
activités ou encore de traiter la vulnérabilité des biens
et activités existants (création d'espace refuge, travaux de
consolidation...).
La première critique sur les PPR que nous fournit V.
Sansévérino-Godfrin, concerne leur élaboration et leur
champ, le plus souvent par risque et par commune. Or, cette mise en oeuvre
« parcellisée » peut constituer un frein important à
l'objectif de réduction de la vulnérabilité face aux
risques majeurs et d'augmentation de la résilience, qui implique, comme
nous l'avons vu en première partie, une approche globale et
systémique du territoire.
104 Valérie Sansévérino-Godfrin,
« Risques naturels, vulnérabilité, résilience et le
droitÉ Dans un contexte de développement durable », dans les
Actes des « 20ème journées scientiÞques de
l'environnement - Environnement entre passé et futur : les risques
à l'épreuve des savoirs », mai 2011, 10p
La seconde critique mise en avant par cette chercheuse,
concerne l'esprit de mise en oeuvre de ces documents. En effet, alors que le
PPR peut etre un outil juridique destiné à réduire la
vulnérabilité d'un territoire, en intégrant la
complexité de celui-ci et ses multiples facettes et en proposant des
mesures de sécurité globale, il est davantage envisagé, en
réalité, comme un instrument urbanistique autoritaire permettant
de limiter le développement d'enjeux dans les zones de risques. En
outre, les reglements des PPR établissent rarement des liens entre les
autres mesures de prévention mises en place dans les territoires
concernés, comme par exemple les plans d'urgence, les mesures
d'information, les plans de gestion des cours d'eauÉ
Pour finir sur les PPR, nous nous pencherons sur un
article105 de Johnny Douvinet de 2011, dans lequel celui-ci analyse
les relations qu'entretiennent les maires avec les PPRI (Plan de
Prévention des Risques d'Inondation). Son étude a pour but de
mieux comprendre la position des maires face à des outils
réglementaires existants.
Il décrit la position de certaines communes
réfractaires à l'idée d'appliquer les PPRI de par la forte
pression fonciere qui incite à l'urbanisation, mais également de
par les «bénéfices» de la reconversion des terres
agricoles en terres à urbaniser. Cela a en effet permis à ces
villes de s'agrandir (contentant le maire), tout en facilitant l'acces à
la propriété (contentant ainsi les citoyens et les promoteurs).
L'Observatoire du risque inondation dans le Gard (ORIG) rappelle à ce
sujet que 100 000 logements ont été implantés en zones
inondables entre 1999 et 2008 sur l'ensemble du territoire frangais
métropolitain106.
J. Douvinet explique ce mauvais constat par plusieurs raisons
:
- le développement local releve plus du quotidien d'une
commune que le risque, meme si celui-ci est prégnant ;
- l'absence d'évenements graves pendant plusieurs
années contribue à faire oublier le risque ;
- la prise en compte des risques majeurs est parfois encore
absente des décisions inhérentes à
l'aménagement.
J. Douvinet conclut son article en faisant le constat que les
maires se trouvent dans une position délicate pour appliquer les PPRI,
«subissant la pression par le haut (instances institutionnelles), avec
l'obligation de respecter les réglementations, mais
également par le bas (population), avec un électorat actuel ou
potentiel qui souhaite s'installer et enrichir
économiquement le territoire».
Les instruments d'autorités comme les PPR sont donc
relativement peu pertinents pour améliorer la résilience des
territoires. Leur application effective appara»t trts difficile, en
particulier car les contrôles et les sanctions mis en oeuvre contre les
municipalités «hors la loi» sont très rares.
2-2-3 Focus sur le regime d'indemnisation des catastrophes
naturelles
Nous continuons notre analyse des instruments de gouvernance
des risques majeurs par le «T» de notre classification
«NATO». Il correspond au «trésor» entendu
ici comme une capacité financiere. Nous prendrons l'exemple
emblématique du régime frangais
105 Johnny Douvinet et al, «Les maires face
aux plans de prévention du risque inondation (PPRI)»,
L'Espace géographique, Tome 40, 2011, p31-46
106 Source :
http://www.noe.gard.fr/index.php/observatoire-du-risque-inondation/indicateurs
d'assurance des catastrophes naturelles. Le régime
d'indemnisation «CatNatÈ (pour Catastrophes Naturelles) est un
instrument financier que peu de pays possedent.
Son principe est relativement simple. Tous les
propriétaires et locataires de biens immobiles (habitations, industries,
cultures) doivent payer une assurance. Celle-ci integre une partie fixe
(spécifique aux risques naturels) qui contribue à cotiser dans
une caisse de réassurance107. En cas de dommage suite
à un évenement naturel, un dossier CatNat peut être
établi pour faire reconna»tre par le gouvernement l'état de
catastrophe naturelle. Quand celui-ci est promulgué par
arrêté ministériel, la caisse de réassurance est
débitée pour couvrir les dommages des sinistrés.
Ce régime a ainsi pour objet principal le maintien
d'une solidarité territoriale vis à vis des risques naturels. La
relative simplicité de ce principe cache cependant l'extrême
complexité juridique du dispositif, qui suscite par ailleurs de
nombreuses critiques.
C'est l'un des constats développés dans le
récent projet de réforme concernant ce régime : «
Le regime d'indemnisation des catastrophes naturelles a
ete institue par la loi n ° 82-600 du 13 juillet 1982. Il
a demontre depuis sa creation son efficacite, en procurant une large couverture
des dommages resultant de catastrophes naturelles pour un coOt modere. Dans un
contexte mondial et national marque ces dernieres annees par une recurrence
accrue de catastrophes naturelles, il a cependant revele deux faiblesses : un
cadre juridique imprecis, dommageable à la transparence et à
l'equite du regime, et des mecanismes d'incitation à la
prevention insuffisants. »108
Les catastrophes naturelles survenues en France ces dix
dernieres annees, telles que la secheresse de 2003, la tempete Xynthia et les
inondations dans le Var en 2010, sont des exemples privilegies pour comprendre
les problemes de ce regime. En s'appuyant sur ces experiences, le projet de loi
portant reforme du regime d'indemnisation des catastrophes naturelles propose
de délimiter clairement le champ d'application du régime, en
précisant l'articulation du régime avec l'assurance construction
pour la prise en charge des risques liés à la sécheresse.
Il prévoit également que soit explicitée la
méthodologie permettant aux experts scientifiques d'apprécier
l'intensité des événements naturels.
Afin d'encourager la mise en oeuvre de mesures visant à
prévenir les risques naturels, le projet de loi permet une modulation
encadrée des cotisations d'assurance pour les entreprises et les
collectivités territoriales.
Pour conclure sur le régime CatNat, nous rappellerons
que l'assurance est un facteur primordial pour la résilience des
territoires. En effet, si nous reprenons la vision selon laquelle il n'est pas
possible d'anticiper et de prévoir tous les types d'aléa et leurs
conséquences, alors il est indispensable de prévoir des
mécanismes de dédommagement. Ceux-ci sont déterminants
pour reconstruire et rétablir l'économie du territoire.
L'assurance est donc un mécanisme permettant la résilience des
personnes et des biens, puisque l'indemnisation peut être pergue comme un
moyen de faire en sorte d'annuler les effets dommageables d'un
événement.
107 Exemple de la CCR (Caisse Central de
Réassurance) détenu à 100% par l'Etat frangais. Site
internet :
http:// www.ccr.fr
108 Sénat, « Projet de Loi portant reforme du
regime d'indemnisation des catastrophes naturelles
È,session ordinaire de 2011-2012, N°491, 3 avril 2012, 146p,
p3
Cependant, le paradoxe de ce système d'indemnisation
vient du fait qu'il n'incite pas la population et les entreprises à
prendre des mesures pour réduire leur exposition aux conséquences
des aléas. De plus, son mécanisme repose sur un équilibre
précaire qui risque d'être renversé dès l'apparition
d'une crise Çhors-cadres>.
2-2-4 Plan Communal de Sauvegarde (PCS) : l'organisation
contractuelle en tant de crise
Le dernier instrument de gouvernance des risques majeurs que
nous analyserons est l'organisation. Pour l'illustrer, nous prendrons l'exemple
de la contractualisation mise en place par la création du Plan Communal
de Sauvegarde (PCS).
Nous commencerons par présenter la notion de
Çsolidarité contractuelle>, et nous exposerons ensuite son
impact sur le design du PCS
2-2-4-1 La Çsolidarité
contractuelle>
La contractualisation a pour but de permettre aux pouvoirs
publics (Etat et
collectivités) de déléguer certaines de
leurs missions à d'autres organismes (collectivités tierces,
entreprises, associations) dans le cadre de marchés publics. Les
contrats sont des règles temporaires qui répondent à des
besoins de coordination et de co-financements. Ils sont sous cette optique un
instrument d'organisation de la gouvernance privilégié.
Il n'existe pas de texte général sur les contrats,
nous pourrons cependant distinguer trois grands types de pratiques:
- des documents d'orientation avec une charte, qui affiche une
volonté de coopérer, mais sans détail précis des
opérations
- des contrats de projet qui s'inscrivent dans un calendrier
budgétaire contraignant avec des opérations précises
- des contrats de programmation (exemple des contrats de plan
Etat-Région de la décentralisation), qui planifient les grands
investissements publics, et la programmation des crédits publics des
différents partenaires
Les caractéristiques communes de ces trois types de
contrats concernent l'accord réciproque des signataires sur les
objectifs du contrat, l'apport conjoint de moyens (financier, expertise,
service) à la réalisation de l'objectif fixé, l'accord sur
le calendrier, et la prévision de sanctions, si le contrat n'est pas
respecté.
Ces contrats font entrer de la souplesse. Cela permet ainsi de
renouveler les bonnes pratiques. Ils instaurent cependant une
multiplicité des tours de tables et un brouillage des
responsabilités qui provoquent un déficit de transparence des
décisions. De plus, les différents acteurs ne sont pas seulement
partenaires, ils sont également en compétition car ils n'ont pas
les mêmes priorités.
Le sociologue Stéphane Cartier revient sur la place de ces
contrats dans la gouvernance des risques majeurs dans un article109
de 2005.
Il insiste sur les nouvelles exigences de
sécurité territoriales pour expliquer le phénomène
de contractualisation. Celle-ci provoque selon lui, une nouvelle sectorisation
des problèmes en plusieurs entités : expertise, ma»trise
d'oeuvre, services de surveillance, de secours, et assurances.
Il explique que la Çsolidarité
contractuelleÈ devient une solution pour gérer la fluctuation des
responsabilités, dans le système complexe d'échanges qui
se met en place.
La délégation à des acteurs privés
dotés d'une bonne connaissance du territoire, devient ainsi une pratique
courante. L'évitement d'une responsabilité territoriale
communautaire pousse les collectivités à la contractualisation
avec des entreprises privées gestionnaires des risques. Sur ce
marché, dont l'Etat refuse d'assumer le monopole, les normes
commerciales se substituent alors aux règles légales comme source
d'autorité sur les comportements légitimes.
Pour étudier ce phénomène plus en
détail, nous allons maintenant présenter le Plan Communal de
Sauvegarde (PCS) et la façon dont il est organisé.
2-2-4-2 Design du PCS
C'est la loi de modernisation de la sécurité
civile du 13 aoUt 2004 qui a créé les outils nécessaires
au maire pour assumer pleinement son rTMle de partenaire majeur de la gestion
des événements de sécurité civile, en particulier
avec l'institution du Plan Communal de sauvegarde (PCS). Le PCS s'inscrit dans
la nouvelle démarche ORSEC (Organisation de la Réponse de
Sécurité Civile) : il constitue sa déclinaison au niveau
communal.
Le PCS est obligatoire pour toute commune soumise à un
risque majeur identiÞé par un Plan de Prévention des
Risques (PPR) approuvé, ou par un Plan Particulier d'Intervention (PPI)
pour les risques technologiques localisés. Son contenu et sa
méthode de mise en place ont été précisés
par le décret n°2005-1156 du 13 septembre 2005110 et par
trois guides111 de présentation de la démarche et de
la réalisation d'exercices, édités par la Direction de la
sécurité civile.
Sur les 10 546 communes soumises à l'obligation de
réaliser un PCS, 37,5% d'entre elles ont élaboré leur
plan. La réalisation de PCS par plus de 1000 communes non soumises
à l'obligation conÞrme cette tendance encourageante. Au total,
plus de 5000 PCS ont d'ores et déjà été
réalisés, toutes communes confondues. 112
109 Stéphane Cartier, Ç Les nouveaux protocoles
d'action publique dans la gestion des risques naturels È, Sous la
direction de Alain Faure et Anne Cécile Douillet, Ç L'action
publique et la question territoriale È, 2005, p 53-73
110
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006052410&dateTexte=20110725
111
http://www.interieur.gouv.fr/sections/a
l interieur/defense et securite civiles/search form?SearchableText=pcs
112 IRMa ( Institut des Risques Majeurs), ÇComment
garantir le caractère opérationnel du Plan Communal de
SauvegardeÈ, Risques infos, n°29, juin 2012, 27p,
p4-5
Le PCS est une obligation des communes qu'il leur est
impossible de déléguer à un autre organisme. Cependant,
lors de la réalisation du PCS, les mairies n'ont pas forcément
toutes les compétences pour mettre en place une organisation efficace
(en particulier pour les petites communes). Le but premier du PCS n'est pas de
répondre à une exigence légale, mais bien de construire
une organisation opérationnelle en réponse à des
scénarios de crises. La souplesse de la contractualisation s'inscrit
parfaitement dans cette mentalité, et ce à tous les niveaux de la
construction du PCS.
Nous allons présenter les différents niveaux de
contractualisation possibles relatifs au PCS. Pour cela, nous parlerons du
«design du PCSÈ.
Cette notion est légitime, car le rTMle du design est
de répondre à des besoins, de résoudre des
problèmes, de proposer des solutions innovantes, ou d'inventer de
nouvelles possibilités dans le but d'améliorer la vie (ou la
survie) des êtres humains.
Le premier niveau de contractualisation dans le design du PCS est
la formation. En effet, il faut former les agents, pour qu'ils puissent
être en mesure :
- d'édifier l'organisation des astreintes,
- de réagir rapidement, et
- de déclencher des actions face aux
évènements.
Les situations déclenchant le PCS au sein d'une commune
sont relativement rares, il est de ce fait peu mis en oeuvre sur le terrain. De
plus, la diversité des aléas et leur éventuelle
interaction peut conduire à l'application de tout ou partie du plan.
Comme le suggère l'IRMa dans une
publication113 de juin 2012, l'entra»nement et l'audit sont
donc indispensables pour anticiper tous les types de situations. D'une
étude de cas en salle à un exercice général
impliquant tout le dispositif et en faisant participer la population, les
simulations pilotées par des acteurs extérieurs aux services de
la mairie permettent de s'assurer de l'opérationnalité du PCS.
Le document consignant le PCS peut se limiter à des
«pense-bêtesÈ sous forme de fiches réßexe et
tout autre document opérationnel (tableau de recensement des moyens,
annuaire de crise,...). Pour les villes plus importantes, il est cependant
utile de faire appel à des sociétés de
spécialisation dans l'édition de logiciels
spécialisés dans la gestion du PCS. C'est le cas des logiciels
OSIRIS-Multirisques114, in-PCS115 ou
iAstreinte116.
Il est d'ailleurs intéressant de revenir sur la
genèse de ces outils. OSIRIS-Multirisque distribué par
la société DeltaCad était à l'origine un projet
intitulé OSIRIS-Inondation du CETMEF117
financé par l'Union Européenne. iAstreinte
distribué par la société Boréal Bussiness
était à l'origine une idée formulée par les
services de la ville de Bourges dans un cahier des charges.
113 IRMa (Institut des Risques Majeurs),
«Comment garantir le caractere operationnel du Plan Communal de
SauvegardeÈ, Risques infos, n°29, juin 2012, 27p
114 http://www.osiris-multirisques.fr/
115
http://incrisis.fr/in-pcs
116 http://www.iastreinte.com/
117 CETMEF : Centre d'Etudes maritimes et Fluvial
Nous assistons ainsi à une véritable
marchandisation des besoins en matière d'outils d'aides à la
décision. L'origine provient d'un besoin public clairement
identiÞé. Les cahiers des charges des acteurs publics aboutissent
à la création de nouveaux produits. L'innovation de ce nouveau
marché est stimulée par les liens qui lient les acteurs du
territoire.
La contractualisation dans le design du PCS peut
également intervenir lors de l'alerte. Les sociétés
GEDICOM118 ou CEDRALIS119 sont ainsi
spécialisées dans la Téléalerte. Ce service permet
de pallier les déÞciences du système national d'alerte des
populations constitués de sirènes, en envoyant des messages
écrits et vocaux aux habitants des zones à risques.
EnÞn, à une moindre échelle, les communes
peuvent également établir des contrats ou des conventions
(prévus dans le PCS) qui se déclenchent uniquement en cas
d'évènements. Ils permettent de faciliter les conditions de
réquisition de matériels ou de véhicules (tracteurs,
bateaux, etc.)
Pour conclure sur les instruments d'organisation, et en
particulier sur le rTMle des contrats dans le design du PCS, nous dirons que
même si les communes doivent autant que possible organiser
elles-mêmes leur propre structure de gestion des crises, l'apport de
compétences extérieures dans le cadre d'une
Çsolidarité contractuelleÈ est un élément
très bénéÞque à la résilience des
territoires. Cette contractualisation permet en effet de lier les
différents acteurs intervenants de la gouvernance locale des risques
majeurs, et elle permet également de voir ces risques comme des
opportunités pour développer l'économie du territoire
(gr%oce par exemple à des projets innovants).
2-2-5 L'évaluation : un nouvel instrument pour
gouverner les risques majeurs
Pour compléter notre analyse des instruments de
gouvernance des risques majeurs, nous allons étudier un cinquième
instrument, l'évaluation. Nous considèrerons en effet
l'évaluation comme un instrument au sens oü celle-ci permet
d'orienter les autres instruments et d'analyser leur efÞcacité.
Nous commencerons par expliquer l'utilité de
l'évaluation avant de présenter une expérimentation
d'évaluation dans le champ des risques majeurs.
Comme le souligne le chercheur Bernard Perret, Ç
les évaluations ont pour but d'appliquer les théories,
méthodes et techniques des sciences sociales pour porter des jugements
relatifs à l'utilité, l'efÞcacité, et la
responsabilité dans les organisations gouvernementales et non
gouvernementales, dans le but de stimuler l'apprentissage organisationnel.
»120
L'évaluation est un processus dynamique qui ne
s'achève jamais et qui peut être
intégré directement à la mise en Ïuvre, par
exemple via l'utilisation de tableaux de bords.
118 http://www.gedicom.fr/
119 http://www.cedralis.net/
120 Bernard Perret, ÇL'évaluation des
politiques publiquesÈ, Informations sociales, octobre
2003
L'evaluation participe ainsi pleinement à l'amelioration
continue des actions mises en oeuvre.
L'évaluation utilise les études
scientiÞques et le «benchmarking»121 pour
aider les décideurs. L'évaluation est donc un outil d'aide
à la décision, mais c'est aussi un outil de transparence qui
participe à la démocratisation et au contrTMle par les citoyens
des politiques. Le développement de l'évaluation permet ainsi de
développer le débat public.
La stimulation de l'apprentissage organisationnel,
évoqué par B. Perret, est un facteur très important pour
la résilience des territoires. En effet, la connaissance partagée
des points forts et des pistes d'amélioration fournis par
l'évaluation s'inscrit pleinement dans la démarche
systémique de mise en place d'une stratégie de
résilience.
L'évaluation peut concerner les acteurs et les
institutions, les usagers, les services ou les instruments. Il existe cinq
grandes méthodes d'évaluation :
- l'approche par les objectifs ofÞciels des politiques
- l'approche par l'optimisation des moyens engagés (qui
vise l'efÞcience)
- l'approche par les effets qui évaluent la production
(positive ou non) des actions - l'approche par les processus
qui évaluent la mise en oeuvre des actions
La méthodologie d'évaluation de la
résilience que nous avons présentée en 1-2-1-2 est un
exemple d'évaluation par les objectifs des politiques. Ces
évaluations globales de la résilience sont encore très
rares.
Nous présenterons maintenant une expérimentation
d'évaluation qui a été réalisé par
l'Institut des Risques Majeurs de Grenoble (IRMa). Elle fat
présenté par Frangois Giannoccaro, Directeur de l'IRMa, lors de
la rencontre 122 du 21 juin que nous avons déjà
mentionnée.
En s'appuyant sur un retour d'expérience de la ville de
Pont-de-Claix (Isère, 11000 habitants), F. Giannoccaro exposa le but
principal de cette expérimentation : évaluer la perception et la
connaissance des risques dans le temps.
Après avoir constaté la rareté des
études sur le sujet123, la méthodologie
employée fat présentée : les habitants sont soumis
à un meme questionnaire sur leur perception des risques majeurs, avant
et après la campagne de communication. Les résultats sont ensuite
traité statistiquement.
Cette évaluation avait plusieurs objectifs :
- apprécier la réceptivité aux messages de
prévention
- mesurer le niveau d'impact des supports d'information et de
communication (DICRIM, média,...)
- évaluer les politiques publiques d'information
préventive des populations
121 «benchmarking» : méthode d'analyse
comparative
122 Francois Giannoccaro, « Comment
ovaluer les actions d'information preventive mise en oeuvre au niveau local
», Rencontre Technique «L'information preventive et la
communication sur les risques majeurs», organisé par le
Réseau Risque en partenariat avec l'IRMa, Hémicycle du Grand
Lyon, 21 juin 2012
123 Seul l'Institut de Radioprotection et de
Sûreté Nucléaire (IRSN) a mis en place un baromètre
de ce type depuis 1988
L'évaluation a ainsi permis de justifier les
investissements consentis (amélioration des résultats apres la
campagne), mais également de mieux comprendre les mécanismes
à l'origine du déni du risque ou de la surévaluation de
celui-ci.
Conclusion
Pour répondre à notre problématique-titre
: «Quelle gouvernance des risques majeurs pour une meilleure
resilience des territoires ?», nous avons organisé notre
réßexion suivant deux axes distincts. Notre premier axe
étudie l'évolution de la pensée scientiÞque et
politique sur les risques majeurs qui a fait émerger le concept de
résilience des territoires. Le second axe, plus empirique, analyse la
gouvernance frangaise des risques majeurs. La synthese de ces
réßexions va nous permettre d'esquisser une réponse
à notre problématique.
Comme nous l'avons vu, les politiques jouent un rTMle de
premier plan dans la gouvernance des risques majeurs. L'impératif
sécuritaire, à l'origine de l'action publique, a
accompagné l'idée selon laquelle la population doit être
protégée face aux aléas naturels et anthropiques. La
gestion des risques majeurs a donc été pendant longtemps une
mission exclusive de l'Etat qui a déployé toute son expertise
pour ma»triser les aléas.
La complexiÞcation grandissante de nos
sociétés remet aujourd'hui en cause cette conception. En effet,
la société devient de plus en plus vulnérable. La
croissance des enjeux humains et matériels couplée à
l'apparition de crises «hors-cadres, nous amene aujourd'hui à
changer de paradigme. Il nous faut passer d'une vision technique sectorielle
des aléas, à une vision systémique et globale de la
vulnérabilité des territoires.
La réduction de cette vulnérabilité passe
par l'adoption d'un nouveau concept : la résilience. Plus qu'un simple
effet de mode, ce concept est révélateur d'un mouvement de fond,
qui au même titre que le développement durable, s'impose peu
à peu dans les mentalités des experts et des décideurs.
Les programmes internationaux de promotion de la résilience et les
stratégies nationales de certains pays occidentaux marque cette
évolution.
Vue comme une capacité systémique, la
résilience permet de comprendre les mécanismes régissant
certains systemes complexes (organisations, villes, territoires). La
résilience des territoires insiste ainsi sur les dimensions spatiales,
techniques et sociales des risques majeurs, aÞn de fournir des clefs de
compréhension aux décideurs.
La révélation de l'utilité du concept de
résilience pour gouverner les risques majeurs représente
l'élément déclencheur de la mise en place d'une
stratégie de résilience des territoires.
Pour améliorer la résilience des territoires, il
est donc indispensable que les décideurs integrent son concept, qu'ils
le comprennent, et qu'ils le traduisent dans leur mode de gouvernance, jusque
dans le droit.
Les institutions et les acteurs ont une importance capitale pour
atteindre cet objectif.
Les institutions doivent se structurer localement, selon les
territoires de risques (en intercommunalité, ou autres
établissements publics), et être capables de gérer seules
les risques majeurs de leur territoire dans leur globalité, via par
exemple, la création de services «Risque et résilience
spéciÞques. L'Etat doit soutenir ce mouvement de gestion locale
des risques majeurs, en évoluant vers un rTMle de support des
collectivités et en organisant les conditions d'échanges des
autres acteurs. Les élus et les fonctionnaires doivent développer
leur connaissance pour intégrer le nouveau paradigme de la
résilience, et se former à la gestion de crise. Les entreprises
privées et les associations
doivent se coordonner pour fournir un appui aux
décideurs locaux. Cela passe entre autres, par une mise en
réseaux des acteurs, qui est bénéfique à la
normalisation des bonnes pratiques et à l'innovation. Enfin, les
citoyens doivent être pleinement intégrés dans la
gouvernance des risques majeurs, via leur participation aux décisions
(lors de concertation), mais également via leur implication dans la
sauvegarde de leur territoire (réserves communales de
sécurité civile). Cela permettra de stopper la
Çvictimisation> des sinistrés, mais également de
développer la solidarité locale et le sentiment de
citoyenneté.
Pour édifier cette gouvernance des risques majeurs, il est
nécessaire de faire évoluer, de développer et de
réorienter nos instruments.
L'utilisation des nouvelles technologies de l'information et
de la communication (NTIC), et en particulier des réseaux sociaux,
serait bénéfique à l'implication de la population car
elles établissent un lien de confiance entre citoyen et décideur
qui est très utile en temps de crise. La sensibilisation de la
population pourrait d'ailleurs s'appuyer sur une véritable campagne de
communication, d'ampleur nationale, sur les risques majeurs et les
comportements à adopter.
Les mesures urbanistiques contraignantes comme les PPR (plans
de prévention des risques) étant peu efficaces (peu de
contrôle et de sanctions), coUteuses (expertise, expropriation, etc.) et
très chronophages, il pourrait être envisagé d'adapter leur
mise en oeuvre.
L'assurance financière des sinistres participe de
manière très importante à la résilience des
territoires. Les dispositifs d'indemnisation des catastrophes (du type CatNat)
doivent cependant s'adapter pour être plus transparents, et pour inciter
davantage à la prévention. La solidarité contractuelle
participe également à l'amélioration de la
résilience des territoires. Elle permet de forger des partenariats
locaux pour gérer les sinistres. Leur formalisation au sein des Plans
Communaux de Sauvegarde mérite donc d'être
développée.
Et enfin, l'évaluation doit évoluer du stade
expérimental actuel vers une généralisation. Nous
pourrions ainsi imaginer que chaque département devrait mettre en place
un indice de résilience du territoire face aux risques majeurs.
La gouvernance des risques majeurs à même de
développer la résilience des territoires doit donc s'appuyer sur
une évolution des paradigmes de la gestion des risques vers une
stratégie construite de résilience des territoires. Celle-ci
nécessite de redéfinir l'échelle du rôle de chaque
institution, et les liens entre les acteurs, au milieu duquel le citoyen doit
avoir une place entière. Pour cela, le mixage des instruments de la
gouvernance doit également évoluer. La gouvernance devrait ainsi
moins utiliser les instruments autoritaires, et plus valoriser les instruments
de nodalité et d'organisation. Il restera alors à mettre en place
une évaluation périodique de ces dispositifs pour ajuster au
mieux cette nouvelle Çgouvernance de la résilience>.
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http://www.enisa.europa.eu/front-page/media/
news-pictures/resilience-metrics-video
Ç Habiter les territoires à risques - Valerie
November -
ppur.org È,
Vidéo de présentation du livre, mis en ligne de 21/12/2011
par Polytecpress, 4min42 - URL :
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<Application smartphone Risques NiceÈ,
Vidéo de présentation par la ville de Nice, 1:14, 27 juillet 2012
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Espace Ethique AP-HP, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. Interview
and film director : Patrice Dubosc.
http://www.espace-ethique.org/fr/grippe.php
Sites internet
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http://www.larousse.fr
http://www.eqecat.com/
http://www.unisdr.org/campaign/resilientcities/
http://www.resalliance.org/
http://www.debatpublic.fr/
Remerciements
Je tiens à remercier toutes les personnes qui m'ont
aidé à réaliser ce mémoire, et tout
particulièrement :
- Mon directeur de mémoire M. Fabrice HAMELIN, pour son
temps, et gr%oce auquel j'ai grandement nourri ma réßexion ;
- Ma responsable de stage, Mme. Louise SKUBICH, pour ses conseils
avisés ; - Mes collègues de travail, pour leur jovialité
et leur soutien ;
- Mes parents et mes proches, pour leur patience et leur
assistance.
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