Quant s'envolent les grues couronnées et refrains sous le Sahel ou l'expression de la modernité poétique chez F. Pacéré Titinga( Télécharger le fichier original )par N'golo Aboudou SORO Unversité de Bouaké - Maà®trise 2003 |
d-2 Les MétonymiesEn poésie où la similarité est projetée sur la contiguïté toute métonymie est légèrement métaphorique, toute métaphore à une teinte métonymique1(*)06 affirme Léon YEPRI qui cite Roland Barthes. Cependant, la métonymie se définit en tant qu'écart de type paradigmatique par lequel l'émetteur substitue un S2 à un S1 normalement attendu de façon à signifier un rapport de contiguïté entre eux1(*)07. Avec PACÉRÉ: « le champ métonymique-synecdoctique, le signifiant est en déplacement, sinon en déconstruction tout le long du vers, pour ne pas dire tout le long du texte »1(*)08. Le texte "pacéréen" est une "rhétorique métonymique généralisée" 1(*)09, ainsi que le dit YEPRI Léon dans son ouvrage que nous avons déjà cité. Examinons LA DEUXIEME GUERRE, pour y découvrir quelques métonymies particulières : "OUVREZ TOMBEAUX ! OUVRESHECATOMBES !" Dans cette strophe, la mort est représentée par "TOMBEAUX" et "HECATOMBES". En effet ces deux paradigmes entretiennent une relation d'équivalence fondée sur un même signifié: "La Mort". Et l'image est d'autant plus remarquable que l'auteur a écrit cette strophe en lettres majuscules. Le verset suivant : "C'est l'arrêt suprême de notre destin!", qui est un euphémisme, est également une métonymie. Ici les signes S1et S2 sont: Mort / Arrêt suprême de destin. Le second a pris la place du premier, non seulement pour éviter de choquer, mais aussi pour donner cette image de fatalité qui accompagne le Nègre : le destin. A la strophe D, nous relevons également : "Nous ploierons sous notre puissance Toutes les ambitions des Trônes !" La métonymie est d'autant plus frappante ici que les Trônes font partie intégrante du pouvoir, de la monarchie. Par cette image, le poète dénonce la dictature et l'hégémonie des monarchies européennes que nous devons vaincre. Ainsi que le souhaite le poète burkinabé dont la poésie est hautement utilitaire comme jadis la poésie du Tam-tam (du bendré) ou comme l'est encore dans nos contrées loin des villes, la poésie au clair de lune. Comme nous pouvons le constater, la poésie "pacéréenne", à l'image de celle de tous les continents et de toutes les sociétés humaines, est une poésie ou foisonnent phénomènes réitératifs, métaphores, métonymies, rythmes et sonorités. Il est on ne peut plus claire que la "parole poétique africaine renferme nécessairement un aspect de l'expérience linguistique universelle. De ce fait, elle peut être élucidée par les normes de la linguistique classique"1(*)10. C'est ce que nous venons de démontrer. Il reste maintenant que les poètes de la deuxième génération1(*)11, ZADI ZAOUROU, J.M. ADIAFFI, F.T. PACERE, ... ont tenté de retrouver la parole poétique africaine traditionnelle. Cette parole, dont Hamadou HAMPÂTÉ-BÂ dit qu'elle est pour les bambins une histoire fantastique, pour les fileuses, un passe-temps délectable et pour les mentons-velus et les talons-rugueux, une véritable révélation.1(*)12 Chez les mossé, ainsi que l'affirme PACERE dans son ouvrage, Le langage des tam-tams et des masques en Afrique1(*)13, la parole poétique est une affaire d'élite et c'est pour cela que depuis des millénaires on n'a pas voulu qu'elle soit dite non par la bouche, mais qu'elle soit "proférée" par le bendré, le tam-tam. En effet le langage du tam-tam est un langage ésotérique. Pour y accéder il faut être initié. Dans la société traditionnelle africaine, l'ensemble des initiés constitue l'élite. Seule cette élite est capable de décoder le discours de l'Attougblan chez les Akans,du Tabingue chez les Sénoufos ou de l'arc musical chez les Didas et les Bétés (peuples de Côte d'Ivoire). C'est une poésie au rythme complexe que diffuse ces instruments qui jadis servaient de moyens de communication. C'est donc cette poésie sacrée et "poly-rythmique" que tente de faire ressurgir dans D'Éclairs et de Foudres, Césarienne, Quand s'envolent les grues couronnées, nos poètes actuels. C'est cela aussi la modernité: s'ingénier à "cloturer"1(*)14 cette poésie jadis ouverte. Pour l'analyse du caractère particulier de cette parole médiatisée ou tambourinée que l'on retrouve dans la poésie du poète burkinabé nous allons avoir recours à l'axe symbolique proposé par ZADI Zaourou et qui complète les axes paradigmatique et syntagmatique, définit par Roman JAKOBSON qui définissent les rapports entre les signes d'une langue sur la chaîne parlée. 2. La fonction symbolique
Axe paradigmatique Axe syntagmatique Axe symbolique Les axes se présentent comme suit: LE SCHÉMA DES TROIS AXES Les axes paradigmatique et syntagmatique définis par Roman Jakobson rendent compte parfaitement de l'expérience de la parole européenne, ainsi que l'affirme ZADI Zaourou, dans ouvrage Césaire entre deux cultures, que nous avons déjà cité. En effet, l'axe paradigmatique est celui de l'équivalence des mots. Ils est aussi appelé l'axe des sélections. Sur cet axe, il s'agit bien d'équivalences sémantiques et nous y retrouvons les tropes ou images qui participent de la poéticité de toute poésie, qu'elle soit européenne ou non. Le deuxième axe est celui des combinaisons. Sur cet axe la juxtaposition des mots est privilégiée. C'est là que la parole prend forme pour devenir phrase ou tout autre élément capable de traduire la pensée. A ces deux axes s'ajoute l'axe symbolique ou la fonction initiatique propre à la parole africaine. Ce troisième axe est apparu parce que les deux premiers sont incapables de traduire toute la poéticité de la parole poétique orale ou tambourinée de l'Afrique noire. Il comprime les deux premiers et lie à lui la fonction rythmique. C'est donc les fonctions initiatique et rythmique de cet axe qui révèlent le mystère de l'art africain de la parole. Nous allons le retrouver dans Quand s'envolent les grues couronnées et Refrains Sous le Sahel, de Titinga PACERE. En effet, dans ces recueils, la poésie pacéréenne, qui s'enracine profondément dans la culture mossé, contient des mots dont la valeur ne se détermine pas uniquement par les mots qui les entourent sur la chaîne parlée. Ces mots, ont une valeur qui préexiste à leur intégration à la chaîne parlée. Du point de vue des travaux de B. ZADI Zaourou le symbole est à décoder à trois (3) niveaux: a- La symbolisation au 1er degré A ce niveau, le symbole et la métaphore se confondent plus ou moins. Les relations sont objectives, qui existent entre les phénomènes, les choses et les êtres. La symbolisation au 1er degré ne crée pas de relations nouvelles. Elle ne fait que rendre compte de celles qui préexistent. Exemple 1: Quand s'envolent les grues couronnées. Relation d'origineQuand s'envolent les grues couronnées. - plus riens du passé Il ne reste que de loin en loin Adieu forêt de Koumbaongo (pp.26-29-36) Qui n'appellent plus les initiés trait sémantique Adieu forêts et termitières dominant = LA MORT - Quand voleront les grues couronnées (p.47) * 106 Roland Barthes, "Eléments de sémiologie" in Communication IV, Paris, Seuil, 1964 cité par YEPRI (Léon) Opt.cit , p.167. * 107Claude (P.) & Bernard Colula, Didactique de l'expression, op. cit., p 125. * 108 Léon YEPRI, Op. cit., p 169. * 109 Léon YEPRI, id., p.161. * 110 IPOU (Ludovic), Etude de la fonction initiatique du langage symbolique dans D'éclairs et de foudres, de J. M. Adiaffi, Université de Cocody (Côte d'Ivoire), 1996. * 111 Selon Pius N'gandu N'kashsma, Le mouvement de la Négritude s'étend de 1930 à 1970; Les poètes de cette période sont considérés comme ceux de la première génération dans la littérature écrite africaine. La deuxième génération, quant à elle comprend les poètes dont les écrits datent des années 1970 jusqu'aux années 1990. Op.cit., p.229. * 112 Ahmadou Ampaté-Bâh, Kaydara, NEA, Abidjan, 1978, p.17. * 113 Le langage des tam-tam et des masques en Afrique , op. cit., p. 83. * 114 En effet, PIUS N'gandu, fait la dichotomie entre oralité-ouverture et écriture-clôture dans son ouvrage Littérature africaine de 1930 à nos jours, silex, 1984, p. 16. |
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