Quant s'envolent les grues couronnées et refrains sous le Sahel ou l'expression de la modernité poétique chez F. Pacéré Titinga( Télécharger le fichier original )par N'golo Aboudou SORO Unversité de Bouaké - Maà®trise 2003 |
DEDICACE A notre père SORO Nibaha, "In memorium". En ce jour heureux, nous pensons plus que jamais à toi. A notre mère SORO Gnoh, qui crut en notre père en nous laissant aller à l'école, A nos oncles maternels SORO Gnamagnélé-Zié et SILUE Porofina, pour leurs soutiens matériel et financier dont nous avons été l'objet, A notre épouse Noubon Léa, pour les sacrifices consentis, A notre fils SORO Magnigui Hermès, qui nous espérons, fera plus que nous. REMERCIEMENTSNous voudrions ici savoir gré à tous ceux qui, de près ou de loin, ont apporté leur pierre aussi modeste et modique soit-elle, à la réalisation de ce travail qui constitue notre premier balbutiement dans le domaine de la recherche. Nous exprimons notre gratitude tout d'abord à notre maître, Directeur de notre mémoire, le Dr. DADIE Djah Célestin, Maître-Assistant à l'Université de Bouaké, sans qui ce travail serait resté au stade mythique du rêve. En effet, il n'a jamais ménagé aucun effort pour nous recevoir, répondre à nos sollicitations ou nous donner les conseils indispensables à la poursuite de ce travail. Il n'a cessé de nous apporter son encadrement précieux malgré la situation de déplacé de guerre dans laquelle il s'est retrouvé après le 19 septembre2002. Nous lui sommes très reconnaissant pour tous les efforts, voire tous les sacrifices consentis pour nous et qui ont permis que ce travail aboutisse. Qu'ensuite les initiateurs de l'Université de vacances et tous ceux qui travaillent à l'institutionnaliser, acceptent ici, nos sincères remerciements. Nous voudrions particulièrement dire merci au Professeur ZIGUI Kolea, aux Docteurs MONNET Agnès et KOSSONOU François, ainsi qu'à toute la direction de la formation continue de l'ENS et aux responsables de l'Université de Bouaké, particulièrement ceux de l'UFR de Communication Milieu et Société, pour leur collaboration. En effet grâce à la clairvoyance de toutes les personnes ci-dessus citées, ce qui était pour nous et pour bien d'autres enseignants du primaire une utopie, est devenue une réalité. Nous voudrions aussi exprimer toute notre gratitude à certains de nos proches: à notre mère pour ses bénédictions ; à notre frère aîné Docteur SORO David- Musa et à notre ami et frère OUATTARA Dotana pour le soutien moral, spirituel et matériel qu'ils nous ont apporté tout au long de ce travail. Enfin nous voudrions dire merci à tous ceux qui nous ont soutenu tout au long de l'élaboration du présent travail. Le mot poème, selon l'étymologie, vient du grec "poiema" et du latin "poema" qui signifient : faire, créer. Ainsi, la poésie est un "art du langage visant à exprimer ou à suggérer quelque chose par le rythme, l'harmonie et l'image". Et cet art du langage existe chez tous les peuples ainsi que le reconnaissent les auteurs du Dictionnaire des Littératures de la langue française, J-P de Beaumarchais, D. et Alain Rey, qui affirment que: « Toute communauté humaine aussi loin que nous pussions la rejoindre dans l'espace et dans le temps utilise le langage d'une façon particulière, correspondant à ce que nous appelons "Poésie" » . De ce qui précède, l'approche définitionnelle que donne Quicherat dans son Traité de versification française et selon laquelle la poésie est "l'art de faire des vers" ou encore "l'art de faire des ouvrages en vers", est sommaire et incomplète. En effet cette définition de la poésie ne prend pas en compte toutes les dimensions de cet art du langage commun à tous les peuples. Pour mieux l'appréhender référons-nous à Bernard ZADI Zaourou, chez qui la "parole poétique" est un « joyau accroché à la cime d'un arbre ». Ainsi que nous le constatons, ZADI donne une dimension plus précieuse, plus mystique, à la poésie et surtout lorsqu'il écrit dans sa thèse d'Etat que « la poésie réalise sa parole en concassant les mots [...] en leur faisant même porter des masques »1(*). En nous tournant vers Senghor, nous nous rendons compte que ce «joyau » est l'espoir du monde, d'où la mesure cosmique, universelle et parfois métaphysique que ce poète de regretté mémoire donne à la poésie. Enfin, Heidegger affirme que "ceux qui exercent cet art ont senti la présence des dieux enfuis et ils ont le pouvoir de montrer à leur peuple déprimé le chemin de revirement". Qu'il soit donc africain, américain, européen ou asiatique, le poète est un créateur qui prend en compte les aspirations de son époque, de sa société. En effet comme le disent les sociologues de la littérature, l'oeuvre d'art à un rapport avec la société, l'époque auxquelles appartient l'artiste. C'est fort de cette réalité que nous nous proposons de traiter dans le cadre de notre mémoire de maîtrise le sujet dont l'intitulé est le suivant: Quand s'envolent les grues couronnées et Refrains sous le Sahel ou l'expression de la modernité poétique chez PACERE Titinga Frédéric. Avant d'aller plus loin, un mot sur le corpus. En effet Refrains sous le Sahel et Quand s'envolent les grues couronnées Forment avec Ça tire sous Le Sahel, ce que l'on a baptisé depuis, la trilogie de 1976 de PACERE. De cette trilogie, Refrains sous le Sahel est la première oeuvre. Dans ce recueil, l'auteur chante son terroir natal, "Manéga," d'après Ilboudo G. qui continue en disant que le Sahel, où la sécheresse du sol et la pauvreté des hommes sévissent inexorablement, altère de temps en temps le chant. OEuvre de jeunesse, Refrains sous le Sahel est lyrique à la manière des oeuvres romantiques que l'auteur affirme d'ailleurs avoir pratiquées dès la classe de seconde à Dabou en Côte-d'Ivoire. Quant à Quand s'envolent les grues couronnées, il fond en un seul souffle, « dans l'espace d'une chaîne d'écriture(s) les souvenirs de " Manéga ", d'une "Timini" » morte, et l'itinéraire du personnage de "Tibo" qui se superpose et se confond avec celui des grues couronnées. Et tout cela sous le regard ou la conduite du philosophe à la barbe de poussière qui nous rappelle constamment cette devise que l'auteur à fait sienne : « Si la branche veut fleurir Quelle n'oublie pas ses racines. » Ces quelques lignes nous permettront d'élucider notre sujet. En effet, pour les auteurs du Dictionnaire Universel des Littératures, est moderne ce qui se définit par rapport à son émergence dans le temps comme présent. Le terme de modernité implique donc une certaine rupture dans le temps entre le passé et le présent. Du point de vue de l'histoire occidentale, les temps modernes commencent avec la chute de Constantinople en 14532(*) et elle va jusqu'à la révolution française de 1789. Cette période est marquée par les progrès de la technique et par les grandes découvertes. En effet aux XVè et XVIè siècles, «deux inventions dominent les progrès de la technique : l'imprimerie et l'artillerie »3(*). A ces inventions, il faut ajouter la caravelle4(*) et l'astrolabe5(*) qui vont permettre aux occidentaux de voyager loin en mer et de découvrir l'Amérique en 14926(*). Grâce à l'oeuvre de Copernic également, le centre de l'univers sera transporté de la terre au soleil. A partir donc du XVè siècle, va se dégager une nouvelle vision du monde et de l'homme chez l'Européen, puisque "la configuration générale de la terre se dégage enfin des obscurités où l'avaient laissée les géographes de l'Antiquité"7(*). Mais cette nouvelle conception de l'homme et du monde est surtout motivée par la découverte d'autres civilisations. L'humanisme helléniste aidant, le rapport de l'homme avec Dieu n'est plus le même que celui du siècle passé. L'homme s'affirme libre dans le déploiement de ses facultés, son intelligence, son travail, son sens de la beauté8(*). Et en littérature, précisément en poésie, cette liberté de penser et d'apprécier va entraîner vers la fin du XVIIè siècle une grande crise. La querelle des anciens et des modernes qui se cristallisera au XIXè siècle avec le romantisme puis l'esprit nouveau au XXè siècle. En outre, cette période baptisée par les historiens: les temps modernes, avec ses inventions, ses grandes découvertes et ses progrès techniques, prépare l'Etat moderne9(*). Dans L'histoire1(*)0 de Malet & Isaac, les auteurs de "Naissance du Monde moderne" font coïncider les débuts du monde moderne avec la révolution européenne de 1848. En France, cette révolution a abouti à la proclamation de la seconde République et avec elle, l'institution du suffrage universel, le vote à 21 ans, l'éligibilité à 25 ans, la liberté de presse et de réunion et l'abolition de l'esclavage. Et même si Louis Napoléon fait resurgir la dictature sous le second empire (1852-1870), la graine de la liberté est déjà semée, caractéristique de la modernité. Il en sera de même ailleurs en Europe. Cependant, 1850 est le début véritable de la nouvelle civilisation européenne. En effet c'est à partir de cette date que vont s'affirmer et se poursuivre en s'actualisant "les transformations qui ne faisaient auparavant que s'ébaucher"1(*)1 . On assiste donc aux progrès de la science qui aboutissent à des découvertes révolutionnaires. De nouvelles inventions se font de même que la vulgarisation de celles des périodes précédentes1(*)2. La vie économique et l'organisation socio-économique se modifient considérablement. L'on note également un fort taux de croissance démographique dû aux progrès en médecine. En somme, à partir de 1850, l'Europe va connaître un bouleversement dans tous les domaines et le "vieux continent" n'assumera pas seul les conséquences de ces transformations profondes. Grâce à sa supériorité technique et militaire, l'Europe va étendre son hégémonie sur le reste du monde par sa politique mercantile et impérialiste. Du point de vue de l'histoire africaine, c'est vers le XVè siècle que les premiers européens vont prendre contact avec les Noirs d'Afrique sur leur sol. De ces premiers contacts avec les grands voyageurs tel que Vasco de Gama, l'Afrique va garder un souvenir qui très vite passe au cauchemar. En effet, dès 14421(*)3 des négro-africains seront capturés et envoyés au Portugal, ensuite vers les Amériques pour remplacer les Amérindiens dans les plantations de canne à sucre, de coton, de café et de cacao. A cette époque, la rupture dans le mode de vie chez le négro-africain, n'est pas encore trop perceptible, mis à part ceux des côtes qui commencent à parler la langue de l'étranger ; mais surtout à utiliser la pacotille qu'ils recevaient des négriers en échange des esclaves. Les pacotilles, les étoffes, vont se propager dans toute l'Afrique au fil des ans et des siècles, mais la modernité commencera avec la colonisation. En effet, la véritable rupture avec le passé commence chez le négro-africain, au moment où le Blanc décide de s'installer dans ses villages. Nous sommes au XIXè siècle, siècle à partir duquel, l'Afrique est arrachée aux africains comme le dit Joseph Ki-Zerbo1(*)4. C'est à partir de ce siècle que vont commencer les grands changements en Afrique noire ainsi que l'affirment les auteurs de l'histoire générale de l'Afrique qui écrivent : "Jamais dans l'histoire de l'Afrique des changements ne se sont succédé" avec une aussi grande rapidité que pendant la période qui va de 1880 à 19351(*)5. L'institution scolaire sera par excellence le lieu où va se consommer le bouleversement des idées et des croyances des africains. Dans son alibi de mission civilisatrice, le Blanc va apprendre aux petits Nègres, sa langue, son alphabet, ses manières de s'habiller et de manger1(*)6. A l'école, le petit nègre va apprendre à aimer la culture et les valeurs européennes. C'est ainsi que les premiers hommes de lettres vont pratiquer Homère, Virgile, Ronsard, Racine, Charles Perrault, Hugo, Baudelaire, Rimbaud, Claudel, André Breton, qui vont tous les influencer ainsi que nous le verrons dans le cas pratique de PACERE. Comme nous venons de le voir, les historiens ont une conception de la notion de modernité qui peut nous être utile dans la mesure où elle implique une rupture avec le passé ou entre les modèles du passé et ceux que le présent peut ou doit élaborer. Du point de vue de la littérature occidentale, la modernité amène à penser à la fameuse querelle des Modernes et de Anciens de la fin du XVIIè siècle. Cette grande querelle littéraire qui vit la victoire des Modernes, a abouti au renouvellement des formes et à la valorisation du génie individuel. En effet les Modernes préconisaient la liberté de création suivant le génie propre du poète ou de l'artiste. Cependant le terme ``modernité'' apparaît chez Balzac en 18221(*)7 avec le sens d'époque moderne depuis la renaissance italienne au XVè siècle. En revanche, chez les poètes africains, la modernité se caractérise par l'adoption de l'écriture et la transposition de la poésie orale dans leurs oeuvres poétiques écrites en langues européennes. Que ce soit dans les poésies occidentale ou africaine, la notion de modernité implique une rupture entre les modèles du passé et ceux du présent, soit au niveau formel et/ou au niveau thématique. Cette rupture est indispensable au renouvellement et à la croissance de la littérature en générale et la de poésie en particulier. Dans la poésie négro-africaine, le concept de modernité peut aussi s'appréhender comme ce qui fait de la parole poétique, une poésie spécifique, particulière. C'est-à-dire qui se distingue assez nettement des autres poésies tout en ayant une portée universelle. Etudier donc la modernité dans la poésie de PACERE, à partir des deux textes témoins, consistera pour nous à montrer que sa parole poétique ne restitue pas, mais « retrouve » la parole médiatisée ou orale mossé et partant africaine. Nous montrerons surtout que le retour aux sources est fait par le poète en tenant compte du goût, des règles, de l'esthétique et des aspirations de l'Afrique actuelle, de la jeunesse de ce XXIé siècle. En somme, notre tâche consistera, tout au long de ce travail, à décrypter la poésie de PACERE dans les deux oeuvres choisies, pour montrer que la « plongée » dans la culture africaine effectuée par celui-ci met à la disposition de la jeunesse africaine quelque chose de tangible pour lui permettre d'aller au village planétaire avec les peuples des autres continents. Ces investigations nous amèneront certainement à nous intéresser au milieu socioculturel mossé pour voir ce qui relève de la tradition et peut servir de levain à la société moderne, ainsi que dans la poésie de PACERE est la marque indélébile de la modernité. En somme, ce qui dans la tradition retrouvée peut être utile à la société actuelle et future. Après avoir tenté d'élucider notre sujet, nous verrons la motivation qui nous y a poussé. Pourquoi la poésie de PACERE ? Les raisons sont d'ordre psychologique et scientifique: Au niveau psychologique, nous confessons que nous avons été charmé par le poète burkinabé le 25 février 2000, alors que nous étions en année de Licence, lors d'une cérémonie de remise de diplômes à l'Ecole Normale Supérieure d'Abidjan (E.N.S) à l'amphithéâtre Mamadou COULIBALY. C'était la première cérémonie du genre que l'Université de Vacances organisait pour honorer ses premiers étudiants. Quant aux raisons scientifiques, nous pensons que l'avocat-poète, en lieu et place d'une imitation servile des modèles antiques (africains mais aussi européens), a inventé avec la langue et les vérités de son temps. Ainsi pensons-nous que l'auteur de Quand s'envolent les grues couronnées, échappe à sa terre natale pour appartenir et servir de modèle à l'Afrique et au monde. C'est fort de toutes ces raisons psychologique et scientifique que nous nous sommes engagé à décrypter Quand s'envolent les grues couronnées et Refrains sous le Sahel, conformément à notre sujet présenté au début de cette introduction. Notre réflexion s'articulera suivant trois grandes parties. La première sera consacrée à la définition et à l'émergence du concept de "modernité" dans la poésie. Dans la deuxième partie, nous mettrons en exergue les manifestations de ce concept dans le corpus choisi. Enfin, nous dégagerons dans la troisième partie, la signification profonde qui sous-tend les deux oeuvres et partant toute l'oeuvre poétique de PACERE. Pour mener notre réflexion, quelles méthodologies appliquer? La perspective dans laquelle nous plaçons notre étude, nous impose de recourir à trois méthodes pour saisir la quintessence du corpus choisi du point de vue de notre sujet. Nous allons recourir à la stylistique et à la sociocritique. Avant d'aller plus loin, nous tenterons de définir chacune des méthodes à utiliser, ainsi que la sémiotique que nous excluons ici. La première citée se définit comme une science tournée vers le style. En effet, selon les auteurs de Introduction à l'analyse stylistique, la stylistique est l'étude du style dans le discours (ou dans la poésie), « l'étude des moyens que choisit l'auteur dans la langue pour rendre son propos efficient ». Ainsi, l'analyse stylistique étudie les faits d'expression du point de vue de l'intention particulière de celui qui s'exprime. Selon Wagner, l'objet de la stylistique c'est : « de rechercher, d'expliquer, de juger tous les moyens mis en oeuvre par le sujet parlant pour traduire son propos dans le cadre choisi par lui ». Mais de toutes les stylistiques nous allons faire appel à la stylistique fonctionnelle de Roman JAKOBSON, et particulièrement à la fonction poétique à laquelle nous allons adjoindre la fonction symbolique ou initiatique de B. ZADI Zaourou. Quant à la sociocritique, elle est une tentative pour expliquer la production, la structure et le fonctionnement du texte littéraire dans le contexte social, historique et institutionnel. Aussi, comme le souligne Claude DUCHET, la sociocritique est-elle « même lecture immanente en ce sens qu'elle reprend cette notion de texte élaboré par la critique formelle et la valise comme objet d'étude prioritaire». En effet, la visée de la sociocritique est de montrer que l'oeuvre littéraire est aussi production sociale et partant production idéologique. L'oeuvre littéraire est avant tout un processus esthétique et non véhicule d'un énoncé préformé. Il s'agit donc pour la sociocritique de considérer les faits littéraires en les intégrants dans le procès historique. En d'autres termes, il s'agit de penser le rapport de l'oeuvre littéraire avec l'histoire et la société. Pour cela, il est indispensable de mettre l'accent non sur l'auteur, mais sur le sujet de l'écriture engagée dans un ensemble social. Contrairement à la sociocritique, la sémiotique considère que la vérité d'une oeuvre réside uniquement dans son sens fonctionnel et de ce point de vue elle n'est pas loin de la stylistique dont elle utilise d'ailleurs le « matériel.». Pour les sémioticiens, la signification de l'oeuvre n'est pas relative à l'auteur mais à elle-même. La sémiotique s'intéresse davantage à l'oeuvre pour ce qu'elle signifie. En effet pour le sémioticien, le texte poétique ou l'oeuvre littéraire en général, est une réserve de signifiants et de signifiés, de formes et de contenus qui ont leurs sens. C'est donc à ces formes, à l'écriture et au sens qu'elles dégagent que s'intéresse le sémioticien, sans se soucier du contexte social et encore moins de l'auteur. Ainsi que nous l'avons annoncé ci-avant, ce sont les deux premières méthodes qui vont nous permettre d'entrer dans le « joyau » de PACERE pour y rechercher et montrer les traces de la modernité.
Comme nous l'avons vu, en poésie, le terme ``modernité'' est apparu chez Honoré de Balzac en 1822 avec le sens d'époque moderne depuis la renaissance italienne. Dans la poésie africaine, ce terme rime avec l'apparition de la poésie écrite sur le continent noir. Cependant, comment les poésies africaine et française mettent-elles en exergue cette notion ? En effet, de la poésie lyrique des troubadours qui s'est nourrie de grands mythes de l'univers chevaleresque au Moyen Age, à la poésie personnelle de René Char, de Jacques Prévert ou de Henri Michaux, que de chemin parcouru, que de crises traversées par la poésie française. De la poésie d'un Balla Fasséké de l'antique Mandingue1(*)9 ou d'un roudougou (poète ou griot) du Mogo Naba2(*)0 à la poésie néo-oraliste de ZADI Zaourou, de PACERE Titinga ou de Jean-Marie ADIAFFI que de ruptures opérées par les générations successives de poètes africains. Ce sont ces crises et ces ruptures que nous tenterons dans cette première partie, de montrer.
I. La Querelle des Anciens et des Modernes. Déjà au XIIIe siècle, la poésie française connaissait sa première crise avec le dépérissement des valeurs chevaleresques. Elle suivra difficilement ce bouleversement des moeurs et les poètes feront porter leurs efforts de régénération sur les artifices de la forme. Ceux de la génération suivante vont « amplifier cette tendance et s'orienter vers une technique très élaborée, souvent savante, mise en oeuvre dans des genres à forme fixe (Rondeau, virelai, ballade) puisés peut être dans la tradition folklorique » 2(*)1. En effet, au XIVè siècle la poésie se renouvelle au niveau de la forme. Avec Guillaume Machant, les rimes et leurs combinaisons, les mètres, le nombre de vers par strophe, ainsi que la disposition des strophes elles-mêmes, connaissent une évolution remarquable. Avec François Villon au XVè siècle, les genres à forme fixe deviennent l'instrument d'un lyrisme personnel. Au XVIe siècle, une autre crise va faire son apparition, opposant les poètes de la pléiade aux poètes des tendances marotiques de l'école lyonnaise2(*)2. Les poètes de la pléiade avaient pour ambition d'enrichir et d'affiner la langue française, afin qu'elle atteigne le niveau du grec et du latin. Ils vont donc s'adonner à la création de nouveaux mots et à « l'enrichissement du lexique par la multiplication des métaphores, des allégories et des comparaisons ». Aussi condamnent-ils la poésie médiévale et les genres traditionnels que sont les rondeaux, les ballades, les farces, ... au profit des genres cultivés par les anciens : l'ode, l'épigramme, l'élégie,... En revanche, les poètes réunis autour de Louise Labé, c'est-à-dire, les poètes de l'école lyonnaise, sont pour une fusion de l'héritage médiévale avec les poésies grecque et latine, mais surtout avec celle de l'Italien Pétrarque qui inventa le Sonnet. Maurice Scève, Louise Labé et leurs amis, vont s'opposer aux poètes de la pléiade. Alors que Du Bellay, Ronsard et leurs condisciplines sont préoccupés par la forme en poésie et l'illustration de la langue française, les poètes réunis autour de Louise Labé, chantent leurs sentiments personnels. Cette querelle entre les deux écoles fut excessive et violente. Mais c'est surtout à la fin du XVIIè Siècle que surgira la plus grande des querelles littéraires : la Querelle des Anciens et des Modernes ou comme le précise le Nouveau Petit Robert, la Querelle des partisans des anciens et des modernes. Cette querelle dont les origines remontent à la renaissance va éclater en 1680 et durer environs 30 ans. Sa problématique se résume en ces questions de Danièle Nony et Alain André, auteurs de Littérature Française, Histoire et Anthologie : « l'imitation des auteurs de l'Antiquité grecque et latine est-elle bien nécessaire ? Ces modèles gréco-latins sont-ils les modèles définitifs du beau ? » 2(*)3 En effet, l'on est arrivé à se demander si les poètes modernes devaient toujours continuer à s'inspirer des auteurs grecs ou romains. En d'autres termes, les poètes français ne pouvaient-ils pas avoir leur génie propre ? N'étaient-ils pas capables de produire des oeuvres littéraires d'une beauté comparable, voire supérieure à celle des oeuvres de l'Antiquité grecque ou romaine ? Ainsi au cours de cette querelle, deux camps vont se former : d'un côté, les Anciens, et de l'autre, les Modernes.
L'un des premiers à se lever contre le goût et l'esthétique de l 'Antiquité fut Desmarets de Saint-Sorlin1(*), qui crut bon de justifier le choix qu'il avait fait d'un héros moderne et chrétien dans son poème (Clovis). Il légua la querelle à Perrault. Avec Charles Perrault à leur tête, les modernes ``défendent des épopées écrites en français et exaltent l'histoire ou la chrétienté."2(*) A la fin du XVIIe siècle, on se passionne pour les sciences, les voyages et l'actualité. "Une nouvelle conception esthétique va se dégager: le moderne renonce à imiter sans cesse les modèles antiques, car il aspire à inventer à son tour avec la langue et les vérités de son temps." 3(*) Aussi, rejettent-ils l'imitation même intelligente d'un de la Fontaine4(*). Pour eux les anciennes oeuvres font partie de l'enfance de la poésie, ainsi que l'affirme Blaise Pascal dans la préface du Traité du vide.5(*) Ils pensent que si Homère et les autres vivaient présentement, leurs oeuvres poétiques s'accommoderaient au siècle présent6(*)et que les poètes de leur époque font de mauvais poèmes, parce qu'ils n'ont pas le génie des anciens. En plus, Perrault affirme que les règles des modernes ont manqué à Homère et Virgile pour faire de leur oeuvre, une oeuvre parfaite et ce, malgré leur génie. Si donc un moderne avait leur génie, il ferait un plus beau poème que L'Enéide, soutiennent-ils. Pour les Modernes, les oeuvres de l'Antiquité ont leur âge et leur durée. Elles sont passées comme les nations et les gouvernements de leur époque. "Il serait donc injuste et ridicule de vouloir toujours régler des nouveaux par des lois éteintes". Contrairement donc aux partisans des anciens qui pensent que seule l'épreuve du temps apporte la preuve sûre de la qualité des oeuvres de l'esprit, Charles Perrault, Saint-Évremond et tous les modernes accordent la primauté au génie créateur de l'artiste. Et la polémique soulevée par cette divergence dans la conception de l'oeuvre d'art, a vu la victoire des Modernes sur les Anciens. Cette victoire des Modernes se cristallisera avec l'entrée de Fontenelle à l'Académie en 16917(*). En effet, ils percevaient le caractère daté des littératures anciennes, et leur ambition était d'adapter la nouvelle littérature à une époque qui se tournait vers l'avenir. Dans Parallèles, Charles Perrault va revendiquer pour les modernes le droit de conquérir leur indépendance vis-à-vis des anciens grecs et latins, dans tous les domaines sauf dans les questions politique et religieuse. Excepter ces deux domaines donc," partout ailleurs, la raison peut agir en souveraine et user de ses droits"8(*). Quant à Fontenelle, il s'indigne contre le culte des anciens. Pour lui, "rien n'arrête tant le progrès des choses, rien ne borne tant les esprits; que l'admiration excessive des anciens..." Les modernes vont donc se lancer dans l'apologie du présent, des progrès, ainsi que le fait leur chef de file, Charles Perrault dans "Le siècle de Louis le grand"9(*) . En littérature particulièrement, les modernes, vont abandonner les genres traditionnels que sont: la tragédie, la poésie morale ou didactique et les styles qui sont liés à ces genres. Ils vont plutôt cultiver des genres nouveaux, plus aptes à traduire leurs visions du monde. Ces nouveaux genres sont entre autres le conte, le roman, la poésie sentimentale. Cette attitude des modernes va déplaire aux partisans des anciens qui réagiront vigoureusement. Cependant, L'Énéide Travestie de Charles Perrault parue en 1648 et les nombreux contes écrits au soir de sa vie témoignent de la volonté des modernes de tourner définitivement la page de l'emphase épique ou antique des anciens. Avec Saint-Évremond, l'on assiste à la naissance d'une littérature épicurienne, une littérature plaisante. Celle-ci se développe surtout dans "les salons parisiens où se perpétue l'esprit libre et brillant des précieux"10(*) . En définitive, cette querelle qui éclate vers la fin du XVIIè siècle, débouche sur le triomphe des modernes. Ils sont admis à l'Académie Française et l'esprit Cartésien gagne la société. Désormais la littérature est dominée par la raison et éprise d'idées claires. L'esprit individualiste l'emporte sur le conformisme de l'Antiquité et la recherche de la beauté n'est plus la seule préoccupation du poète. Cependant cette querelle n'a pas été la dernière dans la poésie française. En effet, avec Mme de Staël, une autre crise va éclater et non des moindres.
Après le XVIIe siècle, marqué par la querelle littéraire des Modernes et des Anciens, le siècle suivant, c'est-à-dire le XVIIIè siècle, va se tourner vers la philosophie. C'est un siècle de rupture avec le passé, un siècle de modernité. C'est à juste titre d'ailleurs qu'il est baptisé, "le siècle des lumières" ou "le siècle philosophique". Seulement quelques poètes vont célébrer le XVIIIè siècle. Ce sont : André Chénier et Ecoulard Lebrun. En revanche, l'on assistera à l'émergence d'une prose poétique avec Voltaire et Rousseau. C'est au XIXe siècle que la poésie fera son retour triomphale. En effet, Mme de Staël et Chateaubriand inaugurent un siècle poétique avec un grand bouleversement dans la littérature : le romantisme que Mme de Staël empruntera à l'allemand "romantisch" (in De l'Allemagne). Pour l'auteur de De l'Allemagne... et de De la littérature..., puisque la poésie est la voix naturelle de l'âme et l'expression privilégiée du génie, elle doit s'affranchir des règles pour suivre « l'impulsion heureuse de l'amour pour la nature des arts » 11(*) Cette nouvelle conception des choses en littérature et particulièrement en poésie, va s'appeler romantisme. L'étymologie de ce terme est allemande. Le mot d'origine désignait la poésie dont les chants des troubadours ont été à l'origine.
En France, la poésie romantique va s'enraciner et désormais l'image, le style ou le genre romantique désigne ce qui s'écarte des normes et des règles fixées par les auteurs classiques pour s'inspirer de ce qui est antérieur à l'Antiquité, au Moyen Age et à la Renaissance. Les écrivains romantiques s'inspireront même des littératures étrangères que sont celles de l'Allemagne et de l'Angleterre. L'émergence de ce courant littéraire témoigne de la prise de conscience d'une mutation : des tendances novatrices affrontent désormais les classiques. Cependant, quels sont les caractéristiques de cette poésie ?
Pour ce qui est du fond, les poètes romantiques mêlent l'inquiétude, la mélancolie et l'enthousiasme lyriques. Tout devient sujet pour la poésie. L'inspiration est libérée et les thèmes aussi divers que : la fuite du temps, le regret de l'aristocratie, la douleur de l'exil, la douleur du passé, le refus de l'avilissement dans une société mercantile, la mort, la solitude, l'amour déçu, la débauche... seront abordés par les romantiques que sont Victor Hugo, Alfred de Musset, Lamartine, Alfred de Vigny, ... En affirmant la relativité du goût et la primauté du génie, élan passionné de l'âme, le romantisme libère l'inspiration. "Elle trace la voie à une poésie nouvelle qui sera moderne"17(*). C'est-à-dire, une poésie qui correspondra à la sensibilité, au goût de son temps. En sera-t-il de même de la poésie du XXe siècle.
Au début du XXe siècle, la longue existence du romantisme et du symbolisme qui l'a suivi, a fini par faire de ces mouvements initialement révolutionnaires, des mouvements néoclassiques. Des poètes comme Paul Claudel, Paul Valéry vont tenter de sauver la poésie qui s'étouffe, qui stagne après la période symboliste qui a réuni les poètes français les plus grands : Baudelaire, Verlaine, Mallarmé, Rimbaud,... C'est d'ailleurs Rimbaud qui fut à l'origine de la vocation poétique de Paul Claudel. Il le confesse en ces termes : « (...) la lecture des Illuminations, puis quelques mois après Une saison en enfer, fut pour moi un événement capital. Pour la première fois, ces livres ouvraient une fissure dans mon bagne matérialiste. 18(*)»
Après la deuxième guerre mondiale, on assistera à un renouveau poétique24(*) avec René Char, Jacques Prévert, Francis Ponge et bien d'autres poètes qui ne sont marqués du sceau d'aucune école. Pour Saint John Perse, Henri Michaux, il s'agit, "de travailler à l'élaboration d'une parole essentielle et personnelle", comme l'avait préconisé les surréalistes. Au total, le XIXe et le XXe siècle ont connu une profusion de rebondissement dans la poésie française. De la poésie de Hugo à celle d'Apollinaire, puis à la poésie personnelle de la fin du XXe siècle, le besoin de renouveler l'esthétique et le fond a toujours été au centre des préoccupations des poètes français. Qu'en est-il de la poésie africaine ? I. De l'oralité à l'écriture. Le concept de modernité dans la poésie africaine, se saisit de prime abord dans le passage d'une poésie orale à une poésie écrite. En effet, en Afrique traditionnelle, la poésie n'était que orale ou médiatisée (tambourinée)25(*) . Ce genre littéraire est consubstantiel à l'Africain. C' est d'ailleurs à juste titre que Boubou Hama dit que la poésie est "jaillissement spontanée et quotidien" chez l'africain. Il est donc naturel que le Nègre utilise "les mots de France ", " pour évoquer les êtres et les choses de son univers"26(*) , pour prophétiser la cité de demain. Cependant, avant d'aborder le premier cri véritable de la poésie écrite négro-africaine, intéressons-nous à celle qui constitue le substrat élémentaire de cette poésie moderne africaine. 1- La poésie orale africaine C'est la poésie chantée, déclamée ou psalmodiée par les paysans dans les langues de leurs terroirs. Ces artistes qui font partie intégrante de leur communauté ont une conscience assez claire de la notion de belle parole. La parole qu'ils profèrent est riche en métaphores, comparaisons, métonymies, allégories, ... et symboles. Que ce soit les chants des jeunes filles au clair de lune ou la parole proférée du "Weygwe" chez les Bété (peuple du Sud Ouest de la Côte d'Ivoire), du "Djéli" chez les Malinkés (peuple du nord-ouest de la Côte d'Ivoire) ou encore de "l'Agnanda" des Akyés (peuple du sud de la Côte d'Ivoire), la parole poétique est dense, poly-forme et polysémique. A travers elle, se découvre non seulement la sensibilité et l'imagination de l'artiste, mais également la communauté dans toute sa culture, et la beauté des langues africaines capables de traduire à l'aide d'images et de symboles, la pensée profonde de l'individu et de tout un peuple. Quelle soit profane ou sacrée, la parole poétique africaine est intimement liée à la musique et à la danse. Elle est donc dominée par le rythme ainsi que le dit Senghor dans "les lamantins vont boire à la source". Ce rythme qui sous-tend la parole hautement symbolique finit par faire de cette poésie orale, une poésie où la fonction initiatique27(*) telle que découverte par ZADI Zaourou, se juxtapose aux fonctions syntagmatique et paradigmatique. En somme, la parole proférée apparaît comme une poésie communautaire et dont la poéticité ne souffre d'aucune ambiguïté. Qu'en est-il de la poésie médiatisée ? 2-La poésie médiatisée En effet, cette poésie que certains appellent la poésie instrumentale est la poésie de l'"Attougblan" des Akans, du "Bendré" des mossé, du "Gbodo" des Bété et Dida,... C'est la poésie produite par ces instruments musicaux que nous appelons avec ZADI Zaourou "poésie médiatisée". Elle est fortement rythmée et est réservée le plus souvent à une élite. En effet avec PACERE nous savons que "le langage tambouriné est toujours pour un cercle restreint, ... Seul le cercle fermé est à même de décoder ce message"28(*) . C'est donc une poésie qui est plus sacrée que profane. Lorsque l'Attouglan "parle": les "bambins" ne saisissent que le rythme qui les enivre et les force à danser; le "menton velu" ou "le talon rugueux" assis devant sa case, reste pensif, saisi par le message que les ondes lui envoient. Cette poésie, chez les mossé, comme le dit PACERE, est une juxtaposition savamment faite d'expressions ou de devises consacrées. Comme nous le voyons, la complexité de cette poésie faite de "phrases qui se succèdent, s'entrechoquent sans se compléter souvent", finit de faire d'elle une poésie digne d'intérêt. Quelle soit orale ou instrumentale, la poésie traditionnelle ne se laissera pas transposer sur des pages écrites aussi facilement que le pense certains. Les poètes contemporains tenterons certes de le faire mais, la rupture opérée par l'adoption de l'écriture et d'une langue étrangère à la culture africaine ne faciliterons pas la tâche. Et la modernité poétique vient de cette forme inachevée de la poésie traditionnelle dans les recueils de poèmes des africains noirs. II. De la négritude à la poésie moderne.
Immense cri de souffrance et de révolte nègre, la poésie de la Négritude a été à l'origine une poésie de rupture dans la forme, comme dans le fond. Rupture avec la poésie des romanciers négro-africains qualifiés de "singes littéraires" par Senghor, rupture avec les poésies occidentale et africaine29(*). Il s'agit ici de la poésie africaine chantée au clair de lune, autour du feu, non encore confinées dans des livres. C'est en 1939 que la "lettre" fit son apparition dans Cahier d'un retour au pays natal, d'Aimé Césaire, publié dans la revue Volonté. Cependant l'origine du mouvement remonte au panafricanisme de William Du Bois et à la "Negro renaissance"30(*) des écrivains noirs américains tels que Langston Hughes, Claude Mac Kay, Countee Cullen, Sterling Brown, ... Ces mouvements négro-américains ou leurs auteurs influencèrent les étudiants noirs en France. Ils suscitèrent chez eux une prise de conscience de leur situation d'aliéné. Des revues littéraires seront crées pour permettre aux nègres d'exprimer leurs oppositions à l'acculturation. Ce sont entre autres Légitimes défenses d'Etienne Léro (1932), L'Etudiant noir (1935), La revue du monde noir (1931)31(*). Mais, c'est autour de L'Etudiant noir, le journal de l'association des étudiants martiniquais en France, que Aimée Césaire, L.S. Senghor et L.G. Damas, vont se retrouver pour donner forme et esprit à la négritude qui se veut une prise de conscience, une révolte contre la stratégie très efficace d'acculturation appliquée par les colons français et portugais32(*). Acte poétique, les thèmes favoris de la négritude sont: « Fierté d'appartenir à la civilisation africaine et dénonciation de tout ce qui veut contrecarrer cette communion: l'esclavage et l'oppression coloniale »33(*). Dans les lignes qui suivent, Césaire dénonce avec vigueur la traite négrière: « Et ce pays cria pendant des siècles que nous sommes des bêtes brutes ; que les pulsations de l'humanité s'arrête aux portes de la négrerie ; que nous sommes un fumier ambulant hideusement prometteur de cannes tendres et de coton... »34(*) En effet, Césaire fustige la négation de l'humanité du Noir. Pendant longtemps l'on refusa de reconnaître que le Noir était "Homme". Cependant, malgré des siècles d'abâtardissement, le Noir a relevé la tête et a manifesté hautement sa négritude, avec Césaire, Damas, Senghor, David Diop et bien d'autres poètes. Ainsi que le suggère René Philombe dans "Négritude"35(*): ``Longtemps béat sous le vieux bât qui me limait les pigments je me suis enfin réveillé l'oeil rouge''. D'autres thèmes comme l'espoir, l'espérance, l'Amour de l'Afrique fuseront de la poésie négro-africaine, malgré la situation coloniale dans laquelle se trouvait le continent noir à l'époque. Notamment avec David Diop dans Coups de Pilon. Lisons ces vers: ``Afrique mon Afrique Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestralesAfrique que chante ma grand-mère''. * 1 ZADI Zaourou (Bernard), La parole poétique dans la poésie africaine, Thèse de Doctorat d'Etat, Université de Strasbourg II, 1981, Tome 1, p.611. * 2 -Le Nouveau Petit Robert * 3 Marc Venard, Les débuts du monde moderne, Paris, Bordas et Laffont, 1967,"coll. Le monde et son histoire",IV,p.7 * 4 Id.,p.14 * 5 Ibid.,p.15 * 6 Ibid.,p.9 * 7 Ibid.,p.7 * 8 Ibid.,p.9. * 9 Ibid.,p.7. * 10 Malet et Isaac, L'Histoire, Marabout, 1983, p.924. * 11 MALET et ISAAC,op.cit.,p.939. * 12 Id.,p.947. * 13 Joseph KI- ZERBO, Histoire de l'Afrique noire, paris, Hatier, p.208 . * 14 Id., p. 104. * 15 Histoire générale, VII, " L'Afrique sous la domination coloniale", 1880-1935, Dakar, UNESCO,1987,p.22. * 16 CHEIKH Hamidou Kane, Les Gardiens du temple, NEI, ABIDJAN, 1996, p.41. * 17 Dictionnaire Universel des Littératures. * 19 -D. T. NIANE, Soundjata ou l'épopée mandingue, Présence Africaine, 1960. * 20 -Ahmadou Ampaté-Ba, Oui mon commandant ,(Mémoires II),Collection Babel, Ed. Actes Sud, 1996. * 21--Danièle Nony, Alain Andrée, Littérature Française, Histoire et Anthologie, Paris, Hatier,1987, p.153. * 22 -Danièle Nony, Alain Andrée, id., p.242. * 23 -Danièle Nony, Alain Andrée, op. cit.,p.143.
* 1 G. LANSON, Histoire de la littérature, Paris, Hachette, 1992, p.595. * 2 Xavier Darcos, Tartayres (B.), op. cit., p.369. * 3 Xavier Darcos, Tartayres (B.), op. cit., p. 366. * 4 Effet Xavier et tartyres disent de la Fontaine, qu'il s'est inspiré du grec E sope, du fabuliste latin Phèdre et du Brahmane de l'Inde Pilpay. Cependant, il affirme lui-même dans son " Epître à Monseigneur l'évêque de Soissons" : « Mon imitation n'est point un esclavage: Je ne prends que l'idée, et les tours, et les lois Que nos maîtres suivaient eux-mêmes autrefois !» Id., p.296 et p.371. * 5 Ibid., p.366 * 6 Saint-Évremond affirme: "Si Homère vivait présentement il ferait des poèmes admirables, accommodés au siècle où il écrirait." Ibid., p.368. * 7 Op. cit., p.376. * 8 -Lagarde et Michard, op. cit., p.434. * 9 Poème lu le 27 Janvier 1687 devant l'Académie Française pour célébrer la santé de Louis XIV, Xavier Darcos, XVIIè siècle en littérature, op. cit., P434. * 10 -Xavier Darcos, op. cit., p.368. * 11 Madame de Staël, De l'Allemagne, II, 31, cité par Xavier Darcos et Agard, in, XXè siècle en Littérature, Paris, Hachette, 1986, P. 50.
* 17 -Xavier Darcos, Brigitte Aga r,... XIXè siècle en Littérature, Paris, Hachette, 1986. * 18 Paul Claudel, "contacts et circonstances", 1940.
* 24-Danièle Nony, op. cit., p.420. * 25 . ZADI Zaourou dans sa Thèse d'Etat a longuement fait cas de la poésie médiatisée ou tambourinée. Pour lui, la notion d'oralité se révèle trop étroite et pas toujours opérationnelle pour exprimer toutes les réalités culturelles africaines qu'elle prétend découvrir.( Op. cit. P273) Quant à PACERE, il a montré dans son ouvrage, Le Langage des tam-tams et des masques en Afrique (Brendrologie), que la poésie du Bendré (tambour moaga) n'est ni orale, ni écrite, elle est une poésie instrumentale, tambourinée.( Op cit. P83) * 26-L. S. Senghor, cité par Jacques Chévrier, in Littérature nègre, Paris, Armand Colin, 1984. * 27 Nous avons largement abordé, dans la Partie II de ce travail, cette fonction qui caractérise la poésie africaine. * 28 -PACERE T. F. , op. cit., p.25. * 29 - Pour Senghor, si l'on veut trouver des maîtres aux négritudiens, il serait plus sage de les chercher du côté de l'Afrique (Poèmes, Paris, Seuil, 1964) cité par J. Chévrier, in Littérature nègre, op. cit., P 35. * 30 J. Chévrier, op.cit, pp. 11-13. * 31 J. Chévrier, Anthologie africaine : poésie, V II, Paris, Hatier, 1988 pp. 14-15. * 32 Histoire générale de l'Afrique tome VII, UNESCO / NEA, 1987, p 106. * 33 -J. Chévrier, id., p.17. * 34 Aimé Césaire cité par Jacques Chevrier, Ibid., p.29 * 35 J. Chevrier, op. cit., p.62. |
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