DEDICACE
A notre père SORO Nibaha, "In memorium". En ce jour
heureux, nous pensons plus que jamais à toi.
A notre mère SORO Gnoh, qui crut en notre père
en nous laissant aller à l'école,
A nos oncles maternels SORO
Gnamagnélé-Zié et SILUE Porofina, pour leurs soutiens
matériel et financier dont nous avons été l'objet,
A notre épouse Noubon Léa, pour les sacrifices
consentis,
A notre fils SORO Magnigui Hermès, qui nous
espérons, fera plus que nous.
REMERCIEMENTS
Nous voudrions ici savoir gré à tous ceux qui,
de près ou de loin, ont apporté leur pierre aussi modeste et
modique soit-elle, à la réalisation de ce travail qui constitue
notre premier balbutiement dans le domaine de la recherche.
Nous exprimons notre gratitude tout d'abord à notre
maître, Directeur de notre mémoire, le Dr. DADIE Djah
Célestin, Maître-Assistant à l'Université de
Bouaké, sans qui ce travail serait resté au stade mythique du
rêve. En effet, il n'a jamais ménagé aucun effort pour
nous recevoir, répondre à nos sollicitations ou nous donner les
conseils indispensables à la poursuite de ce travail. Il n'a
cessé de nous apporter son encadrement précieux malgré la
situation de déplacé de guerre dans laquelle il s'est
retrouvé après le 19 septembre2002.
Nous lui sommes très reconnaissant pour tous les
efforts, voire tous les sacrifices consentis pour nous et qui ont permis que
ce travail aboutisse.
Qu'ensuite les initiateurs de l'Université de vacances
et tous ceux qui travaillent à l'institutionnaliser, acceptent ici, nos
sincères remerciements. Nous voudrions particulièrement dire
merci au Professeur ZIGUI Kolea, aux Docteurs MONNET Agnès et KOSSONOU
François, ainsi qu'à toute la direction de la formation continue
de l'ENS et aux responsables de l'Université de Bouaké,
particulièrement ceux de l'UFR de Communication Milieu et
Société, pour leur collaboration. En effet grâce à
la clairvoyance de toutes les personnes ci-dessus citées, ce qui
était pour nous et pour bien d'autres enseignants du primaire une
utopie, est devenue une réalité.
Nous voudrions aussi exprimer toute notre gratitude à
certains de nos proches: à notre mère pour ses
bénédictions ; à notre frère aîné
Docteur SORO David- Musa et à notre ami et frère OUATTARA
Dotana pour le soutien moral, spirituel et matériel qu'ils nous ont
apporté tout au long de ce travail.
Enfin nous voudrions dire merci à tous ceux qui nous
ont soutenu tout au long de l'élaboration du présent travail.
Le mot poème, selon
l'étymologie, vient du grec "poiema" et du latin
"poema" qui signifient : faire, créer. Ainsi, la
poésie est un "art du langage visant à exprimer ou à
suggérer quelque chose par le rythme, l'harmonie et l'image". Et
cet art du langage existe chez tous les peuples ainsi que le reconnaissent les
auteurs du Dictionnaire des Littératures de la langue
française, J-P de Beaumarchais, D. et Alain Rey, qui
affirment que: « Toute communauté humaine aussi loin que
nous pussions la rejoindre dans l'espace et dans le temps utilise le langage
d'une façon particulière, correspondant à ce que nous
appelons "Poésie" » .
De ce qui précède, l'approche
définitionnelle que donne Quicherat dans son
Traité de versification
française et selon laquelle la poésie est
"l'art de faire des vers" ou encore "l'art de faire des ouvrages
en vers", est sommaire et incomplète.
En effet cette définition de la poésie ne prend
pas en compte toutes les dimensions de cet art du langage commun à tous
les peuples. Pour mieux l'appréhender référons-nous
à Bernard ZADI Zaourou, chez qui la "parole poétique"
est un « joyau accroché à la cime d'un
arbre ». Ainsi que nous le constatons, ZADI donne une dimension
plus précieuse, plus mystique, à la poésie et surtout
lorsqu'il écrit dans sa thèse d'Etat que « la
poésie réalise sa parole en concassant les mots [...] en leur
faisant même porter des masques »1(*).
En nous tournant vers Senghor, nous nous rendons compte que ce
«joyau » est l'espoir du monde, d'où la mesure
cosmique, universelle et parfois métaphysique que ce poète de
regretté mémoire donne à la poésie.
Enfin, Heidegger affirme que "ceux qui exercent cet art
ont senti la présence des dieux enfuis et ils ont le pouvoir de montrer
à leur peuple déprimé le chemin de revirement".
Qu'il soit donc africain, américain, européen ou
asiatique, le poète est un créateur qui prend en compte les
aspirations de son époque, de sa société.
En effet comme le disent les sociologues de la
littérature, l'oeuvre d'art à un rapport avec la
société, l'époque auxquelles appartient l'artiste. C'est
fort de cette réalité que nous nous proposons de traiter dans le
cadre de notre mémoire de maîtrise le sujet dont
l'intitulé est le suivant: Quand s'envolent les grues
couronnées et Refrains sous le
Sahel ou l'expression de la modernité poétique chez
PACERE Titinga Frédéric.
Avant d'aller plus loin, un mot sur le corpus.
En effet Refrains sous le
Sahel et Quand s'envolent les grues
couronnées Forment avec Ça tire
sous Le Sahel, ce que l'on a baptisé depuis, la
trilogie de 1976 de PACERE. De cette trilogie, Refrains sous le
Sahel est la première oeuvre.
Dans ce recueil, l'auteur chante son terroir natal,
"Manéga," d'après Ilboudo G. qui continue en disant que
le Sahel, où la sécheresse du sol et la pauvreté des
hommes sévissent inexorablement, altère de temps en temps le
chant. OEuvre de jeunesse, Refrains sous
le Sahel est lyrique à la manière des
oeuvres romantiques que l'auteur affirme d'ailleurs avoir pratiquées
dès la classe de seconde à Dabou en Côte-d'Ivoire.
Quant à Quand s'envolent les grues
couronnées, il fond en un seul souffle,
« dans l'espace d'une chaîne d'écriture(s) les
souvenirs de " Manéga ", d'une
"Timini" » morte, et l'itinéraire du personnage de
"Tibo" qui se superpose et se confond avec celui des grues
couronnées. Et tout cela sous le regard ou la
conduite du philosophe à la barbe de
poussière qui nous rappelle constamment cette devise que l'auteur
à fait sienne :
« Si la branche veut fleurir
Quelle n'oublie pas ses racines. »
Ces quelques lignes nous permettront d'élucider notre
sujet.
En effet, pour les auteurs du Dictionnaire
Universel des Littératures, est moderne ce qui se
définit par rapport à son émergence dans le temps comme
présent. Le terme de modernité implique donc une certaine rupture
dans le temps entre le passé et le présent. Du point de vue de
l'histoire occidentale, les temps modernes commencent avec la chute de
Constantinople en 14532(*)
et elle va jusqu'à la révolution française de 1789. Cette
période est marquée par les progrès de la technique et par
les grandes découvertes. En effet aux XVè et
XVIè siècles, «deux inventions dominent les
progrès de la technique : l'imprimerie et
l'artillerie »3(*). A ces inventions, il faut ajouter la
caravelle4(*) et
l'astrolabe5(*) qui vont
permettre aux occidentaux de voyager loin en mer et de découvrir
l'Amérique en 14926(*). Grâce à l'oeuvre de Copernic
également, le centre de l'univers sera transporté de la terre au
soleil.
A partir donc du XVè siècle, va se
dégager une nouvelle vision du monde et de l'homme chez
l'Européen, puisque "la configuration générale de la
terre se dégage enfin des obscurités où l'avaient
laissée les géographes de l'Antiquité"7(*). Mais cette nouvelle conception
de l'homme et du monde est surtout motivée par la découverte
d'autres civilisations. L'humanisme helléniste aidant, le rapport de
l'homme avec Dieu n'est plus le même que celui du siècle
passé. L'homme
s'affirme libre dans le déploiement de ses
facultés, son intelligence, son travail, son sens de la
beauté8(*).
Et en littérature, précisément en
poésie, cette liberté de penser et d'apprécier va
entraîner vers la fin du XVIIè siècle une grande
crise. La querelle des anciens et des modernes qui se cristallisera au
XIXè siècle avec le romantisme puis l'esprit nouveau
au XXè siècle.
En outre, cette période baptisée par les
historiens: les temps modernes, avec ses inventions, ses grandes
découvertes et ses progrès techniques, prépare l'Etat
moderne9(*). Dans
L'histoire1(*)0 de Malet & Isaac, les auteurs de
"Naissance du Monde moderne" font coïncider les
débuts du monde moderne avec la révolution européenne de
1848. En France, cette révolution a abouti à la proclamation de
la seconde République et avec elle, l'institution du suffrage universel,
le vote à 21 ans, l'éligibilité à 25 ans, la
liberté de presse et de réunion et l'abolition de l'esclavage. Et
même si Louis Napoléon fait resurgir la dictature sous le second
empire (1852-1870), la graine de la liberté est déjà
semée, caractéristique de la modernité. Il en sera de
même ailleurs en Europe.
Cependant, 1850 est le début véritable de la
nouvelle civilisation européenne. En effet c'est à partir de
cette date que vont s'affirmer et se poursuivre en s'actualisant "les
transformations qui ne faisaient auparavant que s'ébaucher"1(*)1 . On assiste donc aux
progrès de la science qui aboutissent à des découvertes
révolutionnaires. De nouvelles inventions se font de même que la
vulgarisation de celles des périodes précédentes1(*)2. La vie économique et
l'organisation socio-économique se modifient considérablement.
L'on note également un fort taux de croissance démographique
dû aux progrès en médecine. En somme, à partir de
1850, l'Europe va connaître un bouleversement
dans tous les domaines et le "vieux continent"
n'assumera pas seul les conséquences de ces transformations profondes.
Grâce à sa supériorité technique et militaire,
l'Europe va étendre son hégémonie sur le reste du monde
par sa politique mercantile et impérialiste.
Du point de vue de l'histoire africaine, c'est vers le
XVè siècle que les premiers européens vont
prendre contact avec les Noirs d'Afrique sur leur sol. De ces premiers contacts
avec les grands voyageurs tel que Vasco de Gama, l'Afrique va garder un
souvenir qui très vite passe au cauchemar.
En effet, dès 14421(*)3 des négro-africains seront capturés et
envoyés au Portugal, ensuite vers les Amériques
pour remplacer les Amérindiens dans les plantations de canne à
sucre, de coton, de café et de cacao. A cette époque, la rupture
dans le mode de vie chez le négro-africain, n'est pas encore trop
perceptible, mis à part ceux des côtes qui commencent à
parler la langue de l'étranger ; mais surtout à utiliser la
pacotille qu'ils recevaient des négriers en échange des esclaves.
Les pacotilles, les étoffes, vont se propager dans toute l'Afrique au
fil des ans et des siècles, mais la modernité commencera avec la
colonisation.
En effet, la véritable rupture avec le passé
commence chez le négro-africain, au moment où le Blanc
décide de s'installer dans ses villages. Nous sommes au
XIXè siècle, siècle à partir duquel,
l'Afrique est arrachée aux africains comme le dit Joseph
Ki-Zerbo1(*)4. C'est
à partir de ce siècle que vont commencer les grands changements
en Afrique noire ainsi que l'affirment les auteurs de l'histoire
générale de l'Afrique qui
écrivent : "Jamais dans l'histoire de l'Afrique des changements
ne se sont succédé" avec une aussi grande rapidité
que pendant la période qui va de 1880 à 19351(*)5.
L'institution scolaire sera par excellence le lieu où
va se consommer le bouleversement des idées et des croyances des
africains. Dans son alibi de mission civilisatrice, le Blanc va apprendre aux
petits Nègres, sa langue, son alphabet, ses manières de
s'habiller et de manger1(*)6.
A l'école, le petit nègre va apprendre à
aimer la culture et les valeurs européennes. C'est ainsi que les
premiers hommes de lettres vont pratiquer Homère, Virgile, Ronsard,
Racine, Charles Perrault, Hugo, Baudelaire, Rimbaud, Claudel, André
Breton, qui vont tous les influencer ainsi que nous le verrons dans le cas
pratique de PACERE.
Comme nous venons de le voir, les historiens ont une
conception de la notion de modernité qui peut nous être utile dans
la mesure où elle implique une rupture avec le passé ou entre les
modèles du passé et ceux que le présent peut ou doit
élaborer.
Du point de vue de la littérature occidentale, la
modernité amène à penser à la fameuse querelle des
Modernes et de Anciens de la fin du XVIIè siècle.
Cette grande querelle littéraire qui vit la victoire des Modernes, a
abouti au renouvellement des formes et à la valorisation du génie
individuel. En effet les Modernes préconisaient la liberté de
création suivant le génie propre du poète ou de l'artiste.
Cependant le terme ``modernité'' apparaît chez Balzac en
18221(*)7 avec le sens
d'époque moderne depuis la renaissance italienne au
XVè siècle.
En revanche, chez les poètes africains, la
modernité se caractérise par l'adoption de
l'écriture et la transposition de la poésie orale dans leurs
oeuvres poétiques écrites en langues européennes.
Que ce soit dans les poésies occidentale ou africaine,
la notion de modernité implique une rupture entre les modèles du
passé et ceux du présent, soit au niveau formel et/ou au niveau
thématique. Cette rupture est indispensable au renouvellement et
à la croissance de la littérature en générale et
la de poésie en particulier.
Dans la poésie négro-africaine, le concept de
modernité peut aussi s'appréhender comme ce qui fait de
la parole poétique, une poésie spécifique,
particulière. C'est-à-dire qui se distingue assez nettement des
autres poésies tout en ayant une portée universelle.
Etudier donc la modernité dans la poésie de
PACERE, à partir des deux textes témoins, consistera pour nous
à montrer que sa parole poétique ne restitue pas, mais
« retrouve » la parole médiatisée ou
orale mossé et partant africaine. Nous montrerons surtout que
le retour aux sources est fait par le poète en tenant compte du
goût, des règles, de l'esthétique et des aspirations de
l'Afrique actuelle, de la jeunesse de ce XXIé siècle.
En somme, notre tâche consistera, tout au long de ce
travail, à décrypter la poésie de PACERE dans les deux
oeuvres choisies, pour montrer que la
« plongée » dans la culture africaine
effectuée par celui-ci met à la disposition de la jeunesse
africaine quelque chose de tangible pour lui permettre d'aller au village
planétaire avec les peuples des autres continents.
Ces investigations nous amèneront certainement à
nous intéresser au milieu socioculturel mossé pour voir
ce qui relève de la tradition et peut servir de levain à la
société moderne, ainsi que dans la poésie de PACERE est la
marque indélébile de la modernité. En somme, ce qui dans
la tradition retrouvée peut être utile à la
société actuelle et future.
Après avoir tenté d'élucider notre sujet,
nous verrons la motivation qui nous y a poussé. Pourquoi la
poésie de PACERE ?
Les raisons sont d'ordre psychologique et scientifique:
Au niveau psychologique, nous confessons que nous avons
été charmé par le poète burkinabé le 25
février 2000, alors que nous étions en année de Licence,
lors d'une cérémonie de remise de diplômes à l'Ecole
Normale Supérieure d'Abidjan (E.N.S) à
l'amphithéâtre Mamadou COULIBALY. C'était la
première cérémonie du genre que l'Université de
Vacances organisait pour honorer ses premiers étudiants.
Quant aux raisons scientifiques, nous pensons que
l'avocat-poète, en lieu et place d'une imitation servile des
modèles antiques (africains mais aussi européens), a
inventé avec la langue et les vérités de son temps. Ainsi
pensons-nous que l'auteur de Quand s'envolent les grues
couronnées, échappe à sa terre natale
pour appartenir et servir de modèle à l'Afrique et au monde.
C'est fort de toutes ces raisons psychologique et scientifique
que nous nous sommes engagé à décrypter
Quand s'envolent les grues couronnées
et Refrains sous le Sahel, conformément
à notre sujet présenté au début de cette
introduction. Notre réflexion s'articulera suivant trois grandes
parties. La première sera consacrée à la définition
et à l'émergence du concept de "modernité" dans
la poésie. Dans la deuxième partie, nous mettrons en exergue les
manifestations de ce concept dans le corpus choisi. Enfin, nous
dégagerons dans la troisième partie, la signification profonde
qui sous-tend les deux oeuvres et partant toute l'oeuvre poétique de
PACERE. Pour mener notre réflexion, quelles méthodologies
appliquer?
La perspective dans laquelle nous plaçons notre
étude, nous impose de recourir à trois méthodes pour
saisir la quintessence du corpus choisi du point de vue de notre sujet.
Nous allons recourir à la stylistique et à la
sociocritique. Avant d'aller plus loin, nous tenterons de définir
chacune des méthodes à utiliser, ainsi que la sémiotique
que nous excluons ici.
La première citée se définit comme une
science tournée vers le style. En effet, selon les auteurs de
Introduction à l'analyse stylistique,
la stylistique est l'étude du style dans le discours (ou dans la
poésie), « l'étude des moyens que choisit l'auteur
dans la langue pour rendre son propos efficient ». Ainsi,
l'analyse stylistique étudie les faits d'expression du point de vue de
l'intention particulière de celui qui s'exprime. Selon Wagner, l'objet
de la stylistique c'est : « de rechercher, d'expliquer,
de juger tous les moyens mis en oeuvre par le sujet parlant pour traduire son
propos dans le cadre choisi par lui ». Mais de toutes les
stylistiques nous allons faire appel à la stylistique fonctionnelle de
Roman JAKOBSON, et particulièrement à la fonction poétique
à laquelle nous allons adjoindre la fonction symbolique ou initiatique
de B. ZADI Zaourou.
Quant à la sociocritique, elle est une tentative pour
expliquer la production, la structure et le fonctionnement du texte
littéraire dans le contexte social, historique et institutionnel. Aussi,
comme le souligne Claude DUCHET, la sociocritique est-elle
« même lecture immanente en ce sens qu'elle reprend cette
notion de texte élaboré par la critique formelle et la valise
comme objet d'étude prioritaire». En effet, la visée de
la sociocritique est de montrer que l'oeuvre littéraire est aussi
production sociale et partant production idéologique. L'oeuvre
littéraire est avant tout un processus esthétique et non
véhicule d'un énoncé préformé. Il s'agit
donc pour la sociocritique de considérer les faits littéraires en
les intégrants dans le procès historique. En d'autres termes, il
s'agit
de penser le rapport de l'oeuvre littéraire avec
l'histoire et la société. Pour cela, il est indispensable de
mettre l'accent non sur l'auteur, mais sur le sujet de l'écriture
engagée dans un ensemble social.
Contrairement à la sociocritique, la sémiotique
considère que la vérité d'une oeuvre réside
uniquement dans son sens fonctionnel et de ce point de vue elle n'est pas loin
de la stylistique dont elle utilise d'ailleurs le
« matériel.». Pour les sémioticiens, la
signification de l'oeuvre n'est pas relative à l'auteur mais à
elle-même. La sémiotique s'intéresse davantage à
l'oeuvre pour ce qu'elle signifie. En effet pour le sémioticien, le
texte poétique ou l'oeuvre littéraire en général,
est une réserve de signifiants et de signifiés, de formes et de
contenus qui ont leurs sens. C'est donc à ces formes, à
l'écriture et au sens qu'elles dégagent que s'intéresse le
sémioticien, sans se soucier du contexte social et encore moins de
l'auteur.
Ainsi que nous l'avons annoncé ci-avant, ce sont les
deux premières méthodes qui vont nous permettre d'entrer dans le
« joyau » de PACERE pour y rechercher et montrer
les traces de la modernité.
Comme nous l'avons vu, en poésie, le terme
``modernité'' est apparu chez Honoré de Balzac en 1822
avec le sens d'époque moderne depuis la renaissance italienne. Dans la
poésie africaine, ce terme rime avec l'apparition de la poésie
écrite sur le continent noir. Cependant, comment les poésies
africaine et française mettent-elles en exergue cette notion ?
En effet, de la poésie lyrique des troubadours qui
s'est nourrie de grands mythes de l'univers chevaleresque au Moyen Age,
à la poésie personnelle de René Char, de Jacques
Prévert ou de Henri Michaux, que de chemin parcouru, que de crises
traversées par la poésie française.
De la poésie d'un Balla Fasséké de
l'antique Mandingue1(*)9
ou d'un roudougou (poète ou griot) du Mogo Naba2(*)0 à la poésie
néo-oraliste de ZADI Zaourou, de PACERE Titinga ou de Jean-Marie ADIAFFI
que de ruptures opérées par les générations
successives de poètes africains. Ce sont ces crises et ces ruptures que
nous tenterons dans cette première partie, de montrer.
I. La Querelle des Anciens et des
Modernes.
Déjà au XIIIe siècle, la
poésie française connaissait sa première crise avec le
dépérissement des valeurs chevaleresques. Elle suivra
difficilement ce bouleversement des moeurs et les poètes feront porter
leurs efforts de régénération sur les artifices de la
forme. Ceux de la génération suivante vont
« amplifier cette tendance et s'orienter vers une technique
très élaborée, souvent savante, mise en oeuvre dans des
genres à forme fixe (Rondeau, virelai, ballade) puisés peut
être dans la tradition folklorique » 2(*)1.
En effet, au XIVè siècle la
poésie se renouvelle au niveau de la forme. Avec Guillaume Machant, les
rimes et leurs combinaisons, les mètres, le nombre de vers par strophe,
ainsi que la disposition des strophes elles-mêmes, connaissent une
évolution remarquable.
Avec François Villon au XVè
siècle, les genres à forme fixe deviennent l'instrument
d'un lyrisme personnel. Au XVIe siècle, une autre crise va
faire son apparition, opposant les poètes de la pléiade aux
poètes des tendances marotiques de l'école lyonnaise2(*)2. Les poètes de la
pléiade avaient pour ambition d'enrichir et d'affiner la langue
française, afin qu'elle atteigne le niveau du grec et du latin. Ils vont
donc s'adonner à la création de nouveaux mots et à
« l'enrichissement du lexique par la multiplication des
métaphores, des allégories et des comparaisons ».
Aussi condamnent-ils la poésie médiévale
et les genres traditionnels que sont les rondeaux, les ballades, les
farces, ... au profit des genres cultivés par les
anciens : l'ode, l'épigramme, l'élégie,...
En revanche, les poètes réunis autour de
Louise Labé, c'est-à-dire, les poètes de l'école
lyonnaise, sont pour une fusion de l'héritage médiévale
avec les poésies grecque et latine, mais surtout avec celle de l'Italien
Pétrarque qui
inventa le Sonnet. Maurice Scève, Louise Labé et
leurs amis, vont s'opposer aux poètes de la pléiade. Alors que Du
Bellay, Ronsard et leurs condisciplines sont préoccupés par la
forme en poésie et l'illustration de la langue française, les
poètes réunis autour de Louise Labé, chantent leurs
sentiments personnels. Cette querelle entre les deux écoles fut
excessive et violente. Mais c'est surtout à la fin du XVIIè
Siècle que surgira la plus grande des querelles
littéraires : la Querelle des Anciens et des Modernes ou comme le
précise le Nouveau Petit
Robert, la Querelle des partisans des anciens et des
modernes.
Cette querelle dont les origines remontent à la
renaissance va éclater en 1680 et durer environs 30 ans. Sa
problématique se résume en ces questions de Danièle Nony
et Alain André, auteurs de Littérature
Française, Histoire et Anthologie :
« l'imitation des auteurs de l'Antiquité grecque et latine
est-elle bien nécessaire ? Ces modèles gréco-latins
sont-ils les modèles définitifs du
beau ? » 2(*)3
En effet, l'on est arrivé à se demander
si les poètes modernes devaient toujours continuer à s'inspirer
des auteurs grecs ou romains. En d'autres termes, les poètes
français ne pouvaient-ils pas avoir leur génie propre ?
N'étaient-ils pas capables de produire des oeuvres littéraires
d'une beauté comparable, voire supérieure à celle des
oeuvres de l'Antiquité grecque ou romaine ?
Ainsi au cours de cette querelle, deux camps vont se
former : d'un côté, les Anciens, et de l'autre, les
Modernes.
1. Les Anciens
Sont appelés Anciens, les grands
poètes classiques qui considèrent l'Antiquité comme
pourvoyeuse de genres, de sujets, source de noblesse et de merveilleux. Pour
les partisans des anciens, ``l'Antiquité est d'abord et avant
tout, une culture'' parce que ``toute
création littéraire se nourrit nécessairement de culture
et ne saurait jaillir comme ex-nihilo de la seule opération du
génie.''2(*)4
Les auteurs tels que Homère, Démosthène, Virgile, ... sont
considérés comme des hommes merveilleux, des modèles, des
"dieux du parnasse". Les oeuvres de ces anciens de l'Antiquité
grecque ou latine sont pour leurs partisans, des oeuvres consacrées
parce que la nature s'y montre "dans toute sa pureté" et
"sa dignité" n'y est "point encore souillée par la
vanité, par le luxe et par la sotte ambition". 2(*)5
"L'étude de ces chefs d'oeuvres
consacrés, affirme Boileau, révèle aux modernes
les règles de l'art". Pour La Fontaine, "on s'égare en
voulant tenir d'autres chemins". De toute évidence, les partisans
des anciens pensent et soutiennent que l'imitation de Homère, Virgile et
autres, permet d'éviter les erreurs des modernes que sont: la
préciosité, l'enflure et le burlesque. Cependant, cette imitation
doit être soumise aux grands principes de la raison et de la nature afin
que l'originalité de l'auteur moderne ne soit en rien
aliénée. C'est dans cette optique que La Fontaine a écrit
ce vers: "mon imitation n'est pas un esclavage". Les partisans des
anciens soutiennent que les "meilleurs écrivains modernes
sont justement ceux qui ont imité les anciens ". C'est
donc à juste titre que la Bruyère fustige l'ingratitude de
Perrault et des modernes à l'égard des anciens, en ces termes:
" On se nourrit des anciens et des habiles
modernes; on les presse; on en tire le plus que l'on peut, on en renfle ses
ouvrages; et quand enfin l'on est auteur et que l'on croit marcher tout seul,
on s'élève contre eux, on les maltraite, semblable à ces
enfants durs et forts d'un bon lait qu'ils ont sucé, qui battent leur
nourrice"2(*)6 .
Au nombre des écrivains partisans du culte des anciens
grecs et latins, nous pouvons noter: Nicolas Boileau, auteur de
l'Art poétique et de
Réflexions sur Longin, oeuvres dans
lesquelles il protesta vigoureusement contre les thèses des modernes; La
Fontaine dans l'Epître à Huet,
formula les idées essentielles des classiques; La Bruyère, auteur
des Caractères dans lesquels "il
défend les anciens et raille les modernes" ; Racine,
auteur de plusieurs tragédies dont les sujets sont de l'Antiquité
grecque ou latine. A ceux là nous pouvons ajouter Fénelon qui a
plutôt adopté une attitude conciliante au cours de cette querelle.
Dans sa lettre à l'Académie il a écrit ceci:
"les anciens ne seraient pas moins excellents qu'ils l'ont toujours
été, et les modernes donneraient un nouvel ornement au genre
humain". Il formule ainsi le voeu de voir les modernes surpasser les
anciens sans toutefois leur nier la gloire qu'ils méritent en tant
qu'anciens. Enfin, citons Bossuet qui prit également une part active
à cette querelle des Anciens et des Modernes.
Aux cotés de ces écrivains, l'on
note l'aristocratie, la haute magistrature et la bourgeoisie, hostiles à
toute évolution de la pensée. Cependant comme le dit G. Lanson,
"l'esprit humain, c'est le progrès; dans les arts, dans les
sciences, ...". Cette volonté manifeste d'évoluer propre
à l'homme va susciter des velléités de révolte
contre le culte des anciens de la part de certains intellectuels de la fin du
XVIIè siècle en France. Ce sont entre autres: Charles Perrault,
Fontenelle, Saint-Évremond.
2. Les modernes
L'un des premiers à se lever contre le goût et
l'esthétique de l 'Antiquité fut Desmarets de
Saint-Sorlin1(*), qui crut
bon de justifier le choix qu'il avait fait d'un héros moderne et
chrétien dans son poème (Clovis). Il
légua la querelle à Perrault.
Avec Charles Perrault à leur
tête, les modernes ``défendent des épopées
écrites en français et exaltent l'histoire ou la
chrétienté."2(*) A la fin du XVIIe siècle, on
se passionne pour les sciences, les voyages et l'actualité. "Une
nouvelle conception esthétique va se dégager: le moderne renonce
à imiter sans cesse les modèles antiques, car il aspire à
inventer à son tour avec la langue et les vérités de son
temps." 3(*)
Aussi, rejettent-ils l'imitation même intelligente d'un
de la Fontaine4(*). Pour
eux les anciennes oeuvres font partie de l'enfance de la poésie, ainsi
que l'affirme Blaise Pascal dans la préface du
Traité du vide.5(*) Ils pensent que si
Homère et les autres vivaient présentement, leurs oeuvres
poétiques s'accommoderaient au siècle présent6(*)et que les poètes de
leur époque font de mauvais poèmes, parce qu'ils n'ont pas le
génie des anciens. En plus, Perrault affirme que les règles des
modernes ont manqué à Homère et Virgile pour faire de leur
oeuvre, une oeuvre parfaite et ce, malgré leur génie. Si donc un
moderne avait leur génie, il ferait un plus beau poème que
L'Enéide, soutiennent-ils.
Pour les Modernes, les oeuvres de
l'Antiquité ont leur âge et leur durée. Elles sont
passées comme les nations et les gouvernements de leur époque.
"Il serait donc injuste et ridicule de vouloir toujours régler des
nouveaux par des lois éteintes". Contrairement donc aux partisans
des anciens qui pensent que seule l'épreuve du temps apporte la preuve
sûre de la qualité des oeuvres de l'esprit, Charles Perrault,
Saint-Évremond et tous les modernes accordent la primauté au
génie créateur de l'artiste. Et la polémique
soulevée par cette divergence dans la conception de l'oeuvre d'art, a vu
la victoire des Modernes
sur les Anciens. Cette victoire des Modernes se cristallisera
avec l'entrée de Fontenelle à l'Académie en 16917(*).
En effet, ils percevaient le caractère daté des
littératures anciennes, et leur ambition était d'adapter la
nouvelle littérature à une époque qui se tournait vers
l'avenir. Dans Parallèles, Charles
Perrault va revendiquer pour les modernes le droit de conquérir leur
indépendance vis-à-vis des anciens grecs et latins, dans tous les
domaines sauf dans les questions politique et religieuse. Excepter ces deux
domaines donc," partout ailleurs, la raison peut agir en souveraine et user
de ses droits"8(*).
Quant à Fontenelle, il s'indigne contre le culte des anciens. Pour lui,
"rien n'arrête tant le progrès des choses, rien ne borne tant
les esprits; que l'admiration excessive des anciens..."
Les modernes vont donc se lancer dans l'apologie du
présent, des progrès, ainsi que le fait leur chef de file,
Charles Perrault dans "Le siècle de Louis le grand"9(*) . En littérature
particulièrement, les modernes, vont abandonner les genres traditionnels
que sont: la tragédie, la poésie morale ou didactique et les
styles qui sont liés à ces genres. Ils vont plutôt cultiver
des genres nouveaux, plus aptes à traduire leurs visions du monde. Ces
nouveaux genres sont entre autres le conte, le roman, la poésie
sentimentale. Cette attitude des modernes va déplaire aux partisans des
anciens qui réagiront vigoureusement. Cependant,
L'Énéide Travestie de Charles
Perrault parue en 1648 et les nombreux contes écrits au soir de sa vie
témoignent de la volonté des modernes de tourner
définitivement la page de l'emphase épique ou antique des
anciens. Avec Saint-Évremond, l'on assiste à la naissance d'une
littérature épicurienne, une littérature plaisante.
Celle-ci se développe surtout dans "les salons parisiens où
se perpétue l'esprit libre et brillant des précieux"10(*) .
En définitive, cette querelle qui éclate vers la
fin du XVIIè siècle, débouche sur le triomphe
des modernes. Ils sont admis à l'Académie Française et
l'esprit Cartésien gagne la société. Désormais la
littérature est dominée par la raison et éprise
d'idées claires. L'esprit individualiste l'emporte sur le conformisme de
l'Antiquité et la recherche de la beauté n'est plus la seule
préoccupation du poète.
Cependant cette querelle n'a pas été la
dernière dans la poésie française. En effet, avec Mme de
Staël, une autre crise va éclater et non des moindres.
II. Romantisme, modernité et esprit
nouveau.
Après le XVIIe siècle, marqué
par la querelle littéraire des Modernes et des Anciens, le siècle
suivant, c'est-à-dire le XVIIIè siècle, va se
tourner vers la philosophie. C'est un siècle de rupture avec le
passé, un siècle de modernité. C'est à juste titre
d'ailleurs qu'il est baptisé, "le siècle des
lumières" ou "le siècle philosophique".
Seulement quelques poètes vont célébrer
le XVIIIè siècle. Ce sont : André
Chénier et Ecoulard Lebrun. En revanche, l'on assistera à
l'émergence d'une prose poétique avec Voltaire et Rousseau.
C'est au XIXe siècle que la poésie fera son retour
triomphale.
En effet, Mme de Staël et Chateaubriand
inaugurent un siècle poétique avec un grand bouleversement dans
la littérature : le romantisme que Mme de Staël empruntera
à l'allemand "romantisch" (in De
l'Allemagne).
Pour l'auteur de De
l'Allemagne... et de De la
littérature..., puisque la poésie est la voix
naturelle de l'âme et l'expression privilégiée du
génie, elle
doit s'affranchir des règles pour suivre
« l'impulsion heureuse de l'amour pour la nature des
arts » 11(*)
Cette nouvelle conception des choses en littérature et
particulièrement en poésie, va s'appeler romantisme.
L'étymologie de ce terme est allemande. Le mot d'origine
désignait la poésie dont les chants des troubadours ont
été à l'origine.
1. Le romantisme
En France, la poésie romantique va s'enraciner et
désormais l'image, le style ou le genre romantique désigne ce qui
s'écarte des normes et des règles fixées par les auteurs
classiques pour s'inspirer de ce qui est antérieur à
l'Antiquité, au Moyen Age et à la Renaissance. Les
écrivains romantiques s'inspireront même des littératures
étrangères que sont celles de l'Allemagne et de l'Angleterre.
L'émergence de ce courant littéraire témoigne de la prise
de conscience d'une mutation : des tendances novatrices affrontent
désormais les classiques.
Cependant, quels sont les caractéristiques de cette
poésie ?
a. Au niveau de la forme
La poésie romantique se veut une
poésie d'affranchissement. Elle s'exprime aussi bien en vers qu'en
prose. Elle prend en compte tous les aspects du monde (beauté,
laideur, ... ) , et juxtapose le langage noble au langage des roturiers et
à celui de la plèbe. Contrairement aux classiques donc, la
dichotomie entre la tragédie et la comédie est
désuète. Le glas de ce cloisonnement est sonné par Victor
Hugo dans sa préface à
Cromwell. La représentation de
Hernani marquera d'avantage cette rupture
avec les
Classiques. Mais c'est surtout l'alexandrin sans accent
rythmique sur la sixième syllabe qui caractérise cette
poésie. En effet, le vers romantique n'a pas de césure
matérialisée à l'hémistiche, contrairement au vers
classique. L'alexandrin classique comporte quatre (4) accents rythmiques dont
un à la sixième syllabe pour marquer la pause à
l'hémistiche et un à la douzième syllabe, à la fin
du vers. Cette structure du vers classique lui vaut le nom de
Tétramètre12(*). Quant à l'alexandrin romantique il
est appelé Trimètre parce qu'il se segmente en trois
parties égales (4/4/4) sans tenir compte de la césure que les
classiques respectaient rigoureusement13(*). Cependant, le trimètre n'a pas
supplanté le tétramètre des poètes
classiques. Il s'est glissé dans ses rangs pour rompre la noblesse du
ton chère aux classiques. Ainsi le vers romantique dans une série
d'alexandrins classiques, permet au poète romantique de réaliser
le mélange des genres cher et revendiqué par lui, tel
qu'exposé par Victor Hugo dans la préface à
Cromwell. En effet, dans cette préface,
Hugo dégage trois âges dans l'évolution de la
poésie, suivant les grandes périodes de l'humanité,
appelées aussi théorie des 3 âges de la poésie et
qui sont : l'âge des temps primitifs, l'âge des temps
antiques et l'âge des temps modernes. Ce dernier âge est celui de
la poésie nouvelle qui associe : "ombre" et
"lumière"; "grotesque" et "sublime";
"corps" et "âme" ; "bête" et
"esprit".14(*)
Une autre caractéristique de la poésie
romantique est l'enjambement qui est "un procédé rythmique
consistant en une non-coïncidence de l'unité de syntaxe et de
l'unité de vers: la phrase ou proposition débordant la rime et
s'achevant sur l'une des premières syllabes du vers suivant".15(*)
A l'époque classique cette pratique fut proscrite par
Malherbe. Et Nicolas Boileau rend bien ici cette interdiction :
"Les stances avec grâce apprirent à
tomber
Et le vers sur le vers n'osa plus enjamber."
16(*)
b. Au niveau thématique
Pour ce qui est du fond, les poètes romantiques
mêlent l'inquiétude, la mélancolie et l'enthousiasme
lyriques. Tout devient sujet pour la poésie. L'inspiration est
libérée et les thèmes aussi divers que : la fuite
du temps, le regret de l'aristocratie, la douleur de l'exil,
la douleur du passé, le refus de l'avilissement dans une
société mercantile, la mort, la solitude, l'amour
déçu, la débauche... seront abordés par les
romantiques que sont Victor Hugo, Alfred de Musset, Lamartine, Alfred de Vigny,
...
En affirmant la relativité du goût et la
primauté du génie, élan passionné de l'âme,
le romantisme libère l'inspiration. "Elle trace la voie à une
poésie nouvelle qui sera moderne"17(*). C'est-à-dire, une poésie qui
correspondra à la sensibilité, au goût de son temps. En
sera-t-il de même de la poésie du XXe siècle.
2. Modernité et esprit
nouveau
Au début du XXe siècle, la longue
existence du romantisme et du symbolisme qui l'a suivi, a fini par faire de ces
mouvements initialement révolutionnaires, des mouvements
néoclassiques. Des poètes comme Paul Claudel, Paul Valéry
vont tenter de sauver la poésie qui s'étouffe, qui stagne
après la période symboliste qui a réuni les poètes
français les plus grands : Baudelaire, Verlaine, Mallarmé,
Rimbaud,...
C'est d'ailleurs Rimbaud qui fut à l'origine de la
vocation poétique de Paul Claudel. Il le confesse en ces termes :
« (...) la lecture des Illuminations,
puis quelques mois après Une saison en
enfer, fut pour moi un événement capital.
Pour la première fois, ces livres ouvraient une fissure dans mon bagne
matérialiste. 18(*)»
a. La modernité poétique
De Paul Claudel, l'on retiendra qu'il a inventé le
verset à la manière des saintes écritures (la Bible et le
Coran). Cependant, c'est à Guillaume Apollinaire que l'on doit la
deuxième grande révolution dans la poésie française
et CARATINI, le dit bien, qui écrit :
« A examiner l'évolution de la
poésie française, depuis le grand silence de Rimbaud et celui de
Mallarmé, on constate qu'elle s'enroule sur elle-même...
Malgré quelques audaces formelles, elle ne débouche sur rien. Il
lui manque une source d'inspiration qui soit véritablement nouvelle et
un poète suffisamment sensible pour le découvrir, suffisamment
habile pour l'exprimer, suffisamment clairvoyant pour le tendre aux
poètes futurs. Or Guillaume Apollinaire eut tout cela, justifiant son
vers célèbre de cortège :``Je me disais Guillaume il
est temps que tu viennes''19(*).».
b. L'esprit nouveau
Pour cristalliser cette révolution poétique,
Guillaume Apollinaire écrit le manifeste de l'esprit nouveau en
191220(*). Mais celui-ci n'est autre que
l'écho en France du manifeste du Futurisme21(*) publié à
Milan en Italie, Février - Mars 1909 et qui définit la
modernité poétique comme étant la
célébration de grandes foules agitées par le travail, le
plaisir et la révolte.
Avec "l'esprit nouveau" nous avons une collaboration
entre tous les artistes. Notamment entre les poètes et les peintres.
L'exemple le plus illustre de cette collaboration est celle entre Pablo Picasso
et Apollinaire qui donna naissance au cubisme. Apollinaire va superposer les
lettres à la peinture en réinventant les calligrammes .
A la suite du Cubisme, nous avons le "Dada"22(*).
Ce mouvement qui doit son nom au roumain Tristan Tzara se
développa entre 1915 et 1923. Il chercha à détruire le
langage social par la spontanéité créatrice. Des
divergences de point de vue entre Tzara et André Breton et ses
condisciples qui avaient découvert le Dada en 1917, font échouer
le mouvement. Il est supplanté par le surréalisme23(*) qui répond le plus
aux ambitions littéraires d'André Breton, de Louis Aragon et de
leurs amis. Le premier manifeste du mouvement sera publié en 1924 par
André Breton. Pour les surréalistes, la tâche du
poète est de faire "jaillir" les fantasmes avant qu'ils ne
soient empêtrés du carcan logique. Avec eux donc, la poésie
devient involontaire, explosive, incontrôlée. Il s'agit pour
Maurice Nadeau "de mettre à l'unisson, l'inconscient d'une ville
avec l'inconscient des hommes ".
c. Le renouveau
poétique
Après la deuxième guerre mondiale, on assistera
à un renouveau poétique24(*) avec René Char, Jacques Prévert,
Francis Ponge et bien d'autres poètes qui ne sont marqués du
sceau d'aucune école. Pour Saint John Perse, Henri Michaux, il s'agit,
"de travailler à l'élaboration d'une parole essentielle et
personnelle", comme l'avait préconisé les
surréalistes.
Au total, le XIXe et le XXe
siècle ont connu une profusion de rebondissement dans la poésie
française. De la poésie de Hugo à celle d'Apollinaire,
puis à la poésie personnelle de la fin du XXe
siècle, le besoin de renouveler l'esthétique et le fond a
toujours été au centre des préoccupations des
poètes français. Qu'en est-il de la poésie
africaine ?
I. De l'oralité à
l'écriture.
Le concept de modernité dans la poésie
africaine, se saisit de prime abord dans le passage d'une poésie orale
à une poésie écrite. En effet, en Afrique traditionnelle,
la poésie n'était que orale ou médiatisée
(tambourinée)25(*)
. Ce genre littéraire est consubstantiel à l'Africain. C' est
d'ailleurs à juste titre que Boubou Hama dit que la poésie est
"jaillissement spontanée et quotidien" chez l'africain. Il est
donc naturel que le Nègre utilise "les mots de France ", " pour
évoquer les êtres et les choses de son univers"26(*) , pour prophétiser
la cité de demain.
Cependant, avant d'aborder le premier cri véritable de
la poésie écrite négro-africaine, intéressons-nous
à celle qui constitue le substrat élémentaire de cette
poésie moderne africaine.
1- La poésie orale africaine
C'est la poésie chantée, déclamée
ou psalmodiée par les paysans dans les langues de leurs terroirs. Ces
artistes qui font partie intégrante de leur communauté ont une
conscience assez claire de la notion de belle parole. La parole qu'ils
profèrent est riche en métaphores, comparaisons,
métonymies, allégories, ... et symboles.
Que ce soit les chants des jeunes filles au clair de lune ou
la parole proférée du "Weygwe" chez les Bété
(peuple du Sud Ouest de la Côte d'Ivoire), du "Djéli" chez les
Malinkés (peuple du nord-ouest de la Côte d'Ivoire) ou encore de
"l'Agnanda" des Akyés (peuple du sud de la Côte d'Ivoire), la
parole poétique est dense, poly-forme et polysémique. A travers
elle, se découvre non seulement la sensibilité et l'imagination
de l'artiste, mais également la communauté dans toute sa culture,
et la beauté des langues africaines capables
de traduire à l'aide d'images et de symboles, la
pensée profonde de l'individu et de tout un peuple. Quelle soit profane
ou sacrée, la parole poétique africaine est intimement
liée à la musique et à la danse. Elle est donc
dominée par le rythme ainsi que le dit Senghor dans "les lamantins
vont boire à la source". Ce rythme qui sous-tend la parole
hautement symbolique finit par faire de cette poésie orale, une
poésie où la fonction initiatique27(*) telle que découverte
par ZADI Zaourou, se juxtapose aux fonctions syntagmatique et paradigmatique.
En somme, la parole proférée apparaît comme une
poésie communautaire et dont la poéticité ne souffre
d'aucune ambiguïté. Qu'en est-il de la poésie
médiatisée ?
2-La poésie
médiatisée
En effet, cette poésie que certains appellent la
poésie instrumentale est la poésie de l'"Attougblan" des
Akans, du "Bendré" des mossé, du "Gbodo" des
Bété et Dida,... C'est la poésie produite par ces
instruments musicaux que nous appelons avec ZADI Zaourou "poésie
médiatisée". Elle est fortement rythmée et est
réservée le plus souvent à une élite. En effet avec
PACERE nous savons que "le langage tambouriné est toujours
pour un cercle restreint, ... Seul le cercle fermé est à
même de décoder ce message"28(*) . C'est donc une poésie qui est plus
sacrée que profane. Lorsque l'Attouglan "parle": les
"bambins" ne saisissent que le rythme qui les enivre et les force
à danser; le "menton velu" ou "le talon rugueux" assis
devant sa case, reste pensif, saisi par le message que les ondes lui
envoient.
Cette poésie, chez les mossé, comme le dit
PACERE, est une juxtaposition savamment faite d'expressions ou de devises
consacrées. Comme nous le voyons, la complexité de cette
poésie faite de "phrases qui se succèdent, s'entrechoquent
sans se compléter souvent", finit de faire d'elle une
poésie digne d'intérêt.
Quelle soit orale ou instrumentale, la poésie
traditionnelle ne se laissera pas transposer sur des pages écrites aussi
facilement que le pense certains. Les poètes contemporains tenterons
certes de le faire mais, la rupture opérée par l'adoption de
l'écriture et d'une langue étrangère à la culture
africaine ne faciliterons pas la tâche. Et la modernité
poétique vient de cette forme inachevée de la poésie
traditionnelle dans les recueils de poèmes des africains noirs.
II. De la négritude à la
poésie moderne.
1. la poésie de la
Négritude
Immense cri de souffrance et de révolte nègre,
la poésie de la Négritude a été à l'origine
une poésie de rupture dans la forme, comme dans le fond. Rupture avec la
poésie des romanciers négro-africains qualifiés de
"singes littéraires" par Senghor, rupture avec les
poésies occidentale et africaine29(*). Il s'agit ici de la poésie africaine
chantée au clair de lune, autour du feu, non encore confinées
dans des livres.
C'est en 1939 que la "lettre" fit son apparition dans
Cahier d'un retour au pays natal,
d'Aimé Césaire, publié dans la revue
Volonté. Cependant l'origine du
mouvement remonte au panafricanisme de William Du Bois et à la
"Negro renaissance"30(*) des écrivains noirs américains
tels que Langston Hughes, Claude Mac Kay, Countee Cullen, Sterling Brown, ...
Ces mouvements négro-américains ou leurs auteurs
influencèrent les étudiants noirs en France. Ils
suscitèrent chez eux une prise de conscience de leur situation
d'aliéné. Des revues littéraires seront crées pour
permettre aux nègres d'exprimer leurs
oppositions à l'acculturation. Ce sont entre autres
Légitimes défenses d'Etienne
Léro (1932), L'Etudiant noir
(1935), La revue du monde noir (1931)31(*).
Mais, c'est autour de L'Etudiant
noir, le journal de l'association des étudiants
martiniquais en France, que Aimée Césaire, L.S. Senghor et L.G.
Damas, vont se retrouver pour donner forme et esprit à la
négritude qui se veut une prise de conscience, une révolte contre
la stratégie très efficace d'acculturation appliquée par
les colons français et portugais32(*). Acte poétique, les thèmes favoris de
la négritude sont: « Fierté d'appartenir à
la civilisation africaine et dénonciation de tout ce qui veut
contrecarrer cette communion: l'esclavage et l'oppression
coloniale »33(*).
Dans les lignes qui suivent, Césaire dénonce
avec vigueur la traite négrière:
« Et ce pays cria pendant des siècles que
nous sommes des bêtes brutes ; que les pulsations de
l'humanité s'arrête aux portes de la négrerie ; que
nous sommes un fumier ambulant hideusement prometteur de cannes tendres et de
coton... »34(*)
En effet, Césaire fustige la négation de
l'humanité du Noir. Pendant longtemps l'on refusa de reconnaître
que le Noir était "Homme". Cependant, malgré des
siècles d'abâtardissement, le Noir a relevé la tête
et a manifesté hautement sa négritude, avec Césaire,
Damas, Senghor, David Diop et bien d'autres poètes.
Ainsi que le suggère René Philombe dans
"Négritude"35(*):
``Longtemps béat sous le vieux bât
qui me limait les pigments
je me suis enfin réveillé
l'oeil rouge''.
D'autres thèmes comme l'espoir, l'espérance,
l'Amour de l'Afrique fuseront de la poésie négro-africaine,
malgré la situation coloniale dans laquelle se trouvait le continent
noir à l'époque. Notamment avec David Diop dans
Coups de Pilon. Lisons ces vers:
``Afrique mon Afrique
Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales
Afrique que chante ma grand-mère''.
Ou encore :
``Malgré vos chants d'orgueil au milieu des
chantiers
Les villages désolés, l'Afrique
écartée
L'espoir vivait en nous comme une citadelle''.
Mais la négritude, c'est une esthétique. A ce
niveau les bouleversements sont énormes, tellement le poète veut
se libérer de toute influence, et revendiquer son autonomie.
En effet, les premiers africains à être
allés à l'école occidentale, ont été nourris
de culture occidentale. Cela perdurent encore sous les indépendances.
Aussi les premiers poètes vont-ils conserver une fidélité
aux modèles anciens de la versification français. Ainsi que le
témoigne Leurres et Lueurs de Birago
Diop qui est presque entièrement composé en vers réguliers
et "Héros d'ébène"36(*) dans Refrains sous le
Sahel de PACERE dont les liens avec la poésie à
forme fixe sont tangibles. Pour illustration, voici quelques vers de Birago
Diop:
"Lorsqu'en vain j'ai pleuré // sur notre bref
passé
Tranquille je reprends // le long joug des
journées"37(*)
Le respect de la césure à l'hémistiche
dans les vers ci-dessus font d'eux des alexandrins classiques. Ces vers
réguliers tiennent à l'héritage de la littérature
française du siècle classique, celle-là même, que
ces poètes ont appris à aimer à l'école.
Les "négritudiens" seront également
influencés par le romantisme, le symbolisme et le surréalisme. A
défaut d'influences directes, ils ont néanmoins lu Baudelaire,
Hugo, Verlaine et baigné dans le climat intellectuel de leur
époque (le XXe siècle, avec son surréalisme ) .
Il est donc normal qu'ils aient été imprégnés de
tous ces courants poétiques, fût-ce à leur insu. Et Senghor
confirme cela lorsqu'il dit avoir beaucoup lu les surréalistes ou que
l'écriture surréaliste retrouve la parole
négro-africaine38(*). Aussi pouvons-nous affirmer que la poésie
négritudienne des pères fondateurs et celle de leurs
épigones prend chaque fois la couleur de son temps à l'image de
la poésie française, que ce soit au niveau de la forme ou du
fond. Elle s'inscrit donc dans le grand mouvement de révolution
poétique qui depuis Baudelaire, Rimbaud et Apollinaire, n'a cessé
de bouleverser les formes traditionnelles de la poésie française.
La rupture avec les règles classiques apprises à l'école,
l'utilisation du rythme intérieur qui alterne
irrégulièrement temps forts et temps faibles brisant ainsi la
structure rythmique de la mesure classique comme le montre "Afrique"
de David Diop dans Coups de Pilon et
l'adoption de l'image poétique insolite, sont indubitablement les
marques de la modernité, mais aussi de l'universalité de la jeune
poésie négro-africaine.
Avec Pius N'Gandu N'kashama, nous disons
"hommage aux héros et aux martyrs"39(*). Certes la négritude a sonné le
glas d'une imitation servile de la poésie occidentale, cependant son
temps est révolu. L'Afrique a parcouru un chemin depuis les
indépendances et la poésie qui est "jaillissement
quotidien" se
doit de rendre compte de la nouvelle situation, de la nouvelle
société africaine en construction.
Si nous devons nous souvenir du passé, ce doit
être pour nous l'occasion de sélectionner dans ce passé
glorieux et/ou douloureux ce dont nous avons besoin pour participer à la
construction de l'Afrique moderne et du village planétaire qu'annonce le
troisième millénaire.
2- Poésie moderne Africaine
Après la poésie des mimétiques où
la production littéraire occidentale était le modèle tant
au plan formel que thématique, va suivre la négritude. Et comme
le dit Lilyan Kesteloot, c'est à partir de là qu'on peut parler
de littérature négro-africaine. Les négritudiens vont
exprimer leur propre culture à la suite d'une prise de conscience
douloureuse de leur situation socio-politique. Cri de souffrance et de
révolte contre les Blancs et les mimétiques, la poésie de
la négritude n'a cependant pas toujours été la production
de poètes enracinés dans la culture africaine qu'ils ont
tenté pourtant de valoriser. C'est le cas de David Diop auteur de
Coups de Pilon, qui chante l'Afrique qu'il
"connaissait mal, ayant été élevé en France
à Bordeaux et ensuite à Paris."40(*)
Vivant presque tous en France, les négritudiens venus
de l'Afrique comme Senghor et Birago Diop, n'ont gardé de la tradition
orale que des souvenirs d'enfance, et leurs poèmes sont encore fortement
inspirés de la prosodie classique, symboliste ou surréaliste.
Pour David Diop cela n'a aucune importance, "pourvue que le
créateur africain fasse entendre son chant ample et dur".
Cependant, à partir de 1966, suivant la classification
faite par Pius N'gandu, cette poésie qui n'avait pour but que de
crever les tympans de ceux qui ne voulaient pas l'entendre, va
toucher à sa fin et d'autres poètes vont prendre
la relève pour d'autres luttes, d'autres audaces.
"A partir d'ici se posent les jalons d'une véritable poésie
africaine"41(*).
En lieu et place d'une généralité
englobant toute la race, les poètes africains formés pour la
plupart en occident vont "réfranchir le fossé" et
plonger dans la civilisation africaine, prendre le "particulier" et
"l'approfondire". Car, comme le dit André Gide cité par
Lilyan Kesteloot, « c'est en approfondissant le particulier qu'on
accède au général »
Les auteurs comme Siriman Cissoko42(*), vont emprunter «leur
langage aux poètes traditionnels, aux griots, non pour revendiquer son
appartenance à une "race" mais pour donner à sa poésie une
empreinte de sincérité, d'expressivité
intense »43(*). En effet Siriman reste attentif aux exigences
de l'écriture dans Ressac de
nous-mêmes, fondée sur la technique
africaine de l'oralité sur laquelle est projetée "les
consonances métaphoriques que seule permet la clôture de prosodie
par l'écriture."
Eno Belinga procédera de même dans son
recueil : Ballades et chansons camerounaises44(*). Ce recueil
n'est pas une transcription de chansons populaires comme on l'a reproché
à Flavien Ranaivo. Mais sur leurs modèles est produite une
nouvelle poésie faite de mots singuliers, des gestes quotidiens, des
murmures de tous les jours, voulant faire comme les "griots" et
"les conteurs traditionnels". Dans ce recueil, nous avons des
poèmes courts en vers plus ou moins longs avec des rimes faciles et des
assonances fortes, comme savent le faire les conteurs traditionnels du Cameroun
dont les oeuvres sont l'objet de toutes les recherches d'Eno Belinga.
Tournant donc résolument le "dos" aux
thématiques et aux images superficielles, le nouveau poète
africain, comme le nomme Pius, va puiser dans
les sources intarissables de la littérature orale ou
culturelle, celle des griots, et des conteurs traditionnels pour créer
une nouvelle poésie. Cette dernière «se veut alors la
traduction d'un sentiment poétique fortement enraciné dans le
coeur du poète et non plus seulement une proclamation emphatique
décalquée sur des bibes folkloriques »45(*).
La poésie moderne qui va donc définir
l'écriture poétique africaine en tant que présence
signifiante au monde et produire d'autres mythes en accord avec l'Afrique
actuelle s'adresse à la jeunesse africaine, "première
destinataire". Ainsi que nous le verrons dans les pages qui vont suivre,
consacrées à l'analyse de la poésie de PACERE.
Au terme de l'analyse diachronique de la notion de
modernité dans les poésies française et africaine, nous
pouvons nous rendre compte de la complexité et de la relativité
de celle-ci. En Occident, elle est synonyme de rupture avec le passé,
avec les classiques et liberté de penser et d'écrire ou comme le
dit Victor Hugo elle naît au moment où "l'homme se rend compte
qu'il n'est pas seulement corps matériel, mais aussi corps et âme,
bête et esprit"46(*).
Dans la littérature africaine et
particulièrement en poésie, la modernité signifie
l'adoption de l'écriture, de la langue et des techniques de
versification occidentale. Mais elle signifie aussi et surtout le souci
permanent qu'ont les poètes africains de retrouver les
procédés et l'efficacité de la parole poétique
orale ou tambourinée en utilisant l'écriture et la langue des
Blancs. Toutefois, signalons avec B. Zadi Zaourou47(*), que cette poésie
écrite est incapable de restituer la poly-rythmie du tam-tam puisqu'elle
ne peut se lire que d'une voix unique. Là aussi est sa marque de
modernité en tant que rupture avec la poésie orale qu'elle tente
et ne peut jamais atteindre parce que les époques ne sont plus les
mêmes.
Comme Prométhée des grecs, PACERE Titinga tend
des armes, par lui forgées, à la jeunesse africaine afin de lui
permettre d'avancer sans crainte d'être phagocytées sur le chemin
par ceux dont les pères ont dit à leurs pères, qu'ils
n'avaient rien inventé, qu'ils étaient « des tables
rases », sans civilisation, sans littérature ou
poésie.
A ce stade de notre réflexion, où nous
toucherons aux textes que nous avons choisis, nous tâcherons d'organiser
notre analyse autour des paradigmes : perfectionnement et
dépassement, qui sont les fondements de toute pensée
moderne ainsi que l'affirme Jacques Leenardt, dans le Futur
antérieur
(supplément)
Comme nous le verrons donc, la poésie
"pacéréenne" tient de la poésie moderne, en ce
qu'elle "s'appuie sur un fond (un héritage) qu'elle
transforme"48(*) pour remplir la mission qui est
la sienne dans une Afrique noire croupissant encore sous le joug de
l'hégémonie occidentale et contrainte d'aller au "rendez-vous
du donner et du recevoir" avec toute la pression voire l'asservissement
que cela suppose.
Nous remuerons
cette « terre » de Manéga, tant
dans la forme que dans le fond : les deux étant d'ailleurs
inséparables. Cependant nous ferons la dichotomie pour une meilleure
appréhension du génie du poète burkinabé, qui ne
s'est pas donné dans une imitation servile de ses maîtres (les
Anciens, pour parler comme Charles Perrault, le chef de file des Modernes,
pendant la grande querelle de la fin du XVIIème siècle), de
l'Occident et de l'Afrique.
PACERE n'a pas « volé »
puis remis simplement, à la jeunesse africaine la poésie. Il a
écrit des poèmes qui témoignent de son époque tant
au niveau esthétique que thématique, après
« digestion » rigoureuse de ceux qu'il a appris
à aimer à Manéga, à l'école et à
l'université. Et c'est là sa dissemblance avec
Prométhée que Zeus a fini par punir.
I. Une poésie qui s'émancipe
Que ce soit son poème d'inspiration scolaire
Refrains sous le Sahel, ou
Quand s'envolent les grues couronnées,
la poésie pacéréenne s'est libérée
au fur et à mesure de la tutelle de la poésie française.
En effet, bon nombre des poèmes de
Refrains sous le Sahel sont écrits
à l'époque où l'auteur était sur les bancs
scolaires à Dabou et en Europe, ainsi que le témoigne YEPRI
Léon dans son oeuvre : Titinga frédéric
PACERE, le Tambour de l'Afrique poétique.
C'est ce qui explique que dans ce recueil le poète
burkinabé ait conservé un fond de fidélité aux
modèles de la versification française qu'il a appris à
aimer à l'école et à l'université.
Anciens ou modernes, le poète de
Manéga ne s'est pas gêné à recourir
à ses maîtres à la manière de David Diop qui
revendiquait pour le poète africain le droit de s'exprimer aussi bien en
alexandrins qu'en vers libres. Et même si les fins ne sont pas les
mêmes pour les deux poètes, les moyens métriques et
prosodiques utilisés par le poète burkinabé dans
« HEROS D'EBENE »49(*) semblent tenir de ce droit.
Ainsi que nous l'avons déjà annoncé,
c'est ce poème de Refrains sous le
Sahel qui va retenir notre attention. Toutefois, nous
n'occulterons pas les autres textes, chaque fois que cela semblera
nécessaire pour élucider nos propos.
1- Une parodie de la forme fixe
Nous présentons « HEROS
D'EBENE50(*) » :
1. "Spectre d'infamie ? Scandale du
monde ?
2. Réalisations de frondées
anathèmes ?
A. 3 Ou prostitutions de Pouvoirs Suprêmes ?
4. Ou grands que l'oprobre et l'hypocrisie
confondent ?
5. Le lion attaqué réagit en
vipère !
6. Les couronnes n'aiment pas les
émulations !
B. 7. Et l'Ethiopie n'est pas une zone de
sélection !
8. Les scorpions vivent nombreux partout sur la
terre !
9. L'Afrique est en péril ! Ses chefs sont
dignes de blâme !
C. 10.Nous fumes sauvés ,on nous l'a appris, par des
Anges,
11. Et le peuple noir reconnaissant chante leurs
louanges,
12. En flétrissant leurs frères descendant
du vieux Cham.
13. Qu'avez-vous fait, « Dieux venus nous
délivrer »,
14. Protagonistes de situations confuses,
D. 15.« libérateurs de
l'Afrique », « fils de la
Méduse »,
16. Qu'avez-vous fait pour mériter de tels
lauriers ?
17. Dites-le Voulet-Chamoine, « hommes de la
non-violence »,
18. Attaquant les arcs du Mogho par les canons,
E. 19.Dites-le assaillants des Aladians ou des Fons,
20. Dites-le, dites-le, messagers de la
délivrance !
21. Panacées perturbatrices de notre
histoire,
22. Adversaire d'Ahmadou, Gouverneur Canard,
F. 23.Ennemi du Bantou, colonel Archinard,
24. Dites-le iconoclastes du continent Noir.
25. Allez Sofas,vaillants Sofas, criez sur
eux :
26. « aïè taga kà bo-o
kè Niagassola »,
G. 26.Le Mali vous appartient peuple Dioula,
28. Défendez, intrépides, la terre des
aïeux !
29. Mange des peaux de boeufs, El Habib, mange des
herbes,
30. L'Afrique perd des fils en Mamadou Racine,
H. 31.Mademba le grand Fama, mais par la famine,
32. Le fleuve ne nous sera frustré par
Faidherbe !
33. Ne fléchit pas devant le Blanc, illustre
Mogho !
I. 34.Le marché est ignoble, Damel Lat-Dior,
35. Refuse tout chemin de fer dans le
cayor !
36. Reste le chef suprême, fils de
Sanankoro !
37. « Enfin ! Fini le
cauchemar ! » Disent ces amis !
38. Et l'Afrique ignorante vilipende ses
héros !
J. 39.A ses fils , apprend des noms
célèbres : Goureau,
40. Bouet Willaumez, Protet, Faidherbe,
Lamy !
41. De valeureux méconnus dorment dans la
haine :
42. Samory, Béhanzin, Mohamed, El Hamar,
K. 43.Ahmadou, Koutou, Rabah, El Hadj Omar !
44. LUMIERE DE VERITE, ECLAIRE LA TERRE
D'EBENE !"
Dans ce poème, les vers sont disposés en
quatrains et les rimes embrassées témoignent de la maîtrise
de la métrique et de la prosodie classique française par
PACERE.
Strophe A: -1 a
-2 b
-3 b
-4 a
Strophe B:-5 c
-6 d
-7 d
-8 c
Strophe C: -9 e
-10 f
-11 f
-12 e
Strophe D: -13 g
-14 h
-15 h
-16 g etc...
Voyons comment tout cela se présente :
NB : Les lettres A, B, C, D,...
servent à désigner les strophes et a, b, c, d, e, f,... les
rimes.
En effet, la disposition des vers et des rimes est l'une des
caractéristiques de la forme fixe, de même que l'utilisation du
vers régulier (l'alexandrin) avec la césure à
l'hémistiche ( 6//6 ) comme le dit bien Boilau :
« Que toujours dans vos vers // le sens coupant
les mots
Suspende l'hémistiche,// en marquant le
repos. »51(*)
Pour ce qui est de la nature des vers dans notre
poème-témoin, voyons le tableau qui suit :
STROPHES
|
NUMEROS DES VERS
|
RIMES
|
CESURES
|
COUPES RYTHMIQUES
|
NOMBRE DE SYLLABE
|
OBSERVATIONS
|
A
|
1
2
3
4
|
a
b
b
a
|
5//5
4//6
4//6
6//6
|
-.......
.....
......
2/4/4/2
|
10
10
10
12
|
régulier
|
B
|
5
6
7
8
|
c
d
d
c
|
5//5
6//6
6//8
6//6
|
.......
4/3/5
.......
5/4/3
|
10
12
14
12
|
|
C
|
9
10
11
12
|
e
f
f
e
|
6//7
6// 6
8//6
7//6
|
........
5/4/3
......
.......
|
13
12
14
13
|
|
D
|
13
14
15
16
|
g
h
h
g
|
6//6
6//6
8//5
6//6
|
4/4/4
5/5/2
.......
4/4/4
|
12
12
13
12
|
Romantique
Romantique
|
E
|
17
18
19
20
|
i
j
j
i
|
8//7
6//6
6//6
6//8
|
......
3/5/4
3/6/3
......
|
15
12
12
14
|
|
Etc...
|
...
|
...
|
...
|
...
|
...
|
...
|
- Tableau 1 -
Une observation de ce tableau nous permet d'affirmer que
PACERE fait usage, aussi bien de l'alexandrin, de l'hendécasyllabe que
des vers de 13 ,14, et 15 syllabes. Il apparaît clairement qu'il s'agit
dans « HEROS D'EBENE »de quatrains
hétérométriques rimés à la manière
de Baudelaire ou de Mallarmé qui ont écrit des sonnets pour
retrouver un idéal littéraire. Cependant, PACERE veut-il
atteindre le même but que ces deux poètes symbolistes ? Ou
s'agit-il simplement d'un avatar mécanique de la versification apprise
à l'école ?
Dans tous les cas, la singularité de notre poème
témoin "HEROS D'EBENE", respectant la rime et la disposition classique
des vers, de même que l'usage hypothétique de l'alexandrin
régulier52(*) nous
permet d'affirmer qu'il ne s'agit que d'une parodie, d'une caricature de la
poésie à forme fixe. C'est à juste titre d'ailleurs que le
poète termine le poème par ce vers:
"LUMIERE DE VERITE, ECLAIRE LA TERRE D'EBENE !"
Ici, la forme particulière des lettres témoigne
de la volonté du poète de s'assumer, de "faire entendre sa
voix singulière".
Mais, s'il est prouvé que PACERE n'a aucune intention
« de se faire prendre à bras le corps, sur les fonds
baptismaux des chroniqueurs littéraires occidentaux » de
l'époque classique, adopte-t-il la même position vis à vis
des romantiques dont il affirme qu'il affectionnait se nourrir et
s'abreuver de littérature de la seconde à la terminale.53(*)
2-Le vers romantique
En effet, un examen attentif du tableau nous permet de dire
que TITINGA Frédéric fait usage d'un alexandrin qui ne respecte
pas toujours la coupe à l'hémistiche. Si cette façon
d'utiliser l'alexandrin a été interprétée comme
une caricature volontaire des classiques, elle peut être aussi
considérée comme une influence des romantiques sur le
poète burkinabé.
Suivons ces alexandrins extraits de « HEROS
D'EBENNE54(*) », avec leur césure et leurs
coupes rythmiques:
Qu'avez-vous fait,/ « Dieux // venus /
nous délivrer »,
4 / 4 /
4
( Strophe D)
De valeureux / mécon//nus dor/ment dans la
haine :
4 / 4 /
4
( Strophe K)
Qu'avez-vous fait/ pour mé//riter / de tels
lauriers ?
4 / 4 /
4
(Strophe D)
Allez sofas,/ vaillants// sofas,/ criez sur
eux :
4 / 4 /
(Strophe G)
Le constat ici est que nous avons des alexandrins romantiques
appelés aussi trimètres. La césure dans ces vers
est privée de toute marque linguistique et accentuelle, comme le
préconisait Verlaine55(*). Trois coupes rythmiques les partagent en trois
groupes de syllabes, ce qui leur donne trois mesures contrairement à
l'alexandrin classique qui en compte quatre. A la manière des
romantiques donc, notre poète fait tomber la césure soit en
milieu de mot (mécon//nus ; mé//riter), soit
dissocie le substantif de son déterminant (le//hublot) ou une
préposition du groupe qu'elle régit (jusqu'à//
l'effondrement).56(*)
A la strophe K de « HEROS D'EBENE », dans
Refrains sous le Sahel,
PACERE fait glisser dans les rangs de l'alexandrin classique,
comme pour rompre de façon prématurée le ton noble que va
suggérer celui-ci :
V. 4 1-De valeureux / mécon//nus dor/ment dans la
haine :
4 / 4 /
4
V.4 2-Samory,/ Béhanzin,/ Mohamed, /El
Hamar,
3 / 3 / 3 /
3
En effet, avant le vers 2 qui est un alexandrin classique nous
avons un vers romantique. Cette juxtaposition nous permet de dire que le
poète a su rendre son amertume, sa peine, sa souffrance nègre
face au mépris, à la haine dont a été victime sa
race pendant la période de la conquête du continent. Cette haine
qui a poussé le Blanc à tuer: Béhanzin, Samory,
Mohamed, etc...
Le vers classique est constitué ici par un
échantillon de noms d'illustres martyrs africains. Il leur rend ainsi
toute la noblesse dont ils avaient été privés ou dont ils
jouissent encore chez nous africains.
A la strophe H, nous avons :
V.29- Mange des peaux de boeufs, El Habib, mange des
herbes,
V.30-L'Afrique perd des fils en Mamadou Racine,
V.31-Mademba le grand Fama, mais par la famine,
V.32-Le fleuve ne nous sera frustré par
Faidherbe !
A la suite du vers trente (V.30), surgissent deux alexandrins
romantiques. Ce changement de mètre produit un effet. Le poète
veut certainement attirer notre attention sur le drame de la conquête
coloniale subie par l'Afrique. En effet, nous le savons et cela grâce
aux historiens, l'Afrique a perdu de valeureux fils au cours de cette
période tumultueuse de la pénétration Occidentale dans ses
"terres". Les noms de certains de ces illustres fils sont
évoqués dans la strophe ci-dessus. La noblesse du ton de
l'alexandrin, telle que les classiques l'avaient reconnue à ce vers,
permet, au vers trente (V.30 ) d'évoquer ces dignes fils que l'Afrique a
perdu.
Titulaire d'une Licence en Lettres Modernes, fait montre d'une
maîtrise des modes de pensée, d'élaboration de
l'écriture de la langue française au même titre que les
principes régissant l'expression de la littérature culturelle.
Ainsi qu'il le conseille aux auteurs africains dans son ouvrage,
Le langage des tam-tams et des masques en
Afrique.57(*)
Cependant, l'influence romantique ne se limite pas seulement
à l'écriture. Elle est perceptible à travers la
thématique de la solitude, du deuil, de la mélancolie, ainsi que
nous l'avons déjà vu avec l'évocation des illustres
disparus que sont Samory Béhanzin, Mamadou Racine, dans «
HEROS D'EBENE ». Cette thématique romantique apparaît
également dans les poèmes aux titres expressifs tels
que : «JE SUIS TRISTE »,
« L'ATTENTE », « LA FUITE »,
« LA DEUXIÈME GUERRE », ... de
Refrains sous le Sahel.
Dans le poème fleuve Quand s'envolent
les grues couronnées, il est surtout question de la
« mort » : celle de « Timini »,
mais également de la mère patrie. Le deuil se lit dans ces
séquences :
"Adieu!
"Timini
Adieu!
Timini
Quelques canaris de terre
Devant cette tombe
Mais de terre rouge renversée
Fermée sur
Séparent des hommes
Mille larmes"
Qui se sont aimés" p.47.
p.30.
A travers ces passages nous sentons l'amertume et la
désolation chez le poète. En effet, Quand
s'envolent les grues couronnées est la traduction
poétique du « bounvaonlobo » ou la chanson
funèbre mossé. Ainsi que l'ont affirmé ZADI Zaourou et
Léon YEPRI58(*)
La mélancolie et la tristesse, pierre angulaire de
l'écriture romantique, constituent la toile de fond d'une
grande partie des poèmes de PACERE,
L'auteur, en écrivant à la manière de
Victor Hugo ou de Verlaine, veut non seulement nous montrer qu'il
maîtrise l'art des poètes occidentaux, mais aussi qu'il sait s'en
servir pour exprimer ses émotions
« nègres ».
Pour marquer sa liberté, il intègre dans tous
ses poèmes à l'allure romantique, le rythme du tam-tam africain.
Le poème « DEMAIN LE PASSÉ »de
Refrains sous le Sahel et tout le long
poème Quand s'envolent les grues couronnées,
illustrent bien nos propos.
Au total, nous pouvons dire que PACERE a pris chez les
romantiques le langage poétique pour exprimer sa mélancolie et
sa tristesse qui sont loin de se résumer au « mal du
siècle » de René de Chateaubriand.
Cette façon de prendre ses distances par rapport aux
romantiques français ou occidentaux, est la même en ce qui
concerne les symbolistes et leurs épigones. En effet l'utilisation du
vers libre et du verset par l'auteur de Quand s'envolent les
grues couronnées, n'a pas la même motivation que
celle des poètes qui l'ont inspiré ou qui les ont utilisés
avant lui en Occident. Il s'en sert pour véhiculer les émotions
de l'Afrique moderne.
3-Le vers libre et le verset
a. Le vers libre
Il se caractérise chez les symbolistes par son
affranchissement de toute norme classique, de toute mesure
préétablie59(*). Cette revendication libertaire chez les
poètes symbolistes comme Gustave Kahn, Laforgue, ou Baudelaire va de
paire avec l'affirmation de la subjectivité et de
l'intériorité. Le cadre trop rigide du vers classique est
incompatible avec la modulation individuelle dont ils font preuve. C'est donc
tout naturellement que les poètes africains depuis la négritude
vont s'attacher à cette écriture.
Dans Refrains sous le Sahel,
PACERE fait usage du vers libre. Ainsi nous notons des alexandrins et des
vers qui débordent les 12 syllabes.
D'abord l'alexandrin. Comme chez les symbolistes qui le
libérèrent des contraintes classiques et romantiques, il
apparaît chez PACERE en grand nombre sous la forme de vers libres. Ainsi
que nous le constatons dans les vers suivants:
V32-Le fleuve/ ne nous sera frustré/ par
Faidherbe !
V28-Défendez/, intrépides,/la terre des
aïeux !
V31-Mademba/ le grand Fama,/ mais par la
famine,
V14-Protagonistes/ de situations/ confuses,
Dans ces vers, la césure est tantôt enjambante
(V2) tantôt lyrique (V1). En somme , la structure rythmique ne respecte
aucune loi (ou contrainte) classique et romantique. C'est ainsi que l'on note
les coupes 3 / 6 / 3, au vers 1 ; 3 / 4 / 5 aux vers
2et3 ; 5 / 5 / 2, au vers 4.
En plus de l'utilisation de l'alexandrin symboliste, le
poète burkinabé fait intervenir des vers qui débordent les
12 mètres, ainsi que le montrent les exemples qui suivent, extraits de
Refrains sous le Sahel:
V17-« Dites-le
Voulet-Chamoine, »hommes de non-violence »
V11-« Et ce peuple noir reconnaissant chante
leur louanges »
Ces vers sont respectivement de quinze (13) et quatorze (14)
syllabes. Ils sont extraits de "HEROS D'EBENE" ( la liste n'est pas
exhaustive). Nous avons dit que ce poème était quelque peu
conforme à la poésie à forme fixe. Cependant
voilà qu'on y découvre non seulement des alexandrins romantiques
et libérés, mais aussi des vers qui débordent le vers de
12 syllabes pour atteindre 13 , 14 syllabes.
Indubitablement, il y a volonté de rompre avec les
classiques dont les contraintes ne peuvent retenir un poète moderne
comme Frédéric Titinga PACERE.
Dans « AUX ANCIENS COMBATTUS »,
apparaît, à des intervalles irréguliers, ce vers de 15
syllabes que voici :
"Votre mère patrie, vous ceint d'un diadème
de gloire."
Ce vers-refrain intervient après des vers de une et
quatre syllabes. Cette façon d'écrire est propre aux
symbolistes60(*) qui sont
les inventeurs du vers libre et PACERE s'en sert bien pour exprimer
« sa négritude » à lui. Les fins ne sont
donc pas identiques, comme nous pouvons le constater..
En effet, chez les symbolistes " la revendication de
liberté va de pair avec l'affirmation de la subjectivité et de
l'intériorité," alors que chez PACERE, le vers libre sert
à réhabiliter et à célébrer l'Afrique et ses
martyrs ignorés par ceux là même pour qui ils ont
sacrifié leur vie. Ainsi que nous le voyons, au-delà de
l'esthétique, le vers libre chez PACERE est fonctionnel, comme
d'ailleurs l'est toute sa poésie.
Une autre chose est remarquable chez le poète
burkinabé et qui résulte de l'influence symboliste, c'est le
hiatus que nous retrouvons dans cet alexandrin de « HEROS
D'EBENE » :
V.10-« Nous fûmes sauvés, on nous
l'a appris par des Anges .»
Cependant, le verset semble être le vers
français qui se prête le mieux à la traduction ou
à la transposition de la parole poétique
négro-africaine. Il fut inventé par Paul Claudel qui l'emprunta
lui-même aux saintes écritures 61(*)( la Bible ).
b. Le verset
En effet, depuis les négritudiens et leurs successeurs,
la poésie écrite africaine a toujours utilisé le verset,
même si pour David DIOP cela n'a aucune importance particulière,
l'essentiel étant de faire entendre son cri d'alarme.
Senghor, nous le savons, "préfère les
longues plages de verset," ainsi que "le souffle ample d'un bloc
verbal qui porte au loin la parole".
Cependant dans plusieurs des oeuvres du
poète-président, l'alexandrin se déploie comme une
profession de foi esthétique.
Avec les poètes de la deuxième
génération tels que B. ZADI Zaourou, Jean-Marie ADIAFFI, PACERE,
... c'est le verset qui se déploie, épousant le souffle et la
respiration loin de toute contrainte métrique et rimique. Paul Claudel
qui l'a emprunté aux saintes écritures pour l'introduire dans la
poésie, l'avait ainsi défini :
« J'inventerai ce vers qui n'avait ni rime ni
mètre
Et je définissais dans les secrets de mon coeur
cette double et réciproque,
Par laquelle l'homme absorbe la vie et restitue dans
l'acte suprême l'expiration une parole intelligible. »62(*)
Avec le verset, tel que défini par son inventeur en
poésie, PACERE mime (ou tente de mimer ) la fluidité et la
souplesse de la poésie orale, comme le montre ces séquences
extraites du long poème, Quand s'envolent les grues
couronnées :
"Ici
"Et puis
C'est Manéga
Etpuis
Ici
Manéga,
La bataille eut lieu !" pp.5-6.
Manéga !
Plus rien du passé,
Plus rien du passé !
Manéga,
Manéga !"pp.26-29-36
Dans ces séquences, nous pouvons remarquer que le
verset se modèle sur le souffle, sans correspondre aux groupements de la
syntaxe. C'est ainsi que la phrase s'étend sur plusieurs versets. Ces
deux séquences illustrent bien l'imitation du langage oral ou
tambouriné fait de répétitions et de reprises.
En effet, par la répétition
de ``ICI'', l'auteur nous met en présence d'un
maître de la parole traditionnelle prêt à nous initier.
Les versets de la première séquence par leur longueur, leurs
reprises, finissent par nous convaincre que le poète à
emprunté son langage poétique à celui du tam-tam. Surtout,
si nous nous en tenons à ce qu'il a dit lui-même dans son ouvrage
de Bendrologie : "La littérature de ce gros
tam-tam (le Gangaongo de la cour) ...est faite de phrases courtes
déclamées... avec des répétitions pour meilleure
audition. " 9(*)6
Pour conclure, disons que dans Refrains Sous le
Sahel PACERE Titinga fait montre d'une maîtrise de
l'esthétique poétique apprise à l'école primaire,
au secondaire et à l'université. Toutefois, il a su imprimer dans
ses poèmes le souffle poétique propre à lui en tant
qu'africain issu d'une société ou le "Bendré"
porte au loin la parole forte.
Il fait un usage parcimonieux du vers régulier (Sauf
dans "HÉROS D'ÉBÈNE"), préférant
le vers libre et surtout le verset qui est plus apte à traduire les
phrases courtes du tam-tam africain.
Ainsi, la modernité de PACERE tient de l'adoption de
l'écriture et de la forme versifiée française. Toutefois,
celui-ci ne se conforme pas aux traités et aux arts poétiques de
Malherbe, Boileau et autres. Il fait preuve de modernité, par rapport
aux ``singes'' littéraires de tous les temps. Comme le voulait
ALIOUNE Diop9(*)7
fondateur de la revue Présence
Africaine, PACERE s'est efforcé de forger son
génie des ressources d'expression adaptées à sa vocation
dans le XXè siècle, parce qu'incapable ou refusant de
s'assimiler à l'européen.
La modernité, c'est aussi la rupture
épistémologique opérée par le poète
burkinabé en adoptant l'écriture et en faisant la disjonction
entre oralité- ouverture et écriture-clôture. Cette
séparation est d'autant plus remarquable que la parole9(*)8 poétique africaine qui
est poly-rythmique, ne peut être restituée de façon
parfaite par la parole poétique écrite qui ne peut se lire que
d'une voix unique.
Nous arrivons maintenant à l'analyse des corpus pour y
découvrir la néo-oralité ou le rythme(incomplet) du
Bendré mossé. Dans les textes poétiques de
PACERE.
II -Une poésie
tambourinée
Nous procéderons ici à une étude du
corpus pour faire ressortir la quintessence de la poésie
"pacéréenne".
En effet, il nous incombe de montrer que Titinga PACERE est
avant tout un poète néo-oraliste ou que sa poésie tient de
la poésie médiatisée du Bendré
mossé, ce qui fait de lui un poète d'actualité.
Bien que l'on ne puisse rejeter du revers de la main,
l'application de la théorie de JAKOBSON de "l'arrangement par la
sélection et la combinaison"9(*)9, il ne peut s'agir ici que de son aspect universel.
L'autre aspect, le spécifique, comme l'a démontré B. ZADI
ZAOUROU, n'étant valable que pour la seule expérience
linguistique européenne1(*)00.
Une lecture attentive de Quand s'envolent les
grues couronnées nous permet d'affirmer que
Titinga PACERE a emprunté une voie totalement différente, voire
opposée à celle des européens et de leurs imitateurs. Il
rejoint ainsi ceux de sa génération que sont ZADI Zaourou, J.
M. ADIAFFI, .. .
En effet, le poète burkinabé accorde au
signifié du mot, la primauté qu' il avait dans la parole
poétique traditionnelle africaine et comme cette dernière,
il ne rompt pas l'équilibre entre les deux aspects du mot :
Signifiant /Signifié.
Chez les poètes occidentaux, la contradiction entre
contenue et forme a été de tout temps l'objet de conflits dans la
poésie, comme nous l'avons vu avec les classiques, les romantiques, les
parnassiens, et les poètes du XXe siècle de la
littérature française.
Cependant, chez les poètes négro-africains,
depuis la Négritude et d'avantage chez ceux de la deuxième
génération, la poésie s'est affranchie de ces querelles
inutiles pour retrouver la parole poétique traditionnelle.
L'analyse de celle-ci n'exclue pas pour autant la fonction
poétique, telle que Roman Jakobson l'a définie, ainsi que nous
l'affirmions déjà.
Découvrons donc l'aspect universel de la fonction
poétique dans les poèmes : "LA DEUXIEME GUERRE" et "LA
TERMITIERE"1(*)01.
1- La Fonction Poétique
Dans le schéma de la communication linguistique, la
fonction poétique est liée au message, au texte. Elle est
définie par les phénomènes de répétitions
(parallélismes, anaphores, symétries, synonymies, chiasmes, ...),
les phénomènes musicaux, les associations d'idées par
analogie (métaphores), les associations d'idées par
contiguïté (métonymies, synecdoques).
Dans le cas pratique de la poésie de PACERE, la
fonction poétique telle que nous venons de la définir sera
appréhendée dans ses aspects communs à toutes les
poésies. Ainsi, nous allons nous intéresser aux
phénomènes réitératifs, musicaux et aux images ou
tropes.
a - Les Phénomènes
Réitératifs
a-1- Les répétitions
Suivons les tableaux suivants :
Tableau 1 :''LA
DEUXIÈME GUERRE''
Séquences, versets ou mots
répétés
|
Nombre de fois
|
Strophes
|
"Ouvrez"
"Nous combattrons jusqu'à l'effondrement
total!"
"C'est l'arrêt suprême de notre destin!"
"Morts et vivants"
"Cette guerre prélude à la grande guerre!"
"On nous à trahis,
On nous trahira!"
"Mais
Aux lendemains de l'inéluctable victoire
Nous serons écartés
Des épanchements de joie,
Nous serons écartés
Des effusions de gloire!
On nous a trahis
On nous trahira!
LA DEUXIEME GUERRE SERA SANGLANTE"
"Il y aura UNE BATAILLE!
Il n'y aura qu'UNE!"
"TOTALE"
"TOMBEAAU(X)""
"CHAMP DE BATAILLE"
|
2
2
2
4
2
3
2
5
6
4
3
|
A
B,D
B,G
F,,G,H,I
F,G
C,E,G
C,E
J,L
J,K
L
L
|
Séquence, versets, mots
répétés
|
Nombre de fois
|
Strophes
|
"Sur les ruines de la Patrie
Des termites,
Des termites ont construit une termitière"
"Pilent"
"Trament"
"Ils mourront tous "
"Au nord
Des charognards croupis"
"Les hiboux"
"Les charognards"
"Les troubadours"
"Les autours"
"Grouillent "
"Rouillent"
"Les "
|
5
2
2
6
2
2
2
2
2
2
2
11
|
A',C',D', G'
B'
B'
B',D',F'
B',D'
G'
G'
G
G
G
G
G
|
Une analyse de ces deux tableaux qui nous donnent les
détails des termes répétés dans les deux
poèmes, nous montre comment ceux-ci participent véritablement de
la célébration poétique chez le poète
burkinabé.
En effet une observation du premier tableau nous amène
à affirmer que l'auteur est obsédé par l'idée
d'une bataille. Ces mots sont de loin les plus usités dans le
poème : "LA DEUXIEME GUERRE ". Et
surtout que le signifié de cette expression coïncide avec celui
d'autre que sont: "LA DEUXIEME GUERRE", "Nous combattrons",
"Ouvrez HECATOMBES". Tous ces signifiants renvoient à un même
signifié: "LA BATAILLE" qui sera "TOTALE". Cette
bataille, la jeune génération africaine la livrera sur le plan
culturel afin de se faire une place auprès des autres cultures.
Quant au deuxième poème : LA
TERMITIERE, il insiste sur la nécessité de reconstruction
de la nation. Les mots "ruines" et "termites" qu'on rencontre
dans les strophes A', C', D', et G', témoignent de cette volonté
du poète de faire prendre conscience à la jeunesse africaine
qui, malgré les malheurs qui ont frappé l'Afrique, doit se
mettre au travail.
L'espoir est permis car sur les ruines de la patrie, le
poète affirme que:
"Des termites ont construit une termitière".
a-2 - Les Synonymes
La synonymie est la répétition d'un même
signifié contenu dans des signifiants différents. Les exemples
suivants participent de la poétisation des poèmes de PACERE
Hécatombes Tombeau(x)
Bataille = Effondrement = Guerre = Massacre
Carnage Horrible Atroce Violence
Il y a une relation d'équivalence entre ces mots,
fondée sur le même signifié: la mort.
Comme l'histoire nous l'enseigne, la deuxième guerre
mondiale a été très violente, meurtrière, tant pour
l'Europe que pour l'Afrique et par métaphore l'auteur de
Refrains sous le Sahel à pris cette
image pour nous présenter la bataille future qui attend les Etats
modernes africains. En effet, le futur dans le verset qui suit, nous permet de
l'affirmer ainsi : "LA DEUXIEME GUERRE SERA SANGLANTE".
Cependant, ne nous trompons pas, il ne s'agit nullement du
"sang" qui coule dans nos veines. La mort dont il est question se
situe au plan culturel. Les Etats africains devront se battre pour
éviter d'être "tués" par les cultures occidentales.
Le courage
= ici, la relation d'équivalence
Nous combattrons jusqu'à la bataille
finale ! est fondée sur le courage, la
= force de lutte de l'Africain.
Nous combattrons jusqu'à l'effondrement
total!
=
Nous reprendrons
Il est certain que la synonymie en tant que
phénomène, réitératif, permet au poète de
communiquer à la jeunesse sa pensée profonde, celle d'une Afrique
qui doit prendre en main son propre destin, vu la trahison dont elle a
été victime en 1945. En effet, fort de la promesse faite par de
Gaules à Brazzaville en 1944, l'Afrique s'est engagée de toutes
ces forces dans une guerre à la fin de laquelle, elle a
été oubliée. Et le poète ironise cette forfaiture
dont ont été victimes les Africains, lorsqu'il écrit au
futur les versets suivants :
"Nous serons écartés
Des épanchements de joie
Nous serons écartés
Des effusions de gloire"
Il stigmatise cette trahison dans le refrain suivant :
"Mais
Aux lendemains de l'inéluctable victoire
Nous serons écartés
.................................
LA DEUXIEME GUERRE SERA SANGLANTE"
Dans "LA TERMITIERE", nous relevons les relations
d'équivalences suivantes :
Patrie La relation d'équivalence est
fondée sur un signifié :
= la collectivité, Manéga,
l'Afrique, à construire.
Termitière.
Charognards
= Le signifié d'équivalence est le malheur.
Hiboux Certainement celui qui a frappé
l'Afrique (la traite
= négrière et surtout la colonisation qui a vu
Vautours l'anéantissement total de sa
culture).
=
Basilics
Ainsi que nous le voyons, PACERE est un poète qui
n'échappe pas à l'universel. Sa poésie retrouve celle des
autres auteurs, des autres continents.
Voyons maintenant le rythme.
b- Le Rythme et les Sonorités
Le rythme fait partie de l'aspect musical des textes
poétiques. D'ailleurs, le phénomène rythmique
apparaît comme une des forces dynamiques de la poésie
nègre. C'est donc à juste titre que Barthélemy KOTCHY,
étudiant la question du rythme chez Damas, a écrit :
« la poésie négro-africaine se fonde plus
particulièrement sur la richesse des images et du rythme. La
poésie Nègre est une poésie intensément
rythmée. » 1(*)02 Dans le poème "LA DEUXIÈME
GUERRE", le rythme est entretenu par les répétitions, les
refrains, mais également par le nombre de syllabes.
En effet dès le début du poème le rythme
surgit avec :
"Ouvrez
Tombeau
Ouvre
Hécatombe"
Non seulement nous avons le rythme avec la reprise
de : "Ouvrez", mais surtout avec l'apparition du trissyllabe
à la suite de 3 dissyllabes. Le poète manifeste une fois de plus
sa volonté de stigmatiser l'horreur de la guerre dont a
été victime l'Afrique toute entière. Et le présent
de l'indicatif dans ces versets préfigure également, les
défis présents et futurs qui attendent les nations modernes
africaines.
A l'image de cette première strophe, observons celles
qui suivent, extraient de LA DEUXIEME GUERRE
Strophe B :
Strophe C Strophe D
1-12 syllabes 1-1 syllabe 1-4 Syllabes
2-12 syllabes 2-12 syllabes 2-9 Syllabes
3-13syllabes 3-6 syllabes 3-12 Syllabes
4-7 Syllabes 4-8 Syllabes
5-6 Syllabes 5-8 Syllabes
6-6 Syllabes 6-3 Syllabes
7-5 Syllabes 7-2 Syllabes
8-5 Syllabes 8-2 Syllabes
9-10 Syllabes 9-5 Syllabes
Dans ces strophes, le rythme est créé par
l'hétérométrie des vers, ainsi que cela est visible dans
tous les poèmes de PACERE. Les vers pairs et impairs se mêlent
pour rythmer d'avantage la poésie "pacéréenne".
"HÉROS D'ÉBÈNE" illustre bien notre propos.
Dans "LA DEUXIEME GUERRE", PACERE, à l'aide de
refrains, rythme profondément sa poésie. Ainsi, à partir
de la dixième strophe, nous avons le refrain suivant:
"Il y aura UNE BATAILLE
Il n'y aura qu'UNE!"
A sa suite, nous n'avons que des énumérations de
villes tantôt africaines, tantôt européennes ou
américaines. Quel que soit le continent sur lequel ces villes se
localisent, se sont des capitales où l'on rencontre le Nègre qui
se bat pour sa liberté, son indépendance, sa culture, son
identité.
D'autres refrains, foisonnent dans ce poème, qui
sous-tendent la poéticité du texte. Par ailleurs évoquons
ce mot qui à lui seul constitue un refrain : "TOTALE".
Elle sera
TOTALE
Violente
TOTALE La distribution du refrain même est
source de
Atroce rythme et de musicalité qui se
trouvent
Horrible ainsi renforcé et fini de
convaincre de
Sanglant l'importance que le poète lui
accorde
TOTALE
Un carnage
Un massacre
TOTALE
Dans "LA TERMITIÈRE", le rythme est
également assuré par les répétitions, les reprises
et les refrains. Ainsi nous avons:
Sur la ruine de la patrie,
Des termites ont construit une
termitière!
Ces versets constituent, l'un des refrains qui traduisent tout
en rythmant le poème, la pensée profonde du poète. Celle
de voir la jeunesse à l'oeuvre pour la construction nationale des Etats
modernes africains.
En effet, le colon nous a légué un
héritage en lambeau, en ruine, qu'il faut reconstruire, voire construire
là où tout a été rasé : la culture,
mais aussi l'économie et le tissu social.
A la strophe F de ce poème, nous remarquons
que le poète burkinabé à partir du verset 8, reprend
chaque verset.
Notons l'article "les" dont l'anaphorisme
apparaît ici de façon tangible:
Les charognards /
Les charognards / Les hiboux /
Les hiboux / Les troubadours /
Les troubadours / Les vautours /
Les vautours / Les vautours /
Les vautours / ... ( NB : C'est nous qui
avons souligné l'article.)
Le rythme et la musicalité sont-ils aussi rendus ici
non seulement par le nombre de syllabes, mais surtout par la reprise de chaque
verset. Aussi, avons-nous, le son [ U ] qui termine les 8 versets, et
qui insiste sur la musicalité.
Ce son [ U ] exprime la tristesse qu'inspirent les
"oiseaux-malheurs" évoqués dans ces versets
(charognards, hiboux, vautours ).
Ainsi que nous le voyons, le rythme et les sonorités
sont usités avec profusion par notre poète, comme cela a toujours
été dans la poésie à travers les siècles et
les continents.
Voyons maintenant la forme matérielle qu'adopte le
poème sur la page.
C - La Typographie
Avec Alain VAILLANT, nous savons que "la forme
matérielle qu'adopte le poème sur la page permet aussi à
l'auteur de faire entendre sa voix singulière... Les
éléments propres à l'écriture ou à
l'imprimerie, la ponctuation, la disposition des signes, les caractères
typographiques sont dotés d'une force poétique sui
generis "1(*)03.
PACERE nous fait donc entendre sa voix singulière en
parsemant dans ses poèmes des versets et des mots particuliers. En
effet, en écrivant des mots et des vers ou versets entiers en
majuscules, il crée des ruptures dans le poème afin que notre
esprit ou l'esprit du lecteur puisse certainement fixer son message.
Dans le Refrains Sous le
Sahel, tous les titres sont en caractères
d'imprimerie.
Dans "LA DEUXIEME GUERRE", un des poèmes de
ce recueil, la première strophe est en contraste avec la suite de par la
taille et la forme des caractères :
"OUVREZ
TOMBEAUX
OUVRE
HECATOMBES"
Manifestement, le poète veut créer un rythme
visuel. Comme une sentence, le verset suivant qui marque la fin du premier
refrain du poème, ne peut échapper à l'oeil du lecteur:
LA DEUXIEME GUERRE SERA SANGLANTE.
Dans un autre refrain : "Il y aura UNE
BATAILLE
Il n'y aura qu'une !"
Ici la forme particulière des lettres de UNE
BATAILLE (un substantif et son déterminant) insistent sur
l'imminence et la gravité de la bataille qui attend la jeunesse
africaine restée sur le continent, mais aussi celle qui vit dans les
capitales occidentales telles que Washington, Paris, Berlin,
Londres, Prague, Honolulu, ... , évoquées dans le
poème.
Dans la suite du texte, le déterminant "UNE" gardera
les caractères initiaux, comme pour finir de nous convaincre de
l'unicité de la bataille à venir, afin d'éviter toute
méprise.
"TOTALE", le mot - verset - refrain, tranche aussi
avec les mots qui l'entourent, par la forme de ses caractères, comme
s'il mimait son signifié. Il en est de même pour
"TOMBEAU", dont les caractères creusent l'espace de la page.
Le poème se termine comme il a commencé avec des
lettres qui par leurs formes marquent à jamais le lecteur tout en
indiquant l'origine du poème: "CONCUS SUR UN CHAMP DE
BATAILLE"
Dans "LA TERMITIERE", un seul verset
distribué à travers tout le poème, apparaît chaque
fois en caractères d'imprimerie : "ILS MOURRONT TOUS".
Ce poème se termine également par un verset dont
les lettres se distinguent des autres par leur forme :
"LA PEAU DES SERPENTS S'IDENTIFIERA AU COEUR DES
PRINCES".
Par cette manière d'écrire, T.F. PACERE, se
rapproche de ses maîtres de l'Occident. Cependant les fins ne semblent
pas identiques. Car au-delà de l'effet poétique à
l'occidental, le poète africain qu'il est avant tout, veut nous faire
saisir son message. Il retrouve ainsi l'art fonctionnel propre à
l'Afrique traditionnelle.
d- Les tropes ou images
d-1- les métaphores
Les auteurs de Didactique de
l'expression104 définissent la métaphore
comme un écart de type paradigmatique par lequel l'émetteur
substitue un signe 2 à un signe 1 normalement attendu de façon
à signifier un rapport de ressemblance entre S2 et S1.
Dans la poésie de PACERE, la métaphore est
intuitive. Les métaphores- personnifications et les métaphores
-identifications sont les plus nombreuses. En effet elles correspondent au sens
profond de la psychologie africaine. Comme l'affirme
Renée Tillet, cité par YEPRI Léon : "contrairement aux
poètes français qui s'en tiennent aux personnifications, en
Afrique, l'identification avec les animaux de la brousse se
révèle être absolue et totale "1(*)05.
Dans "LA TERMITIERE", examinons d'abord le
titre. "LA TERMITIERE ", symbole de la cité, de la
patrie, est distribuée dans tout le poème. Il en est de
même des "termites" qui symbolisent la collectivité, les
citoyens de la cité, les citoyens des nations africaines. Ces images se
perçoivent dans ces versets qui constituent le premier refrain du
poème :
Sur les ruines de la patrie
Les termites
Les termites ont construit une termitière.
D'autres métaphores foisonnent dans le texte. Nous
avons cette identification des bourreaux du peuple à des charognards. Un
malheur est à l'horizon, nous devons être vigilants, car il est
imminent, la présence du sang rouge en témoigne:
"Des charognards croupis
Rouges du sang qui coule."
Ces deux versets suffisent pour nous convaincre de la
gravité de la situation de l'Afrique moderne.
La couleur rouge, au-delà du sang, symbolise le malheur
ou même la mort dans Refrains Sous le
Sahel tout comme dans Quand s'envolent les
grues couronnées. Observons ces séquences qui
illustrent notre propos :
"Au secours du jour plus rouge !"
Refrains Sous le Sahel, la
Termitière, P74
"Tu m'amèneras
Un foulard rouge
Rouge
Il y a dessus
Des oiseaux pleureurs
Sur du sang
Rouge !"
Quand s'envolent les grues
couronnées, P.38
Comme nous pouvons le remarquer, ces versets insistent sur la
symbolique de la couleur rouge chez le poète. Cependant, il y a un
espoir et le verset-refrain de LA TERMITIERE le montre de
façon élégante : «ILS MOURONT
TOUS ». Il s'agit ici de ces charognards, de ces
hiboux, de ces vautours et autres basilics, venus du
Nord pour détruire l'Afrique.
Retenons cette autre métaphore dans LA
TERMITIÈRE:
"Demain,
LA PEAU DES SERPENTS S'IDENTIFIERA AU CoeUR DES
PRINCES."
A l'aide de ces paradigmes "peau de serpents" et
"coeur des princes", l'auteur de Refrains Sous le
Sahel nous donne sa vision du monde à venir, de
l'Afrique du future où les Présidents exempts de toute corruption
et de toute démagogie, construirons des nations modernes avec l'aide de
toute la jeunesse (les termites).
Transfert de sens par analogie ou par similitude, la
métaphore est loin d'être la seule image utilisée par le
poète burkinabé dont l'enracinement dans sa
culture ne souffre d'aucune ambiguïté. Son
enracinement est la source de sa modernité, ainsi qu'il le dit
lui-même :
« Si la branche veut fleurir
Quelle n'oublie pas ses racines ! »
d-2 Les Métonymies
En poésie où la similarité est
projetée sur la contiguïté toute métonymie est
légèrement métaphorique, toute métaphore à
une teinte métonymique1(*)06 affirme Léon YEPRI qui cite Roland
Barthes.
Cependant, la métonymie se définit en tant
qu'écart de type paradigmatique par lequel l'émetteur substitue
un S2 à un S1 normalement attendu de façon à signifier un
rapport de contiguïté entre eux1(*)07.
Avec PACÉRÉ: « le champ
métonymique-synecdoctique, le signifiant est en déplacement,
sinon en déconstruction tout le long du vers, pour ne pas dire tout le
long du texte »1(*)08. Le texte "pacéréen" est une
"rhétorique métonymique
généralisée" 1(*)09, ainsi que le dit
YEPRI Léon dans son ouvrage que nous avons déjà
cité. Examinons LA DEUXIEME GUERRE, pour y découvrir
quelques métonymies particulières :
"OUVREZ
TOMBEAUX !
OUVRES
HECATOMBES !"
Dans cette strophe, la mort est représentée par
"TOMBEAUX" et "HECATOMBES". En effet ces deux paradigmes entretiennent
une relation d'équivalence fondée sur un même
signifié: "La Mort". Et l'image est d'autant plus remarquable que
l'auteur a écrit cette strophe en lettres majuscules.
Le verset suivant : "C'est l'arrêt
suprême de notre destin!", qui est un euphémisme, est
également une métonymie. Ici les signes S1et S2 sont:
Mort / Arrêt suprême de destin. Le second a pris
la place du premier, non seulement pour éviter de choquer, mais aussi
pour donner cette image de fatalité qui accompagne le
Nègre : le destin.
A la strophe D, nous relevons également :
"Nous ploierons sous notre puissance
Toutes les ambitions des Trônes !"
La métonymie est d'autant plus frappante ici que les
Trônes font partie intégrante du pouvoir, de la
monarchie. Par cette image, le poète dénonce la dictature et
l'hégémonie des monarchies européennes que nous devons
vaincre.
Ainsi que le souhaite le poète burkinabé dont la
poésie est hautement utilitaire comme jadis la poésie du Tam-tam
(du bendré) ou comme l'est encore dans nos contrées loin
des villes, la poésie au clair de lune.
Comme nous pouvons le constater, la poésie
"pacéréenne", à l'image de celle de tous les
continents et de toutes les sociétés humaines, est une
poésie ou foisonnent phénomènes réitératifs,
métaphores, métonymies, rythmes et sonorités. Il est on ne
peut plus claire que la "parole poétique africaine renferme
nécessairement un aspect de l'expérience linguistique
universelle. De ce fait, elle peut être élucidée par les
normes de la linguistique classique"1(*)10. C'est ce que nous venons de
démontrer. Il reste maintenant que les poètes de la
deuxième
génération1(*)11, ZADI ZAOUROU, J.M. ADIAFFI, F.T. PACERE, ... ont
tenté de retrouver la parole poétique africaine traditionnelle.
Cette parole, dont Hamadou HAMPÂTÉ-BÂ dit qu'elle est
pour les bambins une histoire fantastique, pour les fileuses, un passe-temps
délectable et pour les mentons-velus et les talons-rugueux, une
véritable révélation.1(*)12
Chez les mossé, ainsi que l'affirme PACERE dans son
ouvrage, Le langage des tam-tams et des masques en
Afrique1(*)13, la parole
poétique est une affaire d'élite et c'est pour cela que depuis
des millénaires on n'a pas voulu qu'elle soit dite non par la bouche,
mais qu'elle soit "proférée" par le
bendré, le tam-tam. En effet le langage du tam-tam est un
langage ésotérique. Pour y accéder il faut être
initié. Dans la société traditionnelle africaine,
l'ensemble des initiés constitue l'élite. Seule cette
élite est capable de décoder le discours de
l'Attougblan chez les Akans,du Tabingue chez les
Sénoufos ou de l'arc musical chez les Didas et les
Bétés (peuples de Côte d'Ivoire). C'est une poésie
au rythme complexe que diffuse ces instruments qui jadis servaient de moyens
de communication.
C'est donc cette poésie sacrée et
"poly-rythmique" que tente de faire ressurgir dans
D'Éclairs et de Foudres,
Césarienne, Quand s'envolent
les grues couronnées, nos poètes actuels. C'est
cela aussi la modernité: s'ingénier à
"cloturer"1(*)14 cette poésie jadis ouverte.
Pour l'analyse du caractère particulier de cette
parole médiatisée ou tambourinée que
l'on retrouve dans la poésie du poète burkinabé nous
allons avoir recours à l'axe symbolique proposé par ZADI Zaourou
et qui complète les axes paradigmatique et syntagmatique, définit
par Roman JAKOBSON qui définissent les rapports entre les signes d'une
langue sur la chaîne parlée.
2. La fonction symbolique
Axe paradigmatique
Axe syntagmatique
Axe symbolique
Les axes se présentent comme suit:
LE SCHÉMA DES TROIS AXES
Les axes paradigmatique et syntagmatique
définis par Roman Jakobson rendent compte parfaitement de
l'expérience de la parole européenne, ainsi que l'affirme ZADI
Zaourou, dans ouvrage Césaire entre deux
cultures, que nous avons déjà cité. En
effet, l'axe paradigmatique est celui de l'équivalence des mots. Ils est
aussi appelé l'axe des sélections. Sur cet axe, il s'agit bien
d'équivalences sémantiques et nous y retrouvons les tropes ou
images qui participent de la poéticité de toute poésie,
qu'elle soit européenne ou non. Le deuxième axe est celui des
combinaisons. Sur cet axe la juxtaposition des mots est
privilégiée. C'est là que la parole prend forme
pour devenir phrase ou tout autre élément capable de traduire la
pensée. A ces deux axes s'ajoute l'axe symbolique ou
la fonction initiatique propre à la parole africaine.
Ce troisième axe est apparu parce que les deux premiers sont incapables
de traduire toute la poéticité de la parole poétique orale
ou tambourinée de l'Afrique noire. Il comprime les deux premiers et lie
à lui la fonction rythmique. C'est donc les fonctions initiatique et
rythmique de cet axe qui révèlent le mystère de l'art
africain de la parole. Nous allons le
retrouver dans Quand s'envolent les grues couronnées
et Refrains Sous le Sahel, de Titinga
PACERE.
En effet, dans ces recueils, la poésie
pacéréenne, qui s'enracine profondément dans la culture
mossé, contient des mots dont la valeur ne se détermine pas
uniquement par les mots qui les entourent sur la chaîne parlée.
Ces mots, ont une valeur qui préexiste à leur
intégration à la chaîne parlée.
Du point de vue des travaux de B. ZADI Zaourou le symbole est
à décoder à trois (3) niveaux:
a- La symbolisation au 1er
degré
A ce niveau, le symbole et la métaphore se confondent
plus ou moins. Les relations sont objectives, qui existent entre les
phénomènes, les choses et les êtres.
La symbolisation au 1er degré ne crée
pas de relations nouvelles. Elle ne fait que rendre compte de celles qui
préexistent.
Exemple 1:
Quand s'envolent les grues couronnées.
Relation d'origine
Quand s'envolent les grues couronnées.
- plus riens du passé
Il ne reste que de loin en loin
Adieu forêt de Koumbaongo (pp.26-29-36)
Qui n'appellent plus les initiés trait
sémantique
Adieu forêts et termitières dominant =
LA MORT
- Quand voleront
les grues couronnées (p.47)
Relation contextuelle religieuse liturgique
Souvent ont chanté les grues couronnées
- Tibo
Tu jetteras (p.55)
Une feuille de caïlcédrat
Sur la tombe de tes frères
- Adieu
Adieu Timini!
Nous nous retrouverons
Dans, la belle
Vallée
Quand chanterons (p.57)
Les grues
Couronnées!
"Quand s'envolent les grues
couronnées", titre du poème fleuve de PACERE,
symbolise la mort. En effet c'est la mort des maîtres initiateurs du
poète qui est à l'origine de ce poème. C'est
également la mort de ceux-ci qui est à l' origine de la ruine
culturelle de Manéga et partant de l'Afrique entière.
Cette mort que symbolise les grues couronnées donne lieu à des
rituels. Tibo ou la jeunesse africaine est appelé à accomplir un
acte purificatoire. La nature de la feuille à jeter sur la tombe, finit
de nous convaincre qu'il s'agit bien d' exorciser le mal qui ronge l'Afrique
et la ruine. Telle doit être la mission des générations
présente et future. Au premier stade donc les grues couronnées
impliquent les rapports d'identification1(*)15 suivants:
Grue couronnée - migration - Voyage
réel
Homme - Mort - Voyage dans l'au-delà
(connotation religieuse)
Exemple 2: La termitière
Termitière
- Sur les ruines de la. Patrie
Des termites ont construit une termitière!
( Refrains sous le Sahel, p 69)
- La frontière de Ropallin Le trait
Sémantique
- Grandeurs (Quand
s'envolent..., p.26) dominant = LA PATRIE
- Forêts
- La feuille royale (Quand
s'envolent..., p.18)
- Tous ceux qui ont faims
Manéga
- La terre de Zida
- La Patrie de tes pères
- La patrie d'autres pères
- La vielle terre ( Quand
s'envolent...)
Au premier degré la termitière symbolise "la
chaîne des générations dans leur effort perpétuel de
construction de la cité" ou de la Patrie. C'est d'ailleurs cette
signification qui est contenue dans cette devise ou Zabyuré du
poète :
"Si la termitière vit
Qu'elle ajoute
De la terre à la terre"
Pour PACERE donc: Termitière =
Manéga = Patrie
Exemple 3: Le philosophe à la barbe de
poussière, dans Quand s'envolent les grues
couronnées
Le philosophe à la barbe de poussière.
- Qui chantait tous les soirs (pp.7-52)
Ses refrains à l'aube
- Qui chante tous les soirs (pp.31-32 -34) Le trait
sémantique
- Qui bat le Kounga (p.44) dominant =
Eternel! LE MAITRE INITIATEUR
- Qui bat désormais (p.46)
Ce rituel millénaire du Mogho
Timini
- Mère (pp.16-35)
- L'histoire de la grandeur
De la terre de Zida (p.8)
En effet, le philosophe à la barbe de poussière
et Timini sont ceux qui ont initié Tibo ou le poète. Ils
symbolisent pour lui, le savoir, la sagesse. Parce qu'ils ne sont plus
là, "tout s'assombrit sous le ciel de Manéga".
Comme nous pouvons le constater, la symbolisation au premier
degré n'a rien de spécifiquement africain. Elle est logique et
naît du mode de pensée par analogie, ainsi que l'affirme ZADI
Zaourou qui dit d'elle "proche parent de la
métaphorisation"1(*)16.
b- La symbolisation au second
degré
Cette symbolisation "se fonde sur l'expérience
historique du groupe social considéré"1(*)17.
Elle ne s'interprète donc que par rapport à l'histoire. Le sens
dénoté second de la symbolisation à ce stade, correspond
à une situation réellement vécue dans le passé.
Si nous reprenons les deux premiers exemples ci-dessus, nous
pouvons dire qu'il y a un enrichissement de leur sens.
Exemple 1: Quand
s'envolent les grues couronnées
En effet le titre du long poème de PACERE est la
traduction poétique d'un chant funéraire Mossé ( peuple du
Burkina Faso): le Bounvaonlobo1(*)18 . Ce mot d'après ZADI
Zaourou est le résultat d'une agglutination. Il se compose en effet de
"Bounvaon" qui signifie "grue couronnée" et
"lobo" qui signifie "partir". Ces deux termes
agglutinés donnent donc "l'envole de la grue
couronnée".
Ainsi que nous le voyons, le titre de notre
poème-fleuve tient de la tradition orale mossé.
Pour le poète, le bounvaonlobo a une double
signification symbolique:
1- Le mossé chante le bounvaonlobo chaque fois
que meurt un membre de la communauté. Pour lui l'image du défunt,
c'est précisément cet oiseau migrateur qui a donné son nom
à ce chant funéraire1(*)19.
PACERE en tant que moaga, hérite de ce symbole qu'il
vivra personnellement de manière affective, plus intime. Il l'a ainsi
récupéré sur la tradition pour la renforcer,
l'enrichir.
2- En effet, "vers 6 ou 7 ans PACERE est surpris par un
cortège funèbre qui chantait le "bounvaonlobo". Les porteurs de
la dépouille mortelle le bousculèrent... l'enfant en fut
profondément marqué. D'ailleurs toute la nuit, confesse le
poète, je n'ai fait que des cauchemars. C'était à la mort
de son oncle Zoundou"1(*)20.
Ce même chant, le poète dû
l'écouter en 1954, le 4 janvier1(*)21, lors des funérailles de son père,
le roi-lion de Manéga. "Le jeune esprit de Titinga PACERE
qui n'avait que 11 ans fut alors installé dans un trouble
indescriptible, emporté par la mélodie et l'harmonie des notes du
chant rituel." 1(*)22
Cependant, c'est aux funérailles de Timini, en
19731(*)23
que le bounvaonlobo achève de marquer
définitivement le poète.
Pour le poète donc, non seulement le mot "grue
couronnée" est un héritage traditionnel, mais symbolise-t-il
aussi son oncle Zoundou, son père Naba Guiegmde, le roi-lion et Timini
sa mère adoptive1(*)24.
Ces trois morts constituent une seule : la mort de l'antique
civilisation africaine.
En effet, Timini et le philosophe à la barbe de
poussière représentaient pour le jeune "Tibo" (le poète)
l'image achevée du savoir et de la sagesse. C'est le "symbole de la
force morale et psychologique des grands initiés" que nous ne
savons plus produire comme le dit ZADI Zaourou dans sa Thèse
d'Etat. Le roi-lion et son Baloum-naba (1er
ministre) symbolisaient en effet la force et l'équilibre du pouvoir
politique du millénaire empire Mogho. Ainsi que nous le voyons dans ces
versets extraits de Quant s'envolent les grues
couronnées :
"Adieu grandeur et termitière, / Le tam-tam lourd
de héraults / Adieu forêts de Kombaongo / Qui n'appellent plus
les initiés, / Adieu forêts et termitières, / De l'antique
terre des princes, / Adieu tam-tams sylphides! / Ainsi, Ainsi, / Battent les
tam-tams / Près / Des Murs Maudits, / Grand s'envolent / Les grues /
Couronnées!"
Au terme de notre réflexion, il ressort que le
poète a récupéré un symbole hérité de
la tradition orale et l'a fait sien. A travers ce symbole, PACERE
évoque la ruine de la civilisation africaine ancienne incarnée
par le roi-lion, le philosophe à la barbe de poussière et
Timini. Cette civilisation qu'il regrette, à fait place à un
vide créé par la colonisation. En effet la politique coloniale
est à la base de la dégénérescence, de la
profanation et de la laïcisation des symboles africains. Et les nouveaux
pouvoirs mis en place après les indépendances ont tous failli
à leur mission de restauration de l'Afrique.
Exemple 2: La
Termitière
Cet autre symbole, est un héritage de la tradition
orale Mossé et partant africaine que PACERE a
récupéré pour en faire un symbole individuel dans sa
poésie et dans sa vie.
En effet, «A l'entrée de Manega se dresse une
énorme "termitière" avec cette devise (Zabyuré) "si la
termitière vit, qu'elle ajoute de la terre à la
terre" ». Cette oeuvre est du poète qui exploite au
maximum les legs de la tradition pour galvaniser ses frères de
Manéga et de l'Afrique toute entière afin qu'ils se mettent au
travail. La "termitière", symbole de la collectivité, de la
société, et de la solidarité, insiste sur l'unité
des africains.
En effet, dans Refrains Sous le
Sahel, le poème "LA TERMITIÈRE"
témoigne de cette signification du second degré:
"Sur les ruines de la Patrie
Des termites
Des termites ont construit une termitière!"
(p.69)
Cette strophe, constitue un refrain, comme si par le rythme
profond, l'auteur faisait appel à toutes les composantes de la
société Mossé et partant africaine afin qu'elles se
mettent à l'oeuvre de reconstruction.
Dans cet autre refrain, dans Quand s'envolent
les grues couronnées, le poète regrette l'union
et le sens de la collectivité de l'Afrique traditionnelle ancienne:
"Adieu grandeur et termitière,
Le tam-tam lourd
de héraults
Adieu forêts de Kombaongo
Qui n'appellent plus les initiés,
Adieu forêts et termitières,
De l'antique terre des princes,
Adieu tam-tams sylphides!"
Dans ce refrain qui apparaît aux pages 26, 29 de
Quand s'envolent les grues couronnées,
ainsi que dans le poème intitulé, "TERMITIÈRE",
dans Refrains Sous le Sahel, "la
termitière" est un symbole porteur d'une signification qui
dépasse son sens dénoté et ce, selon les rapports
d'égalités suivants:
Termitières = Etats modernes africains
à construire
Termites = Jeunesses africaines qui doivent
s'unire
C- La symbolisation au troisième
degré
"Elle est la plus complexe et la plus originale, elle
crée des relations nouvelles entre le symbole et son
référent. Ces relations sont fondées par l'arbitraire du
poète ou par un système de rapports
ésotériques".1(*)25 Cette symbolisation
défie donc toute logique. Pour arriver à décoder ces mots
qui opèrent ces bonds et acquièrent une multitude de valeurs
nouvelles, il faut être initié aux formes complexes de la parole
africaine.
Exemple 1: La
Termitière
Dans Quand s'envolent les grues
couronnées, nous allons d'abord nous intéresser
à la "Termitière". Suivons cette
strophe-refrain qu'on retrouve aux pages 26, 29 et 36:
1.Et puis, /2.Et puis,
/3.Manéga, /4.Manéga,
/5.Plus rien du passé, /6.Plus rien
du passé! /7.Manéga, /
8.Manéga! /9.Il ne reste que de loin
en loin /10.Adieu grandeur et termitière,
/11.le tam-tam lourd de héraults
/12.Adieu forêts de Kombaongo /13.Qui
n'appellent plus les initiés, /14.Adieu forêts
et termitières, /15.De l'antiquité terre des
princes /16.Adieu tam-tams sylphides!
/17.Ainsi /18.Ainsi
/19.Battent les tam-tams /20.Près
/21.Des murs maudits /22.Quand s'envolent
/23.Les grues /24.Couronnées!1(*)26
En effet, nous l'avons déjà montré,
"La termitière" est un symbole que le poète a
hérité de la tradition orale et enrichi. Cependant une lecture
des versets 3, 4, 5, 10, 12, 14 et 15 nous permet de dire qu'il y a une
symbolisation au troisième degré de
termitière dans les versets 10 et 14. Cette symbolisation est
sous-tendue par les versets 11 et 13 :
10. Adieu grandeur et termitières
11. Le tam-tam lourd des héraults
12. Adieu forêts de Koumbaongo
13. Qui n'appelle plus les initiés
14. Adieu forêts et termitières,
A l'analyse, nous constatons que ces versets sont le
développement alterné de phrases de tambours distincts.
Tambour A. Tambour
B
9. Il ne reste que de loin en loin
10. Adieu grandeurs et termitière
11. Le tam-tam lourd des héraults
12. Adieu forêts de Koumbaongo
13. Qui n'appelle plus initiés
14. Adieu forêts et termitières
15. De l'antique terre des princes
Si nous étendons notre analyse à tout le
refrain, et même à tout le poème, nous nous rendons compte
de ce que l'auteur affirme lui-même à la page 86 de son ouvrage,
Le langage des tam-tams et des masques en
Afrique1(*)27. En effet dans cet ouvrage, le
poète affirme que la poésie dans
Quand s'envolent les grues couronnées
est tributaire de la très complexe littérature des
tambours
mossé. En effet plusieurs tambours peuvent s'expriment
à la fois. "Des phrases se succèdent, s'entrechoquent et ne
se complètent pas souvent". C'est ce que nous avons tenté de
montrer ci-dessus.
Fort donc de ce que la poésie de PACERE est une
littérature tambourinée ou la juxtaposition de phrases
développées par plusieurs tambours, nous pouvons affirmer
qu'elle est réservée à une élite, aux
initiés1(*)28. D'où le caractère
ésotérique du symbole "termitière".
En effet dans la post-face à son oeuvre:
La Guerre de femme suivie de la
Termitière, ZADI Zaourou affirme que
"La termitière" symbolise la parole souterraine
des ancêtres et constitue pour cela une réserve
inépuisable de forces au sens métaphysique, et mystique du
terme. Il permet ainsi d'établir les égalités
suivantes :
Force = Energie vitale = Puissance des
légats de Dieu.
La "Termitière" telle qu'elle apparaît
aux versets 10 et 14, nous permet d'affirmer que son référent ici
est bel et bien "la parole souterraine des ancêtres" de
Manéga et de l'Afrique, perdue à jamais. "Adieu",
témoigne de cette vérité. Et les versets 5 et 6
("Plus rien du passé") nous rassurent d'avantage dans notre
position. Au verset 10, "grandeurs" est relié à
"termitières" par la conjonction de coordination "et".
Cette conjonction nous le savons, relie des termes de même nature.
Cependant, ne permet-elle pas non plus de poser ces égalités de
sens:
Grandeur = Termitière = Parole
souterraine
Grandeur = termitière
= force = Energie vitale
La mort du philosophe à la barbe de
poussière, celle de Timini et celle du roi-lion
ont fini par faire perdre à Manéga toute sa force, d'où ce
cri de deuil et de nostalgie, "Adieu grandeurs et
termitières".
En effet, les maîtres initiateurs sont partis:
"Adieu forêts et termitières". Pour l'africain, la
forêt (sacrée) est le lieu idéal de l'initiation, c'est le
lieu où l'on acquiert le sens caché des choses. Le Burkina, pays
d'origine du poète on le sait est dans une zone sahélienne, la
forêt, comme d'ailleurs au Nord de la Côte d'Ivoire chez les
Sénoufos, est synonyme de lieu d'initiation. Ce n'est donc pas sans
raison que "forêt" et "termitières"sont
liées par la conjonction de coordination "et".
Si nous juxtaposons les versets 10 et 14 nous avons:
"Adieu grandeurs et termitières
Adieu forêts et termitières".
De ce qui précède nous pouvons dire que
"grandeurs", "termitières", "forêts"
sont des paradigmes ainsi que "parole souterraine", "savoir" et
"équilibre parfait".
Choix mystique opéré par les maîtres
initiateurs: "la termitière", c'est l'énigme du
pouvoir et le symbole de l'unité des contraires. Elle
unit le ventre de la terre (là où résident les
immortels) et le monde fini des savants, donc
l'ésotérique et l'exotérique, l'opaque
et le transparent1(*)29.
C'est cet équilibre qui se trouve bouleversé
avec la disparition de l'Afrique traditionnelle, avec la mort du Roi-lion, du
philosophe à la barbe de poussière et surtout de Timini. C'est
cette dernière qui fut chargée d'élever le jeune prince
Titinga ou "la terre du fétiche".
Exemple 2: le
Bubale
1."A Manéga /
2.Son parent /3. Fut le bubale!
/4.A l'époque /5.Où les hommes
étaient encore /6. Des hommes /7.Il
s'immolait /8.En recevant chaque ami!" ( NB:la
numérotation est de nous.)
Dans cette séquence "les mots entretiennent des
relations déconcertantes et insolites"1(*)30. Avec
PACERE, le verbe "s'immoler" a subi une métamorphose.
Reconstituons la phrase: "son Parent s'immolait, en recevant chaque
ami". Cette phrase laisse penser que le père du poète, le
Roi-Lion "s'immolait" pour recevoir ses amis. Cependant peut-on
s'immoler plusieurs fois ? Le verbe conserve-t-il ici son sens
étymologique ? Il n'en est rien.
Comme nous l'apprend B. ZADI Zaourou dans sa Thèse
d'Etat,1(*)31 le mot bubale est
un nom initiatique et celui qui le porte s'identifie, au plan mystique,
à cet animal avec tout ce que cela suppose de conviction et de tension
psychologique propre au bubale. Un interdit naît nécessairement
d'une telle relation symbolique. Le sujet qui porte le nom "bubale"
n'a ni le droit de tuer, ni le droit de manger un bubale. Or voilà qu'il
le tue pour honorer son hôte. Il s'immole, écrit avec
raison le poète :
"A l'époque
Où les hommes étaient encore
Des hommes"
Ici le poète remonte dans le temps pour nous situer
l'époque de cette générosité qui va jusqu'au
sacrifice de soi. Symbolisation du troisième degré, il a fallu
que nous ayons recours à un maître pour décoder cette
double signification: le père de notre poète tuait son totem pour
recevoir ses amis. Il leur prouvait ainsi son attachement, mais aussi, le
sacrifice qu'il était capable de faire pour eux.
Ainsi que nous le voyons, l'Africain moderne ou
l'européen ne se retrouvera pas facilement devant cette
métamorphose des mots: c'est une poésie d'élites,
d'initiés.
La poésie "paceréenne" est une
"parole profonde", "grave et lourde de conséquence".
Elle est d'ailleurs largement tributaire de la "poésie
médiatisée" mossé et partant de l'univers
ésotérique africain. Cet univers symbolique est la
recréation de l'univers réel dans sa vision unitaire ainsi que
l'a écrit Ludovic IPOU, ce qui nous permet d'établir les
relations d'égalité suivantes:
Univers Symbolique = Univers de l'Art = Univers du
Mythe =Univers Sacré
L'univers symbolique accorde au signifié un traitement
spécifique. Il se poétise en s'accomplissant1(*)32
par la fonction rythmique dont "la vocation est
de révéler le symbole, de lui donner tout son sens, d'accentuer
au maximum son rayonnement...."1(*)33.
Analysons donc cette fonction rythmique qui fait la
spécificité de la poésie africaine avec la fonction
symbolique à laquelle "elle fait pièce". Nous allons
surtout nous intéresser à Quand s'envolent le
grues couronnées .
3- La Fonction Rythmique
Dans leur quête de ré-enracinements, les
poètes africains et surtout ceux de la deuxième
génération ont créé le "rythme profond".
La manière de l'organiser est la manifestation de la
spécificité de la poésie écrite africaine.
Etant incapable de restituer la poly-rythmie qui
caractérise la poésie orale ou médiatisée, la
nouvelle poésie de ZADI Zaourou dans Fer de
lance, de J.M. ADIAFFI, dans D'éclaires
et de foudre ou de Maxim N'DÉBÉKA dans
Soleils neufs, ainsi que celle de PACERE dans
Quand s'envolent les grues
couronnées, se contente, à l'aide du
rythme profond de laisser apparaître entre les lignes, les indices de la
manifestation potentielle de l'agent rythmique aussi bien que du public-choeur.
Examinons maintenant la circulation de la parole dans notre
corpus.
a- La Circulation de la
Parole-Force
Nous l'avons déjà dit: ce poème est une
"parole-force" ou encore "une parole lourde" de
conséquence, réservée à l'élite de la
société.
En tant que telle, elle nécessite le circuit suivant,
défini par ZADI Zaourou dans Césaire entre deux
cultures.1(*)34
D'abord, définissons les signes que nous allons
utiliser pour illustrer notre propos dans le schéma du circuit de la
parole- force:
E1= Emetteur Principal
R1 = l'agent rythmique qui par la suite se
transforme en E2 (Emetteur Secondaire) et Rx = le public
ou n'importe quel récepteur du message émis par E1.
Ainsi nous avons:
E1 1 - 2
R1
1 - 2 - 3
E2 Rx
Expliquons:
E1 (Émetteur principal)
émet le message (1), R1 (le récepteur
1) le rythme (2) ensuite il (E2) le transmet
à Rx (3).
Le circuit de la parole-profonde ainsi que l'appelle
ZADI Zaourou est donc le suivant: Emetteur ---- Agent rythmique ---
Récepteur.
Retrouvons l'agent rythmique ou sa manifestation dans le
poème-fleuve de PACERE et dans les autres textes.
b- L'Agent rythmique
Ainsi que nous le dit ZADI Zaourou dans sa
thèse d'État "le signe de la
manifestation potentielle de l'agent rythmique dans la parole poétique
se reconnaît à ses formules au nombre variable qui sont
réitérées un nombre X de fois."1(*)35
b-1 L'agent rythmique dans Quand s'envolent les
grues couronnées
Fort de cette définition examinons le poème-
fleuve du poète burkinabé. En effet, le poète à
profondément rythmé Quand s'envolent les
grues couronnées. Au
total 6 constantes ou formules sont réitérées à
travers tout le poème à des intervalles variables. Nous avons
retenu ici les plus importantes.
Suivons le tableau ci-dessous :
Tableau 1
N° Ordre
|
Constantes
|
Nombre de fois
|
Pages
|
1
|
Ici
C'est Manéga
(Ici
c'est la vieille terre)
|
6
|
5 - 6 - 24 - 25
|
2
|
Cette année là
|
8
|
9 - 10 - 11 - 14 - 17 - 23 - 24
|
3
|
C'était
En mille neuf cent soixante-huit!
|
12
|
30 - 31 - 32 - 37 41 - 42 - 44 - 45 50 - 51
|
4
|
Adieu
Adieu
Adieu
|
9
|
47 - 48 - 50 - 52 53 - 54 - 56 - 57
|
5
|
Tmini
Timini
Etait son nom
|
5
|
16 - 33 - 35 - 47 65
|
6
|
J'ai retrouvé
La terre en feu
(Timini
la terre en feu)
|
7
|
58 - 59 - 60 - 61 62 - 63 - 64
|
A l'analyse de ce tableau il ressort que les constantes 2 et 3
sont assimilables. La première n'est qu'une forme inachevée de
la deuxième. Partant de là, nous pouvons dire que cette paire,
constitue la plus efficace et la plus remarquable des constantes dans la mesure
où elle est distribuée à travers tout le poème.
Après elles, viennent les constantes 4 et 6 qui sont
distribuées vers la fin du poème. Ensuite, nous avons la
constante 5 qui embrasse tout le poème. Quant à la constante 1,
elle ouvre le poème et le rythme à ses débuts. C'est elle
qui par sa distribution est la moins fréquente.
Ainsi que nous le constatons, le rythme est créé
par le recours à l'agent rythmique, dont la présence se manifeste
par les réitérations des constantes du tableau ci-dessus. Ces
refrains à chaque apparition exigent nécessairement une parole
neuve. Elles sont comparables au "mot-accoucheur" dont parle ZADI
Zaourou dans sa Thèse d'Etat. 1(*)36.
b-2 L'agent rythmique dans « LE
REPOS » de Refrains Sous le Sahel
Dans ce poème, nous avons 3 constantes qui rythment le
poème.
Suivons ce deuxième tableau:
Tableau 2
|
Séquences
|
Nombre de fois
|
C1
|
Tibo,
...
|
7
|
|
C'est ainsi qu'on quitte la terre de ses ancêtres.
|
2
|
C3
|
Tu diras
NON !
|
2
|
A l'analyse de la représentation de l'agent rythmique
dans le poème : LE REPOS, nous pouvons remarquer que la
première séquence qui l'ouvre, change chaque fois dans son
deuxième verset tout en conservant la fonction conative qui participe
à son efficacité. Celle-ci se distribue dans tout le
poème. La deuxième séquence scande les deux
premières strophes. Quant à la troisième séquence,
elle ne se retrouve que dans la troisième strophe.
Observons la distribution de la première
séquence dans le poème:
"Tibo,
Ils t'appelleront!
Ils t'appelleront
Après le chant du coq,"
.................................................................
"Tibo,
Tu répondras à l'appel!
Tu ne répondras pas à l'appel,"
..................................................................
"Tibo,
Les larmes
Ne perlent que sur la conscience des pauvres;"
...................................................................
"Tibo,
On meurt pour être un guide"
..................................................................
"Tibo,
On meurt pour être un flambeau."
...................................................................
Le "mot accoucheur" qui est ici "Tibo", par
sa récurrence, représente idéalement l'agent rythmique.
A partir de cette analyse qui peut s'étendre à
toute la poésie de PACERE, nous pouvons retenir que le poète
burkinabé est un poète moderne. Cette modernité tient de
ce qu'il tente de recréer la poésie du bendré des
cours royales qui ne s'adresse qu'à l'élite de la
société mossé et partant africaine.
En effet dans cette poésie l'agent rythmique joue un
rôle prépondérant, dans la mesure où il transforme
la parole grave en parole jeu: ZADI Zaourou l'a
démontré dans son ouvrage Césaire entre
deux cultures et en a fait usage, dans Fer de
lance . Dans cette oeuvre, c'est Dowré, le double du
poète qui est l'auteur du mot-accoucheur.
La manifestation de l'agent rythmique étant
démontrée, voyons maintenant le public à qui le message
est adressé.
Nous allons donc analyser Quand s'envolent les
grues couronnées pour retrouver le potentiel
récepteur.
c. Le public-choeur
Exemple:
II
1 Ici
2 C'est Manéga!
I
3 Ici
4 La bataille eut lieu!
5 C'est ainsi
6 Que,
7 Toutes les nuits, III
8 Nous apprenions ensemble,
9 L'histoire et la grandeur
10 De la terre de Zida!
11 Ici
12 C'est Manéga! II
13 Ici,
14 Furent ensevelis des grands!
15 La patrie
16 De tes pères I
17 Et la patrie
18 D'autres pères
19 Et tous
20 Fraternellement
21 Construisirent la terre de Manéga!
22 Vaincus,
23 Il n'y avait pas II
24 De vaincus!
25 Et tous
26 Fraternellement I
27 Construisirent la terre de Manéga!
C'est à l'intérieur des fréquences
qu'apparaissent les formules réitérées qui constituent la
manifestation potentielle du public, du récepteur principal.
Le poète tente par cette technique d'écriture de
faire revivre le dialogue si fécond de la poésie traditionnelle
orale ou tambourinée.
Dans cet exemple ci-dessus extrait aux pages 5-6 de
Quand s'envolent les grues couronnées,
c'est à dire au tout début de notre poème, nous avons
trois interventions de l'agent rythmique: V.1 à V.2
; V.11 à V.12 ; V.22 à
V.24. Nous avons également trois interventions de
l'émetteur principal, le philosophe à la barbe de
poussière ou le maître initiateur: V.3 à
V.4 ; V.13 à V.21 ; V.25
à V.27. Et une intervention du public, c'est-à-dire
des récepteurs, des initiés: V.5 à V.10
.
La distribution est la suivante :
I= Le philosophe à la barbe de poussière.
II = L'agent rythmique.
III = Le public, les néophytes.
Les exemples de ce genre foisonnent dans le poème
unique du poète de Manéga . Indubitablement, la poésie
des tambours est présente dans ces pages qui malheureusement ne peuvent
se lire que d'une voix unique. Et c'est cette incapacité de
l'écriture à rendre les rythmes distincts des différents
tambours, qui fait de la poésie écrite de PACERE une
poésie spécifique et moderne. Il en est de même de celles
des poètes ivoiriens de la deuxième génération que
sont ZADI Zaourou et ADIAFFI.
A ce stade de notre réflexion, sur la poésie
"pacéréenne" nous pouvons affirmer que les fonctions
symbolique et rythmique nous ont permis de rendre compte du monde
ésotérique africain qui est à l'origine de cette
parole grave.
"Le sens de base des mots est insuffisant pour
exprimer"1(*)37 la
pensée profonde de l'africain. D'où le recours à cet
enrichissement des formes et des mots, par les fonctions symboliques et
rythmiques. ZADI Zaourou a découvert ces fonctions c'est-à-dire
l'axe initiatique "en voulant précisément contraindre les
théories des savants européens et plus spécialement celle
de Jakobson1(*)38
à épouser également des formes africaines...dont elles ne
pouvaient .... que rendre compte partiellement"1(*)39.
Abordons maintenant, la thématique pour achever de
démontrer le caractère moderne des textes du poète
burkinabé.
"La littérature nègre bannit l'art pour
l'art", a écrit J.P. Makouta-Mboukou1(*)40. Il rejoint ainsi
ceux pour qui l'art africain est un art fonctionnel. Cette assertion
est d'autant plus vraie que la parole poétique traditionnelle africaine
est une pratique communautaire. Cette vocation, les poètes modernes
l'ont perçue. Depuis le cri de révolte de Senghor et de ses amis
de la revue ''l'Etudiant Noir'', la
poésie écrite négro-africaine ne s'est jamais
lassée d'instruire, de former et d'informer. D'où l'importance de
la thématique chez les poètes noirs.
Ce qui caractérise celle des textes de PACERE, c'est
qu'elle fait la synthèse de la civilisation africaine, et des apports
étrangers. Il ouvre ainsi le chemin qui permettra à la jeunesse
africaine d'aller au village planétaire. C'est dire qu'elle
répond aux critères de la ''négritude de demain''
telle que Lilyan Kesteloot l'a définie dans son
Anthologie négro-africaine de la
littérature.1(*)41
I - Une tradition au service de la
modernité
Une littérature est avant tout, la manifestation d'une
culture1(*)42
et PACERE l'a compris, qui a écrit des poèmes
"fortement tributaires des traditions littéraires, culturelles des
Mossé"1(*)43. C'est donc à juste
titre que YÉPRI Léon a pu dire qu'il se révèle
être aujourd'hui, le pilier de l'édifice culturel, une
institution, une école pour la jeunesse, avide de ressources
ethno-socio-culturelles et/ou de (re)enracinement1(*)44.
L'une des ressources que notre poète a pris à sa
culture pour mettre à la disposition de l'Afrique moderne est le
"Rakiré", que nos allons analyser dans sa poésie.
1- Le "Rakiré" ou la satire par la
plaisanterie
Le Rakiré1(*)45 d'après ILBOUDO Gomdaogo, "donne le
moyen à n'importe quel citoyen du Mogho de critiquer sans
s'exposer aux moindres risques". C'est une institution qui permet de
transformer toute situation grave ou solennelle en son contraire. Par exemple
dans une situation douloureuse, le "Rakiya"1(*)46 apparaîtra pour parler
de joie, de naissance, ... et permettra ainsi de changer et d'atténuer
l'atmosphère. PACÉRÉ, en digne mossé, use de
"cette parenté à plaisanterie" pour stigmatiser les
tares des nations modernes africaines, mais aussi pour dénoncer
certaines injustices dont elles sont l'objet de la part de l'Occident.
De tous ces recueils poétiques,
Ça tire sous le Sahel est celui qui se
prête le plus à la satire telle que les mossé l'ont
inventée et la pratique en tant que philosophie. Cependant nous
tâcherons de répertorier les traces de ce "stabilisme"1(*)47 dans
Quand s'envolent les grues couronnées
et Refrains sous le Sahel, les deux textes
poétiques qui sont l'objet de notre réflexion.
En effet, le poème unique Quand
s'envolent les grues couronnées présente des
traits satiriques qui sont indubitablement les marques de cette tradition du
"rakiré" que le poète revalorise dans ses textes
poétiques.
Dès la page 12, nous avons ces versets qui disent de
façon ironique qu'une femme ne peut hériter de la couronne des
mossé:
"La couronne des Mossé
Est le fruit d'un combat
Qui échappe aux femmes!"
En fait, c'est la coutume qui le veut ainsi: une femme ne peut
diriger les mossé. Cependant le "rakiya" tel qu'il
l'énonce ici ne laisse transparaître aucune injustice, seulement
la faiblesse de la gent féminine que tout le monde reconnait, depuis la
nuit des temps. C'est d'ailleurs pourquoi un seul ministère revient
à la femme, à la cour du Mogbo; c'est celui chargé de
solliciter les grâces (le Wêmba)1(*)48.
A la page 52, le poète stigmatise l'effondrement de la
société antique mossé: "J'ai trouvé / Mort
/ Le philosophe à la barbe de poussière /Qui chantait tous les
soirs /Ses refrains à l'aube!"
En effet, la mort du maître initiateur ainsi que nous
l'avons déjà montré, est la mort symbolique de l'Afrique
traditionnelle avec ses valeurs de solidarité et d'unité, avec
son "stabilisme". Ici, le "rakiya" semble s'adresser aux
colons et à leurs pantins qui ont décidé d'anéantir
l'Afrique, c'est-à-dire détruire ses fondements les plus solides,
qu'est sa culture, ses croyances, sa civilisation.
Les versets qui suivent illustrent bien notre propos:
"De loin en loin /Le tam-tam lourd des héraults
/Appelant des initiés /Qui n'entendent plus!" P. 58.
Nous retrouvons cette même idée dans le refrain
aux pages 26, 29 et 36:
"Il ne reste que, de loin en loin, / Le tam-tam lourd
des héraults / Qui n'appelle plus les initiés, / De
l'antique terre des princes".
Ainsi que nous pouvons le constater, l'Afrique a perdu sa
stabilité, en perdant sa culture : c'est ce que le poète essaie
de nous faire comprendre à travers ces versets. Cependant il s'est
donné pour tâche de réhabiliter cette culture et il en
appelle à tous les intellectuels africains dans ce
zabyuré ou devise:
"Si la branche veut fleurir
Quelle n'oublie pas ses racines."
Est-ce une volonté de rectifier l'écart de ses
pères qui ont laissés détruire, et substituer leur
civilisation par d'autres visions du monde? Dans tous les cas, plus que jamais
l'Afrique moderne, a besoin d'un re-enracinement dans sa culture, si
elle veut porter des fruits. C'est ce que le "rakiya" a essayé
de nous faire comprendre aux pages 26, 29, 36, 52, 58, de Quand
s'envolent les grues couronnées .
Le "rakiya", transparaît également avec
le calembour à la page 39: lisons ces versets:
"Tu m'amèneras
Un foulard rouge
Avec des oiseaux dessus !
.....................
Il y a des oiseaux déçus!"
La forme matérielle que prend le
"rakiré" ici témoigne bien de la volonté du
poète burkinabé d'adapter sa culture à son temps, c'est
à dire d'être moderne, tout en restant enraciné dans la
culture mossé dont il affirme avoir "vécu des
éradications"1(*)49.
A la page 50, l'humour et l'ironie se bousculent dans les
versets suivants:
"Adieu / Adieu / Tous les frères nègres
ethnocidés, / Qui prirent Tibo pour un moaga, / Et le couvrir
d'anathèmes"
Il s'agit ici des africains qui ont perdu la
fraternité humaine propre à l'Afrique, en Europe (mais aussi en
Afrique).
Le néologisme "ethnocidé" rend bien la
pensée du poète qui est de dénoncer la division interne
des africains, la "tribalisation" du débat en Afrique qui se
prolonge au-delà des océans et des mers et la haine qu'entretient
certains africains à l'endroit de leurs frères qui ne sont pas de
la même tribu ou ethnie qu'eux.
Le racisme des occidentaux est aussi stigmatisé et le
poète le dit en ces termes:
"Ton corps
Salira tous les draps de France"
A travers "tous" le poète ironise sa
souffrance. En effet, grâce aux recherches de YÉPRI Léon,
nous savons que monsieur et madame PACERE ont eu des énormes
difficultés pour se loger à Rennes lorsqu'ils y sont
arrivés pour la première fois1(*)50. C'était en 1968.
Dans notre deuxième oeuvre, Refrains
Sous le Sahel, deux poèmes sont hautement satiriques.
Ce sont: "LA DEUXIÈME GUERRE" et "AUX ANCIENS
COMBATTANTS". Ils dénoncent les injustices dont l'Afrique a
été l'objet.
En effet, le premier cité, " LA DEUXIÈME
GUERRE", fustige dans son refrain, aux pages 62 et 641(*)51 les promesses non tenues
par la France aux lendemains de la victoire des alliés sur l'Allemagne,
à la deuxième guerre mondiale. Et cela malgré le lourd
tribu que l'Afrique a payé en homme et en matériel pendant cette
guerre.
Le futur employé dans ces versets illustre bien que
l'auteur fait usage ici du "Rakiya", au sens de critiquer sans courir
le risque de se faire prendre au mot.
Le reste du poème est d'ailleurs émaillé
de l'idée d'une guerre future. et même si nous avons montré
ailleurs qu'il s'agit de la guerre entre les cultures, ces passages font aussi
allusion à cette guerre sanglante que fut la deuxième
guerre mondiale .
Quant au second poème de Refrains Sous
le Sahel, c'est un hommage aux tirailleurs
sénégalais, aux africains qui ont perdu leur vie en
défendant la France. Mais dans ce poème, au-delà de
l'hommage fait aux nègres "morts en vrais combattants",
l'auteur dénonce le silence qui entoure leur hardiesse, leur
témérité. Il le dit expressément dans ces versets:
"Nul ne saura jamais
Leur nom
Leur patrie"
Le nom générique "tirailleurs
sénégalais" dont ils sont flanqués
témoigne de cette volonté de ne pas reconnaître leur
identité véritable et pourtant parmi eux il y avait : des
Mossé, des Bobos, des Dagaris, des peulhs, des Dioulas, des Bantous,
des Baoulés, des Bétés, des Sénoufos, des Didas,
...
C'est à l'Afrique de les honorer et pourtant ce n'est
pas pour elle qu'ils ont croisé les fers avec les armées
fascistes.
Le premier poème, "LA DEUXIEME GUERRE"
et le deuxième poème, "AUX ANCIENS COMBATTANTS"
traite du même sujet : l'hypocrisie du Blanc. Il en est de
même dans "HÉROS D'ÉBÈNE". Dans un
troisième poème : "L'OFFRANDE", le poète se
laisse aller à la plaisanterie qui existe entre le moago et le
peulh1(*)52.
En outre la satire des travers du colon et de l'Afrique
foisonne dans la poésie de PACERE. Dans les deux recueils que nous
analysons, elle occupe une place de choix. Cependant, reconnaissons, nous
l'avons déjà dit, que Ça tire sous le
Sahel est plus violemment satirique. Il en est de même
de Poésie de griots, où toute
la place est laissée au "rakiya".
Le "rakiré", cet art de dénoncer tout
en plaisantant ou sans se faire rejeter par l'autre, était une
façon dans la société mossé et dans toutes les
sociétés africaines, de réguler le pouvoir. C'est cette
tradition que PACERE a ré-évaluer en tenant compte de l'Afrique
moderne, résultante de la colonisation européenne. Cette Afrique
qui plus que jamais a besoin de ressources culturelles capables de la
revigorer, de lui donner une âme qui vive.
PACERE, ne s'arrête pas au "rakiré". Il
présente aussi une autre tradition, celle ou la poésie est
juxtaposition de devises ou zabyouya (pluriel de zabyuré).
2- Les Toponymes et les
anthroponymies.
L'auteur confesse dans Le langage des tam-tams
et des masques en Afrique, que c'est la littérature
dans tambours qui l'a influencé dans Quand S'envolent les
grues couronnées. Aussi, affirme-t-il dans la
même oeuvre, que la phrase du tam-tam est une juxtaposition savante de
zabyouré1(*)53 et/ou de Soanda1(*)54. Ainsi sans
ambiguïté, le long poème de PACERE apparaît en grande
partie, comme une succession bien arrangée de zabyouya, de
Soanda et de noms ou prénoms mossé, traduits en
français et souvent littéralement.
Dans Quand S'envolent les grues
couronnées, nous avons ces mots ou expressions qui
portent des masques: lion, scorpion, masque, babule, grues
couronnées, terre de fétiche. Ce sont des diminutifs de
dévises ( zabyouya), ou des noms initiatiques, ou la traduction
d'expressions moré (la langue du moaga).
Intéressons-nous au mot "lion", qui
apparaît dans les versets suivants :
A Manéga Le lion est le roi de la
brousse
Elle épousait Il est plus fort
Un lion ! Que toi et moi
réunis !
p.14. p. 20.
Il S'agit ici, du père de Tibo (T.F. PACERE), Naba
Guiegmdé, 29e Roi de Manéga dont les dévises
sont : "le lion occupe la brousse, les hyènes doivent
disparaître" ; " le lion s'est lancé dans sa course, il ne
faut pas inciter les chiens chasseurs à sa poursuite"1(*)55.
A partir de ces devises, l'on a pris l'habitude de le nommer
par les termes "Lion" ou "Roi-lion".
Quant aux termes "bubale" et "scorpion", ce
sont des noms initiatiques du Roi-Lion, c'est-à-dire du
père de notre poète, ainsi que nous l'avons montré
lorsque nous analysions la fonction initiatique.
Le terme "masque", aux pages 13, 16 de
Quand s'envolent les grues couronnées ,
lui, désigne la mère de PACERE, celle qui l'enfanta. Suivons ces
versets extraits du long poème :
"sa mère
Fut un masque importé"
"Il n'eut pas de mère!
Le masque
Qui l'enfanta
Ne l'éleva pas"
En effet le terme "masque" est la traduction du
prénom mossé de la mère de PACERE : Lao
wango. La mère biologique du poète est du groupe des
Mossé-Gnougnoussé, autochtones occupant le sol avant
l'arrivé des Mossé-Nakomsé1(*)56. Ce groupe de
mossé (les gnougnousés) est désigné par
les termes, nuage ( qui se traduit Sawadogo), pluie, éclair, foudre,
vent, tempête ou tout autre élément atmosphérique
ou climatique. Ce sont eux qui s'occupent du culte dans la
société actuelle des mossé. Ils sont donc les
dépositaires des masques et des fétiches.
Manéga, le village natal du poète est
désigné par les termes suivants : "la vielle terre", "la
terre de zida", "la grande termitière", aux pages 8,18,24,25, du
long poème ( Quand s'envolent les grues
couronnées ).
"La terre de fétiche", nom initiatique de
PACERE d'après ZADI ZAOUROU1(*)57, est un syntagme qu'on retrouve aux pages 12,
14,et 15.
D'autres noms ou prénoms mossé participent de la
poétisation du texte dans Quand s'envolent les grues
couronnées. Ce sont "Pawelga" (celui
qui n'a jamais séparé les hommes), page 13,
Passawindé (il en reste chez le créateur) pages 11 et
15, "l'endurance", page 15. Les noms de localités, les
Zabyouya, les Soanda, les noms initiatiques et les
prénoms chargés de sens, participent également de la
poétisation du texte de PACERE. Cette façon de poétiser
empruntée à la tradition mossé que le poète a
soumis aux règles de l'écriture et de la langue française,
est d'ailleurs, ce qui fonde sa modernité.
Mais les emprunts ne s'arrête pas là. Nous
l'avons déjà dit, Quand s'envolent les grues
couronnées, est la traduction d'une chanson
funèbre mossé.
3 - Le Bounvaonlobo ou la chanson
funèbre
En effet, le thème de la mort est de loin, celui qui
domine la poésie de PACERE. Que ce soit dans Refrains
Sous le Sahel, Ça tire sous le
Sahel (avec VOLTACIDÉ), Quand
s'envolent les grues couronnées ou dans
Poésie de griots, la poésie
pacéréenne semble célébrer la mort.
En effet, dans la culture mossé, comme d'ailleurs dans
toutes les cultures africaines, la mort d'un parent est l'occasion de grandes
cérémonies où l'on laisse exploser ses émotions,
son affection pour celui qui rejoint "la belle vallée".
Quand s'envolent les grues
couronnées tient du bounvaonlobo qui est une
chanson funèbre que PACERE a entendu pour la première fois
à l'age de 4 ans à la mort de son oncle. Il l'entendra en 1954
(à 11ans ) à la mort de son père puis en 1973, aux
funérailles de Timini, celle qui l'éleva, comme l'exigeait la
coutume. Et c'est sur la tombe de cette dernière que le
poème-fleuve fut enregistré1(*)58.
C'est ce qui justifie ces versets:
"Timini /Devant cette tombe / Fermée sur /
Milles larmes / Et / Mille pensées, / Quelques fragments / Se
succèdent /Et ne se complètent pas".
Le "REPOS" dans Refrains sous le
Sahel, tient également de cette logique du
poète de faire de "la mort", son thème favori.
celui qui lui permet d'extérioriser ses émotions nègres. A
la manière de la poésie d'une "pleureuse", lors de
funérailles en Afrique, le poème, le "REPOS", est un
appel, une invitation à accepter la mort, "la tête
haute", c'est à dire avec dignité, bravoure et honneur,
parce que celui qui s'en est allé, fait désormais partie des
guides spirituels de la tribu. Pour mieux saisir ce que nous venons de dire,
suivons ces versets:
"Tibo , / Ils t'appèleront! / Ils
t'appèleront /... / Tibo, /Tu répondras à l'appel
/... /La tête haute, / C'est ainsi qu'on quitte la terre de ses
pères!"
Pour le poète, la mort est un "repos"
après un devoir bien accompli et une occasion pour changer de lieu.
Ainsi qu'il l'exprime dans ces versets:
"Tibo , / Ces chants du coq / Annoncent le repos des
vieillards / Tu es venu / Tu as fait ton devoir / Change de
chantier".
A travers ce poème, nous sentons que pour le
poète, la mort permet d'atteindre un univers initiatique et
symbolique:
"Tibo,
On meurt pour être un guide,
Tibo,
On meurt pour être un flambeau".
Ces versets, illustrent bien notre propos. Ils nous
éclairent sur le rôle du défunt et, des ancêtres dans
la société africaine traditionnelle. En effet celui qui quitte
le monde des vivants devient un guide ou un flambeau pour ceux qu'il laisse
derrière lui ( il s'agit bien des vivants). D'ailleurs chez les
mossé ou même chez les africains les "morts ne sont pas
morts"1(*)59.
D'où le titre bounvaonlobo dont la traduction littérale
est "l'envole de la grue couronnée"1(*)60. Autrement dit, l'homme ne meurt pas, il
passe à une autre vie, comme "la grue couronnée" dont
les mossé affirment avec PACERE n'avoir jamais vu de cadavre.
En somme, la thématique dans notre corpus, tient de la
poétisation du "référent culturel" mossé.
Il en est d'ailleurs de même dans les autres textes poétiques de
l'auteur. En procédant ainsi, le poète, revitalise les
éléments de valeurs de sa culture en les adaptant aux exigences
du progrès, du développement, devant la société
à construire1(*)61.
Abordons maintenant, les espaces et les temps qui sont
évoqués dans les deux recueils du poète burkinabé.
En effet, ces indices finissent de faire de notre corpus des textes
poétiques emprunts de modernité.
II - Les espaces et les temps évoqués
par le poète.
Dans les deux recueils, foisonnent plusieurs espaces et temps.
Ce sont notamment l'Afrique et la France, la période coloniale et les
indépendances, pour donner dans la généralité. Sans
oublier le micro-espace que constitue l'école par rapport aux deux
autres que nous avons déjà cités.
1- L'Afrique moderne
En effet, à travers Manéga, le
poète évoque l'hiatus entre l'Afrique traditionnelle et l'Afrique
moderne.
Dans ces versets, nous sentons que le poète se laisse
aller au regret de l'Afrique antique. En effet, il semble pleurer cette Afrique
où les maîtres-mots étaient : fraternité,
solidarité, initiation. Suivons ces versets extraits de
Quand s'envolent les grues couronnées :
"Toutes les nuits,
Nous apprenions ensemble
L'histoire de la grandeur
De la terre de Zida!" p.5 & p.8.
"Et tous
Fraternellement
Construisirent la terre de Manéga!"
p.6.
Nous découvrons dans ces versets, une Afrique
initiatique, unie, et fraternelle. Le poète nous la présente
à travers le microcosme que constitue Manéga, son
village natal. C'est cette Afrique fraternelle, solidaire et initiatique que le
poète retrouvera en "feu" après son séjour en
France dans le cadre de ses études.
En effet à son retour de France, il découvre
avec amertume que "le philosophe à la barbe de poussière, ne
chante plus, ses refrains", que Manéga, n'a plus de
maître initiateur. En lieu et place de celui-ci, nous avons des
"pères missionnaires" qui apprennent à lire et à
écrire à des enfants mal préparés à
l'acquisition de l'alphabet occidental. Le ton satirique avec lequel le
poète nous parle de l'école montre bien l'incongruité de
celle-ci. Elle fut d'ailleurs l'instrument qui permit aux colons de
réussir la destruction des fondements de l'Afrique ancienne. Cette
critique acerbe de l'école occidentale se lit dans les versets qui
suivent, extraits de Quand s'envolent les grues
couronnées :
"L'école / Est une vieille case / Jetée
en son centre! /Quatre-vingt et un enfants / Y crient
désespérément / Que B plus A égale Ti
/ Avent de retenir Que B plus A égale à BA!"
"Jetée" ici exprime toute la violence qui a
présidé à l'intrusions de l'école en Afrique. Les
conséquences de cette violence sont incalculables.
En effet, à la fin, nous débouchons sur un
Manéga ou une Afrique où il n'y a "plus rien du
passé", où "le tam-tam lourd des héraults"
n'appelle plus les initiés "dans la forêt
sacrée".
Avec la colonisation, l'Afrique a vu partir en
"flamme" ses croyances et toute son "oeuvre élaborée
depuis près d'un millénaire et renforcée au cours de
l'histoire"1(*)62.
L'Afrique moderne, c'est également la
tribalisation du débat politique qui débouche
généralement sur des guerres fratricides, sur des ethnocides ou
des génocides. Nous avons encore en mémoire le cas du Rwanda
(1994) en Afrique australe. Le poète a d'ailleurs été
victime de ce racisme entre frères de race en mille neuf cent soixante
huit. Il en a été marqué au point où les versets:
"C'était / En mille neuf cent soixante-huit!", sont
distribués douze fois dans Quand s'envolent les grues
couronnées. Aux pages 50 et 51 du recueil qui contient
le poème unique, PACÉRÉ laisse exploser sa colère
en ces termes:
"Adieu! / Tous les frères nègres
ethnocides!"
Ainsi que nous pouvons le constater, PACERE Titinga
stigmatise dans sa poésie le racisme et l'intolérance que le
colon a légués aux africains à l'issue de la colonisation.
Ce dernier ( le Blanc) s'est servi de ces tares et s'en sert encore pour
subjuguer l'Afrique, pour la maintenir sous son hégémonie, en
dressant les ethnies les unes contre les autres. C'est cela aussi l'Afrique
moderne. Et le poète burkinabé a su la rendre dans ce
néologisme "ethnocidés", formé des termes
"ethnie" et "cidé". Ici "cidé" tient
certainement du suffixe "cide" du latin "caedere" (qui
signifie "tuer"). En écrivant "cidé" en lieu et
place de "cide", le poète ironise à la manière du
Rakiya. Il tourne en dérision ces "frères
nègres ....../ qui prirent Tibo pour un moaga/ et le couvrir
d'anathèmes!/ en mille neuf cent soixante-huit.".
En effet, en mille neuf cent soixante-huit, suite aux
événements en France1(*)63, PACERE, a été
harcelé, pourchassé, puis arrêté dans sa chambre
d'étudiant à Dakar. Il subira toutes sortes de tortures avant
d'être interné successivement dans les camps de Mangin et de
Archinard1(*)64.
Suivons ces versets qui en disent long sur la souffrance et
l'amertume du poète qui se trouvait face à des frères qui
n'étaient plus des frères :
"C'était / En mille neuf cent soixante-huit! /
Il n'y avait / Sous le ciel sans nuages, / Que des frères
retrouvés / Mais, / Perdus / Qui se suicident! / ... / Ils
perdirent /Dans la mêlée / Cette fraternité / A la
quelle aspirent / Les peuples qui n'ont pas retrouvé / Leur
enfance!"
Au-delà des événements malheureux de
1968, le poète fait allusion ici aux africains des nations modernes qui
ont perdu "la fraternité", valeur cardinale de nos
ancêtres. Nous avons déjà vu l'importance du symbole de la
"Termitière" dans la société antique africaine.
Ces versets donnent à voir le sens de la solidarité, de la
fraternité, que cultivaient ces sociétés. Et c'est cette
civilisation que le "fondement du présent a détruite
,"1(*)65faisant de
nous des héritiers "exsangues", "des miséreux" qui ne
font que crier "Wii ! " "Wii ! ", ...
Comme nous le voyons, l'Afrique moderne apparaît dans la
poésie paceréenne, dans toute sa laideur. PACÉRÉ
qui affirme avoir "vécu le passé et le présent" , "la
brousse et l'école",1(*)66 tente dans sa poésie "de
défendre la culture africaine" avec son équilibre
général ou stabilisme1(*)67.
Outre l'Afrique, nous avons l'espace européen et
particulièrement la France qui apparaît dans la poésie
pacéréenne, ce qui insiste sur son caractère
moderne par rapport à celle dont elle est le prolongement. C'est
à dire la "poésie médiatisée" de la
vieille terre de Zida ( Manéga) et partant de
l'Afrique.
2- La France
La terre des gaulois, apparaît dès la page 31
dans ces versets:
"C'était
En mille neuf cent soixante-huit!
Lanjuinais
Onze
Rue Lanjuinais!"
Nous sommes ici à Rennes, où le poète a
débarqué pour la première fois en 1968, en France.
C'était à la faveur d'une bourse du gouvernement qui le
permettait de poursuivre ses études en métropole.1(*)68.
Dans la suite du poème, toujours à la page 31,
nous découvrons une France raciste. L'auteur pour dénoncer ce
racisme, utilise le procédé du "rakiya" qui consiste
à faire rire là où les larmes sont prêtes à
couler, là où règne l'amertume. Ainsi il ironise en disant
de lui-même:
"Ton corps
Salira tous les draps de France,"
L'ironie est rendue ici par "tous les draps de
France". Cependant cette dérision, nous permet
également de saisir toute la haine dont a souffert, et continue de
souffrir, le Nègre. Le poète est profondément
déçu par la réalité qu'il découvre : c'est
ce qu'on peut lire dans ces versets :
"Ton pays à pour beaux nous
LA LIBERTE
L'EGALITE
LA FRATERNITE " p.32 & p.34
En mettant la devise de la France en grands caractères,
à la suite des ces versets qui nous suggèrent avec forte
insistance l'inégalité, le racisme et l'exclusion dont le
Nègre est victime dans ce pays ( cette France qu'il a pourtant
défendue), qu'on dit sien, le poète veut insister sur la
méchanceté et la perfidie du Blanc. C'est d'ailleurs pour quoi il
interpelle la jeunesse africaine à travers ce proverbe dans
Ainsi on a assassiné tous les mossé1(*)69:
"Quand le crâne du chien est en putréfaction, il n'en sent pas
l'odeur, parce que son nez est situé hors du circuit. " En
d'autres termes, PACÉRÉ met en garde les jeunes intellectuels
qui trouveront intolérable son ouvrage parce que leur refusant le droit
d'être gaulois.
Au-delà du racisme aux pages 31, 32, 33, 34 et 35, le
poète de Manéga dénonce les atrocités et
les emprisonnements dont sont victimes les nègres. La France et toute
l'Europe en sont les auteurs. Et cette image est perceptible dans ces
séquences où Timini semble s'adresser à
Tibo, son enfant. Cette image est partagée par tout le monde
à tel point qu'une mère s'adresse à son enfant (Tibo) en
ces termes:
Quand tu reviendras Tu
m'amèneras
Du pays des blancs Un foulard rouge
Tu m'amèneras ....................
Un foulard de tête Il y a des oiseaux
déçus
Rouge! Des prisons
Il y a dessus Fermés dans les nuits
Des oiseaux pleureurs Noyées dans les
sangs
Sur du sang
Rouge! p.39 & p. 40
C'est le souvenir
Que par delà les eaux
Des civilisations ont apporté
A tes mères p.38
Dans ces versets, la France est mise au banc des
accusés. Et les charges retenues contre elle sont: tortures, meurtres,
emprisonnement. Un flash-back aux pages 31, 32, 33, 34 et 35 du poème
fleuve de PACERE qui font état du racisme exacerbé dont le
Nègre est l'objet en France, confirme notre analyse. En effet nous
découvrons dans ces pages une France hostile au Noir. Elle ne
s'embarrasse pas des droits d'un "ballafré" tel le maoga
PACERE et partant de tout africain noir. Une telle civilisation
où l'égalité, la fraternité et
la liberté ne sont valables que lorsque le Nègre est
absent, ne peut qu'expatrier en Afrique noire des hommes sans foi ni loi.
C'est cela que le poète dénonce également dans ses textes
poétiques.
Aussi, dans le deuxième recueil,
Refrains sous le Sahel, l'Occident et la
France sont-ils évoqués. Le poème "Aux anciens
combattus" nous parle des tirailleurs sénégalais morts sur
les champs de batailles de Verdun, du Danube, de Sébastopol, du
Monastir et dont les noms sont ignorés. C'est là une
ingratitude et une méchanceté de la part de la France, envers
tous les nègres dont le sang est versé pour sa liberté.
Tous "ces tirailleurs improvisés" qui se sont
sacrifié pour la libération de la France, sont méconnus.
Cette injustice, le poète la stigmatise à travers tout le
poème de la page 52, à la page 55:
"Tirailleurs improvisés / Méconnus /
Inconnus / Innommés / Mal nommés / Sans étiquettes
/Travestis / Salis / Enterré ou ressuscités! / Tirailleurs
sénégalais / Vous êtes morts, / Morts!"
Dans ces versets nous sentons le mépris dont ont
été l'objet tous ces africains qui ont combattu vaillamment
auprès des occidentaux pendant les première et deuxième
Guerres Mondiales pour libérer la France.
Cette ingratitude de la France et le mépris qu'elle
affiche à l'endroit des colonisés sont dénoncés
dans le poème "LA DEUXIÈME GUERRE" aux pages 60
à 68. A ces pages, il est surtout question des retombés
après la victoire des alliés en 1945.
En effet l'histoire nous enseigne que l'URSS, la France,
l'Angleterre et l'Amérique se sont attribués exclusivement la
victoire sur le nazisme. Ils se sont donc largement servis, en se partageant
l'Allemagne et ses colonies. Quant à l'Afrique personne ne s'en est
occupée et même les promesses d'indépendances ont failli ne
pas être tenues, n'eut été la vigilance de certains
intellectuels africains d'alors. Encore que ces indépendances n'ont
été que partielles tant dans la forme que dans le fond puisque
nous dépendons toujours des anciennes métropoles aux plans
économique, intellectuel, monétaire, politique, et même
cultuel.
En somme, la France et l'Occident, n'ont pas une image saine
dans les textes poétiques de PACÉRÉ. Et il ne saurait en
être autrement dans la mesure où ils sont à la base du
déracinement de la jeunesse africaine avec leur politique coloniale qui
s'était fixé pour objectif d'assimiler tous les Nègres
à la civilisation occidentale tout en faisant une table rase de celle
des indigènes.
Un poème, c'est avant tout ce qu'il suggère, en
ce sens qu'il ne se borne pas à créer une simple émotion
mais plutôt est porteur d'une signification profonde. C'est ce que
semble soutenir Barthélemy KORTCHY qui a écrit que "l'oeuvre
véhicule nécessairement une charge
idéologique"1(*)70. Aussi cette conception de l'oeuvre est-elle
énoncée par J.P. Makouta-Mboukou dans son ouvrage
Les grands traits de la poésie
Négro-Africaine, en ces termes: "un poème
ne procure donc pas seulement un plaisir poétique, ni seulement un
plaisir esthétique, mais aussi un plaisir éthique." En
d'autres termes, un poème, au-delà de la forme matérielle,
est porteur d'un message profond et qui constitue ce que J. P. Makouta-Mboukou
appelle sa "quintessence", ou encore son sens "spirituel",
"mystique".1(*)71
Pour saisir cette quintessence de la poésie
"Paceréenne", nous allons donc nos atteler à faire du
corpus choisi, une lecture au sens de la "lectio"1(*)72 du Moyen Âge. De
cette "lectio", nous allons faire appel à la lecture anagogique
qui "s'attachait à rechercher le sens spirituel, mystique,
éthique des poèmes". En effet, nous nous attèlerons
à faire ressortir le sens caché du corpus, c'est-à-dire la
signification profonde des textes poétiques de PACERE. Ce sens
caché, l'auteur lui-même n'en est probablement pas conscient ou
s'il en est conscient, il n'en mesure pas forcement la porté.
Pour atteindre notre objectif, nous allons procéder par
étape. D'abord, nous dégagerons la signification immédiate
ou explicite. Ensuite, nous verrons l'idéologie implicite ou ce qui
constitue, la "quintessence" du corpus.
La première lecture du corpus nous donne une certaine
impression. C'est cette lecture que l'on nommait certainement "lectura"
au Moyen Age.
Cette première lecture ou la "lectura" est
superficielle. Elle ne retiendra pas notre attention à ce niveau de
notre travail. Et cela parce qu'elle ne nous permettra pas d'avancer sur le
sentier de notre initiation.
En revanche, à ce stade de notre réflexion, nous
ne pouvons que saisir "l'idéologie générale" du corpus.
C'est-à-dire, le "prétexte" qui, comme le dit Guy Michaud,
cité par J. P. Makouta-Mboukou1(*)73, donne au "poète l'occasion de
s'exprimer afin de dire quelque chose de plus profond, de plus vital ..."
Il s'agira pour nous dans ce chapitre d'une "lecture profonde" des
textes.
Notre visée ne sera pas de toucher à toute la
"quintessence", du corpus, à cette étape de notre
réflexion. Nous nous limiterons ici, au sens "mystique",
"spirituel", accessible à un grand nombre de lecteurs. Cela
signifie que nous allons faire des textes poétiques de PACERE, des
lectures "allégorique" et "tropologique"1(*)74 qui ne sont que les
premières étapes de la "lectio". La troisième et
dernière étape étant la lecture "anagogique",
c'est elle qui nous intéressera au chapitre suivant. En effet le prince
de Manéga, nous le savons, est fortement enraciné dans sa
culture, la culture mossé. Et il suffit d'être quelque peu
pénétré de cette culture pour saisir la signification
première qui nous intéresse ici. Elle est certainement celle que
peuvent se faire des "fileuses"1(*)75 qui écoutent les tambours de Manéga.
Elles en sont émues mais elles ne sont pas ébranlées:
elles sont au stade de "l'utile"1(*)76. C'est à cette signification proche de
l'instruction et indispensable à cette instruction que nous invite ce
chapitre premier.
I. La chanson funèbre
Quand s'envolent les grues
couronnées, on l'a dit, a pour thème "la
mort". Le titre du poème est lui-même la traduction en
français du titre de la chanson funèbre des mossé: le
"bounvaonlobo".. Dans ce poème le poète s'adresse
à sa mère adoptive "Timini", morte alors qu'il
était encore en France. C'est cette femme qui l'éleva
conformément à la tradition. Sa mort est donc ressentie par le
poète comme un coup de massue du destin dans son dos. Il en est
profondément marqué.
C'est ce deuil, cette amertume que PACERE laisse
transparaître dans son poème-fleuve. En effet, parlant de
Quand s'envolent les grues couronnées,
il affirme à qui veut l'entendre : "c'est ma vie à travers la
mort de celle qui m'a tout donné"1(*)77. Ainsi, se confesse-t-il. Dans cette assertion il
s'agit de Timini, celle qui eut à charge l'éducation et
l'initiation du jeune prince du trône de Manéga, conforment
à la tradition mossé. En effet Timini était la
première épouse du roi-lion, Naba Guiéghmdé. C'est
donc à elle que la coutume réservait le droit d'éduquer le
premier enfant de sexe masculin de Naba guiéghmdé après
son intronisation comme roi de Manéga. Et ce
"fils-héritier" du trône c'était Titinga F.
PACERE, notre poète.
Cependant, en plus de la mort de celle qui eût la charge
de l'éduquer, il fait allusion, dans son poème, à la mort
"du philosophe à la barbe de poussière", à celles
de son père, le Roi-lion et de son oncle Zoundou (premier ministre du
Roi-lion), ainsi que celles de ses frères et soeurs morts dans la fleur
de l'âge. Le poète est ébranlé. Il se sent
abandonné. Les remparts qui le protégeaient contre les affres de
la vie moderne se sont écroulés. Les maîtres initiateurs
sont partis. Son père, Timini, son oncle et "le philosophe à
la barbe de poussière", représentaient pour lui l'image et
le symbole de la force morale, du savoir et de la sagesse.
Cette complainte est aussi perceptible dans certains
poèmes de Refrains sous le Sahel. Nous
pouvons citer entre autres, "Manéga", "je suis triste" et
"Hymne des décombres". Dans le poème liminaire:
"Manéga", le poète pleure sa terre natale en
"feu". Les versets suivants illustrent notre propos:
"La chaleur torride / des saisons
asséchées, / Les souffles affreux / du ciel parâtre,
/ Ont réduit les fruits humains."
Manéga le village natal de notre poète, est
situé à cinquante (50) kilomètres au Nord de Ouagadougou
(Burkina Faso). C'est un village qui se localise donc dans la zone
sahélienne. Et c'est la sécheresse et la chaleur de ce climat
impitoyable qui accablent et attristent le poète, à son retour de
France. Ainsi que nous le voyons, ce poème retrouve et justifie le
titre même du recueil, Refrains sous le
Sahel. Quant au poème intitulé: "Je suis
triste", le titre à lui seul exprime éloquemment ce que nous
avons déjà dit lorsque nous disions qu'il participait de la
complainte du poète. Pour plus de témoignage, lisons le refrain
qui est distribué au moins deux fois dans le poème :
"Je suis triste, / Je suis né dans
la tristesse, / Ne m'en demandez pas trop! / ... "
Comme nous le constatons, le poète se confesse. Et son
repentir est à la mesure de son "péché" qui
n'est autre que son amertume, sa profonde déception. En effet
malgré les efforts accomplis par ses ancêtres: " Zida",
"Tanga", "Bougoum"1(*)78, son père le roi-lion et sa
mère Timini, "pour que rayonne Manéga, l'adversité
l'emporta". Dans "Je suis triste", le poète fait
également allusion à la mort de ses frères et soeurs. Il
s'agit surtout de ceux qui ont rejoint la "belle vallée" dans
la fleur de leur âge, laissant PACERE dans la solitude totale. Il ne
peut être heureux.. Ainsi, ce poème traduit hautement l'amertume
du prince de Manéga . Il en est de même de "Hymne aux
décombres". En effet ce dernier poème participe
également de la complainte du poète. Il y pleure tous ceux qui
"ont oeuvré pour l'Afrique noire et qui n'en ont connu ni la
prospérité, ni même l'indépendance pour
certains"1(*)79.
Les versets suivants, qui ouvrent le poème, illustrent notre propos:
"La montagne s'est affaissée / Peu avant l'aube !
/ La nuit règne sans partage ! / L'immense caïlcédrat du
village / A volé en éclat. "
A l'analyse de ces versets nous pouvons remarquer un
"zaburé" ou devise à leur début: "La montagne
". Il s'agit ici du roi Naba Tanga, plus précisément de sa
mort. En effet, le poète pour nous dire que son aeuil a rejoint les
morts "avant le développement de Manéga"1(*)80, dit qu'il a
"éclaté comme un caïlcédrat avant
l'aube". Au-delà de la mort du "roi-montagne" (Naba Tanga)
le poète plaint tous ces illustres africains qui ont quitté le
monde des vivants avant l'aube", laissant leur peuple orphelin. Ainsi que nous
le voyons, Refrains sous le Sahel contient
des poèmes hautement mélancoliques, tristes voire marqués
du sceau du deuil de la mort. Ce recueil rivalise avec Quand
s'envolent les grues couronnées, en qui concerne
l'évocation ou la célébration de la mort. Cependant
au-delà de cette mélancolie, les poèmes de PACERE sont des
discours ethnosociologiques qui révèlent une philosophie, une
vision du monde chez les mossé. Ce qui nous fait dire avec
Barthélémy KOTCHY que dans l'oeuvre d'art: "les
éléments sont liés à la vie sociale et
obéissent à ce déterminisme."1(*)81
En effet dans le poème fleuve (Quand
s'envolent les grues couronnées), nous apprenons que
chez les mossé, la mort a trois degrés qui endeuillent de la
même façon. Ce sont : la mort médicale, celle où
les sages, les "talons rugueux" constatent que l'âme n'est plus.
A ce stade, l'information est gérée et les "fileuses" ou
les "bambins" sont dans l'ignorance totale. Ce n'est que quelques
temps après que l'on a pris toutes les dispositions pratiques que le
tambour des initiés qui appelle depuis la forêt de
"Kambaongo" laisse tomber le message: c'est la mort officielle.
Interviennent maintenant les funérailles ou la mort sociale. Ces
célébrations servent de viatique à l'âme du
défunt pour la "belle vallée" (l'au-delà)
où "nous nous retrouverons"1(*)82 tous un jour.
En plus de cette mort physique qui comporte trois stades, nous
avons d'autres types de morts. Ce sont: la mort ethnosociologique,
c'est-à-dire celle de la civilisation mossé (nous l'aborderons
dans le chapitre deux) et la mort atmosphérique ou
"géographique". Cette vision pluridimensionnelle de la mort
que nous enseigne le poète dans Quand s'envolent les
grues couronnées est aussi, remarquable dans
Refrains sous le sahel. En effet Titinga
à son retour de France a trouvé le Sahel envahir son village
natal (Manéga). Il en fut profondément marqué. Il exprime
cette amertume dans le poème liminaire "Manéga" de
Refrains sous le Sahel, à travers ses
versets:
"Je suis né dans ce village
Perdu des savanes
Dans la chaleur du Sahel"
Ces versets retrouvent ceux de Quand s'envolent
les grues couronnées, où le poète a
écrit :
"Terre en feu
j'ai retrouvé la terre en feu".
En plus qu'il évoque la mort dans toutes ses dimensions
le corpus est fortement satirique.
II -Deux oeuvres satiriques
En effet, Quand s'envolent les grues
couronnées et Refrains sous le
Sahel sont deux oeuvres hautement satiriques. Outre la
célébration de la mort, Quand s'envolent les grues
couronnées est "un réquisitoire contre
l'Occident"1(*)83.
Il en est de même des poèmes de Refrains sous le
Sahel .
poète dénonce dans ses oeuvres poétiques
la politique coloniale des occidentaux, le mensonge, l'hypocrisie, le racisme
du Blanc, mais aussi l'irresponsabilité de certains africains qui se
laissent aller à ces mauvais sentiments ou mauvais comportements du
colon. Certains africains vont même jusqu'à collaborer avec leurs
bourreaux et le poète ne lésine pas sur les moyens
métriques et prosodiques pour dénoncer cet état de fait.
"La deuxième guerre", "Aux anciens combattants" et plusieurs
séquences de Quand s'envolent les grues
couronnées tiennent de cette volonté du
poète de faire entendre la complainte qui étreint tout
Nègre digne de ce nom. Alors que les négritudiens s'en prenaient
uniquement au Blanc, PACERE et ceux de sa génération,
n'innocentent pas le Nègre. Aussi tiennent-t-ils certains de leurs
frères Nègres pour responsables du désastre de l'Afrique.
Ces versets extraits des pages 50 et 51 du poème fleuve illustrent bien
ce que nous venons d'énoncer :
"Adieu
"Adieu
Tous les frères nègres ethnocidés
Tous les frères ethnocidés
Nous errerons
Qui prirent Tibo pour un moaga
Pour que s'enflent les poitrines Et
le couvrirent d'anathèmes!"
De ceux qui sont Quand s'envolent...
, P50
Sans dents pour rire," Quand
s'envolent... , P51
Ces versets témoignent du malaise dans nos
sociétés modernes: le débat politique est
tribalisé. La responsabilité des africains est
très engagée dans ce drame que nous vivons au quotidien en
Afrique depuis les indépendances. La haine semble habiter le coeur de
certains africains. La fraternité n'a plus de sens pour ces derniers.
C'est ce qu'exprime le poète lorsqu'il écrit, dans le
poème "L'ATTENTE", de Refrains sous le
Sahel, que :
"Le cercle est cruel! / Des hommes / En veulent à
leurs frères".
Ainsi que nous pouvons le constater, le message du
poète dans ces deux oeuvres poétiques est de faire prendre
conscience aux africains, ses frères, de la nécessité de
faire taire les querelles intestines et de conjuguer leurs forces pour
affronter l'ennemi commun: le sous-développement, la pauvreté.
L'appel du poète de Manéga est on ne peut plus clair lorsqu'il
écrit, dans son poème: "LA DEUXIEME GUERRE", les versets qui
suivent et qui mettent en exergue ce que nous venons de dire :
"Cette guerre prélude à la grande
guerre"
"Nous combattrons jusqu'à la bataille
finale"1(*)84.
D'emblée, le poète s'adresse à ses
frères. Il communique avec la conscience africaine. Il s'adresse
à ceux-là même qui ont tout perdu: leur culture, leur fils
les plus valeureux, ... Samory, Béhanzin, ... ont été
tués par le Blanc. Non content de ce crime, ces "vautours venus du
Nord" comme le poète les appelle lui-même, ont
emporté certains de nos frères afin qu'ils les aident à
défendre leur patrie à eux. Ces tirailleurs
sénégalais dont on ignore jusqu'au petit nom, ont versé
leur sang sans en recevoir la moindre récompense. Le poète
stigmatise cette injustice à travers le poème de
Refrains sous le Sahel intitulé
"AUX ANCIENS COMBATTUS" .
Suivons ces versets:
"Tirailleurs improvisés
Méconnus
Inconnus
Mal nommés
Sans étiquettes," P. 54
Du point de vue donc de la dynamique historique, notre corpus
s'articule bien avec son époque. Celle où les affres de la
colonisation sont encore perceptibles, mais surtout où le
néocolonialisme fait des ravages. Le nègre a hérité
de tout du colon. Bon ou mauvais, tout a été assimilé. Au
nombre des mauvaises choses nous pouvons citer le racisme, l'hypocrisie et la
haine tribale. Ces mauvais sentiments étaient presque inexistants en
Afrique avant l'intrusion du Blanc dans cet univers paisible. Le poète
s'insurge contre la corruption des moeurs africaines dues à cette
intrusion. Il dénonce l'injustice et fustige l'abâtardissement de
la culture africaine. Il s'appuie sur le cas pratique de Manéga pour
parler de toute l'Afrique où la voix des maîtres initiateurs s'est
tue à jamais, laissant des générations sans repaires et
mélancoliques. Cette mélancolie qui s'apparente à celle
des romantiques est pourtant spécifiquement africaine, propre à
PACERE, en tant que Nègre désabusé.
Nous retiendrons donc qu'à la première lecture,
Quand s'envolent les grues couronnées
et Refrains sous le Sahel sont des
complaintes, des textes élégiaques et sarcastiques. En effet, le
poète y pleure la disparition de ceux qui constituaient pour lui les
remparts contre l'abâtardissement dû à la civilisation
importée et imposée. Aussi s'élève-t-il contre ces
"vautours venus du Nord" pour dévorer sa belle Afrique. Il
n'épargne pas pour autant ses frères "ethnocidés"
qui le prirent pour un "moaga". Ceux-là même qui sont
aussi noirs que lui et qui le haïssent au même degré que
l'Occidental, voire même plus. Il a gardé de "mil neuf cent
soixante huit" un souvenir très amer. En effet cette année,
ni l'homme Blanc, ni ses frères Nègres, ne l'ont
épargné de leur haine rageuse. Il a connu la prison à
Dakar. Ce fut une année ou en France, il eut des soulèvements
dans le milieu estudiantin. Cette crise atteignit toutes les classes sociales
en Métropole et les colonies. Et PACERE qui était
étudiant à Dakar cette année, fut arrêté et
incarcéré.
Au-delà de cette première lecture des oeuvres de
PACERE, une autre s'impose. Celle-là sera profonde et nous l'avions
déjà annoncée au début de cette partie. Le sens
mystique et métaphysique du corpus reste à découvrir, pour
le faire, une analyse anagogique s'impose à nous et nous n'allons pas
nous dérober à cette tâche.
Quand s'envolent les grues
couronnées et Refrains sous le
Sahel sont deux oeuvres porteuses d'un message plus profond
que celui que nous venons d'élucider au chapitre
précédent. Il ne peut se saisir qu'après une lecture
anagogique des deux oeuvres poétiques du poète de Manéga.
En effet, la quintessence du "bounvaonlobo" ne peut
se livrer en une première lecture. Il en est de même des
poèmes aphoristiques1(*)85 de Refrains sous le
Sahel. La poésie dans ces deux oeuvres tient à
quelques exceptions près, de la poésie tambourinée. Cette
poésie médiatisée ainsi que l'appelle ZADI
Zaourou, propre à la cour royale du Mogho ne s'adresse qu'à une
élite de la société. D'où une lecture spirituelle
et mystique pour saisir le message profond qu'elle diffuse.
En Afrique, lorsque le tambour ("l'Attoungblan" des
Akans, le "Bendré" des Mossé ou le "Tabingue"
des Sénoufos) "parle", son message est
chargé de signification perceptible à des degrés divers
suivant qu'on est "bambin", "fileuse", ou "talon-rugeux".
Lorsqu'on appartient à la dernière couche sociale citée,
c'est-à-dire, lorsqu'on fait partie de l'élite chez les
mossé (nous sommes dans une société
gérontocratique) l'effet que produit les phrases sonores du tambour est
différent du bonheur qu'elles procurent aux profanes. En effet pour ceux
qui constituent l'élite de la société, c'est-à-dire
les initiés, "la parole tambourinée" est une véritable
révélation. Elle instruit ou donne à
réfléchir, au sens métaphysique et spirituel du terme.
Contrairement à cette élite, les profanes ne tirent des sons du
"tam-tam -parleur" qu'un simple divertissement. Et même si le rythme du
tambour émeut certains des profanes, cette émotion ne se limite
chez eux qu'à la simple sensation due au plaisir
éphémère qu'il leur procure. Nous ne prêterons pas
attention, dans ce présent chapitre, à cette émotion
passagère des profanes. En revanche, nous nous attèlerons
à mettre en relief dans ce chapitre la révélation que
constitue la "parole-force" ou "grave" des "tambours
sacrés" de Manéga.
I - Pleure du poète pour une civilisation qui se
meurt
La mort du "philosophe à la barbe de
poussière", de Timini, du Roi-lion et de Zoundou ( le Baloum-Naba
du Roi-lion ), a une signification beaucoup plus profonde que leur simple
disparition. En entonnant la "chanson funèbre" dans
Quand s'envolent les grues couronnées
et par endroits dans Refrains sous le Sahel,
le poète pleure l'Afrique antique qui s'en est allée avec ses
maîtres initiateurs. Il pleure cette civilisation où l'initiation
avait une place prépondérante parce qu'elle conférait
à l'homme sa place dans la société.
La disparition ou le voyage à la "belle
vallée" du philosophe à la barbe de poussière et de
tous ceux qui constituaient pour le poète, le socle de la civilisation
antique, a sonné le glas de l'équilibre et de la force du pouvoir
traditionnel. Le poète s'indigne de la malédiction qui s'abat sur
l'Afrique.
Dans la séquence métaphorique suivante, PACERE
écrit:
"Ainsi
Ainsi
Battent les tam-tams
Près
Des murs maudits
Quand s'envolent
Les grues
Couronnées!"
Dans ces versets, le poète fait allusion aux "murs
mauddits" qui constituent une partie de la clôture du palais royal
du Naba (du roi) chez les mossé. C'est par ces murs faits en
matériaux provisoires (paille ) que sortent les orphelins pour
accompagner la dépouille du roi, leur père. Ils passent au
travers de ces murs provisoires en chantant la chanson funèbre ou le
"bounvaonlobo". Cependant, au-delà de cette allusion, il s'agit
de l'Afrique ruinée par le colon. En effet, il ne reste de notre
continent que "des murs maudits" . Après la mort de nos
anciens et de notre culture, notre continent est à la traîne des
autres et ouvert à toutes les autres cultures, bonnes ou mauvaises.
En effet, la grue couronnée dont le moaga,
selon PACERE, n'a jamais vu de cadavre permet d'insister chez le poète
sur la symbolisation de la dégénérescence totale de la
civilisation africaine. Celle-ci s'est effondrée, elle s'est
volatilisée au contact de la civilisation occidentale. Pour nous rendre
compte de la véracité de ces propos, suivons ces versets:
"Manéga
Manega
Plus rien du
passé
........................
Adieu grandeurs
et termitières
Adieu forêts
de kombaongo "1(*)86
Ces versets sont extraits d'une séquence
réitérée trois fois dans Quand s'envolent
les grues couronnées . C'est, un refrain qui nous
rappelle que l'Afrique a perdu son âme en perdant son passé, ses
forêts sacrées, ses tam-tams sacrées, sa solidarité,
... De même dans Refrains sous le
Sahel, le poète lance un cri de détresse aussi
aigu, strident que celui contenu dans le long poème. En effet, que ce
soit à la lecture de "MANEGA," poème liminaire ou de
"JE SUIS TRISTE ", PACÉRÉ a un message très
douloureux. Il y verse beaucoup de larmes au constat de la ruine de ce qui
faisait la fierté de son village: le bois sacré, la
termitière, ... En partant de son village, le poète
s'intéresse à toute l'Afrique dont les générations
futures risquent de ne rien savoir de leur passé. L'Afrique se meure,
sous les coups violents de l'aliénation, et des africains se laissent
aller à la manipulation. Le poète nous laisse entendre donc un
cri de détresse à la fin duquel, il nous invite à la
reconstruction des nations modernes. Ainsi que nous le lisons dans ce refrain
du poème, "LA TERMITIERE":
"Sur les ruines de la Patrie
Des
termites,
Des termites ont
construit une termitière".1(*)87
Outre le cri de détresse qu'il constitue, le corpus
nous instruit de la nécessité d'avoir un socle culturel assez
solide pour la construction du présent et de l'avenir. Cette forte
fondation, nous ne pouvons l'avoir qu'en fouinant dans notre passé
où elle se trouve tapie dans les décombres de l'Afrique antique.
En effet, c'est au milieu des ruines du passé que nous retrouverons le
socle et les matériaux indispensables à la construction de
l'Afrique moderne. Ainsi que nous le suggère PACERE dès les
premières pages de Quand s'envolent les grues
couronnées :
" L'Avenir
Se tire du passé !
La grandeur
...............
La valeur
De toute l'histoire est à ce prix
!"
A l'analyse, l'impératif dans ces versets, insiste sur
la nécessité, pour l'africain d'aujourd'hui, de puiser dans son
passé le "levain" indispensable à la construction de l'Afrique
moderne. Il nous faut proposer des valeurs à l'échelle
universelle, c'est-à-dire à l'humanité, aux autres
cultures. Cela nous devons le faire, si nous voulons en tant qu'africains,
avoir quelques égards de la part des autres peuples. Si nous voulons une
identité propre à nous et qui fera notre fierté dans le
village planétaire, nous devons nous intéresser à notre
passé y faire la plongée indispensable. Certes ce passé
nous à été renié à un moment de l'histoire,
cependant nous avons eu depuis, nos "Prométhées".
En effet des africains nous ont apporté, de l'Occident,
le "feu sacré". Ces illustres fils du continent noir sont
allé au-delà des mers et des océans, et nous ont
apporté "la connaissance" . Ce sont nos historiens, nos
poètes, nos romanciers, pour ne citer que ceux-là. Ils ont,
grâce à la connaissance acquise en Occident ou à
l'école, réhabilité le passé glorieux que fut celui
de l'Afrique noire. Avec Cheihk Anta Diop nous savons que la civilisation
égyptienne, au bord du Nil, fut nègre avant de se répandre
en Grèce et en Occident. Avec Thomas M'folo et Senghor, nous avons
découvert le brave et stratège Chaka . Enfin, avec Djibril
tamsir Niane, nous avons été instruits de la sagesse
extraordinaire de Soundjata qui fut un politique hors du commun. Il fonda le
Manding et l'organisa si bien qu'il atteignit un niveau
élevé de développement. Les exemples sont légions.
Dans ses poèmes, PACERE diffuse l'histoire du "Mogho" (le royaume
mossé) ainsi que la philosophie du peuple dont il est issu (le peuple
mossé).
En somme, notre corpus est un cri de détresse
entrecoupé d'appels lancés à l'endroit de l'africain
moderne. En effet au milieu de ses larmes sur les ruines de l'Afrique, le
prince de Manéga nous rappelle que le passé à son
importance si nous voulons bâtir les sociétés
présentes et à venir sur des bases solides et
inébranlables, qui résisteront aux furies des autres cultures.
II - Appel à la solidarité et à la
reconstruction nationale
Au milieu des ruines de l'Afrique antique, se dresse une
"termitière". Elle est perceptible à chaque page de
l'oeuvre de PACERE. Cette parole révélée des
ancêtres est mise à la disposition de notre
génération. C'est une énergie vitale, une puissance des
dieux. Le poète conscient de l'effet que peut produire cette
réserve inépuisable de force, au sens métaphysique et
mystique du terme, a dressé à l'entrée de Manéga,
son village natal, une gigantesque termitière. Il en a fait de
même dans ses poèmes.
Mais dans ses textes poétiques, il ne s'agit pas d'une
seule, mais de plusieurs "termitières" qui indubitablement,
rivalisent avec celle à l'entrée de Manéga où il
est gravé cette devise du poète: "si la termitière
vit, qu'elle ajoute la terre à la terre".
Fort de cette parole souterraine venant des ancêtres qui
ont rejoint la "belle vallée", le poète veut galvaniser
la jeunesse africaine. PACERE lui propose surtout cette puissance pour qu'elle
puisse s'en servir pour reconstruire l'Afrique.. La solidarité, l'union,
l'entente parfaite qui constituent les sens de ce symbole sont indispensables
aux forces vives des nations modernes africaines pour relever le défi du
sous-développement et de la pauvreté, mais surtout pour
s'affranchir de l'hégémonie occidentale.
Que ce soit dans Quand s'envolent les grues
couronnées ou dans Refrains sous le
Sahel, l'Afrique est présentée comme
désabusée, trahie, exploitée. Pour sortir le continent de
sa situation difficile qu'est le sous-développement, les africains ont
besoin de ressources financières, mais aussi morales et
intellectuelles. Car le problème actuel de l'Afrique n'est pas seulement
d'ordre économique. Il est aussi éthique . Et le poète
qui en est conscient, joue ici sa partition d'éclaireur et de
mobilisateur des peuples. Il a pris à la tradition ce symbole: "la
termitière" et l'a mis à la disposition des africains qui ne
s'en souvenaient certainement plus, tellement étourdis par les
contingences de l'histoire et de la vie moderne.
PACERE a ressuscité la parole souterraine des dieux
pour servir de levain à l'élan de reconstruction nationale
commencée depuis les indépendances. Nous savons, avec ZADI
Zaourou, que ce symbole incarnait le mouvement lent mais continu du groupe
social vers le progrès, vers les cimes, en d'autres termes vers le
développement, le bonheur. Le symbole de la
"termitière" que le poète utilise à
volonté dans le corpus témoigne de sa mission d'inculquer aux
générations présente et future, "cette puissance des
légats de Dieu"1(*)88que constitue ce symbole. Nous l'avons dit, au
troisième degré, "la termitière" symbolise
"l'unité des contraires ". En effet, c'est elle qui "unit
le ventre de la terre et le monde fini des vivants"1(*)89, ou le souterrain et la
surface de la terre. Fort donc de cette unité retrouvée, de leur
solidarité, les peuples africains pourrons affronter et vaincre leurs
ennemis communs que sont: l'Occident, le sous-développement, la
pauvreté ... Aussi pourrons-ils bâtir une société
moderne qui prendra en compte leurs aspirations communes et
légitimes.
Outre l'appel à ses frères, le poète
donne l'occasion aux autres peuples qui liront ses poèmes de se saisir
de cette puissance des ancêtres et de s'en servir à souhait. Ainsi
contribue-t-il à la résolution d'un problème crucial qui
s'est posé à l'Afrique: Sa contribution à la construction
du village planétaire.
Désormais, les africains, peuvent se vanter avec ce
symbole ressuscité par PACERE et qui fait partie de leur patrimoine
culturel. Zadi Zaourou l'a enrichi dans son oeuvre La guerre de
femmes suivi de La Termitière1(*)90 . En effet,
il nous instruit qu'elle est chez les Bété (peuple du
centre-ouest de la Côte d'Ivoire), le nombril de la terre et chez les
Dogons du Mali, le clitoris de la terre-mère-épouse de
Amma-Dieu. Aussi affirme-t-il qu'elle héberge la reine des
termites qui est le symbole du pouvoir politique, de l'équilibre et de
l'harmonie.
En plus de ce symbole (la termitière) qui
permet de galvaniser les forces vives des nations modernes, le poète
burkinabé évoque cette époque où l'on se
sacrifiait pour recevoir son hôte. Les versets qui suivent, illustrent
l'hospitalité qui caractérisait l'africain:
"Son parent
Fut le bubale!
A l'époque.
Où les hommes étaient encore
Des hommes
Il s'immolait
En recevant chaque ami!" P13 de Quand
s'envolent les grues couronnées.
Ainsi que nous l'avons montré antérieurement,
le poète remonte, dans cette séquence, aux temps
immémoriaux pour mettre en exergue l'hospitalité qui pouvait
aller jusqu'au sacrifice de soi et qui faisait la particularité des
africains.
Au-delà de cette hospitalité que les africains
ont perdue, le poète fait allusion aux valeurs traditionnelles, voire
à la civilisation de l'Afrique ancienne, qui s'est effritée au
contact de celle de l'Occident. En effet ce qui faisait autrefois la force des
africains, n'est plus. C'était le sens de l'honneur et de la
fraternité qui poussaient au sacrifice de soi pour celui qu'on recevait.
Même si ces valeurs, ne constituent pas en elles-mêmes la
civilisation africaine, elles en sont des éléments essentiels.
Ce sont ces valeurs cardinales que la jeunesse africaine a
perdue en plus des us et coutumes que la colonisation a détruits. La
conséquence de ces pertes est grave et compromet dangereusement le
présent et l'avenir de l'Afrique. Dans Quand s'envolent
les grues couronnées, le poète de Manéga
évoque la haine qui a pris la place de l'amour fraternel entre les
africains. Cet amour qui rivalisait avec celui du Christ pour
l'humanité, l'Afrique l'a perdu. A sa place nous retrouvons les guerres
fratricides, les ethnocides, ou les génocides. Et PACERE s'indigne face
au constat amer de cette perte énorme. Nous pouvons lire sa grande
déception dans ces versets extraits de son poème fleuve:
"Adieu! / Adieu! / Adieu! / Tous les frères
nègres ethnocidés, / Qui prirent Tibo pour un moaga, / ..."
Ainsi que nous le constatons, le poète a
personnellement fait les frais de la détérioration de cette
valeur cardinale qui est l'amour fraternel chez l'africain moderne. C'est fort
de cette expérience douloureuse que le poète lance un appel
à la fraternité, à l'union et à la
solidarité.
Conscient de ce que la répétition est une vertu
pédagogique le poète ne se lasse pas de multiplier les symboles
et de lancer des appels afin de se faire entendre par les initiés qui se
chargeront de répercuter son message aux masses laborieuses qui n'ont ni
le temps ni la capacité de comprendre les phrases du
bendré venant de la cour royale de Manéga depuis le Nord
du Burkina Faso.
ZADI Zaourou dans
Césarienne, a explicitement
demandé à Dowré d'accomplir cette mission de diffusion de
son message. Le prince de Manéga (PACERE), n'a pas daigné le
faire. Certainement que cela est dû à sa culture à lui.
Dans tous les cas nous avons tenté de joué ce rôle d'agent
rythmique des tambours de Manéga tout au long de ce
présent travail.
Nous irons dire partout que PACERE demande à la
jeunesse africaine de s'armer de solidarité, de fraternité et
d'entente, chères aux anciens et aux dieux, afin de sortir le continent
de sa léthargie.
Maintenant que nous croyons avoir dégagé la
signification profonde qui sous-entend le corpus, nous allons conclure.
A l'issue de la réflexion sur Quand
s'envolent les grues couronnées et
Refrains sous le Sahel, il ressort que PACERE
est un poète moderne à tous les niveaux. Par modernité,
nous entendons bien, rupture dans le temps entre le passé et le
présent. Et cette rupture est bien perceptible dans la poésie du
prince de Manéga tant au niveau de la forme qu'au niveau de la
thématique. Nous avons eu à faire cette dichotomie pour bien
saisir le caractère moderne du corpus et toute sa quintessence.
En effet, le poète a emprunté sa voix au
bendré des mossé, peuple du Burkina Faso dont il est
issu. Cependant, la rupture de la poésie
pacéréenne avec la poésie tambourinée des
cours royales mossé est d'autant plus tangible que les versets dans ses
oeuvres écrites ne peuvent se lire que d'une voix unique.
Au demeurant, nous savons que la poésie
tambourinée des mossé est le fait de plusieurs tambours dont les
phrases se succèdent sans se compléter. Cette poésie
médiatisée ou tambourinée des
mossé crée donc une polyrythmie, ainsi que cela s'observe dans
toutes les poésies orales ou médiatisées de l'Afrique
traditionnelle. En d'autres termes la poésie que diffusent les tambours
sacrés de Manéga et partant de l'Afrique traditionnelle,
est une poésie rythmée, à plusieurs temps. C'est, comme le
dit PACERE dans son ouvrage de Bendrologie, Le langage
des tam-tams et des masques en Afrique, à la page 25,
une poésie rythmée et à rythme.
En effet, le rythme est créé non seulement par
les répétitions, les refrains, les interventions des
différents tambours mais aussi par d'autres instruments qui souvent les
accompagnent. Ces instruments qui accompagnent parfois les tambours sont entre
autres, les castagnettes, la flûte, etc...
C'est donc cette poésie au rythme pluriel que tente de
retrouver PACERE dans ces oeuvres poétiques. Cependant malgré
"l'impression de réalité" que produit le rythme dans la
poésie écrite du poète Burkinabé, elle reste et
demeure une tentative et ne peut se confondre avec la poésie du
Bendré mossé qui d'après le poète
lui-même "a disparu dès l'époque coloniale".
En plus de sa rupture avec la poésie des tambours
sacrés de Manega ou de la poésie de l'Afrique traditionnelle, la
poésie de PACERE, nous l'avons vu, ne coïncide pas avec celle de
ses devanciers. Que ce soit avec la poésie occidentale ou avec celle des
poètes négro-africains de la première
génération que sont les négritudiens, la poésie de
PACERE est une rupture parfois totale.
En effet, à la poésie Occidentale il n'a pris
que quelques règles de prosodies pour traduire sa négritude
à lui (ici "négritude" a le sens de la
spécificité nègre du poète). Avec les
négritudiens, c'est-à-dire les poètes de la
première génération de la poésie moderne d'Afrique
francophone, la rupture se situe surtout au niveau du fond. Pour ce qui est
de l'écriture ou la forme, quelques divergences seulement sont à
signaler.
En effet, alors que Senghor, Damas, Césaire,
revendiquaient à coup d'Alexandrins, de vers libres et de versets, la
liberté des Noirs à disposer d'eux-même et la
reconnaissance d'une civilisation nègre, le poète de
Manéga (PACERE) a fait une "plongée" dans sa culture,
pour mettre à la disposition de la jeunesse africaine et de celles des
autres continents, des valeurs et des symboles propre à l'Afrique.
Loin de s'enfermer dans sa culture, la culture mossé,
le poète généralise certains éléments
positifs de cette culture. Entre autre nous pouvons citer la
"termitière", le "stabilisme", "le
rakiré". Pour ce qui est du stabilisme, c'est une
philosophie qui vise la recherche du bonheur pour le moaga (singulier de
mossé). Il s'agit en fait d'un équilibre dans tous les domaines
de l'existence chez les mossé.
Quant au rakiré ou la littérature
satirique par la plaisanterie, c'est une pratique sûre qui participe de
la réalisation de cet équilibre dans le Mogho ou le royaume
mossé. Ce sont ces valeurs, cette philosophie que diffuse PACERE dans
ses textes poétiques. Ainsi avec PACÉRÉ, nous assistons
à l'approfondissement du particulier et à sa
généralisation.
Comme nous le voyons, notre poète est
véritablement enraciné dans sa culture et il y a puisé et
diffusé ce qui peut contribuer à l'affranchissement et au
développement de l'Afrique moderne, surtout au plan culturel mais aussi
aux plans politique et économique. Loin de s'opposer à l'action
des négritudiens qui l'ont devancé, il fortifie leur action et
démontre l'existence d'une culture Nègre. En outre, il revendique
pour cette culture dont l'existence est désormais établie, sa
place dans le concert des civilisations.
Aussi des poètes de sa génération ont-ils
fait comme PACERE. Citons ZADI Zaourou qui a fait du "Didiga" une
esthétique poétique et théâtrale, qui rivalise avec
les courants littéraires venus de l'Occident.
En effet, ZADI Zaourou a puisé dans sa culture
d'origine (la culture Bété), le concept du Didiga qu'il
a ensuite enrichi des connaissances acquises a l'école Occidentale et
ailleurs.
En agissant ainsi, ZADI Zaourou, Titinga PACERE et les
poètes de leur génération, font plus que revendiquer une
culture. Ils en proposent une à l'humanité, comme s'ils voulaient
prendre le contre-pied des poètes anglophones qui disaient avec
WOLÉ Soyinka que le tigre ne proclame pas sa tigritude, le
tigre saute sur sa proie et la dévore. Cette attaque à
l'endroit des poètes négritudiens a certainement
réveillé les génies tels que PACERE, NIANGORAN Boua, ZADI
Zaourou, NIANGORAN Porquet, qui ont vite fait de proclamer respectivement, la
"Bendrologie", la "Drumologie", le "Didiga", la
"Griotique".
En effet, la "Griotique", c'est l'étude du
langage des griots africains, tel que Balla Fasséké, dans
Soundjata ou l'epopée manding, de
Djibril Tamsir Niane. Quand à la "Drumologie" de NIANGORAN
Boua, elle s'intéresse au langage de "l'attouglan" et des
tambours en général. Ce concept retrouve donc la "Bendrologie"
chère à PACERE Titinga.
La "Bendrologie": voilà le nom que PACERE a
donné à une de ses oeuvres. Mais il s'agit en fait de toute sa
poésie, à l'exception de quelques poèmes comme
"héros d'ébène" qui sont fortement liés
à la poésie occidentale. La poésie
"pacéréenne" est d'une modernité
déconcertante.
En effet, elle retrouve la parole médiatisée
mossé sans toutefois se confondre avec elle. En outre, nous l'avons
déjà dit, les textes poétiques de PACERE diffusent des
valeurs, une philosophie et des symboles hérités de la culture
mossé et enrichies des connaissances acquises par le poète
à l'école occidentale et ailleurs.
Ainsi au plan formel, l'équilibre entre le signifiant
et le signifié apparaît dans la poésie de PACERE, à
l'identique de celui qui règne dans la poésie traditionnelle.
Aussi l'axe initiatique tel que défini par ZADI Zaourou,
apparaît-elle dans toute sa splendeur dans la poésie de notre
auteur et finit par nous convaincre que le prince de Manéga est un
néo-oraliste.
Autres indices qui participent du caractère moderne de
la poésie du prince de Manéga, ce sont les espaces et les temps
évoqués par le poète. En effet, l'allusion est beaucoup
faite à l'Afrique moderne et à la France. Pour un africain
francophone, c'est la France qui a sonné le glas des "temps
anciens" et des traditions ancestrales.
En conséquence l'évocation du pays des Gaulois
est un signe patent de la modernité des textes poétiques du
poète Burkinabé. Autrement dit, pour une poésie que l'on
dit être culturelle, voire cultuelle, pour emprunter le mot à AMOA
Urbain, la poétisation de référents relatifs à la
France ou à l'Occident en général trahit indubitablement
cette ambition et finit de nous convaincre que
Titinga PACERE est un poète en phase avec son
époque, d'où sa modernité. Aussi l'école est-elle
évoquée avec tous les souvenirs dignes de l'enfance pendant la
colonisation.
En effet, PACERÉ est né vers 1943 et par
ailleurs, il affirme lui-même à la page 15 de son ouvrage
Ainsi on a assassiné tous les
mossé: "j'ai vécu le passé et le
présent, la brousse comme il est convenu d'appeler ces campagnes dites
des débuts du monde et l'école". Nous comprenons donc qu'il
ait été marqué par "la vieille case" et "la
fête du 14 juillet" qui marquait le début des vacances
scolaires.
Au-delà de cette modernité, le poète
diffuse un message. En effet, ses oeuvres sont porteuses d'une signification
plus mystique que celle qu'on leur prête à première
lecture. L'analyse anagogique du corpus nous a permis de saisir
l'idéologie du poète: galvaniser les forces vives pour la
reconstruction des nations modernes africaines et donner à la jeunesse
un motif de fierté. Cette mission, le poète l'a d'ailleurs
exprimée dans son ouvrage de Bendrologie, en ces termes:
"... la littérature a pour mission ... d'être au service des
élaborations et constructions nationales."
Ne se bornant pas à la simple expression de la mission
qu'il assigne à sa littérature, Titinga PACERE se veut
pragmatique, ainsi que nous le constatons à travers ces lignes qui
suivent: "il existe des formules pour inciter au travail; c'est dans ce
cadre qu'utilisant la littérature orale et ses principes et sans l'aide
extérieure, j'ai édifié avec la population de
Manéga un dispensaire, une PMI (Prévention Maternelle et
Infantile). Ainsi que nous le voyons, désormais la jeunesse
africaine est armée de la "Bendrologie" pour relever le
défi du sous développement et de la pauvreté.
En somme, il est à retenir que Quand
s'envolent les grues couronnées et
Refrains sous le Sahel sont deux expressions
poétiques modernes. Leur analyse nous a permis non seulement de le
montrer, mais aussi de les situer par rapport aux poésies Occidentales,
Africaines traditionnelles et modernes.
En faisant usage des outils mis à notre disposition par
nos maîtres, nous avons tenté par ce travail d'ajouter à
cette "termitière" gigantesque qui se dresse dans les pages
poétiques de PACERE, quelques mottes de "terre". A la
tâche, il nous semblait entendre ces devises ou "zabyouya"
proférées par les tambours sacrés de Manéga:
"Si la branche veut fleurir
qu'elle n'oublie pas ses racines".
"Si la termitière vit
Qu'elle ajoute de la terre à la terre".
Ce sont celles du prince de Manéga, Titinga PACERE,
notre poète. La première se trouve inscrite sur la
termitière monumentale qu'il a érigée à
l'entrée de Manéga. Elle incite au travail qui libère
l'homme et l'honore. Quant à la deuxième, elle est un appel
à l'enracinement dans sa culture, dans la culture africaine.
Corpus
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couronnées, Ed. J.P. OSWALD, Paris, 1976, 78p.
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à1950 par Paul TUFFUDU) .
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Thèses consultées
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7- ZADI ZAOUROU (B.) Fer de
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8- ZADI ZAOUROU (B.), La guerre des femmes suivie
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* 1 ZADI Zaourou (Bernard),
La parole poétique dans la poésie africaine,
Thèse de Doctorat d'Etat, Université de Strasbourg II, 1981, Tome
1, p.611.
* 2 -Le Nouveau Petit
Robert
* 3 Marc Venard, Les
débuts du monde moderne, Paris, Bordas et Laffont, 1967,"coll.
Le monde et son histoire",IV,p.7
* 4 Id.,p.14
* 5 Ibid.,p.15
* 6 Ibid.,p.9
* 7 Ibid.,p.7
* 8 Ibid.,p.9.
* 9 Ibid.,p.7.
* 10 Malet et Isaac,
L'Histoire, Marabout, 1983, p.924.
* 11 MALET et
ISAAC,op.cit.,p.939.
* 12 Id.,p.947.
* 13 Joseph KI- ZERBO,
Histoire de l'Afrique noire, paris, Hatier, p.208 .
* 14 Id., p. 104.
* 15 Histoire
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coloniale", 1880-1935, Dakar, UNESCO,1987,p.22.
* 16 CHEIKH Hamidou Kane,
Les Gardiens du temple, NEI, ABIDJAN, 1996, p.41.
* 17 Dictionnaire
Universel des Littératures.
* 19 -D. T. NIANE,
Soundjata ou l'épopée mandingue, Présence
Africaine, 1960.
* 20 -Ahmadou Ampaté-Ba,
Oui mon commandant ,(Mémoires II),Collection Babel, Ed.
Actes Sud, 1996.
* 21--Danièle Nony,
Alain Andrée, Littérature Française, Histoire et
Anthologie, Paris, Hatier,1987, p.153.
* 22 -Danièle Nony,
Alain Andrée, id., p.242.
* 23 -Danièle Nony,
Alain Andrée, op. cit.,p.143.
* 24 -Lagarde et Michard,
la Littérature française, "des classiques aux
philosophes" volume II, pp.289-294
* 25 -Xavier Darcos, Tartayres
(B), XVII ème siècle en
Littérature, Paris, Hachette, 1986, p.371.
* 26 Lagard et Michard,
ibid., p.398
* 1 G. LANSON, Histoire
de la littérature, Paris, Hachette, 1992, p.595.
* 2 Xavier Darcos, Tartayres
(B.), op. cit., p.369.
* 3 Xavier Darcos, Tartayres
(B.), op. cit., p. 366.
* 4 Effet Xavier et tartyres
disent de la Fontaine, qu'il s'est inspiré du grec E sope, du
fabuliste latin Phèdre et du
Brahmane de l'Inde Pilpay. Cependant, il affirme
lui-même dans son " Epître à Monseigneur
l'évêque de Soissons" : « Mon imitation n'est
point un esclavage:
Je ne prends que l'idée, et les
tours, et les lois
Que nos maîtres suivaient
eux-mêmes autrefois !» Id., p.296 et p.371.
* 5 Ibid., p.366
* 6 Saint-Évremond
affirme: "Si Homère vivait présentement il ferait des
poèmes admirables, accommodés au siècle où il
écrirait." Ibid., p.368.
* 7 Op. cit., p.376.
* 8 -Lagarde et Michard, op.
cit., p.434.
* 9 Poème lu le 27
Janvier 1687 devant l'Académie Française pour
célébrer la santé de Louis XIV, Xavier Darcos,
XVIIè siècle en
littérature, op. cit., P434.
* 10 -Xavier Darcos, op. cit.,
p.368.
* 11 Madame de Staël,
De l'Allemagne, II, 31, cité par Xavier Darcos et Agard,
in, XXè siècle en Littérature,
Paris, Hachette, 1986, P. 50.
* 12 Maurice G rammont,
Petit traité de versification française, Paris,
Armand Colin, 1965, p.55.
* 13 Frédéric
Turiel, L'analyse littéraire de la poésie, Paris
, Armand Colin, 1998, p.22. Effet, selon F. Turiel : "l'alexandrin ternaire
superpose au rythme binaire traditionnel (6//6) une segmentation du vers en
trois parties égales dans le cas du trimètre (4/4/4);
inégales dans celui de l'alexandrin semi-ternaire (3/5/4 ; 4/5/3) ".
* 14 Makouta M'boukou (J. P.),
Les grands traits de la poésie nègro-africaine,
Abidjan, NEA,1985, p.103.
* 15 Henri Morier,
Dictionnaire de poétique et de rhétorique, puf,
1961, p.416.
* 16 Nicolas Boileau,
Art poétique I, V137-V138.
* 17 -Xavier Darcos, Brigitte
Aga r,... XIXè siècle en Littérature,
Paris, Hachette, 1986.
* 18 Paul Claudel,
"contacts et circonstances", 1940.
* 19 Cité par Madame
Monnet Agnès, (Cours Magistrale de licence 2000 Université de
vacances) extrait de L'aventure Littéraire de
l'Humanité
* 20 Guillaume
Apollinaire, Esprit Nouveau, Paris, Gallimard, 1912
* 21 Ce mouvement d'avant
garde en poésie est né en Italie avec Phillipio Mareneti, comme
chef de file. L'ambition des futurisrtes était de chanter " les grandes
foules agitées par le travail, le plaisir ou la révolte..." leur
langage est affecté par l'influence du monde moderne.
* 22 Selon les auteurs de
Littérature française, Histoire et
Anthologie, des jeunes artistes exilés, regroupés
à Zurich, autour du Roumain Tristan Tzara baptisent par dérision
leur entreprise du premier mot qu'ils rencontrent dans le dictionnaire:" Dada".
Ils refusent en bloc l'engagement politique, les conventions sociales et les
préjugés esthétiques" op. cit. P370.
André Breton, Louis Aragon, Soupault, ... vont
adhérer à ce mouvement dont la poésie ne cherche que la
spontanéité créatrice. Ils vont par la suite
s'éloigner de ce mouvement pour créer le surréalisme.
* 23 Le
surréalisme est ainsi défini par André Breton:"
Surréalisme: automatisme psychique par lequel on se propose d'exprimer,
soit par écrit, soit verbalement, soit de toute autre manière, le
fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la
pensée en l'absence de tout contrôle exercé par la raison,
en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale."
* 24-Danièle Nony,
op. cit., p.420.
* 25 . ZADI Zaourou
dans sa Thèse d'Etat a longuement fait cas de la
poésie médiatisée ou tambourinée. Pour lui, la
notion d'oralité se révèle trop étroite et pas
toujours opérationnelle pour exprimer toutes les réalités
culturelles africaines qu'elle prétend découvrir.( Op. cit. P273)
Quant à PACERE, il a montré dans son ouvrage, Le Langage
des tam-tams et des masques en Afrique (Brendrologie),
que la poésie du Bendré (tambour moaga) n'est ni orale, ni
écrite, elle est une poésie instrumentale, tambourinée.(
Op cit. P83)
* 26-L. S. Senghor, cité
par Jacques Chévrier, in Littérature
nègre, Paris, Armand Colin, 1984.
* 27 Nous avons largement
abordé, dans la Partie II de ce travail, cette fonction qui
caractérise la poésie africaine.
* 28 -PACERE T. F. , op. cit.,
p.25.
* 29 - Pour
Senghor, si l'on veut trouver des maîtres aux négritudiens, il
serait plus sage de les chercher du côté de l'Afrique
(Poèmes, Paris, Seuil, 1964) cité par J.
Chévrier, in Littérature nègre, op. cit.,
P 35.
* 30 J. Chévrier,
op.cit, pp. 11-13.
* 31 J. Chévrier,
Anthologie africaine : poésie, V II, Paris,
Hatier, 1988 pp. 14-15.
* 32 Histoire
générale de l'Afrique tome VII, UNESCO / NEA, 1987, p
106.
* 33 -J. Chévrier, id.,
p.17.
* 34 Aimé Césaire
cité par Jacques Chevrier, Ibid., p.29
* 35 J. Chevrier, op. cit.,
p.62.
* 36 ce poème est
étudié dans la deuxième partie de ce travail
* 37 Cités à la
page 29 in Notre Librairie N° 137
* 38 Lilyan Kesteloot
Anthologie négro-africaine, la Littérature de 1918
à 1981, Alleur (Belgique), Marabou, 1987, p. .......
* 39 Pius N'gandu N'KASHAMA,
op. cit., p.24.
* 40 Lilyan Kesteloot, id.,
p.153.
* 41 Pius N'gandu N'KASHAMA,
op.cit, Paris, Ed. Silex, 1984, P 148.
* 42 id., pp.148-149
* 43 opcit., p. 234
* 44 Lilyan Khesteloot,
op.cit., p. 159.
* 45 Pius N'gandu N'KASHAMA,
ibid. p.234.
* 46 Cité par Makouta
M'boukou (J.P.), op.cit, PP 24-26
* 47 Bernard ZADI ZAOUROU,
La parole poétique dans la poésie
africaine, Thèse de Doctorat d'Etat, Université
de Strasbourg II, 1981, Tome 1, p. 596.
* 48 YEPRI Léon, op.
cit., p.42.
* 49 T. F. PACERE,
Refrains sous le Sahel, op. cit., pp.56-59.
* 50 La numérotation des
vers et la nomination des strophes de ce poème sont de nous. Nous avons
procédé ainsi pour faciliter les analyses dans la suite du
travail.
* 51
Frédéric Turiel, l'Analyse
littéraire de la poésie, op. cit.,
p.12.
* 52 Parmi les vers des
premières strophes (tableau2 ), il n'y a qu'un seul alexandrin
régulier.
* 53 YEPRI Léon, op.
cit., p.42.
* 54 Ce poème est
présenté en début du chapitre I de cette partie II.
* 55 En effet, selon
Frédéric TURIEL, "Verlaine a contribué à priver la
césure de toute marque linguistique et accentuelle". Op. cit., p.23
* 56 Frédéric
TURIEL, id. , p.23.
* 57 T. F. PACERE, op. cit.,
p.3.
* 58 B.ZADI Zaourou,
Thèse d'Etat, op. cit., p.582 &YEPRI Léon , op. cit.,
p.43.
* 59 F. TURIEL, op. cit., p.78
. Selon cet auteur, "l'expression vers libre se réfère
de nos jours à un type de vers qu'ont théorisé les
symbolistes(Gustave Kahn, Laforgue, ...). Ce vers s'affranchit de toute mesure
préétablie, qu'elle soit ou non issue de la norme classique."
* 60 En effet chez les
symbolistes " les vers sont de rythmes et de mètres variables,
même si un élément métrique, numériquement
constant apparaît parfois à des intervalles plus ou moins
réguliers." F. TURIEL, op. cit., p.79.
* 61 " A l'origine, les
versets (étymologiquement , les "petits vers") sont les brefs passages
numérotés des textes sacrés. Mais depuis le début
du siècle (XXème siècle), le mot est
employé pour désigner des unités qui excèdent les
mètres longs traditionnels. En fait, les versets sont d'étendue
variable: ils compte parfois un seul mot, quelques mots ou plusieurs lignes,
..." D'après F. TURIEL op. cit., p.83.
* 62 F. TURIEL, id. p.83
* 96 PACERE, Le langage
des tam-tam et des masques en Afrique, Paris, 85.
l'Harmattan,1991,P73 « Bendrologie »
* 97 Lilyan Kesteloot,
Antrologie, op. cit., p. 12.
* 98 Pius N'gandu N., op.
cit., pp. 17-18
* 99 Pius N. N., id.,p.8.
* 100 ZADI Zaourou
Césaire entre deux cultures, op. cit., pp.186-190
* 101 Refrains sou
Sahel, op. cit. pp. 60-75
* 102 Barthélémy
KOCHY,"Rythme et Idéologie", in lire Léon G.
Damas, (l'oeuvre pour une lecture africaine de L.G. Damas), Abidjan, CEDA,
1989,PP-98-99
* 103 Alain VAILLANT,
La poésie : Initiation aux méthodes d'analyse des
textes poétiques, Nathan, Paris, 1992, p.105
* 105 Cité par
Léon YÉPRI, op.cit. p. 170.
* 106 Roland Barthes,
"Eléments de sémiologie" in Communication IV,
Paris, Seuil, 1964 cité par YEPRI (Léon)
Opt.cit , p.167.
* 107Claude (P.) & Bernard
Colula, Didactique de l'expression, op. cit., p 125.
* 108 Léon YEPRI, Op.
cit., p 169.
* 109 Léon YEPRI, id.,
p.161.
* 110 IPOU (Ludovic),
Etude de la fonction initiatique du langage symbolique dans
D'éclairs et de foudres, de J. M. Adiaffi, Université de
Cocody (Côte d'Ivoire), 1996.
* 111 Selon Pius N'gandu
N'kashsma, Le mouvement de la Négritude s'étend de 1930 à
1970; Les poètes de cette période sont considérés
comme ceux de la première génération dans la
littérature écrite africaine. La deuxième
génération, quant à elle comprend les poètes dont
les écrits datent des années 1970 jusqu'aux années 1990.
Op.cit., p.229.
* 112 Ahmadou
Ampaté-Bâh, Kaydara, NEA, Abidjan, 1978, p.17.
* 113 Le langage des
tam-tam et des masques en Afrique , op. cit., p. 83.
* 114 En effet, PIUS N'gandu,
fait la dichotomie entre oralité-ouverture et
écriture-clôture dans son ouvrage Littérature
africaine de 1930 à nos jours, silex, 1984, p. 16.
* 115 ZADI Zaourou,
Thèse d'Etat, op. cit., p.585.
* 116 ZADI Zaourou,
Thèse d'Etat, op. cit., p.582.
* 117 ZADI Zaourou,
Césaire entre deux cultures , op. cit., p.204.
* 118 YEPRI Léon, op.
cit., p.6, & ZADI Zaourou, Thèse d'Etat, p.589 .
* 119 ZADI Zaourou,
Thèse d'Etat, p.589.
* 120 ZADI Zaourou,
Thèse d'Etat, p.589.
* 121 YEPRI Léon, id.,
p.7.
* 122 YEPRI Léon,
ibid., p.7.
* 123 YEPRI Léon,
ibid., p.7.
* 124 En effet, ZADI ZAOUROU
écrit: "Timini, c'était la mère du poète, pas celle
qui l'a conçu, mais celle à qui le groupe social
avait demandé de l'éduquer, de l'instruire, d'en faire un homme
au sens entier..." Thèse d'Etat, p.590.
* 125
Ludovic IPOU, op. cit., p.50.
* 126 Cette disposition et la
numérotation sont de nous.
* 127- Parlant de la
littérature des tam-tams, PECERE à écrit ceci "cette
littérature est liée aux cours, aux responsables politiques, aux
lieux d'exercices du pouvoir; .... Leur nombre ( les tam-tams) pour s'exprimer
ensemble peut atteindre une trentaine toutes catégories comprises.... Un
des tam-tams (le chef) peut dire le poème, le texte littéraire,
les autres, à des moments précis, reprennent les refrains; il
peut s'agir d'un débat.... Cette littérature d'ensemble est
très complexe puisque des phrases se succèdent, s'entrechoquent
et ne se complètent souvent pas; c'est ce qui m'a influencé dans
mon recueil, Quand s'envolent les grues couronnées . op.
cit., p.86.
* 128 PACERE affirme "on a
voulu que le langage ne fût pas par la bouche, ne fût pas oral afin
de rester réservé à une élite; cela c'est au moins
depuis un millénaire (le Bendré est venu avec les Mossé au
Xè siècle sur leur terroir actuel)". Op. cit., p.
83.
* 129 - ZADI Zaourou,
Post-face de "La guerre de femme "suivi de La Termitière,
Abidjan, NEI/NETER, 2001, pp.138-140: "chez les bété la
termitière est aussi le nombril de la terre-mère" chez les dogon
(Mali) elle est le clitoris de la terre-mère-épouse de Auma-Dieu.
Elle heberge la reine des termites, signe du pouvoir politique de
l'équilibre et de l'harmonie-".
* 130 ZADI Zaourou,
Thèse d'Etat, p. 595.
* 131 idem., p. 595.
* 132 Selon ZADI ZAOUROU
"c'est par la fonction rythmique que s'enrichit la parole, quelle se
poétise en s'accomplissant. C'est elle qui fait pièce à la
fonction, symbolique. L'équilibre entre ces deux éléments
permet de surmonter la contradiction. Thèse d'Etat, p. 231.
* 133 B. ZADI ZAOIUROU, id.,
p. 231.
* 134 B. ZADI ZAOIUROU, op.
cit., p. 181
* 135 B. ZADI ZAOUROU,
Thèse d'Etat, p 599.
* 136 "Le mot-accoucheur" est
une théorie de Makhily Gassama et présentée par ZADI
Zaourou comme la manifestation de l'agent rthymique. Op. cit., p.600.
* 137 - ZADI
Zaourou, Césaire entre deux cultures, NEA, 1978,
p.195.
* 138 Il s'agit ici de la
fonction poétique telle que définie par Roman Jakobson.
* 139 ZADI Zaourou, id.,
p.205.
* 140 J.P. Makouta-Mboukou,
op. cit., p. 105.
* 141 pour Lilyan KESTELOT "la
négritude de demain fera la synthèse de cette civilisation
ancestrale et des apports étrangers (sciences, techniques) pour
permettre à l'Afrique de s'adapter au monde moderne". Op. cit, p.7.
* 142 Lilyan KESTELOT,
Anthropologie négro-africaine de la littérature de 1918
à 1981, p. 7.
* 143 - YÉPRI
Léon, op. cit., p.10.
* 144 - YÉPRI
Léon, id., p. 208.
* 145 - selon les
régions, l'on dit "Rakiré" ou "Dakié" , YEPRI, op.
cit., p.19.
* 146 selon YEPRI Léon,
le "Rakiya" est le personnage qui joue le
"rakiré".
* 147 Dans son oeuvre
Ainsi on a assassiné tous les mossé, PACERE
explique que dans la vie du Moaga, il y a un contre poids à tous. Il a
inventé le concept de "stabilisme" pour rendre compte de cet
équilibre dont relève l'existence chez les mossé.
* 148 T.F. PACERE, le
Langage des tam-tams et des masques en Afrique, op. cit., p 62.
* 149 T.F.PACERE,
Ainsi on a assassiné tous les mossé, Ed. Naaman,
1979, p.15.
* 150 - YEPRI Léon,
op. cit., p. 120.
* 151 Le refrain est le
suivant: "Mais, / Aux lendemains de l'inéluctable victoire, / Nous
serons écartés /Des épanchements de joie, / Nous serons
écartés / Des effusions de gloire! / On nous a trahis, / On
nous trahira! / LA DEUXIEME GUERRE SERA SANGLANTE ! "
* 152 T.F. PACERE, Le
langage des tam-tams et des masques en Afrique, op. cit., p 70 .
* 153 Le " Zabyouré"
(Les zabyouré) est une dévise que porte une personne, un roi, ou
même un village.
* 154 Les "soanda" sont des
devises de corporation ( forgerons, tisserands, ...).
* 155 YÉPRI
Léon, op. cit., p. 9.
* 156 Gnougoussé et
Nakomsé sont des sous-groupes de l'ethnie Mossé. Ce sont des
peuples originaires du Burkina Faso . Les Nakomsé s'occupaient de la
politique, tandis que les Gnougnnoussé s'occupaient du culte des
ancêtres ou de la terre. YEPRI Léon, op. cit., p.180.
* 157 ZADI
ZAOUROU, thèse d'Etat, p. 595.
* 158 YEPRI Léon, op.
cit.
* 159 Birago Diop,
"Souffles", in Anthologie de la Poésie
nègre , Op.cit p. 144.
* 160 ZADI Zaourou,
Thèse d'Etat, p.588.
* 161 YÉPRI
Léon, op. cit., p.252.
* 162 Dans son oeuvre,
Ainsi on a assassiné tous les mossé,
PACÉRÉ affirme: "je suis né à un moment où
cette civilisation détruite, substituée par d'autres visions du
monde, dans les grands centres connus de l'empire, était dans mon
village de Manéga, encore en proie aux flammes." p. 15.
* 163 En effet , en 1968, la
France connue des troubles sociaux qui furent durement vécus et
reprimés dans les milieux estudiantins en métropole et dans les
colonies (à Dakar pour ce est de l'AOF).
* 164 YÉPRI
Léon, op. cit., p. 118.
* 165 T. F. PACERE,
Ainsi on a assassine tous les mossé , op . cit., p.
14.
* 166 T. F. PACERE, id.,
p. 15.
* 167 Le stabilisme pour
PACERE, c'est l'équilibre général qui est la condition
sine qua non du bonheur collectf. Ibid., p.22.
* 168 YÉPRI
Léon, op. cit. , pp. 120-121.
* 169 T.F. PACERE, op.
cit., p 15.
* 170 Barthélémy
KOTCHY, op. cit, p.65.
* 171 J. P. Makouta-Mboukou,
op. cit., p.170.
* 172 Au Moyen age, selon J.P.
Makouta-Mboukou, "une oeuvre pour être bien décodée
exigeait plusieurs lectures successives". Et on accédait au sens
littéral par la "lectura" (une lecture
élémentaire), puis le sens profond se révélait
après la "lectio" (lecture profonde) qui comprenait trois
étapes: lecture allégorique, lecture tropologique et lecture
anagogique. Op.cit p. 121.
* 173 J. P. Makouta_Mboukou,
op. cit., p.171.
* 174 Au Moyen Age, la
lecture allégorique "permettait de recenser les symboles, les images,
les figures, en un mot tous les aspects matériels du texte". La lecture
topologique, quant à elle "interprétait les symboles
recensés pour leur faire correspondre des significations morales". J.
P. Makouta-Mboukou, id., p.121.
* 175 Ahmadou
Ampaté-Bâ, op.cit, p.17
* 176 Ahmadou
Ampaté-Bâ dit de son conte (Kaydara) qu'il est futile pour les
bambins, utile pour les fileuses et instructeur pour les mentons velus et les
talons rugueux. Op.cit, p.17
* 177 YEPRI Léon, op.
cit., p.62.
* 178 Zida, Bougoum, Tanga,
sont des rois qui ont règné sur Manéga. Zida est le
fondateur de Manéga.
* 179 J. P. Makouta-Mboukou,
op. cit., p.165.
* 180 J. P. Makouta-Mboukou,
id., p.165.
* 181 Barthélémy
KOTCHY, op.cit, p.65.
* 182 Quand s'envolent
les grues couronnées, p.47
* 183 YEPRI Léon, op.
cit., p.68.
* 184 Refrains sous le
Sahel, "La deuxième guerre", pp.60-68
* 185 YEPRI Léon a dans
son oeuvre: Titinga F. PACERE, Tambours Poétiques
d'Afrique, écrit que les poèmes dans Refrains
sous le Sahel sont aphoristiques. P.49.
* 186 Quand s'envolent
les grues couronnées, p.26.
* 187 Refrains sous le
Sahel, p.69.
* 188 ZADI Zaourou, op.cit.,
p.138. (post-face)
* 189 ZADI Zaourou, id.
* 190 ZADI Zaourou, id., p.140
(post-face)