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Christiania : micro-société subversive ou "hippieland" ?

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par Félix Rainaud
Université de Poitiers - Master 1 Sociologie 2012
  

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1.4 Méthodologie

La première raison m'ayant attirée vers cette problématique est liée au fait d'avoir eu l'opportunité de partir en programme d'échange Erasmus à Copenhague. J'ai ainsi bénéficié d'une période relativement longue pour mon terrain puisque j'ai habité Copenhague de fin août 2011 à juin 2012 (soit presque dix mois).

J'avais en grande partie choisi la capitale du Danemark pour cette raison que l'on m'avait raconté l'existence de cette « ville libre », en plein coeur de Copenhague : Christiania. Des amis m'avaient alors présenté Christiania comme une sorte de « village gaulois », un foyer de résistances politiques et d'activisme, en plein coeur de Copenhague. J'avais entendu parler de ce quartier peu de temps auparavant lors de la conférence de Copenhague de 2009 sur le climat. De nombreuses manifestations, organisées autour de Christiania, avaient alors eu lieu afin de faire pression pour certains, ou simplement critiquer pour d'autres, cette grande rencontre internationale. J'avais tout de suite été très curieux de comprendre comment un tel lieu, squatté, pouvait encore exister quarante ans après alors qu'en France, les expériences militantes de squat sont (presque) toujours éphémères et mortes-nées. C'est donc cette curiosité qui a été la question motrice de ce mémoire. Le travail de recherche effectué e veut interdisciplinaire, c'est à dire un lieu de rencontre autour de la ville, mêlant géographie, histoire, sociologie, urbanisme, ethnographie, un peu à l'image des «urban studies» anglo-saxonne.

Pour y répondre, la monographie a été la méthodologie que j'ai souhaité employer. André AKOUN et Pierre ANSART dans leur Dictionnaire de sociologie, coédité par les éditions du Seuil et Le Robert en 1999, donnent comme définition de la monographie en sciences sociales : « l'étude d'un groupement social localisé (famille, village, ville, région, atelier, entreprise) à partir d'une enquête directe ».

Plus concrètement : « Par « monographie », on entend, dans les domaines de l'anthropologie et de la sociologie, la démarche d'étude d'un phénomène ou d'une situation relatifs à une société déterminée, impliquant une enquête de terrain et l'observation directe (in situ) propices à reconstituer ce phénomène ou cette situation dans sa totalité. L'enquête de terrain désigne l'ensemble des interventions pratiques du chercheur dans un milieu social donné destinées à saisir empiriquement l'objet de son étude. L'enquête de terrain est certes faite d'observations in situ mais elle ne s'y réduit cependant pas puisqu'elle intègre, à divers titres, le recueil de témoignages d'informateurs de terrain et la collecte et le dépouillement d'archives, de journaux, de documents écrits de toutes sortes. L'enquête de terrain, associée de pareille façon à l'observation directe, nécessite un contact immédiat et de longue durée avec le terrain impliqué dans l'étude. (DUFOUR et al., 1991)».

Les conseils méthodologiques pour effectuer des observations dans le cadre d'une enquête sociologique conseillent en règle générale de procéder par étape. En particulier, avant même que l'observation ne commence on recommande à l'étudiant de préciser le choix de l'objet (syndicat, pratique individuelle dans un lieu public...), le choix du terrain (lieux de travail, comptoir de préfecture...), le mode d'observation qu'il va retenir qui renvoie à la question de son statut d'observateur (à découvert ou incognito, observation participante ou davantage en retrait) (ARBORIO & FOURNIER, 2010 : 32). Pour mon travail de mémoire, l'objet et le terrain se confondent : l'objet étant le « freetown » de Christiania, le terrain étant défini de lui-même par la surface du freetown. Il y a toutefois, comme on le verra par la suite, une pluralité de terrains au sein même de Christiania : zones d'habitation, zones à vocation plus culturelles, zones à vocation commerciales...

L'observation participante a elle été réalisée dans mon quotidien, à chacune de mes visites à Christiania durant mon séjour à Copenhague, plus la participation à des manifestations (anniversaire des quarante ans, départ de manifestation du 1er mai...), au cours du temps passé dans les cafés, pubs et aussi pour des visites touristiques et des promenades ou déambulations sans but précis. La méthodologie adoptée dans un premier fut l'observation libre et non structurée. Puis, afin d'organiser mon observation des différents lieux, je me suis aidé d'une grille d'observation que je fais figurer en annexe. Les nombreuses visites sur le site dans des contextes différents (ainsi que les plans et les différentes publications) ont constitué les principales ressources de mon travail.

Si comme l'affirme Bertrand GEAY « la technique de l'entretien est longtemps restée la voie privilégiée de l'enquête sur les pratiques militantes », il n'a pas été aisé pour moi de prendre contact avec des habitants de Christiania. En revanche, j'ai eu l'occasion de discuter de Christiania et de ses aspects politiques au sein d'un groupe militant (par ailleurs totalement extérieur au freetown) : Crisis Mirror5(*). J'ai pu grâce à ce groupe avoir le point de vue d'activistes, tous comme moi extérieurs à Christiania dans le sens où ils n'y habitaient pas. Au cours de mon travail de terrain réalisé pendant les dix mois vécus à Copenhague, mais en dehors de Christiania, j'ai tout de même pu réaliser plusieurs entretiens (dont un de plus d'une heure avec un Christianite a été enregistré, retranscrit et figure en annexe).

La mesure statistique quant à elle, si elle est un mode de « déconcertation des opinions premières », n'a pas été utilisée pour des raisons d'ordre pratique. D'abord il ne me paraissait pas pertinent d'essayer de collecter des données parmi les visiteurs de Christiania, la plupart étant des touristes. Cet exercice présentait aussi des difficultés matérielles, autrement dit, imprimer un nombre considérable de questionnaire, disposer des moyens et avoir le temps pour analyser et retranscrire de telles données, le tout sans avoir l'assurance d'obtenir des résultats significatifs. Enfin, les données statistiques officielles ayant permis aux autorités de réaliser une cartographie de Christiania avaient mobilisées dix fonctionnaires pendant dix mois. Sans parler danois, et en étant aussi mobilisé par les cours à l'université il m'était impossible de réaliser un tel travail d'enquête. J'avais malgré cela réalisé un questionnaire que j'avais envoyé sur internet par l'intermédiaire du site « Couchsurfing » dont la communauté se retrouve fréquemment à Christiania dans l'espoir à la fois d'obtenir des témoignages de personnes habitant Christiania, mais aussi de toucher une population relativement hétéroclite en âge, opinions politiques, et dans leur pratique de Christiania. Cependant, cette initiative fut un échec puisque je n'ai pu collecter que six formulaires complétés.

Le matériel empirique collecté comprend donc essentiellement des témoignages, des lectures sur l'objet d'étude, le traitement d'articles de journaux, et de divers documents écrits comme des articles militants, des brochures, des plans et des cartes... mais aussi de vidéos, de photographies, le site internet de Christiania, ainsi que d'autres sites internet réalisés par des particuliers.

* 5 Ce groupe politique est un groupe de réflexion sur la « crise du capitalisme aujourd'hui ». Il est né à l'initiative de danois et de grecs résidents à Copenhague, et regroupe majoritairement des grecs, des danois, des espagnols, des français, des portugais. ( http://www.crisismirror.info/)

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius