Conclusion
En guise de conclusion, je voudrais souligner les
difficultés que représentait cette étude.
Bien évidemment, les difficultés se sont d'abord
posées par rapport aux choix méthodologiques, mais sur plusieurs
aspects. Il n'a pas été facile de trouver une méthodologie
qui réponde le plus objectivement possible à la
problématique posée. Cela a été une longue
période de questionnement et de remise en cause, nécessaire pour
mettre en place les outils d'investigation et affiner l'enquête de
terrain.
L'autre difficulté méthodologique concernait
l'enquête qualitative et la façon de rentrer en contact avec les
diplômés, sans dévoiler la question de la
discrimination.
Ces mêmes difficultés sont aussi liées au
fait que les diplômés Bac+2 et plus résidant en ZUS sont
peu nombreux, mais cela constituait un premier résultat qui était
déterminant pour la suite de l'étude.
Concernant les résultats de cette étude, et tout
particulièrement la question de la discrimination, la discrimination
liée aux territoires prioritaires n'est pas en tant que telle un frein
à l'emploi. Je ne pense pas que l'on ait plus de difficultés
à accéder au marché du travail quand on est
diplômé Bac+2, habitant de Bellevue.
Cela dit, pour comprendre ce décalage ou du moins
dépasser ce constat, il s'agit d'examiner les relations entre les
différents usages des ZUS et l'organisation spatiale de la
précarité sociale. Plus globalement, la dimension spatiale de la
précarité joue un rôle dans la pertinence du principe du
quartier prioritaire. Des indicateurs témoignent de la fragilité
de l'insertion professionnelle des populations résidentes : taux de
chômage, part des différents types d'emplois, précaires ou
atypiques (CDD, Intérim, emplois aidés, temps partiel), part des
non-diplômés. L'étude met aussi en évidence les
fragilités qui peuvent être induites par la structure
familiale : la part des ménages de plus de 6 personnes. On doit
rendre compte des caractéristiques démographiques,
l'insertion de certaines populations étant plus fragile du fait de
leur âge (part des moins de 25 ans) et de leur nationalité ( part
des étrangers hors UE). Des catégories socio-professionnelles
sont plus susceptibles d'être touchées par des situations de
précarité : part des ouvriers et part des employés.
L'ensemble des conditions sociales du quartier déterminent
la trajectoire du diplômé et ses perceptions par rapport au
marché du travail.
Les stratégies mises en place et les décisions
prises par le diplômés sont directement en lien avec son parcours
au sein du quartier. Dans la totalité des entretiens, les
diplômés issus d'une ZUS, font part des conditions de vie
matérielle, de l'environnement familial, de la valeur du diplôme
par rapport à leur parent...et de ce qu'ils attendent de ce
diplôme. Les déceptions sont encore plus grandes quand on est issu
de l'immigration, que les parents sont ouvriers, et que soit même, en
possédant un diplôme, on ne trouve pas de travail.
Derrière ces constats d'ensemble, il faut
s'intéresser aux trajectoires individuelles, on remarque alors des
divergences dans les perceptions et les façons de se construire. Les
filles issues de l'immigration misent en partie sur le diplôme pour
rompre avec une condition sociale et familiale qui leur a été
assignée, les garçons sont davantage dans une logique de
l'honneur qui nourrit un sentiment de victimisation...
Cette étude nous apprend à dépasser la
simple logique de la discrimination, qu'elle soit sexiste, raciale, ou
territoriale, (dans le rapport diplômé-employé) pour
comprendre ce qui se cache derrière, les perceptions, les sentiments,
les stratégies mises en place...les manières de se positionner
face à ce qui fait frein ont été déterminées
tout au long d'un parcours, de surcroît un parcours vécu en
quartier prioritaire.
C'est aussi sur ces aspects que doivent travailler les acteurs
éducatifs et les dispositifs publics. Ouverture de la mission :
L'objectif de cette étude était de faire en
partie l'analyse des phénomènes de discrimination, elle peut
amener à mise en débat des résultats avec les acteurs du
service public de l'emploi, les établissements et les
diplômés, pour pouvoir aussi travailler sur des
préconisations.
Cette mise en débat qui concernera plus
spécifiquement les acteurs du service public de l'emploi doit contribuer
à la construction d'une « culture commune » sur la question
des discriminations. La réalisation d'un séminaire d'acteurs sur
ce thème pourrait être une forme adaptée de communication
et de capitalisation des résultats d'une telle démarche.
Ce séminaire pourrait également contribuer à
l'élaboration de préconisations opérationnelles sur ces
questions.
A l'issue de cette mise en débat, la démarche de
conseil auprès de la maîtrise d'ouvrage s'appuiera sur quatre
approches privilégiées qui pourraient être débattues
lors du séminaire :
L'analyse des facteurs de risques d'un renforcement des
discriminations
La compréhension des forces et faiblesses du dispositif de
lutte contre les discriminations à l'échelle de
l'agglomération et notamment le rôle particulier joué par
le service public de l'emploi
Le repérage des ressources locales pour faire face
à ces divers enjeux Les axes d'intervention qu'il s'agirait de
prioriser
Elle débouchera également sur des
préconisations qui concerneront par exemple:
La construction et l'élaboration d'une véritable
stratégie de lutte contre les discriminations à partir du service
public de l'emploi (ex : développement des fonctions de
médiation, de tutorat, de contractualisation avec les entreprises...)
L'opportunité ou non de constituer un système de
veille sur ces questions à l'échelle locale et d'envisager les
formes et les moyens que celui-ci pourrait prendre
Le montage d'actions de communication et de mobilisation en
direction des jeunes
L'amélioration des pratiques d'accompagnement (ex :
formation des acteurs à l'échelle territoriale) Les points
d'accroche d'une possible mobilisation des entreprises
Les conditions d'un suivi et d'une évaluation du
dispositif local
Les démarches possibles de capitalisation de
résultats obtenus localement ou sur d'autres sites (regard sur les
expériences menées par ailleurs et qui pourraient apporter un
véritable éclairage aux questionnements particuliers qui se
posent sur l'agglomération nantaise).
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