UNIVERSITE DE
KINSHASA
FACULTÉ DE MÉDECINE
CENTRE NEURO PSYCHO PATHOLOGIQUE
CNPP/MONT AMBA
DEPARTEMENT DE PSYCHIATRIE
MANIFESTATIONS
NEUROPSYCHIATRIQUES DES ACCIDENTS VASCULAIRES CEREBRAUX A KINSHASA
Par Magloire MPEMBI NKOSI
Docteur en Médecine, Chirurgie et Accouchement
Mémoire présenté en vue de l'obtention du
Diplôme de Spécialiste en Neuropsychiatrie
Directeur :
Prof Dr Samuel MAMPUNZA MA MIEZI
Juin 2011
A la glorieuse mémoire de Cheikh Anta
Diop
Osiris au Royaume de Noun
Montagne au dessus des vallées
Puissant maître à jamais
admiré
REMERCIEMENTS
Nous voudrions nous acquitter d'un agréable devoir,
celui de remercier de manière particulière tous ceux qui d'une
façon ou d'une autre nous ont aidé durant notre
spécialisation.
Nos remerciements s'adressent au Pr Dr Samuel Mampunza ma
Miezi qui a cru en nous, a initié et dirigé ce travail avec
maestria, efficacité, perspicacité et humanité. Il peut
être assuré de notre indéfectible attachement.
Nous voudrions également remercier le Pr Dr
Sébastien Kinsala ya Basi, Chef du Département de Psychiatrie au
CNPP qui nous en a ouvert les portes en Mars 2006. Chaque fois que ce fut
nécessaire, il a su nous apporter son soutien tout le long de notre
formation.
Au Pr Dr Gilbert Mananga Lelo, Vice-Doyen et Médecin
Directeur du CNPP, nous tenons également à dire que ses
encouragements ont été pour nous source de réconfort en
des moments de doute qui n'ont pas manqué vu le contexte difficile dans
lequel nous avons eu à effectuer notre formation au Centre Neuro Psycho
Pathologique.
Le Pr Dr Tharcisse Kayembe Kalula nous permettra de dire en
public combien sa foi et son enthousiasme dans les Neurosciences ont
été stimulantes pour nous durant ces années de dur labeur.
Qu'il en soit solennellement remercié.
C'est au cours d'une conférence au Pavillon Ouvert des
Trypanosés que nous rencontrâmes pour la première fois le
Pr Dr Valentin Ngoma Malanda. A la fin du fort intéressant débat
qui eut lieu à l'occasion et auquel nous prîmes part dans la
mesure de nos capacités cognitives de l'époque (étudiant
en troisième doctorat de médecine à l'Université
Kongo à Kisantu), il vint vers nous et nous dit cette phrase :
« Cher Ami, dès que vous avez votre diplôme, venez faire
la psychiatrie, nous serons là pour vous encadrer.» Ce
jour-là, probablement sans le savoir, il confirma ce qui devenait de
plus en plus évident pour nous : nous voulions devenir
neuropsychiatre.
Que le Pr Dr Théodore Kazadi Kayembe trouve
dans ces mots l'expression de nos sentiments de profond
respect.
Pour ces conseils et remarques, nous disons également
merci au Professeur Timothée Kamanga Mbuyi.
Que tous les Chefs des travaux et Spécialistes du
Centre Neuro Psycho Pathologique de Kinshasa qui nous ont encadré
trouvent ici l'expression de notre gratitude. Nous pensons au Dr Adelin Nsitu
Mankubu, au Dr Aubert Nkiluvuidi Lutondo, au Dr Jean Kasua Kasiama, au Dr
Abraham Mifundu Bilongo, au Dr Félicien Itakala Bondo, au Dr
Médard Nsiala Nkula, au Dr Jean-Marie Kashama wa Kashama, au Dr Robert
Mussa Mahamudi, Au Dr Albert Mvunzi Nlopo, au Dr Louis
« Ben » Nyamabo Kasense, au Dr Léon Kazumba
Mbiyangandu, au Dr Faustin Tshamala Kalala, au Dr Bone Bamanya, au Dr Daniel
Okitundu Luwa, au Dr Alphonse Nzuzi Tsakala.
Que les docteurs Thierry Lukeba Nguamba, Celestin Kaputu Malu,
Brigitte Imbula Essam, Roland Nengi N'sam, Ali Ndjukendi Omba, Mishika Mukanya,
Victor Hutu Kabamba et Marie-Thérèse Sombo Ayanne trouvent ici
l'expression de notre amitié.
Que tous nos collègues Médecins-Assistants au
CNPP n'hésitent pas à s'associer à nous en ce moment.
Nous tenons à remercier le Dr Guy Bumoko Makila Mabe
pour son aide lors de la phase de collecte des données.
Pour leurs remarques et suggestions, nous remercions
également les Drs Davin Mpaka et Thierry Matonda ma Nzuzi.
Pour avoir accepté de nous ouvrir les portes de leurs
services, nous disons merci au Pr Dr Nazaire Nseka Mangani et au Dr
Joséphine Nkoy ainsi qu'aux autorités des Cliniques
Universitaires de Kinshasa et de la Clinique Saint Joseph.
Nous voudrions ici rendre hommage à nos parents :
- A notre Père, François Mpembi Nkosi Luila,
aujourd'hui décédé qui nous a transmis le goût des
études.
- A notre Mère Valentine Nseka Mbemba Nzobadila Kapesa
pour avoir été la première en famille à nous
encourager dans la voie de la spécialisation alors que, pour tous, elle
apparaissait comme un boulevard vers la pauvreté. Elle peut-être
heureuse de ne pas avoir semé sur la pierre
- A nos frères et soeur Babette Mpembi Luila, Beaugars
Mpembi Lema, Francis Mpembi Nzima et Christian-Destin Mpembi Lazola pour avoir
supporté notre absence en des moments critiques, accaparé que
nous étions par notre formation, nous pensons spécialement au
moment du décès de notre père.
- A nos neveux et nièces : Michaël Maswama,
Valentina Kuniamisa, Henri-Francis Mpembi Matomina et Bonheur-Patient
Kuniamisa, en espérant que ceci leur montrerait la voie à
suivre.
Pour son soutien constant et sincère, nous remercions
la famille Massamba. Papy, Mamy, Didi, Joli Jolina, Joli Glody, Beni, Bienvenu,
Zola, Giani, Adelie, Ma Lili, Mama Leki, Basile et Yanice se
reconnaîtront certainement.
Nous remercions également les familles Diamonika,
Batantu, Matomina, Ngoma et Kinzonzi.
A Victoria notre épouse qui a tout abandonné
pour nous suivre dans cette voie de la spécialisation, qui a
supporté et continue de supporter cette vie d'ermite qu'imposait ce
choix et dont l'amour et l'affection nous ont toujours été
exclusivement adressés nous disons merci.
A Sivi notre fille, obligée très tôt de
supporter notre absence, nous souhaitons le meilleur.
Magloire
«Emancipate yourself from mental slavery
None but ourselves can free our mind»
(Bob Marley, Redemption song)
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS
3
SOMMAIRE
7
LISTE DES TABLEAUX
11
LISTE DES FIGURES
12
ABBREVIATIONS
13
RESUME
14
CHAPITRE 1. INTRODUCTION
15
1.1. Choix et intérêt du sujet
15
1.2. Problématique
16
1.3. Hypothèses de travail
17
1.3.1. Hypothèse générale
17
1.3.2. Hypothèses spécifiques
17
1.4. Objectifs du travail
18
1.4.1. Général
18
1.4.2. Objectifs spécifiques
18
1.5. Plan du travail
18
CHAPITRE 2. GENERALITES
19
2.1. Les AVC Ischémiques.
19
2.1.1. Etiopathogénie
19
2.1.2. Clinique
20
2.1.3. Prise en charge
20
2.2. Les AVC hémorragiques.
22
2.2.1. Etiopathogénie
22
2.2.2. Clinique
22
2.2.3. Prise en charge
22
2.3. Les troubles psychiatriques dans les
AVC
22
2.3.1. La dépression
23
2.3.2. L'anxiété
23
2.3.3. La manie
24
2.3.4. Les troubles de l'émotivité et
du comportement
24
2.3.4.1. Rires et pleurs pathologiques
24
2.3.5. Les troubles délirants
26
2.2.6. Les troubles cognitifs
26
2.3.7. Les modifications de la
personnalité
27
CHAPITRE 3. MATERIEL ET METHODES
28
3. 1. Nature, période et lieu
28
3.2. Population
28
3.3. Critères d'inclusion
28
3.4. Critères d'exclusion
28
3.5. Déroulement de l'étude
28
3.6. Outils de collecte de données
29
3.7. Définitions opérationnelles
30
3.8. Analyse des résultats
32
3.9. Ethique et consentement
éclairé
32
CHAPITRE 4. RESULTATS
33
4.1. Caractéristiques
sociodémographiques
33
4.1.1. Age et sexe des patients
33
4.1.2. Niveau d'étude
35
4.1.3. Lieu d'habitation
36
4.1.4. Religion
36
4.1.5. Profession
37
4.2. Caractéristiques cliniques
38
4.2.1. Antécédents
psychiatriques et médico-chirurgicaux
38
4.2.2. Manifestations psychiatriques
40
4.2.3. Diagnostic clinique
43
4.2.4. Symptômes
neurologiques
44
4.2.4. Classification selon
l'Oxfordshire Community Project
45
4.2.5. Minicog
46
4.4. Relations entre les troubles psychiatriques et
les facteurs sociodémographiques et cliniques
46
4.4.1. Sexe
47
4.4.2. Age
48
4.4.3. Niveau scolaire
49
4.4.3. Latéralisation
50
4.4.4. Syndrome lacunaire
51
4.4.6. Localisation des lésions
52
4.4.7. Démence
52
CHAPITRE 5. DISCUSSION DES RESULTATS
54
5.1. Données sociodémographiques
54
5.1.1. Age des patients
54
5.1.2. Sexe des patients
55
5.1.3. Niveau d'étude
55
5.1.4. Lieu d'habitation
56
5.1.5. Religion
56
5.1.6. Profession
56
5.2. Caractéristiques cliniques
57
5.2.1. Antécédents personnels et
familiaux
57
5.2.2. Manifestations psychiatriques
57
5.3. Classification de l'OCP
61
5.4. Les troubles cognitifs
61
5.5. Relations entre les troubles psychiatriques et
les facteurs sociodémographiques et cliniques
62
5.5.1. Sexe
62
5.5.2. Age
63
5.5.3. Niveau scolaire
63
5.5.4. Latéralisation et localisation selon
la classification de l'OCP
64
5.5.5. Lacunes
65
5.5.6. Démence
65
CHAPITRE 6. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
68
6.1. Conclusions
68
6.2. Recommandations
68
REFERENCES
70
ANNEXES
84
Annexe 1. Protocole d'investigation
84
Annexe 2. Hospital Anxiety and Depression scale
(HADS)
87
Annexe 3. Stroke Aphasic Dépression
Questionnaire (SADQ)
94
Annexe 4. Minicog
95
Annexe 5. Extraits du DSM IV
97
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1
|
Répartition des sujets en fonction de leurs
antécédents personnels
|
42
|
Tableau 2
|
Répartition des sujets en fonction des
antécédents familiaux des patients
|
43
|
Tableau 3
|
Répartition des sujets en fonction des Manifestations
psychiatriques observées
|
44
|
Tableau 4
|
Répartition des sujets en fonction des troubles
thymiques
|
45
|
Tableau 5
|
Répartition des sujets en fonction des troubles
intellectuels
|
45
|
Tableau 6
|
Répartition des sujets en fonction des troubles du
sommeil
|
46
|
Tableau 7
|
Répartition des sujets en fonction du diagnostic clinique
psychiatrique
|
47
|
Tableau 8
|
Répartition des sujets en fonction des syndromes
neurologiques observés
|
48
|
Tableau 9
|
Classification des patients selon l'OCP
|
49
|
Tableau 10
|
Relations entre le sexe et les troubles psychiatriques
|
51
|
Tableau 11
|
Relations entre l'âge et les troubles psychiatriques
|
52
|
Tableau 12
|
Relations entre le niveau scolaire et les troubles
psychiatriques
|
53
|
Tableau 13
|
Relation entre la latéralisation et les troubles
psychiatriques
|
54
|
Tableau 14
|
Relations entre le syndrome lacunaire et les troubles
psychiatriques post-AVC
|
55
|
Tableau 15
|
Relations entre la localisation des lésions et les
troubles psychiatriques
|
56
|
Tableau 16
|
Démence au Minicog et TPPAVC
|
57
|
Tableau 17
|
Modèle de Régression logistique pour la survenue
des TPPAVC
|
57
|
LISTE DES FIGURES
Figure 1Algorithme d'interprétation du Minicog
(d'après Borson S)
33
Figure 2Répartition des sujets en fonction de l'âge
(n=50)
37
Figure 3Répartition des sujets selon le sexe
38
Figure 4Répartition des sujets en fonction du
diplôme obtenu (n=50)
39
Figure 5Répartition des sujets en fonction du lieu
d'habitation
40
Figure 6Répartition en fonction de la situation
socioprofessionnelle (n=50)
41
Figure 7Répartition des sujets en fonction des
résultats du Minicog.
50
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
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|
|
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|
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|
|
|
ABBREVIATIONS
ANR
|
Patients Actifs Non Rémunérés
|
AR
|
Patients Actifs Rémunérés
|
APAVC
|
Anxiété post AVC
|
AVC
|
Accident vasculaire Cérébral
|
CI
|
Cardiopahie ischémique
|
CIA
|
Central Intelligence Agency
|
DPAVC
|
Dépression post-AVC
|
DSM IV
|
Diagnostic Statistic Manual
|
EEG
|
Electroencephalogramme
|
HADS
|
Hospital anxiet depression scale
|
HIP
|
Hémorragie Intraparenchimateuse
|
IC
|
Infarctus cérébraux
|
IRM
|
imagerie par résonnance magnétique
|
LE
|
Labilité émotionnelle
|
MPAVC
|
Manie post-AVC
|
OCP
|
Oxfordshire Community Stroke Project
|
OMS
|
Organisation Mondiale de la Santé
|
PED
|
Pays en développement
|
RDC
|
République Démocratique du Congo
|
RPP
|
Rires et pleurs pathologiques
|
rt-PA
|
Recombinant tissue-Plasminogen activator
|
SADQ
|
Stroke aphasic depression questionnaire
|
SEP
|
Sclérose en plaques
|
TDPAVC
|
Troubles délirants post accident vasculaire
cérébral
|
TPPAVC
|
Troubles psychiatriques post accident vasculaire
cérébral
|
USA
|
United States of America
|
RESUME
Objectifs
Améliorer le niveau des connaissances des praticiens en
vue d'une meilleure qualité de vie des patients atteints d'AVC par une
prise en charge holistique. Pour ce faire il nous a
fallu déterminer la prévalence des troubles psychiatriques
chez les patients victimes d'AVC; décrire les profils
sociodémographique et clinique des patients souffrant des Troubles
Psychiatriques Post Accident Vasculaire
Cérébral (TPPAVC) ; indiquer les localisations
anatomiques des AVC avec expression psychiatrique et indiquer les
facteurs de risque de survenue des TPPAVC.
Méthodes
Etude transversale descriptive sur 50 patients
hospitalisés pour AVC aux Cliniques Universitaires, au Centre Neuro
Psycho Pathologique et à l'Hôpital Saint Joseph de Kinshasa du
1er octobre 2008 au 30 décembre 2009. Ces patients ont
bénéficié d'un examen clinique neuropsychiatrique et ont
été soumis à l'Hospital Anxiety Depression Scale (HADS),
au Stroke Aphasic Depression Questionnaire (SADQ) pour l'évaluation de
la dépression et de l'anxiété et au Minicog pour le
dépistage de la démence. Les recherches d'association entre
différentes variables ont été réalisées en
utilisant les tables de comparaisons des proportions et le test de Chi
carré de Pearson, de Yate ou de Fischer. La survenue des TPPAVC a
été prédite par un modèle de régression
logistique.
Résultats
Cinquante-six pour cent des patients présentaient un
trouble psychiatrique. La dépression post accident vasculaire
cérébral (DPAVC) était le trouble le plus fréquent
avec une fréquence de 44% (examen clinique neuropsychiatrique) ou de 64%
(HADS et SADQ. La DPAVC était associée de manière
significative à la démence dont la fréquence était
de 26%.
Conclusions
La fréquence des TPPAVC est élevée
à Kinshasa. Leur prévalence est de 56% ; et la
Dépression en est le trouble le plus fréquent. Elle est
associée à la démence diagnostiquée au Minicog.
CHAPITRE 1. INTRODUCTION
1.1. Choix et
intérêt du sujet
Les Accidents Vasculaires Cérébraux (AVC)
constituent aujourd'hui un problème de santé publique majeur
(1-4). Ils rendent compte d'une mortalité élevée et d'une
proportion importante des personnes dépendantes chez les survivants
(3-5). En effet, chaque année environ trois millions de femmes et 2,5
millions d'hommes meurent des suites d'un AVC dans le monde. Aux Etats-Unis
d'Amérique (USA), l'AVC est la première cause d'incapacité
physique et la troisième cause de mortalité et entraîne un
décès toutes les trois minutes (5-15). L'incidence des AVC
augmente avec l'âge : les trois quarts des nouveaux AVC surviennent
après 65 ans.
L'émergence des maladies cardiovasculaires telles les
cardiopathies ischémiques (CI), l'AVC et l'Hypertension
artérielle (HTA) chez les Noirs Africains, hier prétendument
indemnes des maladies chroniques non transmissibles (16) est un motif
d'inquiétude pour le Bureau Régional de l'OMS Afrique (17). En
2002, les pays africains ont enregistré pour chacun d'entre eux entre
1000 et 99.999 décès dus à des AVC (15). Les chiffres
attendus dans les décades à venir sont plutôt
inquiétants. En 2025, selon Pierre Aubry (16), trois personnes
hypertendues sur quatre dans le monde vivront dans les pays en
développement (PED). Ces projections qui confirment la transition
épidémiologique à laquelle on assiste actuellement en
Afrique subsaharienne sont une interpellation pour le médecin africain
et impliquent une attention particulière de sa part dans les
années à venir en vue d'une meilleure prise en charge de ces
patients dont le nombre va très probablement augmenter.
Les manifestations neuropsychiatriques survenant au cours des
AVC sont bien connues. En son temps, Adolf Meyer (4) avait
émis l'hypothèse selon laquelle les troubles survenant dans le
décours de l'AVC pouvaient être liés à la
localisation des lésions cérébrales. Il était
néanmoins convaincu que ces troubles résultaient plutôt de
la combinaison des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux. Joseph
Babinski rapportait que les patients avec des lésions de
l'hémisphère droit présentaient des symptômes tels
l'anosognosie, l'euphorie, ou l'indifférence (4). Eugen Bleuler avait
observé une humeur mélancolique en post-AVC (4). Quant à
Emil Kraepelin, il avait constaté que les troubles
cérébrovasculaires pouvaient à la fois accompagner la
maladie maniacodépressive ou être à l'origine des
états dépressifs (4). Kurt Goldstein a été le
premier à décrire un trouble émotionnel qu'il a
désigné par le terme de «Réaction
catastrophique». Derek Denny-Brown a décrit un autre trouble
émotionnel, la «Réaction d'indifférence» (4). Au
XIXe siècle, Leonore Welt a été le premier à
rapporter l'euphorie et la logorrhée chez des patients victimes d'une
attaque cérébrale avec des lésions dans la région
fronto-orbitaire (4). Hermann Oppenheim a utilisé le terme
«Witzelsucht» pour designer le sens de l'humour inadapté de ce
type des patients (4).
1.2.
Problématique
Malgré la limitation des ressources, un effort
important pour la compréhension de l'histoire naturelle de l'AVC en RD
Congo a été fourni. La majorité des travaux
consacrés aux AVC en République Démocratique du Congo
(RDC) se sont appesantis sur l'épidémiologie et/ou sur les
tableaux cliniques, neurologiques et somatiques. C'est ainsi que l'HTA, le bas
niveau socio-économique, les conditions météorologiques et
les saisons ont été identifiés comme des facteurs de
risque d'incidence et de mortalité liés à l'AVC (17-20).
Cependant, la problématique des aspects neuropsychiatriques n'a
été que très peu abordée en Afrique et moins encore
au Congo. Pourtant l'exploration des troubles psychiatriques post accident
vasculaire cérébral (TPPAVC) fait depuis de nombreuses
années l'objet de plusieurs publications principalement en Europe et aux
USA.
En RD Congo, les patriciens ne recherchent pas
systématiquement les TPPAVC alors que leur prise en charge permet
d'améliorer la qualité de vie des patients victimes d'un AVC.
1.3. Hypothèses de
travail
1.3.1. Hypothèse
générale
Partant des données de la littérature, nous
formulons l'hypothèse générale suivante :
Les troubles psychiatriques sont habituels chez les patients
atteints d'AVC en RDC ; et la non prise en compte de ceux-ci est
préjudiciable à leur qualité de vie.
1.3.2. Hypothèses
spécifiques
Considérant les fréquences observées
ailleurs, nous formulons les hypothèses spécifiques
ci-après :
ü La dépression est le trouble psychiatrique le
plus fréquent chez les patients congolais ayant présenté
un AVC.
ü Les TPPAVC sont plus fréquents chez les patients
du sexe féminin
ü Les TPPAVC sont présents quel que soit le type
d'AVC
ü La DPAVC est plus fréquente chez les patients
présentant les lésions antérieures de
l'hémisphère gauche
ü Il existe une association significative entre les
TPPAVC et les troubles cognitifs.
1.4. Objectifs du
travail
1.4.1.
Général
Cette étude a pour objectif général
contribuer à améliorer le niveau des connaissances des praticiens
en vue d'une meilleure qualité de vie des patients atteints d'AVC par
une prise en charge holistique
1.4.2. Objectifs
spécifiques
Pour atteindre cet objectif général, la
présente étude s'est assigné les objectifs
spécifiques ci après :
ü Déterminer la prévalence des troubles
psychiatriques chez les patients victimes d'AVC ;
ü Décrire les profils sociodémographique et
clinique des patients souffrant des Troubles Psychiatriques Post Accident
Vasculaire Cérébral (TPPAVC)
ü Indiquer les localisations anatomiques des AVC
avec expression psychiatrique
ü Indiquer les facteurs de risque de survenue des
TPPAVC.
1.5. Plan du travail
Le présent travail comporte les chapitres
ci-après :
1. Introduction
2. Généralités
3. Matériel et méthodes
4. Résultats
5. Discussion
6. Conclusion et Recommandations
CHAPITRE 2. GENERALITES
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS)
définit l'accident vasculaire cérébral (AVC) comme
étant le développement rapide des signes cliniques
localisés ou globaux de dysfonctionnement cérébral avec
des symptômes évoluant durant plus de 24 heures, pouvant conduire
à la mort sans autre cause apparente qu'une origine (21). En fonction de
l'étiopathogénie, on distingue deux types d'AVC : l'AVC
hémorragique et l'AVC ischémique (22). Ce dernier type
représente 80% des cas d'AVC dans le monde occidental (5-6,23-28).
2.1. Les AVC
Ischémiques.
Les accidents ischémiques cérébraux
(AIC) représentent 80% du total des Accidents vasculaires
cérébraux en Occident. En Afrique où les études
épidémiologiques sont plutôt rares, leur prévalence
se situe entre 63,3% à 84,7% (29). L'occidentalisation des
régimes alimentaires et du mode de vie des Africains laisse supposer une
augmentation de cette prévalence dans les années à venir
(16).
2.1.1.
Etiopathogénie
Les AVC ischémiques peuvent procéder de deux
mécanismes différents (28):
ü Thromboembolique ou thrombotique dans la
quasi-totalité des cas avec dans les cas extrêmes une occlusion
artérielle ;
ü Hémodynamique (plus rare) : chute de
perfusion cérébrale sans occlusion à l'occasion d'un
effondrement de la pression artérielle régionale (sténose
artérielle pré-occlusive sur athérosclérose ou
dissection) ou systémique (arrêt cardiaque). Une embole
marquée
Les causes des AVC ischémiques sont multiples. Les
causes les plus fréquentes sont l'athérosclérose (30% des
cas), les cardiopathies emboligènes (20% des cas), les infarctus dits
« lacunaires » (20% des cas) (28).
Moins fréquentes que les étiologies ci-dessus
reprises, la dissection des artères cervico-encéphaliques, les
artériopathies inflammatoires, infectieuses ou
post-radiothérapiques, les troubles de l'hémostase
héréditaires ou acquis, les affections hématologiques ou
cancéreuses, les complications des médicaments vasospastiques ou
des drogues, ainsi que des maladies métaboliques peuvent
également être à l'origine des AVC.
2.1.2. Clinique
Les AVC ont une expression clinique assez parlante, ce qui
fait de leur diagnostic une tache habituellement assez aisée pour les
praticiens.
Les arguments en faveur d'un AVC sont: la brutalité de
l'installation d'un déficit neurologique focal, sans prodrome et
d'emblée maximale, l'amélioration progressive ultérieure
ou parfois une stabilisation du déficit, la correspondance à un
territoire artériel (en faveur d'un AVC ischémique), le contexte
général (affection cardiaque emboligène connue,
athérosclérose...) (28)
Signes et symptômes varient en fonction du territoire
cérébral concerné (30). Cependant, certains
symptômes sont retrouvés fréquemment. Ils incluent: un
déficit moteur et/ou une perte de sensibilité
controlatérale, une aphasie, une apraxie, une dysarthrie, une
hémianopsie partielle ou complète, des troubles de la conscience
et une diplopie, un vertige, un nystagmus ou une ataxie
2.1.3. Prise en charge
La prise en charge d'un AVC ischémique s'effectue en
plusieurs étapes :
2.1.4.1. Mesures
générales :
Le patient doit bénéficier d'une hospitalisation
en unité spécialisée, ailleurs appelée
« Stroke Unit ». Les mesures générales
comprennent les mesures des bonnes attitudes de nursing, la surveillance
rapprochée des signes vitaux, la pose d'une sonde gastrique, la lutte
contre l'hypoxie et l'hypercapnie, l'hydratation, le maintien de
l'équilibre hydroélectrolytique, la lutte contre
l'hypoglycémie, le respect de la poussée tensionnelle, la
kinésithérapie précoce, la prévention des
complications systémiques...(28)
2.1.4.2.
Thrombolyse :
La thrombolyse par le recombinant tissue-Plasminogen activator
(rt-PA) est bénéfique lorsqu'elle est appliquée au plus
tard 4 heures et demi après la survenue de l'AVC. Cependant avec ce
traitement, il existe un risque hémorragique cérébral
élevé et un risque hémorragique systémique (28).
2.1.4.3. Traitement
antithrombotique
Le traitement antithrombotique consiste en l'administration
des antiagrégants ou des anticoagulants oraux. A la phase aiguë de
l'accident vasculaire cérébral, le traitement antithrombotique
ayant le meilleur rapport bénéfices/risque est une association
Aspririne (300 mg/j) + héparine non fractionnée
à dose modérée (5 000 unités 2 fois par jour)
durant deux semaines
Les bénéfices
recherchés sont la prévention d'une récidive
précoce et la prévention d'une complication thromboembolique
2.1.4.4. Autres
mesures thérapeutiques
ü Lutte contre l'oedème
cérébral : les macromolécules sont les plus
indiquées.
ü Lutte contre les crises épileptiques : le
traitement est discuté en cas de première crise
ü Neurochirurgie : les indications de la
neurochirurgie en cas d'AVC sont limitées. On y a recours en cas
d'infarctus cérébral extensif dit malin ou en cas de compression
du tronc cérébral avec risque d'engagement.
2.2. Les AVC
hémorragiques.
La prévalence des AVC hémorragiques est
nettement plus faible que celle des AVC ischémiques en Occident. Ils
représentent environ 20 % du total des cas (23,28). En Afrique
subsaharienne, Sagui l'évalue à environ un tiers des cas (29).
2.2.1.
Etiopathogénie
Les causes les plus fréquentes des AVC
hémorragiques sont : l'hypertension artérielle chronique
(50% des cas), la rupture d'une malformation vasculaire (5 à 10% des
cas), les tumeurs cérébrales (5 à 10% des cas), les
traitements antithrombotiques (10% des cas). Plus rares sont l'angiopathie
amyloïde, les anomalies de l'hémostase, la thrombophlébite
cérébrale, l'endocardite infectieuse, l'alcoolisme chronique et
les artérites cérébrales peuvent entraîner des AVC
hémorragiques (28).
2.2.2. Clinique
La symptomatologie clinique des accidents vasculaires
hémorragiques diffère très peu de celle des AVC
ischémiques. On peut noter en faveur des premiers un tableau s'aggravant
en quelques minutes ou avec des paliers d'aggravation successifs qui existe
également en cas de sténose artérielle.
2.2.3. Prise en charge
La prise en charge des AVC hémorragique en phase
aiguë est sensiblement la même que celle des AVC ischémique
excepté le traitement thrombolytique qui n'est pas admis. Il est utile
d'insister ici si l'importance d'un scanner réalisé en urgence
pour différencier les deux types d'AVC.
2.3. Les troubles psychiatriques dans les AVC
Une atteinte cérébrale peut accroître une
vulnérabilité constitutionnelle aux affections psychiatriques
mais surtout altérer la capacité du sujet à s'adapter aux
changements existentiels, entraîner des pertes de statut ou de
rôle, la rupture de relations affectives et de liens
socio-professionnels, jusque-là constitutifs de l'identité. Les
manifestations psychiatriques secondaires aux AVC sont nombreuses. En raison de
leur impact sur l'évolution et la qualité de vie des patients, il
est important de pouvoir les reconnaitre et les soigner.
2.3.1. La dépression
La Dépression Post Accident Vasculaire
Cérébral (DPAVC) est relativement fréquente. Sa
prévalence varie entre 18 et 60% (31). Les critères diagnostiques
du DSM IV de la DPAVC (dépression due à une maladie organique)
sont superposables à ceux d'une dépression fonctionnelle. La
DPAVC se caractérise néanmoins par : une
détérioration cognitive plus sévère, de plus amples
fluctuations de l'humeur, un ralentissement psychomoteur plus important, une
anxiété plus marquée, des signes somatiques et
végétatifs (32). Par contre l'anhédonie, l'état
mélancolique, la culpabilité et les idéations suicidaires
sont plus rares (32-33). Néanmoins, le risque suicidaire, surtout chez
les patients jeunes, n'est pas négligeable (34-35).
Le diagnostic de la dépression se base
généralement sur l'évaluation clinique ou sur
l'utilisation des questionnaires qui peut être rendue difficile par les
déficits cognitifs des patients ayant présenté un AVC.
Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la
sérotonine (SSRI) ont montré leur efficacité dans la prise
en charge de la DPAVC. Ils ne présentent que des rares effets
secondaires. Les tricycliques ne sont pas recommandés en raison de leurs
effets secondaires. Ils sont moins efficaces que les SSRI (36).
2.3.2. L'anxiété
Les critères diagnostiques de l'anxiété
post accident vasculaire cérébral (APAVC) dans le DSM IV TR sont
ceux de l'anxiété associée à une lésion
cérébrale et superposables à celle de
l'anxiété généralisée. L'APAVC est
fréquente. Entre 25 et 50% des patients manifestent une
anxiété généralisée qui peut être
associée à une dépression jusqu'à deux ou trois ans
après un AVC (37-38). L'APAVC se rapproche par plusieurs aspects du
syndrome de stress post traumatique. Le syndrome de stress post traumatique
proprement dit est rapporté chez près d'un patient sur dix ayant
survécu à un AVC (39).
L'APAVC peut être liée à des facteurs
psychologiques telle la préoccupation de ne pas pouvoir contrôler
ses réactions. Par contre, les mécanismes neurobiologiques sont
mal connus.
Parmi les différentes approches thérapeutiques
explorées, ce sont les thérapies cognitivo-comportementales qui
ont fait l'objet des études les plus structurées. Malgré
des résultats contradictoires, celles-ci font preuve d'une
efficacité démontrée chez certains patients (40).
2.3.3. La manie
La survenue d'un épisode maniaque dans le contexte d'un
AVC est rare, on l'observe chez moins de 1% des patients (41-42). Sa
physiopathologie relève d'une perturbation de la boucle
fronto-striato-capsulo-thalamo-corticale interconnectée au
système limbique et au lobe temporal, principalement du
côté droit (42).
Le lithium, le valproate de
sodium, la carbamazepine, les antipsychotiques, le clonazepam et la clonidine
ont montré leur efficacité dans plusieurs études des cas
(42). En raison de son faible indice thérapeutique, le lithium n'est pas
le traitement de première intention.
2.3.4. Les troubles de
l'émotivité et du comportement
2.3.4.1. Rires et pleurs pathologiques
Les lésions cérébrales peuvent perturber
les manifestations émotionnelles. A la suite d'un AVC, ils peuvent
augmenter en fréquence, se déclencher sans raison apparente et
échapper au contrôle que l'on parvient normalement à
assumer dans un contexte social.
Quoique différents des rires et pleurs normaux en ce
qu'ils sont excessifs dans leur expression, les RPP conservent leur composante
sociale puisqu'ils se déclenchent plutôt dans une situation
d'interaction et non quand le patient est seul (43). La prévalence des
RPP varierait entre 7 et 34% selon que l'examen clinique est effectué
dans les jours immédiats ou plusieurs mois après un AVC
(43-46).
2.3.4.2. Colère,
irritabilité et agressivité
L'inclination à la colère, en tant que trait de
caractère, est considérée comme un facteur de risque pour
les AVC (47). Angelelli et al. ont observé que, dans la première
année qui suit un AVC, l'irritabilité était une des
manifestations colériques proprement dites. Elle se caractérisait
davantage par une baisse du seuil d'impatience pour des détails triviaux
que par des manifestations colériques proprement dites (48).
2.3.4.3. Labilité émotionnelle
(LE)
La labilité émotionnelle est fréquente en
cas d'AVC. La prévalence s'élève à 40%
(49). Sa prévalence diminue pour se stabiliser entre 15
et 21% 6 mois après la survenue de l'AVC (50).
2.3.4.4. Réaction catastrophique
La Réaction catastrophique n'est observée que
chez les patients présentant une lésion à
l'hémisphère gauche (49). Il est important de la reconnaitre car
elle apparait comme un facteur de risque important de la survenue de la
DPAVC (50). Soixante-six pour cent des patients ayant
présenté une réaction catastrophique ont
développé une DPAVC trois mois après la survenue de la
maladie (49-50).
2.3.4.5. Modification du comportement
sexuel
Des cas d'hypersexualité après un AVC ont
été décrits durant la période aiguë comme dans
le cas du Syndrome de Klüver-Bucy (49). Ong Hai et Odderson (51) ont
également décrit un cas de masturbation excessive avec une
lésion au niveau du lobe frontal droit et de la partie antérieure
du corps calleux. Ces phénomènes sont plutôt rares. Les
situations les plus fréquentes sont la diminution de la libido et de la
fréquence des rapports sexuels.
2.3.5. Les troubles délirants
Il ressort des études que les troubles délirants
post-AVC (TDPAVC) apparaissent dans 0,5 et 2% des cas d'AVC (52-53). Les TDPAVC
ont pour thèmes la persécution, la jalousie et la suspicion
d'abandon. Il n'est cependant pas impossible d'observer plusieurs thèmes
intriqués. En raison des risques liés à ces troubles
(suicide, agressivité, troubles de comportement ou de sommeil), les
patients présentant des TDPAVC doivent bénéficier d'une
surveillance et des soins adaptés.
Un traitement antipsychotique apporte une amélioration
significative dans les 30 jours. Les antipsychotiques atypiques (Olanzapine,
Risperidone, Amisulpiride) sont à préférer par rapport aux
neuroleptiques classiques.
2.2.6. Les troubles cognitifs
On peut observer un trouble démentiel chez des patients
présentant une lésion vasculaire isolée (hémorragie
ou ischémie) dans la région corticale ou sous-corticale.
Néanmoins le diagnostic requiert un examen neuroradiologique
détaillé pour exclure toute autre cause de démences :
eg. Maladie d'Alzheimer, Leucoaraiose...(54). Une lésion vasculaire
corticale peut entrainer des troubles démentiels quand elle siège
dans des régions assurant des fonctions de différentes
modalités comme par exemple au niveau du système limbique ou au
niveau des aires associatives (54). Ces lésions ont été
rapportées pour 3 principales localisations : gyrus angulaire, lobe
temporal inféromésiale, lobe frontal mésial (55-56). Les
anticholinestérasiques tels la Galantine, le Donepezil ont montré
leur efficacité dans l'amélioration et la stabilisation des
performances cognitives. Un antagoniste de N-methyl-D-aspartate, la Memantine a
également montré son efficacité (55).
2.3.7. Les modifications de la personnalité
A la suite d'un AVC, on peut observer sur le plan
émotionnel et comportemental une aprosodie réceptive, une
apathie, une incontinence émotionnelle ou un comportement violent et
agressif. Dans ce dernier cas on parle de pseudopsychopathie (57) ou de
sociopathie acquise (58).
CHAPITRE 3. MATERIEL ET
METHODES
3. 1. Nature,
période et lieu
Il s'agit d'une étude transversale descriptive
réalisée entre le 1er octobre 2008 et le 30 décembre 2009.
Elle a été menée aux Cliniques Universitaires de Kinshasa,
au Centre Neuro Psycho Pathologique de Kinshasa et à l'Hôpital
Saint Joseph de Limete.
3.2. Population
La population de l'étude était constituée
des patients hospitalisés pour AVC dans les services de Médecine
Interne au sein des institutions hospitalières précitées
durant la période de l'étude. Au total, 50 patients ont
été inclus dans l'étude.
3.3. Critères
d'inclusion
Pour être enrôlés dans l'étude, les
patients devaient remplir les conditions ci-après :
1. Etre hospitalisé pour AVC
2. Etre âgé de 18 ans au minimum et de 89 ans au
maximum
3.4. Critères
d'exclusion
N'étaient pas enrôlés dans l'étude,
les patients
1. Confus ou présentant un trouble profond de la
conscience
2. Incapables de comprendre ou d'exécuter les
consignes
3.5. Déroulement de
l'étude
L'examen clinique neurologique et psychiatrique
réalisé par un médecin entraîné, Assistant
senior en Psychiatrie, a permis d'obtenir des renseignements
sociodémographiques et cliniques ainsi que les antécédents
cardiovasculaires qui ont été rapportés sur une fiche de
collecte des données (Voir Annexe 1).
Pour chaque patient, les symptômes neurologiques ont
été relevés et un diagnostic syndromique a
été posé. Le diagnostic psychiatrique a été
retenu en fonction des critères du DSM IV (Annexe 2).
3.6. Outils de collecte de
données
3.6.1. Hospital Anxiety Depression Scale
(HADS)
L'HADS (Annexe 3) est une échelle
développée en 1983 par Phillip Snaith and Anthony Zigmon pour
fournir aux cliniciens un moyen acceptable, fiable, valide et facile à
utiliser pour identifier et quantifier la dépression et
l'anxiété. Il est composé de deux parties distinctes
comprenant chacune 7 items cotés de 0 à 3 et évaluant
respectivement l'anxiété et la dépression. Un score
situé entre 8 et 10 indique un état anxieux ou dépressif
douteux ; au-delà de 10 il s'agit d'un état anxieux ou
dépressif certain (59).
3.6.2. Stroke Aphasic Depression Questionnaire
(SADQ)
Le Stroke Aphasic Dépression Questionnaire (SADQ) a
été développé pour détecter l'humeur
dépressive chez les clients souffrant d'aphasie post-AVC (Annexe 4). Il
s'agit d'un questionnaire de 21 items développé sur la base des
comportements observables supposées être associés avec une
humeur dépressive. Il est complété par le soignant pour le
compte du client. La version du test utilisée dans le cadre de cette
étude est celle conçue pour les patients hospitalisés. Le
cutt-off est situé à 4/5 pour l'anxiété et à
17/18 pour la dépression (60).
3.6.3. Minicog
Le Minicog (61) est un test rapide (3 minutes) conçu
pour dépister les troubles cognitifs. Le Minicog combine le rappel de 3
items et le test de l'horloge. Le Minicog (Annexe 5) peut détecter des
déficiences cognitives légères. La cotation se fait selon
l'algorithme suivant :
Figure 1. Algorithme d'interprétation du
Minicog (d'après Borson S).
Si le patient rappelle correctement les items, il est
considéré comme non dément ; s'il rappelle 1 à
2 items, l'examinateur vérifie le test de l'horloge. Si le test de
l'horloge est correctement effectué, le patient est
considéré comme non dément, dans le cas contraire, il est
considéré comme dément. Si le patient ne rappelle aucun
item, il est considéré comme dément et le résultat
du test de l'horloge devient superflu.
3.7. Définitions
opérationnelles
3.7.1. Lieu de résidence
Le lieu de résidence a été défini
en fonction du district d'habitation pour les patients habitant la ville de
Kinshasa. Les autres ont été considérés comme
habitant hors de Kinshasa.
3.7.2. Profession
En fonction de la profession, les patients ont
été répartis en trois catégories :
- Patients actifs rémunérés (AR),
- Patients actifs non rémunérées (ANR)
- Patients inactifs ou retraités
3.7.3. Niveau d'étude
Le niveau d'étude comprenait le niveau primaire, le
niveau secondaire, le niveau universitaire. Le niveau primaire comprenait les
patients qui avaient obtenu un certificat d'études primaire, Le niveau
secondaire comprenait les patients qui avaient obtenu un diplôme
d'état, le niveau universitaire comprenait les patients qui avaient
obtenu un graduat ou plus. La catégorie « sans
diplômes » regroupaient les patients qui n'avaient pas obtenu
le certificat de fin d'étude primaire.
3.7.4. Classification de l'Oxfordshire Community
Stroke Project
La Classification de l'Oxfordshire Community Stroke Project
est une manière simple de classifier patients victimes d'AVC en fonction
de la localisation de la lésion (62).
3.7.4.1. Lacunar syndromes (LACS):
Le LACS se compose des symptômes
ci-après :
- Déficit moteur pur
- Déficit sensitif pur
- Déficit sensorimoteur
- Hémiparésie et ataxie
3.7.4.2. Posterior circulation syndrome
(POCS)
Le POCS comporte les symptômes suivants :
- Signes d'atteintes du tronc cérébral ou du
cervelet
- Avec ou non une hémianopsie homonyme isolée
3.7.4.3. Total anterior circulation syndromes
(TACS)
Les caractéristiques du TACS sont:
- Hémiparesie (or hemisensory loss),
- Dysphasie ou autre trouble de fonction supérieure
- Hémianopsie homonyme.
3.7.4.4. Partial anterior circulation syndrome
(PACS)
Le Partial anterior circulation syndrome est
composé d'un ou deux symptômes du Total anterior
circulation syndrome
3.8. Analyse des
résultats
Les données ont été analysées avec
les logiciels Epi info 6.04 version française et Stata/IC 11.2. Les
résultats ont été présentés sous forme de
tableaux, et de figures (réalisés avec le logiciel Excel 2007).
Dans un premier temps, les résultats des analyses descriptives ont
été présentés sous forme de fréquences pour
les variables qualitatives et sous forme de moyennes #177; écart-type
pour les variables quantitatives. Dans un deuxième temps, les recherches
d'association entre différentes variables ont été
réalisées en utilisant les tables de comparaisons des proportions
et le test de Chi carré de Pearson, de Yate ou de Fischer. Le seuil de
signification statistique retenu était de 5%. Dans un troisième
temps, une régression logistique a été effectuée
afin de produire un modèle permettant de prédire la survenue des
TPPAVC.
3.9. Ethique et consentement
éclairé
Tous les patients inclus dans l'étude ont marqué
leur accord après avoir reçu une explication
détaillée sur le déroulement de l'examen clinique et les
objectifs poursuivis. A tout moment durant l'examen neuropsychiatrique ils
avaient la possibilité de revenir sur la décision de participer
ou non à l'étude.
CHAPITRE 4. RESULTATS
Les résultats de l'étude sont
présentés sous forme de tableau et de figure. Ils concernent, les
caractéristiques sociodémographiques, les caractéristiques
cliniques, les troubles psychiatriques observés ainsi que leurs
relations avec facteurs sociodémographiques et cliniques. Au total, 50
patients ont été inclus dans l'étude. Cinquante-deux pour
cent des patients étaient à moins de 30 jours de la survenue de
l'AVC, 26% entre 31 et 90 jours, 8% entre 91 et 180 jours et 14% entre
181 et 365 jours.
4.1.
Caractéristiques sociodémographiques
4.1.1. Age et sexe des
patients
L'âge des patients variait entre 38 et 89 ans avec une
moyenne de 60.6#177; 11,1 ans (Figure 2).
Figure 2. Répartition des sujets en fonction de
l'âge (n=50)
Il faut noter par ailleurs que 64% de ces patients étaient
âgés de moins de 65 ans.
La figure 3 présente la Répartition des sujets
selon leur sexe.
Figure 3. Répartition des sujets selon le
sexe.
Parmi les 50 participants à l'étude, il y avait 34%
des femmes et 66% d'hommes (sex ratio de 1,9 hommes /1 femme).
4.1.2. Niveau
d'étude
La Répartition des sujets selon leur niveau d'étude
est montrée par la figure 4.
Figure 4. Répartition des sujets en fonction du
diplôme obtenu (n=50).
Un patient sur quatre (26%) était détenteur d'un
diplôme universitaire alors qu'un patient sur cinq n'en avait aucun.
Quarante-deux pour cent des patients étaient du niveau primaire.
4.1.3. Lieu d'habitation
La figure 5 montre la Répartition des sujets en
fonction de leur lieu d'habitation.
Figure 5. Répartition des sujets en fonction du
lieu d'habitation.
La majorité des patients (91.8%) habitait Kinshasa.
4.1.4. Religion
Quatre-vingt seize pour cent des patients ont
déclarés être Chrétiens parmi lesquels il y
avait 44% des Catholiques, 22% des Protestants, 2% des Kimbanguistes, et 26%
des membres des Eglises de réveil. Quatre pour cent étaient
Témoins de Jéhovah et 2% étaient Musulmans.
4.1.5. Profession
La figure 6 montre la Répartition des sujets selon la
profession
Figure 6. Répartition en fonction de la situation
socioprofessionnelle (n=50).
Les patients actifs rémunérés
représentaient 64% du total des sujets de l'étude.
4.2. Caractéristiques cliniques
4.2.1. Antécédents psychiatriques et
médico-chirurgicaux
Les tableaux 1 et 2 présentent respectivement les
antécédents personnels et familiaux des patients de
l'étude.
Tableau 1. Répartition des sujets en fonction
de leurs antécédents personnels
Antécédents Personnels
|
%
|
Psychiatriques
|
|
Schizophrénie
|
6
|
PMD
|
2
|
Consommation d' Alcool
|
42
|
Consommation de Tabac
|
12
|
Médicochirurgicaux
|
|
AVC
|
40
|
Diabète
|
26
|
HTA
|
80
|
Trauma crânien
|
6
|
Epilepsie
|
4
|
|
|
L'hypertension artérielle était
l'antécédent le plus fréquent (80%) suivi par la
consommation d'alcool (42%). Les affections psychiatriques étaient
plutôt rares : 2% pour la psychose maniacodépressive et 6%
pour la schizophrénie. Pour 40% des patients, l'épisode d'AVC
était une récidive.
Tableau 2. Répartition des sujets en fonction des
antécédents familiaux des patients
Antécédents familiaux
|
%
|
Psychiatriques
|
0
|
Médicochirurgicaux
|
|
HTA
|
10
|
HTA/AVC
|
2
|
HTA/DIABETE
|
4
|
HTA/SS
|
2
|
Dans les antécédents familiaux des patients, l'HTA
artérielle a été rapportée dans 18% des cas.
4.2.2. Manifestations psychiatriques
Le tableau 3 à 6 présentent les manifestations
psychiatriques observées dans le cadre de cette étude.
Tableau 3. Répartition des sujets en fonction des
Manifestations psychiatriques observées
Manifestations psychiatriques
|
%
|
Troubles thymiques
|
64
|
Troubles psychomoteurs
|
14
|
Troubles de la sphère noétique
|
74
|
Troubles du sommeil
|
40
|
Près de 3 patients sur quatre de notre
échantillon soit dans 74% des cas présentaient des
symptômes de la sphère noétiques. Les troubles de l'humeur
étaient présents dans 64% des cas alors que la
psychomotricité n'était perturbée que chez 14% des
patients.
4.2.2.1. Trouble thymiques
Tableau 4. Répartition des sujets en fonction des
troubles thymiques
Troubles thymiques
|
%
|
Tristesse
|
32
|
Anxiété
|
16
|
Tristesse et anxiété
|
2
|
Euphorie
|
8
|
Indifférence
|
6
|
Total
|
64
|
L'anxiété et la tristesse viennent en tête
des symptômes thymiques chez respectivement 16 et 32 % des cas (Tableau
4).
4.2.2.2. Troubles intellectuels
Tableau 5. Répartition des sujets en fonction des
troubles intellectuels
Troubles intellectuels
|
%
|
Hallucinations
|
2
|
Idées délirantes
|
4
|
Désorientation temporelle
|
24
|
Désorientation spatial
|
16
|
Incohérence verbale
|
28
|
Total
|
74
|
Les productions mentales pathologiques étaient rares
à raison de 2% pour les hallucinations et 4 % pour les idées
délirantes pendant que la désorientation dans le temps et dans
l'espace ainsi que l'incohérence dans le discours étaient plus
fréquentes.
4.2.2.3. Troubles du sommeil
Tableau 6. Répartition des sujets en fonction des
troubles du sommeil
Type de trouble
|
%
|
Insomnie d'endormissement
|
24
|
Insomnie de milieu de nuit
|
12
|
Insomnie de fin de nuit
|
2
|
Sensation de ne pas dormir
|
2
|
Total
|
40
|
Les troubles du sommeil étaient présents chez
40% des patients.
4.2.3. Diagnostic clinique
Les diagnostics psychiatriques retenus sur le plan clinique
sont répertoriés dans le tableau 7.
Tableau 7. Répartition des sujets en fonction du
diagnostic clinique psychiatrique
Tableau Clinique
|
%
|
Syndromes psychiatriques
|
56
|
Trouble anxieux
|
10
|
Trouble dépressif
|
34
|
Trouble anxio-dépressif
|
10
|
Trouble délirant
|
2
|
Absence de troubles psychiatriques
|
44
|
Cinquante-six pour cent des patients présentaient
cliniquement un trouble psychiatrique. Le diagnostic de Trouble
dépressif a été retenu pour 34% des patients ; 10%
présentaient un Trouble anxiodépressif. Les autres diagnostics
psychiatriques étaient le Trouble anxieux (10%) et le Trouble
délirant.
Cinquante pour cent des 32 patients à qui le HADS a
été appliqué présentaient un état
dépressif certain ; 5 (15,6%) patients présentaient un
état dépressif douteux.
En ce qui concerne l'anxiété, 5 patients
(15,6%) présentaient un état anxieux certain et 6 patients
(18,75%) un état anxieux douteux.
Tous les 18 patients soumis au SADQ étaient
anxieux alors que 16 parmi eux (88,88%) étaient
déprimés.
4.2.4. Symptômes
neurologiques
Le tableau 8 présente les
diagnostics syndromiques neurologiques posés.
Tableau 8. Répartition des sujets en fonction des
syndromes neurologiques observés
Diagnostic syndromique
|
%
|
Syndrome Pyramidal gauche
|
54
|
Syndrome Pyramidal Droit
|
32
|
Syndrome Frontal
|
40
|
Syndrome Thalamique
|
6
|
Le syndrome pyramidal gauche et le syndrome frontal ont
été retrouvés respectivement chez 54 et 40% des sujets de
l'étude.
4.2.4. Classification selon l'Oxfordshire
Community Project
La localisation des lésions selon la classification de
l'OCPp est reprise dans le tableau 9.
Tableau 9. Classification des patients selon l'OCP
Localisation OCP
|
%
|
Lacunar Syndrome (Lacs)
|
50
|
Posterior circulation Syndrome (Pocs)
|
20
|
Total or Partial Circulation Syndrome (Tacs/Pacs)
|
24
|
NA
|
6
|
La moitié des patients (50%) présentait les
symptômes d'un AVC lacunaire ou Lacunar Syndrome (LACS) suivi des
atteintes de la circulation antérieures (24%) et des atteintes de la
circulation postérieure (20%).
4.2.5. Minicog
La figure 7 montre la Répartition des sujets selon les
résultats du MiniCog.
Figure 7. Répartition des sujets en fonction
des résultats du Minicog.
Vingt-six pour cent des patients ont été
dépistés déments au Minicog.
4.4. Relations entre les troubles psychiatriques et les
facteurs sociodémographiques et cliniques
Les relations entre les facteurs démographiques et les
troubles psychiatriques sont examinés dans cette rubrique.
4.4.1. Sexe
Le tableau 10 présente les relations entre le sexe et
les troubles psychiatriques.
Près de 70,6% des femmes présentaient des
troubles psychiatriques contre 48,5% des patients du sexe masculin (p =
0,13).
Tableau 10. Relations entre le sexe et les troubles
psychiatriques
Paramètres
|
Hommes (%)
|
Femmes(%)
|
P
|
Troubles psychiatriques
|
48,5
|
70,6
|
0,13
|
Dépression
|
42,4
|
47,1
|
0,75
|
Anxiété
|
12,1
|
35,3
|
0,06
|
HADS/Dépression
|
47,8
|
55,6
|
0.50
|
HADS/Anxiété
|
17,4
|
11,1
|
0,56
|
SADQ
|
80
|
100
|
0,29
|
Démence (Minicog)
|
40
|
50
|
0,44
|
Il n y a pas de différence statistiquement
significative en terme de fréquence d'apparition des troubles
psychiatriques entre les hommes et les femmes.
4.4.2. Age
Le tableau 11 montre la relation entre l'âge et les
troubles psychiatriques.
Tableau 11. Relations entre l'âge et les
troubles psychiatriques
Paramètre
|
< 65 ans (%)
|
= 65 ans (%)
|
P
|
Troubles psychiatriques
|
56,3
|
55,6
|
0,96
|
Dépression
|
40,6
|
50,0
|
0,52
|
Anxiété
|
28,1
|
5,6
|
0,055
|
HADS/Dépression
|
47,6
|
54,5
|
0,70
|
HADS/Anxiété
|
19
|
9,1
|
0,42
|
SADQ
|
100
|
75
|
0.18
|
Démence (Minicog)
|
30
|
70
|
0,03
|
Les troubles psychiatriques ont été
observés aussi bien chez les patients de moins de 65 ans (56,3%) que
chez les patients de 65 ans ou plus (55,6%). La différence entre les
deux groupes n'était pas statistiquement significative. Par ailleurs,
30% des patients âgés de moins de 65 ans étaient
dépistés déments au Minicog. Cette proportion
s'élevait à 70 % chez les patients de 65 ans et plus
(p =0,03).
4.4.3. Niveau scolaire
Le tableau 12 montre la relation entre le niveau scolaire et
les troubles psychiatriques.
Tableau 12. Relations entre le niveau scolaire et les
troubles psychiatriques
Paramètres
|
Primaire ou moins (%)
|
Secondaire et plus (%)
|
P
|
Troubles psychiatriques
|
64,5
|
42,1
|
0.12
|
Dépression
|
48,4
|
36,8
|
0.42
|
Anxiété
|
29
|
5,3
|
0,04
|
HADS/Dépression
|
52,9
|
46,7
|
0,72
|
HADS/Anxiété
|
11,8
|
20
|
0,43
|
SADQ
|
86,7
|
100
|
0,68
|
Démence (Minicog)
|
60
|
26,7
|
0,06
|
L'anxiété était présente chez
vingt-neuf pour cent des patients de niveau primaire ou moins contre 5,3% des
patients de niveau secondaire ou plus (p=0.04).
4.4.3.
Latéralisation
Le tableau 14 présente la relation entre la
latéralisation clinique et les troubles psychiatriques.
Tableau 13. Relation entre la latéralisation et
les troubles psychiatriques
Paramètre
|
SP Gauche % (n)
|
SP Droit % (n)
|
P
|
Troubles psychiatriques
|
59,3 (16)
|
56,3 (9)
|
0,84
|
Dépression
|
44,4(12)
|
50,0(8)
|
0,12
|
Anxiété
|
25,9 (7)
|
12,5 (2)
|
0,26
|
HADS/Dépression
|
63,2 (12)
|
57,1(4)
|
0,56
|
HADS/Anxiété
|
15,8 (3)
|
28,6(2)
|
0,41
|
SADQ
|
100 (7)
|
80,0 (8)
|
0,33
|
Démence (Minicog)
|
44,4 (8)
|
57,1 (4)
|
0,44
|
Les troubles psychiatriques dans leur ensemble étaient
présents chez 59,3% des patients présentant un syndrome pyramidal
gauche et chez 56,3% des patients présentant un syndrome pyramidal droit
(p=0,84).
4.4.4. Syndrome
lacunaire
Le tableau 15 montre les relations entre le syndrome lacunaire
et les troubles psychiatriques post-AVC.
Tableau 14. Relations entre le syndrome lacunaire et
les troubles psychiatriques post-AVC
Paramètre
|
Lacunes
|
Non Lacunes
|
P
|
Troubles psychiatriques
|
56
|
59,1
|
0,83
|
Dépression
|
40
|
54,5
|
0,31
|
Anxiété
|
32
|
9,1
|
0,057
|
HADS/Dépression
|
55,6
|
54,5
|
0,62
|
HADS/Anxiété
|
11,1
|
27,3
|
0,26
|
SADQ
|
100
|
83
|
0,43
|
Démence (Minicog)
|
44,4
|
44,4
|
0,65
|
La présence des lacunes
n'était pas associée de manière significative aux
TPPAVC.
4.4.6. Localisation des
lésions
Le tableau 16 montre les relations entre la localisation et
les troubles psychiatriques.
Tableau 15. Relations entre la localisation des
lésions et les troubles psychiatriques
Paramètre
|
Antérieure
|
Non Antérieure
|
P
|
Troubles psychiatriques
|
75
|
51,4
|
0,15
|
Dépression
|
66,7
|
40,0
|
0,11
|
Anxiété
|
8,3
|
25,7
|
0,20
|
HADS/Dépression
|
50
|
55,6
|
0,70
|
HADS/Anxiété
|
50
|
14,8
|
0,32
|
SADQ
|
90,9
|
85,7
|
0,64
|
Démence (Minicog)
|
0
|
44,4
|
-
|
Soixante-quinze pour cent des patients avec une localisation
antérieure selon l'OCP présentaient un trouble psychiatrique.
Cette proportion s'élevait à 51.4% chez les patients avec une
autre localisation. La différence entre les deux groupes n'était
cependant pas significative.
4.4.7. Démence
Trente pour cent des patients âgés de moins de 65
ans étaient dépistés déments au Minicog. Cette
proportion s'élevait à 70 % chez les patients de 65 ans et plus
(p < 0.05).
Tableau 16. Démence au Minicog et
TPPAVC
Paramètres
|
Déments
|
Non Déments
|
P
|
Troubles psychiatriques
|
69,2
|
29,4
|
0,03
|
Dépression
|
61,5
|
17,6
|
0,01
|
Anxiété
|
15,4
|
17,6
|
0,63
|
HADS/Dépression
|
75
|
31,3
|
0,02
|
HADS/Anxiété
|
16,7
|
12,5
|
0.58
|
La démence dépistée au Minicog
était associée de manière significative à la
présence des TPPAVC, exception faite de l'HADS/anxiété et
de l'Anxiété.
Le tableau 18 présente le modèle de
régression logistique pour la survenue des TPPAVC.
Tableau 17. Modèle de Régression logistique
pour la survenue des TPPAVC
Variables
|
OR (IC 95%)
|
P
|
Minicog
|
9,32(1,24-69,6)
|
0,03
|
NS : Age, Sexe, Diplôme obtenu.
La démence diagnostiquée au Minicog est
restée statistiquement significative. Après ajustement pour
l'âge, le sexe et le diplôme obtenu, les patients déments au
Minicog étaient plus susceptibles de présenter des TPPAVC que les
sujets non déments.
CHAPITRE 5. DISCUSSION DES
RESULTATS
5.1. Données
sociodémographiques
5.1.1. Age des patients
L'âge moyen des patients de cette étude
était de 60,6#177; 11,1 ans. Cette moyenne se rapproche globalement de
celles retrouvées dans la littérature à l'exception de
l'étude de Srivastava et al. (63) qui ont observé une moyenne de
46,06 #177; 11,19 ans.
Dans une étude cas-témoin réalisée
9 mois après la survenue d'AVC et comparant les patients
déprimés et non déprimés, Chatterjee et al. (64)
ont rapporté un âge moyen de 69 #177; 11 ans dans le premier
groupe (déprimés) et de 71 #177; 10 ans dans le second groupe
(non déprimés). De même, dans leur travail portant sur
l'intérêt des interventions psychologiques sur la DPAVC, Lincoln
and Flannaghan (65) ont observé les moyennes
d'âge de 65,0 #177; 15,1 ans pour le groupe des patients n'ayant
bénéficié d'aucune intervention, de 66,1#177;13,2 pour le
groupe placebo et de 67,1#177;12,7 ans pour les patients ayant
bénéficié d'une intervention de type
cognitivo-comportementale. De leur côté, Kotila et al.
(66) ont évalué l'incidence de la DPAVC au sein
de la communauté après l'Hospitalisation. Ils ont rapporté
les âges moyens de 72,3#177;10,5 ans chez les Femmes et de 66,6#177;13,0
ans chez les Hommes dans les districts où un suivi en post hospitalier
était mis en place. L'étude portait sur échantillon de 549
patients victimes d'un premier AVC évalués 3 et 12 mois
après la survenue de l'attaque cérébrale. Plus près
de nous au Nigéria, Owolabi (67) a observé un âge moyen de
59,4#177;9,9 ans dans une étude portant sur la qualité de vie de
100 patients victimes d'AVC recrutés au sein de l'Hôpital
Universitaire d'Ibadan. De même, la revue de littérature de Sagui
(29) portant sur les AVC en Afrique subsaharienne rapporte un âge moyen
compris entre 44,5 à 61 ans. A ce stade, il est utile de noter que 64%
des sujets de cette étude étaient âgés de moins de
65 ans, contrairement aux données épidémiologiques qui
indiquent pourtant que les ¾ des nouveaux cas d'AVC surviennent
après 65 ans (68). Dans la mesure où, pour 40% de ces patients il
s'agissait d'une récidive, force est de constater qu'ils sont atteints
relativement précocement.
5.1.2. Sexe des patients
Le sexe ratio dans cette étude est de 1,9 homme pour
une femme. Ceci rencontre les observations générales selon
lesquelles les hommes sont plus à risque de présenter un AVC que
les femmes. En effet, dans le projet «Monitoring Trends and Determinants
in Cardiovascular Diseases (MONICA)» de l'OMS qui se base sur la
morbidité dans 27 pays, l'incidence d'accidents vasculaires
cérébraux était également plus élevée
chez les hommes que chez les femmes (13). Le même constat a
été fait dans l'étude Framingham qui porte sur 5.119
participants (69). Les femmes seraient protégées
par des facteurs hormonaux, principalement par l'oestradiol qui serait
protectrice des parois vasculaires (70-71), ce qui expliquerait la faible
prévalence des AVC dans le sexe féminin avant la ménopause
(69). L'oestradiol agirait via le métabolisme des lipides car en effet,
le taux élevé de l'oestradiol est associé à un taux
élevé de HDL-cholestérol (71).
5.1.3. Niveau
d'étude
Vingt-six pour cent des sujets étaient
détenteurs d'un diplôme universitaire. Il s'agit donc des
personnes que compte la très rare élite du pays qui se retrouve
dans l'impossibilité de travailler de manière temporaire voire
définitive. Surtout que d'après les statistiques de la Central
Intelligence Agency (CIA), l'espérance de vie scolaire au Congo ne
dépasse pas 8 ans (72). Et pourtant, d'après une étude de
la Banque mondiale, l'éducation améliore substantiellement le
niveau de vie des ménages. On compte ainsi moins des pauvres parmi les
ménages dont le chef est détenteur d'un diplôme
universitaire (73). Ainsi, les AVC précipitent les ménages dans
la précarité.
5.1.4. Lieu d'habitation
Les patients reçus aux Cliniques Universitaires de
Kinshasa, au Centre Neuro Psycho pathologique et à l'Hôpital Saint
Joseph provenaient de tous les districts de la ville de Kinshasa ;
malgré le fait que ces trois institutions sanitaires soient toutes
situées dans le district du Mont Amba. Il est possible que les patients
se soient spontanément adressés à ces formations
médicales en raison de leur expertise, n'hésitant pas pour
certains d'entre eux à traverser une partie de la ville pour ce faire.
Cette observation n'exclut pas le fait que les formations
périphériques de la ville aient été
consultées en première intention avant de référer
les patients vers ces formations médicales réputées mieux
outillées aussi bien en termes de ressources humaines que de plateau
technique. Ce qui précède laisse augurer du succès que
récolterait la mise en place d'une Unité Neurovasculaire
spécialement dédiée aux AVC, ailleurs appelée une
Stroke Unit. Il a été largement démontré
que de telles unités pluridisciplinaires améliorent la
morbidité et la mortalité liées aux AVC (1).
5.1.5. Religion
La répartition des patients selon la pratique
religieuse semble correspondre à celle de la population
générale. En effet, d'après la CIA (72), les Congolais
sont, en fonction de la religion, repartis comme suit: Catholiques romains 50%,
Protestants 20%, Kimbanguistes 10%, Musulmans 10%, autres 10%. Ainsi donc,
seuls les Kimbanguistes et les Musulmans ont été
sous-représentés dans l'étude.
5.1.6. Profession
Parmi les sujets de l'étude, les patients actifs
rémunérés représentaient 64% du total des sujets de
l'étude et les actifs non rémunérés
représentaient 24%. Il apparait à ce niveau que 88% des sujets de
l'étude se recrutent au sein de la population active. C'est aussi le
signe que les AVC touchent les catégories sociales les plus productives
à Kinshasa avec les conséquences socioéconomiques qui en
découlent. En même temps, dans une ville où le taux de
chômage était de 15% en 2005 (74), les patients actifs non
rémunérés étaient représentés
à hauteur de 24%. Il faudrait peut-être y voir le signe d'une
relative vulnérabilité de cette catégorie sociale par
rapport aux AVC.
5.2.
Caractéristiques cliniques
5.2.1.
Antécédents personnels et familiaux
Parmi les sujets de l'étude, 80% avaient un
antécédent d'HTA et 26% un antécédent de
diabète. L'antécédent familial d'HTA était
également présent dans 18% des cas. Nos constats rejoignent ceux
des travaux consacrés à l'AVC en Afrique subsaharienne qui
montrent que l'HTA et le diabète sont les principaux facteurs de risque
(29). Plus précisément, l'HTA est impliquée dans 32,3%
à 68% des infarctus cérébraux et dans 44% à 93,1%
des hémorragies intracérébrales (75-78). Le diabète
est le second facteur de risque, associé aux infarctus
cérébraux dans 3,2% à 37,3% des cas (75-80). De
même, ce profil des facteurs de risque est comparable à celui
retrouvé dans plusieurs études en dehors de l'Afrique. En Espagne
par exemple, Alzamora et al. (81) ont rapporté les
facteurs de risque ci-après : HTA (66%), antécédent
d'AIT (6%), Dyslipidémie (31%), diabète sucré (34%),
apnée du sommeil (5%). Dans le même ordre d'idées, dans
leur étude sur le rôle du stress psychologique sur la survenue de
l'AVC ischémique, Jood et al. ont rapporté un lien significatif
entre l'HTA, le diabète et le stress psychique perçu (82).
5.2.2. Manifestations
psychiatriques
Dans le cadre de cette étude, 56% des sujets
présentaient un trouble psychiatrique à l'examen clinique. Il
s'agissait d'un trouble dépressif (34%), d'un trouble
anxio-dépressif (10%), d'un trouble anxieux (10%) ou d'un trouble
délirant (2%). Ces résultats montrent que les TPPAVC sont
fréquents à Kinshasa et confirment que le risque de
développer un trouble neuropsychiatrique après un AVC est
élevé (48).
5.2.2.1. Troubles dépressifs
La dépression est le trouble psychiatrique le plus
fréquent dans les suites d'un AVC. Les fréquences
observées varient selon l'échantillon (population
générale, structure hospitalière, structure de
réhabilitation), le moment de l'évaluation par rapport à
la survenue de l'AVC (phase précoce ou tardive) mais aussi en fonction
des outils de diagnostic clinique utilisés (85). Pour Carota et
al. , la fréquence de la DPAVC varie comme suit : 6 à
22% dans les deux premières semaines post-AVC, 22 à 53% à
3 mois post-AVC, 16-47% à un an, 9-41% à 3 ans, 35% à 4,9
ans et 19% à 7 ans (36).
Dans cette étude, la DPAVC a été
retrouvée chez 44% des patients. Nos observations rencontrent celles
généralement notées car la prévalence de la DPAVC
varie entre 18 et 60% voire plus dans le monde (31). Dans le même sens,
Kotila et al. (66) ont rapporté une prévalence de 41% et de 54% 3
mois après l'AVC selon que les patients bénéficiaient ou
non d'un suivi après l'hospitalisation. Sinyor et al. quant à eux
rapportent une prévalence de 50% (83), pendant que Chatterjee et al.
observent 67,5% des cas de dépression (64). Srivastava et al. (63) ont
rapporté une prévalence de 35,29%. Ce chiffre s'élevait
à 56% dans l'étude de Haq et al. (84).
Il est important de noter que l'évaluation des DPAVC
repose sur l'entretien clinique ; mais il peut être avantageusement
complété par une évaluation des fonctions
neuropsychologiques et par l'utilisation d'échelles spécifiques
validées pour l'évaluation de la symptomatologie affective
survenant au décours d'accidents cérébraux (85-88). Dans
le cadre de cette étude, deux échelles ont été
utilisées pour l'évaluation de la DPAVC. Le score
« Hospital Anxiety Depression Scale de Sigmond et Snaith
(HAD) » a été appliqué à 32 des 50
patients : la moitié d'entre eux - 16 patients -
présentait un état dépressif certain, ce qui correspond
à 32% du total des sujets (50 patients); 5 patients
présentaient un état dépressif douteux soit 10% de
l'effectif total. Dix-huit patients ont été soumis au Stroke
Aphasic Depression Questionnaire. Seize sujets étaient
déprimés soit 32% du total des patients. En considérant
les résultats de ces deux échelles, on arrive à un total
de 32 patients déprimés soit 64 % du total de
l'échantillon. Il apparait à ce niveau une différence
entre la prévalence trouvée à l'évaluation clinique
(44%) et celle trouvée par l'utilisation des échelles (64%). En
effet, plusieurs éléments peuvent interférer avec le
diagnostic de la DPAVC. Même si le langage et l'attention ne sont pas
profondément atteints, les patients peuvent avoir du mal à
répondre adéquatement aux questions lors de l'entretien (89).
L'apathie est souvent présente en cas de dépression
endogène. Après un AVC, l'apathie peut-être présente
sans forcément être associée à une dépression
(36). Ceci peut expliquer la différence des fréquences
observées selon que l'on utilise ou non une échelle pour le
diagnostic de la DPAVC. Ceci se rapproche du constat de Haq et al. qui ont
utilisé le Patient Health Questionnaire (PHQ 9) et ont observé
une prévalence de 58% (84). Cette valeur s'élevait à 28%
lors de l'évaluation clinique sans échelle. Ces auteurs ont
conclu qu'il était important de disposer d'un outil de diagnostic pour
le suivi des patients en post-AVC.
Les rapports entre les maladies
cérébrovasculaires et la dépression sont de plus en plus
discutés ; et il semble que ceux-ci sont plutôt complexes et
pas forcément unidirectionnels. La dépression est de plus en plus
considérée comme un facteur de risque de survenue d'un AVC
(90 -91) en même temps que les troubles
cérébrovasculaires sont considérés comme cause
potentielle de dépression surtout chez les patients âgés
(92-95). Le fait que la dépression apparaisse fréquemment en
post-AVC est un des arguments évoqués sur l'origine vasculaire de
la dépression surtout chez la personne âgée. Du reste, un
certain nombre des patients déprimés présentent des
stigmates radiologiques d'AVC passés inaperçus (96).
Il faut noter que l'antécédent d'AVC est un des facteurs
de risque de DPAVC aux côtés du sexe féminin, de
l'isolement social et de l'antécédent de dépression
(97-101).
5.2.2.2. Troubles anxieux
La prévalence de l'anxiété dans la
présente étude s'élevait à 20%. Dans la
moitié des cas, elle était associée à la
dépression. Cette fréquence est proche de celle rapportée
dans la littérature qui la situe entre 15 et 30 % (85,102-103). Dans une
étude prospective étalée sur 3 ans, Åström a
observé une fréquence de 28% dans la phase aiguë et n'a pas
noté de variation significative de celle-ci dans les mois qui ont suivi.
Barker-Collo (104) a rapporté une prévalence de 21,8% dans une
étude réalisée sur des patients 3 mois après la
survenue de l'AVC. Le principal facteur de risque de l'APAVC rapporté
dans la littérature est l'existence d'antécédents
personnels de troubles psychiatriques (85). Bhatia et al. ont rapporté
une association entre l'HTA mal contrôlée et la survenue de
l'APVC (105). Les sujets de la présente étude
avaient dans 80% des cas un antécédent d'HTA.
Les études sur l'APAVC sont moins abondantes que celles
portant sur la DPAVC. Il a cependant été noté dans la
plupart des études publiées une association fréquente
entre la dépression et l'anxiété en post-AVC (85,106-107).
Cette association suggère des mécanismes étiologiques
communs (106). Dans le cadre de cette étude, la prévalence de
l'anxiété observée avec l'HADS et le SADQ s'élevait
à 46%. Cette fréquence s'explique probablement par la nature et
les caractéristiques des échelles utilisées. Le SADQ cote
systématiquement tous les patients dépressifs comme étant
anxieux. Le biais associé aux échelles ou questionnaire
utilisés pour diagnostiquer l'APAVC ou la DPAVC a fait l'objet d'une
étude intéressante (107). Pour les auteurs, certaines
échelles et questionnaires peuvent être plus sensibles au niveau
de stress que de l'anxiété (voire de la dépression)
proprement dite. Elles peuvent de ce fait la surévaluer.
5.3. Classification de
l'OCP
La Classification OCP est une manière simple de
déterminer cliniquement la localisation de la lésion en cas d'AVC
aigu. Les études cliniques sur les AVC ayant utilisé la
classification de l'OCP sont rares. Pour rappel, les résultats
trouvés dans le cadre de cette étude étaient les
suivants : 50% de syndromes lacunaires, 20% de syndrome de la circulation
postérieure, 24% de syndrome de la circulation antérieure totale
ou partielle. En ce qui concerne les syndromes lacunaires, nos résultats
sont nettement supérieurs à ceux de Bamford et al avec 21% des
cas(108) ; et ceux de Mead et al qui relèvent 26,1% des cas
(62).Les lésions relevées chez les sujets ayant participé
à cette étude sont corrélées aux
antécédents d'HTA ; car en effet, les lacunes sont
très souvent associées à l'HTA chronique (109).
5.4. Les troubles
cognitifs
Dans le cadre de cette étude, les troubles cognitifs
ont été évalués à l'aide du Minicog.
Vingt-six pour cent des patients ont été diagnostiqués
déments. La prévalence de la démence rapportée dans
la littérature varie entre 25 et 50% (54,110). Dans une revue portant
sur 24 ans, Béjot et al. ont rapporté une prévalence de
20,4% en France (111). Ils ont également noté que chez les
patients présentant un AVC lacunaire, la fréquence des
démences était 7 fois plus élevée que chez ceux qui
présentaient un AVC hémorragique. Parmi les facteurs de risque de
démence post-AVC régulièrement rapportés on note
l'âge avancé, le faible niveau scolaire, la présence d'une
dépendance ou d'un déficit cognitif pré-AVC (112-115).
Khedr et al. ont de plus mis en exergue le rôle des lacunes dans le
déterminisme des troubles cognitifs post-AVC (116). Dans cette
étude, la prévalence des AVC lacunaires était de 50%. Il
est utile de noter que des déficits cognitifs isolés peuvent
persister au décours d'une lésion vasculaire focale. Cependant,
plus fréquemment, ce sont plusieurs secteurs des fonctions cognitives
qui sont déficitaires, constituant un authentique syndrome
démentiel (85). Le fait que l'AVC puisse aggraver ou favoriser une
Maladie d'Alzheimer peut rendre difficile l'établissement d'un lien de
cause à effet entre un AVC et un syndrome démentiel apparu
quelques temps après (109). Il n'en demeure pas moins vrai que ces
troubles sont souvent méconnus. Cette méconnaissance est
dommageable, puisque ces troubles sont associés à un sur-risque
de dépendance, d'institutionnalisation, et surtout de récidive
d'événement vasculaire majeur et de mortalité (117-120).
Il est du reste connu que l'amélioration de la prise en charge des AVC
nécessite de considérer les troubles cognitifs éventuels
(121). A l'heure actuelle, il n'existe pas de consensus sur les outils
à utiliser dans le diagnostic des troubles cognitifs post-AVC mis
à part un large bilan neuropsychologique (116). La
nécessité du diagnostic des troubles cognitifs chez les patients
à risque cardiovasculaire s'impose également en amont. Leur
prévalence est élevée notamment en cas d'HTA chronique.
Les troubles cognitifs péjorent le cours de la maladie et augmentent le
risque de survenue d'un AVC chez ces patients(122).
5.5. Relations entre les
troubles psychiatriques et les facteurs sociodémographiques et
cliniques
Cinquante-six pour cent des sujets de cette étude
présentaient un trouble psychiatrique. Le trouble psychiatrique le plus
observé est la DPAVC. Sont examinés ici les rapports entre les
facteurs sociodémographiques et cliniques et les troubles psychiatriques
post-AVC.
5.5.1. Sexe
Dans le cadre de cette étude, contrairement aux
données de la littérature (36,85,89,123-125) les TPPAVC
étaient uniformément repartis dans les deux sexes. Par contre,
l'étude d'Oladiji et al. a relevé la vulnérabilité
du sexe féminin chez les patients hospitalisés à Lagos au
Nigéria (98).
5.5.2. Age
Dans le cadre de cette étude, les troubles
psychiatriques ont été observés aussi bien chez les
patients de moins de 65 ans (56,3%) que chez les patients de 65 ans ou plus
(55,6%). La différence entre les deux groupes n'était pas
statistiquement significative. Et pourtant, il a été
rapporté que l'âge inférieur à 65 ans est un facteur
de risque de survenue des troubles psychiatriques(125).
5.5.3. Niveau scolaire
Les sujets de l'étude ont été
séparés en deux groupes en fonction du diplôme
obtenu : le premier groupe comprenait les patients porteur de tout au plus
un certificat d'école primaire et le deuxième groupe comprenait
les porteurs d'un diplôme du secondaire ou plus. Les troubles
psychiatriques étaient présents chez 64,5% des patients du
premier groupe et chez 42,1% des patients du deuxième groupe. La
différence n'était pas statistiquement significative. Cependant,
en ce qui concerne l'anxiété, elle était présente
chez 29% des patients du premier groupe contre 5,3% des patients du
deuxième groupe (p=0.04). Les patients ayant un niveau
d'éducation supérieur (diplôme du secondaire ou plus)
étaient moins anxieux que ceux ayant un faible niveau (diplôme du
primaire ou moins), comme ceci a du reste été constaté
ailleurs, notamment en ce qui concerne la dépression (127). Cependant,
ces résultats vont à l' encontre du constat qui souligne le
fait que les troubles psychiatriques post-AVC sont généralement
associés à un haut niveau d'éducation(126).
Par rapport à l'anxiété, Jopson et al.
ont observé des résultats analogues chez des patients atteints de
sclérose en plaque (incompréhensible). Pour ces auteurs,
l'étude des croyances face à la maladie montre qu'il peut exister
une distance importante entre la compréhension du patient et son
état de santé objectif tel qu'il est perçu par le
médecin. Plus cette distance est importante, plus elle laisse la place
à des interprétations parfois préjudiciables tant sur le
plan de l'impact psychologique de la maladie (anxiété,
dépression) que sur le plan des comportements de santé
(compliance médicamenteuse, habitudes de vie, etc.). Dans le cadre de la
sclérose en plaques (SEP), Jopson et al. ont montré qu'une
mauvaise compréhension de la maladie augmentait l'anxiété
(128). Il est possible que l'anxiété des sujets de cette
étude aient en partie procédé du même
mécanisme psychopathologique. L'AVC est une maladie qui peut survenir
brutalement sans aucun prodrome. Il oblige les patients et les membres de
famille à mettre en place des mécanismes d'adaptation rapidement
opérationnels dans un contexte de pauvreté de ressources. Les
patients à faible niveau d'éducation, qui sont souvent les plus
pauvres semblent plus vulnérables (74).
5.5.4. Latéralisation
et localisation selon la classification de l'OCP
Dans le cadre de cette étude, 59,3% des patients avec
un syndrome pyramidal gauche présentaient un trouble psychiatrique. Ce
chiffre s'élevait à 56,3% chez les patients avec un syndrome
pyramidal droit. La différence entre les deux groupes n'était
pas significative. De même par rapport à la dépression, on
a observé 50,0% de cas de troubles dépressifs chez les patients
avec un syndrome pyramidal droit et 44,4% chez les patients avec un syndrome
pyramidal gauche (p=0,12). Selon l'OCP, 75% des patients avec une localisation
antérieure présentaient un trouble psychiatrique contre 51,4%
chez les patients avec une localisation non antérieure (p=0,11).
Plusieurs études ont cherché le lien entre la localisation de la
lésion et la survenue de des TPAVC. La DPAVC, de loin le trouble le plus
fréquent, a été la plus étudiée. Les travaux
de Robinson et al. ont suggéré que les lésions frontales,
sous corticales et nucléaires centraux seraient les plus pourvoyeuses de
DPAVC (36). Pour ces mêmes auteurs, les lésions de
l'hémisphère gauche proches du lobe frontal seraient les plus
associées à la DPAVC. Cette approche a fait l'objet d'importantes
critiques (36) ce d'autant plus que d'une part ces résultats n'ont pas
toujours été dupliqués par d'autres chercheurs
(63,123-124,129-131), et d'autre part, certains travaux ont trouvé une
association de la DPAVC avec des lésions situées dans
l'hémisphère droit (132). L'idée selon laquelle la
localisation de la lésion jouerait un rôle primordial dans la
genèse des TPPAVC en général et de la DPAVC en particulier
est de moins en moins soutenue dans les cénacles scientifiques.
L'étiologie de la dépression post-AVC est, en fait, très
vraisemblablement multifactorielle, ce qui explique la difficulté de
trouver un corrélat neuroanatomique précis (133). Le
modèle biopsychosocial parait être le plus à
même d'expliquer la survenue de ces troubles (133,139). Il implique une
intrication des facteurs biologiques (anatomie, génétique,...),
psychologiques (traits de personnalité, mode de coping,...) et sociaux
(isolement, difficultés financières,...)
5.5.5. Lacunes
Cinquante-six pour cent des patients avec un syndrome
lacunaire selon l'OCP présentaient un TPPAVC. Ce chiffre
s'élevait à 59,1% dans le groupe des patients sans syndrome
lacunaire. La différence entre les deux groupes n'était pas
statistiquement significative. La dépression était
présente chez 40% des patients avec un syndrome lacunaire et chez 54,5%
des patients sans syndrome lacunaire (p=0.31). Un certain nombre d'étude
ont suggéré le rôle des lacunes dans survenue de la DPAVC.
Dans ce sens, Santos et al. ont autopsié une série
consécutive de 41 cerveaux des patients ayant présenté une
DPAVC. Ils sont arrivés à la conclusion selon laquelle
l'accumulation des infarctus lacunaires au niveau du thalamus, des noyaux gris
centraux et en profondeur dans la substance blanche est plus
déterminante dans la survenue de l'AVC qu'un infarctus isolé
(134).
5.5.6. Démence
Nos résultats montrent une association significative
entre la présence des troubles cognitifs et les TPPAVC dont la plus
importante en termes de fréquence est la DPAVC. Ils confirment les
résultats retrouvés dans la littérature. En effet,
contrairement à la dépression fonctionnelle (endogène), la
DPAVC est caractérisée entre autres par la
sévérité des troubles cognitifs (32,36,135).
L'association entre troubles cognitifs et DPAVC a
été mise en évidence dans plusieurs études
publiées à ce jour. A ce propos, les travaux ci-après sont
assez démonstratifs.
Robinson et al. ont observé sur un échantillon
de 184 patients que les sujets non déprimés présentaient
moins des troubles cognitifs que les patients déprimés(136). Par
ailleurs, pendant 12 mois, Bacher et al. suivant une cohorte de 48
patients ont trouvé que plus de la moitié des sujets de
l'étude étaient déprimés et présentaient des
détériorations cognitives légères(137). Pour leur
part, Morris et al. travaillant sur 49 patients sur une période de 14
mois ont trouvé que 41% des sujets étaient
déprimés tout en présentant des troubles cognitifs(138).
Andersen et al. ont rapporté un mois après la survenue de l'AVC
une association significative entre les troubles cognitifs et la
dépression (p<0.001). Leur échantillon comprenait 285
patients. Dans leur étude, les troubles cognitifs évalués
au Brief Cognitive Rating Scale comptaient pour 33% de la variabilité du
score de la dépression à l'échelle d'Hamilton (139). House
et al. ont observé sur un échantillon de 448 patients que la
DPAVC était associée à de faibles scores au Mini Mental
State Exam(140). En 2001 Dam a publié les
résultats d'une étude menée auprès de 99 patients 7
ans après la survenue de l'AVC. Il n'a pas noté de
différences significatives entre les patients déprimés et
les patients non déprimés en ce qui concerne les scores au MMSE.
Par contre, les patients déprimés présentaient plus de
difficultés de concentration et de mémorisation (141). Spaletta
et al. ont observé que les états de colère, la
sévérité de la dépression et le nombre
élevé des zones du cerveau touchées sont associées
à la sévérité des troubles cognitifs pour les cas
d'AVC de l'hémisphère gauche. Chez les patients touchés
à l'hémisphère droit, la dépression n'était
pas associée à la survenue des troubles cognitifs (142). Verdelho
et al. ont noté une proportion importante des patients
dépressifs parmi ceux qui étaient diagnostiqués
déments (p=0.006) au MMSE(143). Barnes et al.
ont rapporté sur une population de 2220 patients une
association entre les symptômes dépressifs et la survenue des
troubles cognitifs légers (144). En 2008, Saxena et al. ont
rapporté à propos d'un échantillon de 252 patients une
association significative entre la dépression et les troubles cognitifs
6 mois après la survenue de l'AVC(145). Le lien entre les troubles
cognitifs et la DPAVC observé dans la présente étude
à l'instar de plusieurs autres travaux publiés ailleurs dans le
monde à ce jour peut revêtir un intérêt certain dans
la prise en charge des patients post-AVC à Kinshasa. Quoique le
diagnostic de la DPAVC soit plus difficile à poser dans le contexte de
l'AVC, il est impérieux de la dépister et de la soigner en vue
d'augmenter les chances de survie et la qualité de vie des patients. La
recherche des troubles cognitifs au Minicog qui est un test rapide et facile
à administrer pourrait ainsi permettre à l'équipe
soignante d'identifier les patients qui ont le plus besoin d'un psychiatre car
à risque de présenter un trouble psychiatrique qui dans la
plupart des cas se trouvera être la DPAVC.
CHAPITRE 6. CONCLUSIONS ET
RECOMMANDATIONS
6.1. Conclusions
Les troubles psychiatriques post-AVC sont fréquents
parmi les patients hospitalisés à Kinshasa. La prévalence
observée dans le cadre de la présente étude
s'élevait à 56 % soit un peu plus d'un patient sur deux. Le
trouble psychiatrique le plus fréquent est la dépression. Selon
que les patients étaient évalués cliniquement (examen
clinique neuropsychiatrique) ou à l'aide des échelles SADQ et
HADS, la prévalence de la DPAVC s'élevait à 44% ou
à 64%. Elle était associée de manière significative
à la démence diagnostiquée au Minicog. Le genre, le niveau
scolaire, la latéralisation et la localisation des lésions
n'étaient pas associés à la dépression post-AVC.
Les résultats obtenus dans cette étude suggèrent que le
dépistage des troubles cognitifs permet de détecter les patients
à risque de présenter un trouble psychiatrique en post-AVC. Ils
rappellent la nécessité urgente d'inclure une évaluation
neuropsychiatrique systématique lors de la prise en charge des patients
victimes d'un accident vasculaire cérébral.
6.2. Recommandations
A l'autorité publique nous recommandons :
ü La mise en place au CNPP et dans les grandes formations
médicales publiques des équipes pluridisciplinaires
« Stroke Unit » pour une prise en charge plus efficace des
patients victimes d'un AVC. Le volet psychopathologique de la maladie jusque
là non pris en compte devrait à présent être
intégré dans la stratégie des soins.
ü La mise en place d'un registre provincial et national
des AVC pouvant permettre des études épidémiologiques et
cliniques
ü La mise sur pied d'une campagne d'information et de
formation des professionnels de la santé sur les troubles psychiatriques
en post-AVC
Aux professionnels de santé nous
recommandons :
ü de prêter une attention particulière sur
les troubles psychiatriques. Au vu de l'état actuel des connaissances,
une prise en charge correcte des patients victimes d'un AVC ne peut se passer
d'une évaluation psychiatrique.
ü d'utiliser le Minicog pour dépister les patients
déments et ainsi repérer les patients susceptibles de
présenter un trouble psychiatrique en vue d'une prise en charge
précoce.
ü d'informer, d'éduquer et de conscientiser la
population sur les troubles psychiatriques post-AVC.
Aux autorités des Cliniques Universitaires de
Kinshasa, du Centre Neuro Psycho Pathologique et du Centre Hospitalier du Mont
Amba nous recommandons :
ü d'initier une expérience pilote sur la tenue
d'un Registre des AVC reçus dans ces différentes formations
médicales
ü de s'engager à faire bénéficier
à tout patient atteint d'AVC au sein de ces trois institutions
d'une prise en charge neuropsychiatrique en attendant la mise en place
effective d'une « Stroke Unit ».
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ANNEXES
Annexe 1. Protocole
d'investigation
Annexe 2. Hospital Anxiety
and Depression scale (HADS)
Annexe 3. Stroke Aphasic
Dépression Questionnaire (SADQ)
Annexe 4. Minicog
Annexe 5. Extraits du DSM
IV
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