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UFR : COMMUNICATION MILIEU ET SOCIÉTE
DÉPARTEMENT D'ANTROPOLOGIE ET DE SOCIOLOGIE
|
Les contradictions des politiques de ciblage dans les
projets de lutte contre la pauvreté dans l'ouest montagneux
ivoirien
|
Mémoire de DEA
|
|
OPTION : Socio-économie du
développement
Présenté par :
KOFFI ALEXIS
|
Mémoire dirigé par :
AKINDES Francis
Sociologue, Professeur des Universités
[Décembre 2009]
|
Sommaire
Sommaire
iii
Liste des illustrations
v
AVANT-PROPOS
vii
Sigles et Abréviations
viii
Remerciements
xi
INTRODUCTION
1
1-Contexte de l'étude et constats de la
recherche
2
2-Problématique
9
3-Objectifs de l'étude
9
4-Revue de la littérature
10
MATERIAUX ET METHODES
24
5-Méthodologie de la recherche
25
6. Limites des options méthodologiques et
critique des données
36
7. Plan de restitution des résultats
37
RESULTATS
38
PREMIERE PARTIE : Présentation de la
zone d'étude et des projets PARCI, ECHO et AUDIO
39
Chapitre premier : Caractéristiques
générales de la zone...
40
I.1-...de Man
40
I.2-...de Duékoué
43
Chapitre II : Présentation de quelques
projets à Man et Duékoué
47
II.1-Du projet ECHO
47
II.2- Présentation du projet PARCI
(Partenariat et Alliance pour la Réconciliation en Côte
d'Ivoire)
59
II.3- Description du projet AUDIO
65
Conclusion partielle
69
Discussion
71
DEUXIEME PARTIE : Politiques de ciblage :
distance entre normes et pratiques de fonctionnement dans la lutte contre la
pauvreté
72
Chapitre premier : La construction sociale de
la vulnérabilité et de la pauvreté
73
I.1- La vulnérabilité et la
pauvreté: des concepts complexes à définir
73
I.2- Les logiques des acteurs dans le jeu
humanitaire
78
Chapitre II : Méthodologie de
ciblage : un enjeu de la réussite des projets
80
II.1- Ingénierie du ciblage : Une
stratégie d'intervention axée sur l'approche participative et
communautaire
80
II.2- Critique de l'ingénierie du ciblage en
regard du terrain
85
Conclusion partielle
87
Conclusion
90
Conclusion générale
91
Références bibliographiques
93
Table des matières
97
Annexes
100
Liste des illustrations
Liste des
photos
Photo 1: Bâtiment démoli par une lance
roquette à Tao Zéa
51
Photo 2: Maison détruite lors des
affrontements intercommunautaire à Fengolo
52
Photo 3 :Batiment n° 2 école de Yrozon
après nettoyage et avant réhabilitation
ii
Photo 4: Bâtiment n° 1 école de
Irozon avant réhabilitation par CARE
ii
Photo 5 : Bâtiment n°1 de l'école
de Irozon en cours de réhabilitation
ii
Photo 6: Bâtiment n° 1 de l'école
de Irozon réhabilité
ii
Photo 7 : Distribution de
kits aux populations retournées du village de Blotilé
ii
Photo 8: Vue de kits
prêts à être distribuer à Fengolo
ii
Photo 9: Projet QIP (AGR),
Moulin offert par CARE à Blotilé avec financement ONUCI
ii
Photo 10: Maison
réhabilitée à Fengolo
ii
Photo 11: Pompe hydraulique
réhabilitée à Diourouzon
ii
Photo 12: Bâtiment
modèle CARE construit à Irozon
ii
Liste des
cartes
Carte 1: Présentation du département
de Man
40
Carte 2: Localisation des sites
enquêtés dans le département de Duékoué
44
Liste des
tableaux
Tableau 1 : Récapitulatif des
différentes catégories de ciblage utilisées dans les
programmes nutritionnels
18
Tableau 2: Récapitulatif des
résultats des activités du projet ECHO
53
Tableau 3: Critères de
vulnérabilité et nombre de bénéficiaires
56
AVANT-PROPOS
`'Toute étude et particulièrement en
Sciences Humaines s'inscrit évidemment dans un cheminement lent et
complexe de recherches associées sur soi-même et sur le
monde ; et ses résultats reflètent une forte
interdépendance entre l'évolution des connaissances de l'auteur
et celle des sciences de référence''. (Sainsaulieu 1978)
Nous ne pouvons mieux exprimer le sentiment qui résulte
du présent travail : travail de tâtonnement qui,
in fine, pose plus de problèmes qu'il n'en
résout, problèmes internes d'incohérences ou
d'insuffisances méthodologiques, problèmes externes relatifs
à des champs de connaissance interrogés.
Tout spécialement en Sciences Humaines, la recherche
est l'enjeu d'un paradoxe troublant. Elle ne peut se détacher de
l'auteur qui l'a produite et, d'une certaine façon,
expérimentée au sein de telle ou telle pratique ; elle tire
justement sa pertinence de cette liaison avec la pratique. Mais en même
temps qu'elle se soucie de pertinence, elle doit veiller à sa propre
cohérence en prenant suffisamment de distance par rapport à la
personnalité du chercheur pour prétendre à un niveau
reconnu d'objectivité. Le chercheur, à la fin de son travail,
prend conscience de ces différents aspects de son oeuvre et garde
à la bouche un goût amer, goût amer d'incomplétude et
d'approximation ; c'est l'occasion de constater que la
réalité a toujours le dernier mot ; elle se dérobe
à notre regard comme à nos outils qui s'efforcent
néanmoins d'en appréhender quelques parcelles. La communication
scientifique avec son souci d'objectivité est une question
obsédante ; elle rend finalement incompréhensible cette
passion pour des idées que l'on sait de toute façon en partie
falsifiables.
Pour mieux situer le travail qui suit, il est
nécessaire de mettre en évidence les influences qui l'ont
marqué, il aurait pu sans doute voir le jour beaucoup plus
tôt ; mais la production intellectuelle est lente et
imprévisible ; une première recherche esquissée sans
suffisamment de pertinence et d'expérience sur une autre
problématique a été abandonnée. Voici le
résultat de plus de trois ans de tâtonnement pour aboutir au
présent résultat.
Sigles et
Abréviations
ABRIS : Appui à la Base pour la
Réinsertion et les Initiatives Sociales
ACDI : Agence Canadienne pour le
développement International
ADESCI : Association de Défense des
Entreprises Sinistrées de Côte d'Ivoire
AFD : Agence Française de
Développement
AGR : Activité
Génératrice de Revenu
AUDIO : Appui d'Urgence
aux Déplacés Internes de l'Ouest affectés par la crise
BAD : Banque Africaine de
Développement
CARE: Cooperative for Assistance and Relief
Everywhere
CARITAS: Congregations Around Richmond Involved
to Assure Shelter
CEPAL: Commission Economique des Nations Unies
pour l'Amérique Latine
CERAP : Centre de Recherche et d'Action
pour la Paix
CFA : Communauté Financière
Africaine
CICR : Comité International de la
Croix-Rouge
CIDT : Compagnie Ivoirienne de
Développement du Textile
CIDV : Compagnie Ivoirienne de
Développement du Vivrier
CIRES : Centre Ivoirien de Recherche
Economique et Sociale
CONGEDA : Coordination des ONG de
Danané
COGES : Comité de Gestion
DEA : Diplôme d'Études
Approfondies
DSRP : Document Stratégique de
Réduction de la Pauvreté
ECHO : Office d'aide Humanitaire de la
Commission Européenne
ENSEA : Ecole Nationale de Statistique et
d'Economie Appliquée
FAO : Organisation des Nations Unies pour
l'Alimentation et l'Agriculture
FDS : Forces de Défense et de
Sécurité
FIDA : Fonds International de
Développement Agricole
FMI : Fonds Monétaire
International
FN : Forces Nouvelles
FRAR: Fonds Régionaux
d'Aménagement Rural
ICC : Ivoire Cabinet Consulting
IDH : Indicateur de Développement
Humain
IDG : Indice de Développement
lié au Genre
IDMC : Internal Displacement Monitoring
Centre
IFM : Institutions Financières
Multilatérales
IAMM : Institut Agronomique
Méditerranéen de Montpellier
IMF : Institution de Micro-Finance
INS : Institut National de la
Statistique
IPH : Indicateur de Pauvreté
Humaine
IRC : International Rescue Committee
IRD : Institut de Recherche pour le
Développement
ISDH : Indicateur Sexospécifique de
Développement
LESOR : Laboratoire d'Economie et de
Sociologie Rurales
MARP: Méthode Active de Recherche et de
Planification participatives
MJP : Mouvement Pour la Justice te la
Paix
MPIGO : Mouvement Populaire Ivoirien du
Grand Ouest
MUNICI : Mission des Nations Unies en Côte
d'Ivoire
OCDE : Organisation de Coopération
et de Développement Economiques
OCHA: United Nations Office for the Coordination
of Humanitarian Affairs
OMD : Objectifs du Millénaire pour le
Développement
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ONPR: Office National de Promotion Rurale
ORSTOM : Office de la Recherche
Scientifique et Technique Outre-mer
PARCI : Partenariat et Alliance pour la
Réconciliation en Côte d'Ivoire
PAM : Programme Alimentaire Mondial
PAS : Programme d'Ajustement Structurel
PDI : Personne Déplacée
Interne
PIB : Produit Intérieur Brut
PIPO : Méthode de Planification des
Interventions par Objectifs
PME : Petites et Moyennes Entreprises
PMI : Petites et Moyennes Industries
PNB : Produit National Brut
PNDDR/RC : Programme National de
Désarmement, Démobilisation et Réinsertion /
Réhabilitation Communautaire
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
PSRP : Plans Stratégiques de
Réduction de la Pauvreté
RGPH : Recensement Général de
la Population et de l'Habitat
RNDH : Rapport National sur le
Développement Humain
SATMACI : Société Africaine
Technique pour la Mécanisation de l'Agriculture en Côte
d'Ivoire
SODEPRA : Société pour le
Développement de la Production Animale
SODERIZ : Société pour le
Développement de la riziculture
UNFPA : United Nations Population Fund
US $ : Dollars des Etats-Unis
d'Amérique
USA : United States of America
Remerciements
Nous adressons nos sincères remerciements tout d'abord
au Professeur Francis AKINDES, homme de rigueur, qui a consenti à
diriger notre étude en vue de la production de ce mémoire de DEA
en sociologie. Nous voudrions encore lui témoigner toute notre gratitude
pour les efforts qu'il a faits pour comprendre nos difficultés
particulières afin de mieux nous aider. Nous lui sommes redevables pour
son accueil très aimable et ses sages conseils, sa disponibilité
malgré ses occupations et ses engagements.
Nous voudrions également exprimer notre profonde
gratitude aux enseignants suivants :
· Dr BABO Alfred, pour ses encouragements lors de ce long
parcours dans l'élaboration de ce document ;
· Dr KOUAME Yao Sévérin, pour ses critiques
et observations, ses conseils et surtout son intérêt
manifesté à l'égard de notre recherche tout le temps que
cela a duré ;
· Dr CHÉRIF Sadia, pour ses multiples lectures,
ses critiques et observations mais surtout ses encouragements durant notre
moment de tâtonnement dans la production du présent document. Nous
lui savons gré aussi pour avoir favorisé notre séjour
à Man au sein de sa famille.
Et surtout pour tous leurs conseils utiles pour
résoudre les difficultés auxquelles nous étions
confrontés en tant qu'apprenti chercheur.
Par ailleurs, nous tenons à remercier toutes les
autorités administratives du secteur privé et public qui ont cru
en nous et qui n'ont pas hésité à nous ouvrir les portes
de leur structure pour que nous puissions y entrer et collecter les
informations utiles à notre investigation. Nous tenons à
remercier la Représentation locale de CARE Man et plus
particulièrement Monsieur YAO Koffi Gervais, chef de projet de cette
structure. Qu'elles soient remerciées, toutes ces autorités qui,
malgré leurs occupations ont tenu à nous ouvrir leurs portes pour
répondre à nos préoccupations. Les populations des
villages visités sont également remerciées ici pour la
compréhension de notre mission auprès d'elles, mais surtout pour
leur franche collaboration.
Je remercie sincèrement Mr Bakary CHÉRIF et
famille à Man pour leur précieuse aide. Ils m'ont
hébergé un mois durant lors de mes enquêtes de terrain dans
leur ville.
En plus, je témoigne toute ma profonde reconnaissance
à tous ceux qui directement ou indirectement ont permis l'aboutissement
de ce présent travail de recherche.
Aussi ne voudrions-nous pas oublier de réitérer
notre sympathie et notre gratitude à nos parents, nos amis, nos
collègues étudiants avec en point d'honneur, les membres de
LESOR, pour l'esprit d'entraide et de soutien dont ils ont fait montre en notre
égard.
À toutes ces personnes, nous disons merci pour leur
soutien et leur aide. Qu'elles soient ici remerciées.
INTRODUCTION
1-Contexte de l'étude et
constats de la recherche
L'Afrique en générale et la Côte d'Ivoire
en particulier ont connu depuis les années 1990 beaucoup de mutations
socio-économiques et politiques dont la conséquence visible est
la forte paupérisation de la population (Akindès 2000;
Akindès 2001). En effet, l'assainissement des finances publiques, le
retrait de l'État du secteur de production économique
doublé1(*) de la
chute des prix des matières premières (agricoles et
minières) ont participé à la croissance des groupes
jugés `'vulnérables'' tant dans les villes que dans les
villages (Losch 2002; PNUD 2002; Losch 2003). Ainsi, les conditions de vie des
ménages et les ressources financières des populations se sont
détériorées aussi bien en milieu rural qu'en milieu urbain
(Marie 2000; DSRP 2009). Selon l'Institut National de la Statistique l'indice
de pauvreté en Côte d'Ivoire est passé de 38,4% en 2002
à 48,94% en 2008 '(INS 2008).
Le pays s'est ainsi installé progressivement dans une
situation de pauvreté endémique renforcée par la crise de
septembre 2002. Celle-ci a conduit, après son déclenchement,
à la partition territoriale en deux zones : une zone (Centre, Nord
et Ouest) sous le contrôle des Forces Nouvelles (FN) et une zone Sud
tenue par les forces gouvernementales. En plus, les affrontements entre
belligérants ont eu des impacts dévastateurs et traumatisants sur
les populations civiles. Fuyant les affres du conflit armé, des
populations civiles aussi bien autochtones, allochtones que d'origine
étrangère ont migré vers les zones
sécurisées tenues par les Forces de Défense et de
Sécurité (FDS) ivoirienne au Sud du pays.
Le fort taux de déplacés en zone gouvernementale
a vite constitué une difficulté en ce sens que l'effectif de
personnes déplacées dépasse les capacités d'accueil
des services sociaux existants. Toute chose qui met en exergue l'état de
précarisation des conditions de vies des déplacés et
même des résidents permanents. En 2004, cette situation de
précarité s'est davantage accrue à Abidjan. Car
après des actes de vandalisme orchestrés contre les PME-PMI
françaises, il y a eu la suppression de près de 10.000 emplois
directs et la fermeture de quasiment une centaine d'entreprises qui employaient
approximativement 36.000 ivoiriens (ADESCI 2004).
Dans la zone occupée par la rébellion,
l'état de pauvreté est aussi alarmant. Selon le rapport du
Secrétariat Général de la Mission des Nations Unies en
Côte d'Ivoire (MUNICI) du 06 janvier 2004 que cite la Commission des
Recours des Réfugiés (2004) : « la
situation économique dans les zones tenues par les Forces Nouvelles est
sombre. La fermeture des entreprises et des banques, la quasi disparition des
services administratives tels que la mairie, les directions régionales
voire départementales, les préfectures etc. , la
réduction draconienne des services sociaux, la perte de milliers
d'emplois et, partant des moyens de subsistance ont entrainé
l'effondrement de l'économie formelle » et aussi informelle
selon Galy ''''(Galy 2007). Outre les déplacements de personnes et la
fermeture d'entreprises, la crise a installé certaines populations dans
l'insécurité alimentaire.
Le conflit armé a engendré un risque
d'insécurité alimentaire dans les zones forestières,
théâtre des hostilités. Une étude du PAM '-''(PAM
2007) établit qu'environ 566.500 personnes, soit 9% des ménages
ruraux, sont dans une situation d'insécurité alimentaire ;
20% de ces mêmes ménages ruraux, soit environ 1.109.600 personnes
sont dans une situation de risque élevé
d'insécurité alimentaire, c'est-à-dire qu'elles sont
à la limite de l'insécurité alimentaire. En fait, dans ces
zones, les conflits fonciers ont conduit certains producteurs de vivriers
à l'abandon de leurs exploitations. Cet abandon a occasionné la
baisse considérable de la production vivrière dans ces
localités. L'agriculture, pilier de l'économie ivoirienne a connu
un déclin de 40% dans la zone de confiance2(*). En plus de ces risques alimentaires, l'accès
des populations rurales et /ou urbaines aux infrastructures de base pose
problème, celles-ci ayant été détruites ou
étant en nombre insuffisant.
L'accès aux services sociaux de base,
particulièrement en zone Centre, Nord et Ouest reste faible car d'une
part, 60% des infrastructures sociales (ou encore de base) sont presque
détruites, pillées ou non fonctionnelles à cause du
départ massif des fonctionnaires et des agents de l'État, et
d'autre part, le redéploiement du personnel de l'État est
très lent et sujet à des blocages répétés.
Selon Amnesty International (2007) la détérioration des
conditions de travail et l'insécurité résultant du conflit
ont été à l'origine du départ massif du personnel.
Très peu, sinon aucun médecin ou infirmier n'exerce dans les
zones rurales isolées dans les zones Centre, Nord et Ouest.
Au total, la crise économique que traverse la
Côte d'Ivoire depuis plusieurs décennies a été
amplifiée par les conséquences dévastatrices de la crise
militaro-politique. Cela a participé à l'amenuisement et/ou
à la raréfaction des ressources financières. Les
problèmes liés aux difficultés de trésorerie vont
aboutir à la remise en question de la fonction de redistribution de
l'État, démultipliant les itinéraires de l'exclusion
(marginalisation, déclassement, chômage) et accroissant
pareillement les inégalités sociales(Akindès 2000).
Devant les difficultés de l'État ivoirien
à répondre à toutes les attentes des populations aussi
bien rurales qu'urbaines en matière de réduction de la
pauvreté, celui-ci a ouvert et/ou renforcé le marché de
l'offre de la lutte contre la pauvreté. Subséquemment d'autres
acteurs privés investissent le champ de réduction de la
pauvreté par l'appui au développement. En effet, l'absence de
l'État (et de ses services sociaux de base) dans la zone sous le
contrôle de la rébellion amène les organisations
internationales et/ou nationales à occuper le champ abandonné par
celui-ci. Ainsi plusieurs organismes interviennent sur le terrain avec le
financement de divers bailleurs de fonds (FMI, Banque Mondiale, Union
Européenne, Pays tiers...). Ces organismes sont des ONG internationales
ou nationales ou encore des agences du système des Nations Unies qui
exécutent des projets spécifiques. Ces projets rentrent dans le
cadre de l'appui humanitaire apporté aux populations directement ou
indirectement affectées par la pauvreté.
Désormais, avec l'approche des ONGs et autres
organismes d'appui dont l'ONG CARE, il s'agit d'enclencher la réduction
de la pauvreté en déployant des aides vers des individus, des
groupes d'individus ou des localités. Cette vision fait suite à
l'échec des politiques de développement mettant l'accent sur la
croissance économique comme seul facteur de réduction de la
pauvreté. Aussi, l'ONG CARE comme beaucoup d'autres ONGs sur le terrain
procède-t-elle à un ciblage systématique des populations
vulnérables ou pauvres auxquelles elle adresse des projets de
micro-finance, de distribution alimentaire et autres kits ou de
construction/réhabilitation communautaire. Il faut entendre par ciblage
l'identification et la sélection des individus, des groupes d'individus
ou des localités à qui l'on apporte des aides. Quant à la
politique de ciblage, elle renvoie à l'ensemble des activités qui
concourent à la conception et à l'élaboration du ciblage.
Ce ciblage vise, en théorie, à intervenir sur les pauvres et/ou
vulnérables afin de les aider à sortir de la pauvreté.
Toutefois, la sélection des bénéficiaires des
micro-projets de lutte contre la pauvreté a laissé voir des
logiques différenciées des acteurs ; c'est-à-dire des
ONG et des populations locales. En effet, l'on constate
généralement que l'ingénierie du ciblage telle
qu'observée sur le terrain ne correspond pas avec celle inscrite dans
les documents-projets de départ. Ainsi l'on se rend compte que les
populations bénéficiaires de certains projets ne sont pas celles
qui étaient prévues lors de la conception du projet. Cet
écart entre les politiques de ciblage de bénéficiaires
envisagées et les stratégies déployées
réellement sur le terrain pour identifier les
bénéficiaires laisse le sentiment au sein des populations que les
véritables cibles ne sont pas touchées. Cela soulève la
question du gap ou de l'écart entre théories et pratiques en
matière d'identification et de sélection des
bénéficiaires de projets et plus loin celle des effets attendus
en termes de réduction de la pauvreté. Dès lors, cette
étude se propose d'expliquer sociologiquement cet écart à
travers les logiques des acteurs (organismes d'appui et communauté
cible) en matière de politique de ciblage des
bénéficiaires sur le terrain. Cette situation d'inconfort fait de
ces actions un champ d'observation privilégié des pratiques
réelles de ces acteurs dans les politiques de ciblage des
bénéficiaires des projets de lutte contre la pauvreté.
Dans ce contexte, trois constats essentiels justifient cette
étude sur les politiques de ciblage des bénéficiaires. Ces
constats permettant d'en ressortir les centres d'intérêts
s'appuient sur le cas des projets de lutte contre la pauvreté
exécutés par l'ONG CARE dans l'Ouest de la Côte
d'Ivoire.
Constat 1 : Diversité
de conception de la vulnérabilité et de la pauvreté
Depuis le déclenchement de la crise ivoirienne, l'ONG
Internationale d'origine américaine Cooperative for Assistance and
Relief Everywhere (CARE) - à l'instar de nombreuses ONGs - s'est
engagée dans l'action humanitaire. Cette ONG est présente sur
l'étendue du territoire ivoirien3(*) mais avec une activité plus accrue dans l'Ouest
du pays depuis 2004. La plupart de ses interventions visent à
réduire le nombre des populations vulnérables. Cette structure
comme bien d'autres, dans bien de cas, fait allusion à la notion de
vulnérabilité ou encore de pauvreté comme leitmotiv de son
action. Cependant, à l'analyse de son discours comparé à
celui de diverses communautés bénéficiaires de ses
actions, il ressort qu'il n'y a pas d'unanimité autour des concepts
« vulnérable » et/ou
« pauvreté ». Le concept de vulnérable tel
qu'il est évoqué, par CARE, dans la question de la lutte contre
la pauvreté ou la vulnérabilité est
appréhendé à trois niveaux ; le vulnérable pouvant
se référer soit à :
ü une localité définie (ciblage
géographique) ;
ü une catégorie de population ;
ü des individus ou des groupes d'individus
particuliers.
Elle définit, par exemple, les localités
vulnérables comme étant celles ayant supportées
directement ou indirectement les effets de la confrontation armée ou
ayant un taux de couverture d'infrastructures de base insuffisant. Pour cette
ONG, ces localités sont soit les zones qui ont été le
théâtre de combats et dont de nombreuses infrastructures ont
été détruites ou endommagées, soit les
localités ayant reçu de nombreux déplacés et
victimes de guerre. Dans le dernier cas, c'est la forte pression exercée
sur les infrastructures existantes causant du coup leur surexploitation ou leur
insuffisance qui est mise en avant. À cet effet, les localités
ayant accueilli le plus de déplacés connaissent une hausse
considérable de leur population, toute chose qui a eu des
répercutions sur les capacités d'accueil des infrastructures
(écoles, marchés, centres de santé, points
d'approvisionnement en eau potable ...). Ainsi la définition de cet
organisme telle que présentée ci-dessus montre que le concept de
vulnérabilité est défini en référence aux
effets de la guerre. Or les communautés de l'Ouest se réclament
toutes vulnérables sans avoir une nette définition de ce qu'est
ce concept. Pour ces dernières, la vulnérabilité renvoie
systématiquement à la pauvreté. En effet, il ressort du
terrain que cinq éléments caractérisent l'état de
vulnérabilité d'un individu selon les interviewés. Il
s'agit : 1) de la situation sanitaire, 2) de la gouvernance locale
liée au respect de l'autorité et des mêmes règles
sociales, 3) de l'environnement et du climat, 4) des revenus, et 5) de la
culture et de l'analphabétisme.
En ce qui concerne la vulnérabilité face
à la santé, les populations de Diourouzon l'assimilent au manque
de capacité physique d'un individu et à la difficulté
d'accès aux services de santé. La maladie, la vieillesse et
souvent les accidents affectent selon les populations locales la santé
des individus. Dès lors ceux-ci sont exposés peu à peu
à la dégradation de leurs revenus ce qui traduit, par la suite,
la dégradation rapide des conditions de vie. Quant à
l'accès aux services de santé, il met en exergue chez les
populations leur incapacité à faire face, selon les
communautés de Fengolo, à la maladie. Le manque de moyens
financiers, le manque ou l'inexistence de services de santé à
proximité, les problèmes de déplacements sont entre autres
les raisons du difficile accès aux services de santé. Au niveau
de la gouvernance locale, les populations affirment qu'avec la crise,
l'autorité des chefs traditionnels locaux est de plus en plus
contestée. Cet effritement du pouvoir de l'autorité locale a eu
pour conséquence le non respect des interdits et des décisions
émis par celles-ci. Cela a occasionné l'éclatement de
certains conflits inter ou intracommunautaires sanglants. En plus, les
populations estiment qu'elles sont vulnérables car elles n'ont pas de
moyens financiers. En fait, les populations rurales dépendent fortement
des fluctuations des cours des matières premières agricoles ce
qui fait qu'elles ne maîtrisent ni leurs revenus, ni leur
intérêt à l'épargne. En ajout, il ressort du terrain
que l'environnement et le climat sont évoqués par les populations
comme des éléments de leur vulnérabilité. En effet,
ces ruraux dépendent énormément de leur environnement. Et
avec le temps, le couvert forestier a disparu laissant place à de vastes
exploitations agricoles. La destruction massive de la végétation
a entraîné une dégradation de l'environnement conduisant
par ricochet une perturbation des périodes de culture et donc un impact
négatif sur leur rendement agricole.
Quant au concept de pauvreté, CARE le définit en
faisant référence au manque de moyens d'existence
économique chez un individu ou un groupe d'individus. Ainsi l'ONG met
plus l'accent sur l'approche objective de la pauvreté. C'est cette
définition qui sous-tend son idéologie générale en
matière de gestion de micro-projets. Cependant, le contexte sociologique
dans lequel CARE opérationnalise le concept
« pauvreté » dans l'approche communautaire et
participative contribue à créer des tensions car les
communautés se focalisent, le plus souvent, sur l'approche subjective de
la pauvreté. En fait, l'approche subjective de la pauvreté rend
compte de la manière dont les populations elles-mêmes dans leur
contexte de vie, donnent un sens au mot pauvreté. Pour elles, le pauvre
c'est celui qui est à la charge d'autres personnes et en particulier de
ses parents ou l'individu qui vit sans femme ni enfants. Le pauvre est
également assimilé à quelqu'un qui ne peut pas exploiter
ses propres terres ou qui n'en dispose même pas. Par ailleurs, certaines
populations caractérisent la pauvreté comme l'état d'un
individu qui souffre d'un manque de revenus ou d'une insuffisance en
matière de santé, d'alimentation et d'alphabétisation et
des déficiences de relations sociales. C'est par conséquent une
autodéfinition de leur situation en fonction de l'environnement local,
en faisant des comparaisons entre voisins, entre ménages d'un quartier,
d'un village, entre populations de régions naturelles
différentes, entre groupes ethniques. Elles contestent les
critères proposés par les projets auxquels elles substituent de
nouveaux critères tels que la participation et l'assiduité aux
travaux communautaires, l'appui aux travailleurs communautaires, l'étude
des `'cas particuliers''4(*). Ces nouveaux critères élargissent le
champ social des bénéficiaires potentiels en diluant le ciblage
d'origine, distendant ainsi le sens du concept de vulnérabilité
à envisagé lors du montage du projet.
De ce constat, il se pose les questions suivantes : Quels
sont les fondements de la définition des concepts
vulnérabilité et pauvreté aussi bien chez les populations
locales que chez les initiateurs des projets ? Quels liens peut-on
établir entre les conceptions de ces notions et les logiques
déployées par les populations locales et l'ONG CARE sur le
terrain ?
Constat 2 : Cumul de
microprojets dans certaines localités.
La région de l'Ouest de la Côte d'Ivoire a
été particulièrement affectée par le conflit
armé du 19 septembre 2002 au point où presque tous les villages
et villes se sont appauvris5(*). La destruction des biens et/ou l'abandon des
exploitations et autres activités humaines semblent caractériser
la zone. Dans la phase du soutien humanitaire, de reconstruction et de
réhabilitation post-conflit, toutes les communautés de la zone
souhaitent avoir le même traitement de la part des humanitaires.
Cependant, certaines localités ou zones de la
région, comme le canton Zou dans le département de
Duékoué, reçoivent de façon régulière
des interventions tandis que d'autres ne bénéficient d'aucun
projet véritable. En effet, du mapping des interventions des organismes
de soutien à la lutte contre la vulnérabilité, il semble
qu'il est plus intéressant de mener des projets dans certaines
localités que dans d'autres, alors que le taux de pauvreté est
relativement identique à l'échelle régionale. La raison de
ce choix vient du fait que les bailleurs de fonds sont plus prompts à
financer des projets exécutés dans certaines zones que d'autres.
C'est ainsi que certaines localités de l'ouest montagneux agglutinent de
nombreux micro-projets quelquefois de même genre financés par
différents bailleurs de fonds et exécutés par plusieurs
prestataires de services. Parfois, des structures de même nature à
l'instar de CARE, GTZ, IRC et CARITAS mènent dans les mêmes
villages plusieurs projets au détriment d'autres villages
présentant apparemment les mêmes états de pauvreté
et de vulnérabilité. L'ONG CARE a contribué dans ces
conditions à la mise en place de micro-projets de diverses
natures : réhabilitation de maison, distribution de kits,
réalisation de cultures vivrières et maraîchères,
acquisition et l'installation de décortiqueuses, la
réhabilitation de fermes piscicoles, mise en place de
micro-unités de fabrication de savon artisanal `'Kabacrou'',
réhabilitation de pompes qui bénéficient la plupart du
temps aux mêmes communautés.
Par ailleurs, CARE se trouve confrontée à la
concurrence d'autres ONGs telle IRC qui a entrepris la mise en oeuvre de
micro-projets similaires à ceux qu'elle exécute. Dans cette
dynamique concurrentielle, ces structures d'appui développent des
projets capables d'améliorer les conditions de vie des
communautés. Les groupes généralement ciblés sont
les personnes âgées, les femmes et les jeunes. Or certains membres
de ces communautés visées pratiquent des inscriptions multiples
dans plusieurs projets. Ainsi ils captent les projets ou les fonds de
démarrage des activités lorsqu'ils sont retenus sur ces
programmes, puis finalement ne s'attachent à aucun micro-projet en
particulier. Il y a donc très souvent un abandon des micro-projets par
leurs bénéficiaires. Ce cumul et/ou cette superposition de
micro-projets de même nature dans les mêmes communautés
participent à la réduction des résultats attendus dans la
mise en oeuvre des programmes de lutte contre la pauvreté. En effet, en
raison du caractère concurrentiel des méthodologies
d'intervention des ONGs et de leurs structures techniques de
sous-traitance ; il y a un ciblage des mêmes individus dans
certaines communautés ou des mêmes villages réduisant ainsi
la chance des autres membres de bénéficier des projets de lutte
contre la pauvreté. L'on a pensé que la présence de
plusieurs ONGs et structures d'appui auprès des populations, leur serait
bénéfique d'autant plus que cela permettrait de faire profiter
à plusieurs individus avec des moyens conséquents.
Il ressort des préoccupations soulevées par ce
deuxième ordre de constat les questions suivantes : En quoi les
politiques différentiées de ciblage des agences sont-elles des
causes de cette agglutination finalement inefficace pour les populations
parfois désorientées ? Dans quelle mesure les rapports
concurrentiels entre agences influencent-ils l'orientation et les
stratégies développées par les
bénéficiaires ?
Constat 3 : Contournement des
méthodes à base communautaire lors de l'identification et de la
sélection des bénéficiaires des projets
La lutte contre la pauvreté est devenue le leitmotiv
d'une multitude d'ONG tant internationale que locale. À quelques
différences près, elles inscrivent leurs interventions dans
l'action humanitaire et la lutte contre les inégalités ou les
disparités. Du coup, elles investissent un champ social assez complexe
requérant des moyens financiers et du tact pour mener à bien
leurs objectifs. Du point de vue de la méthodologie de terrain, l'ONG
CARE exécute différents programmes selon la philosophie de ses
multiples bailleurs de fonds. Ainsi dans la mise en oeuvre (exécution)
des micro-projets, cet organisme de développement s'appuie sur des
logiques d'intervention et des méthodologies différentes et
parfois concurrentes mis à sa disposition et/ou exigé par les
différentes institutions finançant ses activités.
Les critiques portées contre l'approche dite du
`'dirigisme `'ou ''d'assistanat'' dans la méthodologie
de lutte contre le sous-développement ont abouti à la
révision de la démarche d'approche des structures d'appui au
développement, en matière de lutte contre la pauvreté.
Partant, dans la sélection des pauvres et leur localisation spatiale la
structure d'appui CARE revendique une démarche à base
communautaire et participative. La plupart des outils d'intervention (PIPO,
MARP dont les outils sont le diagramme préférentiel, le diagramme
de venn, l'arbre à problèmes et à solutions, le profil
historique ...), des logiques s'y référant, des outils d'analyse
(cadres de réflexion, instruments, concepts etc.) proviennent des
organismes de soutien à la lutte contre la pauvreté et de leurs
bailleurs de fonds dans la mise en oeuvre concrète de cette
méthodologie. Dans ces conditions, les communautés à la
base (à travers les comités installés par CARE dans les
villages) mettent du temps à les intégrer dans leur
manière de voir. Ainsi l'approche communautaire et participative- sur
laquelle s'appuie CARE- contribue à créer des tensions car les
comités mis en place au niveau local pour identifier et
sélectionner les bénéficiaires insèrent leurs
connaissances ou parents qui ne remplissent pas toujours les critères de
ciblage de l'ONG. Parfois, les populations contestent les critères
proposés par les projets auxquels elles substituent de nouveaux. Ces
nouveaux critères élargissent le champ social des
bénéficiaires potentiels en diluant le ciblage, distendant ainsi
le sens du concept de vulnérabilité à l'origine du projet.
Ces écarts ont conduit l'ONG CARE à travers le cabinet
d'étude privé ICC à se substituer aux populations dans
l'identification et le choix des bénéficiaires des projets lors
des premiers projets de CARE dans l'Ouest entre 2004-2005, notamment sur le
projet PARCI. Cette façon de contourner les difficultés
d'articulation des contraintes posait à terme le problème de
réclamations récurrentes des communautés
bénéficiaires des projets dans de tels contextes.
De ce constat, les questions suivantes sont soulevées :
si l'approche participative devait permettre de cibler les plus pauvres, qu'est
ce qui explique les contestations récurrentes des populations ? Pourquoi
l'approche communautaire et participative mobilisée par CARE et les
logiques des acteurs ne permettent pas d'atteindre les plus pauvres ? Comment
rendre plus efficace la méthode participative dans les politiques de
ciblages dans les projets de lutte contre la pauvreté ?
2-Problématique
2-1 Question de recherche
Qu'est ce qui explique le sentiment chez les populations que,
les véritables cibles ne sont pas touchées au sein des
communautés ayant bénéficiées de programmes de
lutte contre la pauvreté, malgré les politiques de ciblage
déployées par l'ONG CARE dans l'Ouest montagneux ivoirien depuis
2004?
2-2-Questions subsidiaires
ü Quelle est la démarche d'identification des
bénéficiaires des projets -de lutte contre la pauvreté
-initiés par l'ONG CARE dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire ?
ü Quelles sont les contraintes rencontrées par les
différents organismes d'appui sur le terrain ?
ü Comment les projets gèrent-ils les
difficultés de la mise en oeuvre des politiques de ciblage des
bénéficiaires des projets dont ils ont la charge ?
ü Qu'est ce qui finalement explique l'écart dans
le ciblage des bénéficiaires des projets menés par CARE
à l'Ouest?
ü Comment les populations bénéficiaires des
projets et CARE expliquent-ils ces écarts dans la mise en oeuvre des
politiques de ciblage?
3-Objectifs de l'étude
3.1-Objectif général
Cette étude vise à comprendre les écarts
entre les politiques de ciblage envisagées lors du montage des projets
de lutte contre la pauvreté et les stratégies
déployées concrètement sur le terrain. Elle participe donc
à questionner et critiquer les méthodologies d'intervention des
structures d'appui exerçant dans le domaine de la lutte contre la
pauvreté en Côte d'Ivoire. Cela afin de mieux comprendre les
contradictions entre les politiques de ciblage définies dans les projets
de lutte contre la pauvreté et les stratégies de ciblage
déployées concrètement sur le terrain. Cet objectif se
réalisera à partir d'une étude de cas des projets
exécutés par l'ONG CARE dans l'Ouest montagneux ivoirien.
3.2-
Objectifs spécifiques
Pour comprendre le contexte de notre étude, nous avons
mené les opérations ci-dessous qui constituaient nos objectifs
spécifiques. Ainsi l'étude se proposait de :
ü Identifier et décrire le cadre logique de
quelques projets mis en oeuvre par l'ONG CARE dans le cadre de la lutte contre
la pauvreté ;
ü Identifier et expliquer l'ingénierie du ciblage
dans des micro-projets de lutte contre la pauvreté. Cet objectif mettra
davantage en évidence les contradictions entre ce qui est dit au
départ à propos du ciblage des bénéficiaires lors
de l'élaboration des projets et la mise en oeuvre concrète de
cette politique de ciblage ;
ü Mettre en évidence les facteurs (logiques) qui
conduisent aux contradictions dans le ciblage des bénéficiaires
dans les micro-projets de lutte contre la pauvreté. Cet objectif sera
atteint à travers une analyse critique des écarts observés
dans les politiques de ciblage des bénéficiaires des projets
conduits par CARE en Côte d'Ivoire.
4-Revue de la littérature
Ø Lutte contre la pauvreté : crise
de modèle et de méthodologie
La littérature sur cette question fait état de
ce que, l'incapacité à trouver une réponse efficiente
à l'amélioration des conditions d'existence des populations
depuis des années, a amené à élaborer une
diversité de paradigmes en matière de développement. Au
fil des années donc, nous avons assisté à un discours
évolutif sur la question du développement ; de nouvelles
philosophies du développement sont apparues.
En effet, « les années soixante-dix ont
vu une nouvelle philosophie du développement remettre en question les
postulats du programme de transfert de technologies qui jusque-là,
faisait figure de paradigme dominant et dont l'approche, pour l'essentiel,
consistait à définir le sous-développement comme un retard
technologique à combler » (NDOYE 1998)
Le paradigme de la « faillite » constitue
même le cadre d'analyse de l'histoire économique et sociale de
l'Afrique contemporaine, avec un accent mis sur les impasses de ce qu'il est
convenu de nommer le développement. Comme l'observe Catherine
Coquery-Vidrovitch, «...nous sommes dans une période de crise
cumulative » définie à la fois comme des processus
de développement au sud, mais dans un monde dont les
interdépendances sont multiples et devenues incontournables. Ce sont des
crises à multiples facettes : crise des modèles de
développement et des idéologies qui sous-tendent les politiques
et les structures des États ; crise des savoirs engendrés
par l'éclatement des champs du développement et les
décalages de la théorie face à des réalités
mal analysées. Ce constat général est aussi celui de Samir
Amin : «... si les années 60 avaient
été marquées par un grand espoir de voir amorcer un
processus irréversible de développement à travers
l'ensemble de ce que l'on appelait le tiers-monde et singulièrement
l'Afrique, notre époque est celle de la désillusion. Le
développement est en panne, sa théorie en crise, son
idéologie l'objet de doute. L'accord pour constater la faillite du
développement en Afrique est hélas
général.»(Amin 1989).
À mesure que s'accumulent les études sur le
développement, la recherche doit faire face à un autre
défi, celui d'intégrer les nouvelles approches théoriques
dans la réflexion théorique qui sous-tend les analyses.
Dès le début des années 1990, la problématique de
la lutte contre le sous-développement intéresse de plus en plus
de chercheurs qui démontrent d'une part le rapport entre les facteurs
socio-culturels des communautés bénéficiaires des projets
et la conception et l'exécution des projets de développement, et
d'autre part, reconnaissent que les modèles théoriques
utilisés ne sont pas toujours adaptés à cette
problématique (Guichaoua 1993; Agossou 1998). Ces chercheurs ci-haut
évoqués soulèvent ainsi le débat sur
l'intégration systématique des facteurs socio-culturels des
communautés dans tout le processus de réflexion sur les
politiques de lutte contre le sous-développement depuis les
théories jusqu'aux analyses empiriques.
Les principales théories de développement
utilisées jusqu'ici se focalisent principalement sur le comportement
économique des bailleurs de fonds et des communautés, le
principal argument ayant trait à la pensée
néo-classique6(*). Il
ressort que la problématique de mise en oeuvre des projets de
développement et leur adoption soulève des interrogations. De
même qu'elle induit un dépassement de la réflexion telle
qu'elle était vue sous l'angle de l'opposition des logiques des
initiateurs et des bénéficiaires. Agossou (op cit.) franchissait
déjà le pas en parlant de `'désarticulation'' des logiques
plutôt que de `'conflits'' ou de `'confrontation'' dans
l'exécution des projets de développement.
Le modèle d'analyse des conflits est en rapport avec
les théories de la modernisation et du développement qui ont
inspiré la plupart des réflexions de la période post
indépendance. Elle partait du principe d'opposition entre
sociétés développées, technologiques ou encore
urbaines et celles sous-développées, traditionnelles. Les
premières investissent dans l'industrialisation, l'organisation
rationnelle des ressources humaines, la mise en place des institutions
financières et infrastructures sociales adéquates. Les
sociétés traditionnelles, elles investissent, dans le symbolique,
les valeurs non productives et accordent une priorité aux
particularismes séculaires (Guichaoua et Goussault, Op cit.). Ce qui
fait ressortir la thèse d'une relation conflictuelle entre les logiques
des développeurs et celles des bénéficiaires, surtout dans
une perspective de transfert de modèle. Cet état de fait
conduisait inexorablement au maintien de la pauvreté dans les
communautés dans lesquelles étaient déployées des
appuis à la lutte contre la précarité.
Depuis la décennie 1990, le discours sur la lutte
contre la pauvreté et les inégalités a pris de l'ampleur
dans la coopération internationale prenant ainsi le relais du discours
sur le développement. En fait, le `'retour'' du concept de
pauvreté dans le discours des développeurs est la
conséquence de l'échec des politiques de développement
mettant l'accent sur la croissance économique comme facteur de
réduction de la pauvreté. En effet, le déficit de
redistribution des fruits de la croissance -échec du `'Trickle Down
Effect''- et les effets pervers des ajustements structurels dans le domaine
social ont fait resurgir la lutte contre la pauvreté sous des formes
nouvelles (BanqueMondiale 2000; Agence Française de Développement
2001; Cling J.P. 2003; Cling J.P. 2004)
Ainsi, faut-il souligner que si le discours sur la lutte
contre la pauvreté n'est pas nouveau, la manière selon laquelle
il est proposé d'introduire des stratégies de réduction de
la pauvreté depuis la fin des années 1990 marque de prime abord
un changement dans les pratiques des Institutions Financières
Multilatérales (IFM) par rapport aux décennies
précédentes. Les organismes d'aide et d'intervention avaient pour
objectif de promouvoir le développement
« intégré »,
« autocentré »,
« endogène », « participatif »,
« communautaire », etc. Ces interventions favorables
à la lutte contre la pauvreté et les inégalités
reposent sur l'idée selon laquelle en déployant des aides vers
des individus ou des groupes d'individus, on contribuerait à
réduire la pauvreté individuelle et/ou collective. En
conséquence, l'approche microéconomique est de plus en plus
privilégiée par rapport à l'approche
macroéconomique qui dominait jusqu'alors. On s'inscrit, de la sorte,
dans une vision communautariste de la lutte contre la pauvreté en
procédant à un ciblage systématique des réels
nécessiteux auxquels on adresse des projets ciblés. Cependant,
les nombreux exemples d'initiatives lancées depuis les années
1990 et même avant ont obligé les bailleurs de fonds occidentaux
et leurs interlocuteurs gouvernementaux des pays en développement
à reconnaître que d'innombrables projets financés à
coût de milliards ont donné eu peu de satisfaction vu les
conditions de leur conception et leur exécution ''(Losch 2000 b).
D'ailleurs, de nombreuses régions démunies (qui sont aujourd'hui
grands cimetières de projets et de programmes ayant coûté
des milliards de dollars) ont vu défiler des vagues de
coopérants, d'experts, d'assistants techniques, le conseil à
l'Afrique y étant devenu une véritable industrie ? '(Cogneau
and Lambert 2006)
Toutes les études qui ont été
menées sur la base des données d'enquêtes ménages de
l'INS entre 1985 et 2002, indiquent que la pauvreté a augmenté de
manière significative en Côte d'Ivoire. (PNUD 2004). L'État
ivoirien a affirmé depuis son accession à l'indépendance
jusqu'à nos jours sa volonté de planifier le développement
à l'échelle nationale. Pour réduire la
vulnérabilité, surtout dans le monde rural, les autorités
d'alors, ont mis en place des politiques agricoles car l'économie des
populations rurales est pour une grande partie tributaire de l'agriculture.
Ainsi, des structures nationales de développement sectoriel (CIDT,
SODEPRA, SODERIZ, CIDV, SODEPALM) et des projets de développement rural
(ARSO, PACO, AVB) ont vu le jour (Ndabalishye 1998). Nonobstant leurs objectifs
louables, ces structures et ces projets de développement ont connu des
fortunes diverses. Les constats partent d'échecs purs et simples
à des situations de réappropriation sélective dans le
meilleur des cas.
Par ailleurs, le 31 juillet 1971, les Fonds Régionaux
d'Aménagement Rural (FRAR) ont été mis en place toujours
dans le but d'améliorer les conditions de vie des populations rurales.
Ce fonds devait en théorie permettre de financer des projets
d'équipement en infrastructure socio-économique,
éducative, sanitaire voire culturelle. Toutefois, que de
maternités délaissées pour des accouchements chez des
matrones traditionnelles conduisant à l'augmentation de la
mortalité infantile et maternelle. Que de forages abandonnés pour
l'eau de source ou de marigot qui aurait, selon les populations, un meilleur
goût ; d'écoles abandonnées par les populations en
perpétuelle migration entrainant la hausse de la population d'enfants
analphabètes (Babo 1999). Selon plusieurs études sur la question,
ces politiques de développement en milieu rural ont échoué
pour n'avoir pas associé véritablement les communautés
locales en tenant compte de leurs particularismes socio-économiques et
pour avoir privilégié les variables économiques dans leurs
interventions. Pourtant comme le note Cernea (1998 : 15) :
« le développement ne concerne ni les produits, ni les
technologies, ni même les `'autoroutes de l'information''. Il concerne
les gens, leurs connaissances et leur forme d'organisation
sociale ».
La dévaluation du franc CFA en février 1994 a
favorisé la précarisation, déjà
préoccupante, des populations ivoiriennes. Face aux diverses contraintes
de certaines strates de la population, l'État a décidé
« de consentir des prêts aux chômeurs, aux femmes,
aux déscolarisés et aux jeunes diplômés ivoiriens
sur la base de la viabilité d'un projet présenté. C'est ce
qu'il convient d'appeler la lutte contre la pauvreté au travers de la
politique des fonds sociaux crées par décret n°94-134 le 30
mars 1994. Ces prêts, envisagés comme des instruments
d'amortissement des coûts sociaux de l'ajustement monétaire,
devaient permettre à ces catégories de personnes de créer,
de réhabiliter ou de développer des micro-projets
d'intérêt économique ou communautaire
générateurs de revenus, dans les secteurs de l'agriculture, du
commerce, de la petite industrie, de la santé, de l'éducation et
de la culture» (Akindès 2000)
Ainsi les projets de lutte contre la pauvreté mettent
en interaction plusieurs acteurs (l'État, les organismes de soutien, les
bailleurs de fonds, les structures décentralisées de
l'État et les bénéficiaires des programmes) qui ont des
logiques différentes. Dès lors, ces projets avec leurs nouvelles
règles ainsi que leurs ressources deviennent des enjeux disputés
entre les acteurs de mise en oeuvre de ceux-ci et les
bénéficiaires des projets selon les enjeux
socio-économiques voire politiques du moment. Les jeux des acteurs ont
pour effets de détourner les objectifs des projets de lutte contre la
pauvreté.
Ø L'aide humanitaire et l'aide au
développement comme instrument de lutte contre la pauvreté
L'aide humanitaire et l'aide au développement tiennent
une place importante dans le discours des développeurs ces
dernières années. En effet, dès le début des
années 1980, la problématique de l'assistance humanitaire et de
l'appui au développement intéresse de nouveau, de plus en plus,
des chercheurs. Ceux-ci qui démontrent d'une part que cette aide fait
partie intégrante du processus de la lutte contre la pauvreté et
des inégalités, et de l'autre, reconnaissent que les
modèles théoriques utilisés sur le terrain ne sont pas
toujours adaptés à réduire la pauvreté et les
inégalités (Rufin 1986); Silvera 1988 ; AFD op.
cit. (Fauré Y. A. 1998; Fauré 1998). Ces travaux nous
invitent à nous poser la question sur la capacité
systématique de l'aide humanitaire et/ou au développement
à réduire la pauvreté et les inégalités dans
tout le processus de réflexion sur l'aide au développement et de
l'action humanitaire, depuis les théories jusqu'aux analyses empiriques.
En effet, certaines thèses ont remis à l'ordre du jour
l'importance de l'aide humanitaire car son impact sur les populations
bénéficiaires est réel là où elle est
déployée. En ce qui concerne l'aide au développement,
d'autres thèses insistent sur le fait que la coopération
internationale a permis l'amélioration substantielle des conditions
d'existence d'une frange des communautés bénéficiaires des
appuis au développement. Ces thèses révèlent que
l'accroissement de la confiance faite aux ONG et de leur financement traduit
aussi le sentiment largement partagé de l'échec des projets
multilatéraux à grande échelle. Les ONG sont au contraire
perçues comme offrant une alternative, une approche du
développement plus `'centré sur les populations'', plus
`' proche de la base''. En tant que telle, cette tendance fait partie
d'une restructuration de l'industrie du développement globale et plus
générale (Powell et Seddon 1997 ; Banque mondiale
2000 ; Fauré et al 1992 ; Cohen et al 2006). Du coup, ces points de
vue font en même temps l'éloge des institutions médiatrices
dans le jeu du développement, notamment les ONG. Olivier de Sardan
disait à ce propos : « les ONG constituent une
variété d'acteurs parmi d'autres dans le champ du
développement » (Olivier de Sardan in Fauré et al
ibidem). Ainsi, les ONG ont acquis une crédibilité en
dénonçant les effets dévastateurs des mécanismes
macro-économiques et l'inefficacité des investissements lourds au
regard des besoins des plus pauvres.
Contrairement aux vues positives sur la question, on retrouve
dans la littérature, des critiques portées à l'encontre de
l'assistance humanitaire et de l'aide au développement. D'emblée,
trois principales tendances apparaissent dans les documents produits. Primo,
une vague de critiques a été émise à l'encontre des
opérations des organisations notamment en matière d'aide
d'urgence durant les crises dites « humanitaires ». Les
critiques les plus fortes s'adressent aux grandes institutions
multilatérales (en l'occurrence le CICR et diverses agences des Nations
Unies), et par ricochet aux ONG, en particulier à celles qui
opèrent à titre de sous-traitant pour des institutions
officielles nationales et multilatérales (Rights 1994; De Waal 1997).
Elles portent sur les conditions d'exécutions des programmes dont elles
ont en charge. Vu le caractère d'urgence desdits programmes mis en
oeuvre, il subsiste des doutes quant à leur efficacité sur les
bénéficiaires. C'est une critique légitime quand on pense
aux nombreux exemples d'ineptie, de corruption et de gaspillage qui
caractérisent une part non négligeable des programmes d'aide,
comme l'a récemment exposé William Easterly (2001).
Dans certains cas, s'ajoute à ces critiques de
l'humanitaire visant la lutte contre la vulnérabilité, une
seconde série de critiques exigeant des ONG une plus grande
responsabilité financière. C'est particulièrement vrai au
niveau international, bien que ces critiques n'épargnent pas les ONG
nationales où le débat tourne souvent autour de la question de
savoir : à qui les ONG doivent-elles rendre des comptes ? Aux
bailleurs de fonds institutionnels ? À leurs membres dans leur pays
d'origine ? Aux agences partenaires à l'étranger ou aux
bénéficiaires de l'aide ? (Clark 1991). Tercio, de nombreux
auteurs ont mené les débats sur la vocation des ONG dans le cas
de crises « humanitaires » en portant l'attention sur les
questions de coordination techniques entre organisations. Le manque de synergie
dans l'opérationnalisation des actions de diverses ONG menant des
projets sur un même territoire constitue pour ainsi dire un frein
à l'amélioration effective des conditions de vie des
bénéficiaires (Bennet 1995).
En outre, certains travaux encore dénoncent
l'incapacité de l'aide humanitaire ou de l'aide au développement
à réduire la pauvreté. En effet, l'éloge fait aux
ONG sur l'efficacité et la pertinence de leur positionnement en
matière de lutte contre la pauvreté prend un coup, car selon
certaines thèses, elles favorisent la réalisation d'actions
ponctuelles, bien identifiées, visibles. Elles ne prennent cependant pas
en compte, ou trop peu, le soutien à la mise en place de
mécanismes, seuls moyens de pérenniser des dynamiques (Husson
1998). Ba M. renchérit en disant : « Tant qu'il
s'agissait de conduire des actions caritatives, il n'y avait pas de
problèmes notables, la bonne volonté, doublée d'un esprit
d'organisation suffisait. Par contre, en matière d'appui dans des
domaines tels que l'agriculture, le commerce ou l'hydraulique, des
problèmes d'efficacité se rencontrent, problèmes
aggravés par une obstination à travailler en vase clos, sans
recours à la sous-traitance technique (qui, il est vrai,
nécessite des possibilités financières dont elles ne
disposent pas. »7(*). Pour d'autres auteurs encore, l'aide ne
permet pas de réduire la pauvreté en ce sens qu'il se produit un
processus de substitution plutôt que de développement car, les
autorités délèguent souvent aux institutions caritatives
le soin de pourvoir à un certain nombre de besoins (médicaux,
nutritionnels, éducationnels etc.) aux populations, et ce faisant, ne
construisent pas les infrastructures étatiques nécessaires
à un développement autonome.
En septembre 2000, des États membres des Nations Unies
se sont engagés - à travers ce qu'ils ont nommé les
Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) - à
améliorer les conditions d'existence de leurs citoyens d'ici
20158(*). De nombreux
programmes ont été par conséquent mis en oeuvre en rapport
avec ces objectifs. Huit ans après le lancement de ce pacte, l'on
constate également que les disparités et la précarisation
continuent de s'accentuer. La pauvreté de masse s'accroît de plus
en plus, surtout en Afrique selon le rapport 2007 des Nations Unies sur les
OMD ; et ce malgré l'aménagement des méthodologies
d'intervention. L'observation empirique du fonctionnement des projets mis en
place fait état de ce que les vrais nécessiteux ne sont pas
toujours les vrais bénéficiaires des programmes conçus
à l'intention de ceux-ci. Autrement dit, les OMD n'ont jusque-là
pas donné de résultats satisfaisants. Car au-delà des
problèmes de réappropriation des projets, une mauvaise
identification et un mauvais choix des bénéficiaires des projets
de lutte contre la pauvreté et de leurs intérêts
participeraient au maintien voire à la progression de la pauvreté
plutôt que de la réduire.
Ø Du ciblage dans les programmes de
développement
La sélection des bénéficiaires des
programmes de développement ou de lutte contre les
inégalités a fait l'objet de diverses productions. Toute la
question de la validité de l'analyse empirique des politiques de ciblage
tient dans la pertinence des outils théoriques permettant
d'appréhender les subjectivités à l'oeuvre dans le champ
de la lutte contre la pauvreté, tout en faisant le lien avec les
conditions objectives qui les déterminent. Sujet complexe, le ciblage
est depuis longtemps un des sujets centraux de nombreux débats (Dollar
2000; Amprou 2004).
En effet, si le ciblage n'est pas le seul facteur
d'efficacité des programmes, il est un maillon essentiel du processus.
D'ailleurs, l'objectif de toute stratégie de ciblage est
d'améliorer l'efficacité par rapport aux coûts, en touchant
spécifiquement des groupes et/ou des individus à risque. Cette
perception du ciblage a des allures de plans d'ajustement économique. Il
s'agit de réduire des dépenses publiques avec un soutien minimum
au plus démunis (Pinstrup-Andersen 1991; Selowsky 1991). Selon Maire,
Delpeuch , Padilla et Le Bihan, le bilan des divers programmes nutritionnels
est mitigé malgré certain taux de réussite (Maire,
Delpeuch et al. 1995). Pour eux, ils ont des coûts élevés
et entrainent des fuites importantes vers les non nécessiteux du fait du
ciblage imprécis9(*).
La question du ciblage dépasse le seul domaine des transferts de revenus
aux plus démunis dans un cadre général de lutte contre la
pauvreté. Comme le mentionne Ori cité par (Babo 1999)
« le manque de rigueur dans la sélection des personnes
cibles entraîne une ruée de personnes dont la présence est
motivée par les intérêts d'un autre ordre qu'elles
attendent tirer du projet (indemnisation, mesures incitatives, accès
gratuits à certains intrants, à des formations dans le but de
s'installer ultérieurement à son propre compte,
etc.) ». Vu ces contradictions dans le choix des
bénéficiaires des projets de développement, des efforts
visant son amélioration ont été consentis.
L'élaboration d'une diversité de méthodes
de ciblage dont Maire et al (op cit.) ont fait une classification dans le cadre
des programmes nutritionnels dans certains pays comme l'Egypte, l'Inde, le
Soudan, le Mexique, l'USA ( food stamp program)... constitue une avancée
majeure dans le succès des programmes de développement. Dans leur
article, ces auteurs ont mis en exergue les conditions préalables ainsi
que les avantages et les inconvénients ou risques spécifiquement
liés à chaque catégorie de ciblage utilisée dans
les programmes nutritionnels. L'intérêt de cette recherche
réside dans la classification schématique des programmes
d'intervention en évaluant leur niveau d'efficacité
économique et/ou nutritionnelle et en indiquant le type de
méthode de ciblage correspondant. L'aboutissement de cette conclusion de
Maire et al n'est que la synthèse de publications tentant de rendre
compte des catégories de ciblage utilisées dans diverses
interventions (Pinstrup-Andersen 1991; Padilla, Delpeuch et al. 1995).
Toutefois, soulignons que dans la pratique, beaucoup de
programmes font appel à des méthodes de ciblage combinées
ou mixtes. Dans ces conditions, il est difficile de séparer les effets
propres de chacune. Aussi, ces analyses ont-elles insistés davantage sur
les avantages et les inconvénients des différents
mécanismes de ciblage à la lumière des expériences
passées et hors d'un contexte particulier d'application. Dans le tableau
ci-dessous, nous présentons un récapitulatif de l'analyse de
Maire et ses collègues sur la question de la typologie des
méthodes de ciblage appliquées dans les programmes
nutritionnels.
Tableau 1 :
Récapitulatif des différentes catégories de ciblage
utilisées dans les programmes nutritionnels
N°
|
Méthodes
|
Exemples d'intervention
|
Conditions préalables
|
Avantages
|
Inconvénients ou risques
|
1
|
Absence de ciblage
|
Subventions alimentaires généralisées
|
Impossibilité de définition ou d'atteinte d'une
cible
|
-Couverture potentielle totale de ceux qui ont besoin de
l'intervention
-Visibilité politique et sociale
-Décision centrale dans le cas des subventions
-Peu d'infrastructures
|
-Fuites élevées vers ceux qui n'ont pas besoin
d'intervention
-Efficacité nutritionnelle très faible par rapport
au coût
|
2
|
Auto-ciblage par produits
|
subvention de produits de faible qualité et/ou
consommés par la population cible
|
-Identification des produits à subventionner
-Approvisionnement régulier
|
-Pertes faibles
-Peu d'infrastructures
-Couverture potentielle totale de ceux qui ont besoin de
l'intervention
-Décision centrale
|
-peu de possibilité d'interventions combinées
|
3
|
Ciblage temporel
|
Aide alimentaire saisonnière
|
Mécanisme d'alerte et de réaction en temps utile
|
-Délimitation des coûts
-Bonne efficacité si combiné à d'autres
types de ciblage (géographique, revenus, état de santé)
|
-Difficultés d'arrêt du ciblage
|
N°
|
Méthodes
|
Exemples d'intervention
|
Conditions préalables
|
Avantages
|
Inconvénients ou risques
|
4
|
Ciblage géographique
|
Magasins de rations subventionnées situés dans des
régions ou quartiers défavorisés et/ou à risque
nutritionnel
|
-Bonne information sur le niveau socio-économique ou
nutritionnel à un niveau désagrégé (région,
quartier)
|
-Simplicité lorsque les données sont disponibles
-Facile à combiner avec d'autres types de cibles
-Permet la participation communautaire
|
-Plus adapté au rural qu'à l'urbain sauf quartier
en situation extrême
-Inadapté si la concentration d'individus ou
ménages à risque n'est pas assez importante
-Risque d'un ciblage sur des critères plus politiques que
socio-économiques et nutritionnels
-Subsistance de fuites vers ceux qui n'ont pas besoin de
l'intervention dans la zone ciblée
|
5
|
Auto-ciblage par utilisation de services
|
Tickets alimentaires distribués par les services sociaux
ou de santé utilisés par la population cible
|
-Bonne répartition géographique des services
-Bonne couverture par ces services /utilisation
spécifique par la population cible
|
-Peut favoriser l'assiduité à l'utilisation des
services
-Possibilités d'intégrer des actions
d'éducation, de santé (suivi de la croissance
|
-Risque d'une fréquentation insuffisante par la population
cible
-Risque de dérive ou de surcharge des services
|
N°
|
Méthodes
|
Exemples d'intervention
|
Conditions préalables
|
Avantages
|
Inconvénients ou risques
|
6
|
ciblage au niveau communau-taire
|
Distribution d'aide par l'administration locale ou subventions
aux individus ou ménages à risque d'un quartier ou d'un village
identifiés par des membres de leur communauté
|
-Maintien des institutions, règles et coutumes locales
-Méthodes acceptées par la communauté
|
-Efficacité à cibler les plus pauvres
|
-Efficacité diminuée dans le cas de relations
marchande
-Risque de perte par favoritisme, entente (Clan, faction)
|
7
|
Ciblage par revenus ou autres critères
socio-économiques
|
Tickets alimentaires distribués aux ménages ayant
un revenu inférieur à une norme déterminée ou
appartenant à un groupe professionnel défavorisé
|
-Existence de registres de revenus
-Validation d'une échelle de pauvreté ou
d'enquête avec auto-déclaration
-Capacité administrative adéquate
-Privilégier la simplicité de la méthode de
sélection
|
Uniformisation des critères de sélection (limite de
subjectivité de la sélection)
|
-Plus adapté au milieu urbain (en termes de revenus)
-Problèmes de gestion
-Coûts administratifs
-Difficulté de collecte de l'information nécessaire
(quand absence de registre des impôts, large secteur informel,
saisonnalité des revenus)
|
N°
|
Méthodes
|
Exemples d'intervention
|
Conditions préalables
|
Avantages
|
Inconvénients ou risques
|
8
|
Ciblage par groupes vulnérables (âge &
sexe)
|
Tickets alimentaires ou suppléments alimentaires (à
consommer sur place ou à emporter à domicile) distribués
aux préscolaires, aux femmes enceintes, aux personnes
âgées
|
-Bonne répartition géographique des services de
santé
-Bonne couverture de ces services et utilisation par les groupes
cibles
-Les interventions doivent concerner tous les types de services
utilisés par les groupes cibles (public & privé)
|
-Identification facile de la population cible
-Possibilité d'intégrer des actions de santé
et d'éducation avec des interventions alimentaires
-Peut favoriser l'assiduité à l'utilisation des
services
|
-Risque de discrimination au sein de la famille mal ressentie
(particulièrement entre enfants d'âges proches
-Risque de redistribution au sein des différents membres
de la famille ou de substitution (écoliers)
|
9
|
Ciblage individuel par état de santé
|
Tickets alimentaires ou suppléments alimentaires (à
consommer sur place ou à emporter à domicile) distribués
aux enfants ou aux femmes enceintes
|
-Bonne répartition géographique des services de
santé
-Bonne couverture du système de santé primaire
-Les interventions doivent concerner tous les types de services
utilisés par les individus à risque
|
-Identification d'individus spécifiquement à
risque
-Peut favoriser l'assiduité
-Possibilité d'intégrer des actions de santé
et d'éducation avec des interventions alimentaires
-Possibilité d'intervenir au-delà du ménage,
au niveau de l'individu
|
Risque d'être plus curatif que préventif (sauf dans
le cas du suivi de la croissance, ou de la surveillance prénatale)
-Surtout adapté au milieu urbain
|
Source :(Maire, Delpeuch et al. 1995)
Au-delà des programmes nutritionnels et alimentaires,
la micro-finance est un instrument de choix dans l'histoire de la lutte contre
la pauvreté. Ces dernières décennies, son importance a
été mise en relief dans l'atteinte des OMD en matière de
lutte contre la pauvreté. Cependant plusieurs études mettent en
exergue l'incapacité de celle-ci à atteindre les « plus
pauvres »10(*).
La question a suscité tant de regain d'intérêt qu'elle a
été mise en débat par le Réseau Impact au cours
d'un atelier de réflexion organisé en décembre 2003
à Paris. Le thème central de cet atelier était :
« À qui bénéficie la lutte contre la
pauvreté : aux pauvres ou, en fait, aux classes
moyennes ? »
Ainsi, au-delà des discours sur la place de la
micro-finance dans le développement, des difficultés subsistent
dans son fonctionnement. Celles-ci ont trait à l'identification et
à la sélection de la frange de population
bénéficiaire des interventions des Institutions de Micro-Finance
(IMF). Quel public pour la micro-finance :
les « pauvres » ou les exclus du système
bancaire ?
Les IMF ont tenté de résorber ces contraintes
liées à l'identification et à la sélection des
`'plus pauvres clients'' par l'élaboration d'une panoplie d'outils
`'efficaces'' et peu coûteux. Parmi ces méthodes, nous avons entre
autre l'indice du logement de CASHPOR11(*), basé sur des
critères de logement des familles. L'état du toit, celui des murs
de la maison, la taille du ménage, les lieux d'aisance etc. sont les
critères retenus pour l'identification des pauvres et des plus pauvres
dans cette méthode. Outre, l'indice de logement, le classement
par évaluation participative de la richesse est utilisé
également par les IMFs pour le ciblage de leurs clients. Cette
méthode se base sur la perception des gens de leur propre
pauvreté. En ce qui concerne le ciblage géographique de la
pauvreté, les Institutions de Micro-finance s'appuient sur l'outil
nommé la répartition géographique. Cet instrument se base
sur des listes produites à partir de la concentration
géographique des ménages pauvres. Il y a aussi la méthode
traitant de la vocation. Elle se base sur la nature d'activité
exercée pour offrir un certains types de produits. Par exemple, des
services de crédits, d'épargne, ou d'assurance peuvent être
conçus spécifiquement pour des corps de métiers tel que
les artisans, les acteurs du tourisme... C'est cet ensemble que certains
spécialistes de la micro-finance ont désigné par
les méthodes de ciblages étroits, celles qui
offrent des services à une catégorie particulière du
public, par exemple les femmes, catégorie facilement identifiable,
réputée comme marginalisée. Dans la même logique,
des solutions de ciblage en termes de produits et de procédures ont
été conçues en supposant qu'ils n'intéresseraient
pas a priori les plus riches. Toutes choses qui n'ont pas pu empêcher
certains effets pervers dont la pratique du
« prête-nom » par les non pauvres pour
bénéficier des avantages de ces services.
Cependant, bien qu'évidemment, une certaine idée
de la différenciation sociale existe, il n'est pas aisé de
trouver des critères simples- et acceptés par tous- pour
définir concrètement la pauvreté. Ainsi, l'identification
et la sélection des `'clients pauvres'' par les IMFs au niveau
opérationnel se transforment en un véritable obstacle à
leur pérennité. Elle devient un véritable souci lorsque
les IMFs veulent axer simultanément sur les très pauvres et faire
face au défi de la viabilité.
En résumé, les programmes nutritionnels et les
IMFs ont donc développé un éventail de stratégies
pour identifier les pauvres. Ces interventions s'inscrivent dans la logique des
programmes dits de développement.
Malgré les avancées conceptuelles et
méthodologiques, Cling (2002) souligne l'absence d'un cadre politique
cohérent de ciblage dans la lutte contre la pauvreté. Selon
l'auteur, plusieurs raisons expliquent cette insuffisance. Celle qu'il retient
est la difficulté de cerner la pauvreté à partir d'une
approche multidimensionnelle ; ce qui rend les pauvres insaisissables et
plus difficiles à cibler. Les limites des politiques publiques de lutte
contre la pauvreté semblent être liées, à la faible
utilisation des approches participatives dans les différents programmes
ou bien à la marginalisation des bénéficiaires ou de la
population ciblée par les différentes politiques lors de
l'élaboration et de la mise en oeuvre de ces politiques, à
l'insuffisance du ciblage des catégories et des régions, à
l'absence de coordination des différentes actions en matière de
lutte contre la pauvreté. À cela, il faut ajouter l'insuffisance
des ressources de l'État pour faire face aux besoins financiers et en
général, l'irrégularité des engagements de la
communauté des bailleurs de fonds.
En somme, toutes ces études abordent la question de
l'échec des programmes de la lutte contre la pauvreté en
revisitant les problématiques de la participation communautaire, du
versant culturel des bénéficiaires des projets qui n'est pas
toujours pris en compte dans la mise en place des projets, voire de
l'inefficience de l'aide au développement assujettie à certaines
contraintes. La question du ciblage comme explication de la faillite des
projets apparaît certes de façon spécifique dans la
littérature. Telle qu'abordée, elle traite d'une identification
et d'une sélection de bénéficiaires de projets non
humanitaires et d'urgences. Malgré cela, elle suscite un meilleur
ciblage des bénéficiaires pour maximiser les chances de
succès des projets or avec la situation de crise, les projets
initiés ont le sceau de programmes humanitaires d'urgence dans des zones
où la pauvreté est bien visible au sein de toute la
communauté. Cependant, dans un contexte de conflit, la
détermination même du pauvre devient plus complexe. Car certains
avant la crise l'étaient et d'autres le sont devenus durant la crise.
Dès lors, comment, dans ce contexte de crise où l'ensemble des
populations vit dans l'extrême dénuement, les agences humanitaires
soutiennent-elles les communautés ? Comment choisissent-elles ceux
qui bénéficient directement des interventions dans un contexte de
crise généralisée ? Il faut souligner d'emblée
que les agences d'appui à la lutte contre la pauvreté sont dans
une double logique de captation de projets et de justification de leurs actions
de terrain à cette fin.
MATERIAUX ET
METHODES
5-Méthodologie de la
recherche
5.1
Techniques de production des données
La présente investigation s'inscrit dans le domaine des
études de cas. L'utilisation des études de cas est devenue
très répandue dans les recherches en sciences sociales. À
la différence de l'approche ethnographique et de l'approche
biographique, l'étude de cas est une stratégie d'enquête
qui consiste à se focaliser sur un ou l'ensemble des cas du
phénomène étudié. Robert Stake remarque que
: « a case study is not a
methodological choice but a choice of object to be studied»12(*) (Stake 1998, cité
par Brewer 2000 : 25). Et Denscombe d'ajouter :
« any impression that case study research is a method for collecting
data is wrong. Properly conceived, case study research is a matter research
strategy, not research method»13(*) (Denscombe 2003:32).
En tant que stratégie de recherche, elle vise la
contextualisation fine et transversale du phénomène
observé ; c'est-à-dire l'étude des faits dans leur
environnement qui peut être à la fois physique, historique,
social, économique (Creswell 1992).
La mobilisation de cette stratégie de recherche vise
à faire une analyse en profondeur du problème du ciblage dans les
projets de lutte contre la pauvreté. Ainsi compte tenu de la
multiplicité des projets dans ce champ, le cas des politiques de ciblage
des bénéficiaires des micro-projets : volet reconstruction
& réhabilitation communautaire et cohésion sociale a
été retenu comme cadre d'analyse. Ce type de projets est
orienté vers des villages, des individus ou des groupes d'individus,
dès lors il requiert une sélection préalable des
bénéficiaires. Cette stratégie de recherche permet
d'observer les acteurs en interaction dans l'ingénierie du ciblage des
bénéficiaires des projets retenus.
5.1.1 Nature des données
collectées
Pour la présente étude, nous avons recouru
à deux types de données. Le premier type de données
provient de la recherche documentaire. Cette recherche documentaire a
porté sur des rapports de séminaire ou d'atelier, des rapports
d'activités et d'évaluation de projets, des statistiques, des
commentaires de spécialistes et d'autres documents relatifs à la
lutte contre la pauvreté et au ciblage.
Les informations recueillies ont servi à illustrer la
présente production. Elles ont également permis de comprendre la
construction des politiques de ciblage utilisées par les organismes de
soutien au développement dont notamment CARE, la justification de
l'application des différentes stratégies de ciblage, les
difficultés liées à l'application desdites politiques dans
l'exécution des projets, etc.
Le second type de données utilisées est issu de
données primaires recueillies auprès de personnes ressources et
des différents acteurs impliqués dans la mise en oeuvre des
projets de lutte contre la pauvreté dans la région des montagnes
en Côte d'Ivoire. Par données primaires, nous entendons les
informations sélectionnées des propos et des discours tenus par
les acteurs et tendant à rendre compte « de la
façon dont ils vivent et se représentent les choses»
(Olivier de Sardan 2000). Nous nous sommes donc appuyés sur des
entretiens semi-structurés effectués avec les chefs de projets,
les assistants techniques de CARE, les superviseurs de CARE et les populations
des villages ayant bénéficiés de projets pour collecter ce
type de données. Ils ont permis la production de données
empiriques. L'essentiel des informations collectées visait à
informer les politiques de ciblage envisagées par cette structure
d'appui à la lutte contre la pauvreté lors du montage des
projets, la perception de la vulnérabilité et de la
pauvreté voire du ciblage des acteurs en présence, leur choix
stratégique en matière de ciblage et la justification de ces
choix. Elles nous ont également renseignés sur la démarche
d'identification et de sélection des bénéficiaires, les
difficultés du ciblage de bénéficiaires des projets, la
justification des écarts observés dans le ciblage et la
stratégie de contournement des contraintes liées au ciblage.
5.1.2 Champs de collecte des
données
Pour la collecte du premier type d'information basée
sur des données de sources documentaires, nous nous sommes rendus dans
les bibliothèques du CERAP, de l'IRD petit-Bassam, du CIRES pour
consulter les fonds documentaires y existants. À ce niveau, nous avons
eu aussi recours aux cybercafés pour le volet de la collecte
d'informations numériques à partir de l'internet. Nous n'oublions
pas de mentionner notre appui sur des documents collectés lors de
l'atelier de capitalisation /systématisation de la démarche
de Réhabilitation Communautaire du PNDDR/RC du 21 au 24 Mai 2007
à Grand-Bassam et divers rapports finaux d'activités ou
d'évaluation consultés dans les locaux de CARE à Man et
Abidjan.
En ce qui concerne les données primaires, elles ont
été collectées par le biais d'une série
d'enquêtes réalisée auprès de l'ONG CARE-CI et des
villageois de région de l'Ouest. CARE est un organisme humanitaire
d'appui au développement et à la lutte contre la pauvreté
que nous avons choisi pour cette étude. La collecte des données
primaires s'est déroulée dans l'Ouest ivoirien.
Concrètement, nous avons mené nos enquêtes dans les
villages de Diourouzon, Irozon, Fengolo et à Duékoué
chef-lieu de département, et à Man situées respectivement
dans la région du Moyen Cavally et celle des 18 Montagnes.
Le choix de ces localités comme champ d'investigation
sur la question du ciblage des bénéficiaires des projets de lutte
contre la pauvreté se justifie par le fait qu'elles ont
bénéficié de nombreux projets de développement. En
effet, dans les années 1990, la région de l'Ouest de la
Côte d'Ivoire a reçu de nombreux réfugiés
libériens fuyants les affres de la guerre civile éclatée
dans leur pays. Ainsi, pour faire face à la crise humanitaire dans cette
zone du pays, des agences du système des Nations Unies (PAM, PNUD,
UNICEF, OMS...) et des ONG internationales (qui ont mis en place par la suite
des démembrements locaux) se sont implantées dans la
région. Leurs actions ont consisté essentiellement en des aides
humanitaires d'urgences quelquefois mal cadrées au profit aussi bien des
populations réfugiées que des communautés hôtes. En
outre, à la faveur de l'éclatement de la crise militaro-politique
de septembre 2002, cette région a subi de nombreuses pertes avec
l'ouverture du front Ouest '-''(Roubaud 2003; PAM 2007; DSRP 2009). Il faut
dire que la détérioration des conditions d'existence dans cette
partie du pays- déjà causée par les vagues successives de
réfugiés Libériens et Sierra Léonais, les conflits
fonciers de tout genre et leurs conséquences- a été
renforcée par les effets pervers de la crise. Du coup des agences (ONG
et agences du système des Nations Unies) déjà
présentent dans la zone ou ayant travaillé14(*) précédemment
dans la région, ont renforcé pour les premiers, et repris pour
les second leurs actions d'assistance aux populations en détresses. Dans
leur agenda, ces organismes mettaient parmi les zones prioritaires de leurs
interventions les régions du Moyen Cavally et des 18 Montagnes. Ainsi,
dans le ciblage géographique de leurs zones d'interventions ces
structures priorisent ces régions car elles semblent plus favorables
à l'exécution de leurs diverses activités. (PAM op cit.).
À l'instar des autres agences et structures d'appui au
développement et à l'aide humanitaire, l'ONG CARE, capitalise de
nombreuses expériences en matière de gestion de projets de lutte
contre la pauvreté dans la zone. Elle a même ouvert des bureaux
locaux dans ces deux régions plus précisément dans les
villes de Man et Duékoué, à partir desquelles elles
coordonnent toutes ses activités dans la région.
Un tel choix a permis donc de nous appuyer sur des
données existantes. Dans le cadre de ce mémoire de DEA, nous
avons restreint le champ de l'enquête pour des raisons pratiques
relatives à la lourdeur des enquêtes et à la
complexité du sujet occasionnant un refus des organismes à nous
accueillir au sein de leur structure. Elle était due également
au problème de calendrier chargé par CARE qui ne nous a pas
accordé un long séjour dans leur structure ; nous ne
pouvions donc pas travailler sur plusieurs sites à la fois. Nous
élargirons le champ de l'enquête dans le travail de la
thèse. Car l'ONG mène aussi des activités sur toute
l'étendue en dehors des localités ci-haut mentionnées et
donc nous comptons couvrir d'autres sites d'étude. En plus, cette
restriction du champ d'étude a permis de mieux mener la recherche. Par
ailleurs, une autre série d'enquêtes dites complémentaires
a été réalisée à Abidjan dans la
représentation locale de CARE internationale, dont le siège se
trouve aux deux Plateaux pour des compléments d'informations.
De tout ce qui précède, cette zone et plus
particulièrement ces localités constituent un laboratoire propice
aux études socio-anthropologiques concernant le problème de la
lutte contre la pauvreté.
5.1.3 Période de
réalisation des enquêtes
Les informations de terrain utilisées dans cette
étude ont été recueillies au cours de la période du
08 au 31 Juillet 2009 (soit 24 jours de terrain). Quant aux enquêtes
complémentaires, elles se sont déroulées sur une
période d'environ trois semaines. La recherche et l'exploitation de
sources secondaires de données quant à elles ont
débuté au mois de juin 2007. Elles se sont étalées
tout le long de la réalisation de cette étude. Elles ont
d'ailleurs été réalisées au fur et à mesure
que les besoins d'informations particulières se posaient.
5.1.4 Méthodologie
d'échantillonnage
Les politiques de ciblage font intervenir différentes
catégories d'acteurs dans leur élaboration et dans leur mise en
oeuvre. Généralement, les principaux acteurs impliqués
directement ou indirectement dans les politiques de ciblage des
bénéficiaires des projets peuvent être regroupés en
trois catégories selon leur niveau d'intervention dans la mise en oeuvre
des projets de réduction de la pauvreté. Il s'agit notamment :
· Des bailleurs de fonds intervenant dans le domaine
du financement des programmes/projets de réduction de la
pauvreté : Ils sont constitués d'agences de
développement (AFD, Irish AID, USAID, ACDI, OFDA...), des pays tiers,
des agences du système des Nations Unies (UNHCR, FAO, UNICEF, PNUD, PAM
etc.) ou même des institutions financières internationales comme
la Banque mondiale, le FMI... Ces institutions constituent un maillon du champ
sociologique dans la problématique du ciblage dans les projets de lutte
contre la pauvreté. Car leur idéologie globale oriente
quelquefois les organismes intervenants directement sur le terrain. Elles
définissent en général en amont les champs de
vulnérabilité pris en compte dans leur domaine de financement. On
pourrait les nommer les acteurs au sommet ;
· Des ONG nationales et/ou internationales et leurs
sous-traitants car elles sont considérées comme les
institutions médiatrices dans le jeu de la lutte contre la
pauvreté et du développement. Elles constituent pour tout dire le
relais entre les bailleurs de fonds et les bénéficiaires directs
des projets. Ces organismes d'appui sont en aval des institutions
finançant les activités de terrain et en amont des
communautés bénéficiaires des projets.
Concrètement, ce sont les acteurs jouant le rôle d'interface entre
les acteurs au sommet et ceux à la base. Ils sont impliqués de
façon directe dans la sélection des bénéficiaires
(des projets, des zones et des individus ou groupes d'individus). Ils
constituent par conséquent la cheville ouvrière de l'application
desdites politiques. C'est ceux que nous désignons ici les acteurs
intermédiaires.
· Des bénéficiaires réels ou
`'supposés'' des programmes de lutte contre la pauvreté.
Nous entendons ici par bénéficiaires `'supposés'' les
groupes sociaux qui devraient en théorie bénéficier des
projets élaborés pour lutter contre la
vulnérabilité. Généralement c'est une
catégorie spécifique d'une communauté qui est visée
en priorité par un programme. Ainsi au nom de ces groupes sociaux, les
ONG et autres prestataires montent des projets et formulent leur plaidoyer pour
obtenir le financement de ces projets. Dans l'exécution effective
desdits projets, ils réduisent l'éventail des
bénéficiaires en sélectionnant finalement des groupes
d'individus qui ne figuraient pas au départ dans le plaidoyer soumis
à financement. Aussi soulignons-nous que les bénéficiaires
réels sont les individus ou les groupes d'individus ayant obtenu
effectivement un appui dans le cadre de la lutte contre la pauvreté. Ces
acteurs à la base, du fait de leur position, constituent une
unité d'observation essentielle. Car dans l'approche dite participative
utilisée par les gestionnaires des projets, leur opinion n'est pas
à négliger dans la sélection des
bénéficiaires des projets de réduction de la
pauvreté et donc dans les politiques de ciblage.
Concrètement, nous avons construit notre
échantillon dans le cadre de la présente étude, en
restreignant notre population sociologique. Ainsi, pour des raisons de lourdeur
de l'enquête mais aussi de temps pour élaborer cette étude,
nous avons limité la collecte des informations en ne prenant en compte
que les acteurs de terrain à savoir les personnes ressources de l'ONG
CARE choisies pour l'enquête et les bénéficiaires des
micro-projets. Ce choix obéit à une volonté de mener une
étude rendant compte du point de vue des bénéficiaires et
des prestataires de service dans le cadre du ciblage en matière de mise
en oeuvre de micro-projets.
La constitution de l'échantillon s'est faite selon la
méthode de l'échantillonnage théorique (Glaser 1967; Pires
1997). L'échantillon par contraste-approfondissement15(*) est la posture
théorique que nous avons adoptée. Elle a consisté à
faire un raisonnement à partir des connaissances du champ
étudié pour décider que tel ou tel acteur doit faire
partie de l'échantillon et ce au regard de leur implication dans les
politiques de ciblage. Soulignons qu'il était impossible de
prévoir le nombre d'entrevues ou d'observations que nous devions mener.
C'est au sein de ces groupes que s'est effectué le choix des sujets
à observer. Concrètement, nous avons
sélectionné :
a) Au niveau des ONG, nous avons choisi CARE, pour le compte
des structures internationales. Au sein de cette ONG nous avons
interviewé trois chefs de projets, un assistant technique et quatre
superviseurs de projets. Ainsi nous avons enquêté deux chefs de
projets basés à Man et un autre installé à
Duékoué. En plus, nous avons interviewé un assistant
technique et des superviseurs de ladite ONG établis à Man et
à Duékoué. Le choix de ces interlocuteurs se justifie par
l'implication desdits acteurs dans de nombreuses activités de
micro-projets menées dans le cadre de la lutte contre la
vulnérabilité à l'Ouest montagneux ; surtout depuis
les années 2004-2005 avec un accent particulier dans cette zone sous
contrôle des rebelles. En somme, nous avons eu huit entrevues avec les
agents de l'ONG CARE sous bureau Man avec extension à
Duékoué.
b) Au niveau des bénéficiaires, nous avons
organisé trois focus group. Ceux-ci se sont déroulés dans
les villages de Diourouzon, Irozon et Fengolo. Ces entrevues regroupaient au
sein de ces focus group les responsables des comités de paix et de
gestion des réalisations des différents villages visités.
Ils étaient composés généralement des
différents représentants communautés du village. Ensuite,
nous avons interviewé individuellement sept personnes ayant
bénéficiées de la réalisation d'un micro-projet. Et
enfin nous nous sommes entretenus avec des personnes n'ayant pas profité
directement de la réhabilitation de maison lors des projets
passés. Nous avons ainsi diversifié notre échantillon au
niveau des communautés locales. Notre objectif était d'obtenir un
maximum de points de vue différents les uns des autres et ce, afin de
les comprendre de manière approfondie. Nous avons pu obtenir au total
trois focus group avec les populations de trois villages
bénéficiaires, dix interviews individuels dans le cadre de la
saisie de l'opinion des populations sur le ciblage dans les micro-projets
Au total, le choix des personnes à enquêter s'est
opéré en fonction de leur implication dans les projets, la
position stratégique occupée par ces acteurs et groupes d'acteurs
dans l'action collective qu'est l'élaboration et la mise en oeuvre des
politiques de ciblage ; en rapport avec la nature de l'information
recherchée. Étant donné que tous ces acteurs ci-haut
cités sont les principaux intervenants des projets de réduction
de la pauvreté, ils ont fait l'objet d'une enquête qualitative.
Nous avons réalisé en définitive vingt et un entretiens
avec une trentaine de personnes.
5.1.5 Outils de collecte des
données
Deux types d'outils ont été utilisés pour
la collecte des données, ce sont la fiche de lecture et l'entretien.
· La fiche de lecture pour la recherche documentaire
puisqu'il s'est agi de la consultation des ouvrages et autres documents se
rapportant au sujet. Ainsi nous avons lu des rapports, et autres documents
relatifs à notre étude puis nous en avons fait des annotations.
Celles-ci portaient sur l'inventaire des définitions des concepts
clés de l'étude, l'historique du développement et le
contexte d'émergence de la lutte contre la pauvreté, le
rôle et la place des ONG dans le développement, les politiques de
ciblage des bénéficiaires des projets, les rapports bilan des
projets déjà exécutés par CARE dans les zones
ciblées pour l'enquête, les méthodologies de ciblage
utilisées, etc.
· L'entretien pour la collecte des informations. Nous
avons opté pour l'entretien semi-directif individuel ou collectif. Les
entretiens étaient la technique la mieux adaptée pour une
étude de type qualitatif qu'est la saisie des logiques des acteurs dans
l'exécution des politiques de ciblage dans les projets de lutte contre
la pauvreté. En ce qui concerne les entretiens individuels, ils ont
été menés auprès des agents de CARE et de quelques
individus des villages visités. En termes de contenu, ces entrevues
étaient articulées autour de diverses rubriques : 1) les
considérations générales sur l'ONG CARE, 2)
l'ingénierie du ciblage adoptée dans ses interventions, 3) La
perception des communautés de leur propre situation, leur participation
dans la mise en oeuvre des projets de CARE dans leur localité, leur avis
sur la méthode de ciblage de CARE dans les projets dont
bénéficie le village... Elles avaient une durée moyenne
d'une heure et demie environ (1h 30mn). Le fait que les interviewés
n'étaient pas toujours disposés à nous consacrer un temps
continu à cause de leurs occupations faisait durer nos entretiens.
Toutefois ces entretiens ont été menées de façon
à suggérer une simple discussion ; le guide d'entretien
permettant néanmoins d'aborder presque tous les éléments
importants au cours de l'entrevue. D'ailleurs, opter pour ce genre discursif
encourageait les enquêtés à élargir leurs
réponses, à les mettre en confiance et parfois à aborder
des questions que nous n'avions pas soulevées ; les plus
intéressantes étaient ensuite réintégrées
dans les entretiens ultérieurs. Ils ont permis la collecte
d'informations générales relatives à l'ONG CARE. En plus
nous nous sommes centrés sur : l'identification de projets
-achevés, en cours ou encore sur le point de mise en oeuvre- avec des
difficultés de ciblage ; l'identification des critères de
sélection des programmes finançables par CARE et ses partenaires
partant de leur justification du ciblage des projets mis en oeuvre ;
l'identification de la méthodologie de ciblage des
bénéficiaires des projets qu'elle exécute ; les
raisons des écarts observés dans le ciblage des
bénéficiaires dont CARE a en charge ; les stratégies
de contournement des contraintes liées au ciblage et à la
définition de la vulnérabilité.
Un second niveau d'entrevues ont été conduites
auprès des membres des comités de paix et/ou de gestions de
projets, notamment des représentants des villageois installés par
CARE en accord avec la communauté villageoise. Des entretiens ont
également concerné des membres des trois villages
enquêtés dont des personnes bénéficiaires directs et
des non bénéficiaires de projets. Elles ont été
réalisées autour de thématiques centrales
récurrentes à travers lesquelles nous cherchions des points de
convergence et de divergence porteurs de sens. Les questions
administrées aux interviewés à travers un focus group,
pour certains, les invitaient à nous donner leurs perceptions des
politiques de ciblage des bénéficiaires des projets mis en oeuvre
par CARE dans leur localité ; à faire ressortir leurs
différentes logiques d'action à partir des argumentations et
à mettre en exergue leurs stratégies pour faire partie des
bénéficiaires des différents projets, les raisons de leur
inclusion ou de leur exclusion des projets exécutés dans leur
zone, leurs points de vue sur les critères d'identification et de
sélection des bénéficiaires des projets utilisés
par CARE chez eux.
Nous avons également utilisé un enregistreur
comme moyen de recueil des informations. En effet, plusieurs auteurs, notamment
Given (Given 2004), ont démontré l'importance de cette technique
d'enquête en sciences sociales et en sociologie par opposition aux
techniques traditionnelles d'écriture. Cette technique nous amené
à enregistrer systématiquement toutes nos entrevues.
5.2
Analyse des données
5.2.1 Technique de
dépouillement et d'analyse des données
Cette étude s'inscrit dans la tradition des
études dites de cas. L'essentiel des données d'analyse provient
des entretiens effectués avec des personnes ressources sur le terrain.
Par conséquent nous nous inscrivons dans la posture de l'analyse
qualitative de contenu comme technique d'analyse des données.
Pour le traitement et l'analyse des données, nous avons
opéré un dépouillement manuel suivant les objectifs de la
recherche, et ce, compte tenu de la quantité réduite de
données collectées lors des entrevues. Cette opération
consistait à explorer chaque entretien pour y repérer des noeuds
de sens ou segments des propos des acteurs exécutants les projets sur le
terrain d'une part et ceux bénéficiant desdits projets en lien
avec nos préoccupations de départ. Ces préoccupations sont
en l'occurrence `'la définition de la pauvreté et/ou de la
vulnérabilité'' ; `'des écarts observés dans
le ciblage des bénéficiaires de projets'' ; `'les raisons de
ces écarts'' ; `'la démarche utilisée pour le ciblage
des bénéficiaires'', `' les difficultés liées au
ciblage des bénéficiaires'', `'les stratégies de
contournement des contraintes liées au ciblage''...
Les résultats -de cet exercice appliqué à
chaque entretien pris individuellement- ont été mis en commun
à partir d'une analyse transversale. Il s'agit en fait d'une
décomposition de ce thème en dimensions puis en indicateurs
découlant des propos des acteurs. Ces extraits ont été
utilisés tout le long de ce document pour rendre compte et illustrer
certains points de notre analyse. Cela nous a permis d'éclairer les
points recherchés.
5.2.2 Cadre théorique
d'analyse
L'analyse sociologique des politiques de ciblage dans les
projets de lutte contre la pauvreté a mobilisé un certain nombre
de grilles d'analyse. Nous avons mis l'accent sur : l'analyse
sociocritique, l'analyse stratégique, la théorie de la
régulation et la théorie du jeu des acteurs.
5.2.2.1 L'analyse
sociocritique
L'analyse sociocritique a pour but d'appliquer la
théorie critique à la lecture de la réalité
sociale. Georges Balandier (1971) et Jean Ziegler (1981) en sont les
initiateurs en sociologie. C'est une analyse qui recommande une position de
soupçon vis-à-vis des apparences. Ainsi, l'analyse sociocritique
apparaît comme une rupture avec la Sociologie de l'ordre et de la
permanence. Elle a pour vocation de mettre en évidence ce qui est
caché. À ce propos, Jean Ziegler
écrit : « Ce qui est montré est à
expliquer par ce qui ne se montre pas, car le plus caché est le plus
véridique» (1981 : 20).
L'approche sociocritique permet alors de déceler les
aspects cachés de la réalité sociale. Pour saisir le fait
social, en l'occurrence, les politiques de ciblage telles qu'elles se
déploient sur le terrain ; il faut saisir toutes les dynamiques qui
les sous-tendent. Car comme l'écrit Georges Balandier cité par
Ngatom16(*): « Les sociétés ne
sont jamais ce qu'elles paraissent être ou ce qu'elles prétendent
être. Elles s'expriment à deux niveaux au moins, l'un superficiel
présente les structures `'officielles'' si l'on peut dire ; l'autre
profond, assure l'accès aux rapports réels les plus fondamentaux,
et aux pratiques révélatrices de la dynamique du système
social » (Balandier 1971).
Dans le cadre de cette étude, elle a permis de mettre
en évidence les logiques `'souterraines'' des politiques de ciblage dans
les projets de lutte contre la pauvreté. Ainsi, nous sommes partis de ce
qu'on voit dans la pratique sur le terrain sur la question du ciblage pour
saisir et comprendre les `'non-dits'' de ces politiques. En effet, dans le
cadre de la mise en place de politiques de ciblage pour la réduction de
la pauvreté, les acteurs développent différents discours
pour capter des contrats. Mais à l'observation, ces structures
fonctionnent comme des entreprises donc pourvoyeuses d'emplois. Pour ne pas
être en cessation d'activités donc assurer leur
pérennité, elles focalisent leurs interventions sur les
priorités éligibles au financement telles que définies par
les bailleurs de fonds. Du coup, elles construisent différents
plaidoyers autour du concept pauvreté ou vulnérabilité
pour capter des fonds en vue de justifier leurs intérêts et leurs
actions de terrain. Toutefois, les politiques de ciblage telles que
proposées lors des plaidoyers pour l'obtention des fonds ne sont pas
toujours celles exécutées pendant de la sélection des
nécessiteux. Des adaptations ou réadaptations des dites
politiques entrainent subséquemment les acteurs dans un cercle vicieux
en matière de lutte contre la vulnérabilité ; car
ceux qui devaient être pris en compte ne bénéficient pas
des projets.
5.2.2.2 L'analyse
stratégique
L'approche stratégique '(Crozier 1977) peut servir de
cadre théorique d'analyse des politiques de ciblage dans les projets de
lutte contre la pauvreté. Elle permet de comprendre d'une part les
normes, le jeu des acteurs et d'autre part, les stratégies, le point de
vue des acteurs, leurs pratiques concrètes, leur position dans
l'arène social de façon générale et les zones
d'incertitudes, dans la mesure où elle s'étend à toutes
les formes d'action collective. Ce cadre d'analyse est comme le souligne Jean
Pierre Chauveau '(Chauveau 1996), celui qui privilégie le point de vue
des acteurs.
L'approche stratégique part du principe que l'homme est
doté d'une rationalité limitée du fait que les
informations qu'il reçoit sont incomplètes, qu'il ne peut
explorer toutes les possibilités. Aussi, l'homme ne cherche pas à
atteindre nécessairement la solution optimale, mais tend à se
satisfaire d'une solution capable de procurer une satisfaction en rapport avec
son niveau d'information du moment. L'analyse du processus de décision
montre que l'individu est limité à travers les moyens qu'il met
lui-même en place, que les informations toujours incomplètes lui
parviennent de manière séquentielle et que la décision
vient des incertitudes.
Ainsi, l'étude des stratégies de ciblage dans
les projets de lutte contre la pauvreté revêt une importance pour
la compréhension de l'action des organismes de soutien sur la
réduction de la pauvreté en Côte d'Ivoire. Car toute
structure d'appui engagée dans les relations avec les bailleurs de fonds
dispose d'un `'cerveau'' et d'une marge de liberté (servir les
populations vulnérables ou non) qui la rendent capable de choisir la
stratégie à ses yeux la plus apte à servir son projet
(obtenir un financement). Subséquemment, il est rationnel de servir les
populations bénéficiaires lorsque cette activité (ciblage)
conditionne l'obtention du financement et il est également rationnel de
ne pas servir les populations bénéficiaires si la politique de
ciblage à exécuter n'améliore en rien les chances
d'obtenir un financement.
Une telle décision est rationnelle en ce sens qu'elle
est basée sur le calcul des chances de gain (obtention de financement)
en fonction des atouts (aptitudes à réduire la pauvreté),
des règles du jeu (domaines et critères de financement des
bailleurs de fonds) et de l'intérêt porté à l'enjeu
(Campenhoudt and Quivy 2006).
L'approche stratégique des acteurs se fonde par
ailleurs sur la notion de « champ » '(Bourdieu 1994)
entendu comme arène de confrontation de logique d'acteurs et
d'institutions. Pour Moore S.F le champ social est un champ semi-autonome dans
la mesure où le fait social est à la fois le produit de
règles, coutumes et normes internes à un champ bien
délimité et des règles, normes ou décisions
politiques au niveau national et international. Elle disait à
propos : «The semi-autonomous social field has rule making
capacities, and the means to induce and coerce compliance, but it is
simultaneously set in a larger social matrix which can, and does effect and
invalid it » (Moore 2000). L'approche de Moore permet d'analyser
les politiques de ciblage dans les projets de lutte contre la pauvreté
non pas comme une entité isolée mais faisant partie d'un ensemble
complexe de décision d'acteurs, d'institutions en interaction
permanente. Les politiques de ciblage apparaissent donc comme un champ de force
où les acteurs expriment des logiques et des intérêts
contradictoires mais aussi où différentes instances se retrouvent
et interagissent. Cette analyse a permis de percevoir les normes et principes
qui devraient prévaloir dans les politiques de ciblage. Normes qui sont
très souvent fluctuantes faces aux différentes variations des
données du terrain.
L'analyse stratégique a permis également
d'identifier dans la conduite du ciblage, les éléments
susceptibles d'expliquer le déphasage entre le recours accru aux
politiques de ciblage et les écarts constatés dans leur mise en
oeuvre effective. Les politiques de ciblage apparaissent comme l'expression
d'un ensemble de stratégies rationnelles qui concourent, outre la
réduction des risques, à l'accroissement des chances de
succès des projets de réduction de la pauvreté en
Côte d'Ivoire. Par conséquent, les conduites des acteurs doivent
être comprises comme des tentatives d'ajustement entre objectifs
organisationnels et visés propres dans l'optique d'un changement.
Par ailleurs, la sociologie de l'expérience
proposée par Dubet pourrait constituer un cadre d'analyse pour l'action
sociale (Dubet 1994). Pour cette théorie, les acteurs sont
déterminés par plusieurs logiques d'action et composent leur
expérience en articulant ces logiques en fonction de situations
définies comme autant d'épreuves leur permettant de construire
une identité et une action maîtrisées. Dans cette
théorie, une priorité est accordée aux points de vue des
acteurs car il n'est de conduite sociale qu'interpréter par les acteurs
eux-mêmes. Ceux-ci ne cessent de s'expliquer, de se justifier
étant donné qu'elle (la théorie) a pour objet de rendre
compte de la subjectivité des acteurs ; c'est-à-dire
révéler la conscience qu'ils ont du monde et d'eux-mêmes.
L'approche de la sociologie de l'expérience de l'action humanitaire dans
le cadre de ce mémoire prend ainsi en considération le point de
vue des acteurs dans l'analyse des situations investiguées. Ces
situations sont traitées comme des moments de l'évolution des
politiques de ciblage dans l'action humanitaire de CARE. Dans cette
perspective, l'objet de notre travail sociologique est d'expliquer et de
comprendre comment s'organisent les expériences des gestionnaires et des
bénéficiaires des projets CARE. Comment se présentent les
situations d'écart. Comment se résolvent concrètement les
contraintes qui se posent aux acteurs lors de la mise en oeuvre des politiques
de ciblage : en d'autres termes, comment les acteurs s'y prennent pour conduire
l'identification et la sélection des bénéficiaires des
projets.
5.2.2.3 La théorie de la
régulation et celle des jeux
Selon Reynaud, la régulation fait de la
réalité sociale ou de toute autre organisation comme les
structures d'appui ou bien les coopératives et les associations, une
interaction sociale réglée. Ce qui suppose un accord minimal
entre les différents acteurs sur ces règles. C'est leur
caractère collectif à l'origine de l'action collective qui en
garantit le respect par tous. La régulation révèle
l'exercice conscient et délibéré des membres individuels
ou collectifs du groupe ou de la société sur les règles et
normes en vigueur '(Reynaud 1997). La théorie de la régulation
permet de savoir comment les critères de choix des
bénéficiaires actuels ont été
élaborés et mis en oeuvre. Et quelles sont les réactions
qu'elles ont suscitées ? Comment les communautés
bénéficiaires des projets exercent-elles la pression sur ces
critères de sélection ?
Les critères de choix des bénéficiaires,
eu égard aux réactions qu'elles suscitent, ne sont pas le produit
d'une action collective entre initiateurs des projets (bailleurs de
fonds/structures d'appui) et les bénéficiaires, très
souvent, malgré le recours à l'approche participative et
communautaire dans la mise en oeuvre des programmes. Des stratégies sont
donc développées en fonction des visées propres de chaque
acteur soit pour faire partie des sélectionnés, soit pour
respecter l'enveloppe budgétaire du projet. Les bailleurs de fonds par
exemple, développent des stratégies (critères de
financement des projets, échéanciers des financements...) pour
contraindre les Organisations Non Gouvernementales et autres structures
intermédiaires au respect des règles formelles établies
qui reposent sur le modèle du ciblage cadrant avec leur domaine
d'intervention. Face aux exigences temporelles et aux contraintes liées
au savoir des communautés à la base, les structures d'appui
rendent flexibles ces règles, ce qui dilue les critères de
sélection des bénéficiaires. Partant, la régulation
contribue au travers des jeux des acteurs, à la fois au maintien souple
des politiques de ciblage et à leur adaptation.
Du coup, la théorie des jeux peut être un cadre
d'analyse des politiques de ciblage dans les projets de lutte contre la
pauvreté. Cette théorie des jeux suppose que les acteurs prennent
des décisions en fonction de certaines règles du jeu. Or la
modification des règles fait partie des stratégies des acteurs
pour qui consentir à une règle, c'est consentir à une
obligation (Reynaud op. cit).
Cette modification survient généralement lorsque
cette règle n'est pas le produit d'un effort collectif. L'approche de
l'analyse des jeux permet d'identifier les stratégies et les moyens
déployés soit par les structures d'appui ; soit par les
communautés bénéficiaires des projets pour la modification
des règles établies. L'enjeu étant tout naturellement de
contrôler les centres de régulation des politiques de ciblage.
La rigueur des critères de choix et leur application
immédiate peuvent conduire les organismes de soutien à la lutte
contre la pauvreté ou les bénéficiaires à se
détourner des dits critères et à organiser des circuits ou
critères parallèles. C'est ce qui fait que certaines structures,
comme CARE, font appel à des cabinets d'experts dans le cadre de la
sélection des bénéficiaires des projets qu'elles ont en
charge alors que cette opération devait se faire avec les
communautés à la base.
En somme, l'analyse sociocritique, l'analyse
stratégique et les théories de la régulation et des jeux
constituent le cadre théorique d'analyse utilisé pour
l'éclairage des politiques de ciblage dans les projets de lutte contre
la pauvreté. Elles nous ont permis de saisir la réalité
sociale en matière de ciblage dans les projets de réduction de la
pauvreté, les stratégies déployées par les acteurs,
leurs contraintes et les stratégies de contournement des contraintes.
6. Limites des options
méthodologiques et critique des données
De nombreuses limites ressortent des choix
méthodologiques opérés dans la compréhension et
l'analyse des politiques de ciblage dans les projets de lutte contre la
pauvreté dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire.
Nous avons utilisé l'entretien semi-directif pour la
collecte des données. Cette méthode comporte des limites qui
n'enlèvent en rien la crédibilité des informations et des
données. En effet, nous nous sommes appuyés sur des guides
d'entretien semi-directif, qui devait nous permettre de saisir et de comprendre
les grandes orientations présidant à la sélection des
bénéficiaires réels ou supposés des projets de
lutte contre la pauvreté. La limite majeure de cet instrument est qu'il
prenait en compte une multitude de préoccupations en même temps.
Cela a contribué à avoir de longues séances
d'entretien ; toute chose qui semblait jouer sur le temps de travail de
nos enquêtés. Car nos enquêtés nous recevaient
très souvent aux heures de travail, ils n'étaient donc pas
toujours disposés à nous consacrer un temps continu à
cause de leurs occupations. Par ailleurs, comme toutes les autres
méthodes qualitatives, l'une des principales limites est la
subjectivité d'autant plus que certaines personnes interrogées
ont tenté d'influencer l'interview. Cela s'est surtout manifesté
chez les gestionnaires de l'ONG CARE.
Néanmoins, les entretiens furent menés de
façon à suggérer une simple discussion : ils
restaient toujours ouverts, un guide d'entretien permettant d'aborder tous les
éléments importants au cours de l'entrevue. D'ailleurs, opter
pour ce genre discursif encourageait les enquêtés à
élargir leurs réponses, à les mettre en confiance et
parfois à aborder des questions que nous n'avions pas
soulevées ; les plus intéressantes étaient ensuite
réintégrées dans les entretiens ultérieurs.
Nous avons également rencontré une
difficulté quant au choix d'une technique d'échantillonnage et
son degré de fiabilité. Nous avons opté pour la technique
de l'échantillonnage théorique en nous appuyant sur
l'échantillon par contraste-approfondissement. L'application de cette
technique d'échantillonnage a rencontré certaines
difficultés dans sa phase opérationnelle. Compte tenu du fait que
nous n'avons pas suffisamment de temps, nous n'avons pas pu intégrer un
certain nombre d'acteurs qui nous semblaient importants.
En ce qui concerne les données utilisées dans
cette étude, elles sont de deux ordres. Au niveau des informations
issues de la documentation, elles étaient multiples ce qui a
contribué à perdre de vue certains quasi essentiel dans leur
exploitation. En plus, nous nous sommes basés sur les rapports
d'exécution et d'évaluation des projets élaborés
par CARE pour décrire les projets retenus dans le cadre de la
présente étude sans avoir eu suffisamment de temps de confronter
ces informations au terrain. Par ailleurs, la fiabilité des
données d'entrevues se posait car certains enquêtés
passionnés qu'ils étaient semblaient vouloir nous montrer
l'intérêt de leurs actions à travers leurs propos.
Toutefois, nous espérons que ces diverses limites n'ont eu qu'un impact
minime sur la validité des résultats de la présente
recherche.
Dans la phase de terrain proprement dite, nous avons
également eu des difficultés à trouver un organisme
humanitaire prêt à nous ouvrir ses portes pour l'enquête de
terrain. En effet, prévu pour faire une étude comparative des
politiques de ciblage des bénéficiaires des nombreuses ONGs
exerçant dans l'Ouest, nous nous sommes résignés à
travailler avec CARE la seule structure qui a manifesté de
l'intérêt pour cette étude après plus d'un an de
négociation. Cela a contribué à nous prendre assez de
temps pour l'achèvement du présent document.
7. Plan de restitution des
résultats
Les résultats de cette étude sont
organisés autour de deux parties :
· La première partie traite de la
présentation des résultats. Elle comporte deux chapitres. Le
premier chapitre porte étroitement sur les caractéristiques
générales de la zone d'étude ; le second a trait
à la présentation de quelques projets exécutés par
CARE dans la zone d'étude.
· La seconde partie concerne la discussion : les
effets de la mise en oeuvre des politiques de ciblage dans les projets de lutte
contre la pauvreté.
RESULTATS
PREMIERE PARTIE : Présentation de la
zone d'étude et des projets PARCI, ECHO et AUDIO
Chapitre premier :
Caractéristiques générales de la zone...
La connaissance du champ de l'étude passe par un bref
exposé sur ses caractéristiques générales qui
portent sur la localisation géographique du site d'enquête, ses
attributs démographiques et socio-professionnels voire l'état de
la pauvreté dans la zone.
I.1-...de Man
I.1.1- Localisation et
démographie
Située à 578 km d'Abidjan, la ville de Man est
située dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire entre le 07°20 et
07°35 latitude Nord et le 07°25 et le 07°45 de longitude Ouest.
Elle appartient au département du même nom. Ce département
couvre huit Sous-préfectures : Man, Semian, Facobly, Kouibly,
Trokpadrou, logoualé, Nidrou et Sanguiné. Cette entité
administrative fait partie d'une plus grande qu'est la région des 18
Montagnes dont la ville de Man constitue le chef-lieu de région. Elle
est limitée au Nord par les départements de Biankouma et
Séguéla, au Sud par celui de Bangolo, à l'Est par le
département de Vavoua et à l'Ouest par celui de Danané
(voir carte page 39-40). Avec une superficie de 4.740, 7 km2, cette zone avait
une population estimée à 366.916 habitants avant la guerre dont
90% était des jeunes (RGPH 98).
Man et sa région sont une zone assez humide du fait
d'une part de sa situation en altitude particulière et d'autre part de
son couvert forestier, ce qui lui confère une importante activité
agricole. La zone est drainée par un réseau hydrographique assez
important. En outre son massif montagneux et ses sites naturels en font une
région touristique très prisée. D'autres activités
telles que le commerce, l'artisanat et l'élevage constituent de loin les
activités économiques dominantes de la région.
Du point de vue de la composition ethnique, Man est une
localité relativement homogène. Le département est
majoritairement peuplé de Dan (Yacouba), de Wê (wobé,
guéré) et de Toura des démembrements du groupe
Mandé du sud. En plus de ces populations autochtones, d'autres
populations venues du Nord et du Centre de la Côte d'Ivoire (Mahou,
Dioula, Malinké, Sénoufo, Baoulé...) et des pays voisins
dont la Guinée du fait de sa proximité, le Mali, le
Libéria et la Sierra Léone (surtout à cause de la guerre
dans ces derniers pays cités), le Burkina Faso et le Nigéria,
constituent les plus fortes présences humaines dans ce
département.
Carte 1: Présentation du département de
Man
Carte du département de Man
I.1.2-
La situation socio-politique et état de la pauvreté à
Man
Le département de Man à l'instar de tout le
grand Ouest n'a pas bénéficié de nombreux programmes de
développement régionaux initiés par l'État
(Houhouot 2002). Cependant on peut signaler qu'un vaste programme a
été initié pour rattraper le retard pris sur les autres
régions du pays dans la zone. Ainsi un programme dénommé
Bad/Ouest a vu le jour dans les années 1990 afin de permettre aux
populations des localités de l'Ouest d'avoir un niveau de vie et de
revenu sensiblement rehaussé. Ce programme a permis d'installer
près de 3000 jeunes dans les domaines agricoles et pastoraux. Plusieurs
projets : Bad/élevage, Bad/Ouest financés par la BAD ont
participé de la sorte à la mise en place d'unités
d'élevage et de pisciculture voire des exploitations agricoles. Ces
investissements n'avaient pas encore donné les attentes escomptés
de ces projets lorsque survinrent les évènements de 2002.
Suite à la crise militaro-politique, la ville de Man,
à l'instar de presque toutes les localités du Nord du pays,
où les rebelles du MPIGO et du MJP ont réussi à
s'implanter, a connu des conséquences sur la vie sociale,
économique, sanitaire voire politique. En effet, l'impact de cette crise
sur la région et plus particulièrement sur la ville de Man est
important, plongeant davantage les populations dans la pauvreté et la
précarité. Malgré l'absence de statistiques
nationales voire régionales claires, l'on note selon une étude
réalisée par le CERDI/CNRS (2001) que d'importantes
différences de niveau de vie apparaissaient avant la crise entre les
villages en fonction des agro-systèmes auxquels ils appartiennent,
ceux-ci déterminant l'aptitude des populations à pratiquer les
spéculations de rente. Ainsi ces différences, beaucoup
plus perceptible au niveau du revenu annuel moyen sont moins significatives
lorsque rapportées à l'habitat ou à la valeur du
patrimoine des populations. En effet, selon qu'elles pouvaient ou non s'adonner
à la culture du café ou du cacao, les populations des villages du
département de Man touchés par cette étude avaient un
revenu plus important que ceux des autres villages n'ayant pas cette
capacité de production du fait de leur situation géographique.
Mais la crise a bouleversé tout ces acquis locaux au point où les
populations ont perdu tout leur patrimoine.
Par ailleurs, l'activité touristique, moteur de
l'activité économique à Man a marqué un arrêt
dans certains domaines tels que l'hôtellerie, l'artisanat, la visite de
sites touristiques et la restauration ou, a subi une grande baisse dans les
secteurs de l'élevage, l'agriculture et le transport. En effet, les
acteurs exerçant dans ce domaine et/ou dans des domaines connexes ont
subi par voie de conséquence la baisse de leur pouvoir d'achat.
Sur le plan social, l'on a pu observer à partir d'un
diagnostic que la population du département de Man a diminué
à cause de la situation de guerre qui est intervenue depuis le 28
novembre 2002 dans la zone. Certaines populations en l'occurrence les
fonctionnaires, les élèves, les agents du secteur privés,
les commerçants, les employés de l'administration publique ont
dû fuir la région. Toutefois, la ville de Man elle-même a
reçu de nombreux déplacés fuyant les affres du conflit
dans les zones reculées. Selon le comité des
déplacés mis en place aux premières heures de la crise
estimait à 10.000 déplacés à Man.17(*) Ce chiffre a connu une hausse
au fil du temps. Ainsi la précarisation des conditions de vie a
entrainé pareillement l'accroissement de la pauvreté individuelle
ou collective des populations de Man.
Au total, Man, capital de la région du 18 montagnes est
passé depuis novembre 2002 sous le contrôle de la rébellion
armée. Au départ dirigé la les forces du MPIGO et du MJP,
la ville de Man est gouvernée par un commandant de zone établi
par les Forces Nouvelles. Cette occupation conjuguée avec les effets
dévastateurs du conflit a davantage accru les écarts en
matière des inégalités et de la pauvreté des
communautés entre elles et aussi entre la région en
général et les zones restées sous le contrôle
gouvernemental. La quasi-absence de l'État et de ses services de base
sur l'étendue de la région a été palliée par
une prise en charge des populations par les organisations humanitaires.
Celles-ci ont entrepris des actions en vue de relancer ou de démarrer
l'activité économique des groupes vulnérables pour
améliorer leur revenu. En plus d'autres initiatives ont
été menées dans les domaines de la réhabilitation
communautaire et du soutien médical.
I.2-...de Duékoué
I.2.1- Localisation et
démographie
Située à 484 Km d'Abidjan, la ville de
Duékoué est le chef lieu d'un département faisant partie
de la région administrative du Moyen Cavally. Ce département est
limité au Nord par celui de Bangolo, au Sud par le département de
Guiglo, à l'Est par celui de Daloa et à l'Ouest par celui de
Buyo. Il couvre une superficie de 3016 km2 et a une population de 198.047
habitants selon le RGPH98. Sa densité est de 68,5 hab. /km2. Aussi, le
département se compose-t-il de cinq sous-préfectures notamment
les sous-préfectures de : Bagohouo, Duékoué, Gbapleu,
Guezon, Guiehiebly (Cf. carte page 43-44).
C'est une zone ayant un climat de type montagneux humide avec
un couvert végétal constitué de forêt et de plus en
plus de savane compte tenu de la déforestation avancée. Au niveau
du relief, rappelons que la région de Duékoué est une
région semi-montagneuse à l'instar de toute la zone Ouest du
pays. Drainée par une hydrographie importante conjuguée avec une
pluviométrie assez régulière, les populations du
département de Duékoué se sont orientées vers
l'exercice de l'agriculture qui est de loin la première activité
économique.
Sur le plan du peuplement, la région de
Duékoué est occupée par les autochtones Wê, un sous
groupe de l'aire ethnique Mandé du Sud. Cette composante regorge en son
sein des entités plus petites (Wobé et Guéré) qui
sont reparties en plusieurs groupes de villages ayant des origines communes.
Au-delà ce groupe ethnique, Duékoué est habité par
les Yacouba et d'autres peuples migrants tels que les Baoulé, les Agni,
les Andoh, les malinké, les Sénoufo, les Dioulas...
Au-delà de cette composition des populations venues des pays de la sous
région cohabitent avec les populations ivoiriennes de
Duékoué. Nous pouvons citer entre autres : les
Burkinabè, les Malien, les Guinéen, les Mauritanien, les
Béninois etc. Ces communautés vivaient dans une
convivialité avant que les évènements de septembre 2002 ne
viennent distendre leurs relations.
Carte 2: Localisation des
sites enquêtés dans le département de
Duékoué
CARTE du département de
Duékoué
I.2.2-
Situation socio-politique et état de la pauvreté à
Duékoué
Le département de Duékoué a
été fortement ébranlé par la crise de septembre
2002. En effet, le déroulement du conflit ivoirien s'est vite
transformé à Duékoué en des attaques
intercommunautaires. Ces attaques entre communautés allogènes
voire allochtones et autochtones se déroulaient, soit de façon
directe, soit par milices interposées. Elles se sont soldées par
des tueries tant d'autochtones que d'allochtones dont celles de Petit
Bouaké et Guitrozon restent marquées dans les esprits18(*). Ces attaques sont pour tout
dire l'émanation de tensions anciennes découlant de la
compétition entre communautés autour de la terre. Globalement,
elles rendent compte, de façon tragique, des difficultés de
cohabitation entre différente communautés ayant des cultures et
des origines diverses et que l'intérêt commun pour la terre et son
exploitation à des fins agricoles a contribué à rassembler
sur une même contrée. Il est en effet né de cette
coexistence au forceps, des différences et des
déséquilibres en termes de niveau de richesse et de poids
démographiques. Les inégalités nées de la mise en
valeur et de l'exploitation des ressources ont donc servi à entretenir
et à nourrir une conflictualité dans la région dont tous
disent être les victimes.
Les effets des différents affrontements dans la
région de Duékoué sont dévastateurs sur les
populations. Malgré l'imperfection du système d'information sur
la pauvreté en Côte d'Ivoire, force est de reconnaître que
la région Ouest en général, et en particulier le
département a beaucoup souffert de la crise militaro-politique. En
effet, la particularité du conflit à Duékoué est
qu'il opposait des autochtones aux populations migrantes ou immigrantes dont
l'essentiel de leur activité était de type agricole. Ainsi les
divers affrontements intercommunautaires ont eu des incidences importantes sur
l'économie de plantation de la région. Cette économie,
dominée par les cultures du café, du cacao et de quelques
produits vivriers, a connu une chute. Car les paysans installés dans les
profondeurs des forêts ont abandonné leurs exploitations à
cause des expéditions meurtrières dans leurs campements, ou bien
de la confiscation de leurs plantations. (Gbadamassi Jeudi 2 juin 2005)
En outre, la ville de Duékoué, première
ville située dans la zone dite de `'confiance''- donc en zone
gouvernementale- a reçu une forte population de déplacés
fuyant les affres des tueries dans les campagnes et même de la zone
contrôlée par les rebelles. Cet accroissement subit de la
population de la ville de Duékoué a vite fait de constituer une
contrainte. En effet, le fort taux de déplacés a eu des
incidences sur les conditions de vie des communautés en ce sens qu'il y
a une forte pression sur les infrastructures économiques existantes,
entrainant par conséquent leur surexploitation ou leur insuffisance
criarde. Rappelons qu'à Duékoué et dans certains des
villages attachés au département, les infrastructures avant la
crise étaient souvent insuffisantes ou fonctionnaient par intermittence.
Avec la destruction ou l'abandon des infrastructures socio-sanitaires et la
dégradation des infrastructures routières, la
déstructuration des circuits d'échanges traditionnels, le
détournement des flux économiques, la paupérisation s'est
renforcée dans toutes les couches sociales, les conduisant à la
précarisation des conditions de vie. Dans ces conditions, le taux de
pauvreté, déjà important dans la zone ne cesse de
croître (Réseau d'information régional
intégré des Nations Unies, 2006).
Dans de telles conditions, il s'est créé un
vaste champ d'interventions touchant à des domaines variées de la
vie sociale et économique dont la réhabilitation des
infrastructures communautaires et la lutte contre la pauvreté. Dans ces
domaines, les ONG internationales se sont positionnées en monopole et
quadrillent la zone Ouest montagneuse en termes d'interventions, quand bien
même leurs interventions ne constituent pas de véritables actions
de développement comme elles le laissent entendre. En fait, les
activités génératrices de revenus constituent un maillon
important permettant aux populations à la base, du fait de la perte de
leurs outils de production, de développer des activités
économiquement rentables et porteuses, capables d'améliorer leurs
conditions économiques. C'est donc en filigrane, à un
redémarrage ou à une initiation d'activités
économiques que s'adonnent les organismes de soutien dont CARE.
Quelles sont les projets conduits par l'ONG CARE à
Duékoué et à Man ? Comment a-t-elle
opéré la sélection des bénéficiaires des
différents projets qu'elle a initié ?
Chapitre II :
Présentation de quelques projets à Man et
Duékoué
Ce chapitre est consacré à la
présentation générale de trois projets
exécutés par CARE dans le cadre des programmes d'urgence de
cohésion sociale avec un arrière plan de relance
économique et de lutte contre la pauvreté. Il y sera
exposé le contexte d'émergence desdits projets, leurs objectifs,
leurs normes et les écarts des politiques de ciblage des
bénéficiaires de chacun des projets sélectionnés
dans le département de Duékoué et de celui de Man. Nous
traiterons donc du projet ECHO, du projet PARCI et du projet AUDIO.
II.1-Du projet ECHO
II.1.1- Zone d'intervention
Echo est un projet qui a été
exécuté dans la Régions du Moyen Cavally à
Duékoué précisément dans les localités de
Fengolo et Toa Zéo.
II.1-2. Contexte d'émergence du projet
Les départements de Duékoué et de Man ont
été profondément affectés par les affrontements
entre belligérants. Ces affrontements ont été
accompagnés de destruction d'infrastructures socio-sanitaires et, plus
encore, d'une forte dissension sociale. Ainsi, la cohabitation
inter-communautaire se caractérise aujourd'hui par une crispation
identitaire nourrie en grande partie par des suspicions, des rancoeurs, des
ressentiments et la méfiance généralisée. En outre,
la dégradation des infrastructures routières, la
déstructuration des circuits d'échanges traditionnels, le
détournement des flux économiques, la paupérisation des
couches sociales traduisent, entre autres, l'état d'effondrement d'une
économie locale qui ne repose, en grande partie, que sur
l'activité agricole. La gouvernance locale a, elle aussi,
été fortement ébranlée. Celle-ci, pendant un temps
dans certains villages de Duékoué, est passée aux mains
des Forces Nouvelles qui, pour s'assurer le contrôle des
localités, ont procédé à l'imposition
d'autorités de fait. La zone de Man elle, est restée
entièrement sous leur contrôle. Il s'est donc créé
une sorte de vide en termes de gouvernance pour ce qui est de la
représentation officielle de l'État au niveau du chef-lieu. Dans
les zones rurales également, les différents chefs (famille,
terre, masque, village etc.) ont fui leur village sujet à des attaques.
Ainsi, de nombreux défis en matière de développement et
surtout de restauration du capital « confiance » entre les
populations se posent. En effet, face à l'ampleur du désastre
humanitaire induit par les tueries et les déplacements de populations,
les autorités n'ont pas réussi à apporter une
réponse adéquate à la demande sociale massive de prise en
charge psychosociale et économique des populations. Ces dernières
ont donc eu le sentiment d'avoir été délaissées par
des élus locaux qui n'ont pu leur dispenser de soutien que par
« doses quasi homéopathiques » ; le territoire
des départements étant grand, sans grand moyens et non
contrôlé par l'État de Côte d'Ivoire.
Dans ce contexte, il s'est créé un vaste champ
d'interventions touchant à des domaines variés de la vie sociale
et économique dont la réhabilitation des infrastructures
communautaires et la lutte contre la pauvreté. Par ailleurs, la
fragilisation des structures modernes et traditionnelles de régulation
sociale et politique, conjuguée à l'importante demande sociale de
pacification des relations intercommunautaires, a induit le positionnement de
nouveaux « entrepreneurs sociaux » sur le marché de
la médiation. Ces « entrepreneurs sociaux » sont les
ONG internationales (IRC, CARE, GTZ) voire nationales et leurs sous-traitants
(ICC), les comités de paix installés dans les villages, les
comités de gestions des infrastructures réhabilitées dans
les zones d'interventions des organismes d'appui... Mobilisant discours de non
violence et art oratoire, ces acteurs locaux assument des fonctions de
médiateurs promouvant, de la sorte, la cohésion sociale entre les
communautés.
Afin de restaurer le capital social dans les zones
d'intervention et redynamiser la cohésion sociale entre les
communautés autochtones, allochtones et allogènes au retour des
personnes déplacées internes (PDIs), CARE a exécuté
de 2006 à 2008, ce projet de paix et de cohésion sociale
financé par l'Union Européenne (UE) et dénommé ECHO
(Assistance d'urgence aux populations de l'Ouest directement affectées
par la crise en Côte d'Ivoire) d'une durée de 13 mois.
Initialement prévu pour 8 mois, il a duré 13 mois soit de Mai
2006 à juin 2007.
II.1.3- Objectifs du projet
L'objectif général qui sous-tendait le projet
était la restauration du capital social des villages cibles et le
rétablissement/ la redynamisation de la cohésion sociale entre
les communautés autochtones, allochtones et allogènes
après le retour des personnes déplacées internes.
Des objectifs spécifiques étaient liés
à l'objectif global. Dans cette optique, les actions menées par
CARE devaient conduire à :
Favoriser jusqu'à décembre 2006, le retour les
personnes déplacées internes dans leurs villages
d'origine ;
Contribuer à un accès décent et
sécurisé au logement des populations aussi bien autochtones,
allochtones qu'allogènes retournées ou restées sur
place ;
Contribuer à l'amélioration sanitaire et
hygiénique des populations à travers la construction
d'installations sanitaires ;
Favoriser l'accès à la nourriture et à
l'eau potable pour toutes les populations autochtones, allochtones et
allogènes des villages ciblés.
II.1.4- Catégories d'activités
Le projet ECHO s'inscrit dans le volet des projets dits
d'Assistance humanitaire d'urgence. En lien avec les objectifs de
départ, cinq grandes catégories d'activités ont
été initiés. Il s'agit de :
a) le retour des personnes déplacées
internes
Le projet a oeuvré pour le retour de 90% de la
population déplacée estimée à 15086 personnes au
niveau des deux localités bénéficiaires. Ce retour s'est
fait en vagues successives en fonction de l'indice sécuritaire de la
région mais également en lien avec la réhabilitation des
infrastructures communautaires et privées. En effet, les populations
déplacées acceptaient de revenir dans leurs villages si un
certain nombre de réalisations étaient mis en oeuvre. Parmi ces
voeux, nous citons entre autres la réhabilitation de points d'eau, de
l'école, du centre de santé ou la construction d'une case de
santé et la réhabilitation de maison privées.
b) la restauration de la cohésion
sociale
La fissure sociale dans l'Ouest ivoirien est bien profonde.
Des conflits fonciers, politiques et interethniques latentes ont
été exacerbés par la crise créant du coup
désolation et ruine dans les rapports entre les différentes
communautés du département de Duékoué. Pour
restaurer la cohésion au sein de ces localités l'équipe a
d'abord initié l'organisation des séances de Brainstorming et de
MARP pour mieux comprendre les origines des conflits. Elle a ensuite
organisé des séances de Médiation/Négociation, et
enfin, l'équipe de CARE a initié des cérémonies de
pardon et des réunions d'explication et d'informations aux
différentes parties en présence. Ces journées de
réconciliation ont été déjà
organisées sur les deux sites avec le financement du PNUD. Plus de 5
séances de travail ont finalement abouti à l'organisation d'une
célébration festive de la cohésion retrouvée
à travers deux journées de réconciliation à Fengolo
et à Toa-Zéo. Lors de ces journées, un match de football
avait été organisé et opposait tous les jeunes du village
et des campements environnent aussi bien les autochtones que les allochtones
voire les allogènes.
c) La réhabilitation des habitats et la
distribution de kits ménagers aux
communautés des deux villages
Les affrontements intercommunautaires avaient conduit les
belligérants à bruler et/ou à démolir partiellement
ou entièrement les maisons des villages de Fengolo et Toa Zéo
(voir photo 1 et 2). Ces affrontements ont mis aux prises les
communautés autochtones Guéré et les migrants
(Baoulé, Groussi, Mossi, Dioula...). Face à l'atrocité des
actes belliqueux, les populations autochtones en infériorité
numérique dans ces villages ont dû fuir pour se réfugier
à Duékoué. « Quand on est parti à
Duékoué, nous on a souffert là-bas. Et quand les gens ont
dit de revenir au village, on a vu que ça peut nous arranger mais on
avait encore peur. Bon on est venu mais y avait plus rien vous voyez ?
Même les marmites que nous avons laissées ici ont
été volées. Comment vous voulez qu'on revienne vivre
alors ?...» (Propos issu du Focus group de Fengolo). La phase de
l'accalmie caractérisée par le rétablissement du tissu
social favorisait le retour progressif des déplacés. Cependant,
à leur arrivée au village, ces déplacés n'avaient
plus aucun patrimoine et donc se retrouvaient complètement
démunis car tout ayant été pillé ou brulé.
Pour pallier cette situation de précarité, CARE par le biais du
projet a mené des actions en vue de reconstituer le matériel des
populations rendues vulnérables.
C'est dans ce cadre que 218 maisons ont été
réhabilitées à Fengolo et Toa-Zéo pour permettre
aux personnes retournées de pouvoir se loger. En plus de la
réhabilitation de logements, 310 kits ménagers ont
été distribués aux bénéficiaires des deux
villages confondus dont 150 kits à Fengolo et 160 kits à
Toa-Zéo. Rappelons qu'un kit ménager était composé
de : 1 moustiquaire imprégnée, 2 nattes, 2 marmites, 1
bassine en plastic, 1 bidon de 20 litres, 1 seau avec couvercle, 1 seau sans
couvercle, 1 louche, 1 écumoire, 1 couteau de cuisine, 5 gobelets en
plastic, 5 cuillères, 5 assiettes en plastic. Par ailleurs, 450
moustiquaires ont été distribuées aux ménages
allogènes et allochtones restés sur place.
d) la réhabilitation des pompes
hydrauliques
Pour permettre un accès adéquat à l'eau
potable aux communautés rurales, sur le projet ECHO, l'ONG CARE a
initié des travaux de réhabilitation de deux pompes hydrauliques
en panne depuis des lustres dans la localité de Toa Zéo où
elle exerçait. Quant au village de Fengolo, il avait déjà
bénéficié d'autres bailleurs - à travers le projet
ABRIS du PNUD et le projet AUDIO financé par OFDA /USAID - la
réhabilitation de deux pompes hydrauliques villageoises.
e) la distribution des vivres et de
semences.
L'agriculture est de loin la principale activité de la
région de l'ouest à cause de son important couvert forestier.
C'est d'ailleurs à cause des conflits autour de cette ressource qui se
raréfie, que les communautés sont obligées de
délaisser leurs exploitations pour des problèmes d'ordre
sécuritaire. Cela a eu pour conséquence la menace de la famine vu
que d'une part il y a eu arrêt de la production et d'autre part l'on a
assisté au manque d'intrants voir de main d'oeuvre après le
retour des personnes déplacées sur leurs exploitations. Cette
dernière contrainte empêchait la relance de l'activité
agricole. Face aux difficultés des populations, le projet a
procédé à des opérations de distribution de vivres
avec l'appui du PAM. Ainsi 657 individus ont bénéficié de
kits alimentaires parmi lesquels nous avons les travailleurs communautaires,
c'est-à-dire les personnes apportant leur contribution sur les
différents chantiers de réhabilitation (école, case de
santé, latrines...) et les personnes retournés du mois
d'Août 2006 à Toa-Zéo. En ce qui concerne les distributions
de semence prévues pour 240 ménages à
Toa-zéo ; elles n'avaient pas eu lieu compte tenu du
déplacement incessant des populations à cause des
problèmes d'insécurité et de cohésion sociale.
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Photo 1: Bâtiment
démoli par une lance roquette à Tao Zéa
Source : Réalisée par
CARE-CI
Photo 2: Maison
détruite lors des affrontements intercommunautaire à
Fengolo
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Source : photo réalisée
par Care-ci
f) la construction de latrines
publiques
Le problème de l'assainissement couplé à
l'état hygiénique général demeure au coeur des
préoccupations du point de vue environnemental et sanitaire pour CARE.
À la suite de l'abandon sur une période relativement longue des
villages de Fengolo et Toa Zéo par leurs habitants, la broussaille avait
envahi lesdits villages. Aussi les ménages des localités
sus-citées utilisent la nature comme lieux d'aisances
privilégiés. Cette situation est à la base de nombreux
problèmes sanitaires. CARE au début du projet a incité les
communautés à assainir leur différent village par le
désherbage. Ensuite elle a procédé à la
construction de latrines publiques pour tenir compte des besoins d'aisance de
personnes âgées, des enfants voire des femmes enceintes. Au total
13 blocs de latrines ont été construites dans les deux villages
comportant en tout 40 cabines dont 26 à Fengolo et 14 à Toa
Zéo.
Tableau 2:
Récapitulatif des résultats des activités du
projet ECHO
Nature de l'activité
|
Nombre de bénéficiaire
|
Fengolo
|
Toa-Zéo
|
Total
|
Retour des personnes déplacées internes
|
4774
|
10312
|
15086
|
Réhabilitation de maisons privées
|
113
|
105
|
218
|
Distribution de kits ménagers
|
150
|
160
|
310
|
Distribution de vivres
|
0
|
240
|
240
|
Réhabilitation de pompe hydraulique
|
0
|
2
|
2
|
Construction de latrines publiques
|
7 blocs de 26 cabines
|
6 blocs de14 cabines
|
13 blocs de 40 cabines
|
Restauration de la cohésion sociale19(*)
|
6 séances de réunions +
1 journée de réconciliation
|
3 séances de réunions + 1
journée de réconciliation
|
11 séances de réunions +
2 journées de réconciliation
|
Source : Notre enquête Juillet 2009
II.1.5- Ingénierie du ciblage des
bénéficiaires du projet
Les principales orientations de l'ONG CARE en rapport avec le
Projet ECHO sont liées à la mise en oeuvre de projets de
cohésion sociale au sein des communautés ayant été
victimes des affres des conflits intercommunautaires. Dès lors les
projets autour desquels la cohésion sociale peut naître sont donc
priorisés. Dans ce sens, les projets tels que : 1) la
réhabilitation communautaire (pompes hydrauliques et points d'eau,
écoles, maisons brûlées ou décoiffées, cases
de santé...), 2) la distribution de kits aux personnes
déplacées internes, 3) la mise en route d'Activités
Génératrices de Revenus communautaires (moulin, fermes
agro-pastorales, décortiqueuses ambulantes...). Les projets de
réhabilitation des habitats et de distribution de kits tendent à
cibler les vulnérables, potentiels bénéficiaires, en
fonction du degré d'affectation des localités par les conflits
voire des ménages.
II.1.5.1 - Populations
cibles
Les bénéficiaires du projet d'Assistance
d'urgence aux populations de l'Ouest directement affectées par la crise
en Côte d'Ivoire sont constitués des populations
déplacées dont les maisons ont été détruites
(160 ménages prévus), ainsi que les populations restées
sur place (allochtones et allogènes), particulièrement les
familles des OEV/PVVIH et les travailleurs communautaires (participants aux
travaux de réhabilitation aux côtés des familles
retournées en vue de recréer les liens sociaux). Des
critères précis de vulnérabilité ont
été définis pour le choix de ces
bénéficiaires.
II.1.5.2 -
Méthodologie d'identification et de sélection des
bénéficiaires
Le ciblage des bénéficiaires de cette
intervention a été fait en suivant une démarche `'dite''
participative impliquant les différentes parties prenantes,
principalement toutes les populations affectées par la crise. Cependant
rappelons pour des fins utiles que le ciblage même des zones
d'intervention répond à une logique de pérennisation de
projets menés antérieurement sur les sites ciblés.
« Nous avons obtenu avec AID-CI un financement PNUD grâce
à OCHA à travers le programme ABRIS pour mener des
activités de cohésion sociale dans ces deux villages. Dans
l'exécution de ce projet Abris dénommé `'Restauration du
capital social'' s'étendant sur deux mois, nous avons fait le constat
que les besoins des villageois affectés demeurent entiers et
nécessitent des financements plus importants pour connaître un
début de solution. C'est ainsi que nous avons écrit un projet que
nous avons soumis à ECHO...» Extrait de l'entretien avec K.G,
chef de projet à CARE Man.
L'ingénierie du terrain commence d'abord par la
réalisation d'une analyse globale et détaillée de la
situation initiée à travers ce que CARE nomme le diagnostic de
base. En fait, cette activité de départ avait pour but
d'identifier les « contraintes intercommunautaires » de
chaque localité ciblée. Pour CARE, ce préalable permettait
d'une part aux agents de terrain de mieux saisir la nature profonde des
conflits du village de sorte à disposer de repères de base dans
leur relation avec les différentes communautés du village.
D'autre part, le diagnostic de base permettait l'élaboration d'un
document de travail consignant les opportunités, contraintes,
potentialités, et besoins de chaque localité ainsi que les
variables socioculturelles susceptibles d'influencer les conduites des
communautés. Toutes les interventions ont été
proposées selon CARE par les populations des villages de Fengolo et Toa
Zéo puis elles ont été analysées ensemble avec
l'équipe technique de CARE. L'intervention principale qui est la
réhabilitation des maisons détruites est perçue par les
populations elles-mêmes comme étant le point de départ de
tout début de réconciliation entre communautés en conflit.
Il apparaît une certaine logique entre les résultats de
l'évaluation, l'analyse du problème et les interventions
proposées pour cette opération d'urgence. Mais en fait quels sont
les critères et mécanismes d'identification des
bénéficiaires des réhabilitations de maisons et de
distribution de kits ménagers?
Les critères de choix des
bénéficiaires de la réhabilitation de maison
Le programme de réhabilitation des maisons
privées dans le cadre du projet ECHO visait essentiellement les
ménages déplacés. L'ONG CARE dans la phase
préparatoire du programme avait proposé un certain nombre de
critères de vulnérabilité aux populations de Fengolo et
Toa Zéo. Ceux-ci se résumaient comme suit : les
ménages déplacés, les ménages comptant plus de10
personnes, les ménages ayant en charge de nombreux enfants de moins de
six (06) ans, les ménages ayant une femmes pour chef , les femmes
enceintes, les handicapés sans ressource financières et sans
soutien, les enfants chefs de ménage et/ou les orphelins et enfants
vulnérables, les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et les
vieillards.
En complément à ces critères
proposés par CARE, les villageois en ont émis d'autres. Aussi
avaient-ils ajouté le critère de premier retourné au
village, les chefs de communauté, mais surtout la participation des
potentiels bénéficiaires aux travaux communautaires. Sur ce
dernier point, signalons qu'avant d'entreprendre la réhabilitation des
habitats privés, CARE procédait à la réhabilitation
d'infrastructures communautaires (cases ou centres de santé,
écoles, pompes hydrauliques...). Lors de ces travaux
d'intérêts communs toutes les communautés aussi bien
autochtones, allochtones qu'allogènes étaient
sensibilisées à apporter leur force de travail en termes de main
pour l'approvisionnement du chantier en matériaux de construction tels
que le sable et le gravier, l'eau ou même la fabrication local de
géo-bétons ou en temps qu'aides maçon...
« Lorsque CARE nous a demandé de donner des
critères pour qu'on choisisse des gens qui vont avoir leur maison
refaite par eux, nous on a dit que les vieux qui n'ont plus de soutien et les
femmes veuves doivent être d'abord choisi. Et puis on peut choisir aussi
les gens qui sont venus et chez qui vivent des enfants qui ont perdu leurs
parents dans la guerre. Pour les autres, il faut regarder si la personne
travaille bien dans ce qu'on fait depuis au village comme la construction de
l'école, transport du sable pour construire aussi la case de
santé, on prend aussi en compte si l'individu est toujours là
quand on travaille... » (Extrait du Focus Group de Fengolo)
En ce qui concerne la distribution des kits ménagers,
les bénéficiaires étaient les populations des
ménages déplacés qui acceptaient de retourner dans l'un
des deux villages cibles, qu'ils soient autochtones, allochtones ou
allogènes et dont la maison aurait été
réhabilitée ainsi que celles des ménages
vulnérables restés sur place allochtones ou allogènes. Ils
ont été choisis conformément aux conditions qui
étaient arrêtées de façon participative.
Pour les autres interventions (réhabilitation de pompes
hydrauliques, construction de latrines, réhabilitation d'école,
d'AGR communautaire etc.) visant l'ensemble de la population, il n'était
pas nécessaire de définir des critères d'identification
avec les populations. CARE détenait seule ses critères
d'appréciation du ciblage géographique de ses zones
d'intervention. Elles reposaient essentiellement sur la philosophie des projets
de cohésion sociale. `'Do no harm'' est une approche qui consiste
à poser des actes qui ne seront pas sources de tentions plus tard au
sein des communautés bénéficiaires de programmes.
Dès lors à partir de l'étude diagnostique de base
effectuée avant le démarrage du projet, CARE prenait en compte la
démographie du village, le nombre de déplacés
recensé dans le village, le nombre de déplacés
retournés, l'existence de conflits ouverts ou latents dans la
localité, l'existence d'un conflit historique mal résolu dans le
village, le nombre d'enfants en âge d'être scolarisé ou
ayant abandonné l'école du fait de la guerre, la capacité
de synergie ethnique autour d'une activité commune. Sur ce point, il
faut dire que l'outil de contrôle était la mobilisation des
différentes composantes du village lors des travaux à
caractères communautaires mais également aux réunions
d'informations et de sensibilisations.
Tableau 3:
Critères de vulnérabilité et nombre de
bénéficiaires
Type de bénéficiaires
|
FENGOLO
|
TOA ZEO
|
TOTAL
|
Nb de ménages
|
Nb de personnes
|
Nb de ménages
|
Nb de personnes
|
Nb de ménages
|
Nb de personnes
|
Bénéficiaires de maisons
réhabilitées
|
80
|
480
|
80
|
480
|
160
|
960
|
Tuteurs d'OEV
|
16
|
96
|
66
|
396
|
82
|
492
|
Femmes chefs de ménage
|
182
|
1.092
|
155
|
930
|
337
|
2.022
|
Familles nombreuses
|
160
|
960
|
160
|
960
|
320
|
1.920
|
Travailleurs communautaires
|
91
|
546
|
160
|
960
|
251
|
1.506
|
Bénéficiaires de vivres (retournés de TOA
ZEO)20(*)
|
0
|
0
|
406
|
2436
|
406
|
2436
|
Bénéficiaires eau et assainissement
|
268
|
1600
|
690
|
4150
|
958
|
5750
|
TOTAL
|
797
|
4774
|
1717
|
10312
|
2514
|
15086
|
Source : Rapport d'activité CARE, 2007
NB : La base de calcul était de 6 personnes en
moyenne par ménage
Méthode d'identification et de sélection
des bénéficiaires
Pour éviter les mécontentements
occasionnés par le programme de réhabilitation de l'ONUCI
à Fengolo, l'identification des bénéficiaires s'est
opérée de façon participative avec toutes les parties
prenantes. Étant donné que les besoins dépassent l'offre
(160 maisons à réhabiliter sur 276 maisons détruites),
CARE a mis en place un comité d'identification des
bénéficiaires du programme.
Ce comité d'identification des
bénéficiaires comprenait les représentants des
différentes communautés, les chefs de quartiers et d'autres
membres dont la tâche consiste à planifier, suivre et
évaluer toutes les étapes du processus de réhabilitation
des maisons. D'abord en fonction du nombre de maisons à
réhabiliter, le comité procède à une
répartition du nombre bénéficiaires par quartier. Une fois
cette phase achevée sous la supervision de l'équipe de CARE,
chaque chef de quartier est chargé d'identifier, selon les
critères ci-dessus mentionnés, les bénéficiaires de
son quartier dont il fait un listing. Fengolo par exemple est un village
constitué de cinq (5) quartiers dont deux majoritairement habités
par les allochtones et les allogènes. Ces cinq quartiers ont chacun un
chef ce qui fait 5 chefs de quartier dans le village. Ces chefs sont pour ce
qui est des quartiers autochtones les différents patriarches des grandes
familles du village. Quant aux quartiers `'d'étranger'' ce sont les
premiers venus de chaque groupe qui sont chefs. Rappelons que CARE a
suscité la formation d'un comité de paix dont les membres
étaient tous les représentants de chaque composante du village.
En fait, dans ce comité, il y avait un représentant des jeunes,
celui de chaque quartier, des femmes, des allogènes, des allochtones...
Ce comité était composé de 13 personnes. En marge de ce
comité, il avait un comité d'identification des
bénéficiaires et plusieurs comités de gestion
communément appelé les COGES. Nous avons au niveau de ces
comités : le comité santé, celui de l'eau et
assainissement, le comité de gestion de l'école, comité de
reconstruction.
À l'issu de l'étude diagnostique, les besoins
des populations en matières de réhabilitation de maison dans ce
village était de 493 maisons21(*). Cependant le projet ne pouvait procéder
à la réhabilitation de 80 maisons. Dès lors, le
comité s'est réuni pour décider de la répartition
par quartiers. Les dommages étant visibles dans les quartiers
autochtones, le comité a décidé que les autochtones
devaient avoir une grande part des projets à réaliser.
D'ailleurs, CARE n'avait pas prévu de maisons pour les allogènes
mais le comité d'identification a décidé de l'octroi de 3
maisons à ces derniers. Le leader des jeunes allogènes a
même bénéficié d'une maison car il était le
tuteur de plusieurs enfants orphelins du fait de la crise. Ainsi chaque chef de
quartier sur la base qu'il connait mieux les habitants de son quartier
opérait une présélection tout en tenant compte des
critères de vulnérabilité ci-dessus évoqués.
Et ce, en fonction du nombre de maison à réhabiliter dont
bénéficierait le quartier. Tous les listings sont contre
analysés par le comité d'identification du village en une
rencontre plénière, puis présentés à l'ONG
CARE. Toutefois, en cas de mésentente entre les membres du comité
pouvant entraîner le blocage des activités du projet, CARE
tranchera de manière objective. En effet, lorsqu'il y avait des
contestations non résolu par le comité, les responsables de cet
organisme écoutait les arguments de chaque camp et décidait en
`'tenant compte des réalités du terrain''.
II.1.5.3- Contraintes
liées à l'identification et au choix des
bénéficiaires des projets
Dans l'identification et la sélection des
bénéficiaires réels des actions de CARE à Fengolo
et Toa Zéo sur le projet ECHO, plusieurs difficultés se sont
révélées.
Au niveau de l'identification des ménages devant
bénéficier de la réhabilitation de leur habitat
privé, on se rend souvent compte que les personnes assignées
à établir les listings par quartiers veillaient à y
insérer le nom de leurs parents proches ou leurs connaissances ne
répondant pas forcément aux critères présidant
à cet effet. Ainsi, il est arrivé que des personnes se trouvant
encore à Duékoué voire à Abidjan, du fait
d'influences diverses, figuraient sur la liste des bénéficiaires.
Or selon le projet, la réhabilitation ne concernait que les maisons
d'individus effectivement retournés au village. D'ailleurs une
enquêtée révélait à ce propos :
« CARE a dit que ce sont les pauvres qu'on va construire leur
maison, tu vois mon fils, moi vielle comme ça ma maison est
restée. Et puis les membres du comité là, eux on a
construit pour eux, nous on attend encore...» Extrait d'un entretien
avec T.G., une femme de Fengolo. Parfois, les populations ne comprennent pas
toujours les critères et donc elles ont tendance à rendre plus
flexible les critères d'identification de ménages
bénéficiaires.22(*)
En outre, l'évolution des informations de terrain
faussent le ciblage. En effet, un problème de temps se pose
généralement entre la période de collecte des
données de base et la mise en oeuvre effective du Projet. Cette
situation favorise un changement de la réalité des
communautés avec lesquelles l'ONG aura défini leurs besoins et
les aura assisté dans la hiérarchisation de leurs centres
d'intérêts. En fait, les mutations des informations sur le terrain
étaient dues au fait que le retour des déplacés se faisait
de façon progressive ou suite à l'écho une
opportunité. Par exemple, quand de Duékoué, les
déplacés sont informés de l'exécution d'un
programme au village, ils y accourent. Ainsi les besoins de tout genre
croissent ; toute chose qui s'observe aussi par l'augmentation des potentiels
bénéficiaires. Or entre temps, les cours du marché
connaissent une fluctuation. Les coûts des matériaux tels le
ciment, le fer à béton, le carburant etc. augmentent entrainant
par la même occasion la hausse des charges liées à la mise
en oeuvre des projets. Dans ces cas, CARE procèdent à des
réajustements.
En ce qui concerne les distributions de tout genre, comme
souligné plus haut, les populations des villages de Fengolo et Toa
Zéo se sont réfugiées à Duékoué
situé non loin desdites localités. Ainsi dès qu'elles sont
informées d'une distribution quelconque, elles reviennent se faire
enregistrer pour bénéficier des dons. Elles bouleversent, par
cette attitude, toutes les prévisions. Lorsqu'on leur oppose un refus en
invoquant les différents critères de choix, des disputes
s'engagent entre acteurs. Ainsi vous entendrez des propos du genre :
«Ceux la même ils pensent que quoi ? C'est pour nous qu'ils
sont là, et puis, ils ne veulent pas nous donner les choses qu'ils ont
envoyées ici... » Extrait de l'entretien avec un non
bénéficiaire du programme ECHO à Fengolo.
Les contraintes d'identification des
bénéficiaires des projets sont dues au fait que les populations,
à la faveur de la crise, ont vu passé de nombreux projets dans
leur localité. Ils sont devenus `'connaisseurs'' des logiques d'approche
des ONGs. Elles ont par conséquent assimilé le vocabulaire de
l'action humanitaire, et donc elles n'hésitent pas à se
positionner lorsqu'une intervention est envisagée dans leur
localité.
II.1.5.4- Stratégies
de contournement des difficultés du ciblage des
bénéficiaires
Face aux diverses formes de difficultés en lien avec
l'identification et la sélection des bénéficiaires, un
certain nombre de stratégies sont élaborées pour pallier
celles-ci. Pour rappel, la philosophie de base de tous les projets mis en
oeuvre par CARE en cette période doit contribuer à recréer
la cohésion sociale entre les communautés en disgrâce dans
les villages de Fengolo et Toa Zéo. Partant, toute activité
tendant à raviver les tensions doit être proscrite. C'est ainsi
que quand naissent des contestations comme le plus souvent à Fengolo
autour des listes de bénéficiaires des projets, l'équipe
de CARE de façon objective tranche. Cela passe soit par des visites
spontanées dans les villages pour vérifier le retour
définitif des personnes figurant sur les listes au village.
« Lorsque les gens se croient malin, nous on essaie de pratiquer
une méthode simple. Elle consiste à aller très tôt
le matin vers 4 heures ou 5 heures dans le village sans avertir personnes.
Là bas on va taper à la porte des gens et ceux qui sont là
on leur donne les kits. Si c'est pour la réhabilitation des maisons, on
fait la même chose... » (Extrait entretien individuel avec
K. G. chef de projet CARE Man)
Ainsi, la contre analyse des listings permet quelquefois de
réduire les tensions qui naissent autour de la sélection des
bénéficiaires des projets.
II.2-
Présentation du projet PARCI (Partenariat et Alliance pour la
Réconciliation en Côte d'Ivoire)
II.2.1- Zone d'intervention du programme
Ce projet a été conçu pour être
réalisé dans les Régions des Montagnes et du moyen
Cavally, précisément dans les Départements de
Danané, Man et Guiglo. Il a été effectivement
implanté dans Sept (07) localités des Départements de MAN
(Blolé, Tropkadrou, Bigouin), GUIGLO (Kaadé, Guinhinkin,
Guézon) et DANANE (Bouagleu).
II.2.2- Contexte de la création du projet
La cohésion sociale en Côte d'Ivoire a
été mise à mal au début des années 1990 avec
la fin de trente (30) années de parti unique au plan politique, et une
crise économique sans précédent. La gestion de ces deux
évènements majeurs a donné lieu à des conflits
sociopolitiques et identitaires ayant diverses sources.
Les rancoeurs et les ressentiments se sont emmagasinés,
et le fossé entre les populations nationales et
étrangères, ainsi qu'au sein de la population nationale s'est
davantage creusé. Sous l'influence et l'impulsion des parties en
conflit, les dissensions préexistantes vont être
instrumentalisées et amplifiées sur les plans politique, ethnique
et en fonction des zones géographiques au sein des communautés
supposées apporter leur soutien à l'une ou l'autre des parties.
Le tableau se présente comme suit :
1- Les Baoulé, peuple du Centre du Pays (zone de
savane), ethnie de Feu le premier Président de la République de
Côte d'Ivoire, Félix Houphouët BOIGNY et de l'Ancien
Président déchu, Henry Konan BEDIE ont migré en masse
à l'Ouest du pays (zone de forêt). Cette population est
supposée majoritairement acquise à la cause du PDCI.
2- Les Bété, peuple du Centre Ouest du pays
(zone forestière), ethnie de l'actuel Président de la
République Laurent K. GBAGBO sont supposées être acquis
à la cause de ce dernier et du FPI, sa formation politique.
3- Les Burkinabé représentant 65% des
populations immigrées en Côte d'Ivoire, majoritairement
présents dans l'Ouest du pays et dans le circuit de production et de
commercialisation du binôme Café Cacao, culture de rente dont la
Côte d'Ivoire est le 1er et le 4eme producteur
mondial sont supposés être des alliées de la
Rébellion armée.
4- Les Guéré, peuple de l'Ouest du Pays, en zone
forestière, terre d'accueil principale des migrants et des immigrants
sont supposés majoritairement acquis à la cause du FPI et de
l'actuel Président de la République, Laurent K. GBAGBO.
5- Les Malinké, communément appelé «
Dioula ou nordistes », peuple du Nord de la Côte d'Ivoire (zone de
savane) dont un nombre important a migré au Sud et à l'Ouest du
pays sont supposés alliée de la Rébellion armée et
acquis à la cause du RDR et de Allassane D. OUATTARA, originaire de
cette partie du pays et président dudit parti politique.
6- Les Yacouba, peuple de l'Ouest montagneux de la Côte
d'Ivoire et ethnie de Feu le Général Président Robert GUEI
sont supposés alliée de la Rébellion armée (MPIGO,
MJP) et acquis à la cause de l'UDPCI, son parti politique.
Avec une telle configuration socio-démographique, l'on
a assisté à des massacres et à des expulsions ethniques de
temps à autres, liées aux préjugés et
stéréotypes, et aux questions liées au foncier rural.
Afin de réduire la violence récurrente et
comprendre la complexité de ces conflits pour promouvoir in fine la
réconciliation, CARE a exécuté, depuis octobre 2004, ce
projet de paix et de cohésion sociale financé par le Bureau pour
la Démocratie, les Droits de l'Homme et le Travail du Département
d'État Américain.
Ce projet dénommé PARCI :
Partenariat et Alliance pour la Réconciliation en Côte
d'Ivoire, d'une durée initiale
de 18 mois a finalement couvert une période de 21.mois, soit Octobre
2004 à Juillet 2006.
II.2.3- Objectifs du projet
ü Objectif global
Ce projet vise essentiellement deux objectifs : d'une
part, il ambitionne contribuer à accroître la capacité
locale de gestion des conflits des localités d'interventions du projet
par le renforcement institutionnelle des organisations locales, et
procéder à l'analyse participative des causes fondamentales des
conflits. D'autre part, il vise à initier des activités de
reconstruction, de réhabilitation et de réconciliation
communautaires. Toutefois ces objectifs sont principalement sous-tendus par la
recherche d'une méthodologie de gestion/résolution des conflits
intra et intercommunautaires, applicable partout où surviendraient des
conflits de même nature.
ü Objectifs spécifiques
Rechercher, analyser et comprendre les causes de conflits de
façon à promouvoir le dialogue inter et
intracommunautaire ;
Mener des actions visant au rapprochement et à la
réconciliation des communautés en conflit ;
Appuyer les communautés réconciliées dans
la mise en place et le financement de microprojets susceptibles de consolider
la cohésion sociale ;
Diffuser à une large échelle la
méthodologie et les leçons apprises dans le but d'avoir un impact
au niveau local, régional et national.
II.2.4- Catégories d'activités
Le projet PARCI a pris en compte deux principaux types de
projets. Il s'agit notamment des projets de cohésion sociale et des
micro-projets communautaires d'AGR. Toutefois, il faut souligner que les
projets de cohésion sociale étaient transversaux et les plus mis
en exergue. En effet, l'équipe de CARE dans les localités
sélectionnées organisait des journées dites de
réconciliation et aussi la production et la diffusion en partenariat
avec les organes de communication régionaux de messages radiophoniques
et télévisés en langues nationales (Moré, Wê,
Dan, Malinké ou dioula) et en français. En ce qui concerne les
AGR communautaires, ils avaient trait à la mise en place de champs
communautaires, à l'installation d'étang piscicoles, à
l'acquisition de décortiqueuses de café, de riz..., à
l'élevage de porcs, à la réhabilitation de pompes
hydraulique etc.
II.2.5- Ingénierie du ciblage
II.2.5.1- Populations cibles
Les bénéficiaires directs ont
été : les groupes vulnérables, les populations
déplacées et retournées, les femmes, les jeunes et les
membres des comités de paix.
Les bénéficiaires indirects de ce projet
étaient la population en général des villages
ciblés tels que Blolé, Tropkadrou, Bigouin, Kaadé,
Guinhinkin, Guézon et Bouagleu. La population totale de ces
localités est estimée à 21.500 habitants (soit environ
3.000 ménages). Elle comprenait les populations autochtones
représentant environ 21% de la population totale, soit 4.500
autochtones, et environ 6.000 allochtones contre 11.000 allogènes tous
les sites confondus.
II.2.5.2- Méthodologie d'identification et de
sélection des bénéficiaires
Les critères de choix des
bénéficiaires
Les sites à conflits étant nombreux avec
l'avènement du conflit dans l'Ouest ivoirien, l'équipe du projet
PARCI a institué des critères qui ont guidé
l'équipe dans le choix des sites. Ils sont de cinq ordres :
1 - Critère démographique
Ce critère était important dans la mesure
où dès le début de l'insurrection de Septembre 2002, la
région de Man a accueilli des milliers de personnes dont 10.000 dans la
ville de Man.23(*) Cet
effectif n'a cessé de croître lorsqu'en Novembre 2002, la
région de l'Ouest en générale et la ville de Man en
particulier a été attaquée.
Par ailleurs, la diversité ethnique avait
été un critère de choix des localités
bénéficiaires du projet. D'ailleurs cette diversité
ethnique était la source de tensions sporadiques mais exacerbées
par l'attaque de la région. En effet, il y a belle lurette, la
région connaissait des rivalités ethniques entre les principaux
groupes tribaux (Dan, Wê, Toura et Yacouba). À l'avènement
de la guerre, certains groupes ethniques accusaient d'autres d'être en
connivence avec les agresseurs d'où des tentatives de
représailles récurrentes. En ajout, de nombreux conflits fonciers
entre les populations autochtones et allogènes constituaient un autre
facteur très pernicieux du déplacement des populations dans la
zone. Avec l'exacerbation des tensions et des difficultés à vivre
à Man, des départs ont été constatés de Man
vers d'autres localités. L'on a ainsi assisté à des
mouvements migratoires dans deux sens : ceux qui fuyaient les
atrocités perpétrées dans les villages pour se
réfugier à Man et, ceux qui sortaient de Man pour des zones plus
sécurisées.
2 - Critère de
vulnérabilité
Les indices à partir desquels l'équipe technique
a pu cerné le degré de vulnérabilité d'une
localité par rapport à une autre se sont focalisés sur les
éléments suivants :
Le degré sécuritaire ;
Le degré de pauvreté global ;
Le degré d'organisation communautaire ;
Le degré d'assistance humanitaire ;
La nature du conflit.
En outre, dans certains cas l'état psychologique de la
population de façon générale peut donner une idée
sur son degré de traumatisme vécu. C'est le cas de plusieurs
localités ayant subi de pires exactions pendant la guerre et de
multiples événements dramatiques.
3 -
Critères ethnolinguistiques liés à la
politique
Ce critère a fait son apparition depuis
l'avènement du multipartisme où l'appartenance à une
ethnie vous assimile systématiquement à un parti politique.
Ces dernières années avec la
détérioration du climat politique due à la crise, on
assiste à une exacerbation de ces cas de figure de conflits latents plus
ou moins délicats qui dégénèrent rapidement en
conflits violents et aux conséquences souvent dramatiques.
4 - Critère du type
de conflit
Ce critère a été pris en compte par
l'équipe dans le but de varier la nature des conflits à
gérer et afin de voir si la stratégie méthodologique
développée par l'équipe du projet pouvait s'appliquer en
tout lieu et en tout temps.
v À Blolé et à Tropkadrou l'équipe
du projet a travaillé sur la problématique d'un conflit
intercommunautaire entre deux villages dont la nature est liée au
foncier.
v À Bigouin et à Bouagleu par contre, ces
conflits étaient intracommunautaires mais avec des mobiles
différents. En effet à Bigouin tandis que la nature du conflit
concernait la mauvaise gestion des infrastructures villageoises et du terroir,
à Bouagleu le conflit avait comme origine la divergence des points de
vue entre les religieux et les animistes.
v Au niveau du canton Zanhoun dans le département de
Guiglo l'opposition entre plusieurs communautés (allogènes
/allochtones contre les autochtones Guérés) sur fond de conflit
foncier masqué par un argument de trahison pendant les périodes
chaudes de la guerre a fait l'objet d'attention de la part de
l'équipe.
5 - Critères
historiques liés à la durée de la fracture
sociale
Les évènements marquants tels que les faits
malheureux ayant conduit à la fracture sociale sont des critères
de sélection géographique des interventions. En effet, lorsque
l'équipe CARE a connaissance d'un conflit qui dure sans trouver de
solutions dans une zone, elle choisit ces localités comme
bénéficiaires de ses interventions dans le domaine des projets de
cohésion sociale. Par exemple, le cas du conflit intercommunautaire
opposant Blolé et Troukpadrou qui dure depuis 1993, et qui a connu
plusieurs interventions des autorités administratives et
coutumières de l'époque sans succès a permis à ces
deux localités de bénéficier d'un programme. Dans ces
conditions, il appartient à l'équipe technique de relever le
défi en appliquant la MARP pour pouvoir cerner toute la dimension
historique du conflit et en tenir compte dans sa résolution. L'outil de
la MARP généralement privilégié ici est le profil
historique du village.
Méthode d'identification et de
sélection des bénéficiaires
Conscient du fait que tout processus de réconciliation
doit s'appuyer sur une bonne stratégie orientée vers la synergie
ou la conjugaison des efforts de l'ensemble des acteurs au développement
et des populations en conflit elles-mêmes, les responsables du projet
PARCI ont pris le soin d'impliquer dès le départ les structures
internationales et nationales, les organisations de la société
civile implantées dans les zones d'intervention du projet, qui ont une
expertise en matière de cohésion sociale, ainsi que les
communautés cibles. Par exemple, le Bureau de Coordination des affaires
Humanitaires en abrégé OCHA, qui assure sur le terrain, la
gestion de l'information, qu'elle soit humanitaire ou sécuritaire et
fait du plaidoyer a été identifiée par CARE pour aider
à la sélection des sites d'intervention selon les critères
ci-haut mentionnés. La CARITAS et le Cabinet Ivoire Conseils Consulting
(ICC) qui sont connus dans la région pour leurs expériences et
expertises en matière de formation et de suivi des projets, ont
également été identifiés, de même que le
Collectif des ONGs de Danané (CONGEDA).
L'équipe du PARCI a opté pour une méthode
essentiellement basée sur la participation à tous les niveaux de
décision, des acteurs concernés directement ou indirectement par
ce projet et des populations des sites d'intervention, en vue d'optimiser les
chances de sa réussite. «...Quand CARE est arrivé
à l'ouest ici, on dit il y a des gens qui sont arrivés pour
mettre tout le monde ensemble pour qu'il y ait la paix. CARE a travaillé
avec tout le monde et nous, on était contents parce que on voulait la
paix...» (FGD, comité de gestion et
d'arbitrage de Blolé, Man).
Par ailleurs, L'équipe du projet PARCI a dans sa
recherche de consensus mis en pratique un principe capital en communication qui
est, et je paraphrase : « tout ce que vous faites pour moi, sans moi,
vous le faites contre moi ». Pour une meilleure implication des
communautés et pour créer une interface locale des actions
entreprises par CARE, un comité de gestion est mis sur place dans chaque
zone d'intervention de CARE. Sur le terrain, on a recensé quatre (4)
comités de gestion. Leur rôle de suppléer CARE sur le
terrain en veillant à ce que les conflits ne resurgissent pas, en
sensibilisant les communautés pour le maintien des acquis et la
participation massive aux travaux communautaires. Ces comités renferment
les représentants des rivaux d'hier pour une gestion commune des
conflits.
II.2.5.3- Contraintes
liées à l'identification et au choix des
bénéficiaires des projets
La contrainte majeure liée au projet PARCI a trait
à la connaissance du milieu. En effet, ce projet était
considéré comme l'un des premiers projets de cohésion
sociale exécuté par CARE dans la région. Compte tenu du
contexte d'insécurité du fait des soubresauts du conflit
ivoirien, l'ONG n'avait pas assez d'informations sur les différentes
localités d'où la difficulté de choisir les sites
d'intervention. Par ailleurs, les projets dits de porte d'entrée mis en
oeuvre dans le cadre de ce projet visait la réunion de toutes les
communautés autour de projets pouvant les fédérer. Dans
ces conditions il était difficile d'élaborer des critères
objectifs de sélection des participants aux différents travaux
communautaires.
II.2.5.4- Stratégies
de contournement des difficultés du ciblage des
bénéficiaires
Devant les difficultés et contraintes sus
évoquées, l'équipe du PARCI a développé des
stratégies et palliatifs à même de contourner ou de
résoudre celles ci. L'objectif étant de poursuivre le PARCI et de
tirer les leçons de tout le processus, tout ce qui à
première vue s'apparentait à des obstacles, a été
transformé en atouts.
Ainsi, au niveau de la faiblesse de connaissance de la zone,
l'ONG s'est attachée les services de OCHA pour aider à
sélectionner les sites d'intervention du projet en tenant compte des
critères de choix consignés dans le plaidoyer. Dans la même
veine, trois structures privées ont été
sélectionnées par CARE pour accompagner l'exécution
effective du projet sur le terrain. Il s'agit comme sus-mentionné de ICC
qui a réalisé les microprojets dont une partie des intrants
provenait de la population et de la CARITAS et CONGEDA qui étaient
chargés de faire le suivi du processus de réconciliation.
II.3-
Description du projet AUDIO
II.3.1- Contexte de création du projet
La crise de septembre 2002 a favorisé le
déplacement massif de populations aussi bien autochtones, allochtones
qu'allogènes. Ces déplacés du fait de
l'insécurité ont fui leur villages pour se réfugier
à Duékoué dans des familles d'accueil pour certains, et au
camp des déplacés aménagés pour l'occasion par la
mission catholique de la dite localité. Les nouvelles conditions de vie
de ces milliers de déplacés internes rendent compte, de
façon tragique, des difficultés et des
déséquilibres que le conflit ivoirien a causé dans cette
partie du territoire.
Face aux difficiles conditions d'existence de ces
déplacés à Duékoué et/ou dans les autres
centres d'accueil, des retours dans les zones de départ ont
été envisagés par certains ménages. Mais la
précarité de la situation sécuritaire dans ces villages
conjuguée à la perte des infrastructures de base (maisons,
école, points d'eau, centre de santé...) ralentissait cette
volonté.
Dans ce contexte, il s'est crée un vaste champ
d'intervention visant à appuyer les personnes déplacées
internes à retourner dans leur village d'origine. Afin de favoriser le
retour de personnes déplacées internes, un certain nombre
d'activités ont été financées par l'USAID et
l'OFDA. Ce projet dénommé Assistance d'Urgence aux
Déplacés Internes de l'Ouest directement affectées par la
crise en Côte d'Ivoire (AUDIO). Ce projet qui avait initialement une
durée de 12mois, s'est étendu sur 13 mois soit d'Octobre 2007
à Novembre 2008.
II.3.2- Zone d'intervention
Le Projet d'Appui d'Urgence aux Déplacés
Internes de l'Ouest affectés par la crise (AUDIO) a été
exécuté dans la Régions du Moyen Cavally
précisément dans le département de Duékoué.
Les localités de Fengolo et de Blody ont été celles
choisies pour abriter le projet, alors qu'initialement, dans la proposition
à financement c'étaient les villages de Tao Zéo et Fengolo
qui étaient visés.
II.3.3- Objectifs du projet
L'objectif principal de ce projet est de créer les
conditions d'un retour volontaire durable et une reprise des activités
économiques dans les localités choisies. En effet, les
populations déplacées ressentaient le besoin de retourner dans
leurs villages d'origine mais aussi et surtout de renouer avec leurs
activités de production. Spécifiquement, il s'agissait de :
Faciliter le retour volontaire et l'intégration des
personnes déplacées internes dans leurs villages d'origine/
d'accueil dans le respect de leurs droits ;
Améliorer les conditions de sécurité et
de vie des personnes retournées de même que les conditions de
scolarisation de leurs enfants en facilitant leur accès au logement, aux
équipements ménagers et à l'éducation
primaire ;
Améliorer l'état sanitaire des personnes
retournées à travers la promotion du changement durable de
comportement, l'amélioration de la qualité et la gestion
communautaire de l'eau ;
Relancer l'économie rurale basée sur
l'agriculture, les activités de transformation et le petit commerce,
dans les villages cibles.
II.3.4- Nature de l'intervention et catégories
d'activités
Le projet AUDIO s'inscrit dans le volet des programmes dits
d'Assistance d'Urgence aux Populations déplacées internes de la
crise ivoirienne. Plusieurs activités spécifiques ont
été mises en oeuvre pour apporter cet appui aux populations
déplacées. Les activités mentionnées ci-dessous
correspondent aux activités qui ont été effectuées
sur douze mois de mise en oeuvre du projet. Elles ont concouru à la
réalisation de l'objectif du projet en terme de :
a) Réhabilitation d'habitats à Blody et
à Fengolo ;
b) Reconstruction et de réhabilitation de
l'école primaire de Blody ;
c) Travaux de réhabilitation de la route
Fengolo-N'Zo ;
d) Achèvement du marché de Fengolo et
démarrage de celui de Blody ;
e) Construction et réhabilitation de points
d'eau ;
f) Distribution de kits NFIs
II.3.5- Ingénierie du ciblage du projet AUDIO
II.3.5.1- Populations cibles
Les bénéficiaires de l'opération sont
composés des ménages déplacés qui acceptent de
retourner sur leurs sites d'origine ; qu'ils soient autochtones,
allochtones ou allogènes. En ajout, elle concerne également les
ménages dites `'vulnérables'' restés sur place dans les
villages, les familles d'accueil sur place dans les villages et les populations
impliquées dans les conflits interethniques.
II.3.5.2- Méthodologie d'identification et de
sélection des bénéficiaires
Les critères de choix des
bénéficiaires
Trois types de critères ont présidés
à l'identification et au choix des bénéficiaires du projet
AUDIO. Ils sont les suivant :
1-Critère démographique
Ce critère est important dans la mesure où, les
premiers retournés accueillent leurs parents durant un bon séjour
avant que ceux-ci ne réhabilitent leurs maisons. Il arrive aussi que
certains accueillent sous leur toit les enfants d'un défunt parent
accroissant les possibilités d'hébergement du ménage. Ce
facteur met en exergue l'impact négatif en termes de nombres de
personnes touchées par le conflit.
2- Critère de
vulnérabilité
Les indices à partir desquels l'équipe technique
a pu se rendre compte du degré de vulnérabilité d'une
localité par rapport à une autre sont les suivants :
la situation sécuritaire, les niveaux sanitaire,
alimentaire, vestimentaire
le degré de pauvreté globale ;
le degré d'organisation communautaire ;
le degré d'assistance humanitaire ;
le degré de cohésion sociale.
En outre, dans certains cas l'état psychologique de la
population de façon générale peut donner une idée
sur son degré de traumatisme vécue. C'est le cas de plusieurs
localités ayant subies de pires exactions pendant la guerre et de
multiples événements dramatiques. Au niveau des ménages ou
des individus, l'accent a été mis sur les femmes, les enfants
affectés par la crise. C'est après ces catégories de
personne que l'on a prit en compte les personnes âgées, les
handicapés et les jeunes.
3- Critère historique lié à
la durée du retour du ménage
Les retournés récents ont plus de chance de
bénéficier des projets pour leur réintégration au
sein de leur communauté. Vu qu'ils n'ont pas le minimum pour leur
réinstallation, ceux-ci sont prioritaires dans la sélection des
bénéficiaires des projets.
Méthode d'identification et de
sélection des bénéficiaires
L'outil méthodologique utilisé dans ce projet
est essentiellement basé sur la MARP. Les efforts déployés
par CARE pour faciliter le retour des Personnes Déplacées
Internes ont commencé au début de l'année 2007. Ces
efforts consistaient notamment à mieux appréhender les
problématiques de cohésion sociale et les entraves susceptibles
de compromettre le caractère durable et digne du retour dans les zones
d'intervention du projet.
À la suite de cette étape, des comités de
paix ont été mis en place pour servir d'interface entre CARE et
les communautés toutes entières. Ce sont donc ces comités
qui étaient chargés de produire les listes de
bénéficiaires des actions. Généralement, cela se
fit sur la base de la participation communautaire.
En fait, pour les projets de réhabilitation
communautaire (école, construction de marché, case de
santé, pompe hydraulique...) la priorisation des activités est
fait sous le contrôle de CARE avec toute la communauté lors du
MARP. Ces projets devant être utilisés par l'ensemble des
communautés, leur implication reste une caractéristique de
première importance.
En ce qui concerne la distribution de kits ou la
réhabilitation de maisons privées, comme sus mentionné,
les membres du comité connaissant mieux leurs concitoyens
élaboraient les listings. Ces listes étaient ensuite
divulgués afin de recueillir l'approbation ou les objections du reste de
la communauté en rapport au travail effectué
II.3.5.3- Contraintes
liées à l'identification et au choix des
bénéficiaires des projets
La première difficulté liée au ciblage
des bénéficiaires de ce projet concerne la mobilité des
personnes identifiées. En effet, le principe du projet est qu'il
encourageait les populations à retourner de façon volontaire dans
leurs localités d'origine. Ceci étant les communautés se
rendent seulement dans les villages lors des distributions de kits. Cette
attitude conduisait à rendre caduque les informations recueillies lors
des MARP et donc accroissait les besoins exprimés.
Le second niveau de difficulté à trait au fait
que comme la communauté sait que les membres des comités
bénéficient généralement des projets
réalisés, certains membres ont tendance à contester la
gestion du comité pour demander à y être inclus. Cette
situation ralentissait certaines actions voire le succès de certains
projets.
Conclusion partielle
L'Ouest ivoirien couvert par cette recherche comprend la
région des 18 Montagnes et celle du Moyen Cavally. Les
départements particulièrement visés ont été
celui de Man et le département de Duékoué. La
transposition du conflit ivoirien -initialement mettant en opposition
l'armé des FDS aux combattants rebelles- en conflits intercommunautaires
a fortement ébranlé la cohésion sociale entre les
communautés autochtones, allochtones et les allogènes, le tissu
économique et la paupérisation de l'ensemble des régions.
Ces zones ont été le théâtre des confrontations et
en raison de l'intensité des affrontements entre les différentes
communautés, les armés ou les mouvements ; les populations
ont été les plus touchés.
La situation d'insécurité a conduit de milliers
de personnes à abandonner leurs activités humaines, leurs biens
de tout ordre pour se réfugier dans des localités offrant plus de
sécurité. La rupture des relations sociales a
caractérisé le nouveau mode de vie des communautés qui
désormais se regardent en chiens de faïence.
Pour favoriser un retour à la normalité, l'ONG
CARE à l'instar de plusieurs organismes a initié de nombreuses
interventions dans ce sens. Ainsi, différents projets ont
été élaborés, puis financés par divers
bailleurs de fonds pour permettre aux populations victimes des conflits de
réapprendre à vivre ensemble en redynamisant leurs
activités de production.
Ces projets à quelques différences près
sont identiques du point de vue de leurs origines, de leurs objectifs et de
leurs gestions globales.
Le projet PARCI est l'un des tout premiers projets
managé par l'ONG CARE dans la région de l'Ouest couvrant sept
(07) localités reparties sur les départements de Man, Guiglo et
Danané. Il relève de la volonté des bailleurs de fonds
à financer des projets de pacification du grand Ouest et de
cohésion sociale. Ce projet visait donc à accroître la
capacité locale de gestion des conflits par le renforcement
institutionnel des organisations locales et aussi à procéder
à l'analyse participative des causes fondamentales des conflits
intercommunautaires et interethniques. Tout ce processus devait avoir pour
porte d'entrée dans les communautés la mise en oeuvre
d'activités de reconstruction, de réhabilitation et de
réconciliations communautaires.
Quant aux projets ECHO et AUDIO, ils ont été
exécutés tous les deux dans le département de
Duékoué plus précisément à Fengolo et Toa
zéo pour le premier et Fengolo et Blody pour le second. Ils avaient le
même objectif, c'est-à-dire créer les conditions du retour
des personnes déplacées internes dans leurs localités
d'origines à travers les projets de reconstruction, de
réhabilitation, de réconciliation communautaires voire la
redynamisation des activités de production économique. Ces
programmes vu les besoins exprimés non pas toujours couverts l'ensemble
des sites des régions concernées ni toutes les personnes des
localités bénéficiaires de projets.
L'on a procédé au ciblage de
bénéficiaires de toutes les interventions de l'ONG CARE dans la
région. Ce type de ciblage a porté sur deux niveaux. Nous avons
dans un premier temps le ciblage géographique, c'est-à-dire
l'identification et la sélection spatio-temporelle des zones
d'intervention. D'autre part, il s'agit d'identifier et de choisir des
individus ou des groupes d'individus pouvant bénéficier de
façon directe des projets initiés. Lors de cette activité,
des méthodes et stratégies sont mises en oeuvre par les
différents acteurs en présence.
Mais quels sont les écarts observés dans
l'identification et la sélection des zones bénéficiaires
des projets voire des bénéficiaires directs de projets mis en
oeuvre par l'ONG CARE ?
Discussion
DEUXIEME PARTIE : Politiques de ciblage :
distance entre normes et pratiques de fonctionnement dans la lutte contre la
pauvreté
Cette étude se veut l'explication des logiques
d'acteurs autour de la question du ciblage des bénéficiaires des
projets de lutte contre la pauvreté. Après la présentation
de quelques projets dans la partie précédente,
l'élucidation de cette préoccupation constitue
l'intérêt principal de la présente partie. Les indicateurs
de cette analyse sont la construction sociale des concepts de
vulnérabilité et de pauvreté d'une part, et le paradoxe de
la méthodologie de ciblage des bénéficiaires des projets
exécutés par CARE d'autre part.
Chapitre premier : La
construction sociale de la vulnérabilité et de la
pauvreté
L'objet de cette recherche était d'examiner les
écarts entre les politiques de ciblages des bénéficiaires
envisagées et les pratiques concrètes mises en oeuvre dans le
champ de l'intervention humanitaire en Côte d'Ivoire. Les
résultats montrent que la lutte contre la pauvreté est une
préoccupation universelle. Elle justifie l'action des organisations
aussi bien caritatives, intergouvernementales que non gouvernementales.
L'élément qui suscite toutes les interventions c'est la notion de
vulnérabilité ou de pauvreté des populations. Ainsi, dans
ce contexte, des politiques sont déployées sur les groupes les
plus vulnérables comme les femmes, les enfants ou les vieillards.
Cependant, tous les intervenants sont-ils d'accord sur une définition
minimale de la vulnérabilité ou de la pauvreté ?
Est-on sûr que les bénéficiaires de ces programmes font la
même lecture de leur situation que les organismes d'appui à la
réduction de la pauvreté ? Ce chapitre a pour but de montrer
comment à partir de la complexité du concept vulnérable
des incompréhensions s'installent entre les communautés à
la base et les organismes d'appui au développement dans l'action
humanitaire d'urgence. À cet effet, nous montrons dans un premier temps
comment l'ONG CARE et les bénéficiaires de leurs projets
définissent la pauvreté et la vulnérabilité. Dans
un second moment, nous analysons ces définitions comme des
stratégies de captation de projets ou autres avantages.
I.1- La
vulnérabilité et la pauvreté: des concepts complexes
à définir
Il ressort au terme de cette recherche que dans d'autres
études réalisées au niveau de la pauvreté, les
analystes ont relevé la difficulté à définir de
façon consensuelle le concept de pauvreté. D'ailleurs, ils
soulignent qu'au fil des années, ce concept de pauvreté s'est
étroitement assimilé à celui de
vulnérabilité.
La pauvreté, selon les analystes de cet objet
d'étude, doit être analysée dans une approche
multidimensionnelle. Deux grandes tendances sont mises en exergue par les
théoriciens de la pauvreté lors de sa définition. Il
convient selon la littérature en lien avec la théorie
économique de faire une distinction entre la dimension `'revenu'' ou
monétaire et la dimension `'non revenu'' ou non monétaire de la
pauvreté. Dans l'analyse qui en est faite, la pauvreté
monétaire est d'ordre quantitatif alors que des indicateurs qualitatifs
permettent de mesurer la pauvreté non-monétaire assimilée
au bien-être (Collectif ou individuel).
Qu'est ce que la pauvreté ? La réponse la plus
entendue est l'état d'un individu, d'un groupe d'individus, d'une
collectivité territoriale ou d'un pays qui manque de ressources
matérielles, financières ou mentales pour satisfaire ses besoins
vitaux (Corten 1998; Sirven 2007; DSRP 2009). Toutefois la définition
des besoins essentiels varie selon les auteurs. Ces besoins comprennent
à l'évidence la satisfaction minimale des besoins alimentaires et
nutritionnels, vestimentaires, l'accès à l'eau potable, la
disponibilité d'un logement (salubre). À cette nomenclature de
besoins premiers, nous pouvons ajouter également l'accès aux
services de l'éducation, de santé ainsi que la
sécurité minimale dans la vie courante sans oublier la
participation à la vie politique (prise de décision, vote...),
sociale et économique (PNUD 1997).
Comme nous le remarquons suite à ce qui
précède, la définition de la pauvreté tend à
se complexifier dans la mesure où elle intègre progressivement de
plus en plus de dimensions. Retenons pour finir que la notion de
pauvreté recouvre plusieurs dimensions : elle résulte certes
d'une insuffisance de ressources mais elle se traduit aussi par une
précarité des conditions de vie, par des risques d'exclusion
sociale et des aspects proprement psychologiques liés à sa propre
perception de la pauvreté ou à la subjectivité de
dépossession et d'impuissance face aux risques et incertitudes, et
à terme, « à une fatigue d'être soi».'(Marie
1997; Dubois 2001; Akindès 2007). Cette multiplicité de
dimensions fait de la construction de l'objet d'étude «
pauvreté » un objectif relativement difficile à atteindre,
si l'on veut éviter d'avoir une approche qui réduit la
pauvreté à la dimension strictement économique.
En marge du concept de pauvreté celui de
vulnérabilité connait des fortunes diverses dans sa
définition. En effet la vulnérabilité est l'inverse de la
sécurité. Elle renseigne sur l'état de quelqu'un qui est
vulnérable car fragile ou placé dans une situation qui fragilise
et qui court ainsi le risque d'être un jour victime. Elle a trait donc au
dommage potentiel qu'un évènement particulier pourrait causer
s'il se réalisait.
Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, la
vulnérabilité se rapporte très souvent aux individus
démunis vivant dans la précarité partielle ou absolue.
Elle se manifeste par les facteurs de risque qui sont des situations anormales
telles que le chômage, les problèmes et soucis quotidiens, le
manque de moyens financiers, le manque de créativité et de
production, les catastrophes naturelles (sécheresse, feu de brousse,
inondation etc.), la guerre... Vu sous cet angle, ces facteurs placent
l'individu dans une situation de fragilité et peuvent le conduire
à gonfler le nombre déjà élevé de pauvres.
Elle permet entre autres de considérer dans une perspective dynamique la
situation de groupes d'individus se trouvant au-dessus de la ligne de
pauvreté et pouvant se retrouver en situation de pauvreté
extrême (CEPAL 2002). Tout compte fait, la vulnérabilité
traduit également « un univers de condition de vie
exposé aux changements économiques et sociaux »
couplé à la capacité de réponse (ou la
résignation) des populations pouvant entrainer, selon le cas, une
possible dégradation de leur situation initiale. Ainsi la Commission
Économique des Nations Unies pour l'Amérique Latine(CEPAL 2003)
indique que les conditions de pauvreté se réfèrent non
seulement aux carences et déficits matériels, mais
intègrent aussi des paramètres sociaux relatifs à la
capacité organisationnelle et de réponse collective, les
déficits d'accès au travail, à la santé et à
l'éducation. Pour Cannon et al 2002, « la
vulnérabilité (contrairement à la pauvreté qui est
une mesure de statut actuel) doit avoir une qualité
prédictive : elle est supposée être une façon
de conceptualiser ce qui peut arriver à une population identifiable sous
des conditions particulières de risque et
d'aléas » (cité dans Thyurssien 2006 :
36).
À la suite de cette brève présentation de
l'analyse de la vulnérabilité et de la pauvreté à
travers la littérature, il convient de saisir à présent la
définition de ces concepts clés selon l'organisme de mise en
oeuvre des interventions sur le terrain CARE.
D'après l'état des lieux opéré par
l'ONG CARE sur le terrain, la pauvreté est définie, dans un
premier temps, comme la détérioration du pouvoir d'achat et des
conditions de vie des populations. Elle se traduit par l'absence de revenu
adéquat pour faire face aux besoins fondamentaux minimaux en
matière de nutrition, de sécurité alimentaire, de
santé, d'éducation et d'accès aux infrastructures de base
telles que la route, les pompes hydrauliques villageoises, le marché,
l'école... Dans cette perspective, l'ONG s'approprie les
définitions développées par les théoriciens du PNUD
et de la Banque mondiale. Dans un second moment, la notion de pauvreté
s'étend à la dégradation ou à
l'inaccessibilité des ressources naturelles, au recul du
microcrédit à l'économique, au faible accès de la
majorité de la population aux capacités de gouvernance ou au
manque d'opportunités de participer à la vie sociale, politique
et économique et à des déficiences de relations
sociales.
Pour ce qui concerne du concept vulnérabilité,
sont considérés comme vulnérables selon CARE, les
localités ayant supportées directement ou indirectement les
effets de crise armée. En effet, à l'avènement de la
guerre certaines localités ont vu leurs infrastructures détruites
ou endommagées. D'autres localités par contre ont reçu de
nombreux déplacés et victimes de guerre créant des
perturbations sur le ratio des infrastructures existantes. Dans le même
ordre d'idée, des localités également ont
été désertées à cause des affrontements
interethniques. Toutes ces localités obéissent aux
caractéristiques de vulnérabilité telles qu'émises
par cet organisme.
En outre pour CARE, les populations vulnérables quant
à elles sont les populations pauvres et marginalisées dont les
droits sont reniés. À ce niveau, une catégorisation a
été effectuée pour rendre plus lisible les critères
de vulnérabilité. Il ressort de cette classification que les
populations les plus vulnérables sont entre autres les populations
déplacées ou retournées de ses sites d'intervention. Parmi
ces populations les femmes en général et les femmes chefs de
ménage en particulier, les jeunes, les enfants, les vieillards, les
handicapés physique et quelquefois les membres des groupes ethniques
sont majoritairement représentatifs du concept. Au-delà de ces
caractéristiques standards d'autres telles que le degré
sécuritaire, l'organisation communautaire, le degré d'assistance
humanitaire, l'existence de conflits inter/intracommunautaire voire
interethnique ont une importance dans la définition de la
vulnérabilité selon CARE. Ce sont d'ailleurs ces critères
qui ont présidés au choix des sites d'intervention comme Toa
Zéo, Fengolo, Irozon, Blolé-Troupadrou etc.
Du point de vue des communautés enquêtées
sur le terrain, la notion de pauvreté va de pair avec le concept de
vulnérabilité. «...tout ça là, c'est
même chose... » (Extrait du focus groupe de Fengolo). Pour
elles, l'état de vulnérabilité est perçu comme une
passerelle vers la pauvreté. Toutefois, les villageois interrogés
parviennent, même difficilement, à faire une distinction entre la
pauvreté et la vulnérabilité. Il ressort des
résultats de l'enquête que les populations classent le terme
pauvreté ou de vulnérabilité en deux dimensions : la
pauvreté collective et la pauvreté individuelle. Pour ce qui est
de la définition de pauvreté collective, elle concerne
l'état des sites ou villages. Elle se caractérise par l'absence
ou l'accès difficile aux services collectifs (centre de santé,
pompes hydrauliques villageoises, écoles, routes, marché,
électrification) : « ... tu vois mon fils, depuis que la
guerre est venue là, notre village a tout perdu, on a tout perdu,
tout !!! Les infirmiers sont partis et maintenant quand quelqu'un est
malade, il faut payer transport cher pour l'envoyer à
Duékoué. Et puis la route même là n'est pas bonne.
Il y a les coupeurs de routes... Nos enfants ne vont plus à
l'école, on ne peut pas boire l'eau de pompe alors que les rebelles ont
tué les gens pour le jeter dans les marigots partout ici. Tu sais,
pauvreté là, il ya beaucoup de choses... »
(Extrait du Focus Group de Irozon). Ainsi au cours du profilage de la
pauvreté dans les localités visitées, tous les
enquêtés déclarent systématiquement que leur village
est pauvre. Cependant, contrairement à CARE les populations
n'intègrent pas dans leur définition de la pauvreté
collective les critères de gouvernance locale, du degré
d'opportunité, de l'environnement social or ces critères ont une
importance capitale pour CARE.
Au niveau de la pauvreté individuelle, contrairement
à CARE, les populations mettent davantage l'accent sur les besoins
individuels plutôt sur des commodités de base du ménage ou
du village. En effet, lors des analyses diagnostics de base, l'ONG CARE
procède à un recensement puis une classification des
ménages. Cette opération se fait en fonction du niveau de
pauvreté ou de vulnérabilité selon un échantillon
de chefs de ménage. C'était ces chefs de ménage qui
étaient les unités d'observation or les communautés elles
s'attardent la plupart du temps sur la pauvreté de chaque membre de la
famille. Donc c'est l'individu qui prime dans leur conception. Cette approche
définitionnelle est la source d'incompréhension latente entre les
communautés bénéficiaires des programmes et CARE. Elle
pose d'ailleurs l'épineux problème de la mesure de ces
notions.
· De la mesure de la pauvreté
Mesurer la pauvreté veut dire produire des nombres ou
des indicateurs par lesquels, nous pouvons évaluer le degré de
pauvreté dans une société donnée et identifier les
membres de la société qui doivent être
considérés comme pauvres. Compte tenu de la complexité de
définition du concept, les pays ont élaboré des outils de
mesure de la pauvreté (Herpin, Verger et al. 1997; CEPAL 2002; CEPAL
2003). En effet, la littérature fait état de l'existence d'une
diversité d'instruments de mesure de la pauvreté concurrents les
uns les autres. Mais en fait, à partir de quel niveau de bien-
être peut-on considérer qu'un individu est pauvre ?
D'emblée, disons que les principales approches de la
pauvreté se focalisent sur le bien-être
ou l'utilité, les besoins de
base et les capacités (capabilities). Ces
trois approches impliquent toutes le fait qu'une `'chose ou
caractéristique'', à définir, n'atteint pas un niveau
considéré comme un minimum raisonnable. De façon pratique,
une personne est jugée pauvre lorsqu'elle manque de la
`'chose'' en question. Le débat conceptuel sur la
pauvreté apparaît dès lors, lorsqu'on aborde la nature de
la chose manquante. Les tergiversations - sur la nature et le niveau de ce qui
ne doit pas manquer à une personne - nous ramènent à la
question plus vaste de l'équité, puisqu'elles portent sur
l'identification formelle d'un sous-espace de l'espace d'équité,
et sur la détermination, pour chaque dimension identifiée, d'un
seuil à partir duquel un membre de la société est
caractérisé comme pauvre ou non pauvre (Mossé 1985).
Pour Lautier, la question de la mesure de la pauvreté
est une question hautement politique. Car, « Le choix d'une
mesure que tout spécialiste un peu informé sait absurde et fausse
(ne serait-ce que parce que les chiffres de la Banque mondiale sont issus de
statistiques nationales d'une part souvent techniquement mal faites, d'autre
part produites de plus en plus en vue d'obtenir de l'aide) pose la question du
sens politique de ce choix »24(*). Toutefois, les spécialistes ont
élaboré des seuils de pauvreté (Calculs
généralement faits sur la base de la satisfaction des besoins
calorifiques de base). Cependant, on se rend bien vite compte que
définir un seuil de pauvreté faisant consensus est impossible,
pour des raisons techniques (indice de prix, indice de pauvreté, indice
de développement humain, etc.) mais à cause des désaccords
sur le panier de consommation de base (et surtout sur la prise en compte des
consommations non alimentaires). Ces désaccords rendent
évidemment impossible toute comparaison internationale, d'autant plus
que le nombre de pauvres est un enjeu politique important pour les États
qui produisent les statistiques. Néanmoins, selon Herpin et Verger,
la Banque mondiale a décidé qu'on pouvait, au moins pour la
pauvreté « absolue », établir un seuil de
pauvreté unique au niveau mondial, fixé à 1 $ USA
quotidien en parité du pouvoir d'achat de 1985. Même dans le cas
de la pauvreté subjective, on a construit un seuil de pauvreté
évalué par les seuils de Leyde25(*) (Herpin, Verger et al. 1997).
Pour ce qui est de la `'pauvreté des conditions de
vie'' ou `'pauvreté d'existence''-
caractérisée par l'impossibilité de satisfaire des besoins
essentiels - il est question ici d'une situation de manque dans les domaines
relatifs à l'alimentation (déséquilibre nutritionnel),
à la santé (non accès aux soins primaires), à
l'éducation (non-scolarisation), au logement, etc. Cette dimension
révèle une vision qualitative de la pauvreté
mesurée par une panoplie d'indicateurs qui évaluent soit
l'accès aux biens et services correspondants (par exemple, taux de
consultation médicale, ou taux de scolarisation), soit le
résultat de cet accès (taux de malnutrition, taux de
mortalité infantile, etc.).
Face à cette difficulté, l'ONG CARE assigne
à la communauté à la base d'identifier ses membres les
pauvres ou les plus vulnérables. Cette façon d'articuler met les
populations souvent dans l'embarras, car la classification des individus selon
leur degré de pauvreté est sujette à des controverses au
sein de la communauté.
En somme, mesurer la pauvreté ou l'exclusion est un
exercice difficile car les phénomènes sociaux
considérés comportent de multiples dimensions. Leur
appréciation est pour partie subjective et leurs formes varient selon
les époques et les lieux, en fonction du degré de
développement économique et des structures de la
société. Toutefois, de multiples indicateurs de pauvreté
sont utilisés pour rendre compte de ce phénomène. En plus
des approches traditionnelles du revenu ou de la consommation, d'autres
approches non utilitaristes à travers les indices de
développement humain tels que : IDH, IDG, IPH, ISDH...
I.2- Les logiques des acteurs dans
le jeu humanitaire
I.2.1-
L'assistance humanitaire de CARE : une logique pour obtenir plus de
financement pour son action et assurer sa pérennité
À la faveur de la crise ivoirienne, le pays connait une
effervescence de l'assistance humanitaire. Le champ de prédilection des
divers organismes disséminés sur l'étendu du territoire
est la lutte contre la pauvreté. L'objectif étant de redonner
goût à la vie après les atrocités qu'ont connues les
populations surtout celles qui étaient au coeur des combats entre forces
loyalistes et rebelles. De ce point de vue, l'ONG CARE International se
caractérise par l'objet qu'elle s'est donné (aider, secourir,
former des personnes, sauver des vies...) et par la population à
laquelle elle s'adresse : les femmes, les personnes âgées
sans soutien, les démunis, les personnes et les communautés les
plus vulnérables ou défavorisées, les handicapés
sans revenus et les jeunes.
Dans son fonctionnement, cet organisme soumet des projets
à financement auprès de différents bailleurs de fonds
sensibles aux aspects de l'amélioration des conditions d'existence de
populations en situation difficile. Dès lors, l'approche par plaidoyer
semble être l'outil privilégié pour rechercher des
financements, vu qu'elle n'est pas financièrement autonome. Dans ces
conditions, un cadrage définitionnel visant à rentrer dans les
critères de financement de certains bailleurs est opéré
à travers la construction sociale des concepts de pauvreté et de
vulnérabilité. En effet, ces concepts étroitement
liés ont une multiplicité de définitions.
L'éventail de définitions de ces concepts permet d'élargir
le champ d'action de cette structure au gré des financements
captés ou à capter. Ils apparaissent comme un construit social
car selon les exigences ou la nature des projets financés par les
différents bailleurs, l'ONG CARE monte des projets en tenant compte des
différentes particularités de vulnérabilité. C'est
pourquoi, selon le terrain, l'on se rendra compte que la notion de
vulnérabilité, sujet de toutes les actions sur le terrain n'est
pas assez précise.
La logique déployée par l'ONG CARE est
guidée par une démarche altruiste. Cette démarche consiste
pour cet organisme à monter des projets en vue de capter des fonds de
différents bailleurs pour aider les communautés à travers
les divers appuis offerts. En plus de cette logique, l'organisme
elle-même recherche également sa survie. En effet, par cette
logique, CARE contribue à améliorer le bien-être social et
économique des communautés. Toutefois pour y parvenir, il faut
bien qu'il assure sa pérennité. Pour ce qui est de la
satisfaction du premier point, notamment l'appui aux communautés
à la base, il procède à une identification et à une
sélection des bénéficiaires effectifs ou directs de leurs
actions. En fait les besoins exprimés par les populations ne pouvant pas
être satisfaits pour l'ensemble des requérants, l'organisme est
obligé de réduire la taille des bénéficiaires par
le biais d'un ciblage. En second lieu, l'ONG CARE se sert de la logique de
`'servir l'autre'', de `'sauver des vies'' pour faire du business selon
certains théoriciens.
I.2.2-
La logique de victimisation des communautés de l'Ouest : une
stratégie de captation d'interventions
Pour favoriser la reprise de l'activité humaine dans
les localités abandonnées de l'ouest ivoirien et soutenir ses
populations en détresse, de nombreux organismes y travaillent à
cette fin. Ainsi, divers projets ont été initiés
çà et là pour faciliter le retour volontaire des personnes
déplacées internes dans la sérénité et la
dignité dans leurs villages.
Les angles d'approche utilisés par le panel de
partenaires sont assez diversifiés. La vulnérabilité de la
population visée est souvent mise en avant pour justifier les
activités de terrain de ces organismes. Parmi les facteurs de
vulnérabilité les plus évoqués, nous
retenons : le fait de se trouver dans les zones rurales
théâtre des affrontements, le fait d'avoir des infrastructures
économiques endommagées par les attaques, le fait d'être
soit un jeune, soit une femme, soit encore une personne âgée ou un
handicapé sans soutien ni moyens financiers et enfin le fait de disposer
de revenus très limités. «... Les femmes ayant perdu ou
ayant été abandonnées par leur mari se retrouvent dans une
situation particulièrement vulnérable. On a pu observer qu'elles
n'ont pas facilement accès à la terre et ne disposent pas de
moyens pour assurer leur quotidien. Elles font dès lors face à
une panoplie de difficultés. Pour les jeunes sans terre, la situation
est au moins également précaire. Aucune politique n'existe pour
attribuer des terres aux jeunes qui restent dépendants de leurs
familles. Ils mettent en place des stratégies diverses pour obtenir un
capital de travail minimum permettant de développer des activités
non agricoles. » (Extrait entretien avec T.M, A.S CARE Man)
Dans ces conditions, la zone connait une affluence de projets
exécutés par diverses ONG. En effet, pour pallier la crise
alimentaire dans la région- soulignée dans les rapports de OCHA-
le PAM a mis à la disposition de la majorité des intervenants de
la zone des vivres26(*)
à distribuer aux communautés aussi bien rurales qu'urbaines.
C'est dans ce cadre de collaboration que les ONG comme IRC CARITAS, IDE,
ODARHOM etc. ont pu bénéficier à maintes reprises du
soutien du PAM ses projets. D'autres actions similaires ont été
conduites par la FAO en matière de distribution de semences aux paysans
et aux coopératives de maraîchers dans la zone couverte par la
présente étude. En plus, pour soutenir la scolarisation,
plusieurs écoles ont été réhabilitées (voir
annexe photos 3, 4, 5 et 6) par CARE et ses partenaires financiers. L'UNICEF
avait également offert des kits scolaires à CARE pour une
distribution aux victimes démunies dans leurs zones d'interventions. Les
communautés, au départ, ignoraient la logique d'intervention de
l'action humanitaire. Mais rapidement, elles se sont appropriées des
logiques d'intervention des différents organismes. Nous entendons ici
logique d'intervention tout le processus de l'action humanitaire. En d'autres
termes, il s'agit du vocabulaire utilisé, de la méthodologie
globale. C'est pourquoi, au vu de l'expérience capitalisée,
dès qu'une nouvelle structure arrive dans leur localité, elles
travaillent à capter les programmes annoncés. Cela passe par la
présentation générale du site en tenant compte des
standards de vulnérabilités internationaux sans évoquer
les efforts consentis par d'autres structures d'appui dans leur milieu.
«... Vous voyez, nous tous là, on a tout perdu...Si vous pouvez
nous aider ça sera bien. C'est CARE même qui a fait qu'on vit un
peu... » (Extrait d'entretien F.G Irozon)
Ainsi, c'est dans une certaine logique d'éternel
assisté que les populations s'inscrivent pour bénéficier
d'apports extérieurs. D'ailleurs, certains membres de la
communauté perçoivent ces appuis d'ONG comme un droit ;
c'est la raison pour laquelle ils ne voudraient point s'en priver. En
témoigne les propos de cet enquêté : «...
ceux là même, ils pensent que quoi ? C'est pour nous
qu'ils sont là...et puis ils ne veulent pas aider tout le
monde...» (Extrait d'un entretien individuel avec Z.D à
Fengolo)
Chapitre II :
Méthodologie de ciblage : un enjeu de la réussite des
projets
Le ciblage des bénéficiaires des projets est
sous-tendu par une démarche méthodologique. Ce chapitre se
consacre à l'analyse de cette procédure. Ainsi, nous traiterons
de l'ingénierie générale du ciblage puis des
résultats obtenus après son application. Leur analyse permet
d'expliquer comment ils peuvent contribuer à créer des sentiments
d'exclusion au sein des communautés bénéficiaires des
projets.
II.1- Ingénierie du
ciblage : Une stratégie d'intervention axée sur l'approche
participative et communautaire
La stratégie globale d'intervention de l'ONG CARE se
veut participative. Elle voudrait bien appliquer cette stratégie au
ciblage raisonné qu'elle opère sur le terrain. Soulignons
qu'à ce niveau, le ciblage dont il est question dans cette étude
concerne le ciblage géographique et le ciblage des
bénéficiaires directs (individuel ou collectif) des programmes
mis en oeuvre.
Au niveau de l'identification de potentielles localités
vers lesquelles devraient être dirigées les programmes, le
préalable consistait à faire une connaissance du terrain.
Celle-ci était le résultat d'un ensemble d'activités
résumé en deux points majeurs. Il s'agissait, dans un premier
temps, de collecter des informations tout azimut sur des sites donnés.
Cette base de données permettait à l'équipe de CARE de
ressortir de l'analyse situationnelle les localités les plus
affectées par la guerre. Cette collecte d'informations se faisait
auprès d'agences du système des Nations Unies (PAM, UNICEF,
UNSCO, HCR, PNUD, FAO...) et autres organismes ayant travaillé ou
travaillant dans la zone ciblé. OCHA Guiglo mettait à la
disposition de tous les organismes humanitaires un certains nombres
d'informations sur les différentes zones et localités de cette
partie du pays à partir d'expériences capitalisées.
Après cette phase documentaire, l'équipe de
terrain de CARE procédait à une étude
dénommée diagnostic participatif de base qui visait à
confirmer le risque conflictuel entre les différentes communautés
ou bien l'effectivité de l'existence d'un conflit inter et/ou
intracommunautaire ou encore l'état de destruction des infrastructures
économique des sites. C'est à la suite de cette étape que
l'ONG arrêtait de façon définitive la liste des
localités bénéficières de ses interventions.
Il ressort de l'enquête du terrain que le critère
principal de choix de la majorité des villages
bénéficiaires des projets CARE est d'ordre sécuritaire
lié à la fracture de la cohésion sociale à
l'avènement de la guerre. Fengolo et Toa Zéo ont
bénéficié de plusieurs interventions de CARE. Ainsi
à Fengolo, cet organisme a exécuté les projets suivants
ECHO, AUDIO, QIP ONUCI, ABRI et ECHO. Les récurrents conflits
intercommunautaires et interethniques dans ce village ont convaincu les
responsables de CARE d'y initier des projets de cohésion sociale. Ce
même critère a présidé au choix de Tao Zéo
sur le projet ECHO (Mai 2006-Juin 2007). Quant au site de Blody27(*), il a été choisi
à la dernière minute en remplacement de Tao Zéo
initialement présélectionné pour le projet AUDIO (Oct.
2007-Nov. 2008).
Contrairement à Fengolo, Irozon et Toa Zéo, le
choix de Blolé et Troupadrou deux villages distants de quelques
kilomètres, a été guidé par un
évènement historique lié à la durée de la
fracture sociale. En effet, depuis 1993, un conflit intercommunautaire opposait
les habitants de Blolé à ceux de Troupadrou. Ce conflit a connu
plusieurs tentatives de réconciliation organisées par les
autorités administratives et coutumières de l'époque sans
succès. Alors l'intervention du projet PARCI s'est orientée vers
ces localités pour tenter une réconciliation définitive
des belligérants.
Au-delà de la récurrence des affrontements et
des tueries inter et/ou intracommunautaires comme un critère de
sélection des sites d'interventions, nous avons le critère
démographique lié le plus souvent comme ce fut le cas à
Irozon, Fengolo, Blody, Toa, Zéo... au taux élevé de
déplacés dans ces villages. En effet, comme nous l'avons
souligné précédemment, ces localités ont
été le théâtre de sanglants affrontements opposant
les autochtones Guéré aux allochtones et allogènes.
L'atrocité de ces conflits a fait fuir pratiquement tous les autochtones
de leurs villages vers Duékoué. Devant cet état de fait,
et vu les expéditions punitives opérées par les milices-
dont les membres désormais étaient les jeunes de ces villages
abandonné- sur les populations restées en place, CARE a
décidé de travailler au retour définitif de ces
déplacés dans leurs villages d'origine.
L'Ouest montagneux a vu émerger à la faveur de
la guerre de Novembre 2002, une multitude d'agences humanitaires chacun
travaillant selon son idéologie. L'un des critères de
sélection des sites d'intervention de CARE obéit au degré
d'assistance humanitaire dans la localité
présélectionnée. En fait, CARE est une organisation qui
veut exercer sur des sites n'ayant pas connu beaucoup d'interventions
humanitaires d'autres agences d'appui. C'est pour cette raison que cet
organisme refusait d'orienter des projets dans le Zou, une
sous-préfecture de Duékoué, canton où presque tous
les humanitaires exerçant dans l'Ouest ont créé des
bureaux locaux. Or nous avons constaté que malgré cette
volonté, CARE a exécuté des projets de
réhabilitations de pompes hydrauliques identiques à ceux de IRC
à Diourouzon et dans bien de localités. Diourouzon avait
finalement bénéficié de deux projets de
réhabilitation de pompes hydrauliques de ses 2 pompes hydrauliques
villageoises et de l'amélioration de 2 points d'eau du village.
Qu'est-ce qui justifie l'exécution de plusieurs projets
par CARE sur un site identique ? Telle était une
préoccupation suscitée tout le long de nos enquêtes. Selon
l'ONG CARE, cela obéit à sa volonté de pérenniser
les acquis d'un précédent programme dans une localité et
de permettre à plus d'individus de bénéficier de leur
soutien sur ce même site comme l'atteste les propos suivant :
«... les besoins sont énormes dans certaines localités.
Notre budget ne nous permet pas toujours de faire face à tout cela. En
plus les délais sont très courts ; nous avions obtenu 8 mois
au départ pour le Projet ECHO, mais compte tenu de la
réalité sur le terrain, nous avons négocié et
obtenu un rallongement de 5 mois, ce qui nous a permis d'avoir 13 mois pour
Fengolo et Toa Zéo. À la fin du projet, nous avons soumis le
projet AUDIO à USAID et OFDA, ce qui nous a été
accordé pour Fengolo et Blody... » (Extrait d'entretien
avec K.G chef de projet CARE Man).
En dernier ressort, l'état des infrastructures
communautaires en général était un élément
prédominant dans la présélection et la sélection
définitive d'une localité d'intervention. En effet, certains
sites plus que d'autres connaissaient une destruction entière et massive
des services sociaux de base tels que l'école, les centres de
santé voire les marchés même précaires. Ainsi, en
lien avec la démographie de la localité, CARE décidait
d'intervenir sur certains sites en combinant plusieurs critères. Irozon
fait parti selon ce principe des localités retenues sur le projet PRECOS
à cause de son école détruite (Cf. annexe photo 3 à
6) et également de toutes ses maisons brûlées par les
différents belligérants des conflits interethniques.
Une fois la localité identifiée, nous avons,
dans le deuxième temps, le second niveau du ciblage. Il a trait à
l'identification et au choix des potentiels bénéficiaires directs
des projets.
En ce qui concerne les projets de type individuels ou
collectifs tels que la distribution de kits ménagers et alimentaires, la
réhabilitation d'habitats privés et les AGR communautaires, la
démarche de ciblage est tout autre. En raison de l'approche
participative dont elle se réclame, l'équipe de terrain CARE
`'impliquait'' les communautés bénéficiaires
elles-mêmes dans l'élaboration des critères de choix des
bénéficiaires directs. En effet, sur les trois projets
décrits dans les résultats de terrain ci-haut, nous avons pu nous
rendre compte que deux projets avaient mis à contribution les
différentes communautés villageoises dans la construction des
critères d'identification des bénéficiaires des projets
à exécuter. Ainsi lors de la mise en oeuvre du projet ECHO et
celui de AUDIO, les populations de Fengolo, Blody et Toa Zéo ont pu par
le biais de leur comité de paix convenir avec CARE des critères
de vulnérabilité dans leur différent village. C'est donc
sur la base de ces critères que les comités installés sur
ces sites avaient l'identifié les bénéficiaires directs
des projets mis en oeuvre. Mais en fait, lors de réunions
d'informations, CARE expliquait de façon globale son projet et
l'approche méthodologique qui guiderait son action. À l'issu de
plusieurs rencontres, l'organisation suscitait la formation d'organisations
locales capables de suivre au quotidien les activités de terrain telles
que l'identification des vulnérables du village, la fourniture des
chantiers en matériaux de construction et en main d'oeuvre, le
contrôle et la gestion des travaux, la gestion des infrastructures
construites ou réhabilitées. Ensuite l'organisme CARE installait
ces comités de paix ou de reconstruction au sein des communautés
bénéficiaires. Ces comités étaient assez
représentatifs car ils étaient composés de membres issus
des différentes stratifications et couches sociales (jeunes, femmes,
adultes) et des différents groupes ethniques du site
bénéficiaire. Les différents représentants de ces
comités étaient choisis par leur groupe d'origine. Le
comité de paix de Fengolo par exemple comprenait 13 membres
constitué de : une seule femme, 3 leaders de jeunes à savoir
le leader des jeunes autochtones, celui des jeunes allochtones et le leader des
jeunes allogènes. En plus dans ce comité, nous avons un
représentant des Baoulé, un représentant de la CEDEAO, un
autre individu représentant les allochtones du Nord ivoirien et les
autres membres sont les autochtones Guéré. Quelquefois dans
certains villages comme Irozon, dans le département de
Duékoué, nous avons pu rencontrer en marge du comité de
paix un comité de reconstruction dont la composition des membres
était mixte comme celui de Fengolo au niveau du comité de paix.
Contrairement à Irozon, le comité de reconstruction de Fengolo
était composé des chefs des 5 quartiers du village. Ce sont ces
comités qui avaient pour tâche au niveau local de mener les
activités d'identification des bénéficiaires directs des
projets. À Fengolo par exemple, il avait une présélection
au niveau des chefs de quartier selon les lots repartis par quartier au niveau
du comité de paix. Cette phase était ensuite validée en
session plénière lors d'une rencontre avec l'ensemble du
comité de reconstruction sous la supervision de l'équipe de CARE.
De façon générale la démarche du ciblage
déroulait comme suit :
ü Information et sensibilisation de la communauté
toute entière au cours de réunions publiques sur les intentions
de CARE dans chaque localité. Au cours de ces réunions, CARE
faisait connaitre ses critères de sélection des
bénéficiaires des potentiels des projets envisagés.
Globalement, ces critères renvoyaient aux personnes retournées
dans leur village d'origine, aux femmes célibataires ou veuves en
général, aux femmes chefs de ménage, aux enfants chefs de
ménage, aux personnes âgées sans soutien, aux
handicapés sans sources de revenus, aux tuteurs d'OEV etc. suivant en
cela les standards internationaux prédéfinis en matière de
vulnérabilité ;
ü Au vu des critères présentés par
CARE, il y avait une ébauche de définition des critères de
sélection des bénéficiaires par les comités locaux
eux-mêmes en connaissance des standards internationaux ;
ü Validation des critères de sélection
définis par les comités de reconstruction avec le staff terrain
de CARE (critères obtenus de façon consensuelle);
ü Identification et élaboration des listes de
bénéficiaires potentiels à partir des critères
retenus par les sous comités mis en place ;
ü Réalisation d'enquêtes par le staff projet
de CARE pour vérifier, en lien avec les critères validés
avec les comités la pertinence des choix
présélectionnés;
ü Validation en séances plénières
des listes post-enquêtes réalisés par l'équipe de
CARE en présence des communautés, des comités de
reconstruction et du staff projet CARE ;
ü Publication et/ou information des
bénéficiaires retenus pour se préparer afin de
débuter les activités (travaux de reconstruction et/ou de
distribution de kits) selon la nature de l'intervention.
Cette démarche globale n'a pas toujours
été respectée lors de l'exécution de tous les
projets décrits dans les résultats. En effet, l'une des
stratégies du PARCI dans le processus de réconciliation
était de pouvoir unir les communautés en conflit autour d'une
activité génératrice de revenus quand on sait que la crise
avait rendu les populations encore plus vulnérables et en proie à
la pauvreté grandissante. En général, les activités
de ce projet étaient communautaires. Elles visaient donc un ensemble
plus ou moins composite de la communauté. Dans ce cadre, les
microprojets et les groupes bénéficiaires étaient choisis
de façon consensuelle et démocratique. C'est l'approche
participative qui était mise en pratique encore ici. Certains
enquêtés attestaient que CARE n'imposait rien aux
populations : « C'est nous qui l'avons demandé,
on a demandé l'élevage. Donc ensemble, on a décidé
d'élever et faire une porcherie ; donc c'est nous qui l'avons
demandé. Entre les trois propositions, c'est la porcherie qui pouvait
nous arranger, c'es pourquoi, nous l'avons choisi ; nous voulons encore
plus, sinon, ils n'ont pas imposé, les jeunes vont travailler
là-bas et puis les femmes aussi vont vendre la viande ... »
(FGD avec le comité de gestion de Blolé-Troupadrou, Man).
CARE apporte son assistance pour aider à choisir des
projets qui correspondent à un réel besoin des populations et qui
sont en adéquation avec les pratiques et habitudes de la
communauté, et si un marché sûr d'écoulement
existe : « Il faut dire quand il était question
de projet, ils ont demandé à tout un chacun, les femmes, les
jeunes, les anciens. Ils ont demandé à chacun quel projet qui
pourrait avancer le village. Ils ont parlé d'élevage de poulets,
de pisciculture et de porcherie. En fait, dans les trois projets, le projet qui
a été le plus soutenu par la population c'est la
porcherie » (FGD avec les jeunes de Blolé-Troupadrou,
Man).
Interrogés sur leurs opinions concernant la pertinence
de la stratégie utilisée par CARE pour réconcilier les
populations, la quasi-totalité des informateurs, mentionne la sagesse et
l'expertise de CARE en la matière : « Moi, je pense qu'ils
ont usé de beaucoup de psychologie et qu'ils ont sûrement de
très bon psychologues. Parce que, quand vous voyez la démarche
psychologique qu'ils ont adoptée, elle est progressive. Aussi, elle est
adaptée au milieu qu'ils ont visé » (Entretien
individuel avec un membre du comité de paix de Irozon)
À aucun moment, CARE n'a pris parti. Il a usé de
beaucoup de tact et s'est contenté d'apaiser les tensions, d'être
impartial, en recherchant à chaque fois le consensus lorsqu'il y
avait des contestations autour des listes proposées par les
comités de reconstruction des différents villages :
« Moi, c'est une bonne méthode, une bonne
pédagogie. Parce que, pour réaliser leur réconciliation,
ils établissent d'abord les règles pour éviter les
frustrations et pour laisser tout le monde s'exprimer jusqu'au bout. Et, ils
demandent la patience, c'est une bonne stratégie. Et en plus, ils posent
des actions concrètes telles que les rafraîchissements, les repas
au cours des journées de réconciliation. En effet, les gens
fatigués déjà de la guerre, quand on vient leur apporter
la nourriture, ça consolide la réconciliation et puis ça
permet de se concentrer sur l'essentiel dans le choix des gens qui profitent
des projets ... » (Entretien avec le représentant CEDEAO
de Fengolo, Duékoué)
En conclusion, l'on note une grande admiration, une
très bonne impression voire une fascination d'une grande partie de la
population à l'égard de la MARP et des outils de sélection
des bénéficiaires des interventions de CARE. Cette
méthodologie qui repose sur la participation active des
bénéficiaires du PARCI, de ECHO, PRECOS, AUDIO, ABRIS ... au
processus de paix et de réconciliation initié par CARE et qui a
permis de prendre en compte les préoccupations et besoins
spécifiques des diverses composantes de la communauté
(autorités coutumières, chefferie, leaders communautaires,
jeunes, femmes, hommes) les a beaucoup impressionnés car, elle a permis
de mettre en exergue les problèmes latents dans la communauté. Ce
qui correspond déjà à un début de solution de ces
problèmes et par conséquent aide à désarmer les
coeurs meurtris.
II.2- Critique de
l'ingénierie du ciblage en regard du terrain
II.2.1- De la gestion participative lors du ciblage des
bénéficiaires des projets?
L'ingénierie du ciblage des bénéficiaires
des projets n'était pas aussi participative que CARE le laisse croire.
En effet, à l'analyse des interventions avec les
bénéficiaires lors des visites de terrain et des échanges
avec l'équipe projet CARE, nous nous sommes rendu compte que dans
l'exécution des programmes, cette procédure n'était pas
toujours respectée.
En effet, au niveau du ciblage géographique le
caractère participatif et communautaire était de loin
privilégié. En effet, après la collecte des informations
sur les différentes localités de sa zone d'intervention par le
staff projet (analyse situationnelle), les données les plus
significatives étaient celles qui orientaient le choix des
localités bénéficiaires. La participation de la
communauté ne se limitait dans ce contexte qu'à la fourniture des
informations recherchées par CARE pour confirmer ou infirmer un certain
nombre d'hypothèses lui permettant de rédiger le projet.
Même si les populations développaient, dans certains villages, la
logique de victimisation, celle -ci n'influençait pas forcément
le choix du site d'intervention de CARE. De tous les projets dont nous avons
parlé jusqu'à présent, il faut mettre en exergue qu'aucune
communauté n'a participé au choix définitif de sa
localité comme site d'intervention. D'ailleurs certains sites selon les
résultats de l'étude ont été proposés
à CARE par OCHA l'agence de coordination de d'action humanitaire. En
tout état de cause, nous avons pu constater que certaines
localités avaient reçu à plusieurs reprises des projets
souvent de même nature. La raison de cette option selon CARE, c'est
qu'elle obéit à deux principes. Le premier étant de
satisfaire le plus de personnes compte tenu des besoins non satisfaits par le
précédent programme ; le second répondant à
une logique de consolidation ou de renforcement des acquis du premier projet.
Les ONG qui appuyaient CARE dans la mise en oeuvre du projet
PARCI ne collaboraient pas suffisamment entre elles, moins encore avec la
population dans l'application des politiques de ciblage des
bénéficiaires des projets, alors que les actions qu'elles
entreprenaient étaient complémentaires. En fait, sur le
même site, ICC réalisait des microprojets dont une partie des
intrants provenait de la population. Quant aux ONG CARITAS et CONGEDA, elles
étaient chargées de faire le suivi du processus de
réconciliation. Or ces Organismes n'ont pas été
associés au choix des localités d'interventions du projet.
Au niveau du ciblage des bénéficiaires directs,
le terrain nous révèle aussi que certains membres des
communautés bénéficiaires des interventions étaient
insatisfaits de la méthodologie de ciblage utilisée. Ils
estimaient qu'ils n'avaient pas été assez associés aux
procédures d'identification et de choix des bénéficiaires
des projets de réhabilitation d'habitats privés, de distribution
de kits ou des projets AGR communautaires.
À ce niveau de la réflexion, il convient de
mentionner que la méthodologie générale de gestion de CARE
a progressivement évoluée au fil de la capitalisation des
expériences sur le terrain de l'humanitaire dans cette partie du
pays.
En 2004, dès le début du projet PARCI, CARE
s'est retrouvée dans un milieu où elle n'avait aucune
connaissance. Ainsi pour mener ses interventions, elle a eu recours à
des opérateurs privés (ICC, CARITAS et CONGEDA) pour conduire les
travaux dans les communautés. Ces opérateurs ont
été choisis à cause de leur connaissance du terrain
d'intervention. Pendant l'exécution des microprojets qu'ils
géraient, les bénéficiaires de ces interventions n'ont pas
été associés au ciblage. Cette situation constitue selon
les communautés une des sources de l'échec desdits projets.
Quant au ciblage dans les autres projets, il a consisté
à responsabiliser une frange de la communauté à travers
les comités de reconstruction. Ceux-ci se chargeaient d'identifier et
d'établir la liste des bénéficiaires des projets. C'est
d'ailleurs à ce niveau que se posaient les contestations de tout genre.
Pour les communautés, la participation signifiait la possibilité
d'être informé sur tous les contours de la sélection. Or il
n'en était rien car les critères publiquement
évoqués par CARE n'étaient pas toujours ceux
utilisés par le comité local. Il s'en suivait des rumeurs de
détournement ou de favoritisme dudit comité dans le choix des
bénéficiaires directs des projets surtout de
réhabilitation de maisons privés ou de distribution de kits. En
fait, le critère de volontariat et d'assiduité dans
l'exécution des travaux de réhabilitation de type communautaire
(Centre de santé ou case de santé, école, marché,
puits améliorés...) était particulièrement mis en
avant par le comité dans le choix des bénéficiaires de
projets à caractère privé. Ce nouveau critère
n'était connu que des membres du comité de reconstruction. Cette
situation ruine la crédibilité de CARE dans les localités
concernées.
Les MARP organisées par l'ONG pour recueillir des
données dont les indicateurs les plus pertinents président au
choix des bénéficiaires étaient communautaires et
participatives, cependant, cette participation communautaire était
taxée de simulacre dans certaines localités comme Irozon et Toa
Zéo selon des enquêtés.
II.2.2- Difficultés rencontrées dans la mise en
oeuvre des politiques de ciblage et leur gestion
Selon l'ONG CARE chargé de mettre en oeuvre la
politique de ciblage des bénéficiaires des projets dont elle a la
charge, un certain nombre de contraintes ne lui permettaient pas d'appliquer
à la lettre comme initialement élaboré dans les
documents-projets ou dans le cahier des charges28(*) les critères de ciblage des
bénéficiaires de ses interventions. Ce sont entre autres :
- la mobilité récurrente des populations
faussant les prévisions de l'effectif des cibles à prendre en
compte,
- les retards dans les décaissements de fonds
doublé des fluctuations des prix sur le marché favorisant la
révision sans cesse des projections en matière
d'interventions,
- les contraintes liées au respect des
échéanciers des programmes, c'est-à-dire au suivi du
calendrier dans le déroulement des différentes
activités,
- l'accent mis sur les projets de cohésion sociale
favorise la remise en question des critères pourtant établis de
façon consensuelle,
- la disponibilité de ressources humaines
compétentes pour mener ce type d'activité car le choix des
comités locaux pour cette tâche est, dans certaines
localités, sujet à des contestations.
Face à toutes ces contraintes CARE a recours à
des ONG tels que CARITAS ou CONGEDA et des cabinets d'études comme ICC
qui, se substituent aux populations dans les processus de ciblage dans certains
projets. En ajout, des visites inopinées sont conduites dans certains
villages par CARE pour contrôler la présence effective des
personnes listées dans leur milieu d'origine. Cette façon de
contourner les difficultés d'articulation des contraintes (cycle du
projet et exigences d'une approche participative) pose à terme le
problème du crédit des populations vis-à-vis de l'ONG
CARE.
Conclusion partielle
L'exécution des micro-projets dans la région de
l'Ouest ivoirien depuis le déclenchement de la crise a conduit à
définir ou à redéfinir les méthodologies
d'intervention des humanitaires sur le terrain. L'un des maillons essentiels de
cette méthodologie consiste en l'identification du groupe cible de
l'intervention envisagée. Parler de cibles ou de groupes cibles, c'est
aborder par ricochet le problème de l'identification et du choix des
bénéficiaires des activités menées sur le vaste
champ de l'action humanitaire. L'ONG CARE, à l'instar de divers
organismes, apporte son appui dans la zone de l'Ouest depuis 2004.
Arrive-t-elle à identifier et à sélectionner pleinement
les bénéficiaires de ses actions ? Comment s'y
prend-t-elle ? À ces préoccupations, les réponses
restent mitigées.
La politique de ciblage des bénéficiaires d'un
micro-projet est complexe dans un contexte d'assistance humanitaire d'urgence.
Cette complexité vient de ce que le ciblage embrasse plusieurs niveaux
de choix et rendent souvent compte d'intérêts divergents des
acteurs. Cibler, c'est identifier quelque chose et le choisir. Dans le cas
présent de cette étude, il s'agit d'identifier les
vulnérables d'une zone donnée.
La définition de ce concept ne pose plus de
problèmes qu'il n'en résout. En effet, d'emblée soulignons
que le concept de vulnérabilité est intimement lié
à celui de pauvreté. Ce qui fait que très souvent, on ne
peut parler de l'un sans invoquer l'autre. Or il est difficile de
définir avec aisance ces concepts du fait de leur
multi-dimensionnalité. Plusieurs débats, le plus souvent
complémentaires, entre les théoriciens de la pauvreté et
de la vulnérabilité ont montré qu'il y a une contrainte
même à avoir un consensus autour des outils de mesure de ces
concepts.
Invoqués dans le champ de l'action humanitaire, surtout
dans le cadre des interventions de CARE, ces concepts sont pareillement au
centre de nombreux commentaires entre les populations et les humanitaires. Eu
égard à tout ce qui précède, il ressort que le
ciblage des bénéficiaires des projets donne lieu à des
confrontations de logiques et de stratégies de ces différents
acteurs engagés dans l'action humanitaire.
En ce qui concerne l'ONG CARE, l'assistance humanitaire
sous-tend toute sa philosophie d'action. Pour y arriver, elle utilise le
concept de vulnérabilité mais aussi de l'approche dite
participative comme ressource exploitable pour la captation de financement de
projets. En plus, au-delà d'aider des populations rendues
vulnérables par la crise à sortir de leur situation de
pauvreté, le plaidoyer qu'elle déploie vise entre autre à
pérenniser les emplois de son personnel. Car s'il n'y a pas de projets
à exécuter les financements s'arrêtent et ainsi, on court
à la réduction de l'effectif d'agents en postes voire de
représentation sur le terrain. Le bureau de CARE à
Duékoué était par exemple en cour de fermeture lors de
notre enquête de terrain en Juillet 2009.
Quant aux populations des sites visitées
particulièrement et celles de l'Ouest de la Côte d'Ivoire en
générale, elles ont développé des stratégies
multiples pour capter et ou bénéficier des différents
interventions passées ou en cours dans la région. En effet, la
situation d'urgence humanitaire a induit d'importantes actions des ONG
auprès des populations. Ces interventions ont développé
chez celles-ci une forte logique d'assistanat. Ces populations ont construit
par ailleurs au fil du temps, un discours beaucoup misérabiliste proche
du plaidoyer pour une assistance humanitaire continuelle. La logique de
victimisation est ainsi brandie à tous les humanitaires qui parcours la
région. Cette logique vise à peindre davantage leur situation de
vulnérabilité, pourtant très visible, pour espérer
être retenu sur les interventions envisagées dans la zone.
Pour ce qui est de la méthodologie d'identification et
de sélection des bénéficiaires des interventions, il se
trouve que l'ONG CARE revendique dans sa mise en oeuvre l'approche
participative et communautaire. Le processus guidant cette posture passe par la
mise en place de comités chargés au niveau local d'identifier et
de choisir au sein de leurs propres communautés des individus
jugés `'plus vulnérables'' et donc susceptibles d'être
soutenus. Cependant, dans la pratique, cette méthode bien que pouvant
être porteuse de satisfaction pour les communautés, se trouve
être très vite une source de discorde. En effet, les pratiques
concrètes mettent en évidence des attitudes clientélistes
des membres des comités voire de CARE. Selon des informateurs des
localités visitées, les bénéficiaires des
micro-projets sont le plus souvent les mêmes. Les accusations portent sur
le fait que très souvent, ce sont les anciens fonctionnaires du village
qui jouissent des avantages des interventions des organismes. Or ceux-ci
malgré tout peuvent avoir encore accès à des pensions de
retraite. Cette situation génère parfois des contestations et des
tensions sujettes à un déséquilibre au sein des
populations.
Nous envisageons approfondir les résultats de la
présente étude dans le cadre de la thèse. Ainsi, dans le
travail de thèse à venir, nous souhaitons élargir ce sujet
à tous les acteurs en interactions dans la problématique du
ciblage au niveau des projets post-crise en cours. Il tentera de faire une
analyse comparative entre les politiques de ciblage déployées par
plusieurs ONG afin de faire ressortir les points de similitudes et les points
de divergences dans ces politiques. Ce sera l'occasion pour nous de croiser
davantage les informations recueillies auprès de tous les acteurs de
terrain. Car dans le cadre d u présent document, nous avons très
peu satisfait à cette exigence. Partant, le sujet de thèse
s'intitulera comme suit : `'Normes et pratiques du ciblage dans les
projets de lutte contre la pauvreté exécutés de la crise
ivoirienne à la période post-conflit : cas des ONG CARE,
IRC, CARITAS et IDEA dans la région de l'Ouest de la Côte
d'Ivoire''.
Conclusion
Conclusion générale
Cette étude est un prétexte pour examiner et
analyser la politique de ciblage des bénéficiaires des projets
humanitaires mis en oeuvre dans la partie occidentale de la Côte d'Ivoire
depuis le déclenchement de la crise.
Le choix des interventions de l'ONG CARE internationale dans
les zones de Man et Duékoué permet de mieux saisir l'importance
de la problématique. En effet, la Côte d'Ivoire est depuis
septembre 2002 le théâtre d'une crise militaro-politique. Celle-ci
s'est manifestée par des combats entre des forces loyalistes et des
forces rebelles. Ces conflits ont eu pour conséquences d'importants
déplacements de populations, la partition de fait du pays en deux zones,
la forte détérioration des conditions de vie dans certaines
régions, notamment du Centre, de l'Ouest et du Nord. La région
des 18 Montagnes et celle du Moyen Cavally ont été les des plus
touchées en raison de l'intensité des affrontements entre les
différentes armées, des mouvements de miliciens et de la
contagion de la guerre du Libéria.
Vu la précarité des populations de l'Ouest aussi
bien en milieu rural qu'en zone urbaine, l'ONG CARE à l'instar de
nombreuses agences humanitaires internationales, d'ONG et de prestataires
gouvernementaux est intervenu pour répondre aux principaux besoins des
communautés de la zone. Ses interventions ont été
exécutées un peu partout. Cependant, un sentiment quasi
généralisé laisse transparaître des formes
d'exclusion ou de malaise chez certaines personnes ou dans certaines
localités ; au point où les communautés ont
l'impression que ce sont toujours les mêmes qui bénéficient
des appuis des agences humanitaires ou autres prestataires de service. Certains
dénoncent même le fait que les aides sont octroyées
à des personnes qui ne devraient pas en bénéficier ou qui
ne mériteraient pas ces appuis. Mais au fait, qu'est ce qui explique le
sentiment que les véritables cibles ne sont pas touchées par les
interventions de l'ONG CARE dans l'Ouest montagneux ?
Pour comprendre les écarts entre les politiques de
ciblage envisagées et celles mises en oeuvre effectivement, nous avons
analysé les logiques des acteurs dans l'ingénierie du ciblage des
bénéficiaires des interventions de CARE. La politique de ciblage
des bénéficiaires des projets exécutés par cet
organisme met en interaction un certain nombre d'acteurs, chacun se retrouvant
dans l'arène de l'action humanitaire avec ses logiques et ses
stratégies propres. Dès lors, nous avons décidé
d'interroger ces parties prenantes dans des localités ayant
reçues des interventions tout en analysant leurs coopérations,
leurs logiques d'action et les stratégies qu'elles déploient dans
l'identification et le choix des bénéficiaires directs des
projets. Les données collectées et traitées ont servi de
base de l'analyse sociologique de l'ingénierie du ciblage des
bénéficiaires directs des projets de lutte contre la
pauvreté. Une approche essentiellement qualitative a été
la démarche méthodologique utilisée tout au long de cette
étude.
Au terme de la recherche, retenons que la présence de
l'ONG CARE dans les localités visitées a développé
au sein des populations une logique d'assistanat. Cette dernière est
portée par des stratégies de captation de l'intervention
humanitaire à travers la récupération des comités
villageois par certains acteurs locaux, le développement d'une
ingénierie du plaidoyer, la construction et la légitimation de
l'état de précarité et de victime.
Au niveau de l'ONG CARE, c'est autour une logique de captation
de financement qu'elle bâtit toute sa stratégie. Celle-ci est
sous-tendue par la construction sociale du concept de
vulnérabilité. La définition du concept de
vulnérabilité est si complexe qu'elle est devenue un enjeu dans
l'identification des bénéficiaires des interventions. Cette
difficulté à définir de façon consensuelle ce
concept a suscité au sein des populations un sentiment d'exclusion sur
certains projets. Généralement, les populations partent de
l'approche subjective pour définir leur situation de
vulnérabilité. Or cette façon d'articulation du concept au
niveau local est sujet de beaucoup d'incompréhensions car chacun veut
faire prédominer sa propre situation. C'est d'ailleurs ce qui justifie
dans un premier niveau le sentiment d'exclusion tant dénoncé lors
de notre enquête de terrain.
En rapport avec l'identification et le choix des
bénéficiaires, maillon important de la méthodologie de
terrain, l'organisme CARE revendique l'approche participative et communautaire
pendant son opérationnalisation. La mise en place de comités
villageois à travers les comités de paix, de reconstruction, de
gestion de l'école, de l'eau, de santé... sont des phases
essentielles de cette participation communautaire. D'ailleurs ces dits sont
aussi représentatifs que possible constituent le relai de CARE au niveau
du site d'intervention. Les membres desdits comités en principe
définissent les critères de vulnérabilité au niveau
local. Cette activité se fait en prélude de l'identification et
de la sélection les personnes qu'ils jugent les plus vulnérables
dans leur localité. Malgré ce processus, dans les faits, cette
démarche bien qu'étant d'intérêt pour identifier
avec les membres de la communauté eux-mêmes les personnes ayant le
plus besoin d'aides et/ou de soutiens, se trouve être
décrié par certains villageois. En effet, elle met en
évidence des attitudes parfois clientélistes des membres des
comités installés qu'on accuse avoir sélectionné
des individus ne respectant les critères pourtant énoncés
publiquement. En réalité, dans le fonctionnement des
comités de reconstruction ou de paix, outre les critères issus du
consensus d'autres tacites comme l'assiduité, l'analyse de `'cas
particuliers'' donne le sentiment au reste de la communauté que
certains ont joué de subterfuges pour bénéficier des
micro-projets réalisés dans leur localité.
En outre, les écarts observés lors du ciblage
des bénéficiaires des projets découleraient de la
faiblesse de la connaissance du terrain. En effet, les informations recueillies
durant l'analyse situationnelle élaborée sur le principe du MARP
changent incessamment au gré de la situation sécuritaire de la
zone ; perturbant par ricochet les prévisions en matière de la
taille des bénéficiaires des interventions. Cette situation
favorise la non application à la lettre des critères
d'identification et de sélection des bénéficiaires des
différentes interventions de CARE.
En définitive, La souplesse dans l'application des
critères d'identification et de sélection des
bénéficiaires conduit parfois à des contestations voire
des tensions débouchant sur des sentiments de déséquilibre
au sein des communautés.
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Table des matières
Sommaire
iii
Liste des illustrations
v
Liste des photos
v
Liste des cartes
vi
Liste des tableaux
vi
AVANT-PROPOS
vii
Sigles et Abréviations
viii
Remerciements
xi
INTRODUCTION
1
1-Contexte de l'étude et constats de la
recherche
2
Constat 1 : Diversité de conception de
la vulnérabilité et de la pauvreté
4
Constat 2 : Cumul de microprojets dans
certaines localités.
7
Constat 3 : Contournement des méthodes
à base communautaire lors de l'identification et de la sélection
des bénéficiaires des projets
8
2-Problématique
9
2-1 Question de recherche
9
2-2-Questions subsidiaires
9
3-Objectifs de l'étude
9
3.1-Objectif général
9
3.2- Objectifs spécifiques
10
4-Revue de la littérature
10
MATERIAUX ET METHODES
24
5-Méthodologie de la recherche
25
5.1 Techniques de production des données
25
5.1.1 Nature des données
collectées
25
5.1.2 Champs de collecte des
données
26
5.1.3 Période de réalisation des
enquêtes
28
5.1.4 Méthodologie
d'échantillonnage
28
5.1.5 Outils de collecte des
données
30
5.2 Analyse des données
32
5.2.1 Technique de dépouillement et
d'analyse des données
32
5.2.2 Cadre théorique d'analyse
32
6. Limites des options méthodologiques et
critique des données
36
7. Plan de restitution des résultats
37
RESULTATS
38
PREMIERE PARTIE : Présentation de la
zone d'étude et des projets PARCI, ECHO et AUDIO
39
Chapitre premier : Caractéristiques
générales de la zone...
40
I.1-...de Man
40
I.1.1- Localisation et
démographie
40
I.1.2- La situation socio-politique et
état de la pauvreté à Man
42
I.2-...de Duékoué
43
I.2.1- Localisation et
démographie
43
I.2.2- Situation socio-politique et état
de la pauvreté à Duékoué
46
Chapitre II : Présentation de quelques
projets à Man et Duékoué
47
II.1-Du projet ECHO
47
II.1.1- Zone d'intervention
47
II.1-2. Contexte d'émergence du
projet
47
II.1.3- Objectifs du projet
48
II.1.4- Catégories
d'activités
49
II.1.5- Ingénierie du ciblage des
bénéficiaires du projet
53
II.2- Présentation du projet PARCI
(Partenariat et Alliance pour la Réconciliation en Côte
d'Ivoire)
59
II.2.1- Zone d'intervention du
programme
59
II.2.2- Contexte de la création du
projet
59
II.2.3- Objectifs du projet
61
II.2.4- Catégories
d'activités
61
II.2.5- Ingénierie du ciblage
62
II.3- Description du projet AUDIO
65
II.3.1- Contexte de création du
projet
65
II.3.2- Zone d'intervention
66
II.3.3- Objectifs du projet
66
II.3.4- Nature de l'intervention et
catégories d'activités
66
II.3.5- Ingénierie du ciblage du projet
AUDIO
67
Conclusion partielle
69
Discussion
71
DEUXIEME PARTIE : Politiques de ciblage :
distance entre normes et pratiques de fonctionnement dans la lutte contre la
pauvreté
72
Chapitre premier : La construction sociale de
la vulnérabilité et de la pauvreté
73
I.1- La vulnérabilité et la
pauvreté: des concepts complexes à définir
73
I.2- Les logiques des acteurs dans le jeu
humanitaire
78
I.2.1- L'assistance humanitaire de CARE :
une logique pour obtenir plus de financement pour son action et assurer sa
pérennité
78
I.2.2- La logique de victimisation des
communautés de l'Ouest : une stratégie de captation
d'interventions
79
Chapitre II : Méthodologie de
ciblage : un enjeu de la réussite des projets
80
II.1- Ingénierie du ciblage : Une
stratégie d'intervention axée sur l'approche participative et
communautaire
80
II.2- Critique de l'ingénierie du ciblage en
regard du terrain
85
II.2.1- De la gestion participative lors du
ciblage des bénéficiaires des projets?
85
II.2.2- Difficultés rencontrées
dans la mise en oeuvre des politiques de ciblage et leur gestion
87
Conclusion partielle
87
Conclusion
90
Conclusion générale
91
Références bibliographiques
93
Table des matières
97
Annexes
100
Annexes
Annexe 1 : GUIDE
D'ENTRETIEN AVEC LES STRUCTURES D'APPUI
I-Considérations générales
1- Depuis quand votre structure est implantée en
Côte d'Ivoire ?
2- Sur toute l'étendue du territoire ivoirien, dans
quelle région menez-vous le plus d'activités ?
3- Pourquoi ?
4- Quand avez-vous commencé vos activités dans
cette région ?
5- Pouvons-nous avoir une idée du type de projets que
vous exécutez ?
6- Dans l'ouest, qu'est-ce qu'on peut avoir une estimation des
projets en fonction des différents types ?
7- Avez-vous spécifiquement des projets qui visent
à lutter contre la pauvreté ?
II- De l'ingénierie du ciblage
1- Est-ce qu'il y avait des projets que vous avez mis en place
qui au départ concernaient une population donnée, mais qui au
finish ont été détournés part d'autres cibles ou
bien orientés vers d'autres cibles ?
2- Si Oui, pourquoi il y a eu détournement ?
comment vous l'expliquez-vous?
3- Quel(s) est ou sont ce(s) projet(s) ? NB :
Ici nous voudrions identifier des projets soit achevés ; en
cours ; ou sur le point de mise en oeuvre avec des difficultés de
ciblage
4- Avez-vous à CARE une démarche standard de
ciblage des bénéficiaires des projets que vous
gérez ?
5- Cette démarche s'applique-t-elle à tous les
types de projets ?
6- Vous arrive-t-il d'être confronter à des
difficultés dans le ciblage des bénéficiaires des projets
que vous managez ?
7- De quels ordres s'il en existe ?
8- Si Oui, comment gérez-vous ces difficultés
dans la mise en oeuvre du ciblage des bénéficiaires des
projets?
9- Généralement, qu'est-ce qui conduit à
l'écart dans la sélection des
bénéficiaires ?
10- Comment définissez-vous la
vulnérabilité ou la pauvreté ?
11- Est-ce que dans l'identification des groupes cibles ou des
bénéficiaires vous associez les populations
elles-mêmes ?
12- Quel est leur niveau d'implication ?
GUIDE D'ENTRETIEN AVEC LES BENEFICIAIRES
D'APPUI
1- Comment êtes-vous venus sur le projet sur lequel vous
travaillez ?
2- Quel type de partenariat avez-vous avec l'ONG
CARE ?
3- Comment avez-vous été choisi pour participer
à ce projet ?
4- Avez-vous été bénéficiaire une
fois des opérations de kits alimentaires ici ?
5- Et des opérations de distribution de kits
ménagers ?
6- Si non pourquoi ?
7- Certaines maisons ont été
réhabilité dans votre village, pouvez-vous me dire comment on a
choisi ceux qui ont eu leur maison reconstruite ?
8- Avez-vous été consulté lors du choix
de ceux là ?
9- Pensez-vous que des personnes qui sont
bénéficiaires de micro-projets ne les méritent
pas ?
10- Qu'est-ce qui expliquent cela selon vous ?
11- Les animateurs disent travailler souvent avec les pauvres
ou les vulnérables, pour vous qui est considéré comme
pauvre ?
12- Á part ce projet de CARE, travaillez-vous avec
d'autres structures implantées ici ?
Annexe 2 : Projet AUDIO :
réhabilitation de l'école de Irozon
Photo 3 :Batiment n° 2
école de Yrozon après nettoyage et avant
réhabilitation

![]()
Photo 4: Bâtiment
n° 1 école de Irozon avant réhabilitation par CARE

![]()
Photo 5 : Bâtiment
n°1 de l'école de Irozon en cours de
réhabilitation

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Photo 6: Bâtiment
n° 1 de l'école de Irozon réhabilité

![]()
Source : Photos réalisées par
le staff projet CARE
Source : Photos réalisées
par l'équipe projet CARE
Annexe n°3 : Des photos de quelques Projets
réalisés par CARE
Photo 7 : Distribution de
kits aux populations retournées du village de Blotilé

Photo 8: Vue de kits
prêts à être distribuer à Fengolo

Photo 9: Projet QIP (AGR),
Moulin offert par CARE à Blotilé avec financement
ONUCI

Photo 10: Maison
réhabilitée à Fengolo

Source : Photos réalisées
par le staff projet CARE
Annexe n°4 : Quelques images du Projet PRECOS
Photo 11: Pompe hydraulique
réhabilitée à Diourouzon

Photo 12: Bâtiment
modèle CARE construit à Irozon

Source : Photo réalisée par
le staff projet CARE
Source : Photo réalisée au
cours de notre enquête juillet 2009

* 1 L'application des mesures
correctives des PAS telles que : la libéralisation du commerce, la
réduction du rôle de l'État et son recentrage sur ses
fonctions de définition de politique et de service publics, le
« dégraissement » des entreprises publiques et
parapubliques, le recours à la privatisation tous azimuts,... (Manuel
2003 ; Kouadio S.d.), a agrandi les écarts et favorisé les
inégalités entre les populations.
* 2 CI : Profil des
marchés pour les évaluations d'urgence de la
sécurité alimentaire, PAM, jan 2007.
* 3 Depuis le
déclenchement de la crise ivoirienne, l'ONG CARE intervient dans trois
zones qui sont la zone élargie de Korhogo, celle de Bouaké et la
zone élargi de Man.
* 4 Souvent dans la
sélection des bénéficiaires de programmes, il arrive que
des personnes qui ne répondent en principe pas aux critères de
choix aient bénéficié d'interventions. À Fengolo
par exemple il n'était pas prévu une réhabilitation de
maison des étrangers mais contre toute attente, le leader des jeunes
allogènes a eu sa maison réhabilitée...
* 5 Selon le rapport final du
DSRP 2009, la pauvreté de la zone Ouest de la Côte d'Ivoire qui
était de 64,4% en 2002 est passée à 63,2% en 2008.
* 6 Approfondir la lecture en
lisant les textes se rapportant à la socio-économie. Lire
particulièrement les auteurs comme Bentham, Karl Polanyi, Joseph
Schumpeter, Amartya Sen, etc.
* 7 Ba M, 1995, « De
la diversité et du Rôle des ONG », in le courrier
Europe-ACP, n° 152, Juillet-Août, PP 69-70
* 8 La question des OMD a
suscité beaucoup d'intérêts. Ces objectifs sont les
suivant : 1) Réduire de moitié l'extrême
pauvreté et la faim, 2) Assurer l'éducation pour tous les enfants
dans l'enseignement primaire,
3) Eliminer les disparités entre les sexes à
tous les niveaux de l'enseignement, 4) Diminuer de deux tiers (2/3) la
mortalité infantile, 5) Réduire de trois quarts (3/4) la
mortalité maternelle, 6) Inverser la progression du VIH/SIDA, du
paludisme et d'autres maladies, 7) Assurer un environnement durable, 8) Mettre
en place un partenariat mondial pour le développement.
* 9 Ce constat, ressort d'un
atelier méthodologique organisé sous l'égide de la
FAO ; de la CIHEAM-IAMM et l'ORSTOM, sur la thématique de
`'l'identification des ménages à risques nutritionnel'' Cet
atelier s'est tenu du 7 au 11 novembre 1993 à Alexandrie.
* 10 Ceux-ci étant les
individus dont les revenus sont à 50% inférieurs au seuil de
pauvreté. D'ailleurs le CGAP signale que « la
majorité des clients de la micro-finance se situent
généralement de part et d'autre du seuil de pauvreté, les
`'extremely poor'' sont rarement atteint ». CGAP (2003). The
impact of microfinance. Donor Bief. Washington DC, CGAP.
13.
* 11 CASHPOR est un
rassemblement de programmes de la Grameen Bank implantés dans la
région de l'Asie-Pacifique
* 12 `'Une étude de cas
n'est pas un choix méthodologique, mais un choix d'objet à
étudier''
* 13 `'Toute impression que
l'étude de cas est une méthode de collecte de données est
erronée. Bien conçue, la recherche des études de cas est
une stratégie de recherche sur la matière, pas la méthode
de recherche `'
* 14 Selon nos entretiens avec
les responsables de l'ONG IRC, cet organisme était déjà
présente Côte d'Ivoire entre 1994 et 1996. La crise
militaro-politique a conduit à la réouverture de sa mission dans
ce pays en 2003 afin de répondre aux besoins humanitaires des
réfugiés libériens et des populations
déplacées du conflit ivoirien.
* 15Pires 1997
`'Echantillonnage et recherche qualitative : essai théorique et
méthodologique [texte disponible dans Les Classiques des Sciences
Sociales]
* 16 Voir MOUAFO NGATOM H.
S. : `'La coopération non gouvernementale à
l'épreuve de la réduction de la pauvreté au Cameroun : une
analyse sociologique des relations Bailleurs de fonds-ONG
nationales'' ; ; http://www.memoireonline.com/02/07/353 :
cooperation-non-gouvernemental-reduction-pauvrete-cameroun-anayse-sociologique.html
; consulté le 13 janvier 2008.
`'Carr, E. R. (2008). "Rethinking poverty alleviation : a
`poverties' approach." Development in Practice 18(6):
726-734.
* 17 Ces données sont
issues du recensement du comité des déplacés de Man en
2003
* 18 Dans la nuit du 31mai au
01 Juin 2005, des massacres se sont perpétrés à Guitrozon
et Petit Bouaké faisant environ 40 personnes tuées. Source :
www.onuci.org/article_pdf.php3?id_article=339
* 19 Réunions
d'information avec les communautés :
-31 Août 2006 à Anouanzèkro
08 Septembre 2006 à Kouassibakro
-18 Novembre 2006 à Fengolo 18,
19 et 21 Décembre 2006 à Fengolo
-23 Décembre 2006 à Georgeskro
06 Décembre 2006 à Toa Zeo
-13 Janvier 2007 à Fengolo
09 et 25 Janvier 2007 à Toa Zeo
-15 et 21 Février 2007à Toa Zeo
* 20 Il s'agit des
personnes retournées à Toa Zéo à la suite des
travaux de réhabilitation, les distributions de vivres à ces
populations retournées se sont faites au début du mois
d'août 2006
* 21 Les affrontements
interethniques de 2005 dans ce village avaient eu pour conséquence la
destruction de la quasi-totalité des maisons des populations
Guéré, c'es-à-dire des autochtones.
* 22 « Il n'y
avait pas de maisons à réhabiliter prévues à
Fengolo pour les allogènes. Mais le comité a trouvé
pertinent d'attribuer des réhabilitations de maisons à trois (3)
allogènes. C'est ainsi que le leader des jeunes allogènes a pu
bénéficier de la réhabilitation de sa maison car il avait
accueilli beaucoup d'enfants orphelins ...donc, on ne peut pas a priori
déterminer les bénéficiaires sans tenir compte de
certaines réalités de terrain... » Extrait
d'entretien avec K.G, chef de projet CARE Man.
* 23 Source : recensement
du comité des déplacés de Man Janvier-Février
2003.
* 24 Bruno Lautier : `'La
Banque mondiale et sa lutte contre la pauvreté : sous la morale, la
politique'' `'Carr, E. R. (2008). "Rethinking poverty alleviation : a
`poverties' approach." Development in Practice 18(6):
726-734.
http://www.f.sa.ulaval.ca/personnel/vernag/ch/f/caause/lectures/BMP01Af.htm
; consulté le 08 Août 2007
* 25 Cette approche
appréhende la pauvreté à travers les
« difficultés à équilibrer son
budget » c'est -à-dire est pauvre celui qui n'arrive pas
à boucler ses fins du mois avec le revenu dont il dispose.
* 26 Ces vivres
étaient généralement composés de denrées
suivantes : du riz, du maïs, du haricot, de l'huile et du sel. Au
début de la crise, les distributions de vivres ciblaient les
déplacés internes et quelquefois les tuteurs de
déplacés qui se présentaient aux organismes sur le
terrain dont CARE. Mais au fil du temps, les travailleurs communautaires
étaient devenus les principaux bénéficiaires de l'aide
alimentaire.
* 27 Dans la proposition du
projet AUDIO soumis à l'USAID/ OFDA, les localités de Toa
Zéo et de Fengolo étaient les bénéficiaires
ciblés. Cependant, des mésententes entre le chef du village et
l'équipe de CARE avaient abouti à la perte du
bénéfice du projet par Toa Zéo.
* 28 Document écrit
fixant les caractéristiques attendues pour une réalisation
technique ou matérielle ainsi que les conditions et les étapes de
sa mise en oeuvre.
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