Chapitre XI : Les relations sanitaires
Sur le plan sanitaire, l'Afrique fait figure de
sinistrée. Selon Claude ROUY, la coopération sanitaire est un
domaine privilégié pour l'évaluation qualitative d'une
aide bilatérale et est un des meilleurs reflets de volonté de
coopération pour la France406. Elle est dirigée
par le ministère de la Coopération, surtout en Afrique dès
les années 70. La coopération sanitaire étant peu
structurée, cela provoque un cloisonnement de l'action médicale,
d'où les tentatives de réorienter la stratégie
française dans ce domaine dès les années
80407. Les Seychelles bénéficient globalement du
même aide que ses voisins du Sud-ouest de l'océan Indien. Pour que
la France répondre aux besoins de ses habitants, les Seychelles, tout
comme ses voisins, doivent exprimer ses besoins et entamer ensuite des
négociations lors de tenues de commissions mixtes. La définition
de ses objectifs en fonction d'un héritage structurel en matière
de santé constitue le principal défi dans la coopération
bilatérale avec la France dans le domaine sanitaire408.
Nous pouvons donc nous demander comment ces relations sont
présentées par la France ?
406 ROUY Claude, « La coopération sanitaire
française avec les pays de l'océan Indien », Annuaire
des pays de l'Océan Indien, Volume VII, Aix-en-Provence, Presses
universitaires d'Aix-Marseille, 1980.
407 BRUNET-JAILLY Joseph et KEROUEDAN Dominique, « La
France a-t-elle une stratégie de coopération en matière de
santé avec l'Afrique et Madagascar ? », L'Afrique politique
2001, Paris, Karthala, 2001.
408 Op. cit. ROUY Claude, « La
coopération sanitaire française avec les pays de l'océan
Indien », Annuaire des pays de l'Océan Indien, Volume VII,
Aix-en-Provence, Presses universitaires d'AixMarseille, 1980.
409 « Aide médicale de Paris », La Lettre de
l'Océan Indien, 20 janvier 1996.
410 BALENCIE Jean-Marc, La Diplomatie navale française en
océan Indien (1967-1992), Lille, Atelier nationale de reproduction des
thèses, 1992.
identifiés : un publié dans Le Monde,
quatre dans la LOI. Pour deux d'entre eux, le domaine sanitaire est
à peine évoqué. Les deux autres bénéficient
d'un article consacré à la coopération sanitaire. Deux
possibilités peuvent expliquer un tel désintéressement de
la presse française. La première, la plus simple, c'est que cette
coopération n'intéresse guère les journalistes. La
seconde, probablement la plus plausible, c'est que la situation sanitaire aux
Seychelles est satisfaisante409. Cette théorie peut
être confirmée par Jean-Marc BALENCIE. En effet, d'après
lui, les Seychelles sollicitaient de plus en plus rarement l'assistance
sanitaire française. Pourtant, il n'était pas rare qu'à la
demande des autorités seychelloises, des bâtiments français
font escale dans des îles isolées ou de lointaines
dépendances pour permettre aux spécialistes français de
faire la maintenance des appareils de médecine, comme la radiographie
dans les hôpitaux insulaires410. Cette situation, on le
doit à France-Albert RENÉ411. En même
temps, la santé n'est pas une priorité dans la politique
extérieure de la France : elle est plutôt délaissée
au profit de l'action sociale412. Ainsi, lors de rencontres,
les dirigeants français et seychellois s'entretiennent très peu
sur la santé, ce qui expliquerait pourquoi les journalistes n'en parlent
pratiquement jamais. Pourtant, il y a des aspects importants qui ne sont pas
évoqués dans la presse mais qui sont décris dans des
annales scientifiques comme l'Annuaire des pays de l'Océan Indien
: par exemple, la tenue à Victoria d'une commission mixte
franco-seychelloise en juillet 1979 sur l'aide à la Santé rurale
et sur la décentralisation des soins de base et qui a
débouché sur trois projets d'aide413.
Le premier article remonte au 4 mai 1985 dans un article de la
LOI intitulé « René à Paris ». Dans cet
article, nous apprenons que RENÉ s'est entretenu sur la santé et
la pêche avec le ministre français de la Coopération,
NUCCI, le 26 avril 1985. On peut voir également que lors des tensions
entre Paris et Victoria fin 1985 au sujet de l'adhésion de la France de
la COI, les soins de certains malades seychellois dans les hôpitaux
réunionnais alors pris en charge par l'administration française
ont cessés414, le temps que l'atmosphère se
calme entre les deux pays, bien sûr. Vers le 4 janvier 1988, pendant sa
visite aux Seychelles à l'occasion de la quatrième commission
mixte franco-seychelloise, Michel AURILLAC, ministre de la Coopération,
a signé un accord dans le cadre d'un jumelage entre l'hôpital de
Victoria et celui de Saint-Denis-de-la-Réunion415.
D'après le ministre de la Coopération PELLETIER
le 17 septembre 1990, la CCCE s'intéresse au domaine de la santé
aux Seychelles416. Un autre article intitulé «
Axes de coopération française » parait dans l'hebdomadaire
dix ans plus tard, le 21 octobre 1995. La ministre seychelloise des Affaires
étrangères, Danielle de SAINT-JORRE, s'est entretenue,
début octobre, avec le ministre délégué de la
Coopération, Jacques GOFFRAIN, pour faire le point sur la
coopération franco-seychelloise. Parmi les trois projets issus de ces
entretiens, rapportés ensuite par l'hebdomadaire gouvernemental
seychellois Nation, il y a un programme d'appui à la
santé publique dans l'archipel de 2,5 millions FF, soit environ 384 600
euros417. On apprend davantage en détails ce projet
dans un article publié dans la LOI le 20 janvier 1996. C'est le
Fond d'action et de coopération (FAC), dépendant du
ministère de la Coopération, qu'est chargé d'apporter
cette aide à l'hôpital de Victoria. D'après cet article,
cette aide qui devait s'étaler sur trois ans vise à soutenir et
développer les actions réalisées depuis 1987 par la
Coopération française à cet hôpital. Cela devait
permettre la création d'une unité de néonatologie
performante pour réduire le taux de mortalité infantile et le
renforcement du partenariat hospitalier existant depuis 1992
entre l'hôpital de Victoria et le Centre hospitalier départemental
(CHD) de Saint-Denis de la Réunion.
411 LANGELLIER Jean Pierre, « Vent de démocratie
aux Seychelles. Après quatorze années de socialisme autoritaire,
cet archipel de l'océan Indien se convertit au multipartisme et
libéralise son économie », 7 janvier 1992.
412 Op. cit. ROUY Claude, « La
coopération sanitaire française avec les pays de l'océan
Indien », Annuaire des pays de l'Océan Indien, Volume VII,
Aix-en-Provence, Presses universitaires d'AixMarseille, 1980.
413 Op. cit. ROUY Claude, « La
coopération sanitaire française avec les pays de l'océan
Indien », Annuaire des pays de l'Océan Indien, Volume VII,
Aix-en-Provence, Presses universitaires d'AixMarseille, 1980.
414 « Tension avec Paris », La Lettre de
l'Océan Indien, 23 novembre 1985.
415 « Commerce croissant avec la France », La
Lettre de l'Océan Indien, 16 janvier 1988.
416 Op. cit. « La coopération
française en 1989 », La Lettre de l'Océan Indien,
22 septembre 1989.
417 D'après nos calculs.
Enfin, le 31 décembre 1996, Laurence FOLLÉA,
chef de la section médecines-mode de vie, service société
au journal Le Monde, publie dans ce quotidien un article dont le titre
de l'article veut tout dire : « L'île de La Réunion exhorte
les pays voisins de l'Océan Indien à lutter contre le sida
». Parmi ses voisins, les Seychelles qui sont cités :
d'après l'Organisation mondiale de la santé (OMS), dix-huit
sidatiques sont recensés aux Seychelles à cette époque. Le
SIDA était encore difficilement visible dans les îles du sud-ouest
de l'océan Indien selon FOLLÉA. Pourtant, il faut savoir que le
SIDA est une menace pour les sociétés et l'économie des
États africains, d'où la participation accrue de la France aux
côtés de l'UE, même si c'est du bout des
lèvres418. D'après FOLLÉA, si la
Réunion exhorte ses voisins, dont les Seychelles, à lutter contre
le SIDA, c'est parce que dans ces pays, les malades ne jouissent des
accès aux soins que possède la Réunion, cette
dernière faisant alors figure de privilégiée dans la
région.
418 Op. cit. BRUNET-JAILLY Joseph et KEROUEDAN
Dominique, « La France a-t-elle une stratégie de coopération
en matière de santé avec l'Afrique et Madagascar ? »,
L'Afrique politique 2001, Paris, Karthala, 2001.
Nous avons pu voir que les informations sur la
coopération bilatérale dans le domaine de la santé ne sont
quasiment pas évoquées dans notre corpus. Beaucoup
d'éléments présents dans les annales scientifiques ou
ouvrages semblent absents. Pourtant, c'est un aspect important des relations
entre deux pays. Les quelques éléments cités par les
journaux français sont intéressants mais nous donnes qu'une
faible idée sur ce domaine. La presse française ne nous donne
donc pas assez de renseignements sur la coopération sanitaire entre la
France et les Seychelles de RENÉ. Si la presse française semble
bouder ces relations, il n'est pas impossible que la presse seychelloise y
accorde plus d'importance. En effet, il ne faut pas oublier que le
développement de la santé fait parti des acquis importants du
développement social seychellois présidé par cet homme.
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