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Les relations entre la France et les Seychelles d'après la presse française (1977-2004)

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par Guillaume BURDEAU
Université Paris Ouest - Nanterre - La Défense - Master 2 Histoire 2010
  

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2. La transition démocratique (1992-1993)

La transition a commencé en janvier 1992 et a pris fin en juillet 1993, soit dix-huit mois après. Nous allons voir comment s'est déroulée cette transition et comment la France l'a accompagnée selon la presse française.

Dans certains articles, comme celui de Jean-Pierre LANGELLIER, publié le 7 janvier 1992, RENÉ donne des garanties, tels que l'ouverture de la télévision et de la radio aux opposants ou encore le remplacement de la radio d'État par une station indépendante. L'économie se libéralise. Le président autorise même la création d'un Institut pour la démocratie333. Neuf partis d'opposition apparaissent334. Le 16 avril, Le Monde annonce le retour d'exil de MANCHAM depuis le 13, accueilli par 20 000 de ses partisans. Néanmoins, on peut constater des limites dans ce début de transition : on dénonce sa maîtrise par le SPPF, le contrôle des médias et les « conditions injustes » qu'aurait subies l'opposition335, ainsi que le refus de RENÉ de tout compromis sur la composition du Seychelles Broadcasting Corporation. D'après la LOI, RENÉ chercherait à semer la zizanie dans l'opposition336.

328 « Appel à une conférence de réconciliation », La Lettre de l'Océan Indien, 6 juillet 1991.

329 « Conditions au retour des exilés », La Lettre de l'Océan Indien, 2 novembre 1991.

330 Op. cit. LANGELLIER Jean Pierre, « Vent de démocratie aux Seychelles. Après quatorze années de socialisme autoritaire, cet archipel de l'océan Indien se convertit au multipartisme et libéralise son économie », 7 janvier 1992.

331 Op. cit. RAFFY Serge, « Marx va mourir aux Seychelles », Le Nouvel Observateur, 26 mars-1er avril 1992.

332 Op. cit. LANGELLIER Jean Pierre, « Vent de démocratie aux Seychelles. Après quatorze années de socialisme autoritaire, cet archipel de l'océan Indien se convertit au multipartisme et libéralise son économie », 7 janvier 1992.

333 « Un Institut pour la démocratie », La Lettre de l'Océan Indien, 22 février 1992.

334 « Déjà neuf partis d'opposition, La Lettre de l'Océan Indien, 25 janvier 1992.

335 « Les craintes de l'opposition », La Lettre de l'Océan Indien, 15 février 1992.

336 « Les limites du changement », La Lettre de l'Océan Indien, 16 mai 1992.

Cela n'empêche pas de constater une « effervescence pré-électorale », selon la LOI du 11 juillet. Le 26, les « premières élections pluralistes depuis dix-sept » - titre de l'article du Monde du 26 juillet - donnent 58,4 % et 11 sièges au SPPF, 8 au Democratic Party de MANCHAM et un seul au Parti Seselwa (Parti seychellois). 90% des électeurs ont voté337. Parmi les observateurs, on compte un français, le député de l'Essonne André WILTZER338. La cohabitation débute le 27 août avec l'élection de Joseph BELMONT en tant que président de la commission constitutionnelle339. Lors de son passage à Paris en septembre, RENÉ a présenté l'évolution politique de son pays au nouveau conseiller aux Affaires africaines de MITTERRAND, Bruno DELAYE. Les Seychelles auraient reçu sa prime à l'effort démocratique puisqu'on constate que Paris a accepté de réduire sa dette340.

titre de la LOI du 17 octobre 1992. L'opposition se prononce sur le non, déclenchant une polémique avec le SPPF343. Le 15 novembre, 53% des électeurs ont voté oui alors qu'il en fallait 60% : le projet constitutionnel est rejeté344. Des tensions apparaissent : le SPPF fait désormais cavalier seul et les opposants subissent des menaces et des pressions. MANCHAM souhaite la venue d'observateurs du Commonwealth. Le conseiller de MANCHAM, Daniel BELLE, s'est alors rendu à Paris. En effet, d'après Paul CAMBON, « l'opposition souhaiterait [...] la participation d'un constitutionnaliste français ». Pour elle, la France doit jouer un rôle indispensable dans les régions francophones. Selon l'opposition, toujours d'après CAMBON, la venue du constitutionnaliste renforcerait le poids de Paris dans l'archipel345. Jusqu'au dernier moment, avant la reprise des travaux, RENÉ se refuse à consulter MANCHAM sur l'élaboration de la Constitution346.

337 « Victoire du parti présidentielle à l'élection de la Commission constitutionnelle », Le Monde, 28 juillet 1992.

338 « Des observateurs pour les élections », La Lettre de l'Océan Indien, 25 juillet 1992.

339 « Début de cohabitation », La Lettre de l'Océan Indien, 29 août 1992 ; « L'impatience d'André SAUZIER », La Lettre de l'Océan Indien, 5 septembre 1992.

340 « Le président René à Paris », La Lettre de l'Océan Indien, 12 septembre 1992.

341 « Le calendrier électoral en question », La Lettre de l'Océan Indien, 26 septembre 1992.

342 « Le SPPF adopte sa Constitution », La Lettre de l'Océan Indien, 10 octobre 1992.

343 « L'opposition dit non », La Lettre de l'Océan Indien, 24 octobre 1992 ; « Référendum constitutionnel », Le Monde, 15 novembre 1992.

344 « Rejet de la Constitution », La Lettre de l'Océan Indien, 21 novembre 1992 ; CAMBON Paul, « Ce n'est pas le paradis pour le président René », Quotidien de Paris, 17 décembre 1992.

345 Op. cit. CAMBON Paul, « Ce n'est pas le paradis pour le président René », Quotidien de Paris, 17 décembre 1992.

346 « L'indécision du Democratic Party », La Lettre de l'Océan Indien, 9 janvier 1993.

Au moment où les travaux ont repris, fin janvier 1993, MANCHAM est entré en contact avec un expert en consultation électorale, membre du RPR de Jacques CHIRAC alors maire de Paris, afin d'obtenir des conseils pour les futures élections seychelloises347. En mars, les débats constitutionnels ont été prolongés348. Les travaux prirent fin début mai349. La Constitution a été adoptée par référendum le 18 juin à 73,6 %350 avec un taux de participation de 74,66 %351. Trois candidats à la présidentielle sont présentés : RENÉ, MANCHAM, et Philippe BOULLE de l'United Opposition. On s'attendait sans surprise à la réélection de RENÉ le 23 juillet352. C'est chose faite. Il est réélu avec 59,5 % contre 36,7 % pour MANCHAM : c'est « l'écrasante victoire d'Albert RENÉ »353. Ces élections générales, qui se seraient déroulées dans le calme, auraient donné 28 sièges sur 33 au SPPF. C'est donc la fin d'une transition qui aura duré 18 mois354.

347 « Les aléas du débat constitutionnel », La Lettre de l'Océan Indien, 27 février 1993.

348 « Débats constitutionnels prolongés », La Lettre de l'Océan Indien, 27 mars 1993.

349 « Nouveau planning électoral », La Lettre de l'Océan Indien, 8 mai 1993.

350 « La nouvelle Constitution a été approuvée à une large majorité », Le Monde, 22 juin 1993.

351 « Élections générales fin juillet », La Lettre de l'Océan Indien, 26 juin 1993.

352 « Triangulaires générales fin juillet », La Lettre de l'Océan Indien, 10 juillet 1993.

353 « Écrasante victoire d'Albert René », La Lettre de l'Océan Indien, 31 juillet 1993.

354 « Le président France-Albert René a été réélu », Le Monde, 27 juillet 1993.

C) La politique française de renforcement de la démocratie et de défense des droits de l'Homme aux Seychelles d'après la presse française (1993-2004)

Il est étonnant de voir un dictateur se convertir à la démocratie. Certes, il existe des cas où d'anciens dictateurs deviennent des présidents démocratiquement élus comme le Bolivien Hugo BANZER ou récemment le Santoméen Manuel PINTO DA COSTA dont le régime était proche de celui de RENÉ. Est-il possible que RENÉ soit vraiment devenu du jour au lendemain un vrai démocrate ? Sur ce point, nous pouvons compter uniquement sur La Lettre de l'Océan Indien pour obtenir des informations médiatiques sur la présentation de la politique française de renforcement de la démocratie aux Seychelles, les autres médias ne nous donnant aucun renseignement.

Parmi les principales libertés, il y a la liberté d'aller et venir, la liberté d'expression (la liberté de la presse en fait partie), le droit à l'intégrité corporelle, le droit au respect de la vie privée, le droit de manifester, le droit de réunion et d'association355. D'après Freedom House, il n'y avait aucune liberté entre 1980 et 1992. Puis, entre 1993 et 1996, les Seychellois deviennent partiellement libres. Depuis, rien ne semble avoir changé356. Si le multipartisme est autorisé, l'exil exclu et qu'une certaine liberté d'expression existe, le régime continu d'être pointé du doigt pour ses manquements aux droits de l'Homme357. En étudiant les articles de la LOI, nous pouvons constater que ces manquements commencent à être régulièrement pointés du doigt par Paris dès 2001. Au moment où les travaux ont repris, fin janvier 1993, MANCHAM est entré en contact avec un expert en consultation électorale, membre du RPR de Jacques CHIRAC alors maire de Paris, afin d'obtenir des conseils pour les futures élections seychelloises347. En mars, les Seychelles, RAFFARIN affiche de façon sous-entendue son attachement au respect des droits de l'Homme aux Seychelles.

L'inquiétude de l'Union européenne et celle de la France sur l'état de la démocratie seychelloise, d'après les articles de la LOI, se fait ressentir dès la fin du « règne » du président RENÉ. On remarque que la France, avec l'UE, fait pression sur le régime seychellois et que pendant près de dix ans, après la fin de la transition « démocratique », la diplomatie française a nié, tout comme l'UE, les entorses à la démocratie par le régime de RENÉ

358. Ces entorses sont présentées dans La Lettre de l'Océan Indien comme étant des « problèmes aux Seychelles ». L'ambassadeur des Seychelles à Paris, Calixte d'OFFRAY, propose alors l'envoi d'une commission d'enquête sur l'état de la démocratie avec les droits de l'Homme. Aucun article français n'affirme si le président RENÉ a donné ou non son accord à l'envoi de cette commission.

La liberté de la presse, sans doute la plus importante, semble être celle qui en pâtit le plus. Voici comment la presse française nous présente la situation. Pour RAFFY, RENÉ est devenu « en quelques semaines un adepte de la liberté d'expression »359. Pourtant, il continue de la bafouer. La LOI du 24 février 2001 évoque la question avec la visite du ministre de la Coopération Charles JOSSELIN les 19 et 20 février. Dans son entretien avec RENÉ, il lui aurait rappelé l'attachement de la France à la liberté de la presse et d'expression. En effet, les deux seuls médias véritablement indépendants, Regar et Vizyon, sont menacés de fermeture à cause de plusieurs procès en diffamation par le régime. En 2002, Regar est au bord de l' « étranglement », d'où le combat en Europe des sympathisants de l'hebdomadaire. À Paris, il est mené par Pauline FERRARI, la fille de l'ex ministre et soeur de l'éditeur de Regar, JeanFrançois. On sait qu'au bout de plusieurs mois de combats médiatiques, elle a réussi à obtenir l'envoi d'une lettre de Reporters sans frontières à RENÉ et tenté d'entrer en contact avec la Fondation France libertés présidée par Danielle MITTERRAND360.

Les missions diplomatiques françaises et britanniques à Victoria relèvent des violations des droits de l'Homme et l'augmentation de la brutalité (brutalité policière et possible existence de milices pro-RENÉ). Ces informations reçues par la Commission européenne incitent l'UE, et donc la France, à modifier leur position vis-à-vis-du régime, d'où la proposition de l'ambassadeur seychellois à Paris de l'envoi d'une commission d'enquête361. Ce même ambassadeur a également envoyé au président RENÉ une sévère lettre du président du Sénat européen, Pat COX362 condamnant l'arrestation de l'éditeur de Regar et le meurtre de Thérèse BLANC-PAYET, Française étant liée - est-ce une coïncidence ? - à cette personne. Le dernier article est sans doute celui de la LOI publié le 17 janvier 2004. On apprend que Watson GRAHAM a écrit au Premier ministre RAFFARIN à propos des droits de l'Homme aux Seychelles. Donc, au moment où RENÉ se prépare à abandonner le pouvoir, les droits de l'Homme posaient toujours problèmes. Si RAFFARIN reconnaît l'augmentation des homicides, d'après lui, le pays traverse de profonds bouleversements au moment du départ du pouvoir de RENÉ. En revanche, en soutenant la poursuite de la démocratisation des Seychelles, RAFFARIN affiche de façon sous-entendue son attachement au respect des droits de l'Homme aux Seychelles.

358 « La pression européenne monte », La Lettre de l'Océan Indien, 4 octobre 2003.

359 Op. cit. RAFFY Serge, « Marx va mourir aux Seychelles », Le Nouvel Observateur, 26 mars-1er avril 1992.

360 « Les lobbyistes de Regar en Europe », La Lettre de l'Océan Indien, 13 avril 2002.

361 Op. cit. « La pression européenne monte », La Lettre de l'Océan Indien, 4 octobre 2003.

362 «Sévère lettre de Pat Cox », La Lettre de l'Océan Indien, 27 septembre 2003.

qui y font allusion. Même si la France a fait pression sur les Seychelles en se faisant donneuse de leçons, il n'en demeure pas moins que la presse française n'a jamais évoqué une quelconque dénonciation de Paris du gouvernement de Victoria, ni expliqué les raisons. Mais on a pu constater que cela a changé avec la fin de la guerre froide et le début de la vague de démocratisation en Afrique. La France a, en outre, joué un rôle non négligeable en ayant été l'un des pays les plus visités par l'opposition durant la lutte pour la démocratisation, mais surtout avec la visite de MITTERRAND aux Seychelles et le discours de La Baule. Le rôle de la France dans le processus démocratique s'avère en revanche plus absent dans la presse. On a pu constater qu'il a fallu attendre le début des années 2000 pour que la diplomatie française des droits de l'Homme aux Seychelles revienne dans la presse, exclusivement dans la LOI. En conclusion, la presse française peut nous donner une idée de cette diplomatie française, mais certaines zones d'ombres demeurent, tel que l'accompagnement de la France dans le processus démocratique.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo