Introduction
L'existence d'une justice saine, équitable et d'une
institution capable de la mettre en oeuvre constitue le fondement de tout
régime démocratique et d'un État de droit. C'est aussi
l'indication la plus nette de la vitalité d'un régime de
liberté. Par contre, si le fonctionnement de la justice est approximatif
et inadéquat, s'il règne une mauvaise application des
règles de droit, si le système se trouve incapable de rendre
justice à qui justice est due, c'est la désorganisation de la
société, la mise en péril de la démocratie et
l'ébranlement de la confiance des citoyens à l'endroit de leurs
dirigeants.
Autrefois, les hommes vidaient leurs querelles en fonction des
rapports de force du moment. L'individu victime d'une vilenie, d'un affront ou
d'un forfait, attendait le moment propice pour régler ses comptes,
même quand le tort causé était sans commune mesure avec les
représailles infligées. C'était l'époque de la
« vengeance privée », au cours de laquelle aucune
règle, aucun principe, aucune norme ne servait de fondement à
l'action entreprise. C'était, selon les auteurs,
« l'état de nature » où l'homme était
un loup pour l'homme : les plus faibles subissaient la loi des plus forts
sans qu'aucun frein ne soit mis à la volonté de puissance et de
conquête de ces derniers.
Plus tard à la phase de la « justice
privée », les hommes sont encore aux
représailles personnelles, toujours en raison de l'absence d'une
institution capable de trancher les différends entre les particuliers.
C'est la loi du Talion où la vengeance est proportionnelle au tort
causé. Vengeance personnelle aussi, car elle avait surtout pour
fondement le culte de l'honneur, la défense des intérêts
sacrés, la préservation de la dignité de la famille.
La période de la « justice
publique » ne pouvait véritablement voir le jour
qu'avec la naissance de l'État, détenteur de la force publique,
et susceptible d'imposer son autorité sur l'ensemble de la
collectivité. Désormais, cet État suffisamment fort, va
mettre un terme aux multiples initiatives individuelles pour s'approprier le
monopole de la contrainte, de la coercition et de la sanction. C'est
l'État qui, à cette phase, s'évertuera à
résoudre les litiges entre les groupes, tranchera les différends
entre les particuliers, bref l'État sera appelé à dire le
mot du droit en toutes circonstances.
Mais pour qu'il soit à même de s'acquitter de
cette tâche essentielle, base de son autorité et de sa
crédibilité, faut-il que cet État dispose, à cet
égard, d'une institution, d'un appareil suffisamment neutre, objectif et
impartial doté d'organes, d'un corps d'hommes de loi, de textes
législatifs et réglementaires adaptés à
l'évolution des moeurs, de la société et des
mentalités.
Cet appareil, dans l'État moderne, est l'institution
judiciaire, distincte de l'exécutif qui exécute et du
législatif qui légifère. Déjà, John Locke,
dans son « Essai sur le gouvernement civil » (1690),
faisait valoir que personne n'a le droit d'envahir les droits d'autrui, la
nature a autorisé chacun à protéger et à conserver
l'innocent et à réprimer ceux qui lui font tort ; c'est le
droit naturel de punir... peines proportionnées à la faute, qui
ne tendent qu'à réparer le dommage qui a été
causé, et à empêcher qu'il n'en arrive un semblable
à l'avenir.1
L'institution judiciaire réprime donc, punit,
sanctionne, indépendamment de l'exécutif qui est le bras
séculier de la justice et du législatif qui confectionne les lois
répressives. Cependant, Locke en avait fait une branche de
l'exécutif. Montesquieu, l'auteur de « l'Esprit des
Lois » (1748), sera plus catégorique, plus direct.
« Tout serait perdu, écrivait-il, si le même homme ou le
même corps des principaux, ou des nobles ou du peuple exerçait ces
trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d'exécuter les
résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les
différends des particuliers ». Selon lui, « il n'y a
point de liberté quand sont réunis dans les mêmes mains le
législatif et l'exécutif... Il n'y a point non plus de
liberté quand la puissance de juger, le judiciaire, n'est pas
séparée du législatif et de l'exécutif ».
Et d'ajouter, « si elle était jointe à la
puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des
citoyens seraient arbitraires ; car le juge serait le
législateur ; si elle était jointe à la puissance
exécutrice, le juge pourrait avoir la force d'un
oppresseur ».2
______________________
1- CHEVALIER
Jean-Jacques, « Les grandes idées politiques de
Machiavel à nos jours », pp.72-73
2- CHEVALIER Jean-Jacques, op. cit, p 95
En clair, Montesquieu plaide pour une séparation des
pouvoirs et une répartition fonctionnelle des tâches. Le pouvoir
judiciaire est, à ce titre, distinct et indépendant des deux
autres, sans qu'il n'existe entre eux aucun rapport d'hostilité et de
méfiance, mais plutôt des relations de respect et de confiance, de
partenariat et d'équilibre.
Telle est la nature des choses dans les nations
démocratiques, dans l'État de droit et dans les
sociétés civilisées et avancées.
Depuis déjà plus d'une vingtaine
d'années, l'institution judiciaire haïtienne est sur la sellette.
Les causes généralement invoquées de son mauvais
fonctionnement semblent provenir de diverses sources, à savoir :
lenteur des procédures de jugement, corruption des juges,
obsolescence des codes, inadaptation des lois, délabrement des
infrastructures physiques y relatives, rémunération
dérisoire des dispensateurs de justice. Pour ne mentionner que les
plus saillantes. Bref, l'institution judiciaire haïtienne est
défaillante aussi bien dans son organisation, dans sa structure que dans
son fonctionnement. En outre, ce système est sévèrement
critiqué en raison de sa subordination au pouvoir exécutif, de
son outrancière politisation et surtout de la corruption qui
gangrène le système.
A la lumière de ce qui précède, des
professionnels du Droit intéressés par cette problématique
ont été amenés à suggérer une réforme
profonde du système judiciaire dans le but de le rendre accessible,
efficace et crédible. Certes, il s'avère nécessaire et
même recommandable l'instauration d'un système judiciaire
indépendant, opérationnel et surtout participatif, s'accommodant
de l'existence d'un État de droit dans le pays.
En outre, un tel système doit pouvoir refléter
les spécificités historiques et culturelles de la majorité
de la population haïtienne vivant sous l'égide de la tradition
orale. D'ailleurs, il convient de rappeler qu'en dépit des prescriptions
constitutionnelles, il n'existe pas dans le pays une tradition de
séparation et d'indépendance des pouvoirs. Le pouvoir judiciaire
est le plus souvent, si ce n'est toujours, dominé et vassalisé
par le pouvoir exécutif.
Concrètement, il nous a été possible
d'observer le comportement de titulaires du Ministère de la
Justice, faisant office de chef du pouvoir judiciaire au lieu de jouer leur
rôle régulier de conseiller juridique de l'Exécutif et
d'intermédiaire entre les Pouvoirs Exécutif et Judiciaire. En
d'autres termes, c'est au Ministère de la Justice qu'il revient de
préparer et de gérer le budget du pouvoir judiciaire, tout en
assurant l'administration de fait de la justice. C'est encore à ce
Ministère qu'est dévolue la mission de contrôler le
fonctionnement du système judiciaire en s'adjugeant le pouvoir de
nomination des juges à presque tous les échelons de la
hiérarchie judiciaire. Ce rôle de chef du pouvoir judiciaire est
exercé par le Ministère de façon incongrue et
anachronique.
De part cet état de fait, l'équilibre dans les
rapports entre les pouvoirs qui constitue la condition sine qua non pour la
garantie du bon fonctionnement de l'Etat est rompu.
Les rapports de domination entre l'exécutif et le
Judiciaire forment un handicap sérieux au développement de
l'appareil judiciaire, surtout avec les liens économiques, sociologiques
et politiques des gens qui sont parvenus au système.
Qui plus est les signaux de la corruption sont partout dans
les institutions. Or, la demande de la Justice et la Primauté du droit
demeurent la toile de fond des revendications du peuple haïtien.
Ainsi compte tenu de l'importance de la justice dans la lutte
contre les criminalités dans les sociétés à travers
le monde où la corruption bat son plein, dont Haïti, nous cherchons
à savoir et déceler :
1- Comment expliquer et corriger les défaillances du
système judiciaire haïtien ?
2- Quels sont les changements susceptibles d'améliorer
la performance du système judiciaire ?
3- S'agit-il d'actualiser les textes de lois, d'augmenter le
nombre des tribunaux, de réhabiliter ceux existant, de former des juges
à tous les échelons de la hiérarchie judiciaire et de
bien les rémunérer ?
Pour répondre à ces interrogations et bien
d'autres nous avons rédigé notre mémoire ayant pour
titre : « Le Système Judiciaire en Haïti et
les Obstacles qui paralysent son Développement».
L'objet de notre travail consiste à analyser la
situation du système judiciaire en Haïti, il entend
démontrer que le manque de moyens au niveau du système
judiciaire, la rémunération insuffisante des dispensateurs de la
justice sont susceptibles de générer la corruption dans le
système ; que la réforme judiciaire prônée par
la communauté internationale est viciée dans sa démarche
parce qu'elle ne peut venir que des spécialistes haïtiens en
collaboration avec les partenaires internationaux pour sa réussite.
Par le choix de ce thème de recherche, nous voulons
donc porter davantage les dirigeants haïtiens à libérer la
justice de leur emprise et travailler à garantir son indépendance
pour le développement du pays.
Ce travail comprendra deux parties : nous diviserons les
parties en chapitres et ceux-ci en sections.
Dans la première partie, nous essaierons de
présenter l'aspect théorique du travail. Nous étudierons
l'organisation judiciaire haïtienne.
Au chapitre premier, nous parlerons des organes
juridictionnels.
Le second chapitre portera sur les gens de justice.
La deuxième partie constituera la phase
opérationnelle du travail. Nous mettrons l'accent sur les obstacles qui
paralysent le développement du système judiciaire haïtien et
la nécessité d'établir une indépendance
réelle entre les pouvoirs exécutif et judiciaire en vue de
l'efficacité de la justice haïtienne.
Au troisième chapitre, nous traiterons de la
problématique du système judiciaire haïtien qui nous porte
à faire une évaluation de ses ressources et les causes de son
disfonctionnement.
Le quatrième chapitre sera consacré à la
réforme du système judiciaire haïtien et nous ferons
quelques suggestions pour le bon fonctionnement de la justice.
Pour amener à point ce travail, nous avons recouru
à maintes méthodes dont la méthode historique, la
méthode théorique, la méthode critique et la
méthode analytique.
Sans jamais prétendre avoir épuisé la
matière, vu son caractère pluridimensionnel ou multidimensionnel
et sa complexité, nous espérons que ces recherches vont fouetter
notre orgueil et l'orgueil de tout un chacun, autour de la
nécessité de conjuguer ses efforts pour la construction d'un
État de droit fort et constitutionnel assis sur le
respect des libertés, des normes et des institutions
que Louis FAVOREU, cité par D. TURPIN, appelle : « Le
triple objet de la Constitution ».1
_______________________
1- FAVOREU Louis, « Le conseil
constitutionnel et les libertés ». p. 7
Première partie
L'Organisation Judiciaire Haïtienne
Dans le temps, le règlement des conflits a donné
lieu à une justice privée, dont la forme la plus primitive
était représentée par l'exécution par la partie
lésée de ce qui lui semblait être son droit. En raison de
ses excès inévitables, dès que des formes d'État se
sont imposées dans les sociétés humaines, les gouvernants
ont institué pour dire le droit des juges, auxquels les parties en
présence devaient confier le règlement de leurs
différends.
Comme « nul ne se fait justice à
soi-même », à défaut d'un accord spontané
entre les parties, toute violation d'une règle juridique ne peut
normalement trouver son issue que dans l'intervention d'une juridiction. Comme
tout État organisé, Haïti n'échappe pas à
cette règle. Pourquoi, dans cette première partie
consacrée à l'organisation judiciaire haïtienne, constituant
la matière de notre travail, nous nous proposons d'étudier les
organes juridictionnels (chapitre I) et enfin les gens de justice (chapitre II)
chargés de la distribution et de l'administration d'une bonne et une
saine justice.
Chapitre I
Les Organes Juridictionnels
Le terme de « juridiction » est
générique. Les juridictions sont appelées, le plus
souvent, au premier degré de juridiction,
« tribunal » (tribunal de première instance) et aux
échelons supérieurs « cour » (cour d'appel).
Ces différentes terminologies ont leur prolongement dans le nom
porté par les actes juridictionnels. Les Tribunaux rendent des
« jugements » et les Cours des
« arrêts ».
Pour rendre compte des Organes juridictionnels de
l'Organisation judiciaire haïtienne, nous étudierons successivement
les Juridictions de droit commun (Section I) et les Juridictions
spécialisées (Section II).
Section I
Les Juridictions de Droit Commun
Ancienne colonie française, Haïti, même
après l'indépendance conquise en 1804, est restée
profondément attachée à la France. Le nouvel État a
gardé non seulement la langue mais aussi la culture juridique de
l'ancienne Métropole. Le Législateur haïtien a repris le
principe de la double juridiction. Ainsi les tribunaux sont-ils
organisés en deux degrés de juridictions. Les tribunaux qui
rendent des jugements, obligatoirement saisis en première instance,
forment les juridictions du premier degré. Les instances qui rendent des
arrêts, après avoir procédé à un nouvel
examen du litige ayant fait l'objet d'un jugement au premier degré,
comme les Cours d'Appel, forment les juridictions du second degré.
Les juridictions du premier degré
Elles se composent des juridictions civiles et des
juridictions pénales.
Les juridictions civiles
L'expression « Juridictions civiles » est
très compréhensible, dans la mesure où elle englobe tous
les Tribunaux qui reçoivent compétence pour examiner et
régler les différends intéressant une personne
privée (physique ou morale), qu'il s'agisse de la défense de son
statut familial, de la défense de son patrimoine ou de ses droits moraux
ou patrimoniaux : on peut donner comme exemple les procès relatifs
à la séparation de corps ou au divorce, à la vente ou au
bail d'un immeuble, au règlement d'une succession, aux
difficultés résultant d'un contrat de travail. Ce sont les
juridictions de la société civile qui reçoivent des
attributions en matière de droit privé, le droit public relevant
des juridictions de l'ordre administratif.1
_______________________
1- Jean Vincent et Alii, « Les
institutions judiciaires », Paris, Dalloz, 5e
édition, 1999, p. 307
Les juridictions civiles haïtiennes sont formées
par les Tribunaux de paix et les Tribunaux de première instance.
Les Tribunaux de Paix
A la base de l'organisation judiciaire haïtienne, on
retrouve les Tribunaux de paix. Il y en a au moins un dans presque chaque
commune de la République. Le juge de paix est avant tout un juge
conciliateur dont la mission essentielle serait d'amener les parties qui
comparaissent devant lui à trouver un arrangement pour éteindre
le conflit qui les oppose.
Jean Vincent nous renseigne sur la mission conciliatrice qui a
toujours été la sienne assigné à la justice de
paix :
« On avait fondé de grands espoirs, au
moment de la Révolution (française), sur la place que devait
tenir une tentative de conciliation, avant l'ouverture d'un procès. On
avait donc institué un préliminaire de conciliation obligatoire
pour les affaires relevant au fond du juge de paix et du tribunal civil ;
dans les deux cas, c'était le juge de paix qui avait reçu la
mission de concilier les plaideurs. »1
Les articles 81 à 91 du décret du 22 août
1995 modifiant la loi du 18 septembre 1985 relative à l'Organisation
judiciaire déterminent la compétence de ces Tribunaux.
En matière civile ou commerciale, les Juges de paix
connaissent, en dernier ressort, de toutes actions personnelles ou
immobilières jusqu'à la valeur de cinq mille gourdes et, à
charge d'appel, de toutes celles ne dépassant vingt-cinq mille
gourdes.
Ils reçoivent également les
délibérations des conseils de famille, le serment des tuteurs,
subrogés tuteurs, curateurs et arbitres. Ils procèdent à
l'apposition des scellés dans les cas prévus
_______________________
1- Jean Vincent et Alii, Ibid p. 329
par la loi. Ils dressent tous procès-verbaux ayant pour
but de constater la perte, l'avarie des marchandises ou de tous autres faits
résultant de force majeur.
A charge d'appel, ils connaissent :
a) des déplacements de bornes, des entreprises sur les
cours d'eau commises dans l'année, des complaintes et autres
actions possessoires fondées sur les faits également commis dans
l'année ;
b) des congés ;
c) des demandes en résiliation de baux fondées
soit sur le défaut de paiement des loyers et fermages, soit sur
l'insuffisance des meubles garnissant la maison ou des bestiaux et ustensiles
nécessaires à l'exploitation ;
d) des expulsions des lieux en matière de
loyers ;
e) des demandes en validité et en nullité ou
main levée de saisies.
Les Tribunaux de Première Instance
Il existe dix huit Tribunaux de première instance
répartis à travers les dix départements de la
République. Ils fonctionnent dans les villes suivantes :
Port-au-Prince, Cap-Haïtien, Cayes, Gonaïves, Jacmel, Saint-Marc,
Petit-Goâve, Jérémie, Anse-à-Veau, Aquin,
Fort-Liberté, Hinche, Mirebalais, Grande-Rivière du Nord,
Port-de-Paix, Côteaux, Croix-des-Bouquets et Miragoâne.
Ces Tribunaux de droit commun connaissent de tous les
procès qui n'ont pas été expressément
attribué à une autre juridiction. De plus, ils possèdent
une compétence exclusive dans certains domaines.
A côté de leur compétence d'attribution,
ils possèdent aussi une compétence territoriale. L'affaire est
portée en principe devant le tribunal de première instance du
lieu où demeure le demandeur.
Compétents pour juger et trancher les affaires civiles,
les Tribunaux de première instance peuvent également avoir pour
fonction de sanctionner le trouble à l'ordre social, résultant de
la violation des clauses de la loi pénale. Dans ce cas, on parlera de
juridictions pénales.
Les Juridictions Pénales
A la différence de la procédure civile qui ne
connaît que deux composantes des règles de compétences, la
procédure pénale en retient trois. A côté de la
gravité des faits délictueux, ainsi que la localisation
géographique de l'infraction. Certaines caractéristiques
personnelles du délinquant permettent également de
déterminer la juridiction compétente pour juger une
infraction.
Pour la commodité de notre analyse, nous allons,
à cette phase, privilégier le degré de gravité.
L'article premier du Code Pénal classe les infractions
en contraventions, délits et crimes. Conséquemment des
juridictions distinctes sont établies par la Loi pour juger ces
infractions suivant leur degré de gravité. Autrement dit, en
matière pénale, le tribunal compétent peut
être : le Tribunal de simple police, le Tribunal correctionnel ou le
Tribunal criminel.
Le premier juge les contraventions, le deuxième les
délits et le troisième les crimes. Nous allons consacrer un bref
développement à chacun d'eux.
Le Tribunal de Simple Police
Le Tribunal de simple police n'est pas autre chose que le
Tribunal de paix siégeant en matière répressive. Cette
juridiction est chargée de juger les contraventions. Sa
compétence est limitée à la juridiction dans laquelle il
exerce.
Officier de police judiciaire, Auxiliaire du Commissaire du
Gouvernement, le juge de paix a le devoir de rédiger les
procès-verbaux relatifs aux contraventions, délits et crimes dont
il a connaissance et de transmettre les informations au parquet.
L'article 11 du C.I.C. décide que :
« Les juges de paix ou leurs suppléants,
dans l'étendue de leurs communes, rechercheront les crimes, les
délits et les contraventions ; ils recevront les rapports,
dénonciations et plaintes qui y sont
relatifs. »1
Le Tribunal Correctionnel
Si les appels des jugements des Tribunaux de simple police
sont portés devant les Tribunaux correctionnel (juridictions du
second degré), ces dernières juridictions sont avant tout
compétentes pour connaître et juger les infractions
qualifiées « délits ».
La compétence de ce tribunal est fixée par
l'article 155 du C.I.C. :
« Les Tribunaux civils connaîtront, sous
le titre de tribunaux correctionnels, de tous les délits dont la
connaissance n'est pas attribuée aux tribunaux de simple police et qui
ne seraient pas de nature à entraîner une peine afflictive et
infamante ».2
Le tribunal est saisi, en matière correctionnelle, de
la connaissance des délits de sa compétence, soit par le renvoi
qui lui en est fait par le juge d'instruction, soit par la citation
donnée directement aux prévenus et aux personnes civilement
responsables du délit, par la partie civile ou par le Commissaire du
gouvernement.
________________________
1-Menan Pierre-Louis, « Code
d'Instruction criminelle annoté », p. 13
2- Op. cit. p. 50
Au Tribunal correctionnel, les étapes de l'audience et
du jugement sont codifiées dans le C.I.C. Voici le libellé de
l'article 166 :
« L'instruction sera publique, à peine de
nullité.
Le ministère public, la partie civile ou son
défenseur exposeront l'affaire ;
Les procès-verbaux ou rapports, s'il en a
été dressé, seront lus par le greffier ;
Les témoins pour et contre seront entendus, sil y a
lieu et les reproches proposés et jugés ;
Les pièces pouvant servir à conviction ou
à décharge seront représentées aux témoins
et aux parties ;
Le prévenu sera interrogé ;
Le prévenu et les personnes civilement responsables
proposeront leurs défenses ;
Le commissaire du gouvernement donnera ses
conclusions ;
Le prévenu et les personnes civilement responsables
du délit auront toujours la parole en dernier ;
Le jugement sera prononcé de suite ou au plus tard,
à l'audience qui suivra celle où l'instruction aura
été terminée. »
Le Tribunal Criminel
Si les contraventions et les délits sont respectivement
jugés par les Tribunaux de simple police et les Tribunaux
correctionnels, les crimes sont de la compétence du Tribunal
criminel.
L'article 180 du C.I.C. prévoit :
« Il sera établit des tribunaux criminels
dans toutes les villes où il y aura des tribunaux
civils. »1
Ce Tribunal n'est pas permanent, mais tient ses assises
(d'où son autre appellation Cour d'Assises) de façon
périodique. Le C.I.C. décide en son article 182 que :
« Il y aura une session criminelle au moins tous
les six mois pour les affaires relevant du jury ; mais les affaires qui
doivent être soumises au tribunal criminel siégeant sans
l'assistance du jury
________________________
1- Menan Pierre-Louis, idem. p. 62
seront appelées au jour fixé par ordonnance
du doyen. »1
La composition de ce Tribunal est mixte : pour juger les
infractions les plus graves, cette juridiction associe de simples citoyens, les
jurés aux magistrats professionnels.2 La procédure qui
y est employée est plus solennelle. Cette solennité s'explique
sans doute par la gravité des intérêts en cause.
Les Juridictions du Second Degré
Elles sont établies par la Loi pour éviter des
abus en permettant à un plaideur mécontent d'exercer une voie de
recours et de bénéficier d'un second examen de son affaire par un
autre tribunal. D'ailleurs cette garantie est l'une des conditions
nécessaire à une bonne justice.
Chez nous, quand on parle de juridictions du second
degré, il s'agit naturellement des
Cours d'Appel et des Tribunaux de première instance ou correctionnels
quand ils jugent les appels des tribunaux de paix ou de simple police.
Les Cours d'Appel
Tout plaideur qui a succombé en première
instance peut obtenir, sous certaines conditions, que le litige soit
jugé une nouvelle fois, en droit et en fait, par une juridiction de
degré supérieur dans le ressort de laquelle se trouve le tribunal
qui a statué. Cette juridiction est saisie du litige par l'effet
dévolutif de la voie de recours, l'appel, exercée à
l'encontre du jugement querellé.
Il existe cinq Cours d'Appel. Elles sont instituées
à Port-au-Prince, au Cap-Haïtien, à Hinche, aux
Gonaïves et aux Cayes. Ces cinq Cours se répartissent l'appel des
jugements rendus par les dix-huit tribunaux de première instance, sur la
base de leur compétence territoriale. En effet, l'appel doit être
porté devant la Cour du siège des tribunaux de son ressort.
_______________________
1-Menan Pierre-Louis, ibid. p. 63
2-Il existe des affaires qui doivent être
soumises au tribunal criminel siégeant sans assistance du jury. Elles
seront
Ainsi, la Cour d'Appel de Port-au-Prince a juridiction sur les
tribunaux de première instance de : Port-au-Prince,
Petit-Goâve et Jacmel et Croix-des-Bouquets ;
La Cour d'Appel du Cap-Haïtien a juridiction sur les
tribunaux de première instance de : Cap-Haïtien,
Fort-Liberté et Grande-Rivière du Nord ;
La Cour d'Appel de Hinche a juridiction sur les tribunaux de
première instance de : Hinche et Mirebalais ;
La Cour d'Appel des Gonaïves a juridiction sur les
tribunaux de première instance de : Gonaïves, Saint-Marc et
Port-de-Paix ;
La Cour d'Appel des Cayes a juridiction sur les tribunaux de
première instance de : Cayes, Aquin, Côteaux,
Jérémie, Anse-à-Veau et Miragoâne;
Les Cours d'Appel se composent généralement de
deux sections, l'une civile et l'autre pénale. Ces deux sections se
répartissent les affaires.
Les Tribunaux de Première Instance (ou
correctionnels)
Comme nous l'avons déjà vu, les Tribunaux de
Première Instance (correctionnels au pénal) principalement
juridictions de premier degré, sont également juridiction du
second degré quand ils jouent le rôle de juridictions d'appel
vis-à-vis des Tribunaux de paix (ou de simple police au
pénal).
Ces dispositions se trouvent consignées dans deux
textes importants : l'article 150 du C.I.C. et l'article 94 du
décret du 22 août relatif à l'Organisation judiciaire.
Vu leur importance, nous prenons la liberté de
reproduire textuellement ces deux articles.
_________________________________
appelées et jugées au jour fixé par
ordonnance du doyen. L'article 313 du C.I.C. en présente la liste :
fausses monnaies, contrefaçon, de sceau, de timbres et marques ;
vols emportant une peine afflictive ou infâmante ; incendies.
« L'appel des jugements rendus par le tribunal
de simple police sera porté au tribunal correctionnel.
Cet appel sera interjeté dans les dix jours francs
de la signification de la sentence à personne ou à
domicile ; il sera suivi et jugé dans la même forme que les
appels des sentences des justices de paix. » (C.I.C., article
150)
« Les tribunaux de première instance ont
plénitude de juridiction pour toutes affaires civiles, commerciales,
maritimes et criminelles. Ils connaissent aussi des sentences des justices de
paix dans les cas déterminés par la loi. »
(Décret du 22 août 1995 sur
L'organisation judiciaire, article 94, alinéa 2)
La Cour de Cassation
Originalité
Enfin, au sommet de la pyramide judiciaire haïtienne se
trouve la Cour de Cassation. Elle est dans l'ordre judiciaire haïtien la
clef de voûte de l'organisation, le sommet de la hiérarchie. Mais
à propos de notre « Cour suprême »,
quelques précisions s'imposent :
a) La Cour de Cassation n'est pas un troisième
degré de juridiction ;
b) Elle ne connaît le fond des affaires. Elle ne juge
qu'en droit et veille à ce que le droit soit bien appliqué. Pour
cela, elle s'assure que le tribunal ayant jugé était
compétent et qu'il n'y a pas eu violation de la procédure et de
la loi.
Néanmoins, précise l'article 135 du
décret du 22 août 1995, en toutes matières autres que
celles qui sont soumises au jury, lorsque sur un second recours, même les
parties, la Cour de Cassation, admettant le pourvoi, ne prononce pas de renvoi
et statue sur le fond, sections réunies. Dans ce cas, la Cour
siège avec une majorité.
La Cour de Cassation, juge du jugement a deux
possibilité : soit elle casse le jugement et l'affaire sera
rejugée ; soit qu'elle rejette le pourvoi et la décision
attaquée acquiert autorité de la chose jugée et s'impose
aux parties.
Principales Attributions
Les attributions de la Cour de Cassation sont fixées
par le décret du 22 août 1995 sur l'Organisation judiciaire, en
son article 138.
En sa compétence ordinaire, elle connaît suivant
la distribution qui en est faite par le Président :
a) Des pourvois formés contre les ordonnances de
référé, les arrêts des Cours d'Appel et les
jugements rendus en toutes matières, en dernier ressort par les
tribunaux de première instance en leurs attributions d'appel des
sentences de justice de paix.
b) Des pourvois exercés contre les décisions
rendues en dernier ressort par les juges de paix, en toute matière, sans
que ces pourvois puissent être fondés sur aucune autre cause que
l'incompétence ou l'excès de pouvoir.
c) Des demandes en Cassation fondées sur la
contrariété des jugements ou arrêts rendus dans une
même affaire entre les mêmes parties en différents Tribunaux
de première instance ou Cours d'Appel.
d) Des demandes en règlements, de jugements en
matière civile ou criminelle, quand les tribunaux ne relèvent pas
de la même Cour d'Appel ou celles en renvoi d'un tribunal à un
autre pour cause de sûreté publique ou de suspicion
légitime, d'après les règles établies par le code
de procédure civile ou par le Code d'Instruction criminelle.
e) Des plaintes ou dénonciations contre les juges des
divers Tribunaux et Cours d'Appel ou contre les Officiers du Ministère
public pour crime ou délit commis par eux dans l'exercice ou hors de
l'exercice de leurs fonctions, conformément au Code d'Instruction
Criminelle.
f) Des réquisitions du Commissaire du Gouvernement sur
l'ordre exprès du Ministère de la Justice ou d'office pour faire
annuler, conformément aux articles 341 et 432 du C.I.C., les actes
judiciaires ou les jugements contraires à la loi.
g) Des demandes en prise à partie contre les juges des
Cours et Tribunaux, les officiers du ministère public, les arbitres
jugeant en matière d'arbitrage forcé dans le cas et suivant les
formes prévues par le Code de Procédure Civile.
Section II
Les Juridictions Spécialisées
En Haïti, les organes juridictionnels se composent non
seulement de juridictions de droit commun mais aussi de juridictions
spécialisées. Ces juridictions sont spéciales par leur
volume contentieux, leur clientèle, leurs règles
spécifiques d'organisation et/ou de fonctionnement. Moins connues que
les précédentes, elles se subdivisent en juridictions
spécialisées permanentes et en juridictions
spécialisées non permanentes.
Les Juridictions Spécialisées
Permanentes
Pour donner une juste idée des juridictions
permanentes, nous consacrons un bref développement aux Sections
terriennes, au Tribunal spécial du travail, aux Tribunaux pour enfants
et à la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux
Administratif.
Les Sections Terriennes
Depuis l'Indépendance, la terre a toujours
été source de conflits meurtriers. Les Gouvernements successifs
ont tenté sans succès d'y apporter des solutions. Par exemple,
avant le 7 février 1987, cette question était
réglementée par deux textes : la loi du 12 juillet 1961 et
le Décret du 30 juillet de la même année, portant
création du Tribunal terrien d'Haïti.
Mais le Conseil National de Gouvernement qui a
succédé au Président Jean-Claude DUVALIER
considérait que :
« Le Tribunal terrien d'Haïti n'a pas
atteint les objectifs pour lesquels il a été
créé ; qu'il y a lieu en conséquence d'adopter de
nouvelles mesures susceptibles de ramener la paix dans la Vallée et
d'assurer aux propriétaires une protection efficace et opportune contre
les atteintes de leurs intérêts
légitimes. »1
Le constat amena le nouveau gouvernement qui avait promis la
démocratie au peuple de publier un nouveau décret. Il s'agit du
décret du 30 juillet 1986. Ce nouveau décret institue dans chacun
des tribunaux civils des Gonaïves et de Saint-Marc, une section
spéciale chargée de connaître des contestations ayant pour
objet les terres dépendant de la plaine de l'Artibonite.
Chaque section terrienne des tribunaux civils des
Gonaïves et de Saint-Marc est composée de 3 juges, 2 substituts, 2
greffiers, 2 commis du parquet, 2 huissiers audienciers et d'un messager.
Comme il n'existe que deux sections terriennes (à
Saint-Marc et aux Gonaïves), les litiges fonciers qui éclatent dans
les autres zones sont entendus par les juridictions civiles de droit commun.
Le Tribunal du travail
En France, il existe le conseil des Prud'hommes dont la
mission essentielle est de régler par voie de conciliation, et de juger
(lorsque la conciliation n'a pas abouti) les différends qui
s'élèvent à l'occasion d'un contrat individuel de travail
entre employeurs et salariés (problèmes de salaires, de prime,
essentiellement problèmes de licenciement).
A Port-au-Prince, après l'échec de la
conciliation tentée par l'Inspection du Travail du Ministère des
Affaires Sociales, le litige est porté devant le Tribunal du Travail. Ce
Tribunal spécial a été institué par la Loi du 3
septembre 1979.
____________________
1- « Le Moniteur » No 66, jeudi
14 août 1986
A en croire les Législateurs de l'époque, les
statistiques accusaient un nombre sans cesse croissant de litiges entre
employeurs et employés devant la chambre de travail de la juridiction du
tribunal civil de Port-au-Prince et qu'il convenait d'instituer un Tribunal
spécial de travail à Port-au-Prince en vue d'évacuer avec
plus de célérité les conflits du travail.
Ce Tribunal a compétence pour connaître de tous
les conflits de droit qui peuvent s'élever à l'occasion du
contrat de travail ou du contrat d'apprentissage et, d'une manière
générale, de toutes affaires contentieuses, conformément
au Code du Travail.
La Loi du 3 septembre 1979 prévoyait qu'en cas de
nécessité, d'autres tribunaux de ce type pouvaient être
établis1. Mais à date, le deuxième Tribunal du
Travail n'est pas encore né. Dans les grandes villes du pays (sauf
Port-au-Prince), ce sont les tribunaux civils et les tribunaux de paix dans les
communes qui liquident les conflits de travail.
Les Tribunaux pour Enfants
En septembre 1961 fut promulguée la Loi portant, sur
le « mineur en face de la loi pénale et des tribunaux
spéciaux pour enfants ». Cette loi ambitionnait d'harmoniser
les dispositions de notre Code pénal avec les exigences du droit moderne
de la délinquance juvénile, en intégrant rationnellement
notre système de défense sociale dans un réalisme
juridique qui tend à une protection complète du corps social, par
une meilleure protection accordée au mineur dévoyé ou en
danger physique et moral.
Cette loi va privilégier la rééducation
et la réinsertion des mineurs délinquants. Elle désigne
les juridictions compétentes pour juger les mineurs de 13 à 16
ans accusés d'infractions à la loi pénale. Elle indique
les diverses mesures protectrices à la portée des juges des
enfants qui ne souhaitent pas prononcer absolument une condamnation
pénale. Le Législateur avait bien compris que le droit
pénal n'est ni le principal, ni le meilleur moyen de lutter contre la
délinquance. Aussi cette approche doit-elle être
considérée comme un progrès incontestable pour
l'époque.
____________________
1- « Le Moniteur » No 75, lundi
24 septembre 1979
Cette loi prévoyait en son article 18 la formation d'un
tribunal pour enfants, « dans la juridiction de chaque cour
d'appel » et l'article 25, la création d'une Cour d'Assises
des mineurs pour juger les mineurs de 16 ans accusés de meurtre,
assassinat ou parricide.
Il a fallu attendre le 20 novembre 1961 pour voir la
création du Tribunal pour enfants de Port-au-Prince.
Dans l'attente des autres tribunaux pour enfants, ce Tribunal
avait une compétence nationale. En effet, l'article 6 du décret
décide :
« Le tribunal pour enfants de Port-au-Prince, en
attendant la création de ceux prévus par la loi du 11 septembre
1961, a plénitude de juridiction pour toutes affaires pénales ou
civiles concernant les mineurs appréhendés pour crimes et
délits à travers les différentes divisions
géographiques du pays. Il connaît en outre, de l'appel des
jugements rendus par les tribunaux de paix de la République dans les cas
déterminés par la loi du 11 septembre
1961. »1
La Cour Supérieure des Comptes et du
Contentieux Administratif
La Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux
Administratif (CSCCA) est une Institution indépendante régie par
la Constitution du 29 mars 1987. Elle connaît des litiges mettant en
cause l'État et les collectivités territoriales, l'Administration
et les fonctionnaires publics, les services publics et les administrés.
L'article 200 de la Constitution en vigueur stipule que :
« La Cour Supérieure des Comptes et du
Contentieux Administratif est une juridiction financière,
administrative, indépendante et autonome. Elle est chargée du
contrôle administratif et juridictionnel des recettes et des
dépenses de l'État, de la vérification de la
comptabilité des Entreprises de l'État ainsi que celles des
collectivités territoriales. »2
________________________
1-« Le Moniteur » No 108, lundi
2 novembre 1961
2- Constitution du 29 mars 1987
La CSCCA est composé de deux sections : la section
du contrôle financier et la section du contentieux administratif.
Il faut préciser que cette juridiction
n'appartient pas à l'ordre judiciaire. Elle est une juridiction
administrative, la seule, d'ailleurs, en Haïti.
Les Juridictions Spécialisées
Non-Permanentes
A côté des Juridictions
spécialisées permanentes, prennent place des juridictions
spécialisées non-permanentes. Il s'agit de : la Haute Cour
de Justice, la Commission de Conciliation, le Conseil Electoral Permanent et
l'Office de Protection du Citoyen.
La Haute Cour de Justice
« Quelle que soit l'indépendance des
magistrats judiciaires on a craint qu'un tribunal judiciaire soit un peu
impuissant pour juger des infractions commises par les représentants du
pouvoir politiques les plus haut placés. Cela a conduit à la
création des juridictions politiques. »1
C'est en ces termes que le doyen Jean Vincent introduit son
étude de la Haute Cour de Justice française.
Les constituants de 1987 avaient la même crainte,
d'ailleurs justifiée. C'est sans doute pourquoi ils ont consacré
les articles 185 à 190 à la Haute Cour de Justice.
Fait significatif, ils en parlent, immédiatement
après la Cour de Cassation.
La Haute Cour de Justice, après la mise en accusation
prononcée par les 2/3 de la Chambre des députés a
compétence pour juger :
a) le Président de la République accusé
de crime de haute trahison ou tout autre crime commis dans l'exercice de ses
fonctions ;
___________________
1- Jean Vincent et Alii, idem. p. 298
b) le Premier Ministre, les Ministres et les
Secrétaires d'État pour crimes de haute trahison et de
malversation, ou d'excès de pouvoir ou tous autres crimes ou
délits commis dans l'exercice de leurs fonctions ;
c) les Membres du Conseil Électoral Permanent et ceux
de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratifs pour
fautes graves commises dans l'exercice de leurs fonctions ;
d) les Juges et Officiers du Ministère Public
près la Cour de Cassation pour forfaiture ;
e) le Protecteur du Citoyen.1
Ne pouvant pas siéger sans la majorité de deux
tiers de ses membres, la Haute Cours de Justice ne peut prononcer d'autre peine
que : la destitution, la déchéance ou la privation du droit
d'exercer toute fonction publique durant 5 ans au moins et 15 ans au plus.
La Commission de Conciliation
Le Pouvoir Législatif et le Pouvoir Exécutif
sont les deux Pouvoirs politiques du régime constitutionnel de 1987.
D'une manière générale, le Parlement
délibère et contrôle des actes très souvent
préparés et exécutés par le Pouvoir
Exécutif. Ces deux Pouvoirs de l'Etat sont donc distincts l'un de
l'autre et sont chargés de fonctions différentes. Ils sont «
indépendants » l'un par rapport à l'autre ; pourtant, ils
sont appelés à collaborer l'un et l'autre en vue de la bonne
marche de l'Etat. D'où, des risques de conflits entre les deux Pouvoirs
politiques de l'Etat. Quand ces conflits surviennent, comment les
résoudre de manière institutionnelle ?
L'article 206 de la Constitution de 1987 accorde à une
institution dénommée « Commission de Conciliation » le
pouvoir de trancher, entre autres, les différends opposant le Pouvoir
Législatif et le Pouvoir Exécutif. Néanmoins, cette
même institution appelée à trancher les différends
ne juge pas, puisque ce n'est pas l'adoption d'un acte d'autorité qui
consacre son dessaisissement. Ce n'est qu'une commission de conciliation comme
son nom l'indique. Elle est une institution ad hoc appelée,
entre autres, à aider les deux Pouvoirs politiques à trouver une
entente en cas de différend
________________________________________________
1- voit la Constitution de la République
d'Haïti, article 186
et dans l'éventualité où elle est saisie.
Il revient à la Cour de Cassation de la République de
résoudre le différend par une décision
d'autorité.
Ainsi, l'article 206 de la Constitution donne-t-elle sa
composition.
1- Le Président de la Cour de Cassation fait office de
Président de la Commission de Conciliation. Nous rappelons que ce
dernier est avant tout un juge de ladite Cour. Or, c'est le Sénat, Corps
du Pouvoir Législatif, qui est chargé de la
présélection des juges à la Cour de Cassation.
2- Le Président du Sénat et celui de la Chambre
des Députés, en principe deux membres influents du Parlement,
sont respectivement vice- président et membre de ladite Commission.
3- Le Président du C.E.P. ainsi que le vice-
président de la même institution sont membres de ladite
Commission. Nous rappelons que l'Assemblée Nationale, organe non
permanent du Parlement, concourt à la formation du C.E.P. en choisissant
trois de ses neuf membres.
4- Enfin, deux Ministres- membres du Gouvernement
procédant du Parlement- désignés par le Président
de la République font office de membres de la Commission de
Conciliation.
En somme, on comprend bien que la probabilité d'avoir
une Commission de Conciliation indépendante du Parlement est mince.
Quand les membres de la Commission de Conciliation ne sont pas
des membres très influents du Parlement, ils tiennent leur pouvoir, dans
une certaine mesure, du Parlement. On peut donc présumer sinon des
conflits d'intérêts, du moins une tendance à se croire
redevable. Cette analyse peut toutefois ne pas être exacte pour ce qui
concerne les deux membres du C.E.P. représentés à ladite
Commission, puisque ces derniers pourraient ne pas être ceux
préalablement choisis par l'Assemblée Nationale souveraine pour
mettre fin « définitivement » aux différends opposant
Pouvoir Législatif et Pouvoir Exécutif.
Prenons l'hypothèse dans laquelle une décision
finale est prise par la Cour de Cassation en vue de résoudre le conflit.
Comment alors s'assurer de son exécution ? Et dans
l'éventualité où aucun des deux Pouvoirs politiques ne
déciderait de saisir la Commission de Conciliation, que risquerait-il de
se passer ?
En effet, la Commission de Conciliation n'est pas le seul
mécanisme institutionnel de règlement de conflits entre le
Pouvoir Législatif et le Pouvoir Exécutif. Aussi, la
responsabilité politique du Gouvernement permet-elle, classiquement,
d'apporter une solution aux conflits susceptibles de survenir entre le
Gouvernement et la majorité parlementaire. Toutefois, dans le
régime constitutionnel de 1987, cette méthode institutionnelle de
résolution d'un conflit politique crée plus un
déséquilibre monumental entre le Pouvoir Législatif et le
Pouvoir Exécutif que d'éviter le blocage des institutions.
Le Conseil Electoral Permanent
Avant le vote de la Constitution de mars 1987, les
élections étaient organisées par le Ministère de
l'Intérieur. Mais les constituants vont opter pour un organisme
indépendant « chargé d'organiser et de contrôler
en toute indépendance toutes les opérations électorales
sur tout le territoire de la République jusqu'à la proclamation
des résultats du scrutin »
Les neuf membres qui doivent former le Conseil
Électoral sont choisis sur une liste de trois noms proposés par
chacune des Assemblées départementales. Nommés pour une
période de neuf ans non renouvelable, ils sont inamovibles.
Malheureusement pour le pays, après vingt quatre
longues années les conditions ne sont toujours pas réunies pour
permettre la mise en place de cette Institution Indépendante si
importante. C'est le Conseil Électoral Provisoire (à date, il y
en a eu douze !), prévu à l'article 289 de la Constitution
qui continue à organiser les élections, depuis 1987.
L'Office de Protection du Citoyen
Le droit administratif n'avait pas connu pendant longtemps de
procédure générale de médiation. La garantie des
administrés, en cas de conflits avec l'administration, n'était
conçue que sous la forme des recours juridictionnels ou administratifs.
L'évolution a été provoquée par le succès
qu'a connu dans les années 1930, une institution en Suède et
qu'avant adoptée ou transposée de nombreux États
anglo-saxon : l'Ombudsman, personnalité pouvant être saisie
par les particuliers qui avaient à se plaindre d'un mauvais
fonctionnement de l'Administration, en vue de le faire redresser en lui
présentant des recommandations.
En France, cette nouvelle forme de régulation non
contentieuse des relations entre les Administrations et les citoyens a
été introduite en 1973 avec la création du
« Médiateur de la République ».
Chez nous pour les mêmes raisons, la Constitution de
1987 crée l'Office de la Protection du Citoyen dont la mission
première est de protéger tout individu contre toutes les formes
d'abus de l'Administration publique.1
Tel est le schéma des différentes juridictions
haïtiennes dont la mission est de rendre la justice. Comme les
institutions doivent être desservies par des hommes et des femmes
passionnés de liberté et de la vérité, il s'agit de
présenter maintenant les serviteurs de la justice, objet du
deuxième chapitre de ce travail.
____________________
1- idem, article 207
Chapitre II
Le Personnel Judiciaire
Le mot « justice » évoque
immédiatement les Magistrats qui sont les premiers desservants de
l'institution. Mais pour trancher les litiges, les juges doivent être
saisis. Dans la plupart des cas, ils le sont par les parties elles-mêmes.
Dans d'autres où c'est la société qui est en jeu, il faut
quelqu'un qui la représente. Ce sera le rôle du ministère
public. Une fois saisis, les juges ne peuvent départager les
antagonismes qu'autant qu'ils bénéficient de l'aide de ceux que
l'on désigne globalement sous l'appellation d'auxiliaires de justice. Il
apparaît cependant que l'activité de ces différents
professionnels se manifeste, pour certains d'entre eux, plutôt par une
aide apportée aux magistrats et, pour d'autres, plutôt par une
aide apportée aux parties.
Ce chapitre sera donc consacré aux Magistrats (Section
I) et aux auxiliaires de justices (Section II).
Section I
Les Magistrats
Mise au Point
Terminologie
Pendant longtemps, on a cru que les termes
« Magistrat » et « Juge »
étaient synonymes. Mais d'éminents juristes pensent que les deux
termes cachent deux réalités distinctes. A l'appui de leur
thèse, ils argumentent que le terme « Juge », pris
dans son sens étymologique signifie : dire le droit.
Alors, il serait préférable d'utiliser le mot
« Magistrat » car il recouvre tant les Magistrats du
siège (qui jugent) que ceux du Parquet, qui ne jugent pas, qui ne disent
pas le droit.
A propos de cette querelle, le doyen Vincent a fait une
remarque fort intéressante :
« Les personnels composant les juridictions de
l'ordre judiciaire ont traditionnellement occupé dans l'État une
place à part. Ils relèvent actuellement de l'autorité
judiciaire et s'ils ont bien la qualité d'agents de l'État, ils
sont avant tout des magistrats, investis, en tant que tels, d'un statut qui
n'est pas tout à fait celui du fonctionnaire.
« Les juges des juridictions administratives
sont, eux aussi, spécialisés dans les tâches
juridictionnelles, mais ne bénéficient pas, sauf exception, d'un
statut analogue à celui des magistrats. »1
______________________
1- Jean Vincent at alii, idem. p. 519
Sur la même question, un autre juriste est assez
catégorique quand il affirme :
« Pour le commun des mortels, ce titre
(Magistrats et Juges) est un pléonasme car les deux termes sont
synonymes. Pour le juriste, ces vocables ont un sens différent.
« Le terme magistrat est
générique, et beaucoup plus large que celui de juge. Il concerne,
d'une part, les magistrats de siège (parce qu'ils sont
assis) qui exercent la fonction de juger (ces magistrats sont des juges) ;
d'autre part, les magistrats de parquet (parce qu'ils sont
debout) dont la fonction est de requérir, c'est-à-dire de
demander l'application de la loi (ces magistrats ne sont pas des
juges) ».1
Classification
Pour les raisons évoquées ci-dessus, nous avons
opté pour le terme de « Magistrats ». Sous cette
appellation, nous allons regrouper les juges des différents tribunaux
ainsi que les Commissaires du Gouvernement et leurs substituts.
Les Garanties Légales
De nombreux textes (constitutionnels, législatifs et
réglementaires) cherchent à protéger les Magistrats et
à garantir leur indépendance. Ces textes traitent du recrutement,
de la carrière et du statut. Cette sous-section tente d'en rendre
compte.
Recrutement
En ce qui concerne les conditions de recrutement des
Magistrats, cela dépend de plusieurs facteurs dont le plus important est
la catégorie de juridiction. Les Magistrats du siège ne sont pas
recrutés de la même manière que les Magistrats du
Parquet.
__________________________
1- Jean-Pierre Scarano,
« Institutions juridictionnelles », ellipses, 1996, p.
82
Recrutement des Magistrats du siège
Les Magistrats du siège se retrouvent à la Cour
de Cassation, aux Cours d'Appel, aux Tribunaux de Première Instance et
aux Justices de Paix. Comment sont nommés ces différentes
catégories de juges ?
Ils sont nommés conformément à l'article
175 de la Constitution qui stipule :
« Les Juges de la Cour de Cassation sont
nommés par le Président de la République sur une liste de
trois (3) personnes par siège soumise par le Sénat. Ceux des
Cours d'Appel et des Tribunaux de Première Instance le sont sur une
liste soumise par l'Assemblée Départementale
concernée ; les Juges de paix sur une liste préparée
par les Assemblées communales. »
Pour être nommé Juge à la Cour de
Cassation, il faut avoir été juge ou officier dans une Cour
d'Appel pendant sept ans au moins ou avoir exercé la profession d'avocat
pendant dix ans au moins.
L'article 14 du décret du 22 août 1995
décide que pour être juge à la Cour d'Appel, il faut avoir
occupé, pendant 7 ans au moins, les fonctions de juge dans uns un
tribunal de première instance ou d'officier du parquet près un
tribunal ou bien avoir exercé la profession d'avocat pendant au moins 7
ans. Quant aux Juges des Tribunaux de Première Instance, ils doivent
être diplômés de l'École de la Magistrature ou avoir
exercé la profession d'avocat pendant 3 ans au moins
Le décret sus-visé permet à quelqu'un qui
a été greffier pendant trois ans de devenir Juge de Paix de
4ème classe, celui qui est bachelier en droit de postuler la
3ème classe, réservant les première et
deuxième classes aux licenciés en droit et aux
diplômés de l'École de la Magistrature. Mais les candidats
aux 3ème et 4ème classes doivent
réussir le test du Ministère.
Recrutement des Magistrats du Parquet
Contrairement aux Magistrats du siège, les Magistrats
du Parquet ne sont pas totalement indépendants du pouvoir
exécutif dont ils sont les agents. Ils ne sont pas non plus
inamovibles.
Quant aux conditions de nomination, elles ne sont pas
différentes de celles exigées de leurs collègues de la
« Magistrature assise. »
Statut
Indépendance
Le Juge pour mener sa mission, au bénéfice de la
société, doit être, en toute hypothèse,
indépendant et impartial. D'ailleurs, personne n'ignore qu'il n'y a pas
d'authentique justice en l'absence de ces deux vertus dans la personne du Juge.
Il doit être libre dans l'exercice de son activité
juridictionnelle, libre de juger comme il l'entend, dans le respect des
règles de droit et selon son « intime conviction ».
A ce sujet, un professeur de droit disait à ses étudiants :
« Le juge, dans son office juridictionnel n'a
d'ordre à recevoir de personne, pas même d'un magistrat de grade
plus élevé, fut-il son chef de juridiction : les voies de
recours sont là pour corriger les carences ou
excès. »1
Inamovibilité
La fonction de Magistrat ne peut être exercée
sainement que dans des conditions d'impartialité et
d'indépendance. Ce statut lui confère certaines
prérogatives qui lui permettent de juger dans la
sérénité requise.
Pour bénéficier d'une pleine
indépendance, la loi a protégé le Juge contre tous les
risques de mutation ou de ralentissement dans le déroulement de sa
carrière, dû à l'arbitraire du pouvoir
_________________________
1- Loïc Cadiet, « Découvrir
la justice », Paris, Dalloz, 1997, p. 181
exécutif. C'est ainsi que la Constitution de 1987 a
posé la règle de l'inamovibilité des Magistrats du
siège.
Au sens large du terme, ce principe signifie que le juge ne
peut être révoqué, ni suspendu, ni mis à la
retraite, ni déplacé, ni promu par la volonté arbitraire
du Gouvernement. Autrement dit, ils ne peuvent jamais recevoir, sans leur
consentement, une affectation nouvelle même en avancement. Voici pour
s'en convaincre le contenu de l'article 177 de notre Charte
fondamentale :
« Les juges de la Cour de Cassation, ceux des
Cours d'Appel et des Tribunaux de Première Instance sont inamovibles.
Ils ne peuvent être destitués que pour forfaiture
légalement prononcée ou suspendus qu'à la suite d'une
inculpation. Ils ne peuvent être l'objet d'affectation nouvelle, sans
leur consentement, même en cas de promotion. Il ne peut être mis
fin à leur service durant leur mandat qu'en cas d'incapacité
physique ou mentale permanente dûment
constatée. »
Il faut sur l'inamovibilité des juges, garantie de leur
indépendance. Au demeurant, elle fait partie de ces règles
tutélaires qui protègent les Magistrats, protègent les
droits de l'homme et ne tolèrent aucun écart juridique, si
bénin fut-il !
Section II
Les auxiliaires de Justice
Dans le règlement des litiges de nombreuses personnes
sont appelées à intervenir. Certaines assistent le Juge dans sa
fonction de dire le droit et d'autres interviennent à l'instance pour
aider les plaideurs. Ces différentes catégories d'intervenants
sont les auxiliaires de justice. Pour la commodité de notre
exposé, nous allons répartir ces auxiliaires en deux cycles et
inclure une troisième catégorie.
Les Auxiliaires du Premier Cycle
Dans cette catégorie, nous allons regrouper : les
avocats et les fondés de pouvoir, les greffiers et les huissiers.
Les Avocats et les Fondés de
pouvoir
L'avocat est aussi vieux que la justice. Son histoire, en
dépit d'une métamorphose constante des formes de la profession,
est celle de la défense permanente des intérêts d'autrui.
La période contemporaine a été marquée par une
diversification de l'activité et une homogénéisation des
structures de la profession d'avocat. Le domaine de son activité s'est
étendu des activités d'assistance judiciaire aux missions de
représentation des plaideurs en justice, puis aux fonctions de
consultation et de rédaction d'actes juridiques.
Libérale et indépendante, la profession d'avocat
est réglementée par le décret du 29 mars 1979. Elle
s'exerce dans le cadre d'une organisation corporative, appelée
« Ordre des Avocats ». Il y en a dix-huit, à raison
d'un par tribunal de première instance.
L'avocat bénéficie au regard de la loi
pénale d'une totale liberté de parole, puisqu'une immunité
couvre les paroles et les écris en rapport avec la procédure en
ce qui concerne les infractions de diffamation, d'injure et d'outrage.
Le Conseil de l'Ordre est gardien de la déontologie du
barreau, faite de règles professionnelles et de sanctions
disciplinaires. L'avocat est tout d'abord tenu d'un certain nombre
d'obligations qu'énonce, de façon générale, la
formule du serment d'avocat : dignité, conscience,
indépendance, probité à l'égard des clients, mais
aussi à l'égard des magistrats et des confrères. L'accent
doit être aussi mis sur le secret professionnel qui est à la fois
une obligation et un droit. C'est de l'obligation au secret que découle
l'inviolabilité de la correspondance échangée avec le
client, même détenu et celle du cabinet. De même, aucune
perquisition ne peut avoir lieu au cabinet d'un avocat. S'il s'agit de
poursuites dirigées contre l'avocat lui-même, la perquisition de
son cabinet ne peut avoir lieu qu'en présence du bâtonnier, lequel
doit veiller au respect de l'inviolabilité de tous les dossiers non
concernés par les poursuites.
Les avocats ne sont pas les seuls à assurer la
défense des justiciables. Ils sont aidés dans cette tâche
par les « Fondés de pouvoir. »
Les Greffiers
Le greffier joue un rôle capital dans le fonctionnement
de la juridiction puisqu'il en assure le secrétariat. Il tient la plume
au cours des audiences. Il authentifie les actes judiciaires. Il conserve les
minutes des ordonnances, jugements et arrêts, d'en délivrer copie
exécutoire ou copie certifiée conforme, d'exécuter aussi
les travaux de recherche, de classement, de correspondance, de statistiques.
C'est pourquoi auprès de tous les tribunaux de la République est
attaché au moins un greffier. A cet égard, des attributions
particulières lui ont été confiées, et il dispose
d'un statut spécifique.
L'article 37 du décret du 22 août 1995
énonce clairement les responsabilités de cet auxiliaire du
Juge :
« Les greffiers sont chargés de la
régie des greffes et sont personnellement responsables des valeurs
qu'ils perçoivent et des pièces dont ils sont
dépositaires. »
Les Huissiers du Justice
Comme le greffier, l'huissier est un auxiliaire de justice.
Leur nom provient de « huis » qui signifie la porte en
vieux français. Ce sont les gardiens de la porte du tribunal. On
distingue deux classes d'huissiers : les huissiers audienciers et les
huissiers exploitants.
Les premiers procèdent à l'appel des causes
et des témoins lors de l'instance et salariés
d'État ; les seconds, qui ne sont pas
rémunérés, sont chargés de signifier les
décisions judiciaires et de procéder à l'exécution
forcée des jugements. Ils perçoivent des frais à chaque
acte signifié.
Les Auxiliaires du Second Degré
Les avocats, les fondés de pouvoir, les greffiers et
les huissiers tout en jouant un rôle essentiel, ne sont pas les seuls
auxiliaires de la justice. Trois autres officiers publics apportent leur
contribution pour faciliter le service public de la justice. Ils se
nomment : notaires, arpenteurs et officiers d'état civil.
Les Notaires
La première loi sur le Notariat remonte à
février 1919. Mais en 1969, le Législateur considérait
qu'à « la faveur de ce nouvel humanisme qui préside
à l'évolution de notre Droit positif, il importe d'harmoniser les
dispositions de la loi du 24 février 1919 sur le Notariat avec les
exigences nouvelles posées par le statut économique et social du
pays ». Dans cette perspective, la fonction de notaire a
été redéfinie, grâce au renforcement des
dispositions légales.
Les notaires sont des officiers publics titulaires d'un
office ministériel.1 Ils exercent une
___________________________________
1- Les officiers ministériels sont les
personnes titulaires d'un office ministériel, c'est-à-dire d'une
charge leur octroyant le monopole de l'exercice de l'activité. Ce ne
sont pas des fonctionnaires, mais des membres de professions libérales
qui doivent obligatoirement prêter leur service lorsqu'ils en sont
légalement requis.
juridiction volontaire et amiable. Ils sont chargés de
donner le caractère d'authenticité aux actes que les parties
déposent chez eux. L'acte est, le plus souvent, dressé en
minute : le notaire conserve la minute et délivre aux parties une
« grosse » contenant la formule exécutoire ou des
expéditions, simples copies de l'original. Aussi sont-ils d'un grand
apport pour les juges qui doivent faire triompher la vérité en
départageant les parties en litige.
Les arpenteurs
La profession d'arpenteur n'existe plus à proprement
parler dans certains pays, comme la France, par exemple. Mais cette profession
n'en demeure pas moins un héritage de l'ancienne Métropole. Et
l'arpenteur haïtien serait l'équivalent des
« experts-géomètres français. »
En Haïti, l'arpenteur est un officier public
assermenté ayant pour attributions de mesurer les terres, qu'elle qu'en
soit l'affectation, d'en calculer les surfaces et d'en fixer les bornes.
Après chaque arpentage, il dresse un procès-verbal dont copie
sera remise au propriétaire.
Les Officiers d'état civil
L'article 17 de la loi du 20 août 1974 qui
réglemente la profession d'officier d'état civil décide
qu'il est établi dans chaque quartier et commune un officier de
l'état civil qui placera son bureau au coeur de cette
communauté.
Salarié de l'État et payé par le
Ministère de la Justice, l'Officier d'état civil est tenu de
résider au lieu désigné de sa commission sous peine
d'être considéré comme démissionnaire.
L'Officier d'État civil est compétent pour
recevoir les actes de naissance, de mariage, de divorce, de
décès, de reconnaissance et d'adoption ainsi que toutes
modifications ou rectifications y relatives ordonnées par
décision de justice.
La Police Nationale d'Haïti
A cette liste, il faut ajouter la Direction Centrale de la
Police Judiciaire, auxiliaire immédiate des autorités judiciaires
(Commissaires du Gouvernement, Juges d'Instruction et Juges de paix).
Mais, il faut préciser tout de suite qu'il a fallu
attendre sept ans pour voir l'application de l'article 269 de la Constitution
qui place la Police sous le contrôle de la justice.1
La lecture du C.I.C. permet de rappeler les attributions de la
Direction Centrale de la Police Judiciaire dans son rôle d'auxiliaire de
la justice :
a) constater les infractions aux lois pénales, en
dresser procès-verbal, en établir les circonstances et en
rassembler les preuves;
b) rechercher les auteurs des crimes, délits et
flagrants délits ;
c) surveiller et rechercher les malfaiteurs opérant ou
se réfugiant sur le territoire national ;
d) coopérer avec les organisations
étrangères de police au besoin ;
e) lutter contre la contrebande, le trafic illicite des
stupéfiants ;
f) fournir toutes informations susceptibles de prévenir
ou réprimer les atteintes à l'ordre et à la
sûreté politique, économique et sociale dans le cadre des
lois de la République.
Les Experts de justice
Les Magistrats, dans l'exercice de leur
fonction, peuvent aider par une autre catégorie de personnes. Il s'agit
des experts de justice. Dans cette catégorie, on retrouve les
Médecins légistes et les Experts-Comptables.
Les Médecins légistes
Le médecin légiste, après huit ans
d'études au minimum, agit dans une branche de la médecine qui
étudie l'ensemble des aspects juridiques de la pratique médicale.
Il est donc souvent appelé à apporter son concours aux
autorités administratives et judiciaires. La pratique médico-
_____________________________________________
1- C'est la loi du 29 novembre 1994 qui porte création
et organisation des forces de police. A ce sujet, voir « Le
Moniteur », No 103, mercredi 28 novembre 1994
légale implique une formation de médecin
légiste particulière pour devenir un auxiliaire de la
justice. En effet, il peut être appelé à
se prononcer dans le cadre d'une enquête ou encore d'une expertise au
tribunal civil comme au pénal. Dans tous les cas où un acte
médical présente une dimension juridique, le médecin
légiste est un acteur indispensable dans le cadre des aspects
légaux de l'exercice de la médecine, mais également dans
un cadre civil comme dans un cadre pénal. Le diplôme de
médecin légiste permet d'exercer des actes
médico-légaux tels que l'autopsie dont la technique nous vient d'
Ambroise
Paré, fondateur de la
chirurgie
moderne au XVIème siècle. Le médecin légiste s'est
imposé comme un spécialiste à part entière à
partir du XIXe siècle, et avec notamment, en
France,
les travaux de Mathieu Orfila (1787-1853), d'Ambroise Tardieu (1818-1879) et de
Paul Brouardel (1837-1906).
Les autopsies effectuées par le médecin
légiste sont utilisées en cas de mort violente ou
inexpliquée, soit lorsque la présomption de meurtre existe depuis
le début de l'enquête, parce que les circonstances de la mort sont
ou apparaissent a priori suspectes, soit lorsque l'affaire a été
instruite sans qu'une autopsie ait été effectuée sur la
victime, ce qui peut motiver l'exhumation du corps sur décision de
justice. Certaines séries télévisées actuelles nous
montrent des médecins légistes agissant comme des
détectives pour retrouver le criminel à partir du cadavre de sa
victime
Dans la réalité, le médecin
légiste s'occupe certes de déterminer les causes d'un
décès et de permettre l'identification d'un cadavre, mais il a
également d'autres activités. On le retrouve dans les
enquêtes où il évalue le taux d'invalidité
attaché à un handicap, à une blessure ou à une
pathologie. Il est également présent pour établir la
réalité d'abus sexuels ou de sévices. Le médecin
légiste peut faire appel à l'ensemble des connaissances
cliniques, biologiques et toxicologiques. Les spécialistes qui apportent
leur contribution à l'enquête peuvent être des
médecins
nutritionnistes, des toxicologues, des pharmacologues, des balisticiens ou
des
dentistes,
par exemple. Les compétences requises pour devenir médecin
légiste sont celles d'un médecin ayant prêté serment
dans sa branche professionnelle et devant le juge. En effet, le médecin
légiste délivre des rapports d'expertise pour les certificats de
décès dans le respect des obligations découlant des
dispositions conjuguées du Code de déontologie médicale,
du Code de la santé publique et du
Code
civil.
La responsabilité juridique d'un médecin
légiste concerne aujourd'hui l'ensemble des aspects concernant
l'exercice de la profession médicale, c'est-à-dire toutes les
questions liées à l'éthique médicale et à la
déontologie, au secret professionnel, à la responsabilité,
à la rédaction des actes et des documents médicaux.
Lorsqu'une autopsie apparaît nécessaire, le corps est
obligatoirement transporté dans un local spécialement
prévu à cet effet. Les vêtements de la victime sont
retirés puis examinés avec soin. Tous les indices corporels sont
identifiés, étudiés et conservés pour un examen
ultérieur, et, le cas échéant, pour être
présentés au cours de la procédure judiciaire. Pendant
l'autopsie, toutes les anomalies sont photographiées, décrites et
quantifiées. On réalise parfois une radiographie de certaines
parties du corps. Le contenu de l'
estomac, les
liquides organiques ainsi que des échantillons de divers organes sont
analysés dans des laboratoires spécialisés.
Les Experts-comptables
Un Expert-comptable est un professionnel de
la comptabilité. Il tient, contrôle, surveille, redresse la
comptabilité des entreprises et entités juridiques. Il
établit les bilans et comptes de résultats des entreprises.
Dans son travail d'Assistance juridique :
il peut rédiger les procès - verbaux de réunions du
conseil d'administration et des assemblées d'approbation des comptes,
les statuts, les baux et autres contrats courants. D'autre part, l'expert
comptable a la possibilité de représenter son client
auprès des organismes et Administrations publiques, ce qui lui permet
d'accroître l'efficacité du service rendu.
Après avoir étudié le système
judiciaire haïtien, il revient maintenant de présenter ses
problèmes, de les analyser et de proposer des pistes de solution.
Deuxième partie
Les Obstacles qui paralysent le Développement du
Système Judiciaire en Haïti
La justice étant un service public, son accès
doit être garanti à tous sans distinction. Cet accès se
mesure en termes de distribution spatiale des tribunaux, de la distance
à parcourir pour les atteindre, du coût des services disponibles
ainsi que de la langue dans laquelle sont rendues les décisions de
justice. Le nombre des citoyens qui peuvent aujourd'hui accéder à
la justice est très réduit quand on tient compte de la
distribution spatiale des tribunaux à travers le pays.
Il suffit pour s'en convaincre de se référer
à la répartition actuelle des tribunaux sur tout le territoire et
du nombre de Juges actuellement en fonction par tête d'habitants. Cette
situation a provoqué le développement du recours à
«une justice privée» par la population. En
effet, les victimes des violations flagrantes des libertés
fondamentales, au lieu de recourir à des voies légales afin
d'obtenir réparation, se contentent le plus souvent de recourir à
une justice privée. Elles ont donc la tentation de se faire justice.
Cette attitude revancharde est selon les victimes, plus rapide, directe et plus
sûre. C'est comme si l'époque de la loi du talion n'a jamais
été révolue en Haïti.
Le fonctionnement de l'appareil ou du système
judiciaire en Haïti a fait l'objet de plusieurs inventaires, diagnostics,
études, analyses et rapports, tant d'experts internationaux que
nationaux. Ces spécialistes, à chaque fois, recommandent des
plans d'actions à court, moyen et long terme comportant des mesures pour
soit reformer le système, soit améliorer son fonctionnement. Les
spécialistes haïtiens et étrangers sont unanimes à
reconnaître le dysfonctionnement de l'appareil judiciaire haïtien.
Le constat, déjà ancien, fait pratiquement l'unanimité
aujourd'hui. Tous les débats tournent autour de la carte de la
réforme. Mais, la grande question demeure toujours à l'ordre du
jour : Quel système de justice pour Haïti ?
La réforme de la justice implique de sérieuses
transformations au sein de l'État et de la société. Une
des valeurs fondamentales sur laquelle se fonde la théorie de
l'État de droit est le respect de la loi d'abord par toutes les
autorités de l'État qui à leur tour, auront pour
responsabilité de la faire appliquer. Il en résulte que cette
valeur constitue sans contestation aucune les théories sur lesquelles se
fondent la Démocratie et l'État de droit.
Le problème de l'avancement est crucial, car vous ne
pouvez pas considérer que vous recrutez un fonctionnaire une fois pour
toutes et que son avancement tiendra au bon vouloir de tel ou tel, ou qu'il
sera figé parce que les structures ne le permettent pas, parce que la
fonctionnalité n'a pas été établie ainsi. Et puis,
bien évidemment, plus en aval que la carrière, le problème
du droit à la pension, le problème des garanties quant à
la retraite.
L'appareil judiciaire tel qu'il fonctionne actuellement ne
peut garantir la protection d'un fonctionnaire dans l'exercice de sa fonction.
La Magistrature est totalement dépendante du pouvoir exécutif via
le Ministre de la Justice. Le problème s'accentue par la tendance qui a
été toujours la nôtre d'avoir une justice
contrôlée.
Dans cette partie, nous allons faire ressortir la
problématique du système judiciaire haïtien au
troisième chapitre et comment par une réforme on peut
résoudre ce problème (quatrième chapitre).
Chapitre III
Problématique du système judiciaire
haïtien
Ce n'est pas les pétitions qui devraient forcer les
portes de la justice. Le fonctionnement doit être régulier,
normal, sans besoin de référence, ni d'interférence. La
justice doit être saine pour un pays harmonieux, mais quand la politique
s'infiltre, sans bornes, même dans les tribunaux, c'est à la loi
d'en sortir.
Si l'on parle de réforme, c'est que la conscience est
claire que nos institutions sont dysfonctionnelles, ou même la plupart
inadéquates. Pourquoi d'après vous les gens restent aujourd'hui
dans les prisons sans jugement ? Le fonctionnement du système
judiciaire est mauvais joint à la confusion des pouvoirs, et elle
perverti et par elle perturbé. Il n'y a pas à dire,
l'enquête se poursuit
A travers cette analyse, nous nous rendons compte que le
problème de l'indépendance du corps judiciaire est loin
d'être résolu. Les pouvoirs publics n'ont pas étudié
la question à la base pour y apporter des réponses
satisfaisantes. Ce problème pourra déboucher sur beaucoup
d'autres si des mesures appropriées ne sont pas prises. Nos
législateurs doivent mettre accent sur cette crise que traverse la
justice haïtienne. Nul ne peut nier le rôle primordial que jouent
les magistrats dans la distribution de la justice. Ils sont les principaux
acteurs. L'Exécutif est une institution indépendante, le
Parlement ne l'est pas moins, mais s'agit-il du Judiciaire, il semble
être une émanation des deux autres. La réforme de la
justice telle qu'elle est prônée à l'heure actuelle par nos
dirigeants et réclamée par le public victime du fléau,
doit tenir compte de cette main-mise de l'Exécutif sur le Judiciaire.
Les membres de ce pouvoir sont trop assujettis à ceux de
l'Exécutif. Leur nomination et leur révocation doivent faire
l'objet d'une étude particulière dans le cadre d'une
véritable réforme de la justice.
Section I
Les maux de la justice
La mainmise du Ministère de la
Justice
La justice, en réprimant les atteintes aux lois, assume
par son organisation des fonctions sociales multiples et tient du même
coup dans l'État une place éminente où les lois
garantissent et protègent les libertés publiques. Mais les
pouvoirs publics, dans la tradition constitutionnelle demeurent associés
à l'oeuvre judiciaire, et la constitution de 1987 maintient cette
tradition.
Cependant la mainmise de l'Exécutif comme plus d'un
sont enclins à le croire, garantit de moins en moins
l'indépendance de la Magistrature.
A la fois autorité politique et chef d'un organe
administratif, le Ministre de la justice est la courroie de transmission du
gouvernement dans l'institution et le chef du service public de la justice. A
ce titre, il nomme les Magistrats du siège et du parquet et veille
à leur promotion. Il est investi également d'un pouvoir
réglementaire lui permettant d'assainir le fonctionnement de
l'institution en se basant sur le principe hiérarchique et d'intervenir
dans la formation des Magistrats. Dans les périodes de trouble il se
considère comme le véritable chef de la justice1.
De ce fait, ne peut-on dégager la mainmise possible du
Ministère de la justice sur l'institution judiciaire ?
Le Ministère de la justice est une survivance de
l'histoire. A la vérité, la justice peut être rendue
équitablement dans un Pays malgré l'existence d'un
Ministère de la Justice. L'essentiel est de confier à celui-ci
des attributions qui ne seront pas de nature à troubler l'administration
d'une bonne justice.
_________________________
1- Boure R et Mignard J : La crise de
l'institution judiciaire, Paris, Nuova Stampardi Mondadori Cles, 1977,
pp.62-63
La justice est trop souvent, partante de l'affirmation,
soumise au pouvoir politique. Comment parler d'une indépendance de la
Magistrature quand le pouvoir de nomination est confié à une
autre partie ? L'Exécutif choisira rarement un Magistrat de
siège ne partageant pas ses idéologies politiques ou qui ne lui
soit pas facile de manipuler sans parler de soumission.
Ceci est d'autant plus vrai que le Conseil de la Magistrature
en France qui doit donner son avis sur la nomination des Magistrats est
lui-même nommé par le même personnage. L'on peut dire que la
nomination du Conseil Supérieur de la magistrature par le
Président de la République place l'autorité judiciaire
sous le contrôle du chef de l'État.
C'est ainsi qu'en France les juges organisés en
syndicat font de la nomination leur cheval de bataille. « Il faut la
retirer à l'autorité politique pour la confier à un
Conseil Supérieur de la Magistrature élargi ou carrément
à l'élection non par le suffrage universel mais par les juges
eux-mêmes »1.
Ce procédé d'organisation de la Magistrature
(qui incarnera vraiment l'indépendance des juges) s'inscrit dans la
constitution et connaît des limites avec les procédures de
nomination et d'avancement des Magistrats de siège.
Or, l'avancement des juges reste et demeure toujours une
affaire de choix et non d'ancienneté. En France, c'est en fonction d'une
liste d'aptitude et d'un tableau d'avancement ordinaire ou spécial sur
lesquels s'inscrit la carrière du juge qu'une commission d'avancement
formée de représentants de l'État fait son choix en
fonction des notes du Magistrat 2.
N'y a-t-il pas lieu de s'interroger sur ces nominations ?
Ces représentants de l'État vont-ils choisir quelqu'un ne
partageant pas la sensibilité politique du régime en
place ? L'on peut
__________________________
1-Lariviere Daniel Soulez : Les juges dans la
balance, Saint-Amant, imp. Bussière, 1990 p. 301
2- De Coustine Christian : La justice,
collection tout savoir sur, Paris, imp. Brodard et Taupin, 1974, p. 28
également affirmer que les nominations dans la
magistrature reflètent les options politiques de l'Exécutif et la
gestion du personnel va dans le sens du régime en place.
Manque de moyens humains, financiers et
matériels
Evaluation des ressources du système
judiciaire
Du point de vue institutionnel, la justice haïtienne fait
face à de nombreux problèmes. Les plus cruciaux sont : la
carence qualitative et quantitative en ressources humaines, le manque de
ressources financières, l'état de dénuement des
bâtiments logeant la plupart des Cours et Tribunaux de la
République. Ces problèmes constituent autant d'obstacles au bon
fonctionnement du système judiciaire haïtien.
Il est courant, dans le cadre de l'élaboration d'un
projet de réforme institutionnelle, de procéder à une
évaluation du système existant en vue d'identifier aussi bien ses
forces et faiblesses que les obstacles éventuels à sa bonne
marche. C'est ce qui, en sciences physiques et naturelles, prend le nom de
diagnostic. Notre mémoire emprunte cette terminologie dans son effort
d'identification du mal qui affecte le système judiciaire haïtien.
Certes, seul un bon diagnostic du système judiciaire haïtien pourra
permettre d'identifier ses faiblesses ainsi que les obstacles qui entravent son
fonctionnement.
A vue d'oeil, la situation actuelle du système
judiciaire haïtien peut être comparée à celle d'un
malade en pieux état, manifestant malgré toute une grande
volonté de survie. La pénurie des moyens matériels dont
souffre le système judiciaire haïtien affecte le fonctionnement de
ses rouages les plus nécessaires, en l'occurrence les Cours et
Tribunaux. Cependant, deux maux essentiels semblent être à la base
de son disfonctionnement. Il s'agit, premièrement, de la trop grande
dépendance du pouvoir judiciaire à l'égard du pouvoir
exécutif. Deuxièmement, le rejet du droit coutumier qui
régit et conditionne les relations entretenues par la majorité de
la population rurale haïtienne ainsi que celle des zones urbaines
marginales. Il est donc indispensable de s'attaquer aux racines du mal,
à ses causes et non à ses effets.
Ressources humaines
Le grand problème qui affecte le système
judiciaire haïtien est sans conteste le manque de ressources humaines,
aussi bien qualitatif que quantitatif. Sur le plan qualitatif, la version
préliminaire du rapport publié en janvier 1994 par la Mission
Civile ONU/OEA1 sur l'état du système judiciaire
haïtien, relatait un niveau de qualification très faible de la
grande majorité des Juges de Paix titulaires et suppléants
affectés dans les 180 tribunaux de paix répartis à travers
les dix-huit juridictions de la République. La plupart ont à
peine complété le niveau de certificat d'études primaires.
Certes, la différence dans le niveau de qualification varie d'un
tribunal de paix à l'autre à l'intérieur d'une même
juridiction et d'une juridiction à l'autre.
Cependant, au niveau des Tribunaux de Première
Instance, des Cours d'Appel et de la Cour de Cassation, le problème de
qualification des juges ne se pose pas avec autant d'acuité que ceux
décrits précédemment. Ces juges détiennent pour la
plupart une licence en droit ou une expérience pratique
équivalente. Le problème se situe plutôt au niveau de
l'actualisation des connaissances acquises dans une discipline qui
évolue au rythme des relations sociales, elles-mêmes en constante
mutation.
Le problème de la qualification des juges
résulte, en partie, de leurs modes de sélection et de recrutement
qui, souvent, laissent beaucoup à désirer. Par exemple, la
majorité des juges de paix en activité de service sont
nommés par le Ministère de la Justice et de la
Sécurité Publique. En générale, ces recrutements
sont effectués en violation flagrante des dispositions
constitutionnelles. Or, la Constitution de 1987 recommande le choix des juges
de paix sur des listes préparés par les
assemblées communales. Pourtant vingt quatre ans
après la promulgation de la Constitution, les
____________________________
1- Mission Civile OEA-ONU: Rapport
préliminaire sur le système judiciaire haïtien, mimeo,
Haïti, Janvier 1994, p. 7
assemblées communales n'ont toujours pas
été constituées.
Sur le plan quantitatif, le manque de Juges en nombre
suffisant pour animer les institutions du système judiciaire
haïtien est patent. Pour une population estimée à plus de
huit (8) millions1, le pays ne dispose que six cent (600) Juges de
Paix environ, répartis dans environ 190 tribunaux ; de dix-huit
(18) Doyens à la tête des dix-huit Tribunaux de Première
Instance de la République, assistés de quarante deux (42) Juges
d'instruction environ pour les dix-huit juridictions judiciaires, de cinq (5)
Cours d'Appel dirigés par cinq (5) Juges-Présidents
assistés d'environ quinze (15) Juges au total ; de douze (12) Juges
affectés à la Cour de Cassation de la République
2.
Au total, sept (700) Juges environ sont disponibles, à
tous les échelons de la hiérarchie judiciaire, pour dire le droit
et rendre la justice dans les dix (10) départements géographiques
du pays. Ces juges sont secondés dans l'accomplissement de leur mission
par des greffiers et des huissiers. A l'exception des tribunaux de paix, un
fonctionnaire du gouvernement est délégué comme
commissaire auprès des Cours et Tribunaux de la République. Ces
représentants du ministère public forment la magistrature debout,
car ils se lèvent pour porter la parole. Certains de ces Commissaires du
gouvernement et leurs Substituts, comme on les désigne, animent les
Parquets près les Tribunaux de Première Instance. Leur rôle
consiste principalement à promouvoir l'action publique destinée
à assurer la répression des infractions.
Ressources physiques et naturelles
Sur le plan physique et matériel, un rapport
d'évaluation préparé par le Service de Programmation du
Ministère de la Justice en avril 1993 et distribué comme
document de support au colloque organisé en juin 1995 sur l'avenir de la
réforme judiciaire, décrivait comme suit l'état de
délabrement des locaux abritant la plupart des cours et tribunaux du
pays :
« Les visites d'inspection effectuées
dans les quinze (15) juridictions d'alors de la République
__________________________________________
1- IHSI : Tendances et Perspectives de la
population d'Haïti, 2000-2010, p. 35
2- Jumelle, (M.C.) : La géographie
judiciaire d'Haïti, mimeo, 1995, p.1
permettraient de constater que bon nombre de locaux de
justice (tribunaux de paix, tribunaux civils et parquets) étaient des
constructions précaires, présentant un état de
vétusté chronique et
ne respectant pas les normes élémentaires
des constructions à usage public : murs lézardés,
toiture trouée et défectueuse, répartition de l'espace
inadaptée aux besoins réels des utilisateurs, absence de
toilettes et/ou de fosse d'aisance,... »1
Pour compléter ce sinistre tableau, ajoutons que sur
314 locaux de justice recensés à travers le pays, l'Etat
haïtien ne possédait que 32 bâtiments. Donc. 90% environ de
locaux logeant les tribunaux, le plus souvent sans eau potable, sans
électricité, l'étaient à la faveur d'un bail
à loyer. Il est important aussi de mentionner les conséquences de
la précarité des infrastructures physiques sur le fonctionnement
général du système judiciaire haïtien.
Cette description du sombre tableau de ressources physiques et
matérielles affectées au système judiciaire serait
incomplète si l'on n'ajoutait pas l'état défectueux du
mobilier qui s'y trouve. Il suffit de visiter certains tribunaux de paix
établis dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince pour se
faire une idée de l'état réel du matériel et
mobilier (bureau, armoire, machine à écrire) dont ils sont
dotés. Jouissant des faveurs de la localisation, ces tribunaux sont
quand même privilégiés, comparés à
l'état de ceux établis en province. Il manque dans certains
tribunaux de paix jusqu'à la simple feuille de papier nécessaire
aux juges pour rédiger un acte judiciaire. L'on ne pouvait s'attendre,
dans de telles circonstances, à ce qu'un tribunal de paix dispose de
moyens logistiques lui permettant d'effectuer des constats, par exemple. Que
dire alors des moyens de communication !
Ressources financières
Sur le plan financier, une analyse comparée des
dotations budgétaires annuelles au secteur justice montre combien est
dérisoire le niveau des ressources allouées, au cours des
années 1989-1995 par rapport aux années 2009-2011. Les dotations
budgétaires à la justice s'amenuisent en termes réels
d'année en année. A titre illustratif, mentionnons qu'au
cours de l'année fiscale
____________________________________
1- Ministère de la Justice : Les Infrastructures
Physiques, Rapport préparé par le Service de Programmation,
Haïti, Avril 1993, p. 2
1989-1990, une valeur de 24.110.840 gourdes,
représentant seulement 1.66% du budget national, étaient
affectées au fonctionnement des Cours et Tribunaux du pays. Pour
l'année fiscale 1990-1991, sur un budget total de 1.350.000.000 de
gourdes, une valeur de 36.000.000 de gourdes, représentant 2% du budget
national, étaient allouées à la justice. De ce montant,
2.130.000 gourdes étaient affectées à la Cour de Cassation
et 19.895.000 gourdes au fonctionnement des Cours et Tribunaux. Plus tard, au
cours de l'année fiscale 1994-1995, sur un budget total de 3.454.500.000
gourdes, un montant de 76.899.182 gourdes (2.2%) était alloué au
Ministère de la Justice. De ce montant, 5.000.000 gourdes (0.1%)
étaient allouées à la Cour de Cassation de la
République et 33.823.917 gourdes (0,9%) étaient affectées
au fonctionnement des Cours et Tribunaux de la République. Au cours de
l'année fiscale 2009-2010, sur un budget total de 88.942.900.943 gourdes
un montant de 717.301.786 gourdes (0.81%) était alloué au
pouvoir judiciaire. Cette analyse nous montre clairement au lieu d'augmenter le
budget du Pouvoir Judiciaire afin de lui permettre de bien fonctionner on le
diminue, d'où la volonté du Pourvoir Exécutif de tenir le
Pouvoir Judiciaire en état. Il faut souligner que ce budget a
été reconduit pour l'année fiscale 2010-2011.
Trois remarques s'imposent. La première, c'est le
Ministère de la Justice, organe de l'Exécutif qui prépare
le budget pour un pouvoir judiciaire supposé indépendant. La
deuxième qui est une conséquence de la précédente,
le montant alloué à la Cour de Cassation se trouve
inséré au budget du Ministère de la Justice.
Troisièmement, les dotations budgétaires ne reflètent
nullement la priorité accordée à la justice.
Sur le plan strictement financier, à coté de la
parcimonie de son budget, la Cour de Cassation est traitée comme faisant
partie intégrante de ce Ministère. Il est donc légitime de
s'interroger sur l'indépendance des pouvoirs proclamés par la
Constitution en vigueur.
Parallèlement, le système judiciaire
haïtien génère aussi de modestes ressources
financières. Celles-ci proviennent à la fois des frais
perçus par les greffes des Cours et Tribunaux pour les services rendus
aux justiciables et des amendes. Cependant, il n'existait dans les tribunaux de
paix que nous avons eu l'occasion de visiter aucun registre permettant de
retracer ces recettes, encore moins l'utilisation qui en était faite.
L'État de la documentation
juridique
Sur le plan de la documentation, il n'est point besoin
d'épiloguer sur l'obsolescence des codes et de certains textes de lois
haïtiens. Le Moniteur, Journal officiel de la République dans
lequel sont publiés les Lois, Décrets-lois et Décrets, en
un mot tous les documents officiels à caractère juridique, ne
dispose même pas d'un index législatif, sorte d'inventaire des
textes publiés à date. Ce qui faciliterait la mise à jour
des lois haïtiennes en y incorporant dans un seul et même recueil
les modifications subies par une loi suite à
des amendements successifs. De plus, la publication du
Bulletin des Arrêts de la Cour de la Cassation est en retard de plus de
dix ans. Par ailleurs, la Constitution de 1987, dans son article 276-2, fait
entrer sous certaines conditions les Traités ou Accords Internationaux
dans la législation nationale. Mais il n'existe, à notre
connaissance, aucun recueil à jour des Traités, Accords ou
Conventions signés et ratifiés par la République
d'Haïti.
Sur ce plan, la situation est tout aussi lamentable.
Jusqu'à une époque très récente, ils étaient
rares les tribunaux qui disposaient complet de tous les codes de lois, de tous
les codes de procédure édités dans le pays au cours de ces
trente dernières années. Or, de tels documents demeurent
indispensables à leur bon fonctionnement. Les tribunaux haïtiens ne
disposent même pas de mobiliers adéquats pour conserver leurs
archives ; que dire d'un embryon de bibliothèque regroupant les
documents d'usage courant ? L'on se demande comment, dans ces conditions,
un juge peut valablement dire le droit quand il est dépourvu du support
documentaire que représente un code ou un manuel de procédure.
Le problème d'accès à la
justice
Il se pose, toutefois, le problème fondamental
d'accès à la justice. La justice étant un service public,
son accès doit être garanti à tous sans distinction. Cet
accès se mesure en termes de distribution spatiale des tribunaux, de la
distance à parcourir pour les atteindre, du coût des services
disponibles ainsi que de la langue dans laquelle sont rendues les
décisions de justice. Le nombre de citoyens qui peuvent aujourd'hui
accéder à la justice est très réduit quand on tient
compte de la distribution spatiale des tribunaux à travers le pays. Il
suffit pour s'en convaincre de se référer à la
répartition actuelle des tribunaux sur tout le territoire et du nombre
de juges actuellement en fonction par tête d'habitants.
Distribution spatiale des tribunaux
S'il est un facteur qui limite l'accès des citoyens
à la justice, c'est bien celui de la localisation des tribunaux. Cette
limitation s'exprime en termes de distance à parcourir pour un tribunal,
de nombre de tribunaux par habitants, de l'état des voies de
communication et de la disponibilité de moyens de transport
adéquats. Tout ceci nous amène à étudier la
distribution spatiale des Cours et tribunaux dans les différents
départements géographiques du pays.
La notion de « Géographie
judiciaire », empruntée à Me Michèle
César Jumelle, se réfère à la distribution spatiale
des Cours et Tribunaux à travers le territoire national. Du point de vue
de la géographie physique et politique, la République
d'Haïti est divisée en dix (10) départements, quarante deux
(42) arrondissements, cent quarante deux (142) communes et cinq cent soixante
cinq (565) sections communales.
Du point de vue judiciaire, le pays est divisé en
dix-huit juridictions réparties comme suit : Port-au-Prince,
Croix-des-Bouquets, Cap-Haïtien, Les Cayes, Côteaux,
Fort-Liberté, Saint-Marc, Gonaïves, Port-de-Paix,
Grande-Rivière du Nord, Hinche, Mirebalais, Petit-Gôave,
Miragôane, Anse-à-Veau, Aquin, Jérémie, Jacmel.
Il n'est un secret pour personne que la population totale
haïtienne est à dominance rurale. De même, tous ceux
impliqués dans le fonctionnement du système judiciaire savent que
les tribunaux de paix sont dans leur quasi-totalité établis dans
les communes, donc en milieu relativement urbanisé. Or, personne
n'ignore l'état défectueux des routes reliant les communes entre
elles, d'une part et aux différentes sections communales, d'autre part.
Donc, il n'est point besoin d'avoir une expertise spéciale pour
constater l'inadéquation entre le nombre d'habitants et celui des
tribunaux, ainsi que la disparité dans leur répartition spatiale.
D'ailleurs, le manque de moyens de locomotion isole les tribunaux des
communautés qu'ils prétendent desservir.
Le langage judiciaire
La langue constitue l'un des facteurs limitant l'accès
de la population à la Justice. Dans un
pays à dominance créolophone et à
majorité analphabète, tous les textes de lois sont
rédigés en français. Toues les décisions de justice
sont rendues en cette langue qui n'est parlée et comprise que par une
infime partie de la population. Cette dualité linguistique ne fait
qu'accentuer la division du pays en un pays national à dominance rurale,
créolophone, vaudouisante, analphabète et régi par le
droit coutumier ; et, un pays officiel à dominance urbaine,
francophone, catholique, éduquée et régi par le droit
formel.
Le coût de la justice
Gratuite en théorie, la justice reste très
onéreuse en Haïti. Le coût des services judiciaires
réduit considérablement l'accès de la justice à la
majorité de la population des campagnes et des zones urbaines marginales
du pays, dont le revenu annuel avoisine moins de deux mille cinq cent gourdes.
Les honoraires des avocats sont tellement élevés, en comparaison
du niveau des revenus par tête d'habitants, que la justice est
perçue comme étant au service des possédants et au
détriment des démunis.
La corruption1
La corruption est apparemment un phénomène vieux
comme le monde, mais elle n'avait pas été une
préoccupation dominante de l'État. Ce phénomène est
devenu, depuis près d'une décennie, un thème important
dans les débats politiques, socio-économiques et juridiques tant
au niveau national qu'au niveau international et prend une dimension
médiatique intense. Si la corruption n'est pas un
phénomène nouveau, par contre, la nature, le degré et
l'ampleur des mesures pour la saisir et en venir à bout sont à
inventer.
________________________________________
1- www.jeansenatfleury.com
a) Phénomène de la corruption en
Haïti
La corruption est un phénomène qui se rencontre
aujourd'hui dans tous les secteurs de la vie civile en Haïti. Cependant,
c'est au niveau de la justice que le phénomène est beaucoup plus
perceptible et que les conséquences sont beaucoup plus ressenties.
Le thème justice et corruption est un thème
très sensible qui interpelle au delà de la seule justice, la
société dans son ensemble. Les problèmes liés
à la corruption sont multiples et se rencontrent au niveau de
différents axes.
b) L'environnement des Magistrats
Le magistrat est un être humain avec ses
sensibilités. Placé dans un environnement politique, social,
culturel et économique dans un pays en crise identitaire où tout
se fonde sur la richesse matérielle, le magistrat placé dans un
tel contexte social est beaucoup plus enclin à tirer les avantages de
ses charges en accédant au cercle vicieux de la corruption. Pour
Haïti, une étape préliminaire en vue de diminuer l'ampleur
de la corruption dans le fonctionnement de la justice sera de traiter avec les
avocats et les juges dont certains insistent pour le maintien des
méthodes corrompues et informelles de pratique et d'application des lois
dont ils profitent. Les règles et les pénalités
sévères, ainsi que des critères de qualification doivent
être appliquées à ce groupe d'acteurs importants.
L'élaboration de lois appropriées dans tous les domaines:
commercial, civil, droit pénal, immigration et autres et leur mise en
vigueur constitueront une partie de la première étape. S'il
existe un domaine ou un groupe de professionnels aura besoin de courage,
d'intégrité, de qualification et de compétence, d'un
sentiment de devoirs nationaux et d'humilité pour le
développement et la mise en vigueur de normes légales, c'est bien
dans le secteur de la justice en Haïti.
La mentalité des citoyens en Haïti est de
considérer que dès lors qu'on se trouve en face d'une
autorité, il est de bonne coutume de laisser un cadeau en guise de
respect. Certains avocats utilisent parfois la même stratégie dans
le système judiciaire haïtien : «donner une enveloppe au juge
pour avoir sa faveur dans un jugement.» La corruption n'est pas seulement
due à un fait économique. Elle résulte de l'absence de
probité morale. La décadence morale est à l'origine de la
corruption. Les revenus des juges haïtiens sont modestes, il faut en
convenir. Mais cette faiblesse ne saurait à elle seule expliquer
l'ampleur du phénomène de la corruption qui est en train de
gangrener la justice haïtienne et de lui faire perdre ses valeurs
essentielles.
c) Réprimer la corruption
La corruption est un fléau qui touche tous les secteurs
d'activités. Au niveau de la justice, elle prend des proportions
exponentielles et constitue une menace grave contre l'instauration d'un Etat
démocratique soucieux du respect des droits fondamentaux de la personne
humaine. Aussi, les corrupteurs et les corrompus doivent être
réprimés sans ménagement. Au besoin, les textes relatifs
à la corruption doivent être revus et adaptés aux exigences
actuelles. La bataille contre la corruption a été l'un des
thèmes clés dans le discours du 18 mai 2007 prononcé par
le Président de la République René Garcia Préval
à l'occasion de la fête du drapeau. Devant la tribune de l'ONU
lors de la 62ème assemblée nationale des Nations Unies tenue
à New York, le président René Préval dans son
discours de circonstance du 26 septembre 2007 a repris presque dans les
mêmes thèmes la détermination de l'actuel gouvernement
à combattre le fléau : « Nous construisons les
moyens, en Haïti, pour faire face à la corruption et nous avons
commencé à travailler à consolider les structures de
l'État et à envisager les réformes légales et
réglementaires à mettre en place pour que le mal endémique
disparaisse de nos pratiques institutionnelles, en politique comme en
affaire.» Aussi, s'avère-t-il nécessaire pour
l'université, les sociologues, les dirigeants, les juristes, les
politologues et les parlementaires en particulier, à se pencher sur la
question. Au Parlement, des textes relatifs à la corruption doivent
être revus et adaptés aux exigences actuelles.
Il faudrait arriver à un changement de mentalité
et faire comprendre aux populations que celui qui corrompt ne rend pas service
au magistrat et à son pays. Une mauvaise justice ne profite à
personne; elle ouvre la voie à des situations de conflit et de
vengeance. Sur le plan économique, le fléau de la corruption
représente un frein au développement et à la
stabilité du pays. Globalement, elle touche les fonds qui devaient
être utilisés pour l'enseignement, l'investissement, les
infrastructures publiques et qui sont souvent détournés à
des fins privées. En d'autres termes, elle empêche les pays en
développement dont Haïti d'attirer les investissements
étrangers et crée des distorsions dans la répartition des
capitaux. En outre, elle est préjudiciable à la
société, en particulier au plus vulnérable, les pauvres.
S'érigeant en système, elle décourage l'investissement
étranger direct et crée une instabilité politique criante
qui a des répercussions graves sur la crédibilité de
l'État vis-à-vis de la communauté internationale.
Dans le domaine juridique, la corruption menace
l'indépendance du pouvoir judiciaire dans son impartialité et son
équité, sape la démocratie et l'État de droit, qui
sont les principaux préalables à la croissance économique
et à la réduction de la pauvreté. Celle-ci constitue un
blocage à l'aboutissement d'un procès équitable, encourage
l'impunité, et porte atteinte à la légitimité des
pouvoirs publics, la bonne gouvernance. Etant à la base d'une mauvaise
justice, elle engendre des situations de conflit et de vengeance au sein de la
société.
Relevant du domaine public, la corruption est une
dérogation à la loi pénale, elle est prévue et
punie aux articles 137,138, 139,140, 141, 142, 143, 144 et suivants du code
pénal haïtien. L'article 137 punit la corruption en ces termes :
«Tout fonctionnaire public de l'ordre administratif, judiciaire ou
militaire, tout agent ou préposé d'une administration publique
qui aura agréé des offres ou promesses pour faire un acte de sa
fonction ou de son emploi, même juste, mais non sujet à salaire,
sera punie de la dégradation civique et condamné à une
amende double de la valeur de la promesse agréée ou des choses
reçues sans que ladite amende puisse être inférieure
à cinquante piastres.»
Haïti a ratifié le 19 décembre 2000 la
convention interaméricaine contre la corruption, publiée dans le
moniteur du 18 juillet 2002. Cette convention fait depuis, partie
intégrante de notre législation.
Le gouvernement de transition Boniface Alexandre a
créé par arrêté en date du 8 septembre 2004 une
Unité dénommée « Unité de lutte contre la
corruption (ULCC) « appelée à combattre la corruption et ses
manifestations sous toutes ses formes au sein de l'administration publique
haïtienne. Aussi, toutes les lois étant là, il revient
simplement à mettre en place les structures pour l'application de ces
mesures.
La Mise en place d'un observatoire national de lutte
contre la corruption.- L'idée de créer un observatoire
national de lutte contre la corruption procède, d'abord d'une prise de
conscience de la corruption dont les effets pervers sont durement ressentis par
tous les citoyens. Ensuite, de la quasi inopérationnalité du
Conseil Supérieur de la Magistrature qui, à quelques exceptions
près, n'a jamais eu à prendre de sanctions à l'encontre
des Magistrats véreux et corrompus.
Ce comportement du Conseil s'explique aisément dans la
mesure où il est constitué de Magistrats. Or, l'on ne saurait
être juge et parti. La solidarité agissante favorise
l'impunité. L'observatoire trouve donc sa justification de cette
assertion. Pour garder sa neutralité, il doit être
constitué de membres de la société civile dont la mission
serait de recueillir toutes informations sur les faits de corruption et d'en
référer à l'autorité compétente pour prise
de sanction si le cas y échait. Cette structure pourra exister à
l'échelon local, régional et national.
L'observatoire de lutte contre la corruption dont la
création est devenue aujourd'hui un impératif, doit être
perçu comme un instrument efficace, qui utilisé à bon
escient par les citoyens, peut simplement leur permettre de s'affranchir de la
tutelle des agents publics aux conduites indécentes.
L'introduction d'un système de contrôle
populaire de l'appareil judiciaire.- Ce système de
contrôle populaire consiste à publier et à commenter des
décisions de justice par certains spécialistes.
Pour que la population soit confiante de la volonté ou
de la capacité de l'État de sanctionner des abus, il est
important que les autorités rendent publics les résultats des
enquêtes. Par des communiqués de presse, on devait signaler les
suspensions, révocations bref, les sanctions prises contre les
fonctionnaires de justice sans distinction. Cette méthode permettra au
public de s'édifier des abus qui ont été
sanctionnés et quant aux auteurs, de prendre conscience de leurs actes.
Ainsi, la population sera confiante de la volonté et de la
capacité de l'État à réprimer des cas de violations
commises par des acteurs du corps judiciaire. Des abus pourraient être
dénoncés et l'opinion publique serait suffisamment
informée de la pratique des acteurs du corps judiciaire. Un mandat
précis pourrait être donné à ces spécialistes
pour qu'ils aient accès aux pièces des dossiers devant les
différentes juridictions.
d) Faire une vaste campagne
médiatique
La campagne médiatique doit s'effectuer sur l'ensemble
du territoire national. Les O.N.G. doivent s'impliquer activement dans ce
processus. L'éducation, la formation, la sensibilisation et
l'information des populations sont des préalables nécessaires en
vue de l'éradication de la corruption au sein de la justice. Ce travail
est ardu et nécessite l'implication de tous en vue d'un changement de
comportement.
e) Respect des règles de
déontologie
Les normes édictées par les règles de
déontologie doivent être scrupuleusement respectées et cela
passe par une moralisation du corps judiciaire. Il faudrait faire appel au sens
moral et civique des agents chargés de la distribution de la justice
principalement le Magistrat.
Le juge est dépositaire de pouvoirs énormes.
Cela doit l'inciter à être juste. Rendre une saine justice devient
alors pour lui une obligation de sa charge. Dans ses prises de décision,
il ne doit obéir qu'à sa conscience et selon son intime
conviction. Il ne doit céder à aucune pression extérieure
d'où qu'elle vient. En effet, il est difficile de juger son semblable et
la mission du juge est tout simplement un sacerdoce qu'il faut cependant
assurer et assumer en toute conscience et connaissance de cause. Sa
décision doit en toute hypothèse porter le sceau de la
sincérité, de la rigueur, de l'intégrité et ne
devant laisser transpirer le moindre signe de parti pris.
Section II
Dysfonctionnement du système
judiciaire
Les conditions générales de travail
engendrées par l'état des ressources physiques,
matérielles et financières décrites
précédemment préfigurent le niveau de performance du
système judiciaire haïtien. En termes concrets, cette performance
se mesure par le nombre de cas traités par les juges et la
rapidité des décisions rendues par les tribunaux de tous ordres,
en fonction bien sur du nombre de cas qui leur sont soumis au cours d'une
période déterminée. Par exemple, il existe à
présent quarante deux (42) juges d'instruction environ répartis
dans les dix-huit (18) juridictions du pays. Sur ce total, une vingtaine de
juges d'instruction desservent toute la juridiction de Port-au-Prince qui
comprend quatre (4) arrondissements et dix-huit communes, soit un total de plus
de trois millions de justiciables.
Quand on parle de dysfonctionnement du système
judiciaire haïtien, tout le monde pointe du doigt les Magistrats. La
justice est un tout cohérent composée de divers
éléments entre autres : Juges, officiers du Parquet,
avocats, greffiers, huissiers, policiers, experts et personnel de soutien. La
magistrature en est l'une de ses composantes, c'est même la plus
importante. Ailleurs, dans les grands pays, elle est administrée par le
ministre de la Justice et le Président de la Cour Suprême. Mais,
chez nous, elle est vouée à elle-même
Traitement des Juges
A l'opposé de ce qui se fait dans les
sociétés démocratiques, aux Etats-Unis par exemple,
où la Cour Suprême, depuis 1922, contrôle l'ensemble du
système judiciaire fédéral et tous les ans, réunit
les plus anciens Juges de districts pour examiner les principaux
problèmes judiciaires, nous constatons, en effet, l'analyse des
dispositions du décret du 30 mars 1984, que c'est le ministre de le
justice qui formule la politique du gouvernement près le pouvoir
judiciaire dont il est, en quelque sorte, le chef plutôt que la Cour de
Cassation, mise dans la réalité des faits, à
l'écart, quant à la gestion de ce pouvoir.
A titre d'illustration, aux termes de l'article 4 de ce
décret, nous lisons :
« En tant qu'organe administratif, le ministre
de la justice est investi d'un pouvoir disciplinaire, du pouvoir de gestion, du
pouvoir d'instruction, du pouvoir de réformation et du pouvoir
réglementaire ».1
Au regard de ce qui précède, la Charte de 1987
abonde dans le même sens lorsqu'elle stipule aux termes de l'article
175 :
« Les Juges de la Cour de Cassation sont
nommés par le Président de la République sur une liste de
trois (3) personnes par siège, soumise par le Sénat. Ceux des
Cours d'Appel et Tribunaux de Première Instance le sont sur une liste
soumise par l'Assemblée Départementale concernée ;
les Juges de Paix sur une liste préparée par les
Assemblées Communales »2
De cet état de fait, nous constatons comment la
question de nomination compromet la carrière des Juges, l'avenir du
corps judiciaire ; un système qui ne fait que réduire les
Juges à un état de subordination.
On demande aux Magistrats de garantir les droits des
justiciables pendant que eux-mêmes n'ont pas de garantie. Ils ne
disposent pas de moyen pour remplir à bien leur mission. Ils sont mal
rémunérés et n'ont aucune sécurité que ce
soit sociale ou environnementale.
Quand les organisations des
droits humains disent dans leurs rapports que les Magistrats sont responsables
de la surpopulation carcérale et en général du cancer qui
ronge le système, cela nous fait rire. En quoi les Magistrats
peuvent-ils être responsables de la mauvaise administration d'une
________________________
1- « Le Moniteur » ,
Décret du mars 1984
2- Consstitution du 29 mars 1987, Article 175
institution ? L'article 136 de la Constitution stipule
clairement que « le Président de la république veille
à la stabilité des institutions et assure le fonctionnement
régulier des pouvoirs publics »
Les
Magistrats sont traités en parents pauvres par rapport aux
parlementaires et aux membres de l'exécutif. On n'a qu'à jeter un
coup d'oeil sur le budget qui est alloué à la justice. Du
côté des sénateurs, des députés et du
gouvernement, c'est l'accalmie... on ne les entend pas se plaindre. Les temps
sont durs mais pas pour tout le monde.
Les Juges de paix qui n'ont pas le niveau requis, les
commissaires du gouvernement incompétents et corrompus sont
nommés par qui ? La refonte des codes devrait être la charge
de qui ? La restauration des tribunaux, la formation continue, la
spécialisation dans des domaines spécifiques, les moyens
matériels et techniques, l'école de la magistrature sont sous la
responsabilité de qui ? Les postes vacants doivent être
comblés par qui ? Un Magistrat qui entre chez lui en tap-tap
après une audience criminelle, la faute incombe à qui ? Les
maisons de justice où sont entassés les Magistrats ne sont pas
informatisées ni électrifiées ni même
sécurisées, qui est responsable de ces
irrégularités ? Et pour finir, le budget de la
République, impliquant par ricochet celui de la magistrature, est
élaboré, proposé, discuté et voté par
qui ?
. Les Magistrats ne sont pas les seuls responsables
du mauvais fonctionnement du système judiciaire mais étant
donné qu'ils représentent la partie la plus importante du
système c'est pourquoi nous faisons un plaidoyer pour changer leur
condition de vie. Le traitement qu'on leur inflige ne fait pas honneur au pays.
Les séminaires organisés, de temps à autre, par le
ministère de la Justice, parrainés dans la majorité des
cas par la communauté internationale ne résoudront pas les
problèmes.
La magistrature suppose une infrastructure
considérable et des stratégies bien définies. La question
de salaire raisonnable est d'ordre primordial. Les diatribes lancées,
à tout bout de champ, contre les Magistrats ne changeront pas la
situation tant qu'on ne les aura pas mis dans une situation confortable de
bien-être et d'indépendance et une atmosphère de confiance
et de non-ingérence où ils seront à l'abri de toute
tentation et de toute corruption. On est toujours prêt à condamner
la magistrature mais on ferme les yeux sur les causes de son dysfonctionnement.
Le gouvernement, les organisations des droits humains, la communauté
internationale ne perdent pas leur temps à réfléchir sur
les problèmes que confrontent les Magistrats dans leur vécu
quotidien. Le cri pressant que nous lançons est: Aidez-les, ils
aideront Haïti. On doit savoir qu'une société qui ne
respecte pas ses Juges et ne fait pas foi en son système judiciaire
travaille à son autodestruction. Si la magistrature est un commerce
rentable pour certains, pour d'autres, elle reste une profession noble,
respectable, honorable.
Pour exister et être
respectée la magistrature doit être prise en charge.
Le délai du traitement des dossiers
Quand on considère que chaque juge d'instruction de la
juridiction de Port-au-Prince, par exemple, reçoit 50 à 60 cas,
en moyenne, par semaine, leur performance en termes de cas traités et de
décisions rendues est jugée très faible par de nombreux
avocats consultés à ce sujet. De plus, la loi fixe à deux
mois le délai imparti à un juge d'instruction pour rendre sa
décision (article 7 de la loi du 26 juillet 1979 sur l'appel
pénal).
Rares sont, suivant certains avocats du Barreau de
Port-au-Prince, les juges d'instruction qui arrivent à rendre leurs
décisions dans le délai imparti par la loi. Il suffit,
disent-ils, pour s'en convaincre, de consulter les registres du greffe du
Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince.
D'ailleurs, la contre performance de la justice s'est traduite
par l'augmentation démesurée de la population carcérale du
pays. Par exemple, le Pénitencier National, construit initialement pour
trois cent détenus, regorge de prisonniers. Aujourd'hui, sur un total de
six milles détenus environ, 23 % seulement sont condamnés suivant
un jugement rendu par les tribunaux. Dans la majorité des cas, un fort
pourcentage de ces détenus n'ont pas comparu devant leurs juges naturels
dans le délai légal, suivant le voeu de l'article 26 de la
Constitution de 1987.
La lenteur dans le traitement des cas qui leur sont soumis
réduit considérablement le nombre d'assisses criminelles tenues
dans les dix-huit juridictions judiciaires de la République au cours
d'une année judiciaire.
Cette mauvaise performance des tribunaux, résultent
aussi bien de l'application de procédures souvent lentes et
compliquées que du retard mis à l'examen des dossiers et à
la proclamation des jugements, a eu pour conséquence d'accroître
le niveau d'insatisfaction du public, érodant ainsi le peu de confiance
placée dans le système judiciaire. Dans la perception du public
haïtien, le système judiciaire est au service des
intérêts des classes possédantes et travaille au
détriment des intérêts des couches de la population les
plus défavorisées socialement et économiquement.
La perception du public
Dans l'esprit de la majorité des haïtiens,
l'idée d'une justice indépendante, impartiale, saine et
équitable n'a jamais existé. Souvent, le public assimile les
Cours et Tribunaux à autant de boutiques dans lesquels la justice est
vendue au plus offrant. Les Cours et Tribunaux sont perçus comme
étant au service permanent des factions de pouvoir. Les modes de
sélection et de révocation des juges confirment, en quelque sorte
cette perception, de plus, les confusions entretenues autour de la
définition du terme justice accentuent davantage la mauvaise perception
du public à l'égard du système judiciaire.
Chapitre IV
Pour la Réforme du Système
Judiciaire Haïtien
Eu égard aux dérives des systèmes
politiques et judiciaire d'Haïti, la lutte pour l'établissement
d'un Etat de droit se révèle très difficile de
réussir sans la réforme du système judiciaire
haïtien. La démarche première vers la création d'un
Etat de droit passe par la mise en oeuvre des stratégies pour la
réforme du droit et de la justice.
Section I
Indépendance effective du système
judiciaire haïtien
L'indépendance dans la carrière du
juge
L'article 59 de la constitution de 1987 consacre le principe
de la séparation des pouvoirs. « Article 59 : Les
Citoyens délèguent l'exercice de la souveraineté à
trois (3) pouvoirs :
Le pouvoir Législatif
Le pouvoir Exécutif
Le pouvoir Judiciaire »
L'ensemble de ces pouvoirs constitue le fondement essentiel de
l'organisation de l'Etat qui est civil « rapporte l'article
59.1 ». Chaque pouvoir est indépendant des deux autres dans
ses attributions qu'il exerce séparément stipule l'article 60 de
notre Charte fondamentale. Aucun de ces pouvoirs ne peut, sans aucun motif
déléguer ses attributions en tout ou en partie, ni sortir des
limites qui lui sont fixées par la loi et la constitution nous dit
l'article 60-1. La responsabilité entière est attachée aux
actes de chacun des trois, ajoute l'article 60 - 2.
Nous constatons théoriquement que la constitution a
établi clairement l'indépendance des pouvoirs. En ce qui concerne
le pouvoir judiciaire il ne revient aux deux autres de consacrer son
indépendance.
Une fois que la constitution établisse les conditions
d'indépendance, il est impératif à ce que les responsables
se réfèrent à la loi et font respecter les principes y
afférents. Puisque les lois existent il nous faut d'ores et
déjà des hommes et des femmes courageux qui soient capables de
les faire appliquer.
L'accession à la fonction du juge
Pour que le pouvoir judiciaire soit absolument
indépendant, il faut, que le magistrat de l'ordre judiciaire n'obtienne
sa juridiction ni du législatif, ni de l'exécutif. Le pouvoir
doit être dévolu au pouvoir judiciaire au même titre que le
pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Les juges doivent
être issus d'un concours aux fins d'exercer leurs fonctions en dehors de
toute influence émanant du pouvoir politique. Et pourquoi ne pas penser
a élire une partie des juges suffrage universel, de la même
façon que les Sénateurs et les Députés, le
Président de la République ou les conseillers municipaux, ce qui
serait d'ailleurs en conformité avec la Constitution de 1987 qui dispose
que les citoyens délèguent l'exercice de la Souveraineté
Nationale à trois pouvoirs (exécutif, législatif et
judiciaire). C'est l'ensemble de ces pouvoirs qui constituent le fondement
essentiel de l'organisation de l'Etat d'Haïti (art. 59 et 59-1 de la
Constitution).
Ce ne serait pas un acte anticonstitutionnel que
d'élire les juges, comme cela se fait aux Etats-Unis où le
système de juges élus est appliqué et très
développé, non sur le plan fédéral mais au niveau
des Etats. Depuis l'élection de Jackson à la présidence en
1826, quarante États des Etats-Unis ont adopté le système
de l'élection des juges au suffrage universel.
Il est évident que ce système n'a pas toujours
donné de bon résultat. D'abord, il ne donne aucune garantie de
compétence juridique. Ensuite, les candidats aux fonctions
juridictionnelles ont dû faire des alliances avec les partis politiques.
Donc, outre la garantie de compétence, la garantie d'impartialité
n'est pas forcément assurée par ce système.
Par contre, en Haïti, on pourrait partir sous un angle
avec bien sûr certaines corrections qui permettraient aux juges
élus d'exercer librement leurs fonctions sans aucune forme de redevance
politique. Les critères à retenir seront : la non
appartenance à un parti politique, être membre d'une association
de juristes reconnue par l'Etat, l'approbation préliminaire de cette
association. Alors le candidat pourra se présenter auprès de
l'électorat qui aura seul le dernier mot.
Ces élections, toutefois, se réaliseront au
niveau de certains juges mais, à l'instar de celles des autres pouvoirs,
au suffrage universel. Les juges élus seront ceux de la Cour de
Cassation et ceux des Cours d'Appel. Ils formeront alors entre eux une
commission qui aurait pour mission de choisir les juges des tribunaux
intermédiaires selon la pyramide judiciaire haïtienne, à
partir d'un système de recrutement par concours qui permettra de les
classer d'après le résultat des épreuves. Il serait
indiqué alors que les dites épreuves soient assurées par
des examinateurs indépendants (universitaires, anciens magistrats
etc....)
Ainsi, non seulement les critères de compétence
seront garantis mais l'impartialité et l'indépendance des
magistrats seront assurées.
La promotion et le transfert dans la carrière
du juge
L'indépendance de la Magistrature est garantie par
l'Etat et trouve son fondement dans la constitution et les lois existantes. De
ce fait, il est impératif que cette indépendance soit
respectée par toutes les institutions de l'Etat.
Le législateur-constituant a pris soin de
protéger les Magistrats contre les éventuels abus du pouvoir
Exécutif, et de définir leur statut pour leur permettre de bien
remplir leur mission. C'est ainsi que l'article 177 de la constitution de 1987
stipule : les juges une fois nommés ne peuvent être l'objet
d'aucune affectation nouvelle sans leur consentement même en cas de
Promotion. Ces mêmes dispositions sont reprises par l'article 9
alinéa 2 du décret du 22 août 1995 tout en précisant
que les Magistrats de siège sont inamovibles. Ce qui nous permettra
d'étudier dans les lignes qui suivent le principe de
l'inamovibilité des juges.
Le principe de l'inamovibilité des
juges
Le principe de l'inamovibilité n'est autre qu'une
garantie solennelle. Elle constitue de surcroît la particularité
fondamentale qui distingue le Magistrat du fonctionnaire.
Or, l'histoire de l'inamovibilité est celle des
atteintes successives qui lui furent portées : éclipses et
vicissitudes qui permirent des « épurations »
successives.
Le principe de l'inamovibilité est actuellement
édicté par l'article 177 de la constitution de mars 1987
déclarant : Les juges de la Cour de Cassation sont inamovibles. Ils
ne peuvent être destitués que pour forfaiture légalement
prononcée ou suspendus qu'à la suite d'une inculpation. Il ne
peut être mis fin à leur service durant leur mandat qu'en cas
d'incapacité physique ou mentale permanente dûment
constatée tout en écartant les juges de paix. Ces mêmes
dispositions sont reprises par l'article 9 du décret du 22 août
1995, modifiant la loi relative à l'organisation judiciaire de 1985.
L'article 20 de ce même décret précisant
que les juges des cours et des tribunaux pourront être mis à la
retraite à l'âge de 60 ans, paraît s'opposer aux
dispositions de l'article 177 de la constitution.
L'article 177 de la constitution confirme qu'en
conséquence les Magistrats du siège ne peuvent recevoir sans son
consentement aucune affectation nouvelle, même en cas de promotion. Cela
implique que le Magistrat du siège sauf les juges de paix, ne peut
être révoqué, ni suspendu, ni mis à la retraite, ni
déplacé par la volonté arbitraire du gouvernement. Il n'en
demeure pas moins que l'inamovibilité est nécessaire à
l'indépendance des Magistrats. Celle-ci, tant à l'égard
des citoyens qu'à celui des autres juges et la puissance publique n'est
destinée à assurer le confort des Magistrats mais à
garantir aux justiciables une justice impartiale.
L'indépendance dans l'exercice de la fonction
du juge
La justice ne peut être qualifiée telle, dans un
état démocratique, que si elle est rendue d'une manière
indépendante par ceux qui sont investis de la charge de la rendre. Le
principe est proclamé par tous mais se présente d'une
façon infiniment complexe qu'on ne l'imagine parfois. On pense
immédiatement lorsqu'on évoque l'indépendance de la
justice aux moyens qui permettent de garantir la Magistrature contre
l'ingérence du pouvoir politique. Mais il faut avoir bien présent
à l'esprit qu'il importe aussi de protéger chaque juridiction
contre l'empiètement des autres, les Magistrats contre les justiciables,
enfin l'institution contre les pressions et critiques abusives des autres
institutions de l'Etat.
L'indépendance dans le travail du
juge
Dans un régime démocratique, le Magistrat n'est
autre qu'un serviteur de la loi. Il revient au juge de rechercher dans un cadre
légal les aspirations de son époque pour harmoniser ses
décisions avec les réalités de son temps.
L'indépendance de la Magistrature est une condition de l'exercice de
cette fonction.
L'indépendance du Magistrat se manifeste par le
principe qui veut que ni le gouvernement, ni à plus forte raison les
autorités administratives qui lui sont subordonnées, ne puissent
lui intimer un ordre pour l'inciter à statuer dans un sens
déterminé : le juge statue selon sa conscience et dans le
respect de la loi. Tel est le principe fondamental sans lequel la justice ne
serait plus qu'un vain mot. L'idée de justice est liée à
l'indépendance du juge. Elle seule est de nature à assurer
l'égalité des citoyens devant la loi, à garantir que la
décision de justice rendue ne soit dictée ni par le pouvoir, ni
par la hiérarchie judiciaire, ni inspirée par les sentiments
personnels.
Les Cours et tribunaux sont indépendants les uns des
autres lit-on à l'article 59 du décret du 22 août 1995.
Donc, les juges n'ont pas à recevoir des injonctions de la
hiérarchie judiciaire de quelque nature que ce soit. Autrement dit,
l'indépendance de la Magistrature est garantie d'un tribunal à
l'autre. Quand un magistrat statue sur un cas d'espèce à lui
soumis, il ne dépend que de sa conscience et de la loi. Sa
décision est susceptible d'appel ou de pourvoi en Cassation.
L'indépendance des Magistrats à
l'égard des autorités politiques
Elle est affirmée dans les textes tant nationaux
qu'internationaux. La convention européenne des droits de l'homme
dispose en effet dans son article 6-1 que « toute personne a droit
à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et
dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et
impartial ». Le gouvernement ne peut donc pas juridiquement donner
des ordres aux Magistrats ni quant à leur attitude
générale ni quant à la façon de conduire une
affaire précise. Sur le terrain des principes, l'indépendance des
juges est, en permanence, douteuse dans l'esprit du public qui pense toujours
plus ou moins qu'à défaut de pouvoir en droit donner des ordres
aux Magistrats, le pouvoir politique peut, en fait, exercer sur eux des
pressions vu que les juges sont nommés par le pouvoir Exécutif
soit par arrêté soit par commission du Président de la
République. Cette situation est de nature à favoriser la main
mise du pouvoir Exécutif sur le judiciaire. L'indépendance de la
Magistrature paraît donc hypothéquée vu que les juges sont
nommés par le pouvoir politique.
L'indépendance des Magistrats à
l'égard des justiciables et des avocats.
L'office du juge, est de par nature même, susceptible de
valoir à celui qui l'exerce le mécontentement d'au moins une
personne chaque fois qu'il se livre à un acte de sa fonction. Il est
donc nécessaire de le protéger contre le ressentiment
exprimé par le plaideur. Mais à l'inverse, et comme en
matière statutaire, il est bien évident que l'office du juge ne
doit pas être une licence pour faire n'importe quoi. Il est donc
nécessaire d'accorder aux justiciables certains moyens pour le cas
où les Magistrats pourraient être suspectés de ne pas
être impartiaux ou même auraient fait preuve manifeste de
partialité.
Le premier moyen de protection des juges est une protection
sur le plan civil s'exerçant dans le cas d'accomplissement normal de ses
fonctions. Elle consiste à assurer les Magistrats que leur
responsabilité ne pourra être engagée au résultat
des décisions prises dans le cadre de l'exercice correct de leur
fonction. Hors le cas de faits particuliers, les Magistrats ne sont pas, en
effet, responsables de leurs actes régulièrement accomplis,
même dans l'hypothèse où ceux-ci porteraient
préjudice à quelqu'un.
La deuxième sorte de protection normale des Magistrats
se situe sur le plan pénal. Il existe en effet, toute une série
de dispositions de la loi pénale qui punissent ceux qui adressent
à des Magistrats des outrages et des menaces, ou qui exercent des
violences sur leurs personnes.
Face au corps des avocats, la Magistrature est tout à
fait indépendante parce que le juge ne dépend que de la loi et de
sa conscience.
Somme toute, le problème de l'indépendance de la
Magistrature dans notre droit et dans les traditions haïtiennes est bien
réel.
Dans cette étude, nous avons essayé de faire
une esquisse du problème, il s'agira d'arriver à un
mécanisme qui permettra de résoudre des conflits inhérents
au système monté par la constitution. Point n'est besoin de poser
le principe d'égalité entre les différents pouvoirs de
l'Etat : Exécutif-Judiciaire. Car, ils sont indépendants
l'un de l'autre (art. 59), mais ils ont également des attributions
différentes et la solution réside dans la délimitation
simple et claire des compétences de chacun de ces Pouvoirs.
Ce qui nous permettra d'aborder à la deuxième
section : Les stratégies à mettre en oeuvre pour la
réforme du système judiciaire haïtien.
Section II
Les stratégies à mettre en oeuvre pour la
réforme du système judiciaire haïtien
Le bien fondé de ces stratégies à mettre
en oeuvre dépend de la promotion de la loi qui, à son tour,
requiert la diffusion des codes lois pour la vulgarisation de la loi. Aussi, la
réussite de ces stratégies concourt-elle à la vraie
réforme de notre système judiciaire.
Diffusion des codes de lois
A entendre parler bien des gens, Haïti semble
échapper à toute standardisation, à toute règle,
à toute rigueur scientifique, lorsque l'on considère l'usage que
l'on fait du principe des principes généraux du droit à
savoir : « Nemo censetur legem ignorare ».
Un peuple à qui l'accès à l'information
et à l'éducation se révèle un luxe ne peut pas
subir les rigueurs de la loi sous le fallacieux et inutile prétexte que
« Nul n'est censé ignorer la loi » face à
l'irresponsabilité collective et cumulative des autorités de son
Etat irrespectueuses des droits fondamentaux de l'homme alors que les principes
généraux du droit lui octroient cela de par son existence en tant
que peuple.
Cependant, si cette disposition a tout son sens dès sa
proclamation dans le pays où le processus d'alphabétisation est
entaché de sérieuses irrégularités, force est de
reconnaître et de constater que les masses haïtiennes sombrent dans
l'analphabétisme jour après jour. A ce sujet, aussi cuisant qu'il
puisse paraître pour plus d'un, il nous a été donné
de constater qu'il n'y avait jamais eu le dépôt d'un seul
exemplaire de « Le Moniteur », journal officiel de l'Etat
où les lois sont publiées, dans quelques Cabinets d'Avocats de
renom du pays, ni dans les petites et rares bibliothèques que
possède ce pays, dans le cadre de la promotion de la loi. Dans les
Tribunaux de Paix qui sont plus proches de la population, on peut constater
qu'il n'y a pas tous les codes de lois à la disposition des Juges de
paix qui doivent dire le droit au premier échelon de la pyramide.
Par ailleurs, nous constatons encore avec dégoût
et honte l'absence de volonté du Parlement ou à défaut des
commissions « Justice et Sécurité » des deux
chambres d'utiliser les ondes des radios de l'Etat et privées pour tenir
informer la population des dispositions de lois votées et
publiées dans « Le Moniteur », journal officiel de
l'Etat ou de faire parvenir à chaque Commune et Section communale
semestriellement ou annuellement un livret de ces lois publiées dans
ledit journal pour lequel le peuple paie des taxes.
De surcroît, dans un pays où la culture du droit
est le partage d'une faible minorité avec ses problèmes
économiques l'empêchant de se ressourcer intellectuellement, on
peut bien se demander ce que vaut cet aphorisme : « Nul n'est
censé ignorer la loi ».
A titre d'exemple, nombre de politiciens et intellectuels
ignorent même les notions élémentaires de droits
fondamentaux de l'homme et du droit administratif voire comprendre la valeur
d'un tel aphorisme.
Pour réformer le système judiciaire haïtien
et établir un Etat de droit, il faut contribuer à la promotion de
la loi par la diffusion des codes de lois ; car tenir les gens dans
l'ignorance d'une loi votée, adoptée et promulguée aux
fins de les protéger alors qu'elle est faite sans eux et continu
à être appliquée à leur insu est encore une plus
grave injustice sociale. Voila ce qu'il nous faut avant d'aborder la
réforme du système judiciaire haïtien.
Réforme du système judiciaire
haïtien
Pour réussir la réforme du système
judiciaire haïtien, il faut d'abord penser à la réforme du
droit haïtien et, au demeurant, à la réforme de la
justice.
La Réforme du droit
Soutient Renaud Denoix de Saint Marc cité par Loïc
Cadiet et Laurent Richer :
« A l'origine d'une Réforme, il y a
nécessairement une « Chiquenaude initiale », une
idée, une volonté. C'est le plus souvent la constatation de
l'inadaptation du droit existant à l'évolution des moeurs ou,
plus exactement, l'idée que l'on se fait du décalage entre le
droit et le comportement qu'on voudrait voir adopter par le corps
social... »
De ce point de vue, nous enchaînons avec la thèse
que le droit résulte d'une situation de lutte entre individus et
groupes, laquelle apparaît en même temps dans les pratiques et
discours propres à obtenir un consensus sur l'effet des pratiques et ce
consensus se révèle nécessaire, par la raison qu'il permet
de passer de la force au droit sur quoi s'appuie l'État pour jouer son
rôle régulateur.
Nonobstant ces riches considérations sur les rapports
entre droit et société, depuis la chute de la dictature en 1986
à aujourd'hui, l'une des grandes et fondées revendications du
peuple haïtien, c'est l'établissement d'un État de droit, un
État au service du droit.
Généralement, chez nous, dans la pratique, les
rapports entre les individus ne sont pas régis par la loi, mais
plutôt par l'injustice, la violence. Ce sont des rapports de domination,
de répression, d'un côté, de fuite et d'évitement de
l'autre. En effet, même quand il existe un certain formalisme juridique,
ce n'est souvent qu'une apparence, un simulacre.
Le Ministère de la justice lui-même dans le
rapport de la commission préparatoire à la Réforme du
droit et de la justice constate que :
« La justice haïtienne est inaccessible,
inefficiente, inadaptée, dilatoire et irrespectueuse des droits
fondamentaux et que la société haïtienne est privée
de services juridiques ».
A cet effet, d'énormes efforts ont été
consentis par la Communauté internationale depuis 1994 pour
réformer la justice haïtienne et instaurer un État de droit.
A l'étonnement de plus d'un, toutes les instances impliquées dans
cette tentative ont conclu à l'échec.
De là, nos deux petites interrogations : Qu'est-ce
qui est à la base de cet apparent divorce entre notre
société et Droit ? D'où viennent les obstacles
à la culture du droit en Haïti ?
En guise de réponse, il faut reconnaître que, par
delà tous les problèmes de dysfonctionnement de l'appareil
judiciaire comme : défaillance de l'état civil,
inaccessibilité de 75% de la population à la justice, une justice
qui coûte cher, un système judiciaire répressif, injuste,
dépendant et inadéquat, il existe un problème encore plus
grave qui constitue un obstacle majeur à la promotion du droit. C'est
celui de la dualité du droit en Haïti. A dire vrai, il existe deux
systèmes de droit dans le pays : un système de droit formel
inspiré du Code Napoléonien (le droit positif) et un
système de droit coutumier, informel régi nos us, nos anciennes
manières de faire, qui présentent entre eux de sérieuses
dichotomies. Cette dualité du droit renvoie à une dualité
plus profonde au sein de la société, entre le monde paysan
généralement producteur d'analphabètes et le monde
urbain.
Ces deux systèmes de droit n'envisagent pas de la
même manière les questions :
· D'héritage ;
· De statut matrimonial ;
· De droit de la famille ;
· De propriété foncière, etc.
Au niveau du statut matrimonial, le droit formel
reconnaît le mariage, au niveau du droit coutumier, c'est plutôt le
« placage » qui est le statut de 65% des couples à
l'heure actuelle.
Au niveau de la propriété foncière, selon
le système de droit formel, la terre est une valeur d'échange aux
mains de l'individu qui est sujet de droit. Pour le système informel, la
terre matérialise « l'appartenance à une
société de parents» dont elle assure de façon
concrète la cohésion sociale. Dans ces conditions, la terre
serait inaliénable.
En conséquence, la coexistence de ces deux
systèmes parallèles, formel et informel, donne lieu en Haïti
à une situation inextricable et malsaine pour la société.
D'après l'ex-Ministre de la Justice, Me Jean Joseph EXUMÉ :
« Dans le droit civil, il suffit de
considérer le droit de propriété pour constater une
situation des plus alarmantes. Actuellement, il est presque impossible de se
référer aux dispositions de notre législation en
matière de revendication du droit de propriété pour
résoudre les conflits terriens. En raison même de leur
complexité, ces lois deviennent inopérantes ».
De ces problèmes de dysfonctionnement auxquels est
confronté notre système judiciaire dont on avait fait état
plus haut, nous identifions, au départ, à la base de la
défaillance de l'état civil qui est le premier des obstacles
à l'existence d'un État de droit, c'est l'absence d'état
civil pour 40% de la population haïtienne. Au cours de ces deux
siècles d'existence, l'État haïtien a affiché une
indifférence par rapport à l'enregistrement de ses citoyens au
niveau de l'état civil. Il n'y a pas eu d'efforts sérieux
consentis, ni de moyens adéquats mis en oeuvre pour résoudre ce
problème, si bien que jusqu'à aujourd'hui, près de la
moitié de la population se trouve exclure de la citoyenneté
formelle. Comment va-t-on faire pour jouir de ses droits civil et politique si
on n'est pas reconnu légalement par son État ? Toute
promotion véritable de l'État de droit doit passer
nécessairement par un effort sérieux de la part des responsables
de l'État pour résoudre ce problème d'état
civil.
En ce qui a trait à l'inaccessibilité de 75% de
la population à la justice, dit-on, s'il n'y a pas eu d'effort de la
part de l'État pour donner une reconnaissance légale à
tous ses citoyens, pas d'effort non plus pour lui apporter la justice. A peine
25% de la population bénéficient des services juridiques.
Seulement 189 Tribunaux de Paix pour 565 sections communales. Un Tribunal de
Paix pour 300.000 habitants à Cité Soleil. De plus, tous les
textes de loi sont écrits en français alors que la population est
majoritairement créolophone, unilingue. Tant que les 2/3 de la
population n'auront pas un accès facile à la justice formelle, il
sera difficile de promouvoir une véritable culture de droit en
Haïti. Donc, il faut oeuvrer pour une meilleure couverture juridique de la
population.
A la question, « une justice qui coûte
cher », il faut avancer que lorsque la justice est disponible, elle
n'est pas pour la grande majorité de la population qui vit en
deçà du seuil de la pauvreté quasiment absolue. Les tarifs
judiciaires illégalement imposés ne sont pas à la
portée des économiquement faibles. Il n'y a pas d'assistance
légale fiable fournie par l'État. Les juges de paix fixent
eux-mêmes le coût des constats. Ils gagnent 3 à 4 fois de
leur salaire en faisant des constats. Ce qui les rend plus indisponibles pour
entendre les affaires. Pour attirer les citoyens vers la justice formelle,
l'État doit réglementer la question des tarifs.
Entre autres, parlant d'un système judiciaire
répressif, injuste, dépendant et inadéquat, on peut dire
en fait, que jusqu'ici, la finalité du système de justice, ce
n'était pas de servir tant la population mais plutôt de
réprimer ses infractions à la loi. En 1997, l'USAID a
procédé à une évaluation du secteur de la justice
en Haïti et le rapport a conclu que le système de justice en
Haïti n'a ni protégé les droits de l'homme, ni
renforcé le pouvoir de la loi. Bien au contraire, il a toujours
constitué un instrument de coercition entre les mains des militaires et
du pouvoir exécutif. Le système de justice n'a jamais
été juste. Il fut un « système de
répression, d'exclusion et d'impunité ». Ceux qui ont
de l'argent ou sont proches du pouvoir arrivent à échapper aux
rigueurs de la loi. Ceux qui sont pauvres et n'ont pas d'influence croupissent
en prison.
En 2010-2011, 80% des prisonniers, soit 3909 sur 5770
étaient en détention provisoire dont 1/3 depuis plus d'un an
alors que selon la loi, ils auraient dû comparaître dans les 48
heures après leur arrestation. Certains, pour des délits mineurs,
attendent un procès depuis plus de 3 ans.
La Magistrature est très loin d'être
indépendante. Elle est sous la tutelle de l'exécutif, des riches,
des organisations de la société civile et de pressions
internationales. Le juge n'apparaît pas dans la société
comme un personnage jouissant d'une autorité réelle et d'un
prestige aux yeux de ses concitoyens. Certains le terrorisent à loisir
et impunément menacent sa famille. Il ne jouit pas d'une
véritable protection de la Police. Il peut être
révoqué à tout moment par l'autorité politique.
In fine, nous proposons, si l'on veut
développer chez le citoyen haïtien le culte du droit, nous devons
harmoniser nos lois et nos pratiques. Un peuple ne peut cultiver deux
« droits » à la fois. Tant que cette harmonisation
de deux systèmes de droit formel et informel ne se fera pas, la
promotion de la culture du droit ne sera pas possible. Le citoyen haïtien
doit avoir, sous les yeux, une image plus positive de la justice et des juges
de son pays. En conclusion, il n'y aura pas de culture du droit en Haïti
sans la reconnaissance par tous les citoyens de leurs droits et sans leur
responsabilité par la participation et l'accomplissement de leurs
devoirs.
La réforme de la Justice
Aujourd'hui des réflexions sont portées sur la
défaillance de la justice haïtienne considérée comme
une plaie lente à cicatriser et plus que jamais on se rend compte de la
nécessité de la réformer pour permettre aux Haïtiens
de vivre dans une société démocratique et juste et
à Haïti de rentrer dans le concert des nations dites modernes.
N'est-ce pas la justice qui élève une nation ?
Si l'on parle aujourd'hui de réforme, c'est sans doute
pour attirer l'attention sur un état déplorable de la justice en
Haïti et sur la nécessité pour tous les acteurs
impliqués de réfléchir ensemble sur la
problématique dans le but de sortir un plan durable de redressement. A
ce titre, il faudrait s'entendre sur une méthodologie de cette
réforme judicaire, laquelle permettrait de savoir ce qu'il faut faire,
comment et avec qui le faire ?
L'hypothèse de recherche formant les postulats de base
de la théorie de l'État de droit est qu'une réforme de la
justice ne peut se concevoir fondamentalement en dehors de la réforme de
l'État, créateur du droit.
Écrit Mirlande MANIGAT, en ce sens :
« La Constitution donne à l'État
une légitimité juridique qui renforce sa place et son rôle
au sein de la Nation.
· Il est le seul à produire du Droit comme
générateur exclusif des normes appliquées dans un pays et
imposées à tous ;
· Il est le seul à introduire leur
modification ;
· Il est le gardien de leur conservation et le garant
de leur application ».1
A dire vrai, la réforme de la justice haïtienne
tant prônée ne peut être d'application réelle et
réussie sans la réforme de l'État d'Haïti
foncièrement de conception occidentale qui n'a rien à voir
avec la réalité haïtienne.
En ce sens, soutient Loïc CADIET :
« La réforme de la justice peut
difficilement être conçue indépendamment de la
réforme de l'État dans ses rapports avec la société
politique et la société civile ».2
Fort de tout ce qui précède, la réforme
de la justice implique de sérieuses transformations au sein de
l'État et de la société.
Une des valeurs fondamentales sur laquelle se fonde la
théorie de l'État de droit est le respect de la loi d'abord par
toutes les autorités de l'État qui, à leur tour, auront
pour responsabilité de la faire appliquer. Il en résulte que
cette valeur constitue sans contestation aucune les théories sur
lesquelles se fondent le Démocratie et l'État de droit. La
réforme de la justice est inconcevable sans l'équilibre entre les
pouvoirs qui est le corollaire du principe de séparation des pouvoirs
consacré par la Constitution de 1987.
A notre avis, les perspectives de mise en oeuvre d'une
réelle réforme du système judiciaire haïtien
nécessitent de nouvelles stratégies consistant à renforcer
le pouvoir judiciaire afin qu'il prenne son autonomie par rapport au
Ministère de la Justice, l'accessibilité de la justice, les
institutions en relation avec la justice, mettre la justice à la
portée des justiciables, valoriser la fonction des juges, cesser le
contrôle et la surveillance du Ministère de la Justice sur le
pouvoir judiciaire, sur les Magistrats.
__________________________
1-MANIGAT, Mirlande : Manuel de droit
constitutionnel, Uniq, Port-au-Prince, 2004, p.81
2- CADIET, Loïc et RICHER, Laurent : Réforme
de la Justice, Réforme de l'État, éd. PUF, Paris, 2003, p.
13
Dans un premier lieu, le renforcement du pouvoir judiciaire
réside en son autonomie administrative et budgétaire, la mise en
place du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire composé de
représentant de l'État et d'une société civile
digne fonctionnant selon les normes notamment les représentant des
organisations de droits humains, le recrutement sur concours des Juges pour
éviter le favoritisme, l'incompétence, la corruption...
De surcroît, ce renforcement réside dans la
révision du statut du Ministère public et du rôle du
Commissaire du Gouvernement qui aujourd'hui donne l'exequatur pour
l'exécution des décisions de justice et la reconnaissance de la
Cour de Cassation comme chef du pouvoir judiciaire.
En deuxième lieu, le renforcement de
l'accessibilité de la justice et celui des institutions en relation avec
la justice impliquent, d'une part : l'établissement d'une carte
judiciaire conforme à la distribution de la population : un
Tribunal de Paix dans chaque section communale.
D'autre part, l'actualisation des lois par le Pouvoir
législatif, la présence policière dans toutes les Communes
du pays, l'utilisation de mandats lors des arrestations, le traitement correct
lors des arrestations, la sanction des policiers qui enfreignent la loi...
En troisième lieu, la mise de la justice à la
portée des justiciables s'explique par la baisse des coûts des
frais de justice, l'adaptation de la langue créole et du langage
juridique, la transcription des déclarations et réponses dans la
langue utilisée.
En dernier lieu, pour ce qui est de la valorisation de la
fonction des juges, elle se traduit par le respect de l'inamovibilité
des Juges, la garantie de stabilité pour les Juges de Paix, le
renforcement de leur capacité en matière d'enquêtes, la
soumission de la police au Pouvoir judiciaire... Cependant, pour que toutes ces
perspectives deviennent des réalités, il faut consacrer
l'indépendance du Pouvoir judiciaire dans les faits et contribuer
à la primauté de la Constitution et de la loi sur tous les
citoyens pour un État de droit fort.
Conclusion
L'objectif général de cette étude
était de faire des propositions pour l'avènement d'un État
de droit favorisant la promotion de la Démocratie qui, à son
tour, contribuera à la réforme du système judiciaire. Au
terme de cette étude, nous avons passé en revue nombre d'aspects
du problème. Nous avons été curieux d'interroger le
fondement des rapports entre les pouvoirs exécutif, législatif et
judiciaire et leur interrelation dans les structures étatiques.
Cette étude nous a permis de comprendre que la
création du pouvoir judiciaire n'a pas été faite selon les
normes. Elle se veut plutôt une initiative autoritariste et exclusiviste
de bon nombre de Présidents en violation des dispositions de la
Constitution en vigueur, ce qui est à la base de ce que fustige
Gérard GEORGES, cité par les auteurs du Petit samedi soir/ un
siècle de Constitutions haïtiennes [1888-1983] :
« Les diverses Constitutions qui ont
successivement régi le pays depuis l'indépendance ont conduit les
constitutionnalistes à parler d'Haïti comme une `'MANGEUSE DE
CONSTITUTION''. Qu'est-ce qui explique cet appétit
constitutionnel ? L'instabilité des régimes ?
L'inconstance des hommes au pouvoir ? la réponse de toute la
réponse est que les hommes d'État haïtiens se sont toujours
évertués à adapter la `'LOI DES Lois'', la Charte
fondamentale à leur vision personnelle des affaires de l'État au
lieu de s'adapter aux exigences constitutionnelles ».
1
Comment peut-on consacrer l'application réelle de
l'indépendance du pouvoir judiciaire dans les faits eu égard
aux dispositions constitutionnelles et légales établies face
à ces pratiques rétrogrades qui nécessitent des
corrections urgentes ?
Après maints recherches et entretiens, nous demeurons
convaincu que les enjeux de l'indépendance du pouvoir judiciaire sont de
taille.
________________________________
1- Le Petit samedi soir, un
siècle de Constitutions haïtiennes (1988-1983)
D'abord, il y a le déséquilibre des pouvoirs qui
s'explique à partir d'un vernis démocratique, une
démocratie qui ne tient pas compte de la réalité
haïtienne voire refléter les aspirations et inspirations de ce
peuple.
Ce déséquilibre est dû à
l'application mythique des dispositions du principe de la séparation des
pouvoirs qui n'a donc pas du tout évité l'empiétement
tant de l'exécutif que du législatif sur les attributions du
pouvoir judiciaire.
En outre, c'est normal qu'un pouvoir judiciaire qui ne
gère pas son budget, donc sous tutelle, soit tenu en état par un
exécutif dont il dépend pour fonctionner et qui intervient
parfois dans les décisions des juges très conformes à la
Constitution mais ne reflétant pas ses desiderata pour les interdire au
détriment d'un État de droit démocratique et
constitutionnel.
De ce diagnostic, nous recommandons pour
résoudre les problèmes du pouvoir judiciaire en Haïti
et pour son indépendance effective, l'établissement d'un
État de droit démocratique et constitutionnel, la réforme
de l'État, la réforme du droit et de la justice.
Cependant, cette réforme de l'État, pour
être une réussite, exige la redéfinition et la correction
des structures de l'État.
Pour encourager ce projet combien
ambitieux, l'État d'Haïti doit reconnaître que la
promotion de la loi et sa vulgarisation constituent plus une
nécessité.
Aussi, pour y parvenir, faut-il redéfinir le rôle
du Parquet pour le faire dépendre exclusivement du pouvoir judiciaire et
non du Ministère de la justice que l'on doit absolument destituer et
instituer la Cour Constitutionnelle pour la révision des arrêts de
la Cour de Cassation, ce pour arriver à l'instauration dudit
État de droit.
Ces propositions n'ont pas la prétention de porter sur
tous les problèmes judiciaires. Certains emportent de grands
changements. D'autres sont de simples améliorations pratiques. Elles ont
en commun la recherche de remèdes pour des situations qui ne sont plus
acceptables. C'est ce que nous nous sommes efforcé de faire en
examinant, dans une première partie, l'organisation judiciaire
haïtienne. Dans la seconde partie ont été abordés les
obstacles à la justice haïtienne et des stratégies d'une
réforme devenue nécessaire, voire urgente.
En guise de mot de la fin, nous espérons que ces
réflexions sur la problématique du système judiciaire en
Haïti, susciteront un vif engouement pour la question d'un pouvoir
judiciaire indépendant qui est d'une brûlante actualité.
Définition des Sigles
C.E.P. : Conseil Électoral Permanent
C.I.C. : Code d'Instruction Criminelle
C.S.C.C.A. : Cour Supérieure des Comptes et du
Contentieux Administratif
O.E.A. : Organisation des États
Américains
O.N.G. : Organisation Non Gouvernementale
O.N.U. : Organisation des Nations Unies
U.L.C.C. : Unité de Lutte Contre la
Corruption
U.S.A.I.D. : United States Agency for International
Development
Bibliographie
Ouvrages généraux
ARNAUD, Guigue : Droit, Justice, État, Paris,
Collection Major Bac, PUF, 1996, p 116.
CHEVALIER, Jean Jacques : Les grandes idées
politiques de Machiavel à nos jours, Paris, Imp. De Compiège,
1983. p 304.
DAVID, René et JAUFRET, Spinosi Camille : Les
grands systèmes de droit contemporain, Paris, 1992, p. 523.
FAVOREU Louis : Le Conseil constitutionnel et les
libertés, collection droit public positif, Ed Économica, Paris,
PUF, 1987, 2ème éd 192 p
LEVASSEUR, Alain : Droit des Etats-Unis, Paris,
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MANIGAT, Mirlande H. : Manuel de droit constitutionnel,
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TROUILLOT, Ertha P. : Code de Lois Usuelles, Imp, Henri
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Ouvrages spécialisés
BOURE, R et MIGNARD, J : La crise de l'institution
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CADIET, Loïc et LAURENT, Richer : Réforme de
la justice, Réforme de l'État, 1ère éd,
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CASSAMAYOR : La justice pour tous, Paris, éd
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De COUSTINE, Christian : La justice, (Collection tout
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GEORGES, Boyer Chammard : Les Magistrats, Paris, Que
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HUBERT, Pinsseau : L'Organisation judiciaire, Paris, imp
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JEAN, Vincent et allii : Les institutions judiciaires,
Paris, Dalloz 5ème édition, 1999
JEAN-PIERRE, Scarano : Institutions juridictionnelles,
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CADIET, lOïC : Découvrir la justice, Paris,
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PERROT, Roger : Institutions judiciaires, Paris, ed.
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Documents officiels
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l'Homme de 1948
LE MONITEUR : Loi du 7 septembre 1961 sur le
« mineur face à la loi pénale et aux tribunaux
spéciaux pour enfants, no 94, 2 octobre 1961
LE MONITEUR : Loi du 20 aout 1974 réglementant la
profession d'état civil, no 78, 30 septembre 1974
LE MONITEUR : Décret du 26 février 1975
réglementant la profession d'arpenteur, no 21, 17 mars 1975
LE MONITEUR : Décret du 29 mars 1979 portant
organisation de la profession d'avocat, no 31, 16 avril 1979
LE MONITEUR : Loi du 3 septembre 1979 instituant à
Port-au-Prince un Tribunal spécial du Travail, no 75, lundi 24 septembre
1979
LE MONITEUR : Décret du 4 novembre 1983 portant
organisation de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux
Administratif, no 78, 10 novembre 1983
LE MONITEUR : Décret du 20 juin 1986 sur le
notariat, no 38, 21 juin 1986
LE MONITEUR : Décret du 30 juillet 1986 instituant
les sections terriennes des Gonaïves et de Saint-Marc, no 66, jeudi 14
août 1986
LE MINUTEUR : Arrêté du 28 mars 1995
créant la : Commission Nationale de Vérité et de
Justice, no 26, 30 mars 1995
LE MONITEUR : Décret du 22 août 1995
modifiant la loi du 18 septembre 1985 su l'Organisation judiciaire, no 67, 24
août 1995
LE MONITEUR : Budget de la République 2009-2010,
no 9, vendredi 9 octobre 2009
N-B-. Ce budget a été
reconduit pour l'exercice fiscale 2010-2011
Mémoires consultés
CALIXTE, Carline : Les difficultés d'application
de l'indépendance du pouvoir judiciaire en Haïti, sous la direction
du professeur Denis REGIS, Promotion 1993-1997
PIERRE, Jn Larrio : De l'indépendance effective du
pouvoir judiciaire en Haiti, sous la direction du professeur Jean Rosier
DESCARDES, Promotion 1997-2001
PETIT-HOMME, André Joël : Réforme de
la justice et triomphe de la démocratie en Haïti,, sous la
direction du professeur Price CYPRIEN, Promotion 1992-1996
Sites Consultés
www.forumhaiti.com/ Un juge
dénonce la corruption dans le système judiciaire haïtien
www.minustah.org/ Le
système judiciaire haïtien face à ses défis
www.lenouvelliste.com/ La
corruption dans la justice empêche le développement
économique
www.institut.idef.org/ La
justice haïtienne : structure, défis et perspectives
www.haiti-info.com/ Un
système judiciaire paralysé
www.reliefweb.int/ Le système judiciaire haïtien
face à ses défis
www.fleurygleason.com/ La
problématique de la réforme judiciaire en Haïti
http://fr.wikipedia.org/
Médecin légiste- Médecine Légale
http://fr.wikipedia.org/
Expert-comptable
Table des Matières
DÉDICACE
..............................................................................................
ii
AVANT-PROPOS
.......................................................................................
iii
INTRODUCTION
......................................................................................
1
PREMIERE PARTIE : L'ORGANISATION JUDICIAIRE
HAITIENNE ................ 7
Chapitre premier : Les Organes
juridictionnels ..................................................
9
Section I : Les juridictions de droit commun
...................................................... 10
1-Les juridictions du premier degré
............................................................
10
1.1-Les juridictions civiles
........................................................................
10
1.1.1- Les Tribunaux de paix
..................................................................... 11
1.1.2-Les Tribunaux de première instance
...................................................... 12
1.2- Les juridictions pénales
......................................................................
13
1.2.1-Le Tribunal de simple police
............................................................... 13
1.2.2-Le Tribunal correctionnel
.................................................................. 14
1.2.3-Le Tribunal criminel
........................................................................
15
2-Les juridictions du second degré
.............................................................. 16
2.1-Les Cours d'Appel
.............................................................................
16
2.2-Les Tribunaux de première instance (ou
correctionnel) .................................. 17
3-La Cour de Cassation
...........................................................................
18
3.1- Originalité
....................................................................................
18
3.2- Principales attributions
.....................................................................
19
Section II : Les Juridictions
spécialisées
..................................................... 21
1- Les Juridictions spécialisées
permanentes ................................................
21
1.1- Les sections terriennes
.....................................................................
21
1.2- Le Tribunal du Travail
.....................................................................
22
1.3- Les Tribunaux pour enfants
............................................................... 23
1.4- La CSCCA
....................................................................................
24
2-Les Juridictions spécialisées
non-permanentes ........................................
25
2.1- La Haute Cour de Justice
............................................................... 25
2.2- La Commission de Conciliation
....................................................... 26
2.3- Le Conseil Electoral Permanent (CEP)
................................................ 28
2.4- L'Office de Protection du Citoyen
...................................................... 28
Chapitre II : Le Personnel Judiciaire
........................................................ 30
Section I : Les Magistrats
........................................................................
31
1-Mise au point
.....................................................................................
31
1.1- Terminologie
.................................................................................
31
1.2- Classification
.................................................................................
32
2-Les garanties légales
...........................................................................
32
2.1- Recrutement
..................................................................................
32
2.1.1- Recrutement des Magistrats du siège
................................................... 33
2.1.2- Recrutement des Magistrats du Parquet
................................................ 34
2.2- Statut
..........................................................................................
34
2.2.1- Indépendance
..............................................................................
34
2.2.2- Inamovibilité
..............................................................................
34
Section II- Les Auxiliaires de la Justice
...................................................... 36
1-Les auxiliaires du premier cycle
............................................................
36
1.1- Les avocats et les fondés de pouvoir
..................................................... 36
1.2- Les greffiers
................................................................................
37
1.3- Les huissiers de justice
....................................................................
38
2-Les auxiliaires du second degré
.............................................................
38
2.1- Les notaires
..................................................................................
38
2.2- Les arpenteurs
...............................................................................
39
2.3- Les officiers d'état civil
.................................................................. 39
2.4- La Police Nationale d'Haïti
............................................................. 40
3- Les experts de justice
.......................................................................
40
3.1- Les médecins légistes
...................................................................
40
3.2- Les comptables
...........................................................................
42
DEUXIEME PARTIE : VERS LA RÉFORME DE
L'ORGANISATION
JUDICIAIRE
HAITIEN.....................................................................
43
Chapitre III : Problématique du
système judiciaire haïtien ............................
46
Section I- Les maux de la Justice
.............................................................
47
1- La mainmise du Ministère de la Justice
.............................................. 47
2- Manque de moyens humains, matériels et
financiers .............................. 49
2.1- Ressources humaines
.................................................................. 50
2.2- Ressources physiques et naturelles
.................................................. 51
2.3- Ressources financières
................................................................ 52
2.4- L'état de la documentation juridique
................................................ 53
3- Le problème d'accès à la
justice .........................................................
54
3.1- Distribution spatiale des tribunaux
.................................................... 55
3.2- Le langage judiciaire
.................................................................... 55
3.3- Le coût de la justice
..................................................................... 56
4- La corruption
................................................................................
56
4.1- Le phénomène de la corruption en
Haïti .......................................... 56
4.2- Corruption parmi les Magistrats
.................................................... 57
4.3- .L'Environnement des magistrats
................................................... 58
4.4- Réprimer la corruption
............................................................ 58
Faire une vaste campagne médiatique
............................................. 61
Respect des règles de déontologie
................................................... 61
Section II- Disfonctionnement du système
judiciaire ....................................... 62
1- Traitement des Juges
...........................................................................62
2- Le délai du traitement des dossiers
.......................................................... 65
3- La perception du public
..................................................................... 66
Chapitre IV : Pour la réforme du
système judiciaire haïtien ...........................
67
Section I- Indépendance effective du
système judiciaire haïtien ........................
68
1- L'indépendance dans la carrière du juge
.......................................... 68
1.1- L'accession à la fonction de juge
........................................................ 69
1.2- La promotion et le transfert dans la carrière du
juge ...................................... 70
1.3- Le principe de l'inamovibilité des juges
................................................. 70
2- L'indépendance dans l'exercice de la
fonction de juge .......................... 71
2.1- L'indépendance dans le travail des juges
................................................. 72
2.2- L'indépendance des Magistrats à
l'égard des autorités politiques............. 72
2.3- L'indépendance des Magistrats à
l'égard justiciables et des avocats ............ 73
Section II- Les Stratégies à mettre en
oeuvre pour la réforme du
système judiciaire haïtien
........................................................................
75
1- Diffusion des codes de lois
.....................................................................
75
2- Réforme du système
judiciaire haïtien ......................................................
76
2.1- La réforme du droit
...........................................................................
77
2.2- La réforme de la justice
....................................................................... 80
CONCLUSION
.....................................................................................
84
DÉFINITION DES SIGLES
.....................................................................
87
BIBLIOGRAPHIE
................................................................................
88
DOCUMENTS OFFICIELS
.....................................................................
91
MEMOIRES CONSULTES
.....................................................................
93
SITES CONSULTÉS
........................................................................... .
94
TABLE DES MATIERES ...
........................................................................
95
ANNEXES
................................................................................................
99
ANNEXES
|