Evaluation de la participation des populations au débat foncier dans le département de Padéma( Télécharger le fichier original )par Inoussa MAIGA Université de Ouagadougou - Maitrise en scientes et techniques de l'information et de la communication 2010 |
II. 3. La revue de littératureA travers notre investigation documentaire, nous avons parcouru un certain nombre d'ouvrages. L'accès au foncier et sa sécurisation occupent une place de choix dans la littérature sur la gestion foncière. Cet exercice de recherche documentaire nous a permis de recueillir des opinions aussi bien contradictoires que complémentaires sur la question. Les débats se focalisent essentiellement sur quatre thèmes : · les modalités d'appropriation du foncier ; · les conflits fonciers et leur gestion; · l'accès des femmes au foncier ; · les formes de sécurisation. II. 3. 1. Les modalités d'appropriation du foncierL'analyse des modalités d'appropriation du foncier met en évidence l'importance de l'accès à la terre pour les politiques de développement. Dans la conception traditionnelle, c'est le principe du bien commun qui est mis en exergue. De façon générale, la propriété a toujours été minimale dans le système africain. J. KI-ZERBO montre que « la production est restée beaucoup plus longtemps confinée au niveau familial, clanique - dans un contexte où il n'y avait pas de pénurie de terres. Si bien que la course à la propriété dans les rapports de production ne fut pas un des grands moteurs du processus du développement économique en Afrique »10(*). Dans le modèle de base d'une telle organisation, la propriété réelle était en fait, un usufruit, détenu par la famille, le village ou la collectivité de la chefferie traditionnelle. Pour L. S. SENGHOR, « en Afrique Noire traditionnelle, la terre ne peut être l'objet de propriété : elle est seulement l'objet d'usufruit, mais d'usufruit collectif. La propriété usufruitière collective entraîne naturellement le travail collectif dans le champ familial dont les produits sont également l'objet de propriété collective. Car ici seul le travail peut conférer un titre de propriété sur les biens ou les services (...) »11(*) G. KOUASSIGAN annonce un autre aspect important dans la conception africaine du foncier quand il dit que « la terre est un bien collectif, inaliénable et souvent divinisé ».12(*) Cela semble d'autant plus vrai que « tout ce qui est création de la nature existe dans l'intérêt de tout le monde et ne saurait faire l'objet d'un droit de propriété privée individuelle ».13(*) Pour lui, si les acteurs du foncier ne se l'approprient pas individuellement dans les sociétés traditionnelles africaines, c'est par peur de s'attirer la colère des dieux et par respect du sacré. Mais, avec la montée de l'individualisme, cette pensée sera battue en brèche. Selon LE ROY, pour passer de l'idée de « l'appropriation » en tant qu'affectation à un usage, à la propriété privée, il faut passer d'une conception « sacrale » à une conception « mercantile » du foncier. « Une chose est désignée comme un bien lorsqu'elle a une valeur pécuniaire et qu'elle est susceptible d'appropriation (sous-entendue privative) »14(*). La terre acquiert alors une valeur vénale et s'insère dans les transactions marchandes : d'où l'apparition de la propriété. M. ZONGO et P. MATHIEU observent effectivement dans la province des Banwa (Ouest du Burkina Faso), un accroissement des pratiques de location « marchande » des terres, de même que l'apparition et l'accroissement rapide de ventes de terres contre un paiement en argent, avec la possibilité pour l'acheteur, de borner le terrain, d'y planter des arbres, et d'obtenir un titre de propriété moderne. « Ces pratiques foncières nouvelles observées depuis quelques années diffèrent fortement des habitudes et coutumes antérieures en matière de transactions et de relations foncières ».15(*) Dans le département de Padéma, C. RAIMOND, S. SANOU & B. TALLET16(*) ont enregistré des cas de vente de terres. Il s'agit des grandes surfaces allant de 150 à 250 hectares vendues à des cadres de la fonction publique. Selon les auteurs, bien que certaines ventes soient reconnues comme telles par les populations, les ventes de terres restent des pratiques largement occultes. Lorsqu'elles se revèlent au grand jour, les ventes deviennent sources de conflits, souvent entre les membres d'une même famille. Hormis les transactions marchandes, il existe d'autres stratégies d'appropriation du foncier permettant à l'individu de s'approprier la terre de façon privative, dont la plantation d'arbres. P. DE LERNER affirme que « qui plante un arbre s'approprie la terre »17(*). Et à E. GU KONU de renchérir en déclarant que « planté, ou simplement entretenu sous ses diverses formes, l'arbre utile détermine l'appartenance au sol. Il confère un statut à la terre et ressort dans l'organisation sociale comme un signe foncier »18(*).L'exploitation de l'arbre signifie le droit à l'exploitation de la terre. C'est donc l'appropriation de l'arbre qui précède et entraîne celle de la terre. Sur le terrain, l'opposition de ces différentes modalités d'appropriation entraîne des situations de conflits. * 10 KI-ZERBO, J. A quand l'Afrique ? 2003, p. 34 * 11 SENGHOR cité par LE ROY, E. « L'appropriation et les systèmes de production » in L'appropriation de la terre en Afrique Noire : manuel d'analyse, de décision et de gestion foncière. 1991, p. 29 * 12 KOUASSIGAN, G-A.. L'homme et la terre : droits fonciers coutumiers et droit de propriété en Afrique Occidentale. 1966, p. 12 * 13 idem * 14 LE ROY, E. Op. Cit. p. 242 * 15 ZONGO, M. ; MATHIEU, P. «Transactions foncières marchandes dans l'Ouest du Burkina Faso : vulnérabilité, conflits, sécurisation, insécurité», 2006, p. 18 * 16 RAIMOND, C. ; SANOU, S. & TALLET, B. « La participation au débat foncier dans le département de Padéma » 2008, p. 12 * 17 DE LERNER, P. « Le foncier de l'arbre » in LE ROY, E. L'appropriation de la terre en Afrique Noire. 1991, p. 103 * 18 GU KONU, E. Y. « L'arboriculture » in LE ROY, E. L'appropriation de la terre en Afrique Noire. 1991, p. 84 |
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