3.3.3. Marchés etpipelines
Comme le marché intérieur au Canada ne
constitue qu'un petit marché de raffinage, les producteurs de sables
bitumineux perçoivent les États-Unis comme le principal site pour
leurs
exportations ( Figure 12). Le pétrole
non-conventionnel canadien exporté aux États-Unis est
délivré principalement au PADD II et dans une moindre mesure au
PADD IV37 (Humphries, 2008).
Figure 12. Principaux pipelines et marchés de
pétrole brut au Canada et aux États-Unis. Source : Office
national de l'énergie, 2006.
Le pétrole issu des sables bitumineux peut
être acheminé sur les marchés sous différents types
de forme:
1 après valorisation, sous forme de pétrole
brut synthétique léger (PBS) ;
1 après ajout d'un diluant38 sous
formes de mélanges bitume-PBS ou bitume-condensat ;
Les mélanges de bitume fluidifié exigent
toutefois que les raffineries disposent d'une capacité de valorisation
pour transformer le bitume en un produit plus léger. Aux
États-Unis, le nombre de raffineries capables de traiter les bitumes
lourds et acides, car riches en sulfures, est ainsi limité. Afin de
pouvoir écouler les stocks croissants de bitume fluidifiés, des
investissements américains ou des financements de la part des
producteurs canadiens seront nécessaires pour ajouter de nouvelles
capacités de valorisation aux raffineries américaines existantes
(Laureshen et al., 2004). De plus, l'écart de prix entre les bruts
lourds et les bruts légers (écart léger/lourd) ne cesse de
s'accroître et devrait rester significatifs dans les prochaines
années à venir, incitant les producteurs à mettre sur le
marché des produits présentant une plus-value, sous forme de PBS
léger, par la valorisation des bitumes en Alberta même. De
nombreux projets d'installation d'unités de valorisation ou
d'exploitation minière intégrée (extraction/valorisation)
sont proposés actuellement.
37 Petroleum Administration for Defense District. Les
États-Unis possèdent 5 PADDs, crées pendant la Seconde
Guerre mondiale pour assurer la distribution de carburant dans le pays.
38 L'ajout d'un diluant est nécessaire afin de
conférer les caractéristiques de viscosité permettant le
transport par pipeline.
Avec ses dix-neuf raffineries, dont cinq en Alberta,
le Canada dispose actuellement d'une capacité de raffinage
limitée. Ce marché ne présente pas non plus d'occasions de
croissance importantes pour les producteurs de sables bitumineux, étant
donné l'âge et le manque de complexité des raffineries
canadiennes (Office national de l'énergie, 2006). Plusieurs projets et
propositions de complexes de raffinage ou de complexes de valorisation et
production pétrochimique ont été
annoncés.
Les États-Unis avec leur capacité de
raffinage de près de 16 millions de barils par jour (Mb/j)
représentent le plus grand marché d'exportation du pétrole
brut canadien ( Tableau ).
1On prévoit, en outre, que les principaux
enjeux seront les préoccupations continues à l'égard des
événements géopolitiques et de la sécurité
de l'offre, à mesure que les États-Unis se tourneront vers le
Canada comme source sûre d'approvisionnement (Office national de
l'énergie, 2006).
Du fait de la complexité de ses raffineries et
de sa position géographique, la région nord du PADD II est bien
placée pour recevoir des volumes accrus de bitumes fluidifiés et
de PBS et déjà reçoit la plus grande partie des
exportations canadiennes. Le recours à des pipelines
sous-utilisés ou la construction de nouveaux pipelines dans la
région sud du PADD II rendrait possible le raccordement à
d'autres marchés (Office national de l'énergie,
2006).
Le PADD IV et l'Etat de Washington constituent
également des marchés intéressants pour l'exportation du
pétrole canadien, mais le prix très élevé du brut a
incité à un accroissement de la production locale et à une
certaine pression de la part des producteurs intérieurs du PADD IV pour
traiter la production dans des raffineries locales. Par conséquent, les
raffineries du PADD IV acceptent moins de pétrole de l'Ouest canadien
afin de traiter les bruts du Wyoming (Office national de l'énergie,
2006).
Tableau 1. Exportations de pétrole brut de l'Ouest
canadien en 2005 (m3/j). Source: Office national de l'énergie,
2006.
Il est maintenant évident que les nouveaux
projets d'exploitation des sables bitumineux et l'expansion de projets
existants vont s'accompagner d'une croissance soutenue de la production. On
estime qu'en 2030, plus de 5 millions de barils par jour seront produits au
Canada. Toutefois, la saturation des oléoducs et des marchés
américains, couplée à la nécessité de mettre
en place des installations de valorisations et de conversion dans les
raffineries existantes afin de traiter le pétrole lourd obligera les
producteurs canadiens à trouver de nouvelles solutions pour continuer
à exporter leur stock de bitume fluidifié et de PBS. De plus en
plus, les producteurs convoitent l'accès à de nouveaux
marchés d'exportation tels la Californie et le marché
Asie-Pacifique, notamment le Japon, la Corée et la Chine au sujet
desquels des négociations sont en cours (Laureshen et al., 2004 ;
Nikiforuk, 2009).
Ces facteurs influenceront le choix des pipelines
à privilégier et sur l'infrastructure pipelinière qui
devra être aménagée de manière à pouvoir
répondre aux besoins en approvisionnements et aux besoins du
marché (Office nationale de l'énergie, 2006). Même si un
réseau de pipelines s'étend, actuellement, de Fort McMurray
à Hardisty et Edmonton, en Alberta, où une partie du
pétrole est raffinée, la plupart des produits issus des sables
bitumineux sont transportés en Ontario, en Colombie Britannique et aux
Etats-Unis, dans les régions du Midwest et des Montagnes Rocheuses,
ainsi que dans l'Etat de Washington. De nombreux projets d'expansion de la
capacité du réseau ou de constructions de nouveaux
oléoducs sont en cours, notamment entre Fort McMurray et Edmonton, entre
Edmonton et les côtes Est et Ouest du Canada (Woynillowicz et al., 2005).
Un nouvel oléoduc, Le Northern Gateway Pipeline
Project39, entre Edmonton et le port en eaux profondes de
Kitimaat est planifié par la société canadienne Enbridge,
afin d'ouvrir l'accès aux marchés californien et
asiatiques40 (Laureshen et al., 2004 ; Woynillowicz et al., 2005).
Le projet Keystone XL prévoit la construction d'oléoducs
supplémentaires pour transporter la production des sables bitumineux
vers la côte du Golfe du Mexique. Bon nombre de raffineries sur la
côte du Golfe du Mexique ont déjà été
modifiées pour traiter le pétrole lourd. Leur capacité est
excédentaire à cause de la réduction de la production de
pétrole au Mexique, où les réserves s'épuisent, et
au Venezuela, qui dirige sa production vers d'autres marchés. Le projet
est toutefois en suspens dans l'attente d'une évaluation
environnementale complète (CAPP, 2010 ; Zeller, 2010) ( Figure
3).
1
Figure 13. Réseau d'oléoducs existants et
proposés au Canada et aux Etats-Unis. Source: CAPP, 2010.
39 A ce sujet voir Brown et al., 2009.
40 Cependant la fuite de pétrole à
l'origine de la marée noire du 20 avril 2010 dans le Golfe du Mexique a
réveillé les opposants à ce projet, en leur offrant des
armes juridiques pour combattre la société Enbridge. La Coastal
First Nations, une coalition de groupes d'indigènes unis contre le
projet, a publié un sondage indiquant que 80% des habitants de la
Colombie-Britannique s'opposent à la circulation des pétroliers
sur la côte, suite à l'incident du golfe du Mexique (Dowd,
2010).
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