Université Libre de Bruxelles Institut de
Gestion de l'Environnement et d'Aménagement du
Territoire Faculté des Sciences Master en Sciences et Gestion de
l'Environnement
« Problématique environnementale de
l'exploitation des sables bitumineux en Alberta »
(Canada)
Mémoire de fin d'études
présenté par BANDELIER Claude En vue de l'obtention du
grade académique de Master en Sciences et Gestion de
l'Environnement
Année Académique : 200912010
Directeur : Prof. Edwin Zaccaï
Codirecteur : Prof. Pierre L. Kunsch Assesseurs : Prof.
A. Steenhout
Prof. M. Degrez
Prof. N. Matielli
Contact auteur :
claude.bandelier@gmail.com
REMERCIEMENTS
Ce travail a été réalisé
grâce à Pierre-Louis Kunsch que je tiens à remercier
chaleureusement pour sa précieuse aide lors de la réalisation des
diagrammes d'influence, sa grande disponibilité ainsi que pour la
confiance qu'il m'a accordée.
Un grand merci également à Edwin
Zaccaï pour son intérêt à l'égard de mon
travail et ses conseils avisés.
Je remercie tout particulièrement Adrien Jucker
pour son soutien, ses encouragements répétés et les
nombreuses corrections qu'il a apportées.
J'exprime toute ma gratitude à toutes les
personnes que je n'ai pas citées ici et qui ont permis que ce travail se
réalise.
RESUMÉ
Les sables bitumineux sont constitués de
sables, d'argile, d'eau et de bitume. Le bitume est une forme extrêmement
dense, lourde et visqueuse de pétrole qui se trouve à
l'état naturel sous forme de dépôts, mais peut aussi
être obtenu à partir du raffinage du pétrole. Le bitume
naturel se forme par la biodégradation bactérienne de
pétrole lorsqu'il s'approche de la surface pendant la phase de
migration. Il en résulte un hydrocarbure dégradé, riche en
souffre et en métaux lourds. Les plus grandes réserves de sables
bitumineux mondiales se situent au Venezuela et au Canada dans la province de
l'Alberta. Les réserves initiales canadiennes sont estimées
à 1700 milliards de barils, ce qui propulse le pays en seconde position
derrière l'Arabie saoudite sur le plan des réserves de
pétrole à l'échelle mondiale. Jusqu'au milieu des
années 1990, l'exploitation des sables bitumineux canadiens est
considérée comme risquée et peu rentable. L'introduction
d'un régime de redevances généreux et des
allégements fiscaux fédéraux par les gouvernements de
l'Alberta et du Canada, pour rendre cette ressource économiquement
viable, provoque un changement de la situation. Soutenue par la croissance de
la demande, l'augmentation du prix du baril et une diminution des coûts
de production, due aux progrès technologiques, la croissance des
opérations d'exploitation et de la production explose pour atteindre 1.1
millions de barils par jour en 2004. Actuellement la production est de 1.5
millions de barils par jour et le chiffre de 5 millions est avancé pour
2030. L'exploitation des sables bitumineux débute par une phase
d'extraction qui peut être réalisée à l'aide deux
méthodes différentes (exploitation minière de surface ou
opération in situ) selon la profondeur du gisement. Le bitume est
ensuite extrait et peut être valorisé ou non, par l'ajout
d'hydrogène et le retrait de carbone, en pétrole brut
synthétique plus léger. Les produits résultant sont
ensuite exportés via un réseau de pipelines vers des raffineries
canadiennes ou américaines. Les Etats-Unis représentent les
premiers importateurs des produits pétroliers canadiens alors que l'Asie
constitue un marché potentiel pour le futur.
Toutefois, d'importants impacts sociaux et
environnementaux sont générés par l'exploitation des
sables bitumineux. De vastes étendues au sein de la forêt
boréale sont déboisées, les cours d'eau sont
déviés et le sol est retiré sur une importante
épaisseur pour permettre l'accès aux gisements. L'extraction de
bitume est effectuée par des techniques qui consomment des
quantités excessives d'eau, prélevée des rivières
et aquifères de la région, et de gaz naturel, dont la combustion
est responsable d'émissions de polluants atmosphériques et de gaz
à effet de serre. En outre, des fuites et des infiltrations de polluants
à partir des gigantesques bassins de rétention des eaux
contaminées et des résidus représentent un risque
élevé. Selon la loi, les industries ont l'obligation de remettre
les terrains en état au terme de l'exploitation. En pratique, les
méthodes de restauration, basées sur une
revégétalisation approximative et la transformation des bassins
de résidus en gigantesques lacs, sont incertaines et ne semblent pas
être en mesure de restaurer l'ensemble des écosystèmes
atteints. Les effets sociaux dans la région où le
développement des sables bitumineux a engendré un afflux massif
de main-d'oeuvre sont également à déplorer. La
capacité de la municipalité à répondre aux besoins
de base en infrastructures et en services est largement dépassée
et le coût du loyer y est exorbitant.
Malgré tous ces impacts importants, le
gouvernement de l'Alberta, soutenu par celui du Canada continuent à
approuver des licences d'exploitation pour des nouveaux projets et des projets
d'expansion. Les impacts négatifs potentiels sont négligés
dans les processus d'approbation et rendent absolument nécessaires
l'établissement de politiques environnementales et d'instruments de
gestion visant à établir un cadre pour un développement
industriel respectueux de l'environnement.
TABLE DES RES
MATIÈ
LISTE DES ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS
TABLES DES FIGURES ET DES TABLEAUX
1. INTRODUCTION
2. PÉTROLE ET SABLES BITUMINEUX
|
6
7
8
9
|
|
2.1.
|
Le pétrole
|
9
|
|
2.2.
|
Les sables bitumineux
|
9
|
|
2.2.1.
|
Bitume et sables bitumineux
|
9
|
|
2.2.2.
|
Oriine et formation des sables bitumineux
|
10
|
|
2.2.3.
|
Réserves mondiales de sables bitumineux
|
11
|
|
2.2.4.
|
Réserves de sables bitumineux du Canada
|
12
|
|
2.3.
|
Techniques d'extractions et valorisation du bitume en
pétrole brut de synthèse
|
14
|
|
2.3.1.
|
Exploitation et extraction à ciel ouvert
|
14
|
|
2.3.2.
|
Récupération in situ
|
18
|
|
2.3.3.
|
Récupération du bitume ou production
à froid
|
21
|
3.
|
EXPLOITATION EN ALBERTA
|
22
|
|
3.1.
|
Historique
|
22
|
|
3.1.1.
|
Découverte des sables bitumineux
|
22
|
|
3.1.2.
|
Premiers projets commerciaux
d'extraction/valorisation
|
22
|
|
3.1.3.
|
La ruée vers les sables bitumineux
|
23
|
|
3.2.
|
«Boom » de l'exploitation des sables
bitumineux
|
25
|
|
3.2.1.
|
Effet de l'allègement du régime fiscal
|
25
|
|
3.2.2.
|
Effets duprix du baril, de l'innovation technologique
et des coûts de production ....
|
25
|
|
3.2.3.
|
Effet de la croissance de la demande mondiale
|
27
|
|
3.3.
|
Offre de pétrole en Alberta et impacts
économiques
|
28
|
|
3.3.1.
|
Situation économique
|
28
|
|
3.3.2.
|
Production
|
29
|
|
3.3.3.
|
Marchés etpipelines
|
30
|
4.
|
IMPACTS SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX
|
34
|
|
4.1.
|
Généralités
|
34
|
|
4.2.
|
Impacts environnementaux locaux
|
34
|
4.2.1. Atteintes de la forêt boréale et
des tourbières et remise en état 34
4.2.2. Consommation d'eau et impacts sur les
systèmes aquatiques 40
4.2.3. Fragmentation des habitats 46
4.2.4. Émissions atmosphériques et
acidification des lacs 47
4.2.5. Enjeux sociaux 49
4.3. Impacts environnementaux globaux 50
4.3.1. Utilisation de gaz naturel 50
4.3.2. Émissions de gaz à effet de
serre et objectifs de Kyoto 51
5. GESTION DES IMPACTS ET 54
PERSPECTIVES
5.1. Recommandations et améliorations des
pratiques industrielles 54
5.1.1. Principales recommandations
54
5.1.2. Principales améliorations des
pratiques industriellesproposées 55
5.2. La gestion des effets cumulatifs sur
l'environnement 56
5.3. Le rôle des pouvoirs publics 58
5.4. Le gouvernement fédéral
59
6. CONCLUSION 60
63
RÉFERÉNCES
73
ANNEXES
LISTE DES ACRONYMES ET É
ABR VIATIONS
AEC Alberta Energy Company
AOSTRA Alberta Oil Sands Technology and Research
Authority
API American Petroleum Institute
bbl baril
CAPP Canadian Association of Petroleum
Producers
CEMA Cumulative Environmental Management
Association
CGC Commission géologique du Canada
CNRL Canadian Natural Resources Limited
CO2eq équivalent-CO2
EAPS Extractions Auxiliary Production System
EIA U.S. Energy Information Administration
EPEA Environmental Protection and Enhancement
Act
EPL end pit lake
ERCB Energy Ressource Conservation Board
EUB Alberta Energy and Utilities Board
GES Gaz à effet de serre
HAP hydrocarbures aromatiques polycycliques
IEA International Energy Agency
IFN instream flow need
kPa kilopascals
LCCS Land Capability Classification for Forest Ecosystems
in the Oil Sands
Mb/j millions de barils par jour
OCDE Organisation de coopération et de
développement économiques
OMS Organisation Mondiale de la Santé
ONÉ Office national de
l'énergie
OPEP Organisation des pays exportateurs de
pétrole
PADD Petroleum Administration for Defense
District
PCA principaux contaminants
atmosphériques
PBS pétrole brut synthétique
RAMP Regional Aquatics Monitoring Program
RFT résidus fins terminaux
SCV Stimulation cyclique par la vapeur d'eau
SGSIV Séparation gravitaire stimulée par
injection de vapeur
THAI Toe-to Heel Air Injection
VAPEX Vapour Extraction Process
WTI West Texas Intermediate
TABLES DES FIGURES ET DES TABLEAUX
Figures:
Figure 1. Propriétés physico-chimiques des
différentes fractions extraites à partir du pétrole
brut10
Figure 2. Réserve mondiales de pétrole brut
par pays 12
Figure 3. Carte des dépôts de sables
bitumineux de l'Alberta 13
Figure 4. Tombereau utilisé pour le transport des
sables bitumineux 15
Figure 5. Schéma du procédé
d'extraction de bitume à l'eau chaude 16
Figure 6. Diagramme pour le procédé de
valorisation du bitume 18
Figure 7. Schéma du procédé de
séparation gravitaire stimulée par injection de vapeur
20
Figure 8. Prévisions de la production des sables
bitumineux en millions de barils par jour 24
Figure 9. Prix FAB mondial du baril de pétrole
brut pondéré aux volumes estimés d'exportation
26
Figure 10. Production de bitume et de pétrole
synthétique brut en Alberta 29
Figure 11. Chaine de production des sables bitumineux
30
Figure 12. Principaux pipelines et marchés de
pétrole brut au Canada et aux États-Unis 31
Figure 13. Réseau d'oléoducs existants et
proposés au Canada et aux Etats-Unis 33
Figure 14. Opération minière dans la
région de l'Athabasca 35
Figure 15. Localisation des « end pit lakes »
planifiés dans la région de la forêt boréale
de
l'Athabasca 39
Figure 16. Image satellite d'une aire d'exploitation in
situ 46
Figure 17. Emissions de GHG et prévisions des
émissions jusqu'en 2020 53
Figure 18. Interactions économie/environnement
dans l'exploitation des sables bitumineux 61
Tableaux:
Tableau 1. Exportations de pétrole brut de l'Ouest
canadien en 2005 (m3/j) 32
Tableau 2. Emissions de GES exprimées en
équivalent-CO2 pour la production et l'utilisation de produits
pétroliers en Alberta 51
1. INTRODUCTION
En un siècle, le pétrole est devenu la
ressource stratégique la plus importante de notre civilisation.
Principalement utilisé comme carburant pour le secteur du transport,
vecteur primordial de la mondialisation de l'économie, il a
révolutionné les schémas géopolitiques de la
planète et dirige, pour une bonne partie, la croissance et le
développement économiques. Or, contrairement aux matières
premières qui ont marqué d'autres Âges, le pétrole
ne semble bénéficier que de réserves extrêmement
limitées dans le temps et impose une course à l'approvisionnement
sans merci aux états surconsommateurs que sont les USA, la Russie ou la
Chine. La menace de l'atteinte du Pic de Hubbert plane depuis plusieurs
décennies et se répercute sur le prix du pétrole brut, qui
ne semble pas connaître de limite supérieure.
Dans ce contexte, la perspective d'une source nouvelle
« d'Or Noir » est vue comme une manne providentielle pour les
états qui ont l'aubaine de la découvrir sous leur sol. Tel est le
cas de la récente exploitation des sables bitumineux dans la province de
l'Alberta au Canada. Ces gisements de pétrole non conventionnel
renferment une quantité colossale d'hydrocarbures : 1'700 milliards de
barils selon les estimations, soit plus que les réserves mondiales
actuellement prouvées. Toutefois, leur exploitation se
révèle particulièrement complexe et onéreuse,
nécessitant la mise en place de vastes installations au sein de la
forêt boréale, et une consommation faramineuse d'eau et de gaz
naturel.
Ce tout nouveau secteur de l'industrie
pétrolière s'accompagne de graves répercussions sur le
milieu naturel de la province. Déforestation, destruction des
tourbières, pollution des écosystèmes aquatiques et
émission de gaz à effet de serre sont les conséquences les
plus palpables de ce chantier géant et pourraient compromettre
sérieusement l'image d'un pays qu'on avait l'habitude de ranger parmi
les plus avancés en matière de gestion de
l'environnement.
Ce travail a l'ambition de dresser un état des
lieux de l'exploitation des sables bitumineux en Alberta et tente de comprendre
quel rôle ont joué les gouvernements de l'Alberta et du Canada et
quelles solutions peuvent être proposées pour en réduire
l'empreinte écologique.
La première partie s'attache à
présenter succinctement les aspects techniques entourant le bitume, sa
formation et son exploitation. Dans la seconde partie, ceux-ci sont
étudiés dans le contexte historique et économique propre
à la province de l'Alberta. Une analyse approfondie des impacts
environnementaux constitue ensuite le coeur du travail et est directement
suivie des principales critiques et recommandations adressées au
législateur visant à une gestion plus adaptée des
activités pétrolières. Pour conclure, l'ensemble des
facteurs présentés est étudié sous la loupe de la
technique des systèmes dynamiques afin de proposer des pistes vers un
éventuel changement des mécanismes en place.
2. PÉ TROLE ET SABLES BITUMINEUX 2.1. Le
pétrole
Le pétrole se forme sous la surface de la terre
suite à la décomposition de matières organiques
progressivement accumulées sous forme de couches de sédiments
(Sallé and Debyser, 1976). Sous l'effet de bactéries, ce
mélange d'argile et de matière organique en décomposition
se solidifie et forme le kérogène qui constitue la source de tous
les combustibles fossiles1. Sous le poids de l'accumulation continue
des sédiments et par l'action de la tectonique des plaques, la roche
contenant le kérogène, appelée « roche source »,
s'enfouit progressivement à de grandes profondeurs. L'augmentation de la
colonne de sédiments et son enfouissement entraînent une
augmentation de la température et de la pression qui amorcent une
série de réactions chimiques et physiques. L'eau interstitielle
est expulsée, les sédiments sont compactés et le milieu
réducteur anaérobie (absence d'oxygène) permet d'amorcer
la dégradation biochimique, par pyrolyse, qui provoque un enrichissement
du kérogène en carbone.2 La production d'hydrocarbures
débute lorsque la température atteint approximativement
60°C, ce qui correspond à un enfouissement d'environ 1500 à
2000 mètres (Louis and Tissot, 1967). La vitesse de synthèse du
pétrole augmente avec la température, mais diminue au-delà
d'un seuil (aux environ de 100°C), et à partir de 4000
mètres (soit plus de 150°C) seul le méthane est
produit3. Les hydrocarbures en formation, moins denses que la roche
qui les entourent et plus légers que l'eau, sont expulsés et
migrent vers la surface où ils sont oxydés. Lors de la migration,
il arrive parfois que ces hydrocarbures rencontrent une roche perméable
et poreuse (souvent du grès ou des carbonates), appelée «
roche réservoir» qui permet une accumulation de ces hydrocarbures.
Si cette roche est surplombée par une « roche couverture »
imperméable (composée d'argile, de schiste et de gypse), la
migration du pétrole est bloquée et celui-ci est
piégé et se concentre pour former des poches à l'origine
des réservoirs actuels de pétrole.
2.2. Les sables bitumineux
2.2.1. Bitume et sables bitumineux
Composé essentiellement d'hydrocarbures et de
leurs dérivés, le bitume est une forme extrêmement dense,
lourde et visqueuse de pétrole, en grande partie non volatile. Il est
obtenu par raffinage du pétrole (Figure 1 ), mais peut aussi être
trouvé à l'état de dépôt naturel ou comme
composant naturel de l'asphalte. L'indice de gravité API (American
Petroleum Institute) est un indice de caractérisation de la
viscosité des pétroles bruts. La classification API
procède selon une échelle inverse si bien que plus le
degré API est élevé, moins le pétrole est lourd.
Entre 25 et 40° API, on parle de pétrole léger
conventionnel. Les pétroles dont l'indice API est inférieur
à 15° sont classés comme bitumes et nécessitent
divers procédés (chaleur, injection de vapeur ou ajout d'un
diluant) pour pouvoir être pompés et transportés par
oléoduc (Alberta, 2007 ; Dusseault, 2001).
1 Europétrole - Ressources - Lexique :
géologie, in
http://www.euro-petrole.com,
consulté le 28 avril 2010
2 Ibidem
3 CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le
commerce et le développement) - Info Comm - Information de marché
dans le secteur des produits de base - Le pétrole : description,
http://www.unctad.org/infocomm/francais/petrole/descript.htm,
consulté le 28 avril 2010
Nombre de Point
carbones d'ébullition
(°C)
3 - 4 Gaz -10 - 15
5 - 10 Essence 15 - 150
12 - 1 8 Kerosene 150 - 260
1 8 - 24 Gas oils 230 - 370
24 - 40 Huiles de graissage 370 - 525
24 - --300 Fuels lourds 370 -
--40 - --300 Bitumes 525 -
Figure 1. Propriétés physico-chimiques des
différentes fractions extraites à partir du pétrole brut.
Source : auteur, d'après BP4.
Les sables bitumineux sont un mélange de
bitume, de sable de quartz, d'argile, d'eau et de traces de minéraux.
Les proportions exactes de ces constituants varient d'un dépôt
à l'autre, mais dans les sables bitumineux de l'Alberta, elles sont
approximativement de 75180% en matériaux inorganiques (sable, argile et
minéraux), 315% en eau et de 10118% environ en bitume (Engelhardt and
Todirescu, 2005). Chaque particule de sable, constituée de grains de
quartz ronds ou anguleux, est recouverte d'une fine pellicule d'eau sur
laquelle est déposée une couche de bitume. Les interstices entre
les grains peuvent être remplis d'air ou de particules argileuses. La
particularité des sables bitumineux qui les rend économiquement
exploitables réside dans la structure et l'arrangement microscopique :
le bitume est encapsulé par des molécules d'eau et ainsi
séparé des autres constituants (Engelhardt and Todirescu, 2005).
Les sables bitumineux sont généralement des sables non
consolidés, c'est-à-dire que les forces de traction entre les
grains sont proches de zéro, ce qui leur confère une
porosité importante.
2.2.2. Origine et formation des sables bitumineux
Le bitume qui constitue les sables bitumineux provient
d'une source de pétrole brut léger. Il est clairement admis que
ce bitume ne peut pas avoir migré sous sa forme actuelle, mais qu'il a
subi diverses altérations et dégradations complexes pendant sa
phase de migration jusque dans les réservoirs5 (Zhou et al.,
2008).
Bien qu'il n'existe pas de consensus sur l'origine du
pétrole léger à partir duquel les bitumes albertains se
sont formés, deux hypothèses principales sont
développées (Dunbar, 2009). La première hypothèse,
majoritairement acceptée, fait intervenir une source organique d'origine
marine, similaire aux sources de pétrole conventionnel. La roche source
correspondrait aux schistes argileux de la formation Exshaw, actuellement
située à 380 kilomètres au sud-ouest, au
4 BP Bitumes France - Fabrication du bitume,
http://www.bp.com/genericarticle.do?categoryId=3050450&contentId=3050866,
consulté le 13 juin 2010
5 En plus des réserves de sables bitumineux, de
grandes quantités de bitumes (environ 15% du volume des sables
bitumineux) sont stockées dans des roches de carbonate (10-14% de
porosité) fracturées. Dans ce cas les fractures sont les sites
d'entrée privilégiés du pétrole. A l'inverse, les
sables sont non fracturés, le déplacement pendant la phase
d'invasion de gaz et de pétrole s'effectue par un flux dans un milieu
poreux sous des conditions de hauts gradients de pressions et de
températures élevées (Dusseault, 2002).
bord de la ceinture de plissement et de faille de
chevauchement des montagnes Rocheuse canadiennes (Fowler and Riediger, 2000).
Les hydrocarbures issus du pétrole léger auraient donc
migré par transport hydrodynamique sur de longues distances, en
direction du Nord-est, vers l'emplacement des gisements actuels et auraient
subi diverses altérations et biodégradations qui les auraient
progressivement transformés en bitume (Hein, 2006). Cette
hypothèse ne permet cependant pas d'expliquer les volumes
considérables de bitume stockés sous forme de sables bitumineux,
100 fois le total de toutes les réserves de pétrole conventionnel
de la province, rendant pour certains la théorie de l'origine marine
inadéquate. Ainsi, selon une autre hypothèse, le pétrole
léger qui a généré le bitume aurait une source
continentale et proviendrait des processus de houillification (transformation
de la tourbe en anthracite) survenus dans la région, dont les
réserves en charbon sont exceptionnellement riches. Le charbon qui est
une roche source non marine possédant une capacité non
négligeable de production de pétrole serait à l'origine
des sables bitumineux, les hydrocarbures d'origine marine n'y ayant que
minoritairement contribué (Stanton, 2004).
Une fois expulsé de la roche source, le long
des voies de migrations ou dans les réservoirs peu profonds, le
pétrole brut peut subir diverses modifications dans sa composition.
Parmi les processus responsables de ces altérations, la
biodégradation et la maturation thermique sont les plus courants, mais
le fractionnement par évaporation, le «water washing» ou le
déparaffinage, par exemple, peuvent également y contribuer (Zhou
et al., 2008). La transformation du pétrole léger normal en
huiles extra-lourdes ou en sables bitumineux implique principalement la
biodégradation effectuée par des microorganismes charriés
par de l'eau oxygénée présente dans des cellules de
circulation plus proches de la surface, intervenant lorsque le pétrole
subit des mouvements ascensionnels. Ce phénomène ne se produit
que lorsque la température du gisement est inférieure à
80°C (Wilhelms et al., 2001). L'action microbienne s'attaque
principalement aux molécules légères, laissant en place
les fractions lourdes et complexes. Les pétroles ainsi
dégradés deviennent plus visqueux, plus riches en souffre, en
résines, en asphaltènes et en métaux lourds
(particulièrement du nickel et du vanadium), et diminuent en
qualité (Zhou et al., 2008).
2.2.3. Réserves mondiales de sables
bitumineux
Les principales réserves mondiales de sables
bitumineux (entre 55165% des réserves connues) se situent au Venezuela
et dans l'Ouest Canadien (Dusseault, 2001). Des gisements de moindre importance
existent cependant dans d'autres régions du monde comme à Mavuma
en République Démocratique du Congo, dans la région russe
de l'Oleniok en Sibérie orientale ou à Madagascar. Au total 586
dépôts sont actuellement répertoriés dans 22 pays
(Attanasi and Meyer, 2007).
Les sables bitumineux
vénézuéliens sont concentrés sur une zone au nord
du bassin du fleuve Orénoque, appelée Ceinture de
l'Orénoque ( Annexe 2). Ils sont très visqueux, mais les
hydrocarbures qu'ils contiennent, étant moins dégradés et
plus chauds que ceux des réserves canadiennes, sont suffisamment mobiles
pour être pompés par des techniques conventionnelles6
et donc sensiblement plus faciles à extraire (Hutchinson, 2010). Ils
sont souvent qualifiés d'huiles extra-lourdes et non de sables
bitumineux. Les réserves réparties sur une surface de 50'000 m2
dépassent probablement le billion de barils (Dusseault, 2001). Des
estimations récentes, non attestées encore, annoncent des volumes
de bitume récupérables se situant de 380 à 652
milliards
6 Total - Bruts extra-lourd et bitumes - Les huiles
lourdes:
http://www.total.com/fr/nos-energies/petrole/exploreret-produire/nos-savoir-faire/huiles-lourdes-bitumes-900102.html,
consulté le 27 avril 2010
de barils7 (U.S. Geological Survey, 2009),
soit près du double de ce que le pays avait auparavant
révélé (Rhodes, 2010), ce qui propulserait le Venezuela au
premier rang des pays producteurs de pétrole devant l'Arabie saoudite.
Cependant ces chiffres doivent être considérés avec
précaution car les estimations prennent en compte un taux de
récupération qui serait rendu possible par l'aboutissement de
nouvelles technologies, nettement supérieur au taux
actuel8.
2.2.4. Réserves de sables bitumineux du
Canada
Bien qu'une partie se trouve dans la province de la
Saskatchewan, la grande majorité des sables bitumineux canadiens se
situe en Alberta, dans le Nord-est de la province. Répartis
principalement au nord d'Edmonton en trois dépôts : Peace River,
Cold Lake et Athabasca ( Figure ),
3ils s'étendent sous la forêt
boréale sur une surface approximative de 149'000 kilomètre
carrés, ce qui représente 23% de la superficie de la
province9 (Woynillowicz et al., 2005). Les dépôts ont
été regroupés en fonction de leurs caractéristiques
géologiques, de leur emplacement géographique et de leur teneur
en bitume. L'Alberta Energy and Utilities Board (EUB) estime qu'environ 1'700
milliards de barils de bitume brut sont contenus dans les sables bitumineux
albertains, et que 19% de ce total (315 milliards de barils) seront à
terme récupérables (Office national de l'énergie, 2006).
Les technologies et les conditions économiques actuelles permettent de
récupérer 174.2 milliards de barils (1.5 milliards de
pétrole conventionnel et 172.7 milliards de pétrole non
conventionnel), représentant les réserves
prouvées10 (Alberta, 2007), ce qui place le Canada en seconde
position derrière l'Arabie saoudite sur le plan des réserves de
pétrole à l'échelle mondiale (Figure 2).
milliards de bards
300
250
200
150
100
50
0
264
175
136
115
102 99
92
60
44
36
30
21
Figure 2. Réserve mondiales de pétrole brut
par pays. Source: auteur, d'après CAPP, 2010.
7 Un baril vaut 158.9 litres.
8 Les estimations des réserves se basent sur un
taux de récupération de 15 à 70%, alors que dans
l'état actuel de la technique, l'exploitation permet un taux de
récupération de 8% (U.S. Geological Survey, 2009).
9 La superficie totale de la province est de 661'190
km2.
10 Les termes « réserves prouvées
» utilisé par l'Alberta Department of Energy et «
réserves établies » utilisé par l'ERCB (Enhanced
Production Audit Program Raise) définissent les réserves de
pétrole récupérables par les technologies existantes et
les conditions économiques présentes et prévisibles, et
prouvées par le forage ou la production, plus les portions de
réserves, dont l'existence est estimée avec un certain
degré de certitude par des informations géologiques et
géophysiques (Alberta Department of Energy, 2009).
Bien que les données relatives aux
réserves mondiales donnent lieu à de vives controverses, les
réserves mondiales de pétrole dites prouvées se situent
entre 1'000 et 1'200 milliards de barils (Babusiaux and Bauquis, 2005),
comparées aux réserves ultimes contenues dans les sables
bitumineux de 1'700 milliards de barils, ces dernières
représentent des réserves « égales ou
supérieures à la totalité des réserves mondiales de
pétrole »11.
Figure 3. Carte des dépôts de sables
bitumineux de l'Alberta. Source : Norman Einstein.
Les différents gisements de sables bitumineux
albertains possèdent des caractéristiques géologiques et
des types de bitumes propres qui vont dicter les méthodes
d'exploitations appropriées. Le dépôt de l'Athabasca est de
loin le plus grand et contient à lui seul 1370 milliards de barils de
bitume brut très visqueux (l'indice API est généralement
inférieur à 10°) (Woynillowicz et al., 2005). Le
réservoir se situe dans la formation de McMurray à une profondeur
qui varie entre 0 et 600 mètres. La proportion de bitume par poids total
est de 619% dans les zones superficielles et de l'ordre de 14% dans les
régions particulièrement riches en hydrocarbures (Dusseault,
2002). C'est aussi dans ce gisement que l'on retrouve la totalité des
dépôts de surface (110 milliards de barils) qui sont
exploités par la méthode d'extraction de surface (Alberta
Department of Energy, 2009). Comme ils composent la partie la plus facilement
accessible des ressources de sables bitumineux, ces dépôts de
surface ont été les premiers exploités. Ils constituent
généralement une couche de 40160 mètres d'épaisseur
qui repose sur une plaque relativement plate formée de calcaire
(Engelhardt and Todirescu, 2005).
Les réserves de Cold Lake et de Peace River,
moins importantes, renferment 201 milliards et 129 milliards de barils,
respectivement (Woynillowicz et al., 2005). Bien que très visqueux, les
bitumes
11 cf. Masri Marwan, «Témoignages»,
Canadian Energy Research Institute, 24 octobre 2006.
de Cold Lake le sont considérablement moins que
ceux des deux autres réservoirs. La profondeur importante de ces
gisements, entre 400 et 700 mètres (Dusseault, 2002), ne permet que
l'exploitation avec des méthodes d'extraction in situ12
(Alberta Department of Energy, 2009).
2.3. Techniques d'extraction et valorisation du bitume
en pétrole brut de e
synthès
Les compagnies pétrolières exploitant
les gisements de sables bitumineux utilisent deux procédés
d'extraction du bitume naturel à partir des dépôts:
l'exploitation et l'extraction à ciel ouvert (ou exploitation
minière) et la récupération in situ.
2.3.1. Exploitation et extraction à ciel
ouvert
Si les dépôts se trouvent relativement
proche de la surface (moins de 75 mètres de profondeur), l'exploitation
à ciel ouvert est rentable et donc privilégiée
(Héritier, 2007). Selon les estimations 20% des réserves
récupérables de sables bitumineux se prêtent à
l'exploitation à ciel ouvert, ce qui correspond à 2.5% des sables
bitumineux de l'Alberta (CAPP, 2008). Cette méthode ne concerne que les
dépôts situés dans la région de l'Athabasca, au nord
de Fort McMurray, des deux côtés de la rivière
Athabasca.
(a) Exploitation à ciel ouvert ou
minière :
L'opération d'exploitation comprend plusieurs
étapes. Dans un premier temps, les fondrières qui recouvrent en
bonne partie les gisements sont drainées pour être
asséchée et la couche de terreau superficielle, ainsi que le
muskeg (tourbière à graminées), la
végétation de surface et le couvert arboré sont
éliminés. Le sol réutilisable est mis de côté
pour une réinstallation ultérieure, lors de la remise en
état du terrain13. Le mort-terrain, constitué
principalement d'argile, de sable et de roches, est retiré et
déplacé par camion (Grant and Myers, 2004). Les sables bitumineux
ainsi exposés peuvent être retirés et transportés
pour être traités. Initialement le matériel employé
pour la récupération des sables bitumineux était
constitué de dragline (pelles à benne traînante) et
d'énormes excavateurs à roue-pelle. Conçues
expressément pour cette exploitation, ces machines mesuraient 30
mètres de haut, leur roue-pelle de 10 mètres de diamètre
était fixée à l'extrémité d'une
flèche de 64 mètres et leur capacité d'extraction
s'élevait à 91'000 tonnes de sable bitumineux par jour (Office
national de l'énergie, 2000). Les sables bitumineux étaient
ensuite déposés sur des transporteurs à courroie qui les
livraient à l'installation de préparation (Grant and Myers,
2004). Cependant, cet équipement, peu souple et difficile à
redéployer suite à des interruptions de service causées
par des conditions météorologiques extrêmes pendant les
mois d'hiver, a progressivement été remplacé, au
début des années 1990, par de gigantesques tombereaux et de
puissantes pelles hydrauliques (Engelhardt and Todirescu, 2005). Une fois
chargés, les tombereaux de chantier peuvent transporter et livrer
jusqu'à 400 tonnes de matière aux installations de
préparation où les sables bitumineux sont réduits en
morceaux plus fins par des concasseurs ( Figure ).
4
12 cf. infra : Techniques d'extractions et
valorisation du bitume en pétrole brut de synthèse.
13 A ce sujet cf. chapitre 4.2.1. Atteintes de la
forêt boréale et des tourbières et remise en état,
p.34.
Figure 4. Tombereau utilisé pour le transport des
sables bitumineux. Source : Popular
Mechanics14.
Anciennement les sables bitumineux concassés
étaient expédiés jusqu'à l'installation
d'extraction à l'aide d'autres transporteurs à courroie. Depuis
1993, le système EAPS (Extractions Auxiliary Production System), connu
sous le nom d'hydrotransport, a pris le relais15. L'innovation de ce
système réside dans l'ajout d'un alimentateur à cyclone,
grand réservoir d'approximativement 35 mètres de haut, dans
lequel les sables bitumineux concassés sont broyés et
mélangés à de l'eau chaude pour former une sorte de boue
qui peut être transportée via pipeline jusqu'à
l'unité d'extraction, qui peut se situer à plusieurs
kilomètres de distance. Deux avantages principaux ont été
apportés par la mise en place de ce système. D'une part, les
pipelines peuvent plus facilement suivre un trajet sinueux sur un terrain
irrégulier par rapport à un système de transporteur
à courroie, les installations de séparation et de valorisation
peuvent donc être aménagées à une plus grande
distance du site d'extraction. D'autre part, la séparation partielle,
entre l'eau et les bitumes, qui prend place durant le transport hydraulique,
permet une réduction des températures et donc de l'énergie
utilisée pendant la phase d'extraction, améliorant le rendement
global du procédé (Engelhardt and Todirescu, 2005).
Le recours au tandem pelle mécanique/camion
couplé à l'hydrotransport a permis de réaliser un gain
d'efficacité considérable qui s'est traduit par une
réduction de l'ordre de 50% des coûts d'exploitation des gisement
de sables bitumineux (Office national de l'énergie, 2000).
(b) Extraction de bitume des sables bitumineux :
Les sables bitumineux sont d'abord transportés
dans des tambours rotatifs où ils sont dilués et
transformés en boue par l'ajout de soude caustique et de vapeur d'eau
chaude (80°C). Les températures utilisées sont moins
élevées (environ 50°C) si les sables on été
acheminés par hydrotransport. Les fractions volumineuses, comme les
roches et les mottes d'argile, sont ensuite écartées à
l'aide de tamis vibrants. La boue formée par l'eau, le sable et le
bitume est ensuite diluée puis pompée pour être
acheminée dans les séparateurs primaires. Alors que le sable
décante et se
14 cf. Popular Mechanics - New Tech to Tap North
America's Vast Oil Reserves,
http://www.popularmechanics.com/technology/engineering/4212552,
consulté le 5 mai 2010.
15 Engineering - Syncrude,
http://www.engineering.com/Library/ArticlesPage/tabid/85/articleType/ArticleView/articleId/69/Syncrude.aspx,
consulté le 6 mai 2010.
dépose au fond du récipient, le bitume
remonte à la surface sous forme d'écume. L'écume est
récupérée tandis que la phase intermédiaire est
acheminée vers des cellules de flottation, dans lesquelles le bitume est
entraîné à la surface par des bulles d'air pour être
prélevé. Afin de compléter la séparation,
l'écume est diluée avec du naphta et soumise à l'action
d'un centrifugeur à haute vitesse, ceci ayant pour effet de
réduire la teneur en eau et en particules solides. Le bitume
récupéré est transporté à l'installation de
valorisation, alors que les résidus (l'argile, le sables et l'eau) sont
pompés jusqu'aux bassins de rétention (Engelhardt and Todirescu,
2005) ( Figure 5). L'installation de valorisation peut être couplé
à l'installation minière, on parle alors d'exploitation
minière intégrée d'extraction et de
valorisation.
1 Conversion des résidus de haut poids
moléculaire en distillats contenant des composés ayant un point
d'ébullition inférieur à 525 °C.
1 Augmentation du rapport hydrogène/carbone du
distillat en augmentant la teneur en hydrogène et/ou réduisant la
teneur en carbone
1 Réduction de la quantité
d'impuretés telles que le soufre, l'azote et les métaux afin de
satisfaire aux normes de qualité requises par les
raffineries.
Le procédé de valorisation comprend trois
opérations principales : la cokéfaction, la désulfuration
et l'hydrogénation.
La première étape de la valorisation du
bitume consiste à récupérer le naphta par distillation
sous vide dans l'unité de récupération de diluant (mise au
point par Syncrude). Le naphta ainsi séparé est envoyé
à l'installation d'extraction où il pourra à nouveau
être utilisé. La fraction la plus volatile qui constitue les
bitumes est également séparée pendant cette étape
et directement envoyé dans les unités
d'hydrotraitement16. Le reste est constitué de longues
molécules d'hydrocarbures qui doivent être réduits en
molécules plus petites. Cette opération peut être
réalisée soit par hydrocraquage qui implique l'addition
d'hydrogène en présence d'un catalyseur
(généralement du platine), soit par cokéfaction, qui
consiste à enlever des atomes de carbones, soit encore par les deux
méthodes couplées (Woynillowicz et al., 2005). Dans le processus
de cokéfaction, le bitume est chargé dans des réacteurs
thermiques de l'unité de cokéfaction. Ce procédé
est typiquement réalisé à haute température
(environ 500°C), condition nécessaire pour induire le craquage
thermique des longues molécules d'hydrocarbures en brisant les liaisons
carbone-carbone17. La majeure partie est vaporisée en gaz et
la fraction plus lourde, riche en carbone, se cokéfie. Le coke (qui
ressemble au charbon) ainsi produit est utilisé comme carburant pour les
réacteurs ou stocké pour être commercialisé et
utilisé dans d'autres installations industrielles.
Les vapeurs d'hydrocarbures sont
séparées dans des colonnes de fractionnement en coupes de naphta,
de kérosène et de gazole (Figure 1). Dans les unités
d'hydrotraitement, elles sont mises en réaction avec de
l'hydrogène sous haute température (300-400°C) et forte
pression en présence d'un catalyseur. Cette étape permet, d'une
part, d'éliminer l'azote et le souffre et d'ouvrir les noyaux
naphténiques, et d'autre part, de stabiliser les produits. Finalement,
le naphta et le gazole sortant de l'hydrotraitement sont mélangés
afin de produire un pétrole brut de haute qualité (311 33°
API) (Figure 6).
Les constituants sulfurés sont
transformés en soufre élémentaire et stockés ou
expédiés sur les marchés pour être, par exemple,
utilisés dans la production d'engrais, tandis que l'azote extrait sous
forme d'ammoniac et les gaz combustibles, sous-produits du raffinage, sont
utilisés dans l'usine comme source d'énergie (Engelhardt and
Todirescu, 2005).
La plupart des installations utilisent la technologie
de cokéfaction comme processus primaire de valorisation, avec un
rendement volumétrique (c'est-à-dire un rapport pétrole
brut synthétique/bitume traité) de 80 à 90 %. Cependant
les usines qui utilisent l'hydro-conversion
16 Engineering - Syncrude,
http://www.engineering.com/Library/ArticlesPage/tabid/85/articleType/ArticleView/articleId/69/Syncrude.aspx,
consulté le 6 mai 2010
17 Ressources naturelles Canada - CanmétENERGIE
- Sables bitumineux,
http://canmetenergycanmetenergie.nrcan-rncan.gc.ca/fra/sables
bitumineux/valorisation.html, consulté le 16 mai 2010
comme technique primaire de valorisation peuvent
atteindre des rendements de l'ordre de 100 % ou plus (ERCB, 2009).
Figure 6. Diagramme pour le procédé de
valorisation du bitume. Source: Ressources naturelles
Canada18.
Environ 65% du bitume est valorisé en
pétrole synthétique brut léger en Alberta, sur place ou
dans une installation de valorisation régionale (Woynillowicz et al.,
2005), le reste est mélangé à un diluant,
généralement du brut synthétique léger (50 % du
volume) ou du pentane plus (30 % du volume), et acheminé par pipeline
à des raffineries canadiennes ou américaines19 (ERCB,
2009).
2.3.2. Récupération in situ
Lorsque la couche bitumineuse est enfouie trop
profondément sous la surface (> 75 mètres) pour que
l'exploitation à ciel ouvert soit rentable économiquement,
l'extraction du bitume est effectuée par des procédés de
récupération in situ. Ces méthodes concernent 80% des
réserves de sables bitumineux récupérables (Engelhardt and
Todirescu, 2005). Certains dépôts, dans lesquels le bitume est
suffisamment fluide, peuvent être exploités sans aucun
prétraitement du bitume (récupération primaire ou
production à froid), principalement dans les réservoirs de Cold
Lake20, mais dans la plupart des dépôts de sables
bitumineux, le bitume est trop lourd et trop visqueux pour s'écouler
dans les conditions normales de température et de pression des
réservoirs (Grant and Myers, 2004). Pour être
récupéré, le bitume doit d'abord être
fluidifié (diminution de la viscosité), soit par un apport de
chaleur, soit par injection de diluant, afin de le faire couler vers un puits
d'où il peut être pompé.
18 Ressources naturelles Canada, cf. site internet
:
www.rncan.gc.ca
19 cf. chapitre 3.3.3. Marchés et pipelines,
p.30.
20 cf. chapitre 2.3.3. Récupération du
bitume ou production à froid, p.21.
Divers procédés de
récupération in situ ont été mis au point et
testé, seuls ou combinés. Ils mettent en oeuvre plusieurs moyens
de stimulation: injection de vapeur, combustion in situ, utilisation
d'énergie ultrasonore ou électromagnétique, injection
d'eau, de polymères, de solutions alcalines ou de solvants.
(a) Stimulation cyclique par la vapeur d'eau
(SCV)21
Le procédé de stimulation cyclique
à la vapeur d'eau, mis au point par Imperial Oil Ltd. à Cold
Lake, a commencé à être utilisé pour la production
commerciale en 1985, après que divers travaux d'explorations eurent
conduits à différents projets pilotes. Parmi les innovations
apportées par Imperial se trouvaient le recyclage de l'eau
utilisée et le forage de plusieurs puits de production à partir
d'une seule plate-forme. Bien que ce procédé ait donné de
très bon résultat à Cold Lake, il a été
très peu utilisé en dehors de cette région.
Il consiste à injecter dans un puits de
production, de la vapeur d'eau, produite dans d'immenses chaudières,
surchauffée jusqu'à environ 300°C et sous une pression
moyenne de 11'000 kilopascals (kPa). La pression d'injection, en provoquant la
fracturation de la roche réservoir, permet au bitume de s'écouler
vers le puits. Les périodes d'injection sont suivies d'une
période de « trempage » de quatre à huit semaines, puis
d'une période de trois à six mois de production, pendant laquelle
le bitume chauffé et l'eau sont pompés à la surface par
l'intermédiaire du même puits, transformé de puits
d'injection en puits de production. Lorsque le taux de production
décroît, un nouveau cycle complet injection-trempage-production
est amorcé. Le taux de récupération obtenu avec ce
procédé est de 20-25% (Engelhardt and Todirescu,
2005).
(b) Déplacement par la vapeur d'eau
Ce procédé a été
développé par Shell en collaboration avec l'Alberta Oil Sands
Technology and Research Authority (AOSTRA), dans la région de Peace
River. Les opérations commerciales ont utilisé cette technique
à partir de 1986 et se sont développées avec succès
jusque dans le années 1990, avant qu'elle ne soit remplacée par
la séparation gravitaire stimulée par injection de vapeur et le
forage de puits multibranches stimulés par injection de
vapeur.
Le procédé met à contribution la
nappe d'eau sous-jacente pour chauffer la couche bitumineuse. Une fois que la
communication entre les puits est établie, on injecte de la vapeur d'eau
de façon continue, et l'injection et la production sont
pratiquées de manière à provoquer alternativement une mise
en pression et une décompression du bitume dans le réservoir
(Engelhardt and Todirescu, 2005).
(c) Séparation gravitaire stimulée par
injection de vapeur (SGSIV) 22
Le concept et les fondements théoriques de
cette méthode ont été développés à la
fin des années 1970 et au début des années 1980, afin de
mettre au point un procédé de stimulation où l'injection
de vapeur et la production seraient continues plutôt que cycliques, comme
dans les procédés existants. Cependant il a rapidement
été établi que le procédé ne pouvait
être appliqué de façon rentable à des puits
verticaux, les taux de production étant trop faibles. A la suite du
premier essai entrepris par Imperial à Cold Lake qui s'est soldé
par un échec, les résultats de la première
phase
21 Nommée aussi CSS pour «Cyclic Steam
Stimulation» et surnommé « huff'n puff », en anglais.
22 SAGD pour Steam-Assisted Gravity Drainage, en
anglais.
du projet de l'AOSTRA à Fort McMurray ont,
quant à eux, été qualifié d'encourageants (Office
national de l'énergie, 2000). Cependant, le développement du
forage de puits horizontaux, à la fin des années 1980 et
début 1990, a été l'avancée technologique
clé qui a permis l'essor de ce procédé. L'orientation et
la distance, l'un par rapport à l'autre, des puits d'injection et de
production pouvaient alors être maîtrisées parfaitement
(Engelhardt and Todirescu, 2005).
Les installations de séparation gravitaire
stimulée par injection de vapeur comprennent généralement
un réseau de puits d'accès verticaux et de galeries horizontales
permettant le forage de paires de puits horizontaux dans la couche bitumineuse
à une profondeur d'environ 200 mètres. Chaque paire de puits
comprend un puits de production, situé à la base du gisement, et
un puits d'injection aménagé à environ cinq mètres
au-dessus du premier. La vapeur est injectée à faible pression et
de façon continue dans le puits supérieur. Elle chauffe la couche
bitumineuse et sous réserve d'une perméabilité suffisante,
le bitume fluidifié et l'eau de condensation s'écoulent par
gravité jusqu'au puits de production, d'où ils sont pompés
à la surface ( Figure ).
7La vapeur étant injectée sous une
pression inférieure à la pression de fracturation, elle demeure
à l'intérieur de la formation, d'où une efficacité
de chauffage accrue (Office national de l'énergie, 2000). Il est
également possible d'injecter des diluants afin d'augmenter la
fluidification du bitume23 (Attanasi and Meyer, 2007).
Les avantages importants de l'utilisation de la
séparation gravitaire stimulée par injection de vapeur par
rapport au procédé de stimulation cyclique à la vapeur
d'eau résident dans la réduction du rapport vapeur
injectée/bitume produit, ce qui se traduit par une réduction des
coûts d'exploitation, et dans la mise en oeuvre de pressions moins
fortes, ce qui permet l'exploitation de gisements moins denses et enfouis
à une plus faible profondeur (Office national de l'énergie,
2000). Ce procédé permet de récupérer entre 40160%
du bitume en place à l'origine (Office national de l'énergie,
2004).
Figure 7. Schéma du procédé de
séparation gravitaire stimulée par injection de vapeur. Source :
The Pembina Institute.
23 cf. infra VAPEX
(d) VAPEX (Vapour Extraction Process)
Le système VAPEX, développé dans
les années 1980 (University of Bath, 2002), est techniquement similaire
à la séparation gravitaire stimulée par injection de
vapeur hormis le fait que de la vapeur de solvant est injecté en lieu et
place de la vapeur d'eau. La viscosité du bitume s'en trouve
significativement réduite et bien que le taux de production semble
être plus faible par rapport au système traditionnel, ce
procédé laisse envisager quelques avantages tels que (Engelhardt
and Todirescu, 2005) :
1 diminution de la température et de la pression
d'injection ;
1 meilleure efficience énergétique
;
1 pas d'émulsion à traiter ;
1 pas de phénomène de gonflement des
argiles qui endommage la formation;
1 valorisation partielle résultant de la
précipitation des asphaltènes contenus dans le
bitume.
(e) THAI (Toe-to Heel Air Injection)
THAI est une méthode proposé de
récupération de bitume qui combine un puits vertical d'injection
d'air avec un puits horizontal de production situé à la base du
gisement. Le processus est basé sur l'ignition de pétrole dans le
réservoir même, créant une zone de combustion ou front de
combustion in situ (CIS) générée à proximité
du puits d'injection. Les hautes températures (450°C-650°C)
produites par le front de combustion in situ vont provoquer, d'une part, la
valorisation des bitumes par craquage thermique, et d'autre part, un effet de
flux forcé, qui couplé à la gravité, va provoquer
le drainage des hydrocarbures jusqu'au puits de production horizontal
(University of Bath, 2002).
Les avantages apportés par ce
procédé sont (University of Bath, 2002):
1 un taux de récupération de 60180%
;
1 une valorisation in situ du bitume du réservoir,
et donc production de pétrole plus légers (de 8° à
16° API) ;
1 création de chaleur in situ (plus besoin
d'injecter de la vapeur depuis la surface);
1 des coûts de production moindre par rapport
à SGSIV ;
1 une réduction du nickel et du vanadium (91%) et
du souffre (30-40%) dans le bitume.
2.3.3. Récupération du bitume ou
production àfroid
Dans certains gisements, particulièrement ceux
de la région de Cold Lake, le bitume a subit une biodégradation
moindre et se retrouve sous une forme plus légère et moins
visqueuse qui se prête à une production à froid,
c'est-à-dire sans apport extérieur d'énergie dans le
réservoir en vue de stimuler l'écoulement du bitume vers le puits
de production. La majorité des projets d'exploitation font appel
à des puits verticaux. Le sable extrait en même temps que le
bitume entraîne une usure extrêmement rapide du matériel de
pompage, mais il semble cependant que l'extraction simultanée des sables
et du pétrole, particulièrement au début du cycle
d'exploitation d'un puits, permette d'atteindre des taux de production plus
élevés.
3. EXPLOITATION EN ALBERTA 3.1. Historique
3.1.1. Découverte des sables bitumineux
Les sables bitumineux canadiens sont pour la
première fois localisés, en 1875, par des scientifiques de la
Commission géologique du Canada (CGC)24, soit un
siècle environ après les premières mentions d'observation
de bitume sur les rives de la rivière Athabasca par des
commerçants de fourrures et des explorateurs (Comité permanent
des ressources naturelles, 2007), et notamment par Peter Pond,
considéré comme le premier Européen à avoir atteint
la région de l'Athabasca, en 1778.
A la fin des années 1890, Christian Hoffman, de
la CGC, fait des expériences de traitement à l'eau chaude des
sables bitumineux dans son laboratoire d'Ottawa. Il réussit alors
à séparer le bitume des grains de sable.
La recherche d'un gisement « d'huiles libres
» qui, comme le croyait les géologues de la CGC, aurait
alimenté les sables bitumineux, se solde par un échec.
L'intérêt du gouvernement fédéral pour les sables
bitumineux est laissé en suspens jusqu'en 1913, date à laquelle
Sydney Ells, un jeune ingénieur, recommande la mise au point de
techniques de séparation du bitume et développe l'utilisation du
bitume extrait pour la production d'asphalte25. Malgré les
performances intéressantes des sables bitumineux dans les applications
routières, comme revêtement de la chaussée, seul ou
mélangés à d'autres granulats, les coûts
élevés de leur transport les rendent économiquement peu
intéressants. De plus, les promoteurs se rendent compte de la valeur que
les sables bitumineux pourraient avoir en tant que source de carburants de
transport (Office national de l'énergie, 2000). Conscient de cette
opportunité, le Dr. Karl Clark entreprend des études de
séparation des bitumes selon un processus de flottation d'eau chaude. La
méthode qu'il développe consiste à faire mousser le
mélange initial de pâte et d'eau chaude en y ajoutant de
l'hydroxyde de sodium dans un tambour rotatif à 80°C (Humphries,
2008). La mousse qui contient le pétrole peut être recueillie,
alors que les grains de sables se déposent au fond du
récipient.
Entre les années 1920 et 1940, de nombreux
projets d'exploitation et de séparation des sables bitumineux, ainsi que
de nouvelles campagnes d'exploration et de caractérisation de gisements
sont mis en oeuvre, tant par le gouvernement que par des entreprises
privées.
3.1.2. Premiers projets commerciaux
d'extraction/valorisation
Au début des années 1950,
l'intérêt de l'industrie pour les sables bitumineux est
ravivé par la publication du rapport Blair26, qui conclue que
la mise en valeur des sables bitumineux peut être viable
économiquement à condition que la production atteigne au moins
3'200 mètres cubes par jour, ainsi que par le Symposium sur les sables
bitumineux tenu à Edmonton en 1951, (Office national de
l'énergie, 2000). La province procède alors une modification de
la réglementation afin d'encourager les compagnies à obtenir des
concessions pour l'exploitation des sables bitumineux.
24 La CGC relève maintenant de Ressources
naturelles Canada. Site internet : http://www.nrcan.gc.ca/
25 Syncrude Canada Ltd - Oil sands history,
http://www.syncrude.ca/users/folder.asp?FolderID=5657#2,
consulté le 23 mai 2010
26 Le rapport est préparé pour le
gouvernement de l'Alberta par S.M. Blair et E. Nelson.
La réglementation permettait aux compagnies
d'obtenir ces concessions si elles découvraient des gisements
intéressants, à la condition toutefois qu'elles commencent la
construction d'une usine d'exploitation commerciale dans l'année suivant
l'obtention de la concession, la nouvelle règle n'oblige le
détenteur d'une concession à construire une usine que si le
gouvernement lui en donne instruction (Office national de l'énergie,
2000). Cette modification ouvre la voie aux premiers projets
commerciaux.
C'est dans ce contexte que, à partir de 1950,
la société Sun Oil Company mène d'intenses travaux
d'exploration sur ses concessions. Le développement commercial ne
débute réellement qu'en 1967, lorsque la Great Canadian Oil Sands
Company (appartenant à Sun Oil Company, mais connue de nos jours sous le
nom Suncor Energy) commence à exploiter une mine et une installation de
valorisation au nord de Fort McMurray (Grant and Myers, 2004 ; Woynillowicz,
2005).
En 1973, le gouvernement de l'Alberta investit
à nouveau dans les sables bitumineux en formant l'Alberta Energy Company
(AEC), un partenariat à 50/50 entre le gouvernement et ses citoyens.
L'AEC devient une société d'investissement direct dans les
opérations de Syncrude (consortium27 crée en
1964)28, par l'intermédiaire d'une participation de 80% au
pipeline transportant le pétrole de Syncrude à Edmonton, une
participation de 50% à la centrale électrique de Syncrude et une
participation de 50% à l'usine de Syncrude (Woynillowicz et al., 2005).
La construction sur le site de Syncrude commence en 1973 et le début de
la production de pétrole à partir des sables bitumineux est
inauguré en 1978.29
En parallèle, des projets de
développement de récupération in situ sont
élaborés et testés, mais ce n'est qu'en 1978, lorsque
Imperial Oil Limited démarre son projet à Cold Lake, et en 1980
quand Shell Canada Limited entre dans sa phase d'exploitation commerciale
à Peace River, que les premières installations à grande
échelle de récupération in situ se développent
(Office national de l'énergie, 2000).
3.1.3. La ruée vers les sables bitumineux
Jusqu'au milieu des années 1990, l'exploitation
des sables bitumineux est jugée risquée et peu rentable. La
volatilité du cours du pétrole et les coûts
élevés de production à partir des sables bitumineux
rendent leur exploitation complexe et peu intéressante. En 1995, un
rapport intitulé « The Oil Sands: A New Energy Vision for
Canada» est publié par la National Oil Sands Task Force
(un collectif de représentants de l'industrie du pétrole et
des gouvernements fédéral et provincial). Ce document,
commandé par la Chambre des Ressources de l'Alberta30 afin de
promouvoir les sables bitumineux par l'élaboration d'un cadre permettant
de les convertir en une ressource économique attractive, définit
une stratégie à suivre qui envisage un doublement ou triplement
de la production sur 25 ans, pour atteindre 800'000 à 1.2 million de
barils par jour en 2020 (Woynillowicz et al., 2005). Dans un premier temps
cette stratégie appelle à améliorer la
27 Syncrude Canada Ltd était à
l'origine un consortium réunissant les principales compagnies
pétrolières, telles que : Imperial Oil (groupe affilié
d'Exxon), Atlantic Richfield (ARCO), Royalite Oil (combiné plus tard
avec Gulf Canada), et Cities Services R&D. Sa structure actuelle est la
suivante : Canadian Oil Sands Ltd. (31.74%), Imperial Oil (25%), Petro-Canada
Oil and Gas (12%), Conoco Phillips Oil Sands Partnership II (9.03%), Nexen Inc.
(7.23%), Murphy Oil Co. Ltd. (5%), Mocal Energy Ltd. (5%) et Canadian Oil Sands
Limited Partnership (5%) (Humphries, 2008).
28 Syncrude Canada Ltd - Oil sands history,
http://www.syncrude.ca/users/folder.asp?FolderID=5657#2,
consulté le 23 mai 2010.
29 Ibidem
30 Site internet de l'Alberta Chamber of Resources
: http://www.acr-alberta.com/
perception du public face aux sables bitumineux. Le
terme « tar sands» (tar = goudron, bitume) peu
attrayant est abandonné au profit du terme « oilsands »
(Nikiforuk, 2009).
En 1997, les gouvernements de l'Alberta et du Canada
adoptent une recommandation clé de la National Oil Sands Task Force
en introduisant un régime de redevances généreux et
des allégements fiscaux fédéraux pour le secteur des
sables bitumineux31 (Woynillowicz et al., 2005). Couplé
à une diminution des coûts d'opération et à un prix
du pétrole qui ne cesse de monter, cet encouragement aux investissements
a pour effet de créer une forte motivation pour des projets d'expansion
et de réinvestissements, et met en place les conditions
nécessaires pour « une ruée vers les sables bitumineux
». La forte croissance de la demande en carburant de transport,
particulièrement par les Etats-Unis, et la mise en place d'un
régime fiscal intéressant vont permettre le développement
du secteur des sables bitumineux avec une ampleur qui dépasse largement
les attentes. L'essor du secteur est considérable, en neuf ans, entre
1995 et 2004, la production est plus que doublée, atteignant
approximativement 1.1 million de barils par jours en 2004, soit avec seize ans
d'avance sur la date prévue par le rapport (Comité permanent des
ressources naturelles, 2007). En 2001, la production de bitume brut en Alberta
excède pour la première fois la production de brut conventionnel,
et dès 2003, les sables bitumineux représentent 54% de la
production total de pétrole en Alberta et un tiers de la production
totale de pétrole du Canada (Woynillowicz et al., 2005). Ce pourcentage
est censé atteindre 80% au niveau provincial et 70% au niveau national
en 2015 (Timilsina, 2005).
L'United States' Energy Information Administration
(EIA) et le Oil & Gas Journal reconnaissent formellement les
sables bitumineux du Canada comme une ressource économiquement viable en
2003, faisant passer les réserves canadiennes de pétrole de la
21ème position mondiale à la deuxième (Figure
2) (Babusiaux and Bauquis, 2007 ; Woynillowicz et al., 2005). Les
prévisions de l'Office national de l'énergie (ONÉ)
estiment que l'exploitation des sables bitumineux sera capable de produire 3
millions de barils de pétrole par jours en 2015, tandis que
l'Association canadienne des producteurs pétroliers (CAPP) annonce un
chiffre de 3.5 millions de barils par jours, pour la même date
(Comité permanent des ressources naturelles, 2007). L'IEA (2008), quant
à elle, prévoit que la production atteindra 5.9 millions de
barils/jours en 2030. Le Canada serait ainsi en voie de devenir l'un des
principaux producteurs de pétrole du monde ( Figure ).
8
Figure 8. Prévisions de la production des sables
bitumineux en millions de barils par jour. Source: Levi, 2009.
31 cf. Energy Ressource Conservation Board :
http://www.ercb.ca/, et cf. infra.
3.2. « Boom » de l'exploitation des sables
bitumineux 3.2.1. Effet de l'allègement du régime
fiscal
En 1995, la National Oil Sands Task Force
(groupe constitué de représentants de l'industrie des sables
bitumineux et des industries dérivées, de même que de
représentants des gouvernements fédéral et provincial)
publie un rapport proposant des recommandations destinées à
promouvoir l'exploitation des sables bitumineux en incitant les
sociétés privées à investir dans le secteur. Deux
ans plus tard, en 1997, les gouvernements du Canada et de l'Alberta appliquent
ces recommandations en instaurant un nouveau régime d'impôts et de
redevance. Ce nouveau régime qui vise à établir des
règles uniformes applicables équitablement à tous les
exploitants, est conçu pour attirer des investissements majeurs dans les
sables bitumineux et stimuler la valorisation de ceux-ci.
Le nouveau régime de l'Alberta prévoit :
une redevance au taux de 1 % des revenus bruts du projet jusqu'à ce que
le seuil de rentabilité soit atteint, puis, une fois
récupérés tous les coûts reliés au projet, y
compris les coûts de recherche et développement et un taux de
rendement au producteur, la redevance est revu à 25 % des revenus nets
du projet.
De plus tous les coûts relatifs à un
projet 1 soit les coûts d'immobilisations, les frais d'exploitation et
les coûts de recherche et développement 1 sont déductibles
à 100% l'année où ils ont été engagés
(Grant and Howard, 2007 ; Humphries, 2008 ; Office national de
l'énergie, 2000).
La particularité importante de ce nouveau
régime réside dans le partage des risques entre l'Alberta et le
producteur. En effet, les redevances ne sont perçues que lorsque les
produits et gains cumulatifs d'un projet dépassent ses coûts
cumulatifs, y compris un rendement au producteur à hauteur du taux de
rendement des obligations à long terme du Canada (Office national de
l'énergie, 2000). Compte tenu des coûts élevés des
projets, du long délai de mise en production des installations et du
caractère hautement risqué des investissements dans les sables
bitumineux, ce régime de redevance n'est pas fondé sur la
production, comme c'est le cas pour le gaz et le pétrole classiques
(Office national de l'énergie, 2000), ce qui le rend plus sensible
à la rentabilité d'une exploitation.
3.2.2. Effets duprix du ,
baril de l'innovation technologique et des
coûts de production
Le terme "conventionnel" s'applique aux hydrocarbures
qui peuvent être produits dans les conditions techniques et
économiques actuelles ou anticipées. Les avancées
technologiques ont fortement déplacé la frontière entre
"conventionnel" et "non conventionnel" en rendant possible la production
commerciale de pétrole à partir de gisements d'hydrocarbures
offshore, de sables bitumineux ou d'huiles extra-lourdes, dont l'exploitation
était considérée, il y a peu, comme techniquement ou
économiquement irréalisable.
En ce qui concerne les conditions économiques,
le niveau des réserves est naturellement fonction du prix du brut
présent et anticipé. En particulier, le prix est
déterminant pour la mise en place de systèmes de production qui
peuvent améliorer sensiblement les taux de récupération,
en augmentant la part extractible d'un gisement donné. Cependant,
l'élasticité des réserves au prix est faible et notamment
très inférieure à celle que l'on peut observer pour le
charbon, l'uranium ou les mines métalliques (Babusiaux and Bauquis,
2007). L'effet le plus important d'une hausse significative des prix
réside dans l'accès à de nouveaux domaines. Les
technologies de substitution
et d'exploitation de nouvelles sources, tel que
l'exploitation de pétrole non conventionnel, n'apparaissent accessibles
que lorsque le prix du pétrole augmente suffisamment pour encourager les
investissements visant à stimuler d'importants efforts de recherche et
développement (OCDE, 2004). Les améliorations technologiques ont
non seulement permis l'extraction de pétrole à partir des sables
bitumineux, mais ont contribué à diminuer considérablement
le coût de l'offre. De nombreuses innovations ont été
introduites au cours des années 1990. L'amélioration du
transport, de l'efficience énergétique et la recherche de
technologies permettant de se libérer des contraintes économiques
liées au gaz naturel sont des conditions indispensables à la
croissance du secteur des sables bitumineux.
En permettant aux barils de brut synthétique
issus des sables bitumineux d'être rentables sur les marchés, les
cours actuels du pétrole provoquent une situation idéale pour le
développement et l'expansion de ce secteur ( Figure ).
9Avant la récente montée des prix du
gaz, les coûts du pétrole extrait des sables bitumineux
étaient tombés à moins d'une vingtaine de dollars US par
baril (Babusiaux and Bauquis, 2007). Selon l'ONÉ (2006) les coûts
de production du brut synthétique se situent actuellement entre 36 et 40
$US/baril, or dans la plupart des cas, les prix compensent largement les
coûts et les dépenses engendrés (Comité permanent
des ressources naturelles, 2007). Le secteur reste, cependant, fortement
dépendant des cours du brut sur le marché mondial, le risque
étant une chute de celui-ci. L'ONÉ avance à ce propos
qu'une dévalorisation des cours du pétrole dans un intervalle se
situant entre 35 et 40 $US provoquerait un important ralentissement de
l`activité du secteur des sables bitumineux (Comité permanent des
ressources naturelles, 2007).
Prix FAB du pétrole brut mondial en dollars U.S.
par baril
1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000
2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
160
140
120
Dollars par bard
100
80
60
40
20
0
Figure 9. Prix FAB32 mondial du baril de
pétrole brut pondéré aux volumes estimés
d'exportation. Source: auteur, d'après l'EIA33.
32 Le prix FAB représente le prix d'un bien
à la frontière du pays exportateur. Il comprend la valeur des
biens ou des services au prix de base, des services de transport et de
distribution jusqu'à la frontière, les impôts moins les
subventions (cf. INSEE, Institut National de la Statistique et des Etudes
Economiques,
http://www.insee.fr/,
consulté le 29 mai 2010).
33 cf. EIA (U.S. Energy Information Administration) -
Petroleum - World Crude Oil Prices,
http://www.eia.doe.gov/dnav/pet/pet
pri wco k w.htm, consulté le 29 mai 2010.
Entre le mois d'octobre 2008 et le début de
l'année 2009, l'effondrement de la demande mondiale a fait chuter le
prix du baril de 120 $ à un intervalle de prix entre 35 $ et 50 $,
entrainant une diminution de la rentabilité des projets des sables
bitumineux, responsable d'annulations et de retards, ainsi qu'une
réduction du capital disponible des compagnies pour d'éventuelles
expansions (Levi, 2009).
3.2.3. Effet de la croissance de la demande
mondiale
(a) Demande mondiale
L'offre pétrolière mondiale comprend
deux groupes de pays producteurs : les pays de l'OPEP et les pays hors OPEP.
Les producteurs hors OPEP sont présumés être des
«preneurs de prix», qui produisent jusqu'à ce que leurs
coûts marginaux égalent le prix mondial du pétrole. A
l'inverse, le cartel de l'OPEP peut agir sur les prix en ajustant sa
production. En ce qui concerne la demande, trois grands blocs peuvent
être distingués : la zone de l'OCDE (subdivisée entre les
trois principales économies 1 Etats-Unis, zone euro et Japon 1 et les
autres pays de l'OCDE), la Chine, propulsée en tête des
économies en développement par son dynamisme et la forte
intensité pétrolière, et le reste du monde (OCDE,
2004).
La demande mondiale de pétrole devrait
croître de 1,6% par an, pour atteindre 121 millions de barils par jour en
2030, la moitié de ce chiffre pouvant être couverte par l'OPEP
(IEA, 2004). Le reste devra être fourni par les pays hors OPEP. Or, la
volonté de l'OPEP est clairement de rester dans le sous-investissement.
Ses capacités excédentaires se situent actuellement à leur
niveau le plus bas depuis trois décennies, et ne permettraient
guère d'accroître les approvisionnements dans
l'éventualité d'une désorganisation inattendue des
marchés pétroliers (OCDE, 2004).
(b) Demande des Etats-Unis
Bien que les volumes actuels de production à
partir des sables bitumineux ne soient pas suffisants pour avoir un impact sur
les parts de l'OPEP sur le marché mondial, ils représentent
toutefois un potentiel important de remplacement de ses exportations vers
l'Amérique du Nord et particulièrement vers les
États-Unis. A l'heure actuelle, le pays consomme 25% du pétrole
produit dans le monde et les importations couvrent 70% de ses besoins
(Deslandes, 2008). Ils représentent le plus vaste marché
potentiel pour les volumes croissants de brut synthétique et de bitume
fluidifié. Le Canada est déjà le plus important
fournisseur d'énergie des Etats-Unis, satisfaisant à 12% de ses
besoins en matière de consommation de pétrole et
représentant 18% des importations de pétrole américaines
(CAPP, 2010). Les sables bitumineux sont de plus en plus perçus comme
une opportunité de garantir l'indépendance
énergétique des Etats-Unis tout en assurant la
prospérité économique du Canada.
La production déclinante de sources autrefois
fiables ainsi que la volatilité du prix du pétrole
engendrée par l'incertitude économique et l'instabilité
géopolitique dans les régions productrices compromettent
l'assurance d'un approvisionnement énergétique sûr à
long terme. Alors qu'il y a quarante ans, les réserves
pétrolières appartenaient majoritairement à des
sociétés pétrolières privées, principalement
américaines, elles appartiennent aujourd'hui à des
sociétés nationales de gouvernements étrangers (CAPP,
2010). Les multinationales américaines ne font pas le poids face aux
monopoles d'État de la Chine, de la Russie et de l'Inde qui cherchent
à s'approprier une part des ressources mondiales en hydrocarbures sans
forcément vouloir bénéficier d'un profit (Deslandes,
2008). De plus, l'hostilité de nombreux pays producteurs face aux
Etats-Unis, tels le Venezuela et l'Iran dont la production se dirige vers
d'autres marchés, et la place de plus en plus importante qu'occupent les
Etats émergents obligent les Etats-Unis à diversifier et à
revoir leurs
sources d'énergie (Deslandes, 2008). Cette
vulnérabilité face au contexte géopolitique et les menaces
sur le développement et la sécurité nationale qui en
découlent imposent aux Etats-Unis des mesures pour garantir la
sécurité de leur approvisionnement énergétique. Les
nouvelles perspectives s'orientent donc vers le Canada qui s'avère
être une source de pétrole sûre et logique. L'effort
d'investissement suppose, en effet, un environnement politique, juridique et
économique stable et favorable (CAPP, 2010).
L'ampleur de la demande sur le continent et la
proximité des marchés destine à l'Amérique du Nord
la plus grande partie de la production issue des sables bitumineux, même
si les perspectives de leur exploitation reposent sur de nombreux autres
paramètre, tels la conjoncture économique internationale, les
prix pétroliers, les coûts de production, l'environnement et la
réglementation, l'amélioration des technologies et la situation
géopolitique (Deslandes, 2008).
3.3. Offre de pétrole en Alberta et impacts
économiques 3.3.1. Situation économique
L'augmentation des prix du pétrole et la
croissance de la demande en produits pétroliers ont rendu la
région des sables bitumineux de l'Alberta extrêmement active en ce
début de millénaire. Les améliorations techniques, la
reconnaissance des volumes considérables de pétrole contenus dans
les sables bitumineux, ainsi que la stabilité politique du Canada et les
faibles coûts d'exploration ont grandement contribué à
l'attractivité du secteur. L'arrivée de nombreuses nouvelles
entreprises, parmi lesquelles de grandes multinationales et des filiales
pétrolières nationales étrangères, reflète
le dynamisme qui touche la région. Les sociétés
accélèrent leurs plans d'expansion d'installations existantes et
les propositions de nouveaux projets se multiplient.
Toutefois, ces dernières années ont
aussi connu une forte augmentation des coûts d'aménagement et
d'exploitation. Les dépenses en immobilisations ont grimpé en
raison de l'augmentation des prix de l'acier, du ciment et du matériel
(Office national de l'énergie, 2006). La main-d'oeuvre qualifiée
a quant à elle chuté, réquisitionnée par les
nombreux travaux d'aménagement. Cette pénurie se fait
particulièrement ressentir dans la région des sables bitumineux
du fait que celle-ci est relativement isolée, que le rythme auquel se
fait la mise en valeur des ressources est soutenu et que les projets
d'aménagement qui y sont lancés sont de grande envergure et fort
complexes (Office national de l'énergie, 2006). Selon l'ERCB (2009), les
conditions économiques actuelles sont susceptibles d'affecter la
planification des objectifs de production des nouveaux projets.
Cependant, la hausse des prix de l'énergie a
été l'élément dominant, provoquant deux types
d'effets. D'une part, les prix élevé du pétrole ont
été à l'origine d'un accroissement des revenus, mais
d'autre part, cet évènement a eu pour effet d'accroître les
prix du gaz et les tarifs de l'électricité, augmentant
significativement les frais d'exploitation. L'énergie thermique
étant absolument indispensable à la production de pétrole
à partir des sables bitumineux, l'approvisionnement en gaz naturel et
donc les coûts générés par cet approvisionnement
jouent un rôle essentiel sur la rentabilité de cette
activité (Söderbergh, 2006).
L'écart de prix relativement important entre le
pétrole léger et le pétrole lourd ( Annexe )
3s'est également accentué ces
dernières années, rendant plus attrayante la perspective d'ajout
d'une capacité de valorisation locale, afin de transformer le bitume en
pétrole synthétique léger. De plus en plus
fréquemment, les plans d'extraction à ciel ouvert et les projets
d'extraction in situ à grande échelle comprennent une
installation de valorisation (Office national de l'énergie,
2006).
Dans son dernier rapport, l'ONÉ (2006) estime
que l'exploitation minière intégrée et la
séparation gravitaire stimulée par injection de vapeur exigent
que le baril de WTI34 se situe entre 30 $US et 35 $US pour
être rentables et procurer un taux de rendement réel au producteur
de 10 %.
En ce qui concerne l'exploitation minière
intégrée / séparation et valorisation, le coût de
l'offre a augmenté de 13 C$ par baril de pétrole
synthétique brut (C$/b), entre 2004 et 2006, passant de 26 C$/b à
39 C$/b. La hausse est principalement imputable à l'augmentation des
dépenses en immobilisations (37 %), des prix du gaz naturel (88 %) et
des frais d'exploitation autres que le gaz (20 %) (Office national de
l'énergie, 2006).
Le coût de l'offre du bitume issu de la SGSIV a
également augmenté, affecté par les mêmes causes
dans des proportions similaires, excepté les frais d'exploitation autres
que le gaz qui, grâce aux progrès réalisés en
matière d'exploitation, ont régressé par rapport à
2004. Cependant le coût de l'offre est particulièrement sensible
au ratio vapeur/pétrole, c'est-à-dire au rapport entre la
quantité d'énergie qui doit être injectée dans un
gisement et la quantité de pétrole qui peut en être
extraite, ayant comme effet de rendre ce procédé
extrêmement dépendant du gaz naturel. Le coût
d'approvisionnement par baril de bitume se situe entre 14 C$ et 24 C$ (Office
national de l'énergie, 2006).35
3.3.2. Production
En 2009, l'Alberta a produit 1.49 millions de barils
de bitume brut par jour à partir des sables bitumineux ( Figure
).
10 La production totale annuelle, pour cette
même année, est de 544 millions de barils, ce qui
représente une augmentation de 14 % par rapport à la production
de 2008 (ERCB, 2010). La production issue de l'exploitation minière
représente 55 % alors que celle issue de l'exploitation in situ atteint
45 % (ERCB, 2009).
Figure 10. Production de bitume et de pétrole
synthétique brut en Alberta. Source : Statistics
Canada36.
Pour l'année 2009, la production de
pétrole conventionnel, de bitume et de pentane plus a été
de 1.93 millions de barils par jours (ERCB, 2010). Les volumes
combinés de la production du pétrole
34 Le West Texas Intermediate (WTI) est un type de
pétrole brut produit dans l'ouest du Texas et utilisé comme
référence pour les échanges commerciaux. Son cours est
représentatif du prix des approvisionnements américains.
35 Les coûts de production donnés par
l'ONÉ en 2006 correspondent aux coûts actuels, cf.
http://www.neb.gc.ca
36 Statistics Canada, site internet :
http://www.statcan.gc.ca/
brut synthétique et du bitume non
valorisé en fonction de la production totale de pétrole en
Alberta sont passé de 39 % en 1999 à 65 % en 2008, compensant
ainsi largement le déclin de la production de brut classique (ERCB,
2009) ( Annexe ).
4
60 % de la production des sables bitumineux a
été valorisée en pétrole brut synthétique en
2009, fournissant 0.8 millions de barils de pétrole brut
synthétique par jour. La région possède cinq installations
de valorisations fonctionnelles. Sept projets de nouvelles installations de
valorisation et trois projets d'expansion ont été
approuvés ou sont sous application. Si tous les projets aboutissent, la
capacité additionnelle de production de pétrole brut
synthétique sera prochainement augmentée de 1.7 million de barils
par jour.
Alors que le bitume issu de l'exploitation
minière est habituellement valorisé dans la province ou au
Canada, celui provenant des opérations in situ est dilué avec du
condensat pour former du « dilibit » ou avec du pétrole
synthétique brut pour former du « synbit » et exporté
principalement dans des raffineries américaines ( Figure
11).
Figure 11. Chaine de production des sables bitumineux.
Source : TD Securities, 2004.
En ce qui concerne l'exploitation minière et in
situ, de nombreux projets et plans d'expansions ont été
déposés ou sont envisagés. Les multiples concessions
acquises par les sociétés pétrolières illustrent
l'intérêt suscité par la région ces dernières
années. En général, les entreprises présentes sont
d'importantes sociétés canadiennes ou multinationales qui
disposent de gros capitaux. En 2005, quatre des plus grandes compagnies
mondiales (Royal Dutch/Shell, ExxonMobil, ChevronTexaco et TotalFinaElf)
avaient déjà fortement investi dans l'exploitation
pétrolière (Héritier, 2007) Toutefois de nombreuses
sociétés d'envergure moindre sont aussi en mesure de tirer
avantage de marchés financiers favorables afin de lancer de nouveaux
projets. La période 2008 à 2012 constitue, cependant, un goulet
d'étranglement en ce qui concerne les projets annoncés. Tous les
projets ne respecteront pas le calendrier prévu à l'origine,
certains seront ainsi reportés ou même annulés (Office
national de l'énergie, 2006).
3.3.3. Marchés etpipelines
Comme le marché intérieur au Canada ne
constitue qu'un petit marché de raffinage, les producteurs de sables
bitumineux perçoivent les États-Unis comme le principal site pour
leurs
exportations ( Figure 12). Le pétrole
non-conventionnel canadien exporté aux États-Unis est
délivré principalement au PADD II et dans une moindre mesure au
PADD IV37 (Humphries, 2008).
Figure 12. Principaux pipelines et marchés de
pétrole brut au Canada et aux États-Unis. Source : Office
national de l'énergie, 2006.
Le pétrole issu des sables bitumineux peut
être acheminé sur les marchés sous différents types
de forme:
1 après valorisation, sous forme de pétrole
brut synthétique léger (PBS) ;
1 après ajout d'un diluant38 sous
formes de mélanges bitume-PBS ou bitume-condensat ;
Les mélanges de bitume fluidifié exigent
toutefois que les raffineries disposent d'une capacité de valorisation
pour transformer le bitume en un produit plus léger. Aux
États-Unis, le nombre de raffineries capables de traiter les bitumes
lourds et acides, car riches en sulfures, est ainsi limité. Afin de
pouvoir écouler les stocks croissants de bitume fluidifiés, des
investissements américains ou des financements de la part des
producteurs canadiens seront nécessaires pour ajouter de nouvelles
capacités de valorisation aux raffineries américaines existantes
(Laureshen et al., 2004). De plus, l'écart de prix entre les bruts
lourds et les bruts légers (écart léger/lourd) ne cesse de
s'accroître et devrait rester significatifs dans les prochaines
années à venir, incitant les producteurs à mettre sur le
marché des produits présentant une plus-value, sous forme de PBS
léger, par la valorisation des bitumes en Alberta même. De
nombreux projets d'installation d'unités de valorisation ou
d'exploitation minière intégrée (extraction/valorisation)
sont proposés actuellement.
37 Petroleum Administration for Defense District. Les
États-Unis possèdent 5 PADDs, crées pendant la Seconde
Guerre mondiale pour assurer la distribution de carburant dans le pays.
38 L'ajout d'un diluant est nécessaire afin de
conférer les caractéristiques de viscosité permettant le
transport par pipeline.
Avec ses dix-neuf raffineries, dont cinq en Alberta,
le Canada dispose actuellement d'une capacité de raffinage
limitée. Ce marché ne présente pas non plus d'occasions de
croissance importantes pour les producteurs de sables bitumineux, étant
donné l'âge et le manque de complexité des raffineries
canadiennes (Office national de l'énergie, 2006). Plusieurs projets et
propositions de complexes de raffinage ou de complexes de valorisation et
production pétrochimique ont été
annoncés.
Les États-Unis avec leur capacité de
raffinage de près de 16 millions de barils par jour (Mb/j)
représentent le plus grand marché d'exportation du pétrole
brut canadien ( Tableau ).
1On prévoit, en outre, que les principaux
enjeux seront les préoccupations continues à l'égard des
événements géopolitiques et de la sécurité
de l'offre, à mesure que les États-Unis se tourneront vers le
Canada comme source sûre d'approvisionnement (Office national de
l'énergie, 2006).
Du fait de la complexité de ses raffineries et
de sa position géographique, la région nord du PADD II est bien
placée pour recevoir des volumes accrus de bitumes fluidifiés et
de PBS et déjà reçoit la plus grande partie des
exportations canadiennes. Le recours à des pipelines
sous-utilisés ou la construction de nouveaux pipelines dans la
région sud du PADD II rendrait possible le raccordement à
d'autres marchés (Office national de l'énergie,
2006).
Le PADD IV et l'Etat de Washington constituent
également des marchés intéressants pour l'exportation du
pétrole canadien, mais le prix très élevé du brut a
incité à un accroissement de la production locale et à une
certaine pression de la part des producteurs intérieurs du PADD IV pour
traiter la production dans des raffineries locales. Par conséquent, les
raffineries du PADD IV acceptent moins de pétrole de l'Ouest canadien
afin de traiter les bruts du Wyoming (Office national de l'énergie,
2006).
Tableau 1. Exportations de pétrole brut de l'Ouest
canadien en 2005 (m3/j). Source: Office national de l'énergie,
2006.
Il est maintenant évident que les nouveaux
projets d'exploitation des sables bitumineux et l'expansion de projets
existants vont s'accompagner d'une croissance soutenue de la production. On
estime qu'en 2030, plus de 5 millions de barils par jour seront produits au
Canada. Toutefois, la saturation des oléoducs et des marchés
américains, couplée à la nécessité de mettre
en place des installations de valorisations et de conversion dans les
raffineries existantes afin de traiter le pétrole lourd obligera les
producteurs canadiens à trouver de nouvelles solutions pour continuer
à exporter leur stock de bitume fluidifié et de PBS. De plus en
plus, les producteurs convoitent l'accès à de nouveaux
marchés d'exportation tels la Californie et le marché
Asie-Pacifique, notamment le Japon, la Corée et la Chine au sujet
desquels des négociations sont en cours (Laureshen et al., 2004 ;
Nikiforuk, 2009).
Ces facteurs influenceront le choix des pipelines
à privilégier et sur l'infrastructure pipelinière qui
devra être aménagée de manière à pouvoir
répondre aux besoins en approvisionnements et aux besoins du
marché (Office nationale de l'énergie, 2006). Même si un
réseau de pipelines s'étend, actuellement, de Fort McMurray
à Hardisty et Edmonton, en Alberta, où une partie du
pétrole est raffinée, la plupart des produits issus des sables
bitumineux sont transportés en Ontario, en Colombie Britannique et aux
Etats-Unis, dans les régions du Midwest et des Montagnes Rocheuses,
ainsi que dans l'Etat de Washington. De nombreux projets d'expansion de la
capacité du réseau ou de constructions de nouveaux
oléoducs sont en cours, notamment entre Fort McMurray et Edmonton, entre
Edmonton et les côtes Est et Ouest du Canada (Woynillowicz et al., 2005).
Un nouvel oléoduc, Le Northern Gateway Pipeline
Project39, entre Edmonton et le port en eaux profondes de
Kitimaat est planifié par la société canadienne Enbridge,
afin d'ouvrir l'accès aux marchés californien et
asiatiques40 (Laureshen et al., 2004 ; Woynillowicz et al., 2005).
Le projet Keystone XL prévoit la construction d'oléoducs
supplémentaires pour transporter la production des sables bitumineux
vers la côte du Golfe du Mexique. Bon nombre de raffineries sur la
côte du Golfe du Mexique ont déjà été
modifiées pour traiter le pétrole lourd. Leur capacité est
excédentaire à cause de la réduction de la production de
pétrole au Mexique, où les réserves s'épuisent, et
au Venezuela, qui dirige sa production vers d'autres marchés. Le projet
est toutefois en suspens dans l'attente d'une évaluation
environnementale complète (CAPP, 2010 ; Zeller, 2010) ( Figure
3).
1
Figure 13. Réseau d'oléoducs existants et
proposés au Canada et aux Etats-Unis. Source: CAPP, 2010.
39 A ce sujet voir Brown et al., 2009.
40 Cependant la fuite de pétrole à
l'origine de la marée noire du 20 avril 2010 dans le Golfe du Mexique a
réveillé les opposants à ce projet, en leur offrant des
armes juridiques pour combattre la société Enbridge. La Coastal
First Nations, une coalition de groupes d'indigènes unis contre le
projet, a publié un sondage indiquant que 80% des habitants de la
Colombie-Britannique s'opposent à la circulation des pétroliers
sur la côte, suite à l'incident du golfe du Mexique (Dowd,
2010).
4. IMPACTS SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX 4.1.
Généralités
Si le potentiel économique des sables
bitumineux du Canada est incontestable, le rythme effréné et la
dimension de leur exploitation, s'accompagnent de conséquences sociales
et environnementales inquiétantes. Le gouvernement provincial alloue des
terrains sans préoccupation réelle des enjeux environnementaux et
la faiblesse des garanties offertes par l'industrie sur le sujet semblent mener
droit à la catastrophe écologique. Les études d'impacts
sont encore peu nombreuses, mais s'accordent pour dire que le risque est
réel et devrait être pris en considération. Les
préoccupations à l'égard de la gestion des effets de
l'exploitation des sables bitumineux sur l'environnement ont atteint de
nouveaux sommets et la conscience publique sur les conséquences
environnementales du développement de ce secteur se réveille
incontestablement.
4.2. Impacts environnementaux locaux
4.2.1. Atteintes lade forêt e
boréalet des tourbières et remise en
état
L'extraction minière (extraction de surface)
des sables bitumineux dans le Nord de l'Alberta est responsable d'une
transformation radicale de la forêt boréale de l'Athabasca. La
procédure d'allocation des terrains est basée sur la supposition
que les régions forées seront restaurées en un
écosystème proche de l'état initial avant la perturbation.
La remise en état est la dernière étape que les
sociétés pétrolières doivent accomplir avant la
fermeture complète du terrain minier (Grant et al., 2008). Or la
réglementation n'a aucune exigence spécifique et il n'existe pas
de critères de remise en état. De plus, il semble que la
restauration des zones humides 1 comme les marais et les tourbières 1
soit extrêmement difficile à réaliser et que les types
d'habitats définitivement dégradés ne soient pas
clairement identifiés. Les données historiques ne sont pas
suffisantes pour déterminer l'efficacité de la remise en
état sur le long terme. Devant tant d'incertitudes et de risques
environnementaux, une lourde dette environnementale et fiscale peut être
à craindre pour les Canadiens. D'autant que le programme de
sécurité de restauration est un programme fermé qui manque
de transparence. Les informations concernant les coûts, les
responsabilités, ainsi que la fréquence de validation par le
gouvernement de plan de remise en état ne sont pas disponibles
publiquement ou difficilement accessibles (Grant et al., 2008).
(a) La forêt boréale et les
opérations minières des sables bitumineux
Constituée d'une mosaïque de zones humides
(tourbières, marais), de forêts, de lacs et de rivières, la
forêt boréale s'étend sur 310 million d'hectares à
travers la Canada, couvrant environ 30% de la superficie du pays. 40% de la
forêt est constitué de zones humides et la couverture de
tourbière est la plus grande au monde (Woynillowicz et al., 2005). Cette
forêt abrite une riche diversité d'espèces
végétales : 600 plantes vasculaires, 17 fougères, 104
mousses, 13 hépatiques, 188 lichens; et de nombreuses espèces
animales : 45 mammifères, 236 oiseaux, 1 reptile, 5 amphibiens et 40
poissons (Stelfox, 1995). Certaines des espèces présentes sont
menacées, tel le caribou des bois, classé comme espèce
menacée tant au niveau provincial qu'au niveau national. Le paysage de
la forêt est topographiquement, climatiquement et biologiquement
très varié et constitue, en plus d'une intéressante source
de biodiversité, un lieu de vie et d'usage traditionnel pour certains
peuples indigènes (Grant et al., 2008).
La fraction des sables bitumineux du
dépôt de l'Athabasca qui se situe suffisamment près de la
surface pour être exploitée par la technique d'extraction à
ciel ouvert s'étend sous le sol de la forêt boréale, sur
une surface de 3'400 kilomètres carrés (Government of Alberta,
2008a). Avant l'extraction minière proprement dite, la forêt, les
zones humides et le sol doivent être nettoyés, drainés et
retirés. Les rivières et les ruisseaux sont
détournés, le couvert boisé et la végétation
sont coupés. Le bois qui peut être vendu est
récupéré et le reste est brûlé41.
La couche supérieure, généralement constituée de
marécages, de tourbières ou de muskegs, est ensuite
retirée, après avoir été drainée. Ce
processus de déshydratation peut parfois durer jusqu'à trois ans.
Le mortterrain est alors retiré à l'aide de gigantesques pelles
mécaniques et de tombereau pour être placé dans de grandes
décharges ou stocké dans des fosses. Il est parfois
compacté en digue afin de créer des barrages servant à
contenir la gangue des minerais, les déchets et les bassins de
résidus (Grant et al., 2008). Les dépôts de sables
bitumineux sont alors exposés et peuvent être extraits ( Figure
14). Ils constituent une couche de 40-60 mètres d'épaisseur qui
repose sur une plaque de calcaire. La composition moyenne des sables bitumineux
de l'Athabasca se répartit en 83% de sable, 3% d'argile, 4% d'eau et 10%
de bitume. Ceci qui implique que d'énormes quantités de sables
bitumineux doivent être extraits pour produire un seul baril de
bitume42. On estime qu'environ 2'000 kilogrammes (kg) sont
nécessaires pour la production d'un baril. Ce chiffre doit être
additionné aux 2'000 kg de mort-terrain par baril ayant
été préalablement retirés pour permettre
l'accès aux sables bitumineux (Grant et al., 2008 ; Woynillowicz et al.,
2005).
En plus de l'exploitation minière et de
l'extraction in situ, la région est également exploitée
pour du pétrole et du gaz conventionnels, ainsi que pour l'industrie
forestière. Cependant les opérations minières de surface,
qui représentent la méthode d'extraction la plus intensive et
dommageable pour l'environnement, ont drastiquement altéré le
paysage et le sol et modifié l'hydrologie. En plus de
l'élimination directe de grandes aires de vie sauvage et d'habitats, le
bruit et la présence humaine gênent les espèces dans un
large périmètre autour des aires d'exploitation (Woynillowicz et
al., 2005).
Figure 14. Opération minière dans la
région de l'Athabasca. Source: Pica, 2010.
41 Environnement Canada a mis en évidence
que la quantité de forêt boréale déboisée par
l'industrie gazière et pétrolière, y compris l'industrie
des sables bitumineux, égalait ou même dépassait la
quantité prélevée chaque année par l'industrie
forestière (Collister et al., 2003).
42 cf. chapitre 2.3.1. Exploitation et extraction
à ciel ouvert, p.14.
(b) Disparition des zones humides
Les perturbations cumulées, entre 1967 et
2006, par le développement de l'exploitation des sables bitumineux
s'étendent sur une surface de 47'832 hectares (ha). En 2008, seul 13.6%
de ces aires perturbées étaient considérées comme
remises en état selon les critères des exploitants des sables
bitumineux, mais à cause d'un manque de transparence et de
critères réglementés, cette déclaration n'a pas
été officiellement certifiée (Grant et al., 2008).
Actuellement, seuls 0.2% (104 ha) des terres affectées par les
opérations minières ont été formellement
certifiées comme remise en état par le gouvernement de l'Alberta
et conséquemment rendues au public. Toutefois, la parcelle
concernée, connue sous le nom de Gateway Hill, présentait
à l'origine les caractéristiques de zones humides de basse
altitude. Pendant l'utilisation du site par la société Syncrude,
du matériel issu de l'excavation de mort terrain y a été
stocké. Lorsque la parcelle a été remise en état,
elle était transformée en forêt de hautes terres
vallonnée (Grant et al., 2008).
La remise en état des paysages, comme elle est
actuellement proposée par les industries, laisse présager la
reconstruction d'écosystèmes radicalement différents de
leur état initial. Les plans actuels prévoient la création
de forêts vallonnées sèches à la place des zones
humides, comprenant un grand pourcentage de lacs (issus des bassins de
rétention des déchets), mais n'envisagent pas la reconstruction
de tourbières. Ces dernières nécessitent une
période de plusieurs milliers d'années de conditions
anaérobiques pour se former et se stabiliser en un stade mature stable
et ne semblent donc pas pouvoir être reconstituées (Harris et al.,
2007). On estime que, dans les décennies à venir, les
opérations d'extraction des sables bitumineux auront converti et donc
supprimé de manière irréversible presque 10% des
régions humides (Grant et al., 2008 ; Woynillowicz et al.,
2005).
Ces régions couvrent approximativement 40% de
la forêt boréale de l'Alberta et remplissent d'importantes
fonctions écologiques. En plus d'héberger une faune et une flore
très spécifiques, les zones humides et les tourbières
jouent le rôle d'éponges et de filtres. Elles régulent les
flux hydriques de surface et des eaux souterraines en absorbant l'eau de la
fonte des neiges au printemps et des orages en été ce qui permet
de recharger les aquifères souterrains en périodes de
sécheresse et de prévenir l'érosion du sol (Woynillowicz
et al., 2005). Les zones humides constituent des écosystèmes
complexes nécessitant d'être saturées en eau une partie de
l'année. Les propriétés chimiques, les
caractéristiques des connections hydrologiques, de stockage d'eau et de
perméabilité du sol pour maintenir l'équilibre de
l'écosystème sont fragiles et la reconstitution semble
incertaine. Il n'existe actuellement pas de succès permettant de
démontrer la possibilité de remettre en état ce type
d'écosystème.
(c) La remise en état des sols
Pour que les terrains affectés par
l'exploitation des sables bitumineux puissent être rendus à la
province de l'Alberta, la compagnie doit démontrer que le terrain
présente « une capacité de sol équivalente »
(« equivalent land capability ») ce qui signifie que : « la
capacité du terrain à résister à diverses
utilisations après la conservation et la remise en état est
similaire à celle qui existait avant qu'une activité y ait
été menée, mais que les utilisations individuelles des
terres ne seront pas nécessairement identiques43 » La
définition est étrangement sibylline et ne stipule pas de
recréer l'écosystème d'avant la perturbation.
L' « equivalent land capability» est
actuellement mesurée à l'aide d'un document guide, le Land
Capability Classification for Forest Ecosystems in the Oil Sands (LCCS).
Le LCCS a été crée pour faciliter l'évaluation des
capacités du sol des écosystèmes sylvestres de la
région de la forêt boréale
43 Traduction libre à partir de l'anglais de
la définition suivante : «the ability of the land to support
various land uses after conservation and reclamation is similar to the ability
that existed prior to an activity being conducted on the land, but that the
individual land uses will not necessarily be identical» (Grant et al.,
2008).
de l'Athabasca et des terrains remis en état
(Grant et al., 2008). Ce document utilise indirectement des facteurs
économiques et de production pour établir la classification des
écosystèmes, et par là favorise la remise en état
vers un écosystème propice à l'exploitation
forestière (Cumulative Environmental Management Association, 2006).
Ainsi les catégories de sol des zones humides et des tourbières
sont faiblement classées, ce qui peut donner lieu à des
situations perverses : en utilisant l'échelle de la LCCS, une
société d'exploitation des sables bitumineux, ayant
remplacé un terrain constitué de tourbière par une
forêt sèche exploitable, pourrait prétendre avoir
amélioré le terrain par rapport à son état
antérieur à la perturbation (Hildebrand, 2008 ; Grant et al.,
2008).
Les étapes générales de la remise
en état des terrains sont : le nivellement des morts-terrains, le
remplacement des sols, la revégétalisation et la gestion du
paysage. La reconstruction des sols est une étape critique pour le
succès du processus.
La qualité du sol reconstruit est
déterminante pour la stabilité et la biodiversité de la
flore et de la faune et nécessite que le climat, la topographie, les
matériaux et les caractéristiques de drainage soient pris en
compte (Cumulative Environmental Management Association, 2008). La surface des
terrains à reconstruire est recouverte d'une couche de terre
constituée d'un mélange tourbe-sol minéral
récupérée d'aires dédiées à
l'exploitation minière ou à partir de stocks. Si aucun
mélange de tourbe-minéraux n'est disponible, 50-70
centimètres (cm) de matériau de sol sablonneux ou argileux peut
être placé au-dessus des résidus de sables ou des
morts-terrains appropriés. Depuis peu, de l'humus de forêt est
utilisé comme source alternative de matière organique (McMillan
et al., 2007). Les sols doivent respecter certains paramètres, tels
l'humidité et les propriétés physiques et chimiques,
identifiés par le manuel LCCS44 (Grant et al., 2008).
Cependant, plusieurs études ont montré que les
caractéristiques des sols remis en état et des sols naturels
étaient significativement différentes. La compaction des sols par
l'utilisation de grands véhicules pendant la remise en état
provoque une augmentation de leur densité, alors que l'utilisation de
matériaux minéraux alcalins mélangés à la
matière organique élève leur pH. Enfin les sols remis en
état sont plus humide et ont une température plus basse (McMillan
et al., 2007).
En plus de la structure du sol, la vitesse de
décomposition de la matière organique et la composition en
microorganisme sont modifiées dans les sols remis en état. La
biomasse et l'activité microbienne, responsables des cycles de l'azote
et du carbone, se retrouvent diminuées même 20 ans après
les opérations de restaurations. Il en va de même pour les
champignons mycorhiziens (impliqués dans l'association symbiotique entre
les hyphes des champignons et les racines de certaines plantes), dont l'absence
pourrait se révéler un réel problème pour la
forêt boréale, puisque ils sont nécessaires aux arbres de
cet écosystème pour absorber les nutriments dont ils ont besoin
(McMillan et al., 2007 ; Rowland et al., 2009).
Certains opérateurs des sables bitumineux
(Imperial Oil Resources Ventured Limited, 2006) concluent que des profils
physico-chimiques grossièrement similaires des sols naturels et des sols
de terrains remis en état démontrent que l' « equivalent
land capability» a bien été atteinte. Or, la comparaison de
la composition et de l'abondance des espèces végétales
entre sites naturels et sites remis en état montre une très
faible similarité. Même deux ans après la restauration, les
sites reconstruits présentent moins d'arbustes et un nombre beaucoup
plus élevé de graminées que dans les aires naturelles
ayant des conditions d'humidité et de nutriments équivalentes
(Grant et al., 2008). Ainsi des propriétés physiques et chimiques
similaires ne confèrent pas la même capacité de propagation
à la végétation native et ne permet pas d'obtenir un
paysage dont la couverture et la composition végétales
s'apparentent à celles d'avant la perturbation.
44 Il est important de noter que le LCCS encourage la
reconstruction d'écosystèmes favorable à la production
forestière.
Afin d'établir le stade climax (stade où
les communautés de plantes sont stables et capables de se reproduire
elle-même), les opérateurs comptent sur le modèle de
succession de plantes (des groupes d'espèces sont naturellement
remplacés par de nouvelles espèces). Or, la prédominance
des espèces herbacées et la difficulté d'invasion
naturelle par les arbres et arbustes, même 30 ans après la remise
en état, semblent contredire le modèle et confirmer que la
revégétalisation ne se déroule pas comme prévu
(Grant et al., 2008).
En outre, l'établissement permanent
d'espèces non-natives et d'espèces invasives constitue un grave
problème dans ce procédé. Que l'introduction soit
volontaire 1 comme c'est le cas pour l'orge, qui joue un rôle dans le
contrôle de l'érosion 1 ou accidentelle 1 comme pour le laiteron
des champs, l'épilobe à feuille étroite, le mélilot
ou les crépides (Cumulative Environmental Management Association, 2008)
1 ces espèces entrent en compétition avec les espèces
indigènes et inhibent l'établissement des arbres et arbustes.
Dans certains cas, ces plantes dominent sur les autres et peuvent couvrir
presque 100% de la surface d'un site récemment remis en état
(Grant et al., 2008).
(d) La remise en état des bassins de
résidus et la gestion des résidus toxiques
Le processus selon lequel les résidus toxiques
et les bassins de rétention sont gérés semble
également incertain à long terme. Actuellement, deux
méthodes pour assainir les résidus fins, principalement
générés par l'exploitation minière45,
ont été approuvées et seront utilisées.
La première méthode consiste à
solidifier les résidus aqueux. Cette étape permet de
réduire le volume des résidus, de recycler une partie de l'eau
emprisonnée, de traiter plus facilement les résidus
consolidés et de remettre en état rapidement les bassins ayant
servi à les stocker (CAPP, 2009). Différentes techniques sont
possibles pour réaliser la déshydratation des résidus
aqueux : l'ajout de différents agents chimiques (gypse, chaux ou
polymères) qui favorisent l'agglomération des particules solides
entre elles, la centrifugation, le séchage à l'air ou la
dessiccation par cycles de gel/dégel en hiver (CAPP, 2009). Il est
ensuite prévu qu'une partie des dépôts de résidus
consolidés soient inclus dans le sol du terrain à restaurer. Les
résidus consolidés posent effectivement moins de problèmes
que les résidus liquides, même s'il existe de grandes incertitudes
sur le comportement des composants toxiques associés (concentrations en
sels élevés, présence d'acide naphténique, traces
de métaux46) en présence d'eau (risque de
déplacement par ruissellement et infiltration) et sur la façon
dont ils affecteront la végétation (Grant et al.,
2008).
La transformation de la mine en lac terminal («
end pit lake» ou EPL), lorsque tout le bitume économiquement
récupérable a été extrait, constitue la
deuxième méthode. Ces lacs servent aux opérateurs pour y
entreposer des déchets, avant que les critères de qualité
des eaux ne soient atteints. Lorsque les opérations minières
prennent fin, les déchets produits par l'exploitation (résidus
fins, résidus consolidés, sables pauvres en bitume et eaux
utilisés dans les diverses opérations) sont entreposés au
fond du lac. Bien qu'il soit encore impossible de dire si ces EPLs pourront
accueillir un écosystème aquatique durable, ils constitueront
néanmoins une caractéristique permanente du paysage remis en
état. On estime que, d'ici soixante ans, au moins 25 EPLs verront le
jour dans la région de la forêt boréale de l'Athabasca (
Figure 5).
1 Ce chiffre
45 cf. chapitre 4.2.2. Consommation d'eau et impacts
sur les systèmes aquatiques, p.40.
46 Les métaux suivants ont été
détectés au moins dans un échantillon d'eau en contact
avec de résidus consolidés : aluminium, arsenic, antimoine,
barium, bore, chrome, cobalt, cuivre, fer, lithium, manganèse,
molybdène, nickel, plomb, sélénium, strontium, titane,
uranium, vanadium, et zinc (Collister et al., 2003).
risque d'augmenter si le taux de croissance du
développement des sables bitumineux reste élevé (Grant et
al., 2008).
Figure 15. Localisation des « end pit lakes »
planifiés dans la région de la forêt boréale de
l'Athabasca. Source: Westcott, 2006.
En théorie, ces lacs sont censés pouvoir
abriter un écosystème aquatique fonctionnel et capable de fournir
une activité biologique nécessaire à la
biodégradation des composés organiques accumulés sur le
fond, à une profondeur de 651100 mètres (Grant et al., 2008).
L'aménagement de ces EPL's a toutefois été approuvé
sans qu'on ait démontré leur efficacité.
La source d'eau primaire pour remplir les multiples
EPLs sera issue de la rivière Athabasca, ce qui risque d'en augmenter
encore d'avantage les prélèvements et d'en influencer
négativement le débit47.
Le terrain sur lequel les EPLs seront
aménagés sera drainé, de manière à ce que
les eaux de ruissellement, chargées de molécules organiques et de
sels, s'écoulent dans le lac après avoir passé à
travers les matériaux issus des résidus miniers. Ces
composés toxiques seraient alors dilués et dégradés
biologiquement avant d'être déchargés dans le bassin
versant de la rivière Athabasca.
Une incertitude de taille concerne l'état de
méromicticité dans lequel le lac doit être maintenu. Un lac
méromictique est un lac dont les couches d'eau supérieures ne se
mélangent pas aux couches inférieures. Dans le cadre des EPLs,
cet état est destiné à empêcher le mélange
des couches contaminées du fond avec les couches supérieures. Des
recherches supplémentaires sont nécessaires, mais il semble que
cet état puisse être obtenu en augmentant la salinité et
donc la densité de l'eau. Des études ont cependant
révélé que cet état ne serait que temporaire en
raison de l'absence d'un apport de sel continu (Grant et al.,
2008).
47 cf. infra.
Etant donné que les résidus seront
intégrés dans le terrain, dans le cas de résidus
consolidés ou disposé dans les EPLs, ils seront en contact avec
les eaux de surfaces et les eaux souterraines. Il est donc raisonnable de
s'interroger sur l'éventualité d'une contamination des eaux et un
risque d'impacts sur l'écosystème régional et les
espèces qui en dépendent (Grant et al., 2008).
(e) Succès à long terme des
opérations de remise en état
Même si certaines compagnies assurent que la
remise en état est viable et compatible avec les
écosystèmes antérieurs, 35 ans d'efforts indiquent le
contraire. Beaucoup d'incertitudes règnent quant à la
stabilité à long terme des terrains remis en état,
à les performances et à la survie des espèces
indigènes et à la possibilité de restaurer la
biodiversité propre à ces écosystèmes (Woynillowicz
et al., 2005). La diversité écologique et les interrelations de
l'écosystème boréal sont complexes. Beaucoup
d'environnementalistes sont sceptiques et pensent qu'il est improbable que
l'expérience à grande échelle qui se déroule
actuellement dans la région des sables bitumineux ne parvienne à
restaurer l'écosystème de la forêt boréale dans le
siècle à venir.
4.2.2. Consommation d'eau et impacts sur les
systèmes aquatiques
Les récentes inquiétudes quant à
la pérennité des eaux de surface et des ressources en eaux
souterraines ont poussé la province de l'Alberta à
améliorer et renouveler son plan d'action provincial sur la gestion de
l'eau48. Cette nouvelle stratégie a été
élaborée en tenant compte des changements climatiques et des
pressions croissantes sur les ressources aquatiques albertaines et en
intégrant certaines recommandations destinées à
accélérer les actions de préservation des ressources.
L'utilisation de l'eau douce représente le deuxième plus grand
défi de gestion environnemental du secteur pétrolier et gazier,
après les gaz à effet de serre et les émissions
associées. La nouvelle version de la stratégie provinciale
encourage tous les secteurs à développer des plans
d'amélioration de la conservation de l'eau et à renforcer les
programmes d'évaluation et de surveillance des systèmes
aquatiques, notamment les zones humides et les aquifères (Government of
Canada, 2008c ; Government of Canada, 2009c).
L'ampleur et la forte croissance des opérations
minières et du développement in situ posent actuellement de
graves problèmes d'utilisation et de gestion de l'eau. La demande en eau
du secteur des sables bitumineux est énorme. Les volumes d'eau
nécessaires sont puisés dans les nappes souterraines ou
prélevés à partir des eaux de surface (cours d'eau,
rivières, lacs). Avec 65% des prélèvements, les
opérations minières sont les plus grands utilisateurs d'eau de la
rivière Athabasca (Woynillowicz and Severson-Baker, 2006). La
quantité d'eau réellement utilisée pour la
récupération du pétrole est souvent moindre par rapport au
volume alloué, mais les proportions varient entre les entreprises, leur
âge ou le type de projet. Toutefois, 7% des allocations totales d'eau en
Alberta pendant l'année 2004 étaient destinés à la
production de pétrole et de gaz (Griffiths, 2006).
48 Water for Life Renewal Strategy, 2008 et
Water for Life Action Plan, 2009.
(a) Consommation d'eau par les exploitations
minières
Les prélèvements par l'exploitation
minière intégrée extraction et valorisation
nécessaires pour couvrir ses besoins en eau sont importants. Ce
procédé d'exploitation utilise de grandes quantités d'eau
lors des multiples étapes de la chaine de production et affecte les
ressources aquatiques à différents niveaux :
1 L'assèchement et le drainage de la couche
superficielle du sol (zones humides, tourbières, marais). Cette
étape, qui nécessite parfois plus de trois ans, est
réalisée en creusant dans le sol de profonds fossés de
drainage.
1 Le drainage de l'eau piégée dans le
mort-terrain à l'aide de pompes. Tout comme lors de l'étape
précédente, l'eau retirée n'ayant pas été en
contact avec les sables bitumineux, elle est généralement
rejetée dans la rivière Athabasca après avoir
séjourné dans des bassins de décantation. Certains
opérateurs l'utilisent néanmoins dans les procédés
miniers ou la vaporisent sur la surface des sols exposés afin de
réduire la formation de poussières.
1 La dépressurisation de l'aquifère
basal et le drainage actif de l'aire minière des ruissellements et des
infiltrations d'eau afin de prévenir les inondations de la mine. La
qualité de l'eau de l'aquifère basal varie, mais comme elle est
souvent saumâtre et est entré en contact avec les sables
bitumineux, elle ne peut être directement remise dans l'environnement
(Griffiths, 2006).
1 Le transport du sable bitumineux excavé de
l'exploitation minière à l'unité d'extraction par
hydrotransport. Bien que, cette nouvelle technique s'accompagne d'une
réduction de l'énergie nécessaire à l'extraction du
bitume. elle augmente significativement la demande en eau.
1 L'extraction du bitume à l'eau
chaude.
1 L'utilisation de l'eau comme source d'hydrogène
dans les installations de valorisation.
Les principales sources d'eau pour les
opérations minières des sables bitumineux sont la rivière
Athabasca et ses affluents et les eaux souterraines à partir de puits.
Pour produire un mètre cube (m3) de pétrole
synthétique brut, les opérations minières à ciel
ouvert (extraction et valorisation) utilisent entre 2 et 4.5 m3
d'eau. En réalité, le volume nécessaire est de 10
m3 par mètre cube de PBS, mais le volume d'eau net
utilisé est moindre, en raison de l'utilisation d'eau
recyclée.
La plus grande partie de l'eau consommée est
contaminée par des polluants pendant les divers traitements. Elle n'est
donc pas restituée dans le bassin versant de la rivière
Athabasca, mais déversée dans de grands bassins de
rétention.
(b) Consommation d'eau par les opérations in
situ
L'extraction in situ est pratiquée lorsque les
gisements de sables bitumineux se situent à une profondeur trop
importante pour être récupérés par exploitation
minière. De la chaleur sous forme de vapeur est injectée pour
réduire la viscosité du bitume pour qu'il puisse être
pompé à la surface par un puits de production.
Deux procédés sont
particulièrement utilisés : la stimulation cyclique par la vapeur
d'eau (SCV) et la séparation gravitaire stimulée par injection de
vapeur (SGSIV).49 Le rapport actuel vapeur/pétrole est de 5 :
1 pour les réservoirs exploité par SGISV et se situe entre 3 : 1
et 4 : 1 pour l'extraction par SCV, mais une grande partie de l'eau peut
être recyclée. Les besoins en eau pour la production in situ sont
généralement beaucoup plus faibles que pour les opérations
minières et les
49 cf. chapitre 2.3.2. Récupération in
situ, p.18.
compagnies qui recyclent l'eau utilisent en principe
moins de 0.5 m3 d'eau par mètre cube de bitume produit. Il
faut cependant noter que, compte tenu de l'infiltration d'eau à partir
des formations adjacentes et de son évaporation, ce rapport serait
plutôt de 1 :1 (Griffiths, 2006).
Une fois pompé à la surface, le bitume
est retiré de l'eau qui peut être recyclée et
réutilisée. Un volume additionnel doit toutefois être
ajouté pour remplacer l'eau perdue dans la formation ou lors des divers
traitements. Habituellement 2 à 3 m3 d'eau par mètre
cube de bitume peuvent être recyclés. L'eau utilisée pour
générer la vapeur nécessaire à l'extraction par SCV
ou SGSIV est généralement prélevée à partir
d'aquifères souterrains et peut être douce ou saline. Cependant,
comme cette dernière doit être préalablement traitée
pour éviter un taux de salinité trop élevée, un
mélange d'eau douce et d'eau saline est généralement
utilisé (Griffiths, 2006).
(c) La rivière Athabasca
Au total, les exploitations minières
approuvées sont autorisées à dévier 359 millions de
m3 par an de la rivière Athabasca, ce qui correspond à
presque deux fois le volume d'eau nécessaire pour couvrir les besoins
annuels de la ville de Calgary. En dépit du recyclage, et contrairement
à l'utilisation urbaine, moins de 10% de l'eau utilisée par le
secteur des sables bitumineux est restituée à la rivière,
la plus grande partie étant retenue dans les bassins de résidus
jusqu'à la fin du projet d'exploitation (Griffiths, 2006). Les sites
d'extraction à ciel ouvert planifiés et approuvés
entraîneront une augmentation des prélèvements cumulatifs
de la rivière Athabasca à hauteur de 529 millions de
m3 par an (Woynillowicz and Severson-Baker, 2006).
Le débit de la rivière Athabasca est
sujet à des variations saisonnières naturelles. Pendant les mois
de novembre à mars quand le ruissellement des eaux est limité et
que la rivière est en partie recouverte par la glace, le débit
atteint son niveau le plus bas, bien en-dessous de la moyenne annuelle
(Griffiths, 2006). On comprend maintenant mieux que les importants
prélèvements d'eau de la rivière Athabasca dans le
contexte des activités d'extraction à ciel ouvert pendant les
mois d'hiver peuvent avoir des conséquences sur la
pérennité de l'environnement aquatique. L'intégrité
écologique des écosystèmes aquatiques de l'Alberta
dépend d'un débit adéquat et des variations naturelles de
ce débit au fil des saisons.
La rivière Athabasca héberge 31
espèces de poissons adaptés à l'écosystème
aquatique boréal. Les températures froides de l'eau ralentissent
le développement et la plupart des espèces nécessitent
entre 6 et 10 ans, pour atteindre le stade reproductif (Woynillowicz and
Severson-Baker, 2006). L'écosystème fluvial et les populations de
poissons sont particulièrement sensibles aux prélèvements
d'eau en hiver, période à laquelle les précipitations
faibles conduisent à un débit exceptionnellement faible, car le
nombre d'habitats disponibles est réduit et des
prélèvements d'eau effectués à ce moment pourraient
d'avantage en limiter le nombre (Woynillowicz and Severson-Baker,
2006).
Pour maintenir la prospérité de
l'écosystème fluvial, une valeur seuil, appelée «
instream flow need» (IFN), représentant la quantité d'eau
minimale pour permettre un débit adéquat de la rivière,
est en cours de définition pour chaque cours d'eau de la province. Le
gouvernement de l'Alberta a fait du développement et de la
réalisation d'une gestion basée sur cet IFN une priorité
pour les rivières de son territoire. Mais dans l'intervalle les licences
de prélèvement d'eau continue d'être
délivrées (Griffiths, 2006).
(d) Les bassins de résidus
La proportion de bitume contenue dans les sables
bitumineux varie entre 10% et 18%. Cette fraction est séparée des
sables et de l'argile par un procédé nécessitant de
grandes quantités d'eau chaude et l'ajout de soude caustique. Le bitume
extrait est expédié pour traitement supplémentaire et le
mélange d'eau (l'eau provenant des sables bitumineux et l'eau
ajoutée pendant les processus d'extraction), de sable, d'argile et de
bitume résiduel est entreposé sous forme de résidus aqueux
dans de grands bassins. Selon la qualité des sables bitumineux, entre 3
et 5 m3 d'eau chargée en résidus part mètre
cube de bitume sont déversés (Griffiths, 2006).
Les bassins de résidus sont des installations
typiques de l'exploitation à ciel ouvert et par leurs dimensions
figurent parmi les constructions humaines les plus imposantes de la
planète. Ils recouvrent actuellement une surface de 50 km2 et
génèrent une aire de perturbation de 150 km2 (Peachey,
2005). Ils sont installés dès le début des
opérations minières par la construction de grandes digues. Au fur
et à mesure de l'exploitation, les mines abandonnées sont
également transformées en bassins de
rétention.
Les résidus de déchets sont produits
à un taux de 1.8 milliards de litres par jours (Grant et al., 2008).
Constitué d'eau, de sable, de limon argileux, d'hydrocarbures non
récupérés et de composés dissous (MacKinnon et al.,
2001), ils contiennent une série de composés potentiellement
toxiques : acide naphténique, hydrocarbures aromatiques polycycliques,
composés phénoliques, ammoniaque, mercure et traces d'autres
métaux (Nix and Martin 1992), ainsi qu'un niveau élevé de
sodium, de chlore, de sulfate, de matières en suspension et un faible
taux d'oxygène dissous.
Les résidus pompés de l'unité
d'extraction sont entreposés dans les bassins et laissés
sédimenter afin de séparer les particules de la couche d'eau
supérieure qui peut être recyclée. Le sable se
sépare rapidement et se dépose au fond (CAPP, 2009), les autres
particules, plus fines, nécessitent plusieurs décennies pour
décanter et se solidifier, parfois jusqu'à 150 ans (Fedorak et
al., 2002). Les dépôts, appelés résidus fins
terminaux (RFT), forment une sorte de boue constituée de 30% de
particules fines, de sables et d'argile, et de 70% d'eau qui ne peut être
recyclée (Griffiths, 2006). Pour faciliter le traitement des RFT, les
compagnies pétrolières utilisent, de plus en plus
fréquemment, des procédés de solidification pour les
transformer en résidus consolidés qui seront
intégrés dans les terrains remis en état.
Pour éviter que la faune n'entre en contact
direct avec les polluants contenus dans les bassins, les sociétés
exploitantes utilisent des canons au propane, qui produisent une nuisance
sonore et empêchent les espèces animales de s'approcher des
bassins. Cette mesure est principalement prévue contre les oiseaux
migrateurs qui viennent dans la région pour se reproduire et nidifier
(Héritier, 2007 ; Timblin et al., 2009). Cependant des incidents sont
déjà survenus et Syncrude a été fortement
critiquée, en 2008, lorsque plusieurs centaines de canards ont
trouvé la mort après avoir atterri sur un bassin de la
société pétrolière (Austen, 2008).
Les principales menaces des bassins de résidus
sur l'environnement résident cependant dans la migration des polluants
à travers le système des eaux souterraines et dans le risque de
fuites dans le sol environnant ou dans les eaux de surface. Ces bassins
requièrent ainsi une surveillance à long terme et risquent de
devenir un problème redoutable si les compagnies ne peuvent pas couvrir
elles-mêmes le nettoyage.
En outre il a récemment été
montré que ces bassins étaient favorables au développement
de bactéries productrices de méthane. En plus d'être un gaz
à effet de serre, le méthane interfère avec la formation
des RFT. Les bulles de méthanes influencent la densité des RFT et
le dégagement des gaz déstabilise l'interface des résidus
fins en favorisant la resuspension des particules.
On estime que si les opérations continuent au
rythme actuel, le milliard de mètres cubes contenus dans les bassins de
résidus sera atteint en 2020. Actuellement, aucune proposition de
restauration capable de traiter les volumes prévus de résidus
fins d'une manière qui soit techniquement, écologiquement et
économiquement viables n'a été développé.
Alors que les étangs de résidus sont activement surveillés
et entretenus, et que la possibilité d'une catastrophique
écologique suite à la rupture accidentelle d'une digue est
considérée comme faible, la viabilité à long terme
de ces digues restera une préoccupation constante longtemps après
la fin des opérations, car toutes défaillances pourraient
être à l'origine d'un rejet de résidus toxiques dans la
rivière Athabasca qui serait extrêmement difficile de traiter et
de réparer (Griffiths, 2006).
(e) La qualité de l'eau
Les opérations d'exploitations des sables
bitumineux regroupent de nombreux procédés consommateurs d'eau,
qui la transforment en un produit altéré ne pouvant pas
être déchargé dans l'environnement en raison de sa
piètre qualité. Les eaux ayant été en contact avec
les sables bitumineux, le coke, des asphaltènes, ainsi que des
métaux lourds doivent être stockées, traitées et
disposées de manière à prévenir une contamination
des écosystèmes aquatiques (Griffiths, 2006). Bien que le
recyclage des eaux utilisées permette de réduire la demande en
eau douce, le procédé affecte la qualité des ses eaux en y
concentrant les constituants organiques et inorganiques (Giesya et al., 2010).
Les eaux contaminées comprennent :
1 les eaux de résidus (bassins de résidus
et RFT, l'eau extraite lors de la formation de résidus
consolidés, l'eau des EPLs)
1 les eaux drainées (tourbières, morts
terrains, ruissellement et infiltration des mines) 1 l'eau souterraine
provenant de la dépressurisation des aquifères
1 les eaux usées
1 les effluents de raffineries
1 les eaux de refroidissement
Les résidus des sables bitumineux et les eaux
associées sont chargés de bitume et de diluant (par ex. le
naphta) résiduels. Etant donné que les matériaux issus des
résidus seront intégrés dans la remise en état du
terrain (dans le cas de résidus consolidés) ou disposés
dans les EPLs (dans le cas de RFT), et seront par conséquent en contact
avec les eaux souterraines et les eaux de surface, il y a lieu de
s'inquiéter à propos d'un impact potentiel sur la qualité
des eaux (Griffiths, 2006).
Les contaminants environnementaux et les
composés toxiques les plus importants dans les dépôts de
sables bitumineux et les bassins de résidus sont les acides
naphténiques de faible poids moléculaire. Malgré
l'inquiétude et les préoccupations engendrées par la
persistance et la toxicité aquatique des acides naphténiques,
l'Alberta Environment n'a pas encore émis de régulation stricte
pour cette classe de molécule (Woynillowicz et al., 2005). Les acides
naphténiques sont des molécules organiques constituées
d'acide carboxylique acyclique, monocyclique et polycyclique naturellement
présentes dans certains dépôts d'hydrocarbures
(pétrole, sables bitumineux) dans une proportion proche de 4% (Headley
and McMartin, 2004). Ces composés organiques sont solubilisés
dans l'eau et se retrouvent concentrés dans les eaux issues des
opérations d'exploitation des sables bitumineux. Les concentrations
ambiantes des acides naphténiques varient selon le caractère du
sous-sol, mais les concentrations moyennes normales dans les cours d'eau de la
région de l'Athabasca sont généralement inférieures
à 1 milligramme par litre (mg/L). En comparaison, les concentrations
mesurées dans les eaux des bassins de résidus des exploitations
de sables
bitumineux sont beaucoup plus élevées et
atteignent 1101120 mg/L (Headley and McMartin, 2004). Les acides
naphténiques sont toxiques pour toute une gamme d'organismes aquatiques
(par exemple, certains poissons comme Oncorhynchus mykiss et
invertébrés, tel Dapnia magna (Clemente and Fedorak,
2005)) et semblent être persistants (Giesya et al., 2010). Ils
s'accumulent dans les sédiments et bien que certaines bactéries
soient en mesure de les dégrader, ils paraissent résistants
à la dégradation par la biomasse microbienne dans les
environnements aquatiques (Del Rio et al., 2006). La remise en état de
paysages terrestres et aquatiques intégrant les résidus dans le
terrain devrait tenir compte des concentrations des acides naphténiques,
de leur devenir et de leur transport dans l'environnement (Headley and
McMartin, 2004).
Les hydrocarbures aromatiques polycycliques
(dibenzothiophènes, phénanthrène/anthracènes,
fluoranthènes/pyrènes et
benzo(a)anthracènes/chrysènes et leurs dérivés
alkylés) ou HAP constituent d'autres molécules présentes
en quantités non négligeables dans les bassins de résidus
(Giesya et al., 2010). Ces molécules existent à l'état
naturel dans les sédiments de sables bitumineux, par exemple, et peuvent
provenir d'évènements pyrolytiques naturels tels les feux de
forêts et de prairies ou les éruptions volcaniques, cependant
certaines activités de combustion anthropiques sont également
responsables de leur production et dissémination. La toxicité des
ces HAP est démontrée, tous sont mutagènes, certains sont
cancérigènes et plusieurs de ces substances ont été
classé comme polluants prioritaires par l'OMS.
Une étude récente a montré qu'en
plus des HAP libérés par les sédiments de sables
bitumineux, la rivière Athabasca et ses affluents sont exposés
à une concentration additionnelle de HAP provenant des opérations
minières et des unités de valorisations. Alors que les
concentrations de HAP à la surface de l'eau d'un site non affecté
par l'exploitation des sables bitumineux se situent à environ 0.015
microgrammes par litre (ìg/L), elles sont 10 à 50 fois plus
élevées (0.682 ìg/L) dans les sites les plus
touchés par la contamination et correspondent aux doses
présentant une toxicité pour les embryons de poissons (Kelly et
al., 2009). Les embryons de certains poissons natifs50 du bassin
versant de l'Athabasca montrent des hauts taux de mortalité, une
diminution de la croissance et des signes pathologiques caractéristiques
lorsqu'ils sont exposés aux HAP. L'exposition aux hydrocarbures
aromatiques polycycliques interfère également avec la
reproduction des poissons en inhibant les fonctions endocrines. Les transports
atmosphériques et fluviaux semblent être à l'origine de la
dissémination des HAP dans la région (Kelly et al., 2009). Le
point fort de cette étude, est que les concentrations
révélées par l'équipe de chercheurs de
l'université de l'Alberta sont nettement supérieures à
celles enregistrées par le service de surveillance des milieux
aquatiques de l'Alberta, le RAMP51 (Regional Aquatics Monitoring
Program) (Miserey, 2010). Depuis 1997, le programme RAMP, un programme
financé par l'industrie et dirigé par un comité
multipartite, dont les membres sont représentés par des
organismes gouvernementaux et des sociétés
pétrolières, surveille la qualité de l'eau et des
sédiments du bassin de la rivière Athabasca dans la région
des sables bitumineux. Depuis dix ans, ce programme affirme que la pollution
mesurée correspond à des niveaux naturels et provient de sources
naturelles (Kelly et al., 2009). La révélation de l'équipe
scientifique albertaine a démontré l'incompétence du
programme et la nécessité d'une approche scientifique
sérieuse et transparente dans l'étude des impacts potentiels que
l'exploitation des sables bitumineux pourrait
générer.
50 Pimephales promelas et Catostomus
commersonii (Colavacchia et al., 2004 ; Colavacchia et al., 2006)
51 cf. site internet de RAMP :
http://www.ramp-alberta.org/ramp.aspx,
consulté le 12 juillet 2010
(f) Le prélèvement des eaux souterraines
Le prélèvement d'eau à partir des
réserves souterraines et la dépressurisation des aquifères
pourraient occasionner des impacts non seulement sur les systèmes
aquatiques locaux, mais aussi sur ceux de la région entière. Des
connexions existent entre eaux souterraines et de surface et selon la
situation, une rivière peut soit voir son débit augmenter par
l'afflux d'eaux souterraines ou inversement constituer une source pour leurs
recharges.
Les opérations influent sur les interactions
entre les réserves souterraines et la rivière Athabasca,
notamment les flux et débit hydriques entre les différents
réservoirs et l'alimentation et la recharge de zones humides et de
tourbières. La compagnie CNRL a montré que la
dépressurisation de l'aquifère basal dans la région de la
mine Horizon pouvait potentiellement affecter une zone de 9'820 ha.
Actuellement les impacts régionaux sont peu
compris et nécessitent la mise en place de programme de surveillance et
d'étude de risques. Mais dans l'hypothèse que ces programmes
réussissent à identifier des risques, il serait alors difficile
d'arrêter les prélèvements déjà
commencés, au risque d'inonder les mines en cours d'exploitation
(Griffiths, 2006).
4.2.3. Fragmentation des habitats
Alors que les opérations d'extraction in situ
sont considérées comme étant moins invasives et ayant
moins d'impacts négatifs sur les terres, elles génèrent
toutefois une perturbation linéaire et une fragmentation importante des
habitats. Les installations d'exploitation in situ s'accompagnent d'un
réseau de lignes sismique, de routes, de couloirs de lignes à
haute tension, de pipelines et autres infrastructures qui créent un
morcellement du terrain ( Figure 6).
1
Figure 16. Image satellite d'une aire d'exploitation in
situ. Source : Woynillowicz et al., 2005. Image:
terraserver.com.
Les opérations d'extraction, et plus
particulièrement l'extraction par le procédé SGISV,
nécessitent que les puits horizontaux (puits d'injection et puits de
production) soient placés de manière très
précise l'un par rapport à l'autre.
Cette précision ne peut être obtenue que par une information
détaillée de la localisation des gisements, apportée par
des activités d'exploration préalables (Schneider and Dyer,
2006). L'exploration est réalisée par une analyse sismique
à deux dimensions (2D) pour s'assurer de la viabilité commerciale
du dépôt et de ses limites, dans un premier temps, puis d'une
modélisation 3D, avant la production, pour obtenir des informations
détaillées du dépôt et permettre le placement
correct des puits horizontaux. L'exploration sismique requiert le forage
systématique de puits selon un quadrillage de la région à
sonder. Les puits sont généralement forés selon des
techniques conventionnelles qui incluent la déforestation des zones
impliquées et la construction de routes d'accès pour la
machinerie lourde (Schneider and Dyer, 2006).52
On parle de fragmentation lorsqu'une aire d'habitat
étendue et continue est réduite en petites parcelles d'habitat
isolées. Ce qui provoque une réduction du nombre d'habitat
disponible et une entrave dans les déplacements de la faune sauvage et
des oiseaux (Woynillowicz et al., 2005).
Alors que ces impacts paraissent, au premier abord,
moins sérieux que les dégâts provoqués par les
opérations minières, la fragmentation des habitats pourrait se
révéler la menace la plus sérieuse pour la
diversité biologique et une des premières causes de risque
d'extinction. L'impact négatif se ressent particulièrement chez
les espèces qui nécessitent des aires étendues, tels les
grands carnivores et certains oiseaux (Woynillowicz et al., 2005). Le caribou
des bois et les mammifères à fourrure (tel le lynx et la martre)
sont des espèces susceptibles de disparaître de la région
soumise à l'extraction de sables bitumineux par SGISV. Le déclin
des populations a été corrélé avec le niveau de
développement industriel et la densité de routes dans leur
région (Dzus, 2001 ; Nielsen et al., 2007).
La création de routes et le déboisement
de sites de forage facilitent en plus l'accès pour la chasse et les
activités récréatives, pouvant engendrer une pression
supplémentaire sur les populations.
Ces perturbations linéaires sont maintenant
ubiquitaire dans la forêt boréale de l'Alberta. Bien que certains
progrès aient été faits afin de réduire la largeur
des lignes sismiques53, les régions concernées par les
opérations d'extraction in situ sont couvertes d'un réseau de
tranchées. Ces dégâts sur la forêt ont
été exclus des mesures de gestion du paysage et il n'est pas
exigé que les industries pétrolières
revégétalisent les lignes sismiques et les chantiers de forages
lors de la remise en état du terrain (MacFarlane, 1999 ; Woynillowicz et
al., 2005). Il a été montré que la
régénération, la croissance et la densité des
arbres dans ces aires étaient faibles et inversement
corrélées à la densité du couvert de
graminées qui a tendance à dominer ces aires. Les changements
observés sur l'âge et les caractéristiques de croissance
des arbres pourraient à long terme entraîner des pertes
cumulatives du couvert végétal et avoir des implications sur
l'ensemble des espèces et l'intégrité de la forêt
boréale (MacFarlane, 1999).
4.2.4. Émissions atmosphériques et
acidification des lacs
L'expansion rapide des sables bitumineux s'accompagne
d'une émission de pollution atmosphérique importante en
Alberta. Les principaux contaminants atmosphériques
(PCA)54
52 L'étude sismique du sous-sol est
basée la transmission d'énergie acoustique dans le sol, et
l'enregistrement des variations d'énergie transmises par les diverses
formations géologiques. La source de l'énergie acoustique est
généralement produite par la détonation de charges de
dynamite dans un puits de forage. L'énergie retournée est
enregistrée à l'aide de géophones. Le temps de parcours
bidirectionnel mis par l'énergie acoustique permet d'élaborer un
modèle assez fidèle du
sous-sol. cf. Centre
info-énergie,
http://www.centreinfoenergie.com/silos/ET-CanEn01.asp
53 Jusqu'à peu, la largeur des lignes sismiques
était de 6-8 mètres (Schneider and Dyer, 2006).
54 Criteria Air Contaminants (CACs), en anglais.
relâchés par l'industrie
pétrolière et la combustion d'énergies fossiles
comprennent les oxydes d'azote (NOx), le dioxyde de souffre (SO2), les
composés organiques volatiles (COVs) et les particules fines (PM). Les
émissions renferment également d'autre polluants toxiques, tels
des métaux lourds, des hydrocarbures aromatiques
polycycliques55 ou de l'ammoniaque. Ces polluants peuvent affecter
la santé humaine et entraîner des affections des voies
respiratoires supérieurs et des poumons, et certain COVs sont toxiques
et carcinogènes. Actuellement 500 tonnes de COVs sont émis dans
l'atmosphère par les opérations d'exploitation des sables
bitumineux et par l'évaporation des COVs contenus dans les bassins de
résidus (Woynillowicz et al., 2005).
Selon Pollution Watch56, l'Alberta a
relâché dans l'air, en 2005, presque 1.1 milliards de kilogrammes
de polluants toxiques et de PCA, représentant 27% de la pollution
atmosphérique totale du Canada pour cette année (Pollution Watch,
2007).
Depuis les années 1990, l'industrie des sables
bitumineux a réduit et continue de réduire le volume de polluants
émis par baril de pétrole synthétique brut produit
(c'est-à-dire l'intensité des émissions). Cependant
lorsque l'économie croît plus vite que l'intensité des
émissions ne diminue, les émissions augmentent. De plus
malgré ces efforts, l'intensité des émissions de la
production des sables bitumineux pour les polluants communs reste nettement
supérieure à celle de la production de pétrole
conventionnel (Hazewinkel et al., 2008 ; Woynillowicz et al.,
2005).
Les activités d'extraction et de traitement des
sables bitumineux dans la région de Fort McMurray ont
généré, en 2006, approximativement 204 tonnes de SO2 par
jour et 312 tonnes de NOx par jour57 (Deer Creek Energy Ltd., 2006).
Ces deux contaminants sont connus pour les pluies et les dépôts
acides qu'ils peuvent générer lorsqu'ils entrent en contact avec
des gouttelettes d'eau présentes dans l'atmosphère. Les
conséquences de l'acidification sur l'environnement sont : une
altération du sol par dissolution et lavage des nutriments, une
réduction de la vitesse de croissance des arbres et de la flore en
général, et une altération des lacs et des étendues
d'eau par la réduction de leur capacité de
neutralisation.
L'étendue des aires actuellement
affectées par les dépôts acides reste toutefois inconnue.
La surveillance et les mesures sporadiques effectuées depuis 1999 par le
programme RAMP n'apportent pas de résultats suffisants pour
établir une tendance de l'étendue de l'acidification de la
région (Hazewinkel et al., 2008). Il est pourtant indéniable que
les apports de particules acides, dans un certain nombre de lacs du nord-est de
l'Alberta, dépassent leur « capacité critique »58
(RAMP, 2010). Bien que l'analyse de la composition chimique des lacs en Alberta
ne permette pas encore de mesurer une diminution du pH en lien avec les
dépôts acides, on constate toutefois des changements
écologiques rapides non incompatibles avec les apports
atmosphériques industriels, qui résulteraient de processus
biogéochimiques de tamponnage de l'acidité (Hazewinkel et al.,
2008).
55 Au sujet des hydrocarbures aromatiques
polycycliques, voir le chapitre 5.2.2. Consommation d'eau et impacts sur les
systèmes aquatiques.
56 Le projet Pollution Watch (
http://www.pollutionwatch.org)
est une collaboration entre Environmental Defense (
http://www.environmentaldefence.ca/)
et the Canadian Environemental Law Association (
http://www.cela.ca/), et dont
l'information se base sur le National Pollutant Release Inventory (NPRI).
57 Les valeurs données par le NPRI sont
toutefois plus faibles, car elles excluent les émissions des
véhicules miniers.
58 La capacité critique représente la
sensibilité d'un lac. Elle est définit comme la plus grande
quantité de dépôt acide qu'un lac puisse supporter avant
qu'il ne subisse des changements chimiques et biologiques à long
terme.
4.2.5. Enjeux sociaux
La mise en valeur des sables bitumineux a
été le déclencheur d'un développement
économique sans précédant dans la région de Fort
McMurray. La croissance extrêmement rapide des projets de
développement a permis d'atteindre en 2004 l'objectif de production d'un
million de barils par jour, censé être atteint en 2020. Cette
industrie injecte dans l'économie plusieurs milliards et
représentait, en 2007, 5.6% du PIB canadien. L'exploitation
créé également 372'000 emplois, soit 2.2% de la population
active (Talbot, 2009). Cependant, si le niveau élevé de
production a généré un impact économique majeur
pour la région et le Canada, il s'est traduit également par des
bouleversements tout aussi importants sur le plan municipal et
social.
(a) Répercussions sur les Premières
Nations
La Municipalité régionale de Wood
Buffalo qui héberge en grande partie les aires d'exploitation des sables
bitumineux s'avère être un lieu de résidence important des
populations autochtones ou Premières Nations59. Certaines
sociétés comme Syncrude font un effort
délibéré pour les prendre en considération et
soutenir leur participation à l'industrie des sables bitumineux. Mais
même si les Premières Nations ont réussi dans une certaine
mesure à tirer profit de cette activité, notamment grâce
aux nouvelles occasions d'emploi et d'affaires qui s'offrent, de nombreux
résidents des ces collectivités continuent de vivre dans la
pauvreté en dépit de la richesse considérable de la
région. En outre, le développement de l'industrie des sables
bitumineux occupent des segments de plus en plus vastes des territoires
traditionnels des Premières Nations et endommagent les terrains et les
écosystèmes dont ils tirent depuis toujours leur subsistance. La
région est de plus en plus polluée et les habitants craignent les
aliments issus de la chasse et de la pêche et l'eau de la rivière
qu'ils avaient l'habitude de consommer (Comité permanent des ressources
naturelles, 2007). Certains habitants de Fort Chipewyan, soutenus par des
médecins, prétendent que le taux d'incidence de cancers est plus
élevé dans le village, que de nouvelles formes de cancers rares
sont diagnostiquées, et accusent la pollution déversée par
les sociétés pétrolières d'en être
responsable (Harkinson, 2008). Après des années de déni,
les experts gouvernementaux ont reconnu, en 2009, le taux anormalement
élevé de cancer. Ils tempèrent, toutefois, les
résultats « fondés sur un petit nombre de cas » et
concluent qu'un lien entre la pollution potentielle et des effets sur la
santé ne peut pas encore être confirmé (Chen,
2009).
(b) Impacts sur le plan social
Le développement accéléré
des sables bitumineux et l'arrivée massive d'ouvriers du pétrole
ont eu un impact considérable sur la région et ont radicalement
transformé la ville de Fort McMurray. L'agglomération a
doublé de taille en quelques années. Le plan de
développement municipal reste toutefois basé sur des
prévisions qui ne tiennent pas compte du taux de croissance
démographique actuel. Cette croissance trop rapide a engendré de
nombreux problèmes sociaux et locaux. Sur 72 critères de mesure
de la qualité de vie, 70 sont insuffisants (Woynillowicz, 2007). Les
infrastructures locales et les services publics sont débordés et
rien n'indique que la situation est en train de changer (Office national de
l'énergie, 2006).
Le coût des loyers à Fort McMurray est le
plus élevé du Canada et ceux de l'immobilier sont les plus hauts
en Alberta. L'offre de nouveaux logements est considérablement ralentie
par le manque de terrains et la pénurie de main-d'oeuvre dans le secteur
de la construction. Le nombre de sansabri, gonflé par le coût
exorbitant du logement est le plus élevé en Alberta
(Comité permanent des ressources naturelles, 2007).
59 Terme utilisé par les populations
autochtones ou indigènes canadiennes pour désigner les «
Amérindiens ».
Le système de soins de santé est
saturé et nécessite une augmentation du personnel, une nouvelle
formule de financement et de nouvelles installations de soins. Par ailleurs la
municipalité manque d'écoles, d'enseignants et de ressources
pédagogiques, et les programmes, services et installations à
vocation sociale ne répondent plus aux besoins actuels. La
capacité de la municipalité à répondre aux besoins
de base en infrastructures est depuis longtemps dépassée. Si
aucune solution adéquate n'est proposée, cette situation pourrait
mettre en péril la durabilité de l'exploitation des sables
bitumineux (Comité permanent des ressources naturelles,
2007).
4.3. Impacts environnementaux globaux 4.3.1.
Utilisation de gaz naturel
L'exploitation, l'extraction et la valorisation des
sables bitumineux requièrent énormément d'énergie,
actuellement fournie par un approvisionnement en gaz naturel important. Les
projets de récupération in situ et d'exploitation minière
intégrée consomment respectivement 34 mètres cubes et 20
mètres cubes de gaz naturel pour produire un baril de
bitume60. Les besoins en gaz naturel du secteur sont
approximativement de 25.5 millions de mètre cube par jours, soit 5% de
la production du bassin sédimentaire de l'Ouest canadien. Ce qui
représente environ 20% de la demande canadienne (Nikiforuk, 2009 ;
Office national de l'énergie, 2009). Selon les prévisions, la
consommation atteindra 60 millions de mètre cube par jour en 2015, soit
près de 12 % de la production de gaz naturel, en supposant que la
production de gaz se maintienne à 482 millions de mètres cubes
par jour (Office national de l'énergie, 2009).
Les opérations d'extraction in situ reposent
actuellement sur la production de grandes quantités de vapeur d'eau,
destinées à fluidifier le bitume pour qu'il puisse être
pompé à la surface, et nécessitent par conséquent
un approvisionnement important en gaz naturel. Durant ces
procédés, la quantité de vapeur qui doit être
injectée pour récupérer une unité de volume de
bitume, appelée rapport vapeur/pétrole, est le facteur critique
qui détermine la consommation d'énergie et l'émissions de
gaz à effet de serre associées. Ce rapport est une mesure de
l'efficience des procédés de production. Une augmentation de ce
rapport de 0.5 est approximativement équivalente à un volume
additionnel de gaz naturel de 6 m3 par baril de bitume, responsable
d'une émission additionnelle de 10 kilogrammes d'équivalent-CO2
par baril (kgCO2eq/bbl) (Charpentier et al., 2009 ; Office national de
l'énergie, 2006). Bien que les compagnies tentent d'atteindre un rapport
vapeur/pétrole de 2.5, la plupart des projets ont sous-estimé ce
rapport et voient leur consommation de gaz naturel augmenter.
La hausse des prix de l'énergie, ces
dernières années, a engendré une augmentation
significative des coûts de production. Face à l'accroissement et
à la volatilité des prix, les producteurs, soucieux de moins
dépendre du gaz, continuent d'améliorer l'efficience
énergétique des opérations et tentent d'explorer des
solutions alternatives pour se procurer l'énergie et l'hydrogène
nécessaires à l'exploitation (Levi, 2009).
60 En termes d'énergie, ces quantités
sont équivalentes à un huitième et un quart de baril de
pétrole, respectivement (Levi, 2009). Ce qui signifie qu'un baril de
pétrole environ est consommé pour en produire quatre.
4.3.2. Émissions de gaz à effet de
serre et objectifs de Kyoto
Le problème principal engendré par la
consommation massive d'énergie fossile par l'industrie des sables
bitumineux réside dans la controverse sur les émissions de gaz
à effets de serre61 (GES) qui y sont associées. Le
secteur des sables bitumineux et de l'industrie des énergies fossiles
est le plus grand contributeur à la croissance des émissions de
GES au Canada. Bien que l'intensité des émissions ait
été fortement réduite par l'industrie62, cette
dernière décennie, la rapidité et l'ampleur du
développement ont largement annulé ces gains, en termes
d'émissions.
En dépit du manque évident de
transparence des compagnies pétrolières et de la
difficulté de combiner les résultats de différentes
études, Charpentier et al., (2009) ont regroupé et comparé
les émissions de GES issus de divers types de production de
pétrole ( Tableau ).
2L'analyse «well-towheel» - actuellement
controversée, car la méthodologie utilisées est
critiquée (Nikiforuk, 2009 ; Droitsch et al., 2010) - montre une
différence faible entre les émissions de GES en fonction du moyen
de production (exploitation minière et valorisation, extraction in situ
et valorisation, in situ seulement, pétrole conventionnel). Ceci
s'explique dans une premier temps, par la part considérable des
émissions de GES due à l'utilisation des véhicules
(combustion du carburant final), qui compte pour 60%-80% du total
«well-to-wheel », et tend à diluer les différences
entre les émissions dégagées au début du processus,
et d'autre part, par le recours de plus en plus fréquent à la
Récupération Assistée du Pétrole (RAP)63
qui entraîne une augmentation des émissions dans la production
dite conventionnelle (Government of Canada, 2008b). Néanmoins, les
émissions de GES à la production varient grandement selon
l'origine du pétrole. La production issue des sables bitumineux
(exploitation minière et valorisation, extraction in situ et
valorisation) génère approximativement deux à trois fois
plus de GES que la production conventionnelle (Charpentier et al., 2009 ;
Government of Canada, 2008b ; Nikiforuk, 2009 ; Woynillowicz et al.,
2005).
|
Production (kgCO2eq/bbl)
|
"well-to-wheel" (gCO2eq/km)
|
Mining and Upgrading (PSB)
|
62 - 164
|
260 - 320
|
in situ and Upgrading (PSB)
|
99 - 176
|
320 - 350
|
in situ (Bitumen)
|
n.d
|
270 - 340
|
Conventional oil production (Crude Oil)
|
27 - 58
|
250 - 280
|
Tableau 2. Emissions de GES exprimées en
équivalent-CO2 pour la production et l'utilisation de produits
pétroliers en Alberta. Source : auteur, d'après Charpentier et
al., 2009.
Le Canada est un des 38 pays industrialisés
(pays de l'Annexe I) engagés par le Protocole de Kyoto à des
objectifs individuels, légalement contraignants, de réduction ou
de limitation de ses émissions de gaz à effet de serre. Les
objectifs pour le Canada constituent une réduction totale
d'émissions de GES, pour 2012, de 6% par rapport au niveau de 1990.
Ainsi, pour respecter ses
61 Les gaz à effet de serre qui font l'objet
d'une estimation dans l'inventaire national sont le dioxyde de carbone (CO2),
le méthane (CH4), l'oxyde nitreux (N2O), l'hexafluorure de soufre (SF6),
les perfluorocarbures (PFC) et les hydrofluorocarbures (HFC).
62 Suncor (2007) affirme avoir réduit de 57%
l'intensité des émissions, entre 1990 et 2006.
63 RAP est un terme utilisé pour définir
les techniques (injection de vapeur, de gaz ou de produits chimiques)
développées pour augmenter la part extractible d'un gisement
donné.
engagements, les émissions totales en 2012
devraient se situer en dessous de 563 mégatonnes
(Mt)64.
Les émissions globales de GES, au Canada, ont
augmenté de 24%, de 1990 à 2008, ce qui porte les
émissions globales à 734 Mt65, soit un
dépassement de 30.4% par rapport aux engagements juridiques qu'a pris le
Canada dans le cadre du protocole de Kyoto. L'industrie des énergies
fossiles est responsable de 30% de cette augmentation et a augmenté ses
émission, pour la même période, de 57% (Environment Canada,
2009 ; Government of Canada, 2008b). En 2004, 3% des émissions du Canada
étaient issues du secteur des sables bitumineux. Actuellement, ce
secteur représente 5% des émissions totales66 (37.2
Mt), et combiné à la production de gaz et de pétrole
conventionnel, propulse l'Alberta à la tête des provinces
canadiennes avec plus de 30% des émissions totales nationales de
GES.
Il est maintenant évident que le Canada ne
respectera pas ses engagements pris dans le cadre du Protocole de Kyoto. Et
ceci, même en imaginant faire appel aux différents
mécanismes de flexibilité prévus par le protocole
(Footitt, 2007). Parmi les Etats s'étant engagés à
réduire leurs émissions de GES, le Canada se positionne en
troisième position des pays ayant les plus mauvais résultats par
rapport aux engagements. Entre 1990 et 2004, le Canada est devenu le
huitième plus grand émetteur de GES et a dépassé
les Etats-Unis, qui affichent un meilleur bilan, en termes de croissance des
émissions (Nikiforuk, 2009). Avec environ 0.5% de la population mondiale
et approximativement 2% des émissions mondiales, le Canada s'est
positionné parmi les plus grands émetteurs de GES per
capita.
Après avoir rendu public le bilan des
émissions, le gouvernement conservateur de Stephen Harper a
été fortement critiqué, d'abord pour avoir mené une
politique qui accorde une importance démesurée à
l'industrie pétrolière et encourage le développement des
sables bitumineux, et ensuite pour avoir remplacé le plan de
réduction des GES, que les libéraux du gouvernement Paul Martin
avaient mis en place, par des mesures incitatives légères
(Francoeur, 2009). Pour justifier l'échec du contrôle des
émissions, le Premier ministre Harper s'est défendu en
déclarant qu'il était difficile de faire des progrès au
Canada en l'absence d'un partenaire américain conciliant. Or ces
derniers proposent un plan de relance qui contient bien plus de mesures
destinées à encourager les investissements dans le
développement d'énergies propres que le budget de Harper
présenté fin janvier 2009 (Simpson, 2009).
Bien que les sables bitumineux ne puissent être
tenu seuls pour responsable de la croissance des émissions canadiennes,
il est évident que le développement de leur exploitation y a
joué un rôle important. Les sables bitumineux sont responsables de
98% de la croissance de la production de pétrole entre 1990 et 2004
(Government of Canada, 2008b).
Avec la croissance de l'industrie bitumineuse, les
projections prévoient que les émissions de GES issues du secteur
atteindront 108 Mt, en 2020, soit un triplement des émissions par
rapport à 2008 (Droitsch et al., 2010) ( Figure ).
17Les projections sont généralement
basées sur la croissance des sables bitumineux et les intensités
des émissions prévues. Si l'intensité des émissions
a significativement été réduite par l'industrie (les
opérations des sables bitumineux utilisaient du
64 cf. United Nations Framework Convention on Climate
Change,
http://unfccc.int/2860.php
65 Depuis 2004, la tendance à la croissance
semble s'être atténuée et les émissions de GES du
Canada, en 2008, ont subi une légère baisse par rapport au niveau
de 2007. Cette baisse s'explique en partie par le ralentissement de la
croissance économique qui a débuté en 2008.
66 cf. Canada's Oil Sands,
http://www.canadasoilsands.ca/en/issues/greenhouse
gas emissions.aspx, consulté le 5 juillet 2010.
charbon et du coke comme source d'énergie,
alors que le gaz naturel est actuellement le carburant utilisé), il
n'est pas prévu, à court et moyen terme, de réductions
supplémentaires importantes. Elles n'ont d'ailleurs diminué que
de 3%, entre 2004 et 2008 (Droitsch et al., 2010).
Figure 17. Emissions de GHG et prévisions des
émissions jusqu'en 2020. Source : Droitsch et al., 2010.
Bien que la croissance du développement de
l'exploitation des sables bitumineux concerne tant les opérations
minières que l'exploitation in situ, il est attendu que cette
dernière prédomine, en terme de production, à partir de
2017. Les résultats de diverses études au sujet des
émissions de GES ont par ailleurs montré de manière
consistante que la production in situ (91 kgCO2eq/bbl, sans valorisation) est
responsable d'émissions de gaz à effet de serre plus importantes
que la production minière (36 kgCO2eq/bbl, sans
valorisation)67.
Le gouvernement du Canada, s'est tout de même
engagé, pour 2020, à réduire les émissions de GES
de 17% par rapport au niveau de 2005. Cet engagement a été
inscrit dans l'Accord de Copenhague, avec l'avertissement que l'objectif sera
aligné avec les objectifs des Etats-Unis et pourrait subir des
ajustements.68 En outre, l'objectif visé n'est fixé
dans aucune législation canadienne, et jusqu'à présent, le
gouvernement fédéral n'a encore publié aucun plan pour y
parvenir (Droitsch et al., 2010).
Le captage et stockage du carbone (CSC) que proposent
certains experts, pourrait représenter un moyen de réduire les
émissions futurs. Cependant, il est improbable que, dans les
années à venir, cette technologie soit développée
à un niveau suffisant pour exercer un effet sur les émissions
comprises dans la seconde échéance prévue par le Protocole
de Kyoto. Le CSC est une technologie relativement récente et beaucoup
d'incertitudes demeurent quant aux coûts opérationnels et aux
résultats escomptés (Footitt, 2007).
Si les émissions de gaz à effet de serre
projetées par Environment Canada, selon le scénario
business-as-usual, se confirment, elles atteindront, en 2020, un niveau
supérieur par rapport à 2005 de 28%, l'expansion des sables
bitumineux comptant pour presque la moitié de l'augmentation (Droitsch
et al., 2010).
67 Il est estimé que les émissions de
GES dégagés pendant les procédés de valorisation se
situent entre 52 et 79 kgCO2eq par baril de bitume (Huot and Dyer, 2010).
68 cf. Government of Canada - Canada's Action on
Climate Change,
http://www.climatechange.gc.ca/default.asp?lang=En&n=72F16A84-1
5. GESTION DES IMPACTS ET PERSPECTIVES
5.1. Recommandations et améliorations des
pratiques industrielles
Alors que les politiques gouvernementales et les
systèmes de planification ont pris du retard, la croissance du
développement des sables bitumineux se poursuit actuellement à un
rythme effréné. Le gouvernement manque cruellement de
systèmes de gestion environnementale pour assurer un
développement industriel pétrolier responsable et respectueux de
l'environnement. L'allocation de terrains aux industries et l'approbation de
projets par le gouvernement, en l'absence de connaissances des risques et de la
faisabilité de certaines opérations, constituent un comportement
inconscient, qui peut conduire à s'interroger sur la
légitimité du processus actuellement en cours. La direction que
prend le développement doit être révisée si le
gouvernement veut respecter ses engagements en matière de gestion
durable des écosystèmes et de conservation de la
biodiversité. Plusieurs organisations environnementales non
gouvernementales, dont le Pembina Institue, ont
régulièrement publié des rapports détaillés
sur les impacts générés par les sables bitumineux et
proposent des recommandations afin que le développement industriel ne se
réalise pas au détriment de l'environnement. Ces recommandations
reposent aussi bien sur l'instauration de politiques et de cadres de
planification par le gouvernement, que l'amélioration des pratiques
industrielles. Ces dernières n'étant pas suffisantes, seules,
pour diminuer significativement les impacts environnementaux, elles devraient
toutefois constituer une norme minimale exigée.
5.1.1. Principales recommandations
1 L'é tablissement d'aires .
protégéesAfin de préserver
un échantillon complet des espèces natives de la région,
des parcelles de territoire devraient être protégées comme
réserves naturelles. Cette mesure peut être vue comme une action
pour compenser les pertes écologiques résultant de l'intense
activité industrielle. Pour que ces aires protégées
puissent remplir leur rôle de réservoirs de la
biodiversité, il est impératif que certains critères
soient remplis. D'abord, les terrains devront être complètement
protégés de l'utilisation industrielle (développement
pétrolier et exploitation forestière), ensuite, il est
indispensable qu'ils constituent un échantillon représentatif des
écosystèmes de la forêt boréale, et enfin ils
devront être de taille suffisante pour supporter une population viable et
maintenir les processus écologiques (Schneider and Dyer,
2006).
1 cLa réation d'un plan d'aménagement
du .
territoireIl n'existe actuellement pas de plan
régional qui permette de définir comment le développement
futur de l'exploitation des sables bitumineux sera intégré avec
la protection de l'environnement. Afin que les efforts individuels des
compagnies et du gouvernement soient coordonnés, un plan
d'aménagement du territoire devrait être constitué. Il
prendrait en considération les caractéristiques environnementales
de référence (antérieures au développement
industriel) pour établir des objectifs quantitatifs et qualitatifs de
gestion et d'utilisation du sol, tels que le choix du terrain alloué
pour l'exploitation pétrolière, l'intensité et la
durée de l'exploitation, ou le niveau de perturbation (densité de
route, par exemple) autorisé (Schneider and Dyer, 2006).
1 L'instauration de seuils d'impacts cumulatifs
à un niveau régional, par l'introduction de limites strictes de
l'intensité de développement sur une aire donnée. Cette
mesure permettrait de réduire les effets cumulatifs sur une
région sujette à des impacts issus de divers types d'exploitation
industrielle (pétrole conventionnel, sables bitumineux, exploitation
forestière).
1 L'exigence de la restauration d'une forêt
boréale autonome et l'établissement de critères
transparents de remise en .
étatLa remise en état
basée sur le Land Capability Classification for Forest et
l'objectif de « l'equivalent land and capability », en vertu de
l'Environmental Protection and Enhancement Act (EPEA), est
fondamentalement inadéquate pour les raisons expliquées
précédemment. Le gouvernement de l'Alberta devrait exiger qu'au
terme de l'exploitation, les industries restaurent le terrain en un
écosystème autonome et rétablissent ses
caractéristiques dans des proportions approximativement identiques
à celles qui existaient avant la perturbation. En outre, des
critères de restauration qui respectent les valeurs aquatiques et
terrestres, biotiques et abiotique originales devraient être
établis et intégrés dans l'EPEA (Grant et al.,
2008).
1 L'interdiction des EPLs. Le gouvernement de
l'Alberta devrait interdire les projets d'exploitation minière qui
prévoient la création d' « end pit lakes» comme moyen
de gestion des résidus liquides.
5.1.2. Principales améliorations des pratiques
industriellesproposées
1 Réduction de l'utilisation d'eau et gestion
des .
résidusLes prélèvements
d'eau et particulièrement ceux effectués à partir de la
rivière Athabasca devraient être réduits et les
procédés de recyclage de l'eau des résidus aqueux
devraient être améliorés. Récemment, pour
réguler les résidus et réduire le volume des
résidus liquides, une directive69 a été
émise par l'ERCB. Elle impose aux industries l'établissement de
délais pour la consolidation des résidus et leur disposition dans
des zones d'élimination spécifiques planifiées, en vue de
la remise en état (Simieritsch et al., 2009).
1 Exploration .
sismiqueLes lignes sismiques nécessaires
aux activités d'exploration génèrent une fragmentation
importante du paysage et forment des espaces vides longtemps après la
fin des opérations d'exploitation. Leur largeur devrait être
réduite et des barrières devraient être installées
pour éviter qu'elles ne soient utilisées comme voie
d'accès à travers la forêt (Schneider and Dyer,
2006).
1 Alternatives au procédé SGSIV.
Il existe actuellement deux alternatives à ce procédé
d'extraction in situ: VAPEX et THAI70. Ces deux technologies sont en
phase d'essai, mais semblent prometteuses. Grâce à une
consommation moindre en eau et en énergie, ainsi qu'à une
intensité des émissions réduite, elles devraient
être privilégiées dans les opérations de production
in situ.
69 Directive 074: Tailings Performance Criteria
and Requirements for Oil Sands Mining Scheme.
70 cf. chapitre 2.3.2. Récupération in
situ, p.18.
1 Reforestation des plateformes de .
forageLe Nord-est de l'Alberta est
ponctué de milliers de sites de forage abandonnés,
déclaré remis en état, mais qui n'ont pas
été restaurés en un écosystème forestier. Il
faudrait réduire la surface de la zone affectée, le nombre de
puits forés et la densité de l'infrastructure associée.
Les procédés de revégétalisation devraient
commencer rapidement et les espèces végétales invasives
devraient être évitées (Schneider and Dyer,
2006).
5.2. La gestion des effets cumulatifs sur
l'environnement
Entre 1999 et 2009, la production des sables
bitumineux est passée de 300'000 bbl/par jour à environ 1.5
millions de bbl/j. Selon les estimations, elle devrait atteindre 3 millions de
bbl/jour en 2015 et 5 millions de bbl/jour en 2030 (Levi, 2009). Au vu des
effets importants sur l'environnement exercés par la production
actuelle, il est légitime de s'interroger sur les impacts potentiels qui
découleront de la croissance du secteur.
Chaque projet approuvé et mis en application
par les industries s'accompagne d'impacts additionnels sur la qualité de
l'air, les forêts, la biodiversité et les ressources en eau.
L'accumulation progressive d'impacts environnementaux qui,
considérés individuellement, peuvent paraître
insignifiants, conduit à des effets cumulatifs pouvant causer des
dommages irréversibles sur la forêt boréale. Le seuil de
résilience ou limite environnementale, qui représente la
capacité d'un écosystème à résister à
des changements avant de subir des transformations irréversibles
(disparitions d'espèces, modifications profondes des sols et du
réseau hydrologique), pourrait ainsi être dépassé si
aucune mesure adéquate n'est entreprise (Severson-Baker et al.,
2008).
Le CEMA (Cumulative Environmental Management
Association) a été créé, en 2000, dans le but de
collecter des informations scientifiques et de proposer des recommandations aux
gouvernements de l'Alberta et du Canada pour élaborer une meilleure
gestion des impacts cumulatifs sur l'environnement par le développement
industriel de la région. Le CEMA a été fondé comme
association multipartite basée sur le consensus, comprenant divers
représentants de l'industrie des sables bitumineux, des gouvernements de
l'Alberta et du Canada, de la Municipalité régionale de Wood
Buffalo, des communautés Aborigènes et Métis, ainsi que
d'organisations environnementales non gouvernementales71. La
stratégie quinquennale adoptée par le CEMA visait à
traiter 34 problèmes environnementaux majeurs, par le
développement et l'application de seuils, de directives, d'objectifs
environnementaux et d'outils de gestion de l'utilisation des
ressources.
Après plusieurs années de vains efforts
et de non-respect des délais pour l'introduction d'un système de
protection de l'environnement, le CEMA a perdu sa crédibilité et
sa légitimité et le processus semble ne pas être
suffisamment efficace face à la croissance du développement des
sables bitumineux. Parmi les principales lacunes du processus, les plus
flagrantes comprennent (Severson-Baker et al., 2008) :
1 L'absence d'un plan d'utilisation du sol pour
protéger les écosystèmes régionaux.
1 L'absence d'une limite inférieure du
débit de la rivière Athabasca, en-dessous de laquelle les
prélèvements par l'industrie pétrolière seraient
interdits.
1 L'absence d'un plan de gestion environnemental pour le
maintien de l'intégrité des bassins versants.
71 cf. CEMA, http://www.cemaonline.ca/
1 L'absence de directives pour la remise en état
et la restauration écologique des tourbières. 1 L'absence de
normes de certification pour la remise en état.
Les raisons qui ont été invoquées
pour expliquer cette absence de progrès se réfèrent
à la complexité des questions environnementales et à la
difficulté d'arriver à un consensus dans le processus de
partenariat, aggravés par l'accélération du
développement et par le nombre de projets. En d'autres termes, en
continuant à autoriser les nouveaux projets à passer par le
processus d'approbation réglementaire, le gouvernement de l'Alberta a
donné une plus grande priorité à l'approbation de nouveaux
projets de développement qu'à l'établissement de limites
et de systèmes de gestion environnementale (Severson-Baker et al.,
2008). Ce comportement paradoxal a abouti à des situations dans
lesquelles, après avoir mandaté le CEMA pour étudier la
faisabilité d'un projet et mesurer les impacts potentiels de celui-ci,
le gouvernement de l'Alberta a déjà alloué les terrains
avant d'obtenir les résultats du CEMA, et a continué de les
allouer même après que le rapport, enfin publié, recommande
la protection d'une partie du territoire en question (Raoul, 2010).
L'approbation d'un projet d'exploitation avant qu'une
évaluation environnementale ou qu'une demande d'atténuation ne
soit émise constitue un avantage certain pour les sociétés
pétrolières. Il n'est pas dans l'intérêt des
industries d'encourager le développement de plans de gestion
environnementale, susceptibles d'augmenter les coûts ou de rendre plus
difficile l'approbation pour un nouveau projet ou pour un projet d'expansion.
Une fois que l'approbation a été octroyée, il est moins
facile pour le gouvernement de l'Alberta, tant politiquement qu'au niveau
procédural, d'exiger des mesures environnementales plus strictes. Par
conséquent, il existe une certaine tentation pour les compagnies des
sables bitumineux membres du CEMA de retarder les progrès de
développement de systèmes de gestion environnementale
(Severson-Baker et al., 2008).
Progressivement, certains groupes écologistes
et aborigènes ont décidé de quitter l'association. Les
raisons émises pour justifier leur retrait consistaient en : une
préoccupation que les parties prenantes ne participaient que pour
défendre l'intérêt de leur organisation et non les causes
environnementales, un manque de résultats par rapport à ce qui
était envisagé, une perception d'inégalité de
pouvoir parmi les membres du groupe (les industries semblaient dominer
numériquement et avoir un certain contrôle
supplémentaire).
Certaines associations environnementales (Pembina
Institute, Toxics Watch Society ofAlberta et Fort McMurray
Environmental Association) affirment néanmoins qu'un système
de gestion environnemental est urgent et qu'une gestion adaptative de ces
systèmes est nécessaire. Les problèmes survenus ces
dernières années doivent être utilisés pour tirer
des leçons pour l'avenir. Afin de restaurer la crédibilité
et la légitimité du CEMA, son actuelle organisation doit
être dissoute et le gouvernement de l'Alberta doit reconnaître que
l'approche actuelle est fondamentalement inadaptée (Toxic Watch Society
of Alberta, 2008).
Selon ces associations, une nouvelle organisation
devrait être bâtie, basée sur la structure du CEMA. La
nouvelle organisation devrait inclure la participation du Département de
l'Energie de l'Alberta et des gouvernements des Premières Nations,
absents du CEMA, et le rôle des gouvernements de l'Alberta et du Canada,
à l'intérieur de l'association, devrait être
renforcé. L'organisation devrait servir également de forum de
dialogue afin d'identifier les priorités et de fournir un avis
stratégique sur les solutions proposées. Les financements
devraient provenir du gouvernement et de l'industrie. De plus, le soutien de
l'industrie ne se ferait plus sur base volontaire, mais comme une obligation
intégrée dans les processus d'approbation des licences. Et
par-dessus tout, un plan régional d'utilisation du sol, qui
considère de manière équitable les implications sociales,
environnementales et économiques du développement, devrait
être intégré.
Cela afin de fixer des objectifs et des délais
clairs, publiquement disponibles par la diffusion régulière de
rapports (Severson-Baker et al., 2008).
Quelque soit le système de planification
choisi, il est toutefois urgent qu'un moratoire sur l'approbation de nouveaux
projets et l'allocation des terrains soit mis en place, jusqu'à ce que
les règles environnementales soient introduites.
5.3. Le rôle des pouvoirs publics
Selon les termes de la Constitution, les provinces
sont propriétaires des ressources naturelles situées sur leur
territoire. Dans le cas de l'Alberta, les droits miniers - qui
s'étendent au pétrole, au gaz naturel, aux sables bitumineux et
aux autres minéraux 1 ont été cédés par le
gouvernement du Canada en vertu de la Loi des ressources naturelles de
1930. La province possède 97% des droits miniers relatifs aux sables
bitumineux, les 3% restant sont entre les mains des propriétaires
exclusifs. Le gouvernement de l'Alberta a donc compétence sur cette
ressource et l'administre pour le compte de ses citoyens. La province
cède par bail aux entreprises privées le droit d'extraire et de
produire à partir des sables bitumineux, et perçoit en retour des
bénéfices par l'intermédiaire de paiement de location, de
redevances et de taxes. Le gouvernement de l'Alberta octroie le droit de forer
pour amasser, travailler, récupérer et déplacer les sables
bitumineux (Governement of Alberta, 2009a). Le régime foncier pour leur
développement est engagé lorsqu'une compagnie soumet une demande
au Département de l'Énergie pour une parcelle de terrain
affecté à une offre publique. Les droits sur les sables
bitumineux sont ensuite vendus au plus offrant. Toutefois, le système du
régime foncier actuel limite la capacité du gouvernement à
gérer efficacement le développement. L'extraction en Alberta se
poursuit à un rythme supérieur à la capacité des
organismes gouvernementaux de réglementation et des gestionnaires des
terres à comprendre et prévenir à long terme les dommages
environnementaux irréversibles. La vitesse à laquelle les droits
sur les sables bitumineux sont délivrés détermine le
rythme des activités d'exploration et de développement futurs.
Par conséquent, les décisions quant à savoir si et dans
quelles conditions les droits seront octroyés représentent la
première et la plus importante occasion pour le gouvernement d'examiner
et de réguler cette exploitation afin de ne pas excéder les
limites supportables par l'environnement. Cependant, l'absence d'un plan
d'utilisation du sol et le manque d'objectifs environnementaux ne permettent
pas au gouvernement de prendre des décisions qui tiennent compte des
impacts environnementaux et sociaux, ceux-ci étant trop souvent
négligés au profit d'une volonté de stimuler la production
(Holroyd et al., 2007). Depuis le début des années 1990, les
gouvernements de l'Alberta et du Canada ont joué un rôle important
dans le renforcement de l'industrie en créant de fortes incitations aux
investissements72 et en délivrant les droits sur les sables
bitumineux aussi vite que possible (Woynillowicz et al., 2005).
Le rôle du gouvernement du Canada relativement
aux sables bitumineux concerne essentiellement la protection de
l'environnement, la protection des cours d'eau et la protection des terres
appartenant aux indigènes. L'environnement fait l'objet d'une
compétence partagée entre le gouvernement fédéral
et le gouvernement des provinces. La compétence partagée est une
situation complexe qui exige une étroite collaboration entre les
gouvernements concernés. Toutefois, si le gouvernement du Canada est
habilité à effectuer des évaluations environnementales
générales des projets en question, en vertu du Environmental
Protection and Enhancement Act, il n'a jamais
72 cf. chapitre 3.2.1. Effet de l'allègement du
régime fiscal, p.25.
exigé, ni participé à une
évaluation environnementale portant sur les répercussions de
l'exploitation des sables bitumineux, y compris, la pollution
atmosphérique, les émissions de gaz à effet de serre et
les dommages causés aux cours d'eau (Comité permanent des
ressources naturelles, 2007).
Dans ses recommandations (Holroyd et al., 2007),
The Pembina Institute défend qu'un moratoire sur les nouveaux
accords sur les sables bitumineux est essentiel jusqu'à ce que le
système de régime foncier actuel soit revu et
révisé, qu'un cadre politique tel qu'un plan d'affectation du sol
soit établi et que des objectifs environnementaux soient
intégrés. Le taux de croissance de l'exploitation des sables
bitumineux devrait être reconsidéré en rapport avec les
perturbations occasionnées sur l'environnement, l'infrastructure et
l'économie de la région, ainsi que sur les systèmes
sociaux. L'allocation des droits devraient prendre en considérations les
impacts négatifs potentiels tout en optimisant les
bénéfices pour les citoyens albertains. Actuellement 33% de la
surface des dépôts de sables bitumineux a déjà
été octroyée. Les 67% restants, sont une
opportunité non négligeable d'améliorer la gestion de
l'allocation du sol.
5.4. Le gouvernement fédéral
Le gouvernement du Canada est
régulièrement la cible de critiques virulentes concernant
l'exploitation des sables bitumineux. Depuis la victoire du Parti conservateur
du Canada, aux élections fédérales de 2006, et
l'élection de Stephen Harper en tant que Premier ministre, le pays
semble avoir confirmé sa volonté de tirer profit de leur mise en
valeur. Le parti conservateur au pouvoir est en effet largement favorable au
développement de l'exploitation des sables bitumineux dans le but de
faire du pays une « superpuissance » énergétique, au
profit des grandes multinationales et du voisin américain (Raoul, 2010 ;
Talbot, 2009). Avec la réduction du budget consacré au plan
canadien de lutte contre les changements climatiques et le prolongement de
l'allègement fiscal consenti aux promoteurs de l'industrie bitumineuse,
le gouvernement est considéré comme allant à l'encontre de
la protection de l'environnement.
En mars 2009, la publication, par le National
Geographic, d'un reportage accablant sur les effets de l'exploitation des
sables bitumineux a fait réagir la classe politique à Ottawa et
à Edmonton. Le journal compte plus de 50 millions de lecteurs et est
traduit en 32 langues. Conscients de l'effet dévastateur que pouvait
avoir l'article sur la réputation du pays, les gouvernements
fédéral et provincial, et l'Association Canadienne des
Producteurs de Pétrole se sont empressés de se défendre
face aux accusations de l'article qui qualifie les usines de traitement de
pétrole de « sombres » et « sataniques » (Kunzig and
Essick, 2009 ; Colyer, 2009). Les chefs des partis de l'opposition en ont
profités pour accuser publiquement le gouvernement conservateur de
n'avoir rien fait pour améliorer la performance environnementale des
sables bitumineux.
Soutenu par le gouvernement de la province de
l'Alberta, de tradition conservatrice, le Premier ministre, qui s'est toujours
montré sceptique sur les résultats scientifiques relatifs au
réchauffement climatique (Francoeur, 2004), a engagé le pays dans
une économie basée sur les énergies non-renouvelables et
dans un laxisme environnemental manifeste (Nature, 2008). En outre, il semble
ignorer l'opposition croissante de l'opinion publique, mondiale, nationale et
même de la province de l'Alberta, où selon un sondage
publié par le Pembina Institue, 71% de la population
interrogée estiment qu'un moratoire sur les approbations des nouveaux
projets est nécessaire jusqu'à ce que les problèmes
environnementaux soient résolus (Dyer, 2007).
6. CONCLUSION
Il peut être intéressant de
modéliser l'ensemble des paramètres mis en évidence par ce
travail en un diagramme d'influence afin d'en dégager les principales
problématiques et de définir les points sur lesquels une
intervention serait envisageable.
A cet effet, la Figure 18 se veut une
représentation73 des influences réciproques
économie/environnement, regroupant les principaux facteurs
impliqués dans le développement des sables bitumineux. L'analyse
de ce type de schéma se base sur l'identification de boucles de
rétroaction, qui peuvent être positives (divergences et
déstabilisation) ou négatives (convergences et stabilisation).
Dans le cas présent, on en distingue huit :
1 Croissance du pétrole issu des sables
bitumineux : L'exploitation des sables bitumineux est rendu largement
rentable par les prix actuels du brut. De nouveaux projets d'exploitation et
d'expansion se développent et mettent sur le marché un
pétrole couteux destiné principalement aux
Etats-Unis.
1 Rentabilité de l'exploitation : Tant
que la production est rentable, de nouvelles installations peuvent être
implantées, et les coûts de production réduits favorisent
une marge bénéficiaire confortable pour les
sociétés pétrolières.
1 La technologie accroit l'exploitation et
Nécessité d'un effort environnemental : L'innovation
technologique et le développement d'installations plus efficientes et
moins coûteuses repose sur la Recherche et le Développement,
financés par les industries pétrolières. Celles-ci
disposent d'un capital et de moyens d'investissements d'autant plus importants
que la rentabilité des produits pétroliers est grande. Toutefois
si aucune mesure environnementale n'est exigée, les innovations
technologiques auront pour effet d'augmenter la production au détriment
de l'environnement.
1 Pression du législateur et
Industrie moins polluante grâce à la technologie : Des
études d'impacts environnementaux et des recommandations sont
nécessaires pour d'une part, mettre en place des politiques de gestion
environnementales afin de mieux contrôler l'approbation de nouvelles
installations, et d'autre part, exiger que les industries développent
des technologies qui respectent des normes environnementales
strictes.
1 Effet pervers de l'évolution
technologique : Les bonnes intentions du progrès technologique
induites en partie par la pression du législateur peuvent avoir un effet
pervers du fait qu'elles peuvent augmenter encore la rentabilité des
bitumes et contribuer aux dommages environnementaux en stimulant la
production.
1 Substituts au pétrole : La menace de
l'épuisement des réserves de pétrole classique et la
croissance du prix du pétrole associé stimulent la recherche de
substituts.
73 Le diagramme a été
réalisé à l'aide du logiciel Vensim.
61
Demande de pétrole
Croissance économique
Recherche de substituts
+
Substituts au pétrole
+
Epuisement des réserves classiques de
pétrole
Croissance du pétrole issu des
sables bitumineux
+
+
+ Nouvelles
installations
Rentabilité du bitume
-
Rentabilité de l'exploitation
Capital disponible au secteur d'exploitation
Pression du législateur
-
+
Exploitation des
sables bitumineux
Politiques de gestion environnementale
+
Effet pervers
de l'évolution technologique
Coûts de production
-
+
+
Progrès techniques en
matière d'environnement
La technologie accroit l'exploitation
+
Industrie moins polluante grâce a
la technologie
+
RD technologique
+
Impacts environnementaux
Innovations technologiques
+
-
Nécessité d'un
effort environnemental
Figure 18. Interactions économie/environnement
dans l'exploitation des sables bitumineux. Source: auteur et Pierre L.
Kunsch.
+
+
+
-
-
+
Prix du brut sur le marché
+
Demande de pétrole des sables bitumineux
La croissance économique, symbolisée par
la variable exogène sans rétroaction, constitue le moteur du
système. Elle ne représente donc pas un facteur susceptible
d'être modifié dans une optique de réduction des impacts
environnementaux. On constate qu'il existe bien des boucles négatives
(de contrôle) qui pourraient intervenir dans la réduction de ces
impacts. Elles sont toutefois encore trop faibles pour pouvoir facilement
contrecarrer les boucles positives entraînées par la
rentabilité de l'exploitation. Le dilemme économie/environnement
pourrait être solutionné par le renforcement de ces deux boucles
de rétroaction négative, à savoir :
1 Rechercher des substituts au .
pétroleLa recherche de solutions
alternatives au pétrole et notamment de développement des
énergies renouvelables est en plein essor et constitue un secteur dans
lequel les investissements augmentent. Cependant, tant que le prix du brut sur
le marché n'aura pas atteint un seuil dissuasif et tant que la menace de
l'épuisement des réserves pétrolières ne se sera
pas matérialisée, les investissements consentis resteront faibles
en comparaison à ceux du secteur pétrolier.
1 Développer des technologies moins
polluantes et établir des plans de gestion .
environnementaleLa protection de
l'environnement et le maintien d'un contrôle sur le développement
de l'exploitation dépendent de l'établissement de politiques de
gestion de l'environnement et de l'adoption de nouvelles lois et de leur
application. Néanmoins, au vu du soutien inconditionnel que portent les
gouvernements de l'Alberta et du Canada à cette source de profit, il est
peu probable que des changements législatifs importants voient le jour
dans les années à venir.
Malgré ces perspectives modestes, il est
surtout nécessaire de rappeler que l'exploitation et la mise en valeur
des sables bitumineux relèvent d'une entreprise colossale ayant peu
d'équivalents dans l'Histoire industrielle récente. Les impacts
présents et futurs qu'exerce un processus aussi rapide et ambitieux sur
la biosphère sont à l'image de cette démesure. Peu connus,
imprévisibles, et quasiment absents des processus décisionnels,
ils représentent l'épée de Damoclès qui menace un
marché déjà fortement corrompu et critiqué. Le fait
qu'un tel projet puisse outrepasser les barrières qui, ailleurs,
canalisent les excès potentiels, souligne bien la puissance de son
moteur : la demande énergétique insatiable de notre modèle
de société moderne occidentale à laquelle il est
impossible de répondre autrement que dans l'urgence et la
brutalité, générant une source de profits capables de
corrompre n'importe quelle structure gouvernementale.
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ANNEXES
Annexe 1 : Carte de l'Alberta. Source : Ressources
naturelles ada.
Can
Annexe 2: Carte du Venezuela et localisation des
gisements d'huiles extra lourdes dans le bassin du fleuve Orénoque.
Source : U.S. Geological Survey, 2009.
Annexe 3 : Prix mensuels du pétrole
léger/moyen et lourd et du bitume pour l'année 2010. Source :
ERCB.
Energy Resources Conservation Board
ST-3: Alberta Energy Resources Industries Monthly
Statistics Table - Oil Prices - 2010
$ per cubic metre
Crude Oil - Heavy
Crude Oil - Light & Medium Crude Bitumen
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Year to Date
|
Jan
|
Feb
|
Mar
|
Apr
|
May
|
Jun
|
Jul
|
Aug
|
Sep
|
Oct
|
Nov
|
Dec
|
2010
|
$426.52
|
$420.03
|
$432.40
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$426.32
|
$481.07
|
$488.16
|
$498.19
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$489.14
|
$405.02
|
$395.79
|
$401.14
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$0.00
|
$401.14
|
Annexe 4 : Production et volumes à disposition de
pétrole brut, en Alberta, en 2010. Source : ERCB.
|
Supply and Disposition of Crude Oil and
Equivalent
Unit = m3
|
Run Date:April 26, 2010
|
|
Supply
|
|
Jan
|
Feb
|
Mar Apr May
|
|
|
|
|
Opening Inventory
|
|
10'856'368.5
|
10'912'551.9
|
11'270'816.1
|
Production
|
|
|
|
|
|
Crude Oil Heavy
|
679'377.3
|
623'724.8
|
692'044.0
|
|
Crude Light & Medium
|
1'535'454.0
|
1'427'440.4
|
1'596'177.9
|
|
Crude Bitumen
|
3'237'420.1
|
3'179'465.7
|
3'573'149.3
|
|
Condensate
|
65'044.2
|
58'367.7
|
65'250.7
|
|
Total Production
|
5'517'295.6
|
5'288'998.6
|
5'926'621.9
|
Oil Sands Plant Process
|
|
|
|
|
|
Synthetic Crude
|
2'873'144.0
|
3'207'073.6
|
3'501'310.3
|
Plant/Gathering Process
|
|
|
|
|
|
Pentanes Plus
|
388'304.9
|
349'237.9
|
390'220.8
|
Fractionation Yield
|
|
|
|
|
|
Pentanes Plus
|
180'185.8
|
166'597.3
|
189'945.1
|
Skim Oil
|
|
8'276.3
|
8'226.0
|
8'722.6
|
Imports
|
|
1'435'990.4
|
1'336'652.4
|
1'519'171.5
|
Close Inventory
|
|
10'912'551.9
|
11'270'816.1
|
11'391'770.0
|
Total Supply
|
|
|
|
|
10'347'013.6
|
9'998'521.6
|
11'415'038.3
|
Disposition
|
|
|
|
|
Alberta Refinery Sales
|
|
1'947'756.4
|
1'852'218.4
|
1'918'481.9
|
Alberta Other Sales
|
|
202'115.0
|
294'003.7
|
331'864.9
|
|
Total Alberta
|
2'149'871.4
|
2'146'222.1
|
2'250'346.8
|
Other Canada
|
|
|
|
|
|
British Columbia
|
210'238.3
|
169'222.6
|
225'938.8
|
|
Saskatchewan
|
920'426.9
|
818'467.0
|
1'162'614.5
|
|
Manitoba
|
0.0
|
0.0
|
0.0
|
|
Ontario
|
704'669.6
|
525'382.5
|
595'092.9
|
|
Quebec
|
0.0
|
0.0
|
0.0
|
|
Maritimes
|
0.0
|
0.0
|
0.0
|
|
NWT & Yukon
|
0.0
|
0.0
|
0.0
|
|
Total Other Canada
|
1'835'334.8
|
1'513'072.1
|
1'983'646.2
|
USA
|
|
|
|
|
|
PAD1
|
184'696.3
|
91'010.3
|
128'680.4
|
|
PAD2
|
4'234'242.5
|
4'036'463.6
|
4'636'035.3
|
|
PAD3
|
0.0
|
0.0
|
0.0
|
|
PAD4
|
1'416'346.9
|
1'292'516.7
|
1'489'159.8
|
|
PAD5
|
499'312.3
|
610'965.1
|
588'923.0
|
|
Total USA
|
6'334'598.0
|
6'030'955.7
|
6'842'798.5
|
Offshore
|
|
96'975.9
|
402'500.4
|
166'153.0
|
Removed from the Province
|
|
8'266'908.7
|
7'946'528.2
|
8'992'597.7
|
Reporting Adjustment
|
|
-69'766.5
|
-94'228.7
|
172'093.8
|
Total Disposition
|
|
10'347'013.6
|
9'998'521.6
|
11'415'038.3
|
|
|
0.0
|
0.0
|
0.0
|
Reporting Adjustment %
|
|
0.67%
|
0.94%
|
1.51%
|
Note:
|
|
|
|
|
Please note that the volume of in situ bitumen upgraded
to synthetic crude oil (SCO) has been removed from
the Production Crude Bitumen category, and the
corresponding volume of SCO is reported in the Oil Sands Process Synthetic
Crude category.
|