Diplôme Supérieur de Travail Social Maîtrise
de Sciences et Techniques en
Direction Régionale des Affaires Sanitaires Intervention
et Développement Social
et Sociales de Loire Atlantique Service de formation continue
de
l'Université de Nantes
La participation, outil de
citoyenneté ?
L'exemple du conseil des résidents
en Foyer de Jeunes Travailleurs
(c) UFJT
Gildas CADUDAL, Tuteur de mémoire :
promotion 2002-2005 M. Henry NOGUES
contact
gildas.cadudal@laposte.net
SOMMAIRE
Introduction 2
Première partie 4
Chapitre 1 : Citoyenneté et participation, entre
mouvement de fond et mot-tiroir.... 5
I/ De l'état de citoyen à l'idée de
citoyenneté 6
II/ La participation 18
Chapitre 2 : Les jeunes entre itinérance et
construction 26
I/ « On met très longtem ps à devenir jeune
» 27
II/ Des jeunes sollicités pour participer 29
Deuxième partie 34
Chapitre 1 : Les Foyers de Jeunes Travailleurs
35
I/ Présentation des FJT 36
II/ Le cadre participatif dans les foyers 52
Chapitre 2 : L'enquête menée auprès
des FJT 58
I/ Objectifs, formes et mise en oeuvre 59
II/ Résultats de l'enquête 62
III/ Enseigne m e nts retirés 80
Conclusion 87
Bibliographie 89
Annexes 92
Introduction
L'appel au sursaut « citoyen », la « mise au
centre » de l'usager, la lutte contre les incivilités...
L'actualité regorge d'informations ayant peu ou prou trait à
l'implication citoyenne. Ceci témoigne à n'en pas douter d'une
forte et réelle préoccupation de notre société.
S'interroger sur la participation citoyenne, c'est embrasser un vaste champ,
qui approche les thématiques de liaisons et déliaisons sociales,
d'intégration ou de désintégration sociale, de rapport
à autrui comme de rapports aux institutions. Créer ou
recréer du lien, « rapprocher la politique du citoyen » c'est
à dire permettre à tous de réinvestir l'espace public et
le champ du politique, tout cela est au coeur des préoccupations de tous
les acteurs, qu'ils soient élus, militants associatifs, ou
professionnels que ce soit dans les champs du développement local ou de
l'intervention sociale.
Les instances traditionnelles où se forgeaient les
identités sociales et où s'exerçaient concrètement
la citoyenneté se voient délaissées et ne semblent plus
adaptées ; les formes d'engagement se sont considérablement
modifiées, et pour répondre à ces changements sont
créées et développées des instances de
proximité. La participation à ces instances, plus proches des
préoccupations immédiates, est devenue le moyen
privilégié pour favoriser l'expression des habitants ou, selon le
contexte, des usagers. Ce développement de la participation est tel
qu'elle semble désormais constituer l'essentiel de la
citoyenneté.
Or s'il s'agit là d'une participation effective et
active, elle soulève tout de même plusieurs interrogations. Ne
s'agit-il pas là d'une vision réduite et d'un exercice restreint
de la citoyenneté ? Quelles sont les conditions dans lesquelles cette
participation pourrait devenir vraiment constitutive de citoyenneté ?
Pour répondre à ces interrogations il convient
de revenir sur les concepts fondateurs. La citoyenneté est une
idée qui est née voici vingt-cinq siècles. La
participation, qui semble désormais être son corollaire, n'a que
quelques dizaines d'années d'existence, et a plutôt statut de
notion que de concept. Il est donc nécessaire de revenir sur l'histoire
et la définition de chacun des termes, et de les confronter afin de
comprendre comment ils s'associent et fonctionnent. C'est l'objectif poursuivi
dans le premier chapitre de la première partie de ce mémoire.
Dans l'incitation à la participation comme dans
l'exhortation à faire oeuvre de citoyenneté, les « jeunes
» sont souvent sollicités lorsqu'ils sont présents, ou
interpellés lorsqu'ils ne le sont pas. Nombre d'instances leur sont
proposées, du conseil municipal des jeunes aux « juniors
associations » en passant par les représentations existant au
lycée ou à l'université. Ce public « jeune » est
celui qui sera spécifiquement étudié dans ce
mémoire. Quelles définitions en sont données, quelle est
l'histoire de ce public qui a été « fabriqué »
en tant que corps social spécifique récemment, c'est à ces
questions que le deuxième chapitre de la première partie de ce
mémoire va s'attacher.
Comment organiser concrètement la participation d'un
public de jeunes ? Quels sont les obstacles à cela ? Y-a-t-il des
conditions particulières à réunir afin d'y parvenir ?
Quels éléments permettent que la participation puisse-être
considérée comme facteur de citoyenneté ? Pour apporter
des éléments de réponse, la suite de cette étude se
base
sur un travail d'enquête dans un contexte particulier,
celui des Foyers de Jeunes Travailleurs, et sur une instance spécifique
qui y existe, le conseil des résidents.
L'hypothèse retenue dans cette partie est que la
participation à une instance « simple », proche des
préoccupations immédiates du public, est un moyen
privilégié de favoriser leur expression publique, de les
reconnaître et de les valoriser, au final qu'il peut constituer
effectivement un exercice concret de la citoyenneté. Si l'échelle
de cet exercice est modeste, sa réussite peut constituer un levier pour
un investissement ultérieur de certains jeunes dans la vie de la
cité sur une plus grande échelle. En d'autres termes l'exercice
pratique d'une « micro-citoyenneté » peut être une voie
privilégiée pour un investissement citoyen plus large. Toutefois
il y a, sans doute, des conditions spécifiques pour qu'une instance de
concertation à destination de jeunesadultes fonctionne et suscite leur
participation réelle et concrète. Il existe des obstacles mais
aussi des atouts spécifiques liés à ce public, qui s'il
est « instable » -souvent bien malgré lui, est aussi
mobilisable car « en devenir ». Il existe aussi des
résistances et des contraintes liées aux institutions qui les
accueillent, et des inadaptations dans le cadre réglementaire de
référence qu'il faut identifier.
La deuxième partie de ce mémoire commence par
une présentation du contexte particulier de l'étude sous deux
aspects. D'une part il s'agit d'éclairer ce que sont les Foyers de
Jeunes Travailleurs, quelle est leur histoire, quel est leur public. D'autre
part il est nécessaire d'expliquer quel est le cadre de la participation
qui y est mis en place.
Une enquête a été menée au sein de
plusieurs Foyers de Jeunes Travailleurs pour étudier et comparer ce qui
y existe en matière de participation et comment cela fonctionne. Mener
une enquête assez large visait à mettre en évidence les
constantes mais aussi les divergences d'organisation, et ainsi essayer de
mettre en lumière les réussites et les difficultés
liées à cet exercice. Le dernier chapitre de la deuxième
partie de ce mémoire est consacré à la description de
cette enquête et à ses résultats. Ce mémoire
s'achève par des préconisations élaborées en
réalisant un lien entre les éléments pratiques
observés lors de l'enquête et les éléments
théoriques des parties précédentes.
Première partie
La citoyenneté et la
participation
Le concept de « jeunes »
C
mouvement de fond et mot-tiroir hapitre 1 :
Citoyenneté et participation, entre I/ De l'état de citoyen
à l'idée de citoyenneté 6
1/ La citoyenneté, vingt-cinq siècles
d'histoire 6
a/ La polis grecque 6
b/ La République puis l'Empire romain 8
c/ De la cité à la nation 9
d/ La démocratie représentative 10
e/ La représentation en crise 10
2/ Citoyenneté plurielle ou citoyenneté en
miettes ? 11
a/ Une construction par étapes 11
b/ Différentes sphères de citoyenneté
12
c/ Des pratiques nouvelles et élargies 14
d/ Vers une supra-nationalité ? 15
II/ La participation 18
1/ Une notion récente et évolutive
18
2/ Les différents niveaux de
participation 19
a/ L'implication, un élément fonda me ntal 19
b/ L'échelle de la participation 20
c/ Qui et combien participent ? 21
3/ Recréer l'agora ? 22
a/ L'espace public 22
b/ L'association 23
« Un mot vaut une idée dans un pays où
l'on est plus séduit par l'étiquette du sac que par le
contenu »1. Il semble que l'utilisation de mot-tiroir
n'est donc pas l'apanage de notre monde moderne, et l'usage
immodéré fait actuellement des termes de citoyenneté et de
participation semblent procéder de cela : « Le terme de citoyen
(...) est revenu à la mode depuis quelques années d'une
manière insistante, sinon obsédante, dans les pays
démocratiques »2.
Pour autant qu'il soient dévoyés par un usage
abusif, ces termes n'ont d'actualité que parce qu'ils répondent
à une attente ou à un manque social, et si « ...la
polysémie des mots peut être source de confusion (...) elle peut
avoir aussi une signification par ellemême : rendre compte d'une
complexité qui caractérise adéquatement son objet.
»3. Les mots ne sont donc pas agités vainement, aussi
devon-nous d'une part de revenir sur l'histoire et l'évolution des
concepts ; d'autre part d'étudier quels sont les enjeux sociopolitiques
actuels qui se manifestent par l'omniprésence de ces mots.
I/ De l'état de citoyen à l'idée de
citoyenneté
La longue histoire de la citoyenneté a permis d'en
donner une définition formelle et précise, qui est
bousculée dans nos sociétés par la crise de la
démocratie représentative, ce qui en rend les contours plus large
mais aussi plus flous.
1/ La citoyenneté, vingt-cinq siècles
d'histoire
L'idée de la société politique, la
démocratie et la République sont le produit de l'histoire et
trouvent naissance à deux sources, Athènes et Rome. Pour
comprendre l'évolution du statut de citoyen et de l'idée de
citoyenneté un retour sur la genèse de ces éléments
fondamentaux est nécessaire.
a/ La polis grecque
C'est dans la Grèce antique, organisée alors en
cité-État que va naître à Athènes la
démocratie cinq siècles avant notre ère. L'innovation
grecque est d'avoir imaginé la séparation entre la sphère
du privé, et la sphère du public. Cette dernière est le
domaine de la vie de la Cité qui devient ainsi « un domaine
autonome de la vie sociale »4.
La sphère de la polis est celle de la
communauté des citoyens, elle n'a de valeur et de réalité
que par la pratique commune. La citoyenneté ne peut pas se pratiquer
seul, et ne prend du sens que s'il y a concitoyenneté, c'est à
dire création d'une vie publique commune. L'objectif de celle-ci est de
gérer les affaires de la Cité, en prenant des décisions et
en légiférant.
En procédant ainsi les Grecs ont inventé le
concept d'état de Droit. Ce ne sont pas les
1 Honoré de BALZAC cité par Michel RICARD in
Rapport à autrui et personne citoyenne, 2002, p.117
2 Dominique SCHNAPPER, La communauté des
citoyens, 2003, p.9
3 Monique CASTILLO, La citoyenneté en question,
2002, p.7
4 D. SCHNAPPER, 2003, p.122
hommes qui gouvernent la communauté des citoyens mais
les lois. Ainsi « la communauté des citoyens était la
seule source de la légitimité et la seule instance de
décision politique et judiciaire »5.
La démocratie directe athénienne est
organisée en deux instances. L'Ecclésia,
l'assemblée du peuple est requise pour les décisions les plus
importantes, tandis que la Boulè est une assemblée de
cinq-cent membres tirés au sort, dont le rôle est d'étudier
les propositions de loi. Le système de tirage au sort fait qu'un citoyen
sur deux siège au moins une fois dans sa vie à la
Boulè. Il faut bien noter que s'il y a assemblée, il
s'agit là d'un système de délégation temporaire et
non de représentation.
Nous devons aux grecs deux valeurs fondamentales qui
présidaient à la prise de décisions communes : la
liberté et l'égalité. Ce sont deux éléments
clé dans l'idéal démocratique athénien.
L'idée de liberté, ou eleutheria,
comporte deux aspects. D'une part, la liberté concernant la
sphère privée où chacun est libre de vivre comme il
l'entend et qui est un domaine totalement étanche à la
sphère publique. D'autre part, la liberté dans la sphère
publique grâce au partage d'une constitution commune.
L'idée d'égalité a elle aussi une double
déclinaison. L'isonomia est l'égalité devant la
loi, tandis que l'iségoria est l'égalité dans la
proposition et la prise de décisions collectives, et à ce titre
« l'une des marques de la liberté c'est être
successivement gouvernant et gouverné... »6. Ce
dernier point est important car il marque la rupture entre l'individu et le
citoyen. Dans le champ de la citoyenneté existe une
égalité formelle, à la fois juridique et politique, qui
transcende la condition sociale. Bien entendu ce sont ces notions qui seront
reprises dans la formule « libres et égaux en droit »
de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen puis dans la
Déclaration universelle des droits de l'homme.
La démocratie directe pratiquée par les
athéniens sur l'agora trouve ses limites dans la limitation stricte du
statut de citoyen. Un dixième seulement des habitants étaient
citoyens, ce statut étant fondé sur une conception ethnique
étroite qui excluait, à de rares exceptions près, les
étrangers, les métèques et les esclaves, mais aussi les
femmes et les enfants : « Les citoyens libres formaient donc, en fait,
une véritable aristocratie de naissance qui avait seule la conduite des
affaires publiques »7 .
Nous retiendrons de l'expérience athénienne deux
éléments fondamentaux. Tout d'abord la dimension publique de
l'existence qui transcende la condition sociale, et qui engendre «
...l'auto-institution de la société par elle-même
»8. Ensuite l'organisation de la société
grâce aux lois décidées par la communauté sur la
base de la liberté et de l'égalité des citoyens. Nous
noterons bien toutefois que s'il y a là un exercice réel et
fondateur de démocratie directe, le droit de l'exercer est
réservé à une minorité, le statut de citoyen
strictement encadré ne visant absolument pas à
l'universalité. D'autre part si la légende a
idéalisé l'agora, il ne faut pas ignorer que «
Malgré l'immense ouverture de ses institutions (...), malgré
l'omnipotence de l'assemblée du peuple, malgré une participation
considérée comme un devoir primordial (...) la démocratie
athénienne elle-
5 Idem p.123
6 Aristote, cité in D. SCHNAPPER, 2003, p.124
7 Michel MOURRE, Dictionnaire d'histoire universelle,
1981, p.104
8 Roger SUE, « L'affirmation politique de la
société civile », Cité, n°17-2004,
p.25-37.
même (...) ne parvenait à rassembler, ni chaque
jour ni même chaque semaine, l'ensemble des citoyens »9
b/ La République puis l'Empire romain
Rome fut d'abord une cité-État limitée
à la ville de Rome, fonctionnant à l'instar des cités
grecques. Mais au fur et à mesure des conquêtes,
débutées sous la République et poursuivies sous l'Empire,
le droit à la citoyenneté va devoir être revu.
A ses débuts, la République romaine était
attachée à la naissance, tout comme l'était Athènes
: est citoyen tout homme libre né de père citoyen romain. Ce
droit a d'abord été étendu à tout homme libre
né dans la péninsule, puis avec l'Empire il y a eu
nécessité d'unifier juridiquement le territoire. C'est ainsi que
l'édit de Caracalla en l'an 212 étend le droit de
citoyenneté à tous les hommes libres de l'Empire : « Aux
peuples divers tu as donné une patrie commune : en associant les vaincus
à ton droit, tu as fait du monde une ville »10. La
loi impériale assujettit les individus sur l'ensemble du territoire de
l'Empire.
Il s'agit là d'un glissement de la Cité vers la
Nation ; la société d'Aristote était une «
société de face à face », ce qui est impossible pour
Rome avec l'extension de l'Empire. La citoyenneté devient un statut
juridique et un moyen d'unification. La société politique romaine
légifère non plus pour régler des problèmes
immédiats et réels mais pour régler les relations entre
des sujets de droit.
Les limites de l'exemple romain tiennent à deux
aspects. Tout d'abord la citoyenneté romaine ne donne pas droit de
participer à la vie politique, qui est réservée à
des castes aristocratiques ou oligarchiques. Le cens permettait de discriminer
parmi les citoyens ceux qui étaient éligibles aux magistratures.
Si cela permettait à quelques uns grâce à leur
réussite économique de pouvoir participer à la vie
politique, il ne s'agissait que d'une ouverture minime de l'aristocratie. En
fait, c'est parce que la citoyenneté et les fonctions sociales sont
disjointes, parce que l'exercice du pouvoir effectif ne lui est pas
associé que la citoyenneté a pu être accordée plus
largement. Ce fonctionnement débouche sur la deuxième limite de
l'exemple romain, à savoir la corruption du système politique,
qui fait dire à Max Weber « Nulle part au monde un patronage
politique de cette sorte n'a été tenu entre les mains d'un si
petit nombre de familles»11.
L'héritage de Rome reste le principe d'une
citoyenneté ouverte à vocation universelle, à tel point
que nous pouvons dire « nous sommes tous des citoyens romains
»12. Mais cette citoyenneté de droit ne se traduit
pas par une participation politique, réservée elle à une
élite aristocratique. La citoyenneté romaine a inventé le
lien civique qui rattache le citoyen à un État
réglé par le droit.
Cela va avoir une influence importante au niveau social,
puisque d'une idée d'origine héritée des Grecs qui
postulaient que la place de chacun était liée à un
immuable état de nature, les Romains vont évoluer vers
l'idée de statuts sociaux définis en droit, ce
9 Mathias LE GALIC, La démocratie participative, le
cas Nantais, 2005, p.18
10 Invocation à Rome de Rutilus Namatianus, in M. MOURRE,
1981, p. 1339
11 Cité in D. SCHNAPPER, 2003 p. 128
12 Claude NICOLET cité in Dominique SCHNAPPER,
Qu'est-ce-que la citoyenneté, 2000, p.15
que Senèque traduit de la façon suivante :
« L'homme que tu appelles ton esclave est né de la même
semence, a le même ciel au dessus de sa tête, respire comme toi,
vit comme toi, meurt comme toi. Tu peux le voir libre un jour tout comme il
peut te voir esclave »13. Si le citoyen
bénéficie immédiatement de droits politiques et civils
tandis que l'esclave n'a aucun droits, l'affranchissement va conférer
l'accès à des droits civils immédiats, suivi d'un
accès à une citoyenneté complète pour les
descendants d'affranchis. C'est là une évolution
considérable, quand bien même sur le fond demeure dans la
société romaine l'existence d'individus avec statut d'homme et
d'autres ayant statut de sous-homme, lesquels dépendent d'un
maître qui a pouvoir de leur octroyer la liberté.
c/ De la cité à la nation
Le Moyen Age est marqué par l'oubli de la
civitas, c'est à dire l'appartenance citoyenne, au profit de
l'impérium, soit la domination de la figure du chef devant le
groupe. C'est ainsi que « durablement, pour plusieurs siècles,
le citoyen s'efface au profit du sujet ou du vassal, formes qui ont nourri le
Moyen Age politique. Il faut laisser passer près d'un millénaire
pour que la figure du citoyen retrouve son sens et une actualité (...)
qui culmine avec la Révolution française
»14.
Le siècle des lumières va entraîner le
débat sur la personne, en interrogeant la place de l'individu dans la
société. Quelle est la nature de cette relation, sur quoi se
fonde-t-elle ? Cette approche est celle des théoriciens du contrat
social et des droits subjectifs. Elle part de l'analyse du passage de l'homme
de l'état de nature à la société ; « Dans
cette conception, le contrat est idéalement la préservation et
l'organisation collective de ces droits naturels dans la société,
que ce soit sous forme d'expression de la volonté générale
chez Rousseau, d'identification à un souverain tel le Léviathan
chez Hobbes, ou d'un trust (contrat de confiance) entre le peuple et ses
représentants chez Locke. Dans l'interprétation classique, le
contrat social apparaît ainsi comme le fondement du lien social et le
garant des droits naturels »15.
La citoyenneté va revenir en force dans l'histoire au
XVIIème par la guerre civile anglaise, puis par la guerre
d'indépendance et la fondation de la démocratie aux Etats-Unis,
enfin bien sûr par la Révolution française ; la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août
178916 consacrant cet avènement. Cette citoyenneté
s'établit dans un contexte très différent de la
cité grecque ou de l'empire romain. Les monarchies ont contribué
à rassembler et unir de vastes ensembles sous forme d'Etats. La pratique
démocratique va devoir s'adapter à cette échelle.
L'Etat-monarchique devient Etat-nation et la souveraineté, «
inaliénable et indivisible » pour reprendre les termes de
Jean-Jacques Rousseau, est désormais détenue par la
communauté nationale des citoyens. C'est ce qu'exprime fortement
l'article III de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen :
« Le principe de toute souveraineté réside
essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer
d'autorité qui n'en émane expressément ».
13 Lettres à Lucillius, livre V lettre 47, citées
in M. CASTILLO, 2002, p.19
14 Thierry LETERRE, « La naissance et les transformations de
l'idée de citoyenneté », Cahier français n°281,
1997, p.3
15 Roger SUE, Renouer le lien social : liberté,
égalité, association, 2001, p.68.
16 Jointe en annexe 1
d/ La démocratie représentative
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
affirme par ailleurs dans son article VI que « Toute personne a le
droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays,
soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants
librement choisis ». La démocratie représentative
constitue une synthèse et une modernisation de l'héritage
gréco-romain ; des citoyens égaux en droits à grande
échelle donnent mandat à quelques-uns par leurs votes pour
exercer le pouvoir en leur nom et place. Avec cette définition de la
démocratie seuls les représentants participent au processus de
décision, et aucune responsabilité n'est exercée
directement par les citoyens.
En pratique dans ce système, les représentants
font les lois, en conséquence « La souveraineté du
peuple est donc celle de la loi »17. Cet aspect est repris
dans la Constitution de 1946 (IVème République) qui
précise « La loi, expression de la volonté
générale, est un acte de puissance initiale, un acte
inconditionné ».
e/ La représentation en crise
L'écueil actuel lié à notre organisation
politique est que « Plus de deux siècles de démocratie
représentative ont ancré profondément le jugement selon
lequel l'idéal de participation des citoyens au gouvernement de la
cité appartient au passé »18.
Document n°1 : Déclaration de
Lee Hamilton au Congrès américain sur la crise du droit de vote
:
« Le droit de vote est l'élément central
de notre système de gouvernement.
Il y un siècle, 80% de tous les électeurs
exerçaient leur droit de vote lors des élections
présidentielles. Aujourd'hui le taux est de 50%.
Les États-Unis, le phare et le rempart de la
démocratie moderne, se classent maintenant derrière la plupart
des autres pays libres pour ce qui est de l'exercice du droit de vote.
[...]
La politique est devenue un sport de spectateurs...
» source : L'encyclopédie de l'Agora
Pour nombre d'auteurs, cela ne procède pas d'une
quelconque fatalité, mais d'une démarche liée à une
certaine défiance du peuple-citoyen, que résume cette formule
lapidaire et provocatrice de Rivarol : « Il y deux
vérités qu'il ne jamais séparer dans ce monde :
premièrement que la souveraineté réside dans le peuple ;
deuxièmement que le peuple ne doit jamais l'exercer
»19. Nous rejoignons ici une double critique souvent
entendue. D'une part il y a confiscation du pouvoir par des hommes devenus des
professionnels de la politique. D'autre part ceux-ci constituent une
élite, qui se produit et se reproduit entre pairs. Au final cette
situation contribue à éloigner les citoyens de la polis
et certains n'hésitent pas à parler d'un système de
« monarchie élective éclairée
»20.
Cette crise de la démocratie représentative est
constatée dans l'ensemble des pays occidentaux, et touche au premier
chef l'acte le plus symbolique de la démocratie, le vote, comme en
atteste le constat désabusé ci-contre21.
17 M. CASTILLO, 2002, p.38
18 M. LE GALIC, 2005, p.18
19 Idem, p.23
20 Georges GONTCHAROFF, Forum « Démocratie ou
démagogie participative ? », Bouguenais (44), 11 octobre 2003,
notes personnelles
21 Déclaration au Congrès américain du
représentant de l'Indiana M. Lee HAMILTON, en décembre 1998,
citation tirée
Pour José Sarramago, cette situation résulte du
fondement même de notre système : « Les instances du
pouvoir politique tentent de dévier notre attention d'une
évidence : à l'intérieur même du mécanisme
électoral se trouvent en conflit un choix politique
représenté par le vote et une abdication civique. N'est-il pas
exact que, au moment précis où le bulletin est introduit dans
l'urne, l'électeur transfère dans d'autres mains, sans autre
contrepartie que des promesses entendues pendant la campagne électorale,
la parcelle de pouvoir politique qu'il possédait jusqu'alors en tant que
membre de la communauté de citoyens ? »22. Il
s'agit là à n'en pas douter d'un élément
fondamental dans le débat sur la citoyenneté ; toutefois il ne
faut pas réduire la citoyenneté au vote, car elle recouvre un
champ bien plus large.
2/ Citoyenneté plurielle ou citoyenneté en
miettes ?
« Savoir si la citoyenneté est toujours
pensable (...) constitue une tâche essentielle (...), il n'est
peut-être pas inopportun de se demander si la citoyenneté peut
être rapportée à la fois à des communautés
segmentaires et à des échelles supranationales ou si elle n'est
pas devenue inintelligible, parce qu'attribuée à tout et
n'importe quoi.»23. Cette interrogation situe bien
l'éclatement du champ de la citoyenneté et la
nécessité de la redéfinir.
a/ Une construction par étapes
Dans un contexte d'expansion progressive des droits, la
citoyenneté s'est modifiée au cours de l'histoire. Le sociologue
anglais T.H. Marshall s'est attaché à l'étude de la
naissance de la citoyenneté sociale, dans le contexte de construction de
l'Etatprovidence en Grande-Bretagne dans la seconde moitié du
XXème siècle. Il a ainsi déterminé trois
stades dans la construction de la citoyenneté moderne. Au
XVIIIème siècle s'est formée la
citoyenneté civile, qui correspond aux libertés fondamentales :
liberté d'expression, égalité devant la justice, droit de
propriété. Au XIXème la citoyenneté
politique est advenue, fondée sur la participation politique grâce
à l'élargissement du droit de vote et de
l'éligibilité. Le troisième stade est la construction de
la citoyenneté sociale au XXème siècle, qui
résulte de la création de droits-sociaux économiques :
droit à la santé, protection contre le chômage, droits
syndicaux.
Cette construction progressive est marquée par une
évolution du droit. Les droits de l'homme et du citoyen définis
initialement à la Révolution sont des « droits de »,
autrement nommés « droits libertés », « droits
actifs » ou « droits forts ». La vision qui préside
à ces droits vise à limiter le droit d'entrave de la part de
l'Etat, et cherche à préserver la plus grande liberté
possible à l'individu. Le fondement des « droits liberté
» est l'égalité des citoyens dans la sphère de la
cité ; cette garantie des libertés est formelle, hors des
contingences matérielles, hors de « l'homme situé ».
Cela va se révéler insuffisant, c'est pourquoi
progressivement les constitutions se sont orientées vers de nouveaux
droits, sous la forme de « droits à », autrement
appelés « droits créances » ou encore «
droits-sociaux », « droits passifs » ou « droits faibles
».
du site L'encyclopédie de l'Agora,
http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Civisme
22 José SARRAMAGO, « Que reste-t-il de la
démocratie ? », Le Monde diplomatique, août 2004,
p.20
23 Michel RICARD, 2002, p.117
Ces nouveaux droits correspondent aux formes modernes de
l'Etat-social. Ils permettent à l'individu d'avoir un Etat qui non
seulement garantisse les libertés mais encore qui fournisse «
...des prestations indispensables à l'exercice effectif de ces
libertés »24. C'est là un basculement
puisque ce n'est plus l'égalité qui est l'élément
fondateur mais l'équité. « L'Etat Providence en dette
face à des laissés-pour-compte, renforce "les droits à"
tout au long du XXème siècle, instituant le statut
"supérieur" de la liberté, mettant en évidence le principe
d'équité au travers d'un statut passif de l'usager dans la
société »25. Ces « droits
créance » constituent la reconnaissance et la prise en compte de
« l'homme fragmenté », l'homme situé dans la vie
concrète par opposition à l'homme abstrait dans la sphère
de la citoyenneté.
La notion d'équité poussée plus avant est
à la base des théories de la discrimination positive ou «
positive actions », dont le théoricien majeur est John Rawls. Il y
a dans le principe d'égalité un aspect purement
mathématique, donner la même chose, la même quantité
à chacun, or cela ce ne fonctionne pas, ou plutôt ne fonctionne
que dans la sphère du politique, de l'homme abstrait. C'est ainsi que
« Le problème de la citoyenneté devient davantage une
question d'exercice et de pratique que de définition formelle
»26.
Le Conseil d'Etat dans un rapport sur le principe
d'égalité en 1997 constatait « Trop
d'égalité tue l'égalité », ce qui n'est
pas sans rappeler la maxime de Cicéron « Summum jus, summa
injuria »27, la contradictions n'est donc pas nouvelle. La
théorie de la discrimination positive pose que la justice sociale passe
alors par l'abandon du principe d'égalité au profit du principe
d'équité, c'est à dire admettre que dans la sphère
économique et sociale, celle de l'homme situé, il peut y avoir de
« justes inégalités » au bénéfice des
plus défavorisés. Plusieurs politiques en France ce sont
rapprochées de ce principe28, l'écueil étant
d'un côté le problème de stigmatisation que cela
entraîne, et de l'autre une autre forme d'exclusion qui est l'exclusion
du droit commun au profit de droits spécifiques.
b/ Différentes sphères de citoyenneté
L'exercice moderne de la citoyenneté s'exerce dans
différentes sphères. Nous pouvons en distinguer trois : celle du
politique, celle de l'économique, celle du social.
La citoyenneté politique « s'exprime par son
contenu juridique et sa référence déterminante à la
nationalité »29. Il s'agit de l'exercice des droits
civiques et politiques. C'est ce volet qui apparaît, ou du moins est
annoncé, comme le plus en crise. Il faut noter que la base de cette
citoyenneté est la nationalité puisque c'est elle qui
confère les droits civiques.
La citoyenneté économique intègre les
aspects de la vie en société sur deux niveaux :
24 Roland JANVIER & Yves MATHO, Mettre en oeuvre le droit
des usagers dans les organisations sociales et médicosociales,
2004, p.15
25 Marie-Agnès ROUX, « Promouvoir la place de
l'usager », Les cahiers de l'actif n°318-319, p.140
26 M. LE GALIC, 2005, p.27
27 Comble de justice, comble d'injustice.
28 Loi d'orientation en faveur des personnes handicapées
du 30 juin 1975, création des Zones d'Education Prioritaires en 1983,
Loi de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998...
29 Anicet LE PORS, La citoyenneté, 2004, p.52
celui de l'échange marchand et celui des relations au
travail. Cette dimension intègre un volet juridique important et en
constante augmentation, dénoncé souvent comme une inflation
menant à une « juridiciarisation » de la société
; ainsi l'exercice privilégié de la citoyenneté
deviendrait le recours en justice. C'est l'émergence du «
citoyenconsommateur » et cela témoigne d'une crise : « Le
dépassement de l'Etat-providence traditionnel entraîne (...) une
"victimisation générale de la société. La justice
est uniquement appréhendée en termes de compensation et de
réparation. L'explosion du nombre de procès en
responsabilité civile et l'alternative individualiste à
l'Etatprovidence ne font plus qu'un du même coup
»30. Le chômage de masse et l'exclusion sociale que
cela entraîne rend difficile pour un nombre croissant de personnes
l'exercice de cette forme de citoyenneté, car pour reprendre les propos
de Robert Castel sur les surnuméraires : « On ne fonde
pas la citoyenneté sur l'inutilité sociale ».
La citoyenneté sociale, à laquelle certains
auteurs associent également la citoyenneté culturelle, englobe
les liens relationnels tissés. Cette sphère est celle qui est le
plus concernée par les « initiatives citoyennes » de
proximité, celle qui tend à se développer le plus.
Un exercice plein d'une citoyenneté globale devrait
allier les trois dimensions. Deux d'entre-elles étant en crise, la
citoyenneté globale apparaît un objectif inaccessible pour un
nombre croissant de personnes. Il faut souligner que, malgré cela, les
appels à la citoyenneté sont constants, constituant souvent
autant d'injonctions paradoxales : « Dire à des gens : soyez
citoyens, c'est affirmer sans le dire qu'ils n'en sont pas, qu'ils doivent
faire leur preuve pour le devenir »31.
De telles injonctions confondent souvent citoyenneté,
civisme et civilité, trois notions qui doivent être
éclairées tout en soulignant qu'elles font l'objet
d'interprétations diverses. « La notion de civisme occupe une
position intermédiaire entre celles de civilité et de
citoyenneté -trois termes qui ont la même origine. Le civisme
implique plus que la sociabilité du premier, qui ne concerne que les
règles élémentaires de vie en société, et
moins que le second qui évoque l'appartenance et la participation
à la communauté politique »32. Cette
définition met en valeur le civisme et minimise la civilité. Or
ce dernier terme est de plus en plus utilisé, et il mérite
d'être critiqué. Il se définit surtout « en creux
» : civilité est aujourd'hui systématiquement
utilisé par opposition à incivilités («
la civilité » au singulier s'oppose au pluriel «
les incivilités »).
A l'inverse de la citoyenneté, qui repose sur
l'égalité face à la loi, la civilité est un
comportement individuel (basé sur la responsabilité
individuelle) dicté par le milieu. Là où la
citoyenneté garantit l'égalité de tous face à la
loi, quels que soient la situation géographique ou le milieu social, loi
issue de la souveraineté populaire et reposant sur la
préservation des libertés individuelles et de
l'intérêt public, la civilité est un comportement
individuel, inégalitaire selon les situations puisque nécessitant
la maîtrise d'habitus de différents groupes sociaux, qui ne repose
que sur la préservation des intérêts personnels.
30 Pierre ROSANVALLON, La nouvelle question sociale, repenser
l'Etat-providence, 1995, p.66
31 Annick MADEC & Numa MURARD, Citoyenneté et
politiques sociales, 1955, p.45
32 René REMOND, « Civisme », Guide
républicain, 2004, p.30
Document n°2 : propositions de
définitions de la civilité et du
civisme
- La civilité : il s'agit d'une
attitude de respect, à la fois à l'égard des autres
citoyens (ex : politesse), mais aussi à l'égard des
bâtiments et lieux de l'espace public (ex : transports publics). C'est
une reconnaissance mutuelle et tolérante des individus entre eux, au nom
du respect de la dignité de la personne humaine, qui permet une plus
grande harmonie dans la société.
- Le civisme : il consiste, à titre
individuel, à respecter et à faire respecter les lois et les
règles en vigueur, mais aussi à avoir conscience de ses devoirs
envers la société. De façon plus générale,
le civisme est lié à un comportement actif du citoyen dans la vie
quotidienne et publique. C'est agir pour que l'intérêt
général l'emporte sur les intérêts particuliers.
Source : site de La documentation
française
|
Nous avons retenu cette définition critique de la
civilité car elle ouvre au débat, le document
ci-contre33 en
ouvre une autre en contrepoint, à vocation sans doute
plus consensuelle et pédagogique...
c/ Des pratiques nouvelles et élargies
La citoyenneté instituée est une conquête,
le fruit nous l'avons vu d'une longue histoire. Mais l'opposition entre les
droits actifs fondamentaux (droit de suffrage, droit
d'éligibilité, accès à la fonction publique) et les
droits créances considérés comme la forme passive de la
citoyenneté a évolué et ce clivage n'est plus
adapté.
La citoyenneté contemporaine est toujours basée
sur un pôle actif et un pôle passif, mais cela ne recouvre plus les
mêmes éléments. La passivité est liée
à l'assujettissement du citoyen, qui appartient à une
communauté dont il est tenu de respecter des règles de
fonctionnement. Ces règles sont soit déjà existantes, ou
plutôt même pré-existantes, soit éloignées
puisque faites loin de lui par ses représentants (députés)
ou même par les représentants de ses représentants
(sénateurs). L'action publique lui est lointaine, qu'il s'agisse de
l'approuver ou de la contester. Le citoyen contemporain revendique et recherche
un rôle plus direct dans la prise de décision politique, une
citoyenneté plus active, « Le besoin de participation
naît de la constatation de la crise de la démocratie
représentative (...) et la citoyenneté se déplace donc
vers la sphère du social, du privé : agir là où
l'on est »34. La sphère active est devenue celle de
la citoyenneté assumée.
La citoyenneté pour être considérée
comme active implique que les citoyens puissent sous une forme directe
énoncer et négocier ce qui leur paraît souhaitable pour
leur avenir. Le citoyen contemporain revendique une citoyenneté
assumée, active et mieux maîtrisée. L'engagement de nombre
de personnes au sein d'associations, de comités de défense, de
mouvements protestataires procède de cette nouvelle citoyenneté.
Ces nouvelles formes d'engagement civique revêtent trois
caractéristiques.
Tout d'abord c'est un engagement « sur mesure » tant
dans le thème que dans la durée « ...des contrats de
citoyenneté à objet précisément circonscrit et
à durée
33 Extrait de l'article « Quelles sont les valeurs
attachées à la citoyenneté ? », disponible sur le
site de La documentation française,
www.viepublique.fr
34 Jésus SANCHEZ, «Participation et politique
publique», Vie sociale n°1/2004, p.11
déterminée... »35. Ceci
s'oppose à l'engagement global dans un parti ou un syndicat tel qu'il
pouvait se prendre jusqu'au début des années 1970.
Ensuite seconde caractéristique la dimension
très pragmatique de l'engagement, qui vise un résultat
précis conforme à « ...une idéologie plus
opératoire qu'axiomatique... »36. Ce n'est plus un
idéal du monde qui fonde l'action, mais un objectif concret, dont
l'atteinte définit la nature et la durée de l'engagement.
Enfin troisième caractéristique c'est celui qui
s'engage qui détient la maîtrise de son engagement, tant dans sa
nature que dans sa durée. Là encore cela s'oppose aux logiques
d'appareil qui organisent leurs militants comme des agents.
Ces nouvelles formes de citoyenneté permettent une
grande réactivité, des mouvements ou associations peuvent
émerger quasi-instantanément, et permettent aux citoyens de
mettre en oeuvre leurs compétences et leur expertise directement au
service du sujet qui les intéresse.
d/ Vers une supra-nationalité ?
Cette nouvelle approche de la citoyenneté active
résulte également de la multiplicité des champs qui
s'offre désormais au citoyen. L'Etat-nation ne semble plus ni le lieu
exclusif ni même le lieu privilégié de la
citoyenneté, et sa détention de la souveraineté est mise
en question ; « Pour le citoyen du début du troisième
millénaire, la souveraineté des Etats est donc bien une question
(...) par laquelle il faut passer pour se représenter un avenir...
»37..
D'un côté la décentralisation donne de
plus en plus de place et d'importance aux échelons locaux, et l'un de
ses objectifs initiaux annoncé en 1981 par Pierre Mauroy dans un de ses
discours était de « ...créer des citoyens en
appétit de participation et de rendre les décideurs accessibles
et vulnérables »38
De l'autre la dimension européenne voire mondiale prend
toujours plus d'importance ; « Au bout du compte (...) l'Etat-nation
se banalise et tend à devenir un échelon décisionnel parmi
d'autres (...). Dans la réalité, qui est en avance sur nos
représentations qui peinent à la suivre, avec la banalisation de
l'Etat-nation s'efface la société et le lien social qui en
était issu »39. A cette échelle
supra-nationale la citoyenneté est moins une attribution
légale40 qu'un engagement de la part des personnes, d'autant
que la disjonction entre nationalité et citoyenneté bien que
revendiquée n'a jamais abouti. Il existe aujourd'hui une contradiction
entre l'intégration objective des hommes dans un espace virtuellement
mondial avec leur sentiment d'identité collective, ainsi qu'avec leur
participation politique, qui continue de s'exprimer de manière
privilégiée sur le plan de la nation
35 Jean-Pierre WORMS, « Vers une citoyenneté mondiale
? », Cahier Français, 2003, p.42
36 Idem
37 M. CASTILLO, 2002, p.48
38 Cité par Georges GONTCHAROFF, Forum «
Démocratie ou démagogie participative ? », Bouguenais (44),
11 octobre 2003, notes personnelles
39 R. SUE, 2001, p.35
40 Bien que l'article 8 du traité de l'Union
européenne précise que toute personne ayant la nationalité
d'un Etat membre est citoyen de l'Union, ce qui est un pas vers une
citoyenneté européenne
Au final nous en arrivons à une inversion : ce n'est
plus la qualité de citoyen qui détermine le droit de participer
à la chose publique, mais c'est désormais la participation
volontaire qui est constitutive de la citoyenneté. Toutefois la question
demeure pour savoir « Sera-t-il un citoyen sans Etat ? (...) Citoyen
du monde, d'un monde désormais devenu une vaste société
civile »41. Les réseaux créés
grâce aux nouvelles technologies de l'information et des communications
développent de nouvelles formes d'intervention citoyennes, inventant
« ...une démocratie totale et permanente, tous les individus
étant consultés sur tout à tout moment
»42.
Si les tenants de la société de l'information et
du réseau mondial veulent accréditer cette thèse, il est
permis d'en douter car « La Terre, aujourd'hui, aussi
interdépendante et intégrée soit-elle, ne constitue pas
une cité (...) L'apprentissage de la citoyenneté requiert un
espace proche, où les liens juridiques et politiques sont nourris par
des réseaux affectifs (...) La citoyenneté mondiale est, pour
longtemps encore, une idée très éloignée sur
l'horizon, même si elle n'est plus un simple rêve
»43.
41 M. CASTILLO, 2002, p.48
42 Philippe MOREAU DEFARGES, « Les nouveaux espaces de la
citoyenneté », Cahier français n°316, 2003,
p.45
43 Idem
En résumé
De la longue histoire de la citoyenneté, nous
retiendrons d'un côté les notions fortes de communauté de
citoyen et d'Etat de droit, de l'autre de crise de la
représentativité et de l'Etat-nation.
La communauté des citoyen permet de créer une
société politique hors de la sphère de l'homme
situé. Dans cette société les hommes sont égaux
tant dans l'élaboration que dans le respect de la loi. Cela permet
l'émergence d'un Etat de droit, qui étend à tous les
individus sur un vaste territoire le même statut et les mêmes
droits.
La démocratie représentative qui est la mise en
forme moderne de ces principes, a opéré à un transfert de
la souveraineté des citoyens vers leurs représentants. Ce
faisant, il se sont désaisis, d'un point de vue aussi bien pratique que
symbolique, de la gestion de la polis. Ceci entraîne une crise
du modèle de citoyenneté classique.
Le contexte de mondialisation des réseaux
d'échanges d'une part permet d'autres formes d'engagements, d'autre part
remet en cause l'échelon de l'Etat-nation.
Face à cette situation, la participation semble
désormais constituer le nouvel élément majeur de la
citoyenneté en réponse à cette crise. Qu'est ce que la
participation ? C'est ce que nous allons envisager dans le chapitre qui
suit.
II/ La participation
Le besoin de participation est né du constat de crise
de la démocratie représentative dans tous les pays occidentaux.
« Le défaut majeur de la démocratie est probablement
qu'elle tend à fonctionner à l'évidence pour les sujets
ayant toujours été confrontés à la
démocratie. Il n'est pas loin d'ailleurs le temps où l'on pourra
parler de "déshérence démocratique" pour bien marquer le
déficit dont nous souffrons dans nos sociétés
»44. Avec la complexification des circuits de
décision politique, le sentiment d'impuissance à peser sur les
décisions grandit dans la population. Les mécanismes de
délégation sont contestés, ce qui se traduit soit par un
renoncement, soit au contraire par la revendication de jouer un rôle de
contre-pouvoir.
1/ Une notion récente et
évolutive
L'origine du mot participation est latine, sa racine est
particeps dont le sens premier est « avoir une part de »,
lui même dérivé du verbe capere qui veut dire
prendre. Le verbe participer est utilisé à partir du
XIIème siècle avec trois acceptions possibles : soit
faire participer, soit partager ou répartir, soit enfin avoir sa part. A
partir du XVIIème siècle le mot participation acquiert
une connotation commerciale, avec le sens d'avoir des parts dans une
affaire.
Au milieu du XIXème, est
développé par le mouvement socialiste le concept de cogestion,
préconisant l'association des travailleurs à la gestion de
l'entreprise. Cette idée a pris le nom de participation dans le
mouvement politique et social gaulliste après la deuxième guerre
mondiale. Ce projet proposait aux salariés de participer autour de trois
points : organisation, finance et gestion des entreprises. La création
des comités d'entreprise en 1945 a rendu effectif le premier point, les
contrats d'intéressement puis l'actionnariat salarié ont
concrétisé le second point, tandis que la participation à
la gestion a été proposée et rejetée lors du
référendum de 1969. Une raison de ce rejet était
l'opposition de gauche à la participation, qui a perduré
jusqu'à la fin des années 1970, car elle était
perçue « Comme une catégorie du discours des dominants
et des dirigeants, une injonction à déserter le conflit social,
et à s'abêtir dans l'aliénation
généralisée de l'idéologie dominante et de la
consommation de masse »45.
Dans les années 1980 deux changements se produisent ;
d'une côté le « management participatif » se
développe dans les entreprises, de l'autre l'exclusion sociale se
développe et les inégalités sociales se creusent. Dans ce
contexte « Ne faut-il pas plaider pour que l'exclusion se renverse en
son contraire, la participation, qui au lieu de pouvoir être
dénoncée, comme par le passé, au nom du conflit de classe,
est ce dont on est privé lorsqu'on est chômeur ou pauvre, et non
plus ouvrier et exploité ? »46.
Progressivement la participation est ainsi devenue un outil de
lutte contre l'exclusion sociale. Cela demeure ambigu, puisque « La
pleine participation à la vie collective risque toujours, ce qui peut
paraître paradoxal -et, à long terme, dangereux- pour une
44 Reynald BRIZAIS, « Citoyens en institution, institution
citoyenne », document de cours Cadre et direction, MST IDS - DSTS
de Nantes, 2005
45 Michel WIEVIORKA, « Critique de la participation
», Information sociale n°43, 1995, p. 17
46 Idem p. 19
société démocratique, d'être
limitée aux plus actifs et aux plus entreprenants et de marginaliser les
plus modestes, socialement et culturellement »47.
2/ Les différents niveaux de
participation
La notion de participation, de création récente
et aux contours plus ou moins définis, a par contre été
déclinée de façon très technique et
détaillée en fonction du degré d'implication des
participants.
a/ L'implication, un élément fondamental
La participation d'un individu peut s'appuyer sur ses propres
intérêts ou des valeurs d'intérêt
général d'un groupe, l'un n'excluant pas l'autre.
L'intérêt propre à chacun doit servir de motivation mais ne
peut constituer une finalité. La participation lorsqu'elle est
collective fait référence à des intérêts
partagés par plusieurs personnes. Pour envisager une participation
active et collective, il faut fédérer les acteurs autour
d'actions communes où les deux registres d'intérêt sont
présents. La notion de participation recouvre étroitement la
notion d'intérêt mais n'implique pas forcément un partage
d'objectifs : « Chacun conserve ses objectifs propres tout en
acceptant de contribuer à un objectif commun
»48.
Document n°3 : La notion de «
Capital social »
Les réseaux d'engagement civique tels que les
syndicats, les clubs et les partis politiques, toutes les sortes d'association,
de réseaux informels de voisinage, les clubs sportifs et les
coopératives, sont des manifestations typiques du capital social. Plus
ces réseaux sont denses, et plus il est vraisemblable que les membres
d'une communauté coopèrent en vue d'un bénéfice
mutuel.
Le Capital social est important pour la vie économique
parce que les réseaux, les normes et la confiance facilitent la
coopération -notamment parce qu'ils réduisent les coûts de
transaction-, mais sa valeur sociale déborde largement son
utilité économique.
A l'instar du capital naturel, il implique un
élargissement de la perspective à des aspects non
économiques de la vie sociale : le capital de confiance et de
convivialité, de capacité collective à vivre et à
agir ensemble de manière efficace.
Source : Dominique Meda, site Place publique
La participation à un projet collectif n'est pas
spontanée et naturelle, pas plus qu'elle ne se décrète. Il
s'agit d'un apprentissage, d'une prise de conscience de soi et des autres qui
peut permettre de créer ou recréer du contact, du lien social.
Cela passe également par le conflit, la confrontation : « La
créativité pratique et institutionnelle sera plus forte si elle
s'enracine dans l'hétérogène, dans la tension
créatrice. En effet, ce n'est pas de l'homogène que naissent les
tensions, voir les conflits, qui permettent la création, mais bien de
l'hétérogène »49. Ceci doit
s'opérer bien sûr en intégrant les règles sociales
qui régissent le débat. En ce sens il s'agit de
l'expérience concrète des formes du débat
démocratique, ce qui est constitutif de citoyenneté.
La participation est déclenchée par la
conjonction entre un réseau social collectif et une motivation
individuelle. Comme l' illustre l'extrait50 ci-contre elle
dépend du Capital social. Le réseau social relie à une
identité collective, fondant l'engagement sur des raisons
47 D. SCHNAPPER, 2000, p.207
48 Christian MARTY, « Le partenariat : concept ou objet
d'analyse ? », Education permanente n°131, 1997, p.30
49 Idem
50 Dominique MEDA, « Quelques réflexions sur la
notion de capital social », disponible sur le site Place-publique
structurelles et idéologiques, c'est la reconnaissance
d'un groupe de pairs. La motivation individuelle peut être
analysée comme une réalisation faite en fonction du rapport
coût/bénéfice de l'engagement, suivant le concept des
« choix rationnels » développé par le courant
utilitariste.
Il existe un rapport complexe et ambigu dans l'injonction
participative entre l'individuel et le collectif. En effet, pour nombre de
publics en difficulté sollicités pour participer cela revient
à dire « ...vous ne maîtrisez pas votre destin
individuel, mais votre destin collectif vous appartient
»51. C'est donc à la fois risquer de mettre en
évidence une forme d'échec personnel mais aussi ouvrir la voie
à une valorisation par l'investissement dans le collectif, ce qui est
favorable au développement du Capital social.
b/ L'échelle de la participation
Que recouvrent les notions générales de «
mobilisation », « sensibilisation », « participation »
? Qu'y-a-t-il de commun entre une simple information de l'habitant, une
contribution en temps de bénévolat et une participation effective
à un processus décisionnel ?
La participation est souvent un moyen, voire un outil pour
asseoir une action pré-établie. Elle est dans ce cas
instrumentalisée pour la mise en place d'un projet quelconque. Cette
manière de procéder entraîne le constat suivant :
« Il ne suffit pas qu'il existe des instances de discussion ou de
concertation pour que soit mise en place la démocratie participative
»52.
La participation peut au contraire être pensée
comme véritable objectif politique et sociologique pour instaurer un
débat démocratique sur un projet. Nombre d'études de cas
montrent que la population n'est pas toujours présente et
associée à l'élaboration des projets. Toutefois elle peut
être amenée, à titre d'usager-expert à
émettre des avis, au fur et à mesure de l'avancement du projet,
c'est là une forme de participation sur un mode pragmatique.
Si l'on veut pouvoir évaluer les expériences au
regard de la participation de l'habitant, il vaut mieux définir des
degrés de participation, différencier les étapes de
participation qui vont de l'information de l'habitant jusqu'à la
co-gestion.
La participation est souvent graduée à partir de
travaux réalisés en 1978 par le sociologue Stuart Langton dans le
contexte nord-américain. Il a basé son classement en allant du
plus bas au plus haut pouvoir accordé au citoyen. Au delà du
degré zéro de la participation que constitue la
non-participation, il distingue progressivement l'information, la consultation,
la concertation, la négociation, la coopération, la
co-décision, l'autogestion.
Cette échelle est très détaillée, et
les différences d'un niveau à l'autre parfois ténues ; le
modèle retenu le plus souvent en France en retient quatre :
:www.place-publique.fr/richesses/reaction16.html
51 Daniel ASSERAY, compte rendu de la journée «
Participation des habitants du 31 janvier 2002 » organisée par
RésO Villes (centre de ressources politiques de la ville
Bretagne/Pays-de-Loire), disponible sur
www.resoville.com
52 M. LE GALIC, 2005, p.12
Premier degré : l'information. Il s'agit
d'évaluer des attentes dans un mouvement ascendant, et de faire
connaître les décisions prises dans un mouvement descendant.
Second degré : la consultation. Les habitants ou les
usagers sont considérés comme une ressource qui peut
éclairer une décision. L'avis recueilli n'est que consultatif, le
décideur peut ou non en tenir compte.
Troisième degré : la concertation. Un pouvoir
d'expertise est reconnu aux habitants qui peuvent être associés ou
se voir déléguer certaines tâches d'intérêt
collectif. A la dimension de consultation en amont peut s'ajouter une
participation à la mise en oeuvre en aval. La décision reste
l'apanage de l'élu.
Quatrième degré : la participation. Une part
active à l'élaboration du projet et la prise de
responsabilité dans son management correspondent au degré le plus
élevé de participation de l'habitant. Il y a véritablement
délégation de la part des décideurs. Nous arrivons
là au « stade suprême » de la participation qu'est la
« gouvernance ».
Les trois premiers degrés n'entraînent pas de
déplacement du pouvoir de décision. Celui-ci reste entre les
mains des élus, ce qui correspond à l'organisation
légitime de la démocratie représentative. La participation
demeure ainsi dans de l'ordre du civique et non dans le domaine de la
gestion.
Le dernier degré, souvent mis en avant en
référence à l'expérience de Porto-Allegre, est peu
existant. Il pose en outre des problèmes de fond en terme de
responsabilité, de légitimité et d'arbitrage pour le
citoyen amené à co-décider et co-gérer, car il
heurte les principes fondamentaux de la démocratie
représentative.
En conclusion, « ...la participation n'est pas
participation au pouvoir mais à la construction, à l'instruction
puis à la mise en oeuvre ; il peut y avoir en amont participation
à l'instruction mais pas à la décision. C'est la
mobilisation de l'intelligence citoyenne »53.
c/ Qui et combien participent ?
Il faut souligner un paradoxe de l'offre participative qui est
la renonciation à « ...l'utopie de la participation de tous
»54. Les expériences menées montrent que
face à offre de participation aux habitants « ...seulement 2
à 3 % s'engagent et répondent à ces propositions
»55, et ceci même dans les situations
désignées comme exemplaires : « Aujourd'hui, la
fréquentation des assemblées de la capitale de l'Etat du Rio
Grande do Sul tourne autour de 3% l'an, ce qui n'est rien d'autre que le seuil
autour duquel gravitent en France les expériences les plus favorables
»56. Les seuls mouvements participatifs qui
réunissent de 15 à 20% d'une population sont les «
mouvements contre ». La participation n'est donc pas celle de
l'ensemble des habitants, mais la participation des
habitants. C'est là une vision plus réduite mais plus
réaliste.
53 G. GONTCHAROFF, Forum « Démocratie ou
démagogie participative ? », notes personnelles
54 M. LE GALIC, 2005, p.127
55 Georges GONTCHAROFF, « Pour que la démocratie
locale ne soit pas une utopie », Lien social n°563, 2001,
p.8
56 M. LE GALIC, 2005, p.129
Par ailleurs, « ...l'offre de participation, qui vise
pourtant au "vivre ensemble", est à l'origine d'une nouvelle forme de
sélection sociale »57. Le constat est identique
quelles que soient les instances : « ...il y a
sur-représentation des couches moyennes et des jeunes retraités,
pour qui il s'agit d'un moyen de gagner de la surface sociale. Il y a sous-
représentation des couches populaires et des couches très
supérieures, ainsi que des jeunes »58. Au niveau
scolaire « 60% des participants aux conseils de quartier ont un niveau
bac+2 ou plus »59.
Cela soulève des interrogations quant à la
portée de la participation puisque « ...les jeunes, les exclus
et les plus modestes sont en dehors de cette participation et c'est un
problème majeur car la cible officiellement visée n'est pas
atteinte »60. Dans ce contexte, certains poussent la
provocation jusqu'à demander si la participation ne concerne pas
seulement « des anciens élus, des futurs élus, des
élus potentiels ou des déçus de pas l'être
»61; et de constater qu' « Il y a un
modèle culturel de fonctionnement de la participation, une "petite
boite" formatée »62.
Ces critiques montrent que les écueil sont nombreux. Il
faut les avoir en tête pour inventer des modèles de participation
qui puissent permettre de les dépasser.
3/ Recréer l'agora ?
La notion de participation a émergé sous deux
influences contradictoires. D'une part de façon positive avec les
transferts de compétences à des échelons de
proximité. D'une façon négative à cause du
désintérêt pour la chose publique et l'éloignement
d'une partie croissante de la population des instances traditionnelles de
l'exercice citoyen. Face à ces deux constats apparaît la
nécessité de créer de nouveaux lieux adaptés aux
évolutions des formes d'engagement.
a/ L'espace public
Pour lutter contre le désinvestissement des citoyens,
la participation est devenue le fer de lance de la politique de
proximité. Puisque de facto la politique s'est éloignée du
citoyen au profit d'élus « professionnels » entourés de
techniciens, le nouveau credo est de « rapprocher la politique du citoyen
». Pour cela il faut recréer des lieux à une échelle
rendant possible cette réinvention de l'agora ; « L'espace
public est le lieu privilégié de l'énonciation
démocratique : c'est une instance symbolique caractérisée
par l'égalité de tous devant la loi (isonomie) et l'accès
égal de tous à la parole (iségorie). C'est une instance
par laquelle se forme au jour le jour la volonté politique de citoyens
se mobilisants autour de différentes questions »63.
Des thèmes proches des préoccupations immédiates, une
petite échelle afin de rendre la parole agissante, tels sont les jalons
posés pour favoriser la participation et permettre « ...une
réappropriation par la société
57 Idem p.136
58 G. GONTCHAROFF, Forum « Démocratie ou
démagogie participative ? », notes personnelles
59 G. GONTCHAROFF, 2001, p.8
60 Idem
61 Françoise WAERCHER, Forum « Démocratie ou
démagogie participative ? », notes personnelles
62 G. GONTCHAROFF, Forum « Démocratie ou
démagogie participative ? », notes personnelles
63 Majo HANSOTE, Les intelligences citoyennes, 2005,
p.65
civile des sujets qui sont les siens
»64.
Par la création de nouveaux espaces publics, les
citoyens se voient réinvestis dans la formation et l'énonciation
d'une volonté politique, permettant ainsi de le replacer dans le
schéma de la démocratie. L'Etat a la décision politique
par ses représentants élus, et la gestion par ses agents. Par
l'espace public les citoyens ont la formation et l'énonciation d'une
volonté politique, « L 'espace public est donc un mode de
participation à l'espace politique commun (...) et un mode d'arrachement
aux déterminations de cet espace, ce processus faisant surgir une
subjectivité politique»65; c'est une sphère
autonome de l'expérience collective.
b/ L'association
Pour nombre d'acteurs de la société civile, le
nouvel espace public privilégié est l'association, car elle
réunit les notions d'espace public, de lieu collectif
d'énonciation, de mise en oeuvre de projets en commun. L'association
répondrait ainsi à de nouvelles formes de socialisation, de
nouveaux modes de participation à la cité : « Au lien
institué, prisonnier des usages, des conditions et des lieux, se
substitue un lien plus centré sur l'individu et ses désirs, un
lien plus construit que subit (...). Cet individualisme "relationnel ", qui ne
s'apparente ni au lien communautaire ni au seul intérêt
individuel, relève d'un registre bien particulier de la
sociabilité : celui de l'association »66. Ce
faisant elle devient le fer de lance de la participation citoyenne, car
« S'il y a bien une "troisième voie possible; elle est à
réinventer à partir de la diffusion du lien social d'association
»67.
Cette vision privilégiant l'association est a nuancer.
Jürgen Habermas, qui a théorisé cette notion d'espace
public, le définit par opposition à l'espace privé, mais
comme une sphère intermédiaire entre la société
civile et l'Etat. Ce lieu accessible à tous les citoyens permet d'abord
d'échanger sur les sujets intéressant la collectivité,
permet également par le discours de résoudre les conflits, et
enfin permet à l'opinion publique de se former. Une telle
définition décale l'association comme l'un des pôles, celui
de la société civile, mais n'en fait pas le centre. L'espace
publique serait donc ici à rapprocher à un lieu réunissant
les acteurs mais qui ne soit ni l'association ni un organe de l'Etat, du type
conseil ou commission de concertation, c'est à dire un lieu « tiers
».
Si l'association est bien un lieu potentiellement porteur,
« Il est pourtant simpliste de confondre participation à la vie
associative et citoyenneté : la grande majorité des
adhérents entretiennent avec l'association une relation qui les met en
position d'usagers, voire de clients plus que de citoyens. Et même si on
s'arrête sur le milieu plus étroit des responsables associatifs,
le diagnostic enchanté de démocratie au quotidien ne
résiste pas à l'analyse (...). Le profil des responsables
associatifs montre clairement la pérennité des logiques de
confiscation du capital social : les femmes, les jeunes, les milieux
défavorisés sont sous représentés (...)
»68. Une place de choix doit être
réservée aux mouvements associatifs, mais sans ignorer que
« La citoyenneté ne jaillit pas spontanément de la
société civile »69 et que « L'offre
de participation, qui vise pourtant
64 R. SUE, Cité n°17, 2004, p.32
65 M. HANSOTE, 2005, p.68
66 R. SUE, 2004, p.26
67 Idem, p.30
68 Christian LE BART, « La citoyenneté locale »,
Cahiers français n°316, 2003, p.59
69 Idem p.60
au « vivre ensemble », est à l'origine d'une
nouvelle forme de sélection sociale »70.
Une dernière limite de l'association réside dans
le risque de son instrumentalisation lorsqu'elle n'est qu'un faux-nez de l'Etat
: « L'utilisation abusive du statut de 1901, la professionnalisation
de la vie associative, la dépendance financière, l'absorption par
l'Etat ou l'institutionnalisation des associations par mimétisme
vis-à-vis des méthodes de la puissance publique sont assorties de
risques majeurs pour l'autonomie et le fonctionnement démocratique des
groupes volontaires »71.
Ces critiques montrent qu'il ne faut pas avoir une vision
angélique de l'association. Toutefois c'est un lieu au potentiel fort
pour l'éducation à la citoyenneté, et il faut s'appuyer
dessus : « Pour des populations largement écartées des
mandats électifs, s'accomplit au sein des structures associatives non
seulement l'initiation aux mécanisme de la démocratie
représentative, mais aussi l'insertion dans la communauté
nationale et en ce sens l'association constitue effectivement les
adhérents en citoyens »72.
70 M. LE GALIC, 2005, p.136
71 Martine BARTHELEMY, « La citoyenneté et ses
conditions d'expression », Cahier français n°316,
2003, p.77.
72 Jacques ION, L'engagement au pluriel, 2001, p.211
En résumé
La participation, qui est posée comme une
évidence, est une notion complexe. De création récente,
elle ouvre à des interprétations différentes, a tel point
qu'il est plus clair de la décliner sous forme d'une échelle dont
chaque échelon possède sa propre définition.
Elle est mise en avant comme un outil permettant d'ouvrir de
nouveaux espaces publics qui favorisent le ré-investissement citoyen. Si
la participation permet effectivement de ramener des personnes vers la
chose publique, ce n'est pas sans ambiguïtés.
Les participants sont plus proches de leurs centres
d'intérêt, ce qui est favorable à leur investissement, mais
ils sont dans une sphère pré-politique plutôt que
politique. Cela signifie qu'ils ont la parole, peuvent participer à la
délibération ou à l'expertise, mais qu'ils n'ont pas le
pouvoir de décision, qui appartient aux élus. Il faut expliciter
cela clairement aux participants, sinon cela risque de créer de
nouvelles déceptions. D'autre part, le constat de la sélection
sociale qui s'opère par la participation est sévère. La
sphère pré-politique contribue à maintenir les
participants au niveau de l'homme situé, ce qui fait jouer à
plein les inégalités socio-culturelles.
Le champ de la participation est en construction, d'où
les ajustements nécessaires. Même si cela est limité,
même si les écueils sont nombreux, la participation permet de
renouveler les formes de l'exercice citoyen. Dans ce contexte les associations
peuvent, sous certaines conditions, permettre une éducation à la
citoyenneté et à la démocratie, tant directe que
représentative.
Dans le domaine de l'éducation à la
citoyenneté les jeunes sont bien entendu fortement visés et
sollicités. C'est à ce public précis, et aux offres de
participation qui lui sont faites, que va s'attacher la suite de ce
mémoire ; et pour commencer le prochain chapitre est consacré
à l'étude de « la jeunesse ».
C
construction hapitre 2 : Les jeunes entre
itinérance et I/ « On met très longtemps à devenir
jeune » 27
1/ Approches par âge et par cycles 28
2/ De la jeunesse aux jeunes 29
II/ Des jeunes sollicités pour participer
29
1/ Expérimentation et participation
sociale 29
2/ Socialisation politique des jeunes 30
3/ Participer dans un cadre spécifique ?
32
La jeunesse constituée en tant que corps social est une
construction récente, elle a émergé et suscité des
études à partir des années 1960. Il s'agit d 'une
« catégorie qui, a priori, semble bien définie par le
vocabulaire et le sens commun, mais dont finalement les contours sont aussi
flous que sont précis les termes qui servent à le qualifier,
à la dire à un moment donné de l'histoire sociale (...)
parle-t-on d'un état, d'une période dans le cycle de vie, d'une
condition, d'un statut, d'une situation historiquement immuable concernant
l'ensemble du corps social ? »73. Comme nous allons le
voir différents schémas existent pour tenter d'approcher «
la jeunesse ».
I/ « On met très longtemps à devenir
jeune »74
Cette métaphore poétique que nous devons
à Picasso vient à propos illustrer les différentes
théories qui tentent de définir et cadrer la jeunesse. En effet,
l'évolution des approches tend à allonger et rendre plus floue
cette période de la vie.
1/ Approches par âge et par cycles
L'approche la plus commune et la plus ancienne de la jeunesse
se fonde sur des critères d'âge. S'il s'agit d'une méthode
de classement commode, elle est forcément arbitraire et
réductrice : s'agit-il des 15-20 ans, des 18-25 ans, des moins de 30 ans
? Les politiques publiques en direction de la jeunesse opèrent
différemment d'un ministère ou d'un organisme à l'autre,
la logique de chaque organisation conditionnant la tranche d'âge. Il ne
s'agit assurément pas là d'une approche scientifique valide. Ces
critères d'âge se heurtent en fait à l'incertitude quant
à la délimitation de la jeunesse. Souvent définie par
défaut en fonction des âges qui la précèdent ou qui
la suivent elle « pose en effet un problème de bornage, et sa
définition semble parasitée par la double question de
définition de ses marges enfantines et adultes
»75.
Finalement la définition romaine du juvenes,
celui qui n'est plus adolescent mais pas encore adulte, celui qui n'est pas
encore socialement et matériellement indépendant apparaît
plus juste qu'une définition-couperet par l'âge. Elle nous conduit
vers une autre approche plus dynamique est l'approche sociologique basée
sur une théorie des cycles d'existence. Cette approche est celle
développée et étudiée depuis une cinquantaine
d'années dans les pays anglo-saxons et au Québec.
La jeunesse vue sous cet angle est un temps de transition, de
passage marqué par des étapes repérables conduisant
à « l'âge adulte ». Cet approche se base sur des
événements : acquisition de droits de citoyen,
indépendance de logement, établissement en couple, stabilisation
professionnelle... Elle permet d'envisager dynamiquement la jeunesse, comme une
période balisée d'étapes et non bornée par des
âges limites. Cette approche est celle reprise et
développée dans les années 1990 par Olivier Galland, qui
fait référence en matière de sociologie de la jeunesse en
France.
73 Bernard BASTIEN & Philippe BATAILLE in
Conseilleriez-vous à un(e) ami(e) de venir ici ? Vivre en FJT, pour
une interprétation de situations de jeunesse, 1998, p.43
74 Pablo PICASSO, cité par Francine LABADIE & Tariq
RAGI, « Citoyenneté et participation des jeunes en France »,
Agora débat-jeunesse n°27, 2002, p.120
75 Introduction de Ce que nous savons des jeunes, 2004,
p.10
Il distingue ainsi quatre phases successives : la fin des
études, le départ du domicile familial, l'insertion dans le
marché du travail, la formation d'un couple ; chaque individu mettant en
jeu ces différentes phases en fonction de son libre arbitre. Les
différents moments marquent la réalisation de différentes
indépendances.
Toutefois ces modèles se basent sur une
référence qui est « l'âge adulte », or «
Qu'en est-il aujourd'hui alors que la période de l'âge adulte
n'est plus linéaire mais instable, flexible, faite d'allers et retours ?
»76. L'évolution de l'insertion des jeunes dans les
sociétés occidentales amène une remise en cause : «
l 'ordre de succession qui, aux yeux de Galland, jalonne l'entrée
dans la vie adulte est devenu caduc. Le passage des études au
marché du travail, propice au départ du domicile familial et
à la formation du couple, est en voie de devenir une exception
»77.
2/ De la jeunesse aux jeunes
Une troisième approche tenant compte à la fois
de la désynchronisation des phases d'insertion et des nuances
apportées à une notion figée de l'âge adulte est
l'approche processuelle. Le temps de la jeunesse est alors mis en perspective
par rapport au processus d'autonomisation d'une part du point de vue de
l'insertion, d'autre part du point de vue de la chaîne des
générations. Dans cette perspective les éléments
constitutifs de la jeunesse sont faits de socialisations, de construction
d'identités, d'autonomisation mais aussi d'inscriptions
générationnelles.
Cette démarche en terme de processus gomme les bornes
et les étapes au profit de notions de flux et de dynamique : «
L'insertion sociale et professionnelle s'établit désormais dans
la lignée d'une "définition progressive de soi qui n'a plus le
travail pour vecteur, mais "l 'expérimentation ". (...)
L'expérimentation se révèle le canal par lequel les jeunes
s'intègrent à la société et deviennent des citoyens
»78. Par parenthèse, cette approche remet
singulièrement en cause les politiques tournées vers une jeunesse
bornée arbitrairement par des âges, et plaide pour une refonte des
actions basée sur l'analyse des processus et des rapports sociaux.
L'éclatement et la diversité des situations des
jeunes amène une interrogation majeure. Peut-on parler encore parler de
la jeunesse ? Une telle approche signifie qu'il existe une série de
dénominateurs communs, d'éléments cristallisants
permettant de distinguer clairement comme groupe social « la jeunesse
». Or nous sommes en face du constat de « ...l'individualisation
des attitudes, des comportements juvéniles et de l'effacement des
bornes-frontières délimitant "la jeunesse en tant que groupe
spécifique »79.
En cherchant à opérer un tri en fonction des
logiques d'identification et de distinction, l'aboutissement est
d'éclater le groupe homogène la jeunesse pour aboutir
sur les jeunesses, composée de sous-groupes
hétérogènes : les jeunes des banlieues, les jeunes
travailleurs, les étudiants...
76 Jean-Charles LAGREE, « Jeunes et citoyenneté
», Problèmes politiques et sociaux, n°862, 2001,
p.4
77 Bjenk ELLEFESEN & Jacques HAMEL, «
Citoyenneté, jeunesse et exclusion. Lien social et politique à
l'heure de la précarité », RIAC, 2000, p.136
78 Idem, p.138
79 Sébastien SCHEHR, « Processus de singularisation
et formes de socialisation de la jeunesse », RIAC, p.49
Cette classification pose à son tour une
difficulté car elle se heurte à « ...l'existence
même de critères stables et univoques de différenciation
entre les jeunesses, mais aussi interroge (...) les fondements de la
variabilité : est-ce une question d'époque, de mode,
d'appartenance sociale de singularisation? »80.
Nous aboutissons ainsi à la dissolution des
catégories la et les jeunesse(s). L' individualisation
est dynamique et instable, elle est liée à des «
...effets d'âge, de sexe ou de classe qui semblent déterminants
quant aux attitudes et aux pratiques, alors qu'à d'autres ils semblent
inopérants »81. Dans ce contexte fluctuant il
devient difficile d'effectuer des regroupements et d'affecter aux individus des
catégories. Force est de constater qu'avec cette individualisation des
parcours émerge une nouvelle entité : les jeunes :«
Prenant acte d'un certain polymorphisme identitaire, du jeu toujours possible
des affiliations et des désaffiliations et de l'agir qui en
découle, il nous faut peut-être désormais faire le deuil de
"la jeunesse afin d'appréhender les identités sous lesquelles
"les"jeunes apparaissent ainsi que les comportements qui les
révèlent »82.
II/ Des jeunes sollicités pour participer
La jeunesse est fortement sollicitée pour participer.
Il faut y voir deux aspects, d'une part cela découle du constat de son
absence dans les instances participatives, d'autre part il ne faut pas nier une
volonté de contrôle social. Celle-ci est liée tant à
la peur de créer des exclus qu'au désir de canaliser les
revendications éventuelles. Pourtant « N'est-il pas paradoxal
d'attendre des jeunes un civisme parfait alors que l'accès aux
responsabilités économiques et sociales leur est rendu plus
difficile ? »83.
1/ Expérimentation et participation
sociale
Pour Olivier Galland dans son analyse par cycle de vie, une
étape majeure de l'entrée dans la vie adulte est l'insertion
professionnelle. Le travail est le « plus puissant mécanisme
d'insertion »84, or au niveau professionnel, la
précarité est devenue la règle largement partagée
par les jeunes. Cette situation née dans les années 1970 n'a
cessé de se développer, et depuis le début des
années 1990 elle est devenue le lot commun. Cela a contribué
à faire changer les rapports entre insertion professionnelle, insertion
sociale et citoyenneté ; « La citoyenneté (...) a
également un rapport avec les formes de participation et
d'identité qui marquent l'inclusion des individus dans la
société, c'est à dire leur insertion
»85.
Les jeunes se sont adaptés à cette situation,
désormais la précarité des emplois n'est plus
nécessairement synonyme d'exclusion ; ils composent avec et
élaborent des stratégies d'insertion différentes. Cela
entraîne que « le travail, de par sa précarité
chez les jeunes, ne génère plus les droits qui donnaient à
la citoyenneté sa forme
80 Idem p.50
81 Idem p.50
82 Idem p.58
83 Francine LABADIE & Tariq RAGI, « Les jeunes et le
politique », Agora débat-jeunesse, n°30, 2002, p.
17
84 Madeleine GAUTHIER citée in B. ELLEFESEN & J.
HAMEL, 2000, p.134
85 B. ELLEFESEN & J. HAMEL, 2000, p.134
d'élection »86. En
conséquence « l'insertion sociale et professionnelle
s'établit désormais dans la lignée d'une
"définition progressive de soi"qui n'a plus le travail pour vecteur,
mais "l'expérimentation"(...) canal par lequel [les jeunes]
s'intègrent à la société et deviennent des citoyens
»87.
Cette évolution majeure change le rapport au travail,
qui n'est plus le fondement de l'insertion sociale. Pour nombre de jeunes il
n'est plus perçu comme une fin, mais comme un moyen pour satisfaire les
besoins vitaux. L'expérimentation remplace alors le travail pour se
forger une identité sociale et les jeunes « ...s'ouvrent
à l'action communautaire et au bénévolat pour donner
à leur citoyenneté la dignité que le travail
précaire n'a pas la capacité de fournir (...). Les loisirs et les
activités d'entraide engendrent des valeurs qui dament le pion à
l'éthique du travail »88.
Dans toutes les enquêtes réalisées, le
travail demeure pour les jeunes une valeur cardinale. Cet apparent paradoxe
montre que les stratégies d'insertion sociale en marge du travail sont
autant d'adaptations. Elles procèdent d'une dialectique
d'inclusionexclusion qui a été intégrée, ce que
Pierre Bourdieu désigne comme une « gestion rationnelle de
l'insécurité ».
2/ Socialisation politique des jeunes
L'engagement des jeunes existe, mais il n'emprunte pas
nécessairement les lieux et les modalités classiques de
l'engagement politique.
L'extrait ci-dessous du livre blanc de la commission
européenne89 publié le 21 novembre 2001 illustre bien
ce constat.
Document n° 4 : Extrait du livre blanc
Un nouvel élan pour la jeunesse européenne
L'implication des jeunes dans la vie publique :
En règle générale, les jeunes
européens veulent promouvoir la démocratie et surtout en
être les acteurs. Mais une méfiance s'est instaurée
vis-à-vis des structures institutionnelles. Les jeunes s'investissent
moins que par le passé dans les structures traditionnelles de l'action
politique et sociale (partis, syndicats), leur participation aux consultations
démocratiques est faible. Les organisations de jeunesse souffrent
également de cette situation et ressentent le besoin de se
rénover.
Ceci ne signifie nullement que les jeunes se
désintéressent de la vie publique. La plupart démontre une
volonté claire de participer et d'influencer les choix de
société, mais selon des formes d'engagement plus individuel et
plus ponctuel en dehors des structures et mécanismes participatifs
anciens.
Il incombe aux autorités publiques de combler le
fossé existant entre la volonté d'expression des jeunes et les
modalités et structures offertes à cet effet par nos
sociétés, sous peine d'alimenter le déficit citoyen, voire
d'encourager la contestation.
Source : Forum européen de la
jeunesse
|
86 Idem p.137
87 Idem p.138
88 Idem p.138
89 Disponible sur
http://www.forumjeunesse.org/fr/our_work/white_paper/ypolicyeurope.html
Pour beaucoup d'observateurs les manifestations, les
grèves lycéennes ou étudiantes « ...correspond
à bien des égards aux rites d'initiation des
sociétés étudiées par les anthropologues et que
ceux-ci qualifient de parcours initiatiques »90, et sont
ainsi constitutive d'une expérience concrète de l'agora. Nombre
de jeunes ont des participations associatives, caritatives ou humanitaires, qui
sont autant de voies témoignant d'un engagement fort : « Les
jeunes font donc preuve d'un relatif activisme et d'une implication qui ne sont
pas nécessairement relayées par une prise de décision
électorale »91.
Les modalités de leur socialisation politique des
jeunes empruntent des voies particulières, dont l'itinéraire
n'est ni linéaire ni homogène. Cet apprentissage politique se
construit à la fois sur l'héritage, la transmission familiale et
sur l'expérimentation personnelle, sans que l'un prenne le pas sur
l'autre : « Ni le modèle de l'expérience ni le
modèle de la détermination sociale ne sont exclusifs l'un de
l'autre, mais ils entretiennent une constante interaction
»92.
Il s'agit là d'une rupture avec les modèles plus
anciens basés sur la socialisationincultation qui accordaient
à l'influence du milieu et du système le rôle
quasi-exclusif. Nous devons à Annick Percheron dans les années
1980 l'émergence de ce nouveau modèle « ...qui
conçoit la socialisation politique comme un processus de co-construction
dans lequel l'individu joue un rôle actif »93. Ce
modèle met en évidence que le processus de socialisation
résulte d'un double mouvement, à la fois d'accommodation
de l'individu au système et d'assimilation du système
par l'individu.
Dans la continuité de ces théories, les travaux
d'Anne Muxel distinguent trois temporalités distinctes à la
confluence desquelles s'effectue la socialisation politique des jeunes.
La première est le « temps
généalogique », qui met en évidence l'importance
de la transmission familiale dans la construction de l'identité
politique. Quatre conditions contribuent à son effectivité. Tout
d'abord il faut un intérêt manifesté par les parents pour
la politique. Ensuite que ceux-ci aient des préférences
politiques explicites. Puis qu'il y ait une unité parentale dans les
choix politiques. Enfin il faut une communication et des discussions de ces
choix avec leurs enfants. Ce « temps généalogique »
constitue le volet détermination sociale de la socialisation
politique.
Le volet expérience personnelle des jeunes est la
résultante de deux autres temporalités. Le « temps
biographique » est celui de l'histoire particulière de
l'individu, de son parcours personnel et individualisé. Le «
temps générationnel » correspond à l'histoire
partagée avec les pairs : « La création d'une
génération politique nécessite la reconnaissance
partagée de cette même appartenance, souvent à partir d'un
événement fondateur et signifiant »94. Nous
citerons ici pour exemple de cela les fortes mobilisations électorales
des jeunes le 21 avril 2002 pour le deuxième tour des
présidentielles : « Dans les manifestations
anti-lepénistes de l'entre-deux tours de 2002, les jeunes étaient
extrêmement nombreux, On estime que 25% des 16-25 ans ont
90 B. ELLEFESEN & J. HAMEL, 2000, p.134
91 Anne MUXEL, L'expérience politique des jeunes,
2001, p.179
92 Idem p.175
93 Sophie MAURER, « La socialisation politique des jeunes
», Ce que nous savons des jeunes, 2004, p.56
94 Anne MUXEL citée in Agora débats-jeunesse
n°27, p.17
manifesté pendant cette période
»95. Ainsi « L'évènement politique
produit des gains de socialisation quand il interagit avec l'histoire
personnelle de l'individu »96.
3/ Participer dans un cadre spécifique
?
Pour attirer les jeunes, des instances spécifiques leur
sont ouvertes car « Il faut tenir compte de la réalité
d'une "culture jeune , qui n'accepte guère de rentrer dans des cadres
préétablis, trop institutionnalisés,
réglementés et qui préfère (...) des rassemblements
totalement informels et souvent éphémères
»97. Est-ce à dire qu'il y une citoyenneté
particulière des jeunes ? Du point de vue politique « La
citoyenneté est la même pour tous. La fragmenter en fonction des
âges serait briser sa prétention à atteindre une certaine
universalité où doit se maintenir le politique
»98.
Concernant la participation sociale, les jeunes sont rarement
inclus dans les instances de la société civile, qui en sont les
lieux d'expression privilégié ; ils n'en maîtrisent ni les
codes ni les rouages : « Faut-il rappeler la vigueur persistante des
inégalités fondées sur la disponibilité en temps,
la capacité à parler en public ou à maîtriser le
langage organisationnel (budget, droit...) ? »99.
Adapter un espace pour que le public jeune puisse manifester
ses différences, faire valoir ses intérêts faire
reconnaître ses particularités est envisageable. C'est ce qui se
fait entre autre, sous la forme des conseils municipaux de jeunes, ou de
commissions jeunesse dans les quartiers. Mais ces formes adaptées
doivent rester enchâssées dans l'espace public
général, condition indispensable de l'universalisme : «
Un espace de délibération et de négociation où ne
se retrouveraient que des "jeunes"se transformerait, à proprement
parler, en un ghetto qui viendrait accroître l'enfermement des
générations dans leur propre monde »100.
Nous retrouvons dans cette critique un processus identique à celui qui
existe en accordant un droit de vote limité aux immigrés, dont on
peut redouter « que la création d'une "citoyenneté de
seconde zone"(...) ait des conséquences discriminatoires en stratifiant
les individus selon des catégories supérieures et
inférieures »101.
Le cadre spécifique est en conclusion à utiliser
avec précaution, l'outil à vocation inclusive peut aussi se
retourner en outil d'exclusion. Reste une interrogation fondamentale,
même en réalisant des adaptations « ...se pose la
question de l'intérêt à participer à des dispositifs
faits par et pour des personnes dont les préoccupations essentielles
relèvent de leur statut d'adultes intégrés. Le coupable
désintérêt de la "jeunesse d'aujourd'hui"ne serait de la
sorte imputable qu'au déficit de pertinence de l'offre de participation
qui lui est faite »102.
95 Pierre BRECHON, « La citoyenneté et ses conditions
d'expression », Cahier français n°316, 2003, p.68
96 Olivier IHL cité in Agora débats-jeunesse
n°27, p.18
97 Citation d'une enquêtée in M. LE GALIC, 2005,
p.131
98 J.C. LAGREE, 2001, p.6
99 Christian LE BART, 2003, p.59
100 Idem p.7
101 F. LABADIE & T. RAGI, 2002, p.111
102 M. LE GALIC, 2005, p.131
En résumé
Le contexte moderne d'atomisation des situations sociales
entraîne une difficulté pour fixer des étapes
précises à la jeunesse. Les parcours de socialisation sont
désormais très individualisés. Comme de plus ils ne sont
plus linéaires mais fluctuants, il devient difficile d'agréger
les individus dans des groupes. Dans cette situation où
l'hétérogène domine, il est plus adapté de
considérer les jeunes plutôt que la ou
les jeunesse(s).
Les jeunes sont particulièrement concernés par
les nouvelles formes d'engagement, qui semblent s'opposer à l'exercice
citoyen le plus classique, voire même parfois le rejeter. L'engagement
est devenu conditionnel et réversible, et fonctionne plus sur le
modèle du réseau que sur celui de l'affiliation.
Dans cette période de la vie où se forgent les
identités politiques, l'apprentissage de la citoyenneté est
particulièrement important. Un lieu potentiellement porteur pour cela
est, nous l'avons vu précédemment, l'association.
C'est en reliant ce cadre associatif au public jeune que nous
allons poursuivre dans la seconde partie de ce mémoire. En effet, nous
allons nous consacrer à l'étude de la participation des jeunes
aux instances qui leur sont proposées dans un cadre particulier, celui
des Foyers de Jeunes Travailleurs.
Deuxième partie
La présentation des Foyers de
Jeunes Travailleurs
L'enquête sur la participation
dans ce cadre
Chapitre 1 : Les Foyers de Jeunes Travailleurs
I/ Présentation des FJT 36
1/ Histoire du mouvement 36
a/ La naissance des FJT et de leur Union 36
b/ L'âge de la pierre 37
c/ L'essor du socio-éducatif 38
d/ Le temps des incertitudes 39
2/ Cadre et missions 42
a/ Le projet pédagogique 42
b/ La fonction socio-éducative 43
c/ La fonction habitat 43
3/ Public accueilli 44
a/ La politique d'accueil 44
b/ Données statistiques sur les FJT et leur public 45
II/ Le cadre participatif dans les foyers 52
1/ Plusieurs instances légales 52
a/ Le conseil de concertation du Code de la construction 52
b/ La loi de rénovation sociale du 2 janvier 2002 53
c/ Le cadre associatif 55
2/ Une affirmation politique forte de l'UFJT
55
I/ Présentation des FJT
Les Foyers de Jeunes Travailleurs sont destinés
à accueillir et accompagner le public jeune dans son insertion sociale
et professionnelle, en mettant à sa disposition des logements et des
services appropriés. Avant de détailler plus
précisément quels sont le cadre réglementaire, les
missions et le public des Foyers , il est nécessaire de revenir sur leur
histoire.
1/ Histoire du mouvement
Les Foyers de Jeunes Travailleurs font partie des grands
mouvements d'éducation populaire qui sont nés et se sont
développés après 1945 dans les conditions difficiles de
l'après guerre. S'ils constituent désormais des institutions
reconnues il n'en a pas toujours été ainsi, et la construction du
mouvement mérite l'attention, car il retrace et accompagne par
delà son histoire spécifique l'évolution de la
société française depuis soixante ans.
a/ La naissance des FJT et de leur Union
Les années cinquante sont marquées par deux
phénomènes de fond très importants : la crise du logement
et la migration massive vers les villes.
Les problèmes de migrations intérieures, de
manque de logement et d'insalubrité ne sont pas nouveaux. Ils existent
et persistent depuis le XIXème siècle, mais cela se
passe différemment pour les jeunes dans les années 50, car le
phénomène est beaucoup plus massif et il revêt un
caractère nouveau qui est l'isolement. En effet, durant la
révolution industrielle un encadrement des jeunes célibataires en
déplacement existait sous différentes formes, en liaison avec le
métier (apprentissage, compagnonnage) ou l'origine géographique
(installation dans le quartier de son « pays »). Cela constituait une
transition et permettait une préservation des liens sociaux. Pour les
jeunes filles des « couvent-internats » ont été mis en
place dès le XIXème siècle par des oeuvres
chrétiennes pour des motivations morales et hygiénistes, afin
d'éviter par dessus tout qu'elles ne soient isolées donc
vulnérables. Il y avait donc là aussi inscription dans un
réseau de socialisation. Les foyers de jeunes travailleurs sont les
héritiers de cela « La notion de protection traverse à
des degrés divers l'histoire et la préhistoire des foyers (...)
L'action auprès de la jeunesse s'impose naturellement pour sauver cette
jeunesse du « désastre », pour la prémunir des
déviances de leurs aînés, pour la protéger contre
elle-même »103.
Pour les « déplacés », ces jeunes qui
migrent massivement vers les villes dans les années 50, il y a une
rupture sociale et familiale, voulue ou subie, à laquelle s'ajoutent des
difficultés à se loger et se nourrir dans des conditions salubres
et décentes.
Pourtant les jeunes déplacés ont du travail,
mais leurs revenus sont faibles. De plus, ils ne constituent pas pour la
société de l'époque une priorité. La
préoccupation politique concerne la famille, et dans ce contexte «
pro-nataliste » de l'après-guerre l'intérêt public ne
se porte aux jeunes lorsqu'ils sont en couple qu'à partir de leur
premier enfant. La
103 B. BASTIEN & P. BATAILLE, 1998, p.101-102
pénurie de logements concerne toute la population, et
il n'y a pas de reconnaissance particulière de besoins qui seraient
spécifiques à « la jeunesse ».
Face à ce problème de nombreuses initiatives
fleurissent un peu partout. Elles émanent de bénévoles
souvent issus du militantisme social catholique. De nombreux foyers pour jeunes
travailleurs sont créés un peu partout mais ils sont
isolés. Du regroupement d'une vingtaine de foyers de l'ouest de la
France naît le 6 février 1955 une association
dénommée « Union nationale des Foyers de Jeunes Travailleurs
» (UFJT), alors qu'à cette époque le nombre total de FJT est
estimé à environ quatre cent.
b/ L'âge de la pierre
La période allant des année 50 aux années
70 est marquée par la nécessité impérieuse de
bâtir. Les foyers qui existent sont petits et anciens, et pour
répondre à la forte demande il faut construire plus grand et plus
moderne. Les militants d'origine ont beaucoup « bricolé » pour
créer des foyers, et les besoins tant financiers qu'humains
nécessaires dépassent leurs possibilités. Bâtir
n'est pas envisageable sans l'intervention de l'Etat. Guy Houist, premier
président de l'UFJT, qui était aussi président de la
commission logement de l'Union Nationale des Allocations Familiales, vice
président de l'Union Nationale des Habitations à Loyers
Modérés (HLM), et a appartenu à plusieurs cabinets
ministériels du Mouvement Radical Populaire (MRP), va proposer et
obtenir la possibilité pour les sociétés HLM de louer
à une personne morale. En effet, un problème majeur pour les
jeunes était le refus de louer à des célibataires tant de
la part des propriétaires privés que des HLM.
L'impossibilité pour les FJT de sous louer des logements HLM constituait
un obstacle important. La possibilité obtenue par Guy Houist de louer
à une personne morale laisse le champ libre aux foyers concernant les
attributions de logement. De plus cette avancée va permettre des
collaborations entre les offices et les FJT, les premiers constructeurs et
propriétaires laissant aux seconds la gestion des bâtiments.
Des débats nombreux et passionnés ont lieu
à cette époque à propos de la taille idéale des
Foyers de Jeunes Travailleurs. Ils ont en fait été
tranchés par les normes de financements imposées aux
constructions HLM à l'époque. Il fallait construire vite,
beaucoup et à bas prix. Ce sont donc des foyers moyens et grands qui
sont construits : « Nombre de foyers édifiés dans les
années 60 présentent (...) les mêmes
caractéristiques que les immeubles de banlieues qui naissent au
même moment, et ont connu un vieillissement semblable » 104.
La gestion de foyers de plus en plus grands va
profondément transformer les équipes qui s'occupent des FJT ;
c'est à cette période qu'apparaissent les premiers «
permanents ». Ce sont d'abord des militants qui deviennent permanents,
mais des professionnels entrent également dans les foyers.
Progressivement, ils vont se substituer complètement aux
bénévoles lesquels vont se retrouver cantonnés aux
rôles d'administrateurs.
c/ L'essor du socio-éducatif
Progressivement, les FJT qui ont résolu les soucis de
construction vont quitter la simple
104 Françoise GASPARD, UFJT d'une jeunesse
ouvrière à une jeunesse incertaine, quarante ans d'histoire d'un
mouvement associatif 1955-1995, 1995, p.56-57
logique hôtelière pour se concentrer sur leur
mission socio-éducative : « La maison était construite.
Il nous fallait nous occuper du contenu, et le contenu (...) c'était le
socioéducatif »105. L'objectif prioritaire est
alors de concourir à travers les Foyers de Jeunes Travailleurs à
la socialisation des jeunes « ouvriers et ouvrières » en leur
apportant « ...un environnement convivial, des points de
repères ainsi qu'un idéal à atteindre : celui de la
famille bourgeoise »106 .
Cette volonté d'accompagner vers l'autonomie arrive
dans un contexte nouveau, où la préoccupation de donner un toit
et un logement décent n'est plus la priorité. Les enfants du
baby-boom ont grandi et les années 60 sont marquées par
l'émergence de la « jeunesse » en tant que groupe
spécifique. Il est tout à fait nouveau que l'effet de
génération se substitue aux communautés d'appartenance,
qu'elles soient d'origine ou professionnelle. C'est ainsi que dans les foyers
également « ...le travailleur s'efface, insensiblement,
derrière le jeune... »107 . Au niveau national, la
jeunesse suscite le débat et l'inquiétude dans la
société ; des phénomènes nouveaux comme
l'allongement de la durée de la scolarité entraînent une
entrée plus tardive dans l'âge adulte. Devant ces constats, des
enquêtes nationales sont menées et cette nouvelle « classe
» devient objet d'étude pour les sociologues.
La professionnalisation des personnels dans les FJT,
liée à l'évolution de la mission du logement vers le
socio-éducatif entraîne une hausse des charges de gestion pour les
foyers. L'Union nationale des Foyers de Jeunes Travailleurs va servir de relais
et de groupe de pression auprès des pouvoirs publics pour faire
reconnaître cette nouvelle mission sociale et en obtenir le financement
partiel.
Lors du congrès de l'UFJT de 1967 une motion rajoute
l'aspect socio-éducatif aux missions des FJT. Afin de valoriser et
unifier les pratiques au sein des foyers l'Union nationale réalise et
diffuse des grilles d'analyse. Cela permet de rendre visible et de montrer
l'efficacité de l'intervention socio-éducative aux pouvoirs
publics. Ce travail conjugué d'analyse de terrain de la part des Foyers
et de pression au niveau de l'Union nationale des FJT va déboucher en
1971 d'une part sur la création d'une ligne « Aides aux jeunes
travailleurs » dans le budget du ministère des affaires sociales,
d'autre part sur l'éligibilité des FJT aux postes
subventionnés par le Fond de Coopération de la Jeunesse et de
l'Éducation Populaire (FONJEP)108. L'institutionnalisation
des foyers est concrétisée lorsque l'Etat publie une circulaire
définissant le rôle des Foyers de Jeunes Travailleurs et fixant
des conditions à leur agrément109.
La valorisation du travail socio-éducatif dans les FJT
va amener à accorder aux jeunes résidents une place nouvelle dans
l'organisation, la gestion et le fonctionnement des foyers. L'idée
d'aider les jeunes à s'intégrer dans la vie de la cité
passe par la participation et la prise de responsabilités au sein du
foyer. Cela ne va pas se faire sans remous, puisqu'au début des
années 70 les résidents vont se servir de cela pour créer
des mouvements protestataires au sein des FJT, remettant en cause « les
foyers caserne » dans leur fonctionnement et leur règlement
intérieur, ceci en organisant des manifestations et des grèves de
loyer. L'analyse sociologique de ce mouvement montre qu'il s'agit moins d'une
porosité tardive aux idées libertaires que d'une évolution
de la
105 Idem, citation de Paul GUERIN p.73
106 Idem
107 Idem
108 Créé en 1964, le FONJEP est une association loi
1901, qui réunit des financeurs publics et des associations. Son
but est de faciliter la rétribution de personnels
permanents, remplissant des fonctions d'animation et de gestion employés
par des associations .
109 Circulaire du ministère des Affaires sociales du 18
mai 1971
population des FJT, qui traduit un changement en profondeur de
la société. En effet les jeunes des foyers ont
été très peu réceptifs aux évènements
de mai 68, voir rétifs à ce mouvement d'étudiants qui
ne correspondait pas à leur culture de « jeunes travailleurs
».
En quelques années la composition du public des Foyers
s'est pourtant profondément modifiée. L'allongement de la
durée des études, l'accès en nombre des filles aux
universités ont pour conséquence une baisse du nombre de jeunes
travailleurs pour les FJT. D'un point de vue sociologique, ce ne sont plus
massivement des jeunes ruraux déracinés qui poussent la porte des
Foyers de Jeunes Travailleurs, mais de jeunes urbains, c'est également
un changement important.
La fin des années 60 est marquée par un
phénomène nouveau, il y parfois vacance de logement dans les FJT,
qui en réaction ouvrent désormais à des publics de jeunes
ayant d'autres statuts que jeunes travailleurs, notamment les étudiants.
Cela contribue à un brassage et à une certaine mixité
sociale, la population est moins homogène et plus revendicative.
Ce mouvement va se traduire au niveau des FJT par une
transformation très progressive des foyers séparés de
garçons et de filles en foyers mixtes, ainsi que par la création
de conseils de résidents où les résidents peuvent
s'exprimer110 et désigner des représentants qui
siègent dans les instances des associations gestionnaires.
d/ Le temps des incertitudes
Cette période débute avec le choc
pétrolier de 1974 et le développement massif du chômage. La
seconde moitié des années 70 est pour les foyers la
période du constat de la fragilisation des jeunes face à
l'emploi. En 1974, l'abaissement de l'âge de la majorité a pour
conséquence l'arrivée nouvelle et importante de jeunes majeurs en
rupture familiale.
Face à cette évolution globale du public
accueilli et aux problèmes nouveaux d'emploi, qui touchent
principalement les jeunes peu qualifiés, les FJT vont
expérimenter des actions de formation en direction des résidents.
Petit à petit les cours du soir de remise à niveau donnés
par des étudiants bénévoles se transforment en stages
visant à des qualifications encadrés par des formateurs. Peu
à peu, cela devient une nouvelle branche d'activité à part
entière pour nombre de Foyers. A la mission socio-éducative
s'ajoute donc de facto celle de l'insertion professionnelle. L'UFJT,
désormais interlocutrice privilégiée des pouvoirs publics
sur les questions relatives à la jeunesse, va faire reconnaître ce
rôle nouveau lié à l'évolution du public. En 1976
puis en 1977 deux circulaires ministérielles viennent modifier et
compléter sur ces points la circulaire de 1971.
La situation économique qui se dégrade de plus
en plus dans la deuxième moitié des années 70 frappe de
plein fouet les jeunes, et les termes de précarité et d'exclusion
apparaissent pour désigner les nouveaux problèmes sociaux. Les
Foyers une nouvelle fois élargissent les critères d'accueil pour
répondre à cette nouvelle catégorie de jeunes
précaires. Toujours en collaboration avec l'Etat, l'UFJT obtient que le
ministère des affaires sociales puisse accorder une « Aide de
dépannage » pour aider les jeunes chômeurs à
accéder à un logement en FJT. L'accueil de jeunes chômeurs
dans des lieux créés pour aider des « jeunes travailleurs
» est une rupture symbolique importante.
110 Entre autre « Il doit être consulté sur
l'élaboration et la révision du règlement intérieur
» précise le code de la construction qui régit
l'organisation des résidences sociales.
Au début des années 80, les Foyers de Jeunes
Travailleurs n'hébergent plus majoritairement des « jeunes
déplacés » venus des campagnes vers la ville pour
travailler. Désormais, de nombreux jeunes citadins sont accueillis. Ils
vivent hors de leur famille pour des raisons diverses : formations, ruptures,
études... Cela s'accompagne d'une part par des séjours plus
courts d'autre part par l'utilisation des foyers comme d'un mode de logement
parmi d'autres pour les jeunes. Ce n'est plus le logement intermédiaire
privilégié servant de lieu d'apprentissage entre le départ
de la famille et le logement autonome.
A l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, trois
grandes commissions ayant les jeunes comme enjeu central sont
créées. L'une d'elle dirigée par Bertrand Schwartz
s'attache à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes. Cette
commission a associé étroitement à ses travaux l'Union
nationale des FJT, car les expériences d'insertion menées
expérimentalement dans certains Foyers, notamment à Nantes,
étaient très en pointe dans ce nouveau champ. Cette ouverture
à la société civile suscite beaucoup d'espoirs et
amènera à des réalisations concrètes : «
...la création des Missions locales d'insertion est, en partie,
sortie de notre travail de terrain et de son évaluation...
»111.
Avec l'explosion du chômage, il y a deux millions et
demi de demandeurs d'emploi en 1986, soit cinq cent mille de plus qu'en 1981.
L'exclusion s'étend, rendant les missions d'insertion de plus en plus
difficiles. La précarisation se banalise, la « nouvelle
pauvreté » apparaît, et le « traitement social » du
chômage devient une priorité d'Etat. Désormais ce dernier
ne s'appuie plus sur les expérience novatrices menées par les
grandes associations, refermant la porte aux initiatives impulsées par
la société civile.
La « rigueur économique » imposée par
l'Etat touche dans leur gestion les FJT au même titre que nombre d'autres
structures sociales ou socio-culturelles. Les aides publiques diminuent, et les
foyers doivent gérer au mieux leur ressources pour survivre. Le passage
de 600 foyers en 1964 à 470 en 1991 tient de cela en grande partie. Les
FJT qui n'ont pas pris le virage de « l'économie sociale »,
nouveau concept qui émerge au tournant des années 80, ont pour un
certain nombre disparu. Cela a bien sûr des conséquences : «
Vouloir faire aussi bien qu'une entreprise privée peut cependant
conduire à des tensions entre gestion équilibrée et
finalité sociale »112.
A l'entrée dans les années 90, la situation dans
les FJT est analysée comme un retour en arrière. En effet, les
foyers construits dans les années 60 tout d'abord ont mal vieillis, et
ensuite ont une palette d'habitat désormais inadaptée. L'offre
majoritaire des Foyers de Jeunes Travailleurs reste de la chambre individuelle
dans des grands collectifs, ce qui ne correspond plus à la demande. Le
bâti s'est dégradé et réclame de lourdes
réhabilitations. Paradoxalement les foyers sont remplis car les jeunes
peinent à se loger, du fait de leur précarisation et de la
pénurie de logements sociaux. « A Paris et dans la
région parisienne on se retrouve dans la situation qui était
celle au lendemain de la guerre (...). Compte tenu de la demande, les foyers
pourraient réaliser leur équilibre de gestion en logeant
simplement les étudiants et les jeunes travailleurs parfaitement
solvables »113.
Face au constat de dégradation du bâti et
à la faible capacité financière des Foyers devant de tels
chantiers l'UFJT, comme lors de sa création, monte au créneau
pour solliciter l'intervention de l'Etat. Cela abouti sur un accord cadre
conclu avec la Caisse des Dépôts et Consignations pour la
réhabilitation d'une centaine de FJT.
111 M. GOUREAUX, ancienne présidente de l'UFJT,
citée in F. GASPARD, 1995, p.114
112 Idem, M. GOUREAUX, ancienne présidente de l'UFJT,
citée p.114
113 Idem, C.A. Armand, ancien président de l'UFJT,
cité p.121
Document n°5 : Extrait d'éditorial
du
président de l'UFJT, avril 2004
Les maires de France, les centrales syndicales, les acteurs du
logement expriment des inquiétudes vives et fondées sur le
devenir du logement social... Mais qui les écoute ?
On construit aujourd'hui moins de logements sociaux que dans
les périodes les plus noires. (...).
L'avenir est sombre pour les jeunes. Déjà
souvent exclus du travail, ils auront de plus en plus de difficultés
à accéder à un logement. Les besoins repérés
aujourd'hui ne pourront être satisfaits que sur plusieurs années,
et les programmes de constructions ont déjà cinq ans de retard
!
Cette situation faite aux jeunes les disqualifie à
leurs yeux mêmes ! Et il ne s'agit pas seulement des plus fragiles
d'entre-eux, mais aussi de ceux qui seraient sur le point de trouver un emploi
et de nombre de ceux qui en ont un.
Source : Brève
n°77
Arrivé au milieu des années 90, l'histoire des
FJT et de leur Union Nationale est marquée par « le temps des
incertitudes ». Le public des foyers est extrêmement
précarisé et morcelé ; depuis longtemps déjà
les « travailleurs », au sens de ceux qui ont un emploi stable, sont
en minorité. La fonction des FJT est désormais de faire en sorte
d'éviter l'exclusion aux jeunes qui y sont hébergés, ceci
en croisant les missions d'hébergement, d'accompagnement socio-culturel
et d'insertion, le tout avec une dimension partenariale de plus en plus
affirmée. Un symptôme de cette évolution est que
désormais dans nombre d'équipes socioéducatives il y a au
côté des « traditionnels » animateurs des
éducateurs, des conseillers en économie sociale et familiale et
parfois même des psychologues.
Les années 2000 sont marquées à nouveau
par la situation de crise du logement, comme en témoigne
l'éditorial114 ci-contre. Cette crise s'accroît dans un
contexte de baisse des financements publics, de retards pris dans les
programmes de logements sociaux et de hausse considérable des prix sur
le marché de l'immobilier (voir document n°6115
ci-dessous). Une conséquence est « ...pour les jeunes, la part
du revenu consacrée au logement est passée de 29% en 1988
à 40% aujourd'hui avant aide publique, lorsqu'elle existe
»116.
Document n°6 : Un éclairage
sur la hausse de l'immobilier
Il convient donc de distinguer entre causes réelles et
causes fiduciaires de la hausse. On saisit mieux d'un côté ce qui
relève de l'économie réelle (le manque de logements
sociaux) et, de l'autre, ce qui relève des jeux de la finance et d'une
incitation générale et institutionnelle à la hausse. On
réunit ainsi tous les facteurs qui influencent la valeur des logements
en suivant la distinction qu'Aristote faisait déjà entre
l'Économie, la science des choses réelles concernant l'oikos
(la maison), et la crématistique (crematisis : action de
faire des affaires pour gagner de l'argent). Aristote disait déjà
qu'il est plus facile de réguler et de stabiliser le fonctionnement de
l'oikos que celui des choses relatives à l'argent.
Source : Pierre Auréjac, Brèves
n°81
|
Nous retiendrons de ces cinquante ans d'histoire trois points.
D'une part la capacité qu'ont eu les fondateurs de l'UFJT à
s'unir, et à transformer cette Union en interlocutrice et partenaire
incontournable de l'Etat et des collectivités locales sur la question du
logement des jeunes. Ensuite face à la considérable
évolution de la situation des jeunes en un demi siècle et
l'adaptation, la réactivité, qu'ont su avoir les FJT en
élargissant leurs champs d'action. Enfin les dimensions associative et
professionnelle qu'ont su combiner et faire évoluer les FJT, articulant
soucis d'éducation populaire et soucis de gestion, assurant par
là une troisième voie que « ...ni l'Etat, ni
l'entreprise privée ne pouvaient assurer...
»117.
114 Jean ALLAIN, président de l'UFJT, « Le logement
social grande cause nationale », Brèves n°77, avril
2004
115 Pierre AUREJAC, « Pour une nouvelle politique du
logement des jeunes », Brèves n°81, juin 2005
116 Idem
117 Simone VEIL, dans la préface F. GASPARD, 1995, p.10
2/ Cadre et missions
Aujourd'hui, les FJT sont des institutions sociales
régies par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action
sociale118 (qui a réformé la loi du 30 juin 1975
relative aux institutions sociales et médico-sociales).
Depuis janvier 1995, les FJT nouvellement créés
rentrent dans la réglementation des logement-foyers instituant les
résidences sociales lorsqu'ils ont été financés
avec une aide de l'Etat. En tant que logement-foyers, ils sont également
soumis à la réglementation du Code de la construction et de
l'habitation relative à ces établissements.
Les FJT sont principalement gérés par des
associations. Ils peuvent l'être également par des Centres
Communaux d'Action Sociale (CCAS) ou désormais, dans le cas des
résidences sociales, par des organismes d'HLM.
Les FJT sont « des institutions à but non
lucratif qui mettent à la disposition des jeunes un ensemble
d'installations matérielles pour leur hébergement et, le cas
échéant, leur restauration, ainsi que des moyens qui permettent
directement ou indirectement de favoriser leur insertion dans la vie sociale
»119. Plus concrètement « Le FJT est un
lieu de transition vers l'autonomie, de régulation sociale qui favorise
le passage du jeune dans la vie active »120.
La mission des FJT se répartit autour de trois axes : un
projet pédagogique, une fonction socio-éducative et une fonction
d'habitat.
a/ Le projet pédagogique
Les FJT définissent leurs missions dans un projet
pédagogique, qui est élaboré par l'organisme gestionnaire
et qui fait l'objet d'un contrat avec le résident.
Les missions des FJT sont larges et concernent :
? la mise à disposition de logements adaptés aux
besoins des jeunes pour des
phases de transition préparatoires à l'autonomie et
à la citoyenneté.
? l'accueil de jeunes en cours d'insertion professionnelle et
sociale ; leur socialisation par des actions de qualification sociale
s'appuyant sur la valorisation de leurs potentialités.
118 Ces aspects réglementaires seront davantage
développés dans le chapitre II consacré au cadre de la
participation dans les FJT
119 Extrait de la fiche de présentation des FJT disponible
sur le site internet de l'UFJT
120 Jean-Claude ACCARIER, « Quelle itinérance pour
les jeunes ? », Forum n°89, 1999, p.8
b/ La fonction socio-éducative Cette fonction comprend
quatre aspects différents :
· l'accueil personnalisé.
· l'organisation d'activités liées
à l'emploi, la formation, le logement, la santé, les loisirs, la
culture ; l'information et l'aide aux jeunes sur les problèmes de la vie
quotidienne en vue de leur autonomie.
· la participation des jeunes à la vie collective,
aux activités, à l'organisation et à la gestion, aux
instances de fonctionnement et au conseil d'établissement.
· l'insertion sociale et professionnelle ; cette
insertion peut se réaliser au moyen d'actions menées par le FJT
ou en partenariat avec les acteurs de l'insertion (Missions locales, Points
d'accueil d'information et d'orientation). Les FJT peuvent également
être un support pour des actions d'insertion (Réseau d'initiative
locale pour l'emploi, services de proximité et entreprises
d'insertion).
c/ La fonction habitat
Le projet habitat du FJT doit offrir, autour de services
collectifs, des logements de différents types préservant
l'intimité et des espaces de rencontre favorisant l'ouverture
auprès des habitants du quartier et de la ville. Plusieurs formes
d'habitat peuvent être proposées par les FJT121, ils
sont présentés ici par ordre croissant d'autonomie :
·
Document n°7 : Les différents
habitats des FJT
un foyer central constitué de logements
diversifiés (chambres, studios, petits appartements).
· un « foyer soleil » comprenant un foyer central
auquel sont rattachés des logements extérieurs
disséminés dans d'autres immeubles.
· des logements diffus sous-loués à des
bailleurs privés ou sociaux.
Ces différentes propositions de logement s'inscrivent
dans une double logique de parcours résidentiel et d'accompagnement vers
l'autonomie. Cet un aspect fondamental de la mission des équipes
socio-éducative. Il faut évaluer lors de la demande à la
fois le besoin de logement et le degré d'autonomie des jeunes
demandeurs, pour leur faire la
121 Le document n°6 est extrait de la plaquette de
présentation institutionnelle de l'UFJT intitulée «
Construire ensemble une politique jeunesse ».
Document n°8 : Eclairage sur le
verbe habiter
Autant qu'une dimension spatiale, habiter revêt une
dimension temporelle. Habiter signifie, comme le souligne Th. Paquot,
«exister sur cette terre comme un mortel qui n'ignore aucunement sa
condition de mortel».(...)
Derrière habituari se profile aussi habitus,
«manière d'être». Ce terme est d'abord
relancé par E. Durkheim. P. Bourdieu, à son tour, en fait un
concept clé de la sociologie le définissant comme un ensemble de
cadres sociaux permettant à l'individu d'être dans la
durée, comme un ensemble durable de manières d'être et de
faire qui s'incarne dans les corps permettant de «construire et
comprendre de manière unitaire les dimensions de la pratique»
(...)
Habiter est donc un terme riche qui déborde
la seule idée de loger et renvoi à l'être au point que l'on
ne puisse nommer l'un sans convoquer l'autre, que l'on ne puisse penser l'un
sans concevoir l'autre. Habiter est une forme singulière de
l'être au monde.
Source : Denis La Mache, « Une ethnologie de
l'art d'habiter est-elle envisageable dans les grands ensembles HLM ?
»
|
|
proposition la plus adaptée. Puis, au cours du
séjour, il faut suivre l'évolution de chacun afin de permettre le
passage vers du logement de plus en plus autonome. L'objectif final est bien
entendu de préparer dans les meilleures conditions possibles le passage
dans du logement totalement autonome, que ce soit dans le parc privé ou
HLM.
Permettre aux jeunes d'habiter et non simplement de
se loger est un élément fondateur pour les Foyers. Le
document122 ci-contre apporte un éclairage sur la richesse du
terme habiter..
3/ Public accueilli
Nous avons vu d'une part que la définition des bornes
de la jeunesse est difficile et fluctuante ; d'autre part que les missions des
FJT au cours de leur histoire ont évolué. Toutefois, le public
des FJT répond à une définition administrative assez
étroite.
a/ La politique d'accueil
Elle est définie par la circulaire n° 96-753 du
17 décembre 1996 (ministère des Affaires Sociales). Le public
prioritaire des FJT est constitué des jeunes âgés de 16
à 25 ans en cours d'insertion sociale et professionnelle.
Ce strict bornage réglementaire est en retard par
rapport à l'évolution du public : « Il y a une
définition du temps de la jeunesse qui est bien connue, de nature
juridicoadministrative - pour habiter en foyer on est jeune entre seize et
vingt-cinq ans - un simple regard sur l'évolution récente de la
demande des résidents montre les limites d'une définition aussi
stricte. La part des moins de vingt-cinq ans est en régression constante
et les demandes des plus de vingt-cinq ans augmentent dans des proportions
significatives. Alors la définition est commode mais peu en phase avec
des réalités vécues, dans un contexte d'allongement et de
diffèrement de la séquence de vie jeunesse
»123.
Une adaptation a été autorisée,
puisqu'il est admis la possibilité d'accueillir des jeunes de 25
à 30 ans, à condition qu'ils ne représentent qu'une
fraction des résidents. C'est le projet associatif du FJT
négocié avec les partenaires et traduit dans le contrat avec la
CAF et la convention APL qui précise la proportion de cette
catégorie d'âge.
122 Denis LA MACHE, « Une ethnologie de l'art d'habiter
est-elle envisageable dans les grands ensembles HLM ? », disponible sur
http://perso.wanadoo.fr/homo.urbanus/urbanisme64.htm
123 B. BASTIEN & P. BATAILLE, 1998, p.43-44
Paradoxalement la circulaire, si stricte sur l'âge,
prend en compte l'évolution et l'éclatement des situations,
puisqu'elle précise que « ...l'allongement et la multiplication des
périodes de transition entre la dépendance familiale et
l'autonomie doivent être pris en compte et impliquent l'accueil d'une
population plus diversifiée », qu'elle définit et liste
comme suit :
? jeunes travailleurs en situation de précarité
ou non
? jeunes demandeurs d'emploi
? jeunes en situation de décohabitation ou de
mobilité.
? jeunes en formation sous divers statuts
? jeunes couples.
? adultes isolés ou familles monoparentales de moins de
30 ans.
? étudiants en rupture sociale et familiale.
La circulaire précise que la politique d'accueil doit
être basée sur le brassage social et sur l'équilibre entre
les différentes catégories de jeunes, avec une priorité
pour les jeunes avec ou sans emploi de condition modeste124.
Il faut souligner que l'équilibre des populations
accueillies au sein des FJT conditionne la réussite du brassage social.
La gestion de cet équilibre très fragile est une part importante
du travail des équipes socio-éducatives : « Dans un
même lieu, se retrouvent des jeunes d'horizons et de conditions multiples
dont les dispositions acquises déterminent les conditions de passage et
les attributs de l'identification. C'est l'effet du "brassage ", ce mot magique
(valise ?) du réseau FJT »125. Cette
particularité dans la gestion de l'accueil du public, qui oscille entre
le pôle de l'accompagnement individuel et celui de la gestion du
collectif, constitue sans nul doute une spécificité forte des
Foyers de Jeunes Travailleurs.
b/Données statistiques sur les FJT et leur public
La série de graphiques et leurs interprétations
ci-après visent à brosser le portrait des foyers du point de vue
de l'habitat proposé, de l'âge et du sexe du public accueilli, de
sa situation professionnelle et de son niveau scolaire.
Tous les graphiques de ce chapitre sont issus de
données provenant de l'UFJT126. Dans toute la suite de ce
mémoire, les graphiques qui ont la particularité d'être
encadrés ont été réalisé par l'Union
nationale, et ont été simplement reproduits.
124 Toutes les personnes accueillies dans les FJT
conventionnés doivent respecter les plafonds de ressources prévus
par les conventions APL.
125 B. BASTIEN & P. BATAILLE, 1998 p.58
126 « L'UFJT en quelques chiffres, 2003 » et «
Données économiques 2003 », documents disponibles sur le
site internet de l'UFJT
Graphique n°1 : Répartition et
évolution (entre 1999 et 2003) des types de logements FJT au niveau
national
Chambres Chambres à Chambres à T1 T1' T1 bis T2 T3
et plus
individuelles deux trois et plus
60%
55%
50%
45%
40%
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
2003
1999
En 2003 il y avait en France 383 FJT et services logements,
ainsi que 25 Comités Locaux pour le Logement Autonome des Jeunes
(CLLAJ), représentant un parc national de 39000 logements rassemblant
une capacité globale de 40000 lits. Dans ce parc, 11% correspond
à de l'habitat diffus.
Au niveau du type de logements, 58% sont des appartements du
T1 au T3, le reste étant composé de chambres. C'est une
évolution importante et rapide puisqu'en 1999 les appartements ne
représentaient que 35% du total. Cela correspond aux nombreux efforts de
réhabilitations et de transformations engagés sur tout le
territoire depuis l'accord cadre national de 1990.
Graphique n°2 : Pyramide par âges et
sexe des résidents rentrés en 2003 127
127 Ce graphique a été réalisé
par l'UFJT. Il présente une erreur de représentation puisqu'une
tranche regroupant cinq années est affectée de la même
largeur que celles d'une année ; d'autre part il ne présente pas
d'échelle (il n'a pas été possible de le reconstruire car
seuls les graphiques étaient disponibles et non les données
brutes).
La répartition globale est de 58 % d'hommes pour 42 %
de femmes. La proportion de femmes augmente doucement depuis quelques
années, et ceci est a mettre en relation avec l'évolution du parc
locatif évoqué plus haut : le public féminin est beaucoup
plus sensible -et réticent- aux chambres, surtout sans sanitaires
individuels. La proposition croissante d'appartements leur convient davantage
d'où cette croissance. Une analyse plus fine de l'occupation des types
de logement par sexe, malheureusement indisponible, montrerait sans nul doute
cette propension.
Ce graphique n°2 montre une tendance des femmes à
se répartir surtout sur les tranches d'âge centrales, de 18
à 23 ans. S'il s'agit également des classes les plus fortes chez
les hommes, il y a par contre un étalement plus grand dans la
répartition, notamment pour les 24 ans et plus. Les femmes utilisent
vraisemblablement davantage le FJT comme une étape vers le logement
autonome, le quittant plus rapidement, et n'y revenant plus ensuite «
Leurs stratégies matrimoniales sont plus précoces, et elles
les poussent éventuellement à choisir plus rapidement un logement
autonome »128. Chez les hommes les aller-retours sont plus
courants, et la prise d'autonomie en matière de logement moins
rapide.
Graphique n°3 : Répartiti on par type
d'activité professionnelle :
45% 40% 35% 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0%
|
|
|
Salariés Apprentis Stagiaires Dem andeurs Scolaires et
Non ren-
d'em ploi étudiants seigné
Graphique n°4 : Détail de la
répartiti on des jeunes de la catégorie « salariés
» par types de contrats de travail en 2003
CDD temps partiel 9%
Intérim 11%
CDD temps plein 24%
Contrat de qualification 9%
Stage d'insertion 4% CDI temps plein 34%
128 B. BASTIEN & P. BATAILLE, 1998, p.61
CDI temps partiel 9%
Le graphique n°3 montre une répartition du public
des FJT sur les différentes activités, avec une forte
représentation des apprentis et stagiaires qui représentent
près d'un tiers du total. Les salariés sont la catégorie
la plus nombreuse, mais il s'agit d'un trompe l'oeil comme le montre le
graphique n°4, qui détaille toutes les catégories
regroupées sous le vocable « salariés ». Il permet
premièrement de voir qu'y sont englobées des situations
très différentes, deuxièmement que les situations à
forte incertitude sont nombreuses. Non seulement 58 % des contrats sont
à court et moyen terme, mais encore 18 % des jeunes salariés
logés en FJT travaillent à temps partiel. Bien entendu, cette
proportion importante tant de stagiaires que de jeunes en contrats courts joue
de façon importante dans la brièveté des séjours en
FJT.
En complément de ces graphiques sur la situation
professionnelle des jeunes accueillis en FJT, leur niveau de
ressource129 est le suivant :
· 9 % des jeunes n'ont aucune ressource propre
· 27 % disposent de moins de 300 € par mois
· 36 % ont entre 300 € et un SMIC mensuel
· 28 % ont un revenu supérieur au SMIC
Graphique n°5 : Niveaux scolaires des jeunes
résidents en FJT :
22% 20% 18% 16% 14% 12% 10% 8% 6% 4% 2% 0%
institutions spécialisées niveau primaire
niveau collège niveau 3ème CAP, BEP
Bac pro. ou technique Bac général BTS/DUT
DEUG
Bac + 3 et + Non renseigné
Toutes les filières et tous les niveaux sont
représentés. La proportion de jeunes accueillis ayant le bac ou
le niveau bac est de 55 %, ce qui est inférieur aux chiffres nationaux
donnés par le ministère de l'éducation nationale. Celui-ci
considère que la proportion de jeunes bacheliers est stabilisée
à 69 % de chaque classe d'âge depuis
129 Les statistiques 2003 de l'UFJT sur les ressources tiennent
compte des aides à la personne, mais ne permettent pas de mesurer les
soutiens des tiers, la famille notamment.
plusieurs années. Cela est à mettre en
parallèle avec les 19 % de jeunes qui à l'entrée au FJT
ont un niveau équivalent ou inférieur au niveau 3ème. Les
FJT accueillent donc un public ayant un niveau scolaire plus faible que la
moyenne de leur classe d'âge.
Il faut noter également qu'il y a plus de jeunes issus
de formations techniques (bac professionnel ou technique, DUT/BTS) que des
filières générales (bac général, DEUG). Leur
présence importante dans les FJT peut s'analyser de deux façons.
D'une part leurs cursus sont caractérisés par la
nécessité de réaliser des stages en entreprises, souvent
hors de la ville d'étude et de la ville d'origine familiale, et nombre
d'entre eux sollicitent une place en FJT durant ces stages. D'autre part
« Depuis deux ans, les personnes les moins touchées par le
chômage sont celles possédant des diplômes de niveau
supérieur au bac à spécialités techniques ou
professionnelles : DUT, BTS... »130, « Les DUT et
les BTS sont des diplômes très appréciés sur le
marché du travail : leur taux de chômage est resté stable
autour de 6,7 %... »131. Une fois diplômés,
ces nouveaux travailleurs sollicitent souvent les FJT, le temps de passer une
période d'essai ou de trouver un autre logement.
Graphique n°6 : Origine résidentielle
des résidents 132
Les jeunes ayant une origine résidentielle proche
(commune ou agglomération) sont une minorité (moins de 20 %).
L'origine géographique de proximité peut être en lien avec
une décohabitation conflictuelle (rupture familiale ou institutionnelle,
rupture de couple).
Il faut noter qu'accéder à l'autonomie
résidentielle n'est pas un chemin linéaire : « Le
passage de la décohabitation familiale au bail en nom propre se fait au
long d'une trajectoire qui peut comporter beaucoup d'étapes avec parfois
des aller-retours, le passage en FJT pouvant constituer l'une de ces
étapes »133.
La plus grande partie des jeunes qui viennent résider
en FJT (68 %) vient de l'extérieur
130 INSEE première n°958, avril 2004.
131 INSEE première n°1009, mars 2005.
132 Graphique réalisé par l'UFJT. Il s'agit
là de la provenance des jeunes à leur entrée dans le FJT,
ce qui est différent de leur origine géographique de
naissance.
133 Jean-Pierre FAYARD dans l'introduction de l'article de J.C.
ACCARIER, 1999, p.3.
du département. Cette mobilité
résidentielle est fortement -mais pas uniquement- liée à
des contraintes d'insertion socio-professionnelle, qu'il s'agisse d'emploi ou
de formation : « Les résidants du FJT sont en situation de
mobilité géographique pour répondre à des besoins
liés à la formation et au travail, mais aussi en fonction de leur
rapports à leurs attaches familiales et affectives...
»134.
Jean-Claude ACCARIER a réalisé en 1998 un
mémoire de DSTS intitulé « Quelle itinérance des
jeunes ? Analyse de la mobilité géographique des résidents
d'un Foyer de Jeunes Travailleurs ». Dans la première partie
de sa recherche, il propose une interprétation de la mobilité en
FJT. Il base son analyse sur trois modèles de conduite : la
mobilité, la stabilité et l'instabilité. Ensuite il
définit la mobilité par rapport à trois axes : d'abord
« dans la tête »135, ensuite vis-à-vis des
attaches affectives et relationnelles, enfin par rapport à l'emploi et
la formation.
Après un travail d'enquête puis de classement, il
met en évidence quatre formes des profils d'itinérance chez les
jeunes accueillis en FJT :
? Un profil d'hyper-mobilité à risques :
l'instabilité à la fois dans les attaches et du point de vue
professionnel s'ajoute à la « mobilité dans la tête
». Cela entraîne des « passages à l'acte » du type
partir pour partir ou casser un projet dès qu'il commence à se
construire un peu. Les décisions prises par les jeunes ayant ce type de
profil sont souvent non-maîtrisées.
? Un profil d'hyper-mobilité à risques
calculés : il y a une stabilité dans les attaches
socio-affectives et une mobilité tant du point de vue professionnel que
« dans la tête ». Les choix professionnels ne sont pas
figés, et cela entraîne une mobilité géographique
importante dans un objectif de mobilité sociale ascendante. Les risques
sont calculés et encouragés par la stabilité des
attaches.
? Un profil de mobilité adaptée : il y a une
stabilité dans les attaches et au niveau professionnel, et une
mobilité « dans la tête ». La stabilité
professionnelle se traduit par un choix de métier ou d'orientation
clairement défini, compris et appuyé par l'environnement
socio-affectif. La mobilité « dans la tête » permet de
la souplesse, du réalisme et de l'ajustement par rapport à la
réalisation de ce projet.
? Un profil d'immobilité dépendante : il y a
instabilité dans tous les axes. Cela entraîne « un
système d'attachement fait de relation fusionnelle et de
dépendance à l'autre ». Les manques de lucidité,
d'attaches et la précarité rendent ces jeunes « assujettis
» : les décisions les engageant sont prises par d'autres. Ces
jeunes sont ceux qui présentent le plus de risques de s'enfoncer dans
une précarité permanente.
134 J.C. ACCARIER, 1999, p.8.
135 L'auteur précise : « La «
mobilité dans la tête » c'est l'ouverture au changement,
l'intelligence de situation, l'adaptation, la curiosité de la
découverte, la propension à se mouvoir. «
L'instabilité dans la tête » c'est le
déséquilibre, la confusion de pensée, la rigidité
à ne pas bouger dans sa représentation du monde, la fermeture au
changement, la difficulté à se bouger »
Graphique n°7 : Comparaison des durée de
séjours et des nuits correspondantes
Moins d'une Une semaine Un mois à Trois mois à Six
mois à un Un an et plus
semaine à un mois trois mois six mois an
40%
20%
60%
50%
30%
10%
0%
Nuitées correspondantes
Durée de séjour
En terme de durée de séjour, il y a une
répartition assez équitable entre les séjours courts
(moins de trois mois) et les séjours longs (plus de trois mois) en
nombre de personnes accueillies. Toutefois, il faut impérativement
mettre ces données en rapport avec le nombre de nuitées pour
comprendre l'orientation de l'action socio-éducative. En effet, les
jeunes ayant séjourné moins de trois mois ne représentent
que 9,4% des nuitées ; tandis qu'à eux seuls les résidents
séjournant six mois et plus cumulent 77% des nuitées. Or c'est
sur les personnes ayant une présence effective, constatée par le
nombre de nuitées, que porte l'action socio-éducative. Donc cette
dernière porte quasiexclusivement sur les résidents
séjournant trois mois et plus au FJT.
Nous soulignerons que les études statistiques tendent
à montrer que les jeunes qui réalisent des séjours courts
sont ceux qui sont dans les situations de moins grande fragilité
socio-économique (ressource, activité, diplôme).
Au niveau du taux d'occupation des FJT, Les chiffres globaux
disponibles au niveau national sont les suivants :
Graphique n°8 : Taux d'occupation moyen des
FJT au niveau national 136
136 Graphique réalisé par l'UFJT
La baisse du taux d'occupation dont fait état l'Union
Nationale est contredite au niveau de la région Bretagne. En effet, lors
de l'assemblée générale 2005 de l'Union Régionale
des Foyers de Jeunes Travailleurs, il a été rapporté
qu'« en Bretagne, les FJT sont occupés à 90 %, situation
favorable par rapport à d'autres régions saturées
»137.
Il faut bien évidement rapprocher ce constat de celui
rapporté à la fin du chapitre sur l'histoire des FJT : la
situation de crise du logement actuelle n'est pas sans rappeler la situation
des années 1950. La hausse des loyers dans le secteur privé et la
pénurie de logements sociaux entraîne une forte demande des jeunes
dans l'un des seuls endroits accessibles pour eux, les Foyers de jeunes
travailleurs. Cela n'explique pas malgré tout les divergences de
chiffres avancés entre l'Union nationale et l'Union régionale de
Bretagne.
II/ Le cadre participatif dans les foyers
Nous avons vu dans la partie consacrée à
l'histoire des FJT que la participation des jeunes est à la fois voulue
mais aussi source de conflit. Avec l'institutionnalisation des FJT, le cadre
participatif est désormais fixé par différents codes ou
lois comme nous allons le développer maintenant.
1/ Plusieurs instances légales
a/ Le conseil de concertation du Code de la
construction138
La mise en place d'un conseil de concertation est obligatoire
dans tous les logementfoyers (art. L. 633-4 du Code de la construction et de
l'habitation).
Il est composé à parité de
représentants du gestionnaire ou du propriétaire et de
représentants des résidents désignés par le
comité de résidents du foyer ou, à défaut,
directement par les résidents eux-mêmes. Il faut noter que la
notion de comité de résident évoquée ici n'est pas
développée davantage quant à sa forme, sa composition et
ses modalités de réunion.
Le conseil de concertation doit se réunir à la
demande du gestionnaire ou des représentants des résidents au
minimum une fois par an. Il doit être consulté sur
l'élaboration et la révision du règlement
intérieur. Il doit l'être également avant la
réalisation de travaux, ainsi que sur tout projet et sur l'organisation,
dont la gestion des espaces collectifs, ayant une incidence sur les conditions
de logement et de vie des résidents.
Les membres du conseil de concertation peuvent être
assistés de toute personne dont la compétence est jugée
utile.
137 Citation tirée du Ouest-France,
édition de Lorient, du 21 juin 2005
138 Textes de référence : Code de la
construction et de l'habitation : articles L. 633-1 à L. 633-5, R.
353-154 à 164-1, R. 353-165 à R. 353-165-12 ; convention type APL
« résidences sociales » ; convention type APL «
logements-foyers autres que résidences sociales »
b/ La loi de rénovation sociale du 2 janvier
2002139
Cette loi instaure une série de dispositifs
prônant la participation de l'usager, et notamment le Conseil de la vie
sociale, qui est un dispositif de participation des usagers à la vie de
l'établissement. Le concept de citoyenneté se retrouve dans le
Conseil de la vie sociale sous deux formes : « La première
"C'est parce que je fais la loi que j'y obéis"- autrement dit le
règlement de fonctionnement doit être le fruit d'une concertation
avec l'usager - et la deuxième acception, c'est organiser la vie dans la
"cité"que constitue l'établissement »140.
Nous retrouvons ici le fondement du concept d'autonomie : se donner
(auto) sa propre loi (nomos), en nouant liberté
individuelle et collective : « pour Hegel l'auto-nomos se confond avec
la conformité à la raison, force qui ne s'impose pas de
l'extérieur, alors que l'auto-législation est pour Castoriadis
une procédure de décision, une participation, un acte
»141.
(reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur)
Document n°9 : Dessin de Jiho ,
publication originale dans lien social
Il est intéressant de noter que la genèse de
cette instance remonte au conseil d'établissement instauré
initialement par la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et
médico-sociales, qui fut suivie par de nombreux décrets,
circulaires et lois ayant tous pour objectif la mise en place d'instances de
participation des usagers dans les établissements. Or « Le
conseil d'établissement n'a pas eu le succès qu'il aurait
mérité. Tous secteurs confondus, moins d'un tiers des
établissements se seraient acquittés de cette obligation
»142. Le Conseil de la vie sociale imposé par la
loi de rénovation sociale vise à rendre effective, après
nombre d'essais infructueux, la participation des usagers dans les
établissements.
Le conseil de la vie sociale est obligatoire lorsque
l'établissement ou le service assure un hébergement. Les FJT
qu'ils soient résidences-sociales ou logementsfoyers sont donc
concernés. Une procédure très détaillée de
la mise en place et du fonctionnement de ce conseil est établie par la
loi143.
Le conseil de la vie sociale donne son avis et peut faire des
propositions sur toute question intéressant le fonctionnement de
l'établissement ou du service, notamment sur l'organisation
intérieure et la vie quotidienne, les
139 Décret n° 2004-287 du 25 mars 2004 relatif au
conseil de la vie sociale et aux autres formes de participation
institués à l'article L. 311-6 du code de l'action sociale et des
familles
140 J. SANCHEZ, 2004, p.17
141 Gérard DAVID, « Cornélius Castoriadis, le
projet d'autonomie », 2001, disponible sur :
http://perso.wanadoo.fr/marxiens/philo/castoria.htm
142 R. JANVIER & Y. MATHO, 2004, p.147
143 Le détail est joint dans l'annexe 2
activités, l'animation socioculturelle, les projets de
travaux et d'équipements, la nature et le prix des services rendus,
l'affectation des locaux collectifs, l'entretien des locaux, les relogements
prévus en cas de travaux ou de fermeture, l'animation de la vie
institutionnelle et les mesures prises pour favoriser les relations entre ces
participants.
Bien évidemment il y a des enjeux de pouvoir qui
apparaissent immédiatement sousjacents à la mise en place de ce
genre d'instance, or il est clairement exprimé ici que le conseil de la
vie sociale à une fonction d'avis, pas de décision. La fonction
d'autorité, qui se traduit par le pouvoir de décision demeure de
l'ordre de la direction des structures concernées. Ceci n'est pas sans
susciter quelques interrogations : « Le fait que le conseil de la vie
sociale n'ait aucun pouvoir de décision en entame quelque peu le
caractère démocratique comme il porte ombrage à la
crédibilité du législateur. Qu'est-ce en, effet, qu'un
organe à caractère politique muet ou sans conséquence ? On
peut se demander s'il ne s'agit pas, là encore, d'une mesure
cosmétique permettant à l'Etat de se prétendre en phase
avec la mouvance participative et citoyenne des usagers...
»144.
En fonction de l'organisme ou de l'établissement il se
peut que le conseil de la vie sociale ne puisse pas être mis en place. Un
« groupe d'expression ou toute autre forme de participation » peut
être institué dans ce cas ; « Qu'on l'appelle conseil de
la vie sociale, groupe d'expression ou toute autre dénomination est de
peu d'importance, pourvu qu'il remplisse ses multiples missions, dont la
moindre n'est pas un apprentissage de la démocratie
»145.
L'article L. 311-5 du code de l'action sociale et des familles
précise ainsi que la participation peut également s'exercer :
? par l'institution de groupes d'expression au niveau de
l'ensemble de l'établissement, du service ou du lieu de vie et
d'accueil
? par l'organisation de consultations de l'ensemble des
personnes accueillies sur toute question concernant l'organisation ou le
fonctionnement de l'établissement, du service ou du lieu de vie ou
d'accueil
? par la mise en oeuvre d'enquêtes de satisfaction.
Ces adaptations appellent plusieurs commentaires. Sur un
versant positif, deux remarques. D'abord il faut y voir le désir du
législateur de ne pas substituer systématiquement aux instances
déjà existantes le conseil de la vie sociale. Si nous avons
souligné que la loi du 30 juin 1975 n'avait eu qu'une application
imparfaite, nombre d'établissements ont tout de même mis en place
des instances de concertations ; puisqu'elles existent et fonctionnent autant
les conserver. Ceci est également le cas des Foyers de Jeunes
Travailleurs : les instances existantes, mises en place en suivant le Code de
la construction, peuvent ainsi perdurer. Ensuite il s'agit d'une souplesse
importante par rapport aux procédures visant à établir le
conseil de la vie social. Nombre d'établissements, tels les Centres
d'Hébergement et de Réadaptation Sociale (CHRS) ou les Foyers de
Jeunes Travailleurs ont un public effectuant des séjours courts ou
irréguliers. Cela est parfaitement incompatible avec certains aspect
formels de la loi 02/2002 tel l'élection pour un à trois ans de
délégués et de suppléants. Le législateur
144 Yves BOUTROUE, Les cahiers de l'actif,
n°330/331 p.151
145 Idem
offre donc une assez large possibilité d'adaptation,
l'essentiel étant qu'une forme adaptée de participation soit mise
en oeuvre.
Sur un versant négatif, nous pouvons rappeler que cela
exclut du cadre général et crée des « citoyens de
seconde zone ». Par ailleurs, il s'agit d'un amoindrissement de la
portée du conseil de la vie sociale. Or celle-ci est déjà
limitée : « Cet organe, qui n'a aucun pouvoir de
décision, doit pouvoir donner un avis écouté sur tout ce
qui concerne la vie de l'institution (...). Ses avis doivent être en
effet écoutés, car si son objet
pédagogique/éducatif doit être atteint, certains de ses
avis doivent être suivis d'effets, sous peine de
déconsidérer l'ensemble du dispositif (et de ses attendus) aux
yeux des usagers »146. Nous retrouvons ici les critiques
déjà formulée dans le chapitre intitulé «
Participer dans un cadre spécifique ? ».
c/ Le cadre associatif
Les chiffres nationaux donnés pour 2003 par l'UFJT
indiquent que parmi les 353 FJT adhérents, 92% sont des associations loi
1901. Le statut associatif est donc la règle très largement
dominante.
Il n'y a pas de statut-type propre aux associations FJT.
Toutefois très classiquement, les associations gestionnaires ont une
assemblée générale annuelle des adhérents, un
conseil d'administration qui se réunit à quelques reprises durant
l'année, et un bureau qui se réunit régulièrement
et s'occupe de la gestion courante.
Parmi les administrateurs, il y a bien entendu des
représentants des adhérents, il y a souvent des membres de droit
représentants les administrations (Ville, CAF, DDASS...) et les
organismes partenaires (bailleurs sociaux, Mission Locale...), souvent aussi
des représentants du personnel.
Les représentants des adhérents au conseil
d'administration, par exemple les jeunes résidents, ne sont pas
nécessairement élus lors de l'assemblée
générale de l'association mais plutôt lors de
l'assemblée générale de la résidence dont ils font
partie.
Ce cadre associatif est très important, les FJT se
revendiquent ainsi dans la mouvance de « l'économie sociale »,
c'est à dire « ...un espace associatif autonome, à la
fois spécifique et réellement intermédiaire entre l'Etat
et le marché, à partir duquel pourrait se reconstruire le lien
social... »147.
2/ Une affirmation politique forte de
l'UFJT148
La charte de l'UFJT dans son « Engagement collectif
2000-2002 » affirme le point suivant : « Chaque action devra
être conçue et réalisée de telle manière que
ceux à qui elle s'adresse puissent trouver en y participant un
apprentissage ou un approfondissement de la responsabilité individuelle
et collective, de la délibération, de la prise de décision
et plus généralement des pratiques et rituels
démocratiques ».
146 Idem
147 M. BARTHELEMY, 2003, p.77.
148 Les différentes motions d'orientation citées
dans ce chapitre sont disponibles sur le site internet de l'UFJT.
Cela est réaffirmé dans la motion d'orientation
2002-2004 sous une autre forme : « Nous permettrons aux jeunes de
découvrir et d'utiliser le lien associatif comme un des lieux de
développement de leur être politique par un travail sur la place
qu'ils peuvent prendre dans nos associations, et par un soutien aux projets qui
les mettent en situation de construire ensemble une volonté
générale. ».
Dans la motion 2004-2006 quatre orientations sont
définies dont l'une porte sur la démocratie et affirme la
conviction de l'UFJT que « L'acte éducatif est un
préalable à la citoyenneté et qu'il nécessite la
recherche de formes prenant en charge les évolutions et les
méthodes qui croisent volonté de démocratie participative
et pratiques de l'éducation populaire ».
Cela est traduit dans le programme d'action national pour
2004-2006149 par le point suivant :
Document n°10 : Extrait du programme
d'action national 2004-2006 de l'UFJT
S'il faut voir dans ces différentes motions une
affirmation forte, c'est bien qu'il y a « ...déficit
constaté dans ce domaine... »150. Il est permis de
se demander l'efficacité de cette injonction car « ...elle
indique également la dominante d'une conception classique de la
participation -c'est à dire mobilisant des formes de l'implication
exclusivement basées sur le modèle de la démocratie
représentative aujourd'hui en crise- dont rien ne dit d'ailleurs qu'elle
soit en phase avec les attentes juvéniles »151. La
mention faite dans le tableau précédent concernant des «
pratiques innovantes en matière de
149 Disponible sur le site internet de l'UFJT
150 B. BASTIEN & P. BATAILLE, 1998, p. 126
151 Idem p. 126-127
participation » semble montrer que cet obstacle est
connu.
Toutefois nous soulignerons que l'UFJT ne reste pas au stade
des recommandations, et pour montrer la voie, l'Union a mis en place
début 2005 au niveau national une commission pédagogie pour les
professionnels, et pour les résidents une nouvelle instance
appelée « Collège des jeunes ».
La commission pédagogie est un « nouvel
espace en charge de la réflexion, la capitalisation, et la diffusion de
nos pratiques pédagogiques » dont l'un des axes est de
« Soutenir un protocole de recherche sur la participation des jeunes
».
Le « Collège des jeunes » a pour but de
concrétiser cette volonté politique. L'extrait d'interview d'un
jeune membre de cette nouvelle instance illustre l'intérêt que les
résidents peuvent y trouver152.
Document n°11 : Extrait de
Brèves n°79
Qu'espérez-vous apporter à cette
instance ?
V : D'abord de la jeunesse. Nous avons une
attente différente des autres membres du CA car nous sommes aussi
résidents. On voit la situation et les problèmes au jour le jour
comme l'insécurité, l'insertion des jeunes, etc., de nombreux
pôles sur lesquels on a envie de travailler. Nous sommes sans doute les
mieux à même d'apporter une base concrète au CA...
B : ... et qui colle à la
réalité, même s'il est vrai que les actions menées
jusqu'à présent étaient déjà bien conformes
aux réalités des foyers.
|
|
152 Extrait du n°79 de Brèves, le journal
interne de l'UFJT, en avril 2005, interview complète jointe en annexe
4
Chapitre 2 : L'enquête menée
auprès des FJT
I/ Objectifs, formes et mise en oeuvre 59
1/ Croiser connaissance formelle et opinions
59
a/ Étudier l'organisation des instances 59
b/ Interroger l'avis subjectif des acteurs 59
2/ Méthodologie et protocole 60
a/ Le choix du questionnaire 60
b/ Protocole suivi 60
3/ Présentation du questionnaire 61
II/ Résultats de l'enquête 62
1/ Les retours 62
2/ Les résultats 63
a/ Données sur les enquêtés 63
b/ Données sur les FJT 65
c/ Données sur les instances 66
d/ Données sur les opinions 71
III/ Enseignements retirés 80
1/Interprétations des résultats
80
a/ Des constantes dans l'organisation 80
b/ Des écarts à l'intérieur même des
FJT 80
c/ Des écarts entre les catégories
interrogées 81
d/ Un intérêt affirmé par tous 81
2/ Préconisations 82
a/ Clarifier et adapter les instances 82
b/ Les professionnels garants de la permanence 83
c/ Rapprocher jeunes et administrateurs 85
I/ Objectifs, formes et mise en oeuvre
Les FJT comptent trois types d'acteurs : les jeunes
résidents, les professionnels et les administrateurs. Ces acteurs ont
des rôles différents, ils n'ont pas les mêmes positions, pas
les mêmes attentes, pas les mêmes intérêts.
Afin d'analyser comment fonctionne la participation dans les
FJT il semblait pertinent d'étudier par catégorie d'acteur d'une
part la connaissance formelle de l'organisation des différentes
instances, d'autre part l'opinion subjective sur l'utilité et
l'efficacité de cette participation.
Concernant l'organisation il peut exister des
différences entre le cadre formel prévu par les textes et sa mise
en oeuvre. L'analyse de ces différences est importante : sont-elles
liées à une nécessaire accommodation pour faciliter la
participation d'un public qui a besoin d'une certaine souplesse du cadre,
auquel cas il s'agit de palier une forme d'inadaptation de ce cadre ? S'agit-il
au contraire d'un glissement insidieux, et dans ce cas n'est-il pas
préjudiciable à la participation, ne lui fait-il pas perdre du
sens et une forme de « garantie démocratique »?
1/ Croiser connaissance formelle et
opinions a/ Étudier l'organisation des instances
Nous avons vu que les textes qui régissent la
participation des jeunes au sein des FJT offrent une certaine souplesse, aussi
paraissait-il important d'étudier et comparer ces instances au sein de
différentes structures.
Un double objectif est visé par l'enquête. D'une
part analyser globalement l'organisation pratique de la participation des
jeunes qui résident en FJT (forme, rythme, désignation des
délégués, manière de rendre compte...), et la place
de cette instance par rapport aux autres instances de l'institution, ceci bien
sûr en relation avec les obligations légales des FJT. D'autre part
évaluer quel est le niveau de connaissance des différentes
catégories d'acteurs, voir si cette connaissance est homogène que
ce soit au sein de chaque catégorie ou au sein de chaque foyer. Le
niveau d'information et de compréhension quant au fonctionnement est un
élément essentiel car il témoigne de la connaissance et du
partage de « la règle du jeu » démocratique.
b/ Interroger l'avis subjectif des acteurs
Les enjeux ne sont pas les mêmes pour les
différentes catégories d'acteur, aussi est-il intéressant
d'étudier leurs opinions tant sur la nécessité de cette
participation que sur son efficacité ou encore sur son objet. Là
encore l'objectif est de voir si les opinions sont homogènes ou
hétérogènes, que ce soit en terme de catégorie
d'acteurs ou au sein de chaque structure.
Nous avons vu dans les définitions données
à la participation que ce terme en fonction
de la pratique pouvait en fait relever plutôt de la
consultation, de la concertation, de la co-gestion ou de la co-décision.
Interroger l'avis subjectif vise également à situer dans quel
mode se situe la participation au sein des FJT.
2/ Méthodologie et protocole a/ Le choix
du questionnaire
L'objectif étant d'interroger les trois
catégories d'acteurs des FJT, il paraissait plus aisé et plus
adapté de réaliser une enquête par questionnaires. En
effet, si les professionnels semblaient aisément mobilisables, il n'en
est pas de même ni pour les administrateurs ni pour les résidents,
qui ne sont pas joignables directement et qui de ce fait sont plus
difficilement mobilisables. De plus l'enquête par questionnaires
présente l'avantage de pouvoir étendre assez aisément le
nombre de structures interrogées et l'espace géographique de
l'enquête. Enfin, une partie des informations recherchées portant
sur un aspect très formel de l'organisation, les questionnaires
semblaient parfaitement adaptés.
Le choix méthodologique retenu a donc été
d'adresser des questionnaires à un panel de FJT, en mobilisant pour leur
diffusion et leur retour les professionnels socio-éducatifs. Pour cela
un questionnaire unique à destination des trois catégories
d'acteurs a été élaboré, afin de pouvoir
réaliser des comparaisons tant au sein de chaque structure que par
catégorie.
L'enquêteur n'étant pas présent, le choix
de poser majoritairement des questions fermées a été fait.
Cette méthode paraissait la mieux adaptée afin de limiter les
écarts d'interprétation de la part des enquêtés, et
donc d'éviter de trop grandes divergences dans les réponses. Le
questionnaire fermé permet également d'opérer
aisément à un classement comparatif. Le choix de la logique dans
l'ordre des questions et les items de réponse proposés a
été fait préalablement - et arbitrairement - par
l'enquêteur, c'est la limite de cette méthode qui n'offre pas la
même liberté au répondant qu'un entretien. Toutefois
certaines possibilités de choix multiples mais aussi des espaces de
commentaires ont été aménagés afin de permettre une
expression plus fine et plus ouverte des enquêtés.
b/ Protocole suivi
Le protocole défini a été
d'enquêter auprès de quinze FJT, à raison de six
questionnaires par FJT soit deux destinés aux résidents, deux
pour les professionnels, deux pour les administrateurs. Cela
représentait au total quatre-vingt-dix questionnaires envoyés, le
but étant d'avoir un retour en nombre suffisant pour établir des
statistiques de façon valable.
Les FJT sélectionnés sont du grand ouest (onze
en Bretagne et quatre en Pays de Loire). Ce n'est pas un tirage
aléatoire, ils ont été choisis soit parce qu'ils faisaient
partie du réseau de relations professionnelles de l'enquêteur,
soit parce qu'un travail particulier autour de la citoyenneté et de la
participation y était en cours ou avait eu lieu.
L'information concernant ces derniers provenait d'un
échange à ce sujet sollicité par l'enquêteur
auprès de l'Union Régionale des FJT de Bretagne. Afin de balayer
une palette diversifiée de FJT, la sélection a
évité les foyers dépendants du même organisme
gestionnaire, comme c'est le cas dans nombre de grandes villes où
existent plusieurs FJT gérés par une même association. En
fait, dans cette enquête une seule ville est représentée
par deux FJT, mais ceux-ci sont totalement indépendants l'un de
l'autre.
Un courrier postal préalable pour informer de la
démarche et de sa forme a été envoyé à
chaque FJT pré-sélectionné à la mi-janvier 2005,
adressé nominativement à un membre de l'équipe
éducative (animateur, adjoint ou directeur).
Les questionnaires avec le courrier d'accompagnement et
l'enveloppe-réponse ont été acheminés par voie
postale fin janvier, leur retour étant demandé pour la
mi-février. Il n'y avait dans la lettre d'accompagnement qu'une seule
consigne particulière : « ...je vous demande concernant les
résidents de remettre l'enquête à des jeunes ayant
déjà participé à une réunion de concertation
du FJT, ce qui me semble nécessaire afin qu'ils puissent répondre
» 153.
Une première relance soit par courriel soit par courrier
a été réalisée fin février.
Une seconde relance accompagnée d'un court
questionnaire afin d'éclairer les raisons de la non-participation, et
une enveloppe réponse ont été envoyées par voie
postale le 7 mars 2005.
3/ Présentation du questionnaire
Les questionnaires envoyés étaient strictement
identiques sur le fond, mais distingués par un code couleur
différent par catégorie d'acteur afin de faciliter leur
diffusion. Chaque questionnaire portait un code identifiant unique afin de
rendre aisées les opérations de traitement soit par
catégorie soit par FJT.
Une attention particulière a été
portée sur les questions et les réponses proposées afin
d'éviter un vocabulaire trop conceptuel ou trop complexe ainsi que le
jargon professionnel. Il importait de tendre vers une compréhension
homogène des trois publics visés, et par dessus tout ne pas
mettre en difficulté les jeunes résidents appelés à
répondre.
De même afin de ne pas prendre trop de temps aux
enquêtés ni risquer de perdre leur capacité d'attention, un
soin particulier sur le format, la présentation et l'architecture du
questionnaire a été apporté. L'objectif dès son
élaboration était de limiter le questionnaire à un livret
de quatre pages (A3 recto-verso), à la fois pratique à manipuler,
sans risque de perte de feuillets, et surtout dont le format ne soit pas
d'entrée rebutant. La progression thématique et l'ordonnancement
des questions/réponses tout au long du document visaient
également la facilitation, notamment en réutilisant la même
trame pour plusieurs questions et les mêmes items pour plusieurs
réponses, l'intention étant
153 Extrait de la lettre d'accompagnement jointe aux
questionnaires
d'augmenter le confort des
enquêtés154.
II/ Résultats de l'enquête
1/ Les retours
Le premier courrier de contact a entraîné le
refus d'un FJT, un courrier d'accompagnement expliquant que la vaste
restructuration en cours de leur foyer ne leur laissait pas le loisir de
participer.
Suite à l'envoi des enquêtes, un autre FJT a
pris contact pour dire son impossibilité de répondre du fait de
l'inadaptation du questionnaire à son statut. En effet, il s'agissait
d'un FJT en gestion municipale et non associative. C'est donc là une
erreur d'échantillonnage de la part de l'enquêteur, d'autres FJT
connus comme étant en gestion municipale avaient été
écartés, celui-ci avait échappé à cette
sélection.
Au final sur les quinze FJT sélectionnés deux
ce sont donc désistés. L'échantillon conservait donc
treize foyers, soit un potentiel de soixante-dix-huit questionnaires. Les
retours sont détaillés dans le tableau ci-après :
Tableau n°1: Taux de retour de
l'enquête
|
FJT ayant participé
|
Enquêtes retournées
|
Refus
|
Non réponse
|
Nombre de retours
|
9
|
43
|
3
|
1
|
Pourcentages de retours
|
69,23%
|
55,13%
|
23,08%
|
7,69%
|
|
Neuf FJT sur les treize sollicités ont
participé à l'enquête, quatre en renvoyant tous les
questionnaires, cinq en retournant de trois à cinq questionnaires. Au
final quarante-trois questionnaires remplis sont revenus à
l'enquêteur, ce qui fait un taux de retour supérieur à la
moitié.
Trois foyers ont finalement « profité » de la
seconde relance pour notifier leur refus, par manque de disponibilité
pour organiser l'enquête dans leur structure.
Il faut noter que le petit questionnaire visant à
analyser les non-réponses n'a pas été rempli à
cette occasion, les correspondants indiquant simplement leur manque de temps.
Seul un FJT n'a donné aucune réponse.
154 Questionnaire complet joint en annexe 3
2/ Les résultats
a/ Données sur les enquêtés
Il y a une différence par catégorie d'agent dans
le nombre de questionnaires renvoyés et dans leur répartition par
sexe, comme le montre le graphique ci-après.
Graphique n°9 : Répartition par
catégorie et par sexe des participants
25
nombre
22,5
17,5
12,5
7,5
2,5
20
15
10
5
0
Femmes Hommes
Résidents Professionnels Administrateurs Total
catégorie
Les professionnels ont été les plus nombreux
à répondre (39,5% du total des réponses), devant les
résidents (32,5%) et les administrateurs (28%)155. Cela n'est
pas surprenant, en effet les professionnels sont les plus aisément
disponibles, et aussi les plus réceptifs, sans doute de par le mode de
sélection opéré pour les envois.
Le contact très direct qui existe entre les
résidents et les professionnels a permis un bon retour, même si
des questionnaires ont été « perdus en route » pour
reprendre l'expression utilisée par un directeur dans un courrier
accompagnant des questionnaires.
Les administrateurs sont crédités du plus
faible retour, c'était là quelque chose d'attendu. Ils sont plus
loin des professionnels qui servaient de relais à l'enquête, dans
une relation souvent indirecte, donc plus difficiles à informer au
préalable et moins faciles à relancer par la suite.
Il y a une quasi parité homme-femme dans les retours
au niveau global, avec 53% d'hommes pour 47% de femmes. Une majorité de
résidentes et de professionnelles ont répondu, par contre il n'y
a qu'un quart d'administratrices pour trois quart d'administrateurs ; en
conséquence c'est cette catégorie à elle seule qui fait
basculer la majorité du côté des hommes. Ce résultat
particulièrement déséquilibré est conforme aux
statistiques nationales portant sur les administrateurs, comme le montre le
155 Au niveau du traitement de l'enquête, cette
disproportion a été prise en compte : les résultats
concernant les résidents et les administrateurs ont été
affectés d'un coefficient pour les ramener au niveau de
l'échantillon le plus important, celui des professionnels.
graphique156 reproduit ci-après :
Graphique n°10 : Composition des conseils
d'administration des associations adhérentes à l'UFJT selon
le sexe (en pourcentages)
Par contre, concernant les résidents et les
professionnels, les femmes sont surreprésentées. En effet pour ce
qui est des résidents, les données nationales de l'UFJT pour 2003
indiquaient 42% de résidentes pour 58% de résidents.
En ce qui concerne les professionnels, les données
manquent concernant le personnel socio-éducatif. Par contre pour le
personnel d'encadrement les données nationales sont les
suivantes157 :
Graphique n°11 : Répartition par sexe
des salariés occupant des postes d'encadrement dans le réseau
UFJT (en pourcentages)
Comment interpréter ces sur-représentations pour
les professionnelles et les résidentes ? Aucune donnée
précise ne venant éclairer ce fait, nous avancerons prudemment
deux hypothèses uniquement pour les jeunes enquêtées.
Peut-être les
156 Extrait de l'enquête comparative menée par
Noria BOUKHOBZA et Christine CATARINO pour la FUAJ et l'UFJT avec le soutien du
FNDVA, « La place des femmes et des hommes dans le secteur associatif de
l'éducation populaire » publiée en avril 2003, disponible
sur le site internet de l'UFJT.
157 Idem
résidentes sont-elles plus investies dans les
instances participatives du FJT ? Peut-être ont-elles été
davantage sollicitées par les professionnels car estimées plus
fiables quant au retour ?
L'âge moyen des enquêtés est de 21 ans pour
les résidents, 35 ans pour les professionnels, 48 ans pour les
administrateurs.
L'amplitude d'âge pour les résidents va de 16
à 29 ans, ces données sont dans la norme des FJT.
Concernant les professionnels les âges vont de 22
à 52 ans (sept répondants ont moins de 35 ans et dix ont plus) ce
qui permet de supposer une répartition assez équitable des
réponses entre le personnel éducatif, les adjoints et les
directeurs.
Pour les administrateurs le résultat diverge beaucoup
par rapport aux statistiques nationales où l'âge moyen des
administrateurs avoisine les soixante ans. Cet écart s'explique par la
participation de trois administrateurs de 25 ans et moins, qui donc
représentent le quart des réponses et font chuter l'âge
moyen. Si ces trois jeunes administrateurs sont ôtés de
l'échantillon, l'âge moyen passe à 59 ans, ce qui
correspond bien à la moyenne nationale. Bien entendu cette
présence de très jeunes administrateurs a surpris
l'enquêteur à la réception des questionnaires, et fait
craindre une erreur dans leur distribution. Vérification faite
auprès des FJT il n'y a pas d'erreur, ce sont bien des administrateurs
qui ont répondu. Il s'agit de résidents ou d'anciens
résidents qui interviennent au conseil d'administration, et qui ont
répondu en tant qu'administrateurs.
b/Données sur les FJT
Graphique n°12 : Taille des FJT
enquêtés
0-39 lits 15,91%
40-79 lits 11,36%
+120 lits 47,73%
80-119 lits 25,00%
Les FJT enquêtés sont en majorité de grandes
structures, près de la moitié ont plus de
120 lits, ou moyennes, un quart ont entre 80 et 119 lits. En
fait, l'étude de détail des enquêtes montre qu'il existe un
biais dans les réponses, certaines réponses étant faites
par rapport à la capacité globale de l'association, c'est le cas
de plusieurs administrateurs, tandis que d'autres étaient données
par rapport à la seule résidence d'hébergement, c'est le
cas des résidents. Il n'en demeure pas moins que la tendance est bien
à des structures d'hébergement moyennes à grandes.
Graphique n°13 : Taille des FJT au niveau
national
Les données recueillies au niveau de l'enquête sont
assez conformes aux statistiques nationales, comme en témoigne le
graphique ci-dessus.
c/ Données sur les instances
Les instances recensées préalablement à
l'enquête sont au nombre de trois. Deux d'entre elles concernent la vie
de la résidence, il s'agit tout d'abord de l'assemblée
générale annuelle des résidents, et ensuite de la
réunion régulière des résidents. La dernière
instance concerne l'association gestionnaire, il s'agit de son conseil
d'administration. L'objectif des questions concernant ces trois instances
était d'une part de vérifier si ce schéma d'organisation
se retrouvait d'un foyer à l'autre, d'autre part de mettre en
évidence le niveau de connaissance qu'en avait chaque groupe d'acteur
à l'intérieur des foyers.
L'assemblée générale des
résidents du FJT
A la question « Y-a-t-il une assemblée
générale annuelle des résidents ? », le
résultat cumulé global avoisine les 54% de réponses
positives, 41% négatives et 5 % « je ne sais pas ». Dans le
détail il faut noter que le groupe des professionnels répond
majoritairement (62,5 %) qu'il n'y a pas d'assemblée
générale annuelle des résidents, ce qui constitue un
véritable paradoxe. Les résidents et les administrateurs
comprennent-ils la notion d'assemblée générale
différemment des professionnels ? Dans ce cas peutêtre
considèrent-ils comme une assemblée générale un
type de réunion qui pour les professionnels n'en est pas une
formellement ?
Les questions suivantes portaient sur les aspects pratiques et
très formels de cette assemblée générale.
A la question « Y-a-t-il un ordre du jour
préparé et diffusé avant cette assemblée
générale ? » 64 % des réponses globales ont
été positives, 18 % négatives et 18 % « je ne sais
pas » , et ceci sans écart significatif en fonction du groupe de
répondants. Nous pouvons donc considérer qu'une majorité
significative des FJT organisant une assemblée générale
des résidents prépare et diffuse au préalable un ordre du
jour. L'interrogation suivante était « Par qui est
préparé et diffusé cet ordre du jour ? ». Les
enquêtés répondent à 59 % que ce sont les
professionnels, à 33 % les administrateurs et à 15 % les
résidents. Les professionnels sont donc prépondérants dans
l'élaboration et la diffusion de l'ordre du jour.
Concernant le compte rendu de l'assemblée
générale , il y a eu 52 % de réponses globales positives,
18 % négatives et 15 % « je ne sais pas ». Il y a des
écarts entre les groupes puisque les 15 % de « je ne sais pas
» ne sont constitués que par des résidents et des
administrateurs, tandis que le groupe des professionnels à
répondu à 83 % positivement. Cela est à mettre en
parallèle avec la question complémentaire concernant la
préparation de ce compte rendu, qui d'après les
enquêtés est à 94 % réalisé par les
professionnels. Si ce sont les professionnels qui quasi-exclusivement
rédigent le compte-rendu d'assemblée générale, ils
sont forcément les mieux renseignés quant à son
existence... Une nouvelle fois cette question met en avant le rôle
prépondérant des professionnels.
Les deux dernières questions à propos de
l'assemblée générale concernaient la représentation
des résidents. A l'interrogation « Y-a-t-il une élection des
représentants des résidents pour l'année ? » les
réponses sont partagées : 50 % de oui, 41 % de non, et 9 % de
« je ne sais pas », et ceci sans divergences d'une catégorie
à l'autre. De même à la question suivante portant sur la
manière dont sont remplacés les délégués
élus, les réponses sont réparties entre les trois choix
proposés sans écart de catégories158. Les
réponses sont ici variées car liées au fonctionnement
différent en la matière d'un foyer à l'autre, et non
à un appréhension liée à la catégorie
d'acteur.
La réunion régulière des
résidents
La question portant sur le nom de cette réunion a
recueilli des réponses convergentes de la part de l'ensemble des
enquêtés puisque deux items sur les sept proposés
retiennent à eux seuls 72 % des citations. Il s'agit dans l'ordre de
« conseil des résidents » (37 %) et de « comité de
résidents » (35 %). Une seule autre proposition recueille un nombre
significatif de suffrages, il s'agit de « autre » (14 %). Cela
correspond à des appellations liées à une organisation
spécifique dans le FJT comme par exemple des « conseils
d'étage » ou des « comités d'animation », ou alors
à des variations légères dans le nom comme « conseil
d'établissement ».
Nous retiendrons de cette question sur le nom que
l'appellation utilisée correspond à l'instance qui est
préconisée dans le code de la construction ; par contre aucun FJT
n'utilise le terme « conseil de la vie sociale » lié à
l'application de la loi de rénovation sociale.
La question portant sur la fréquence de la
réunion a donné lieu à des réponses
très hétérogènes de la part de toutes les
catégories de répondant. Pour 27 % elle est mensuelle, pour 29
% trimestrielle, pour 43 % à autre rythme (bimensuelle souvent).
158 36 % répondent « par l'organisation de nouvelles
élections », 36 % « sur la base du volontariat », 28 %
« autre »
Cela témoigne de la souplesse et de l'adaptation de cette
instance au sein de chaque foyer.
La réunion régulière des
résidents réunit un nombre variable de 12 à 25
résidents, accompagnés par 2 à 3 professionnels. Ces
chiffres correspondent à une moyenne faite à partir des
réponses, mais il faut souligner qu'elles sont à la base
très homogènes : d'une part la proportion variable de
résidents et de professionnels est vraiment la règle ; d'autre
part le nombre de participants d'un FJT à l'autre est sensiblement
identique.
Fort logiquement, à la question « Quels
résidents peuvent participer ? » la réponse est à 86
% « tous les résidents » contre 12 % qui répondent
« seulement les résidents élus ». Là encore nous
constatons que le cadre est souple afin de favoriser la participation
Graphique n°14 : Quels professionnels
participent à la réunion des résidents ?
1,87%
13,59%
74,01%
10,53%
Personnel éducatif
Directeur adjoint Directeur
Autre
Le personnel socio-éducatif est l'interlocuteur
privilégié des résidents au sein de cette instance. En
fait cette catégorie est citée dans tous les questionnaires
recueillis, et parfois s'y ajoute un adjoint de direction ou un directeur.
L'encadrement de la réunion des résidents est donc clairement une
tâche dévolue au personnel éducatif.
Deux questions étaient posées concernant la
participation des administrateurs à la réunion des
résidents : peuvent-ils y participer, et si oui le font-ils ? La
réponse a la première question a été positive pour
77 % des sondés, sans écart d'une catégorie à
l'autre. Par contre pour la seconde question il y a des divergences importantes
comme le montre le tableau suivant :
Tableau n°2: Fréquence de la
participation des administrateurs à la réunion des
résidents
|
« Régulièrement
»
|
« Exceptionnellement »
|
« Jamais »
|
Résidents
|
8%
|
33%
|
59%
|
Professionnels
|
9%
|
27%
|
64%
|
Administrateurs
|
56%
|
44%
|
0%
|
|
Les administrateurs indiquent participer à la
réunion des résidents soit régulièrement soit
exceptionnellement. Aucun n'indique ne jamais participer. Au contraire, les
résidents comme les professionnels répondent très
majoritairement que les administrateurs ne participent jamais ou
exceptionnellement.
Le conseil
d'administration
La première question était « Les
résidents ont-ils des représentants au conseil d'administration
du FJT ? ». Les résultats sont particulièrement
contrastés en fonction des catégories comme en témoigne le
tableau suivant :
Tableau n°3: Connaissance de la participation
des résidents au conseil d'administration
|
« Je ne sais pas »
|
« Non »
|
« Oui »
|
Résidents
|
28,00%
|
36,00%
|
36,00%
|
Professionnels
|
|
53,00%
|
47,00%
|
Administrateurs
|
|
33,00%
|
67,00%
|
|
Pour les deux tiers des administrateurs interrogés les
résidents sont présents au CA. Moins de la moitié des
professionnels et un peu plus d'un tiers des résidents répondent
la même chose. Une proportion importante des résidents ne sais
pas.
Une hypothèse peut être avancée sur ces
divergences de réponses. La question portait sur la
représentation et non sur la participation effective. Peut-être
les administrateurs ont-ils plus répondu sur une représentation
statutairement prévue, tandis que professionnels et surtout
résidents se sont attachés davantage à la participation
réelle ?
A posteriori, il est dommage de n'avoir pas reproduit pour
cette question le même schéma que celui utilisé pour celle
concernant les administrateurs et la réunion régulière des
résidents, où il était demandé d'abord «
Peuvent-il participer ...» puis « Participentils... ». En tout
cas il y une divergence importante d'interprétation qui tend à
montrer une mauvaise connaissance de la participation des jeunes
résidents à cette instance.
Document n°13 : témoignages
de résidents
Quand et comment êtes-vous entré au
conseil d'administration de l'UFJT ?
Vincent : Vu notre participation
très active dans la vie de notre foyer, notre animateur nous a
proposé à Bertrand et moi (NDLR : Vincent et Bertrand sont tous
deux résidents du même foyer) de participer à l'AG de
l'UFJT. C'est lors de cette réunion que l'on nous a proposé de
faire partie du CA.
Laurent : Nous sommes tous membres
du conseil de vie sociale de nos foyers et en tant que tels nous devions
participer à l'AG. Jusqu'au jour même on ne savait pas qu'il y
aurait une élection pour nous.
Omar : Lorsqu'on m'en a parlé,
ça m'a donné envie de faire partie de cette expérience.
Bertrand : Un membre de
l'équipe est venu nous voir car il souhaitait trouver des personnes
concernées par les questions liées à la jeunesse pour
compléter ce collège jeune. C'était une décision du
hasard. On a été enthousiaste dès le départ car
ça peut enrichir notre façon de voir les choses.
Source : Brèves n°79
Au final nous pouvons constater une connaissance peu
homogène des différentes instances, et des divergences dans les
réponses en fonction de la catégorie d'acteur. Sans doute faut-il
voir un défaut d'information, un manque d'échange qui nuit
à la connaissance mutuelle.
Le document159 dans le cadre ci-contre croise
assez bien ces constats de l'enquête, et est assez symptomatique puisque
l'un des jeunes dit bien qu'il ne savait pas qu'il y aurait une
élection, tandis qu'un autre évoque au sujet de sa
délégation une décision du hasard.
L'organisation pratique des
instances
Des questions étaient posées à propos de
l'assemblée générale et de la réunion des
résidents sur des aspects très formels. Il s'agissait ainsi de
savoir d'une part si un ordre du jour puis un compte-rendu étaient
diffusés ; d'autre part d'identifier qui les réalisait.
Tableau n°4: Connaissance de l'ordre du jour
et du compte-rendu des instances
|
Y-a-t-il un ordre du jour ?
|
Y-a-t-il un compte-rendu ?
|
|
Conseil de résidents
|
Assemblée générale
|
Conseil de résidents
|
Conseil d'admi- nistration
|
|
Non
|
Oui
|
|
N SP*Non
|
Oui
|
NSP
|
Non
|
Oui
|
|
N SP*Non
|
Oui
|
Non
|
Oui
|
Résidents
|
29%
|
14%
|
57%
|
29%
|
21%
|
50%
|
14%
|
29%
|
57%
|
17%
|
33%
|
50%
|
60%
|
40%
|
Profes- sionnels
|
0%
|
50%
|
50%
|
6%
|
29%
|
65%
|
0%
|
17%
|
83%
|
0%
|
19%
|
81%
|
50%
|
50%
|
Administrateurs
|
22%
|
0%
|
78%
|
0%
|
33%
|
67%
|
33%
|
11%
|
56%
|
25%
|
33%
|
42%
|
57%
|
43%
|
Total
|
18%
|
18%
|
64%
|
12%
|
28%
|
60%
|
18%
|
18%
|
64%
|
13%
|
28%
|
60%
|
56%
|
44%
|
|
*Note : NSP signifie ne sais pas
En ce qui concerne l'assemblée générale
et le conseil des résidents, les réponses sont majoritairement
affirmatives toutes catégories confondues. Il y a bien pour 60 à
64 % des enquêtés diffusion d'un ordre du jour et d'un
compte-rendu. Ce n'est pas une majorité « écrasante »,
et 30 à 36 % répondent négativement ou ne savent pas.
159 Extrait du journal interne de l'UFJT Brèves
n°79, en avril 2005, interview complète jointe en annexe 4
La seule instance pour laquelle une majorité de non a
été exprimée est le conseil d'administration. Il n'y
aurait donc pas de compte rendu de cette réunion. Il faut prendre cela
avec réserve, dans la mesure ou peu de réponses ont
été exprimées puisqu'une majorité
d'enquêtés n'y a pas répondu160.
Il y des écarts dans les réponses entre les
catégories. Concernant l'ordre du jour les résidents sont ceux
qui répondent le plus « ne sais pas » (29 %). Concernant les
comptes-rendus, les professionnels sont de loin les plus affirmatifs (83 % et
81 %).
Tableau n°5 : Rédacteurs de l'ordre du
jour et du compte-rendu des instances
|
Qui rédige l'ordre du jour
?
|
Qui rédige le compte rendu
?
|
|
Conseil de résidents
|
Assemblée générale
|
Conseil de résidents
|
|
Pro.
|
Adm.
|
Rés.
|
Pro.
|
Adm.
|
Rés.
|
Pro.
|
Adm.
|
Rés.
|
Pro.
|
Adm.
|
Total
|
15%
|
59%
|
26%
|
0%
|
94%
|
6%
|
32%
|
68%
|
0%
|
4%
|
91%
|
4%
|
|
Légende : Rés. = résidents ; Pro. =
professionnels ; Adm.= administrateurs
Ce tableau ne présente que les résultats
globaux car les écarts entre catégories étaient
insignifiants. Quel que soit le document et l'instance, il y a une
prépondérance des professionnels dans la rédaction des
documents. Nous rapprocherons cela bien entendu du fait qu'ils sont les plus
affirmatifs concernant l'existence de comptes-rendus ; s'ils les rédige,
il est normal que les professionnels soient le plus au courant de leur
existence.
En croisant les résultats des tableaux 4 et 5, nous
constatons que cette connaissance est inégalement partagé. Nous
pouvons supposer qu'il y a déficit dans la communication. A ce sujet, il
était demandé aux enquêtés de préciser les
modes de diffusion des différents documents. L'affichage est le plus
souvent cité, c'est le moyen le plus utilisé. Les convocations
distribuées ou les documents individuels en libre accès sont
souvent cités, mais plus particulièrement pour la diffusion
d'ordre du jour. Une minorité citent l'utilisation d'un journal interne
au foyer pour relayer toutes ces informations.
d/ Données sur les opinions
Dans ce chapitre sont regroupées à la fois ce
qui constituait la quatrième et dernière partie du questionnaire
intitulé « Votre opinion sur la participation des résidents
», et les deux dernières questions de la deuxième partie.
Ces deux questions en effet sont relatives d'une part aux thèmes
abordés lors de la réunion des résidents et d'autre part
aux raisons de la participation. Elles dépendent moins d'une
connaissance formelle que d'un ressenti, il paraissait logique de les classer
ici.
160 Nous avons vu dans le tableau n°3 qu'une
minorité des enquêtés à répondu positivement
à propos de la participation des jeunes au conseil d'administration, et
par conséquent il y a eu peu de réponses sur l'ensemble de ce
chapitre.
Extrait du questionnaire n°1 : Sujets
abordés lors de la réunion des résidents
Parmi les thèmes suivants cochez ceux qui font
régulièrement partie de la réunion des résidents et
barrez ceux qui n'en font jamais partie :
l'animation/les loisirs la vie quotidienne
les travaux dans le FJT
les tarifs du FJT
le règlement intérieur
le restaurant du FJT
|
la situation individuelle de certains
résidents
la prévention (santé,
sécurité routière)
comment gérer son budget
autre(s) (veuillez préciser) :
|
|
L'ambition de la double consigne était d'obtenir un
contraste dans les réponses. Les résultats ont été
saisis en accordant un point positif chaque fois qu'un item a été
coché ou un point négatif chaque fois qu'il était
barré. Voici les résultats par catégorie concernant cette
question.
Graphique n°15/16/17 : Thèmes
abordés lors de la réunion des résidents selon chaque
catégorie d'acteur
Résidents
L'animation/les loisirs La vie quotidienne Les
travaux Les tarifs Le règlement intérieur Le
restaurant
La situation individuelle de certains résidents
La prévention (santé, sécurité
routière)
Comment gérer son budget
Autre(s)
|
|
|
-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10111213
141516
Professionnels
L'animation/les loisirs La vie quotidienne Les
travaux Les tarifs Le règlement intérieur Le
restaurant
La situation individuelle de certains résidents
La prévention (santé, sécurité
routière)
Comment gérer son budget
Autre(s)
|
|
|
-8 -6 -4 -2 0 2 4 6 8 10 12 14 16
Administrateurs
L'animation/les loisirs La vie quotidienne Les
travaux Les tarifs Le règlement intérieur Le restaurant
du FJT
La situation individuelle de certains résidents
La prévention (santé, sécurité
routière)
Comment gérer son budget
Autre(s)
|
|
|
-4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Avant de commenter les détails des résultats, il
faut noter qu'il y a un déséquilibre entre les citations
positives qui montent à un maximum cumulé de 42 citations, et
les
négatives dont le plus haut cumulé est de 15
citations. La comparaison est donc significative non pas en opposant item par
item le nombre de citations, mais en opérant à un classement de
chaque thème d'un côté dans le positif et de l'autre dans
le négatif.
Les trois thèmes les plus cités comme faisant
partie de la réunion des résidents toutes catégories
confondues sont en premier l'animation, en second la vie quotidienne, en
troisième la prévention. L'animation n'a par ailleurs
été citée par personne dans les thèmes jamais
abordés. C'est donc clairement le thème principal, le coeur de la
réunion des résidents. La vie quotidienne comme la
prévention sont citées à quelques reprises dans les
thèmes jamais abordés, mais avec un faible taux de citation
négative, cela ne constitue donc pas un paradoxe réel. La vie
quotidienne reste donc d'évidence le second thème majeur, et la
prévention le troisième.
Le thème qui vient en quatrième en cumulant les
catégories est le règlement intérieur, mais avec un
paradoxe évident. Ce thème vient en troisième position des
thèmes les plus cités par les professionnels et en
quatrième pour les administrateurs, et il n'est aucune fois cité
négativement par ces catégories. Par contre en ce qui concerne
les résidents c'est le second thème cité comme ne faisant
jamais partie de la réunion, et il reçoit deux fois plus de
citations négatives (6) que de citations positives (3). Il n'y a donc
pas à l'évidence la même appréhension de cette
thématique entre les résidents d'un côté, les
professionnels et les administrateurs de l'autre. Le règlement
intérieur est pourtant l'un des thèmes majeur devant faire
l'objet de débat dans les instances participatives, que ce soit lorsque
l'on se réfère au code de la construction ou à la loi de
rénovation sociale.
Les travaux dans le FJT viennent en cinquième position
dans les thèmes les plus souvent cités, avec là aussi une
appréhension différentes en fonction des catégories. Pour
les résidents c'est le troisième thème le plus
cité, pour les professionnels le cinquième et pour les
administrateurs le sixième. L'expérience personnelle de
l'enquêteur permet d'avancer que les conditions matérielles
d'hébergement occupent toujours une place importante lors des
réunions avec les résidents. Cette préoccupation est
confirmée ici lorsque les jeunes enquêtés placent en
troisième position les travaux dans le FJT. Nous rappellerons ici le
constat fait au chapitre consacré à la participation : ce sont
les sujets proches des préoccupations immédiates qui favorisent
l'investissement. Les réponses apportées au public sur de tels
sujets sont un préalable pour obtenir leur engagement ultérieur
sur d'autres thèmes.
La restauration recueille autant de citations
négatives que positives, mais cela est lié à un biais
déjà signalé. En effet certains FJT n'ont pas de
restaurant, par conséquent cet item ne peut être valablement
analysé.
Le thème des tarifs recueille plus de citations
négatives que positives. C'est le thème qui arrive en tête
des citations négatives chez les résidents, en second chez les
administrateurs, en quatrième chez les professionnels, alors que dans le
même temps il n'est que le huitième thème dans les
citations positives. Les tarifs semblent donc un thème
n'intéressant pas, ou très marginalement, la réunion des
résidents.
Extrait du questionnaire n°2 : Objet de la
participation des résidents
Pour vous, les résidents participent à la
réunion pour : (classez de 1 à 6 les propositions, 1 étant
le plus important et 6 le moins important)
faire des propositions rencontrer d'autres
résidents
prendre des décisions présenter des
revendications
recevoir des informations débattre avec les
responsables du FJT
|
|
Pour le traitement les items ont été
rentrés dans un tableau avec une note inversement proportionnelle au
classement : l'item ayant été classé premier a reçu
6 points contre 1 points pour celui classé sixième. Ainsi une
faible note correspond à un « mauvais » classement et une
forte note à un classement élevé.
Graphique n°18 : Raisons de la participation
des résidents :
Rencontrer d'autres résidents
Faire des propositions
Recevoir des informations
40
80
60
20
0
100
Prendre des décisions
Débattre avec les responsables du FJT
Présenter des revendications
Résidents Professionnels
Administrateurs
Ces trois courbes sont intéressantes car elles
présentent globalement la même forme quelle que soit la
catégorie d'acteur, les avis sont donc assez bien partagés.
« Recevoir des informations » et « Faire des propositions »
arrivent en tête. « Rencontrer d'autres résidents » et
« Présenter des revendications » viennent ensuite. Par contre
, « Débattre avec les responsables » et surtout « Prendre
des décisions » sont des propositions nettement mises en
retrait.
Nous pouvons replacer ces réponses sur l'échelle
de la participation décrite dans la première partie de ce
mémoire. Rappelons que le premier degré est l'information
« Il s'agit d'évaluer des attentes dans un mouvement
ascendant, et de faire connaître les
décisions prises dans un mouvement descendant
». Toutes catégories confondues, les deux items qui
recueillent les plus fortes notes sont « Recevoir des informations »
et « Faire des propositions », tandis que dans le même temps la
note la plus faible est attribuée à « Prendre des
décisions ». Cela correspond bien à la définition du
premier degré, l'information. La consultation, qui est le second
degré, n'est peut-être pas très éloignée. Par
contre nous sommes loin de la concertation ou de la participation qui sont les
deux derniers degrés.
La participation des résidents dans les FJT ne s'inscrit
pas dans un processus de codécision ou de co-gestion.
Extrait du questionnaire n°3 :
Intérêt de faire participer des résidents
Pour vous, quel est l'intérêt pour le FJT
de faire participer les résidents : (trois choix possibles
maximum)
utiliser les idées des résidents
répondre à une obligation légale
mieux connaître les résidents
responsabiliser les résidents
favoriser la citoyenneté des
résidents
échanger des informations permettre l'expression
des résidents ressentir l'ambiance et prévenir les
tensions dans le FJT
autre :
Pour le traitement, chaque fois qu'un item a été
coché, un point lui a été donné, le diagramme
suivant illustre les résultats161 :
Graphique n°19 : Intérêt de la
participation des résidents :
Utiliser les idées des
résidents
Répondre à une obligation
légale
Mieux connaître les résidents
Responsabiliser les résidents
Favoriser la citoyenneté
Echanger des informations
Permettre l'expression des résidents
Ressentir l'ambiance/prévenir les
tensions
Autre
Résidents Professionnels Administrateurs
0 2,5 5 7,5 10 12,5 15 17,5 20 22,5 25 27,5
Taux de réponse (en pourcentage)
161 Les résultats ont été ramenés en
pourcentage des réponses par catégories, ce qui offre une lecture
plus contrastée.
Il y a de fortes divergences puisque l'ordre d'importance est
différent pour chaque catégorie.
Pour les professionnels deux thèmes arrivent largement
en tête « favoriser la citoyenneté » et « permettre
l'expression des résidents » (26 % chacun), puis vient en
troisième « responsabiliser les résidents » (18 %). A
elles seules ces trois réponses emportent 70 % des citations des
professionnels, c'est donc un avis tranché. Il faut relever qu'assez
paradoxalement, « échanger des informations » est un des
thèmes les moins cités (2 %), alors qu'il parait compléter
celui de l'expression des résidents.
Pour les administrateurs, les thèmes les plus
cités sont les mêmes que pour les professionnels, mais pas dans le
même ordre et pas avec la même force. En effet, «
responsabiliser les résidents » et « favoriser la
citoyenneté » recueillent le plus de citations (19 % chacun), puis
vient « permettre l'expression des résidents » (16,5 %). Les
trois thèmes totalisent donc 54,5 % des réponses, cet avis n'est
donc pas aussi tranché que celui des professionnels.
Tant pour les professionnels que pour les administrateurs ce
sont les propositions les plus volontaires qui ont choisies, celles qui
s'orientent vers une participation active des résidents.
Les jeunes mettent en avant « utiliser les idées
des résidents » (20,5 %), puis « permettre l'expression des
résidents » et « échanger des informations » (15,5
% chacun). Cela fait plus de la moitié des citations consacrées
à des thèmes qui sont de l'ordre de la communication. Il s'agit
pour eux de s'exprimer, d'échanger puis de voir valoriser le
résultat de cette expression. Ce qu'ils recherchent c'est un mouvement
ascendant qui fonctionne entre eux et le Foyer de Jeunes Travailleurs.
Les deux dernières questions de l'enquête
était très directes, en forme d'évaluation de la
participation d'abord au point du vue de la qualité de son
fonctionnement, ensuite sur sa nécessité.
Extrait du questionnaire n°4 : Questions directes
sur la qualité et la nécessité de la participation des
résidents
Pour vous, la participation des résidents est
quelque chose qui fonctionne : (un seul choix possible)
parfaitement plutôt bien très
mal
très bien plutôt mal pas du
tout
Pour vous, proposer aux résidents de participer
aux différentes instances du FJT c'est : (deux choix possibles maximum)
:
indispensable souhaitable inutile
nécessaire illusoire impossible
Pour la deuxième question, un double choix
était possible, l'idée étant que cela pouvait permettre de
nuancer en cumulant un item positif et un item négatif (indispensable
mais illusoire, souhaitable mais impossible...), mettant
ainsi en avant les écarts entre le voulu et le réalisé.
Les résultats à ces questions sont
extrêmement positifs, et ceci quelle que soit la catégorie
d'acteur interrogée , aussi les traitements ci-après sont globaux
:
Graphique n°20: Comment fonctionne la
participation des résidents ? 162:
60 55 50 45 40 35 30 25 20 15 10 5 0 -5 -10 -15
Parfaitement Très bien Plutôt bien Plutôt mal
Très mal Pas du tout
Les réponses positives sont très largement
majoritaires, puisque 82 % des choix ce sont portés sur des items
positifs, contre 18 % à des propositions négatives. Toutefois, il
n'y a pas « excès d'enthousiasme », puisque les deux items
médians « plutôt bien » et « plutôt mal
» recueillent à eux seul 70 % des réponses. Dans le
même temps il faut noter que les extrêmes positifs sont presque six
fois plus nombreux que les extrêmes négatifs (29 % contre 5 %).
Les différences de réponses entre
catégories d'agents ne méritaient pas un traitement
spécifique, toutefois trois points remarquables peuvent être
relevés. La réponse « parfaitement » est l'apanage
exclusif des résidents, l'item « plutôt mal » est
composé aux trois-quart de réponses de professionnels, le «
pas du tout » est composé au deuxtiers d'administrateurs.
162 La représentation graphique indique en
négatif les résultats portant sur des items négatifs, ceci
afin de faciliter la compréhension. Toutefois les réponses
représentées ici ont été ramenées en
pourcentage, leur total en valeur absolue est donc de 100 %.
Graphique n°21 : Intérêt de la
participation des résidents :
40 38 35 33 30 28 25 23 20 18 15 13 10 8 5 3 0
|
|
|
Indispensable Nécessaire Souhaitable Illusoire Inutile
Impossible
|
|
Les opinions positives sont exprimées encore plus
massivement ici toutes catégories confondues, avec 95 % d'items positifs
utilisés, et aucune utilisation des deux propositions les plus
négatives.
Il y a peu de différences dans les réponses des
différentes catégories, nous noterons simplement que ce sont les
professionnels qui utilisent le plus l'item « indispensable ».
La possibilité de cocher deux réponses a
été utilisée à dix-sept reprises par les
enquêtés. Toutefois, cette possibilité n'a pas
été utilisée pour nuancer les réponses mais pour
les appuyer. C'est ainsi que « indispensable et nécessaire »
ont été associés sept fois, « nécessaire et
souhaitable » six fois, « indispensable et souhaitable » une
fois. A trois reprises seulement « illusoire » a été
associé a un autre mot, deux fois à « nécessaire
», une fois à « indispensable ».
Les associations de couple ne sont donc pas celles
imaginées par l'enquêteur lors de l'élaboration du
questionnaire, mais n'en sont que plus intéressantes. Elles contribuent
bien sûr à massifier les réponses positives, mais c'est
l'orientation qu'ont voulu donner les enquêtés et cela
reflète leur opinion.
III/ Enseignements retirés
1/ Interprétations des
résultats
a/ Des constantes dans l'organisation
Les professionnels ont une intervention importante au niveau
formel. Ce sont eux d'après ce qui ressort de l'enquête qui
majoritairement s'occupent de préparer les ordres du jour, de faire la
publicité, de rédiger et diffuser les compte-rendu en ce qui
concerne tant l'assemblée générale que la réunion
régulière des résidents. Par ailleurs ils
représentent une permanence, à l'opposé des
résidents qui effectuent des séjours courts ou des aller-retours
peu propices non seulement à un engagement sur la durée mais
aussi à une transmission à d'autres.
b/ Des écarts à l'intérieur même des
FJT
Au niveau méthodologique, ces écarts ont
été mesurés en comparant les réponses des
différents acteurs au sein du même FJT sur des points de
connaissance formelle des instances. Toutefois, les foyers n'ayant
renvoyé que trois ou quatre questionnaires ont été
écartés, afin d'éviter de faire des comparaisons alors
qu'une catégorie d'acteur n'est pas représentée du tout.
Seules les structures ayant fait parvenir cinq ou six questionnaires ont donc
été retenues pour cette partie de l'étude, soit cinq
structures sur les neuf ayant participé.
Quatre questions ont été utilisées pour
illustrer ces écarts, une concernant l'assemblée
générale des résidents, deux sur la réunion
régulière des résidents, une sur le conseil
d'administration de l'organisme gestionnaire.
Les réponses sont synthétisées dans le
tableau suivant :
Tableau n°4: comparaison des réponses au
sein cinq FJT
|
Y-a-t-il une A.G. des résidents
?
|
Quelle est la fréquence de
la réunion des résidents ?
|
Les administrateurs peuvent-ils
participer à la réunion des résidents ?
|
Les résidents ont-ils des
représentants au C.A. ?
|
|
Non
|
Oui
|
Trimes- trielle
|
Men- suelle
|
Autre
|
Non
|
Oui
|
Ne sais pas
|
Non
|
Oui
|
FJT 1
|
1
|
3
|
1
|
1
|
3
|
2
|
1
|
5
|
1
|
3
|
2
|
FJT 2
|
0
|
5
|
1
|
0
|
6
|
0
|
0
|
6
|
0
|
6
|
0
|
FJT 3
|
0
|
1
|
5
|
0
|
0
|
6
|
0
|
6
|
0
|
0
|
6
|
FJT 4
|
0
|
3
|
3
|
4
|
1
|
2
|
2
|
4
|
0
|
5
|
1
|
FJT 5
|
0
|
2
|
3
|
2
|
0
|
3
|
1
|
4
|
0
|
0
|
5
|
|
Sur les cinq structures retenues, il apparaît clairement
que les informations et la connaissance des instances ne sont pas
identiques.
Dans les deux FJT figurant en bleu les différents
acteurs ont une connaissance homogène du fonctionnement global des
différentes instances, ce qui témoigne d'une appropriation du
système en place que l'on soit résident, professionnel ou
administrateur.
Par contre, dans trois FJT figurant en rouge c'est l'inverse,
ce dont témoigne l'éparpillement des réponses. Cet
éparpillement est plus important sur les deux premières questions
que sur les deux dernières. Nous pouvons donc avancer que
l'assemblée générale des résidents et la
réunion des résidents163 sont les instances dont la
connaissance est la moins bien partagée entre les différentes
catégories d'acteur.
c/ Des écarts entre les catégories
interrogées
Les trois catégories d'acteurs qui existent au sein
des FJT (les jeunes résidents, les professionnels et les
administrateurs), n'ont pas la même compréhension ou pas la
même connaissance du fonctionnement et des attributions des
différentes instances. En fait chaque catégorie connaît
l'instance qui lui est proche. Les résidents décrivent de
façon assez homogène le conseil des résidents, de
même que les administrateurs le font concernant le conseil
d'administration ; par contre la connaissance « croisée » des
instances apparaît plutôt mauvaise.
Il y a bien sûr une logique à cela, car ces
instances sont spécialisées, les sujets abordés au conseil
des résidents sont différents de ceux abordés en CA.
Toutefois, il devrait exister une convergence sur un certain nombre de
thèmes, et sans doute cela n'est pas valorisé, ce qui est
dommageable sur le plan de l'éducation à la
citoyenneté.
Il convient de noter ici un regret a posteriori concernant
l'enquête. Il eut été intéressant de réaliser
une analyse plus fine concernant les professionnels, simplement en demandant la
fonction occupée, afin d'étudier si des différences
apparaissaient entre le personnel éducatif et le personnel
d'encadrement. En effet il ressort de l'enquête que c'est le personnel
éducatif qui encadre le conseil des résidents. Peut-être de
son côté le personnel d'encadrement est plus proche des
administrateurs ?
d/ Un intérêt affirmé par tous
La réponse aux questions directes concernant à
la fois l'intérêt et la qualité de la participation des
résidents est claire et nette, elle est voulue par tous et elle
fonctionne plutôt bien.
Les plus positifs sont les résidents164,
les modalités de participation qui leur sont offertes les satisfont.
Nous pouvons avancer que pour eux il s'agit d'un espace de communication avec
les pairs, d'affirmation de soi et un mode de relation avec les adultes
nouveau. C'est un premier pas, un premier investissement dans la vie de la
cité apprécié.
163 Un répondant du FJT 1 et un autre du FJT 4 ont
coché deux cases au lieu d'une à la question sur la
fréquence de la réunion. Ces deux réponses «
surnuméraires » ont été incluses dans le tableau,
c'est pourquoi à deux endroits il y a plus de réponses que de
répondants.
164 Soulignons ici que le parti-pris de l'enquête a
été d'interroger des résidents ayant déjà
une expérience de la participation au FJT, ces conclusions ne concernent
donc que des jeunes déjà sensibilisés.
Les professionnels sont traversés de sentiments plus
contradictoires. Ils sont les plus affirmatifs quant à la
nécessité de faire participer les résidents sur un plan
pédagogique de formation politique, au sens de l'ouverture à la
vie de la cité. Un professionnel a rajouté à
l'enquête que « la participation est indispensable si on se veut
association d'éducation populaire », rappelant là
l'origine du mouvement des FJT. En même temps ce sont eux qui
considèrent le moins le rôle des résidents comme ouvrant
à la décision, les cantonnant à une
participation-information, loin de la co-gestion.
En rapprochant la taille moyenne des FJT (114 places) avec la
moyenne des jeunes participants à la réunion
régulière des résidents (12 à 26) obtenus par
l'enquête, nous pouvons estimer que le taux de participation oscille
entre 10 et 20 %. Ce chiffre est très approximatif, et doit être
pris avec réserve. Toutefois, il indique malgré tout que la
participation des jeunes dans les FJT est supérieure à celle
observée dans d'autres instances. Pour mémoire les chiffres
avancés sont de l'ordre de 2 à 3%. C'est là pour les FJT
une réussite et un atout indéniable, qui corrobore les
réponses positives quant à l'intérêt et à la
qualité de la participation des résidents.
2/ Préconisations
Les FJT ont une triple raison de valoriser la participation
des résidents aux instances qui y existent. Cela participe à une
socialisation-politique des jeunes accueillis, ce qui est
particulièrement important pour ceux d'entre-eux qui ne l'ont pas eu par
transmission familiale. Les FJT permettent aux jeunes de s'investir sur des
sujets proches de leurs centres d'intérêt, le foyer constitue
ainsi une cité à leur échelle. L'investissement des jeunes
dans la vie des associations gestionnaires ne peut qu'augmenter la pertinence
des politiques menées. Toutefois pour atteindre cela, des adaptations
sont nécessaires.
a/ Clarifier et adapter les instances
Ce qui ressort de l'étude des différences
instances, c'est qu'il y a un manque de clarté. Fondamentalement
celui-ci est lié à un enchevêtrement d'instances ne
répondant pas aux mêmes réglementations. Il y a d'un
côté le fonctionnement associatif, de l'autre le code de la
construction, enfin la loi 2002-2. Ces réglementations autorisent
malgré tout une souplesse importante dans l'organisation, permettant de
nombreuses adaptations.
L'association est le lieu privilégié de la
citoyenneté car c'est le lieu de la parole qui institue, qui
décide. L'association a des difficultés pour faire une place dans
ses instances aux jeunes représentants les résidents, mais la
proposition peut être renversée : les jeunes ont des
difficultés pour investir la place qui leur est proposée.
Toutefois ce serait une erreur de croire qu'ils s'en
désintéressent, comme le montre ce commentaire d'un
résident rajouté à son questionnaire « Il serait
correct vis-à-vis des résidents, et je crois d'ailleurs que la
réglementation des associations du type loi 1901 l'impose, de les
inviter à assister aux différents conseils d'administration
».
Le conseil des résidents est un lieu d'échange
de parole, mais il ne s'agit pas d'une parole qui institue, il est ici question
de parole donnée, d'expression ouverte. Cette liberté
d'expression, encouragée et facilitée par les équipes
éducatives permet d'entendre la voix des résidents, mais sans la
transformer en voix élective à l'étage
associatif : « L'erreur courante consiste à
croire que la démocratie se définit par la "parole
donnée", l'expression ouverte... Si la liberté d'expression
caractérise du point de vue du Droit les démocraties, celles-ci
ne s'établissent pas sur ce principe mais bien sur l'idée : "Un
homme une voix". Autrement dit, si c'est bien la parole qui est en cause c'est
la parole qui institue, qui décide, la parole performative, la parole
qui légifère »165.
Ce constat n'est pas propre au conseil des résidents
en FJT, mais il existe de la même façon pour d'autres instances
destinées aux jeunes : « Ces espaces de
délibération ne se situent pas dans le champ politique. Ils sont
pré-politiques. Mais sous peine de les réduire à des
théâtres de marionnettes, il convient de leur octroyer une
certaine "effectibilité" dans le domaine politique (...) là
où se prennent les décisions et où elles sont
appliquées »166.
Le noeud de cette situation-problème est donc la
clarification et l'articulation entre les deux pôles. Nous pouvons
considérer qu'à l'étage du conseil de résident,
l'objectif est d'initier les résidents à l'exercice de la parole
collective, du débat ; par analogie cela ressemble à un exercice
de démocratie directe. A l'étage du conseil d'administration les(
représentant des jeunes peuvent et doivent accéder à la
parole instituante ; c'est là un deuxième niveau d'initiation,
cette fois à la démocratie représentative. Il s'agit
là d'aspect fondamentaux, la difficulté majeure demeurant
d'articuler les deux niveaux et de les adapter, notamment en raison de la
mobilité du public.
La démocratie a besoin de procédures et de
règles, et cela suppose des institutions pour les mettre en place, mais
au delà des règles les formes sont à adapter. Nous
retrouvons ici le débat classique sur l'application de la loi, entre
l'esprit et la lettre. Un FJT a apporté un témoignage
intéressant en ce sens, en joignant aux questionnaires deux documents
rapportant les adaptations imaginées167. Chaque année
une sensibilisation est opérée durant le mois de septembre
auprès des jeunes nouvellement arrivés, puis au mois d'octobre
des élections de délégués ont lieu. La forme de ces
élections montre une adaptation originale. Chaque résident se
voit remettre une liste des candidats qui se sont déclarés durant
le mois de sensibilisation. Ensuite « ...a lieu l'élection
où chaque résident va pouvoir remettre sa liste, sur laquelle il
aura rayé des noms, dans une urne présente dans le hall d'accueil
entre 17h et 20h. Le bureau de vote est tenu par les résidents de
l'ancien conseil. A 20h, le dépouillement a lieu à la
cafétéria : il suffit d'avoir au moins 15% des voix pour
être élu ; les 8 résidents ayant le plus de voix sont
élus ; les 4 autres suivant sont suppléants et remplacent les
élus s'ils partent en cours de mandat ». Il y a dans cet
exemple une conservation des formes de la démocratie
représentative, ce qui permet pour les jeunes une expérimentation
citoyenne. Il y a aussi une adaptation puisque seulement 15% de voix sont
nécessaires pour être élu. Nous retrouvons ici mis en
application la remarque faite au chapitre sur la participation : l'objectif est
bien de faire participer des résidents et non l'ensemble.
b/ Les professionnels garants de la permanence Au vu du
renouvellement constant du public au sein des FJT, l'organisation formelle
des
165 Reynald BRIZAIS, « Citoyens en institution, institution
citoyenne », document de cours Cadre et direction, MST IDS - DSTS
de Nantes, 2005
166 Jean-Charles LAGREE in « Problèmes politiques et
sociaux » n°862, p. 7
167 Documents joints en annexe 5
instances représentatives est inadaptée. Il est
peu probable que les jeunes résidents soient là en permanence sur
un cycle annuel, et si les foyers respectent à la lettre les formes
prévues, nous pouvons craindre qu'ils passent alors plus de temps et
d'énergie à organiser les remplacements des
délégués qu'à s'attacher au fond, c'est à
dire faire émerger la parole des résidents.
Une constante demeure liée au roulement important du
public. Face à cela, il est primordial d'avoir une stabilité du
mode d'organisation et de transmission. Celle-ci est assurée par les
professionnels. Le rôle prépondérant qu'ils ont, nous
l'avons vu dans l'enquête, au niveau de l'organisation pratique
(convocations, ordre du jour, compterendus...) montre qu'ils assument
déjà en grande partie ce rôle. La rotation du public
entraîne la nécessité d'expliquer aux nouveaux venus le
fonctionnement des instances. Ce sont les professionnels socio-éducatifs
qui assurent cette mission du fait de leur relation privilégiée
auprès du public, et c'est une mission fondamentale : « La
cité étant au service des personnes, le pouvoir doit reposer sur
leur confiance et s'efforcer de la maintenir par un contact permanent avec
l'opinion »168. Les professionnels ont ainsi un rôle
de transmission et de contact permanent. Cela fait d'eux les garants du
fonctionnement des instances et de la participation des jeunes. Ce rôle
est usant, du fait de la rotation quasi-permanente du public. C'est à
eux d'inventer et de garantir des manières de transmettre, afin que les
jeunes nouvellement arrivés puissent s'en saisir. Cela implique
également de veiller à ce qu'il n'y ait pas confiscation par
quelques-uns de la participation. Nous remarquerons que le rôle de
transmission assuré par les professionnels pourrait être
relayé par les administrateurs s'il y avait plus de convergence entre le
conseil d'administration et le conseil de résidents.
Pour tenir compte de l'engagement possible, mais
limité à une thématique précise, la majorité
des FJT propose aux résidents de s'investir au sein de commissions
spécifiques. Le travail en commissions constitue, au vu des
enquêtes, une adaptation réussie, ce qui rejoint les constats sur
les nouvelles modalités de l'engagement : « Il serait
erroné de parler de désimplication. Si persiste dans l'opinion
cette idée tenace du retrait et du repli individuel, y compris vis
à vis de la vie associative, c'est essentiellement parce que les
modalités de la participation ont changé (...), le militantisme
à vécu et le dévouement à une grande cause ne fait
plus recette (...). La participation n'est plus l'inféodation,
l'engagement n'est plus l'enfermement et il n'est jamais définitif (...)
; ce qui n'empêche pas un véritable investissement individuel mais
sur fond de décision personnelle souvent ponctuelle et conditionnelle,
liée à une action précise (...)
»169.
Si le cadre et le public des FJT est spécifique, le
fonctionnement de la participation y répond au même schéma
général, soit le triptyque suivant :
habitant/jeune élu/administrateur
professionnel/technicien
168 Marc BLOCH, cité p. 217 du Guide
républicain.
169 SUE Roger, 2001, p.152-153
Dans ce schéma, les professionnels ont un rôle
de tiers, or « Il est important que les élus et les habitants
aient l'impression d'avoir une influence sur la personne qu'ils mettent en
position de tiers »170. Un résident a
rajouté un commentaire à l'enquête, qui reprend pour partie
cela « Lors des commissions de résidents beaucoup de sujets
sont abordés mais tous n'aboutissent pas, soit dans un cas les
résidents lâchent le projet en cours, ou l'administration coupe
court au projets ». Cette réflexion retranscrit bien ce
sentiment de ne pas avoir d'influence, ce qui est fortement
préjudiciable à la participation. Il est primordial qu'aucune
question soulevée ne reste lettre morte. Pour cela il faut d'une part
constituer des outils de suivi pour relayer les propositions, les idées,
les doléances. D'autre part il faut apporter des réponses
tranchées, ne pas attendre que la question « s'éteigne
d'elle même ». Cela se fait dans certains foyers, puisqu'un
résident enquêté a rajouté dans le questionnaire
« Après l'assemblée générale il y a un
compte-rendu point par point avec une réponse de l'administrateur
».
c/ Rapprocher jeunes et administrateurs
Un administrateur enquêté a rajouté au
questionnaire la phrase de commentaire suivante : « Le contact avec
les résidents est assuré essentiellement par les directeurs et
les animateurs ». Est-ce un constat, est-ce un regret de sa part ? Un
professionnel a lui rajouté ceci : « La participation devrait
impliquer tous les acteurs du FJT et notamment le CA. Il faudrait un
réel accompagnement pour espérer pratiquer une démocratie
participative ».
Ces phrases reprennent bien en tout cas l'un des constats de
l'enquête, il y a une grande distance entre jeunes résidents et
administrateurs. Les centres d'intérêt, les
temporalités mais aussi les lieux de rencontre sont différents.
Pourtant ils devraient se rencontrer, puisque d'un côté il ressort
de l'enquête que les administrateurs peuvent, s'ils le veulent, prendre
part au conseil des résidents ; et de l'autre que des
représentants des résidents devraient participer au conseil
d'administration de l'association.
Les rapprocher demande une adaptation des formes et des
modalités des instances. Les commissions mises en place dans une
majorité de foyers constituent une de ces adaptations. Elles favorisent
la participation des jeunes résidents parce qu'elles répondent
plus directement à leurs intérêts, or «
...construire de l'intérêt général demande d'abord
de passer par l'intérêt particulier »171.
Cela n'implique pas pour autant leur participation aux instances
décisionnelles de l'association. La difficulté pour rapprocher
les résidents et les administrateurs est le passage du « micro
» au « macro ». L'intérêt des résidents se
porte sur des éléments de proximité, du quotidien, tandis
que l'objet du conseil d'administration porte sur une échelle beaucoup
plus vaste. Pourtant les deux sont liés, mais pour qu'il y ait rencontre
il faut un mouvement réciproque des deux parties.
Les commissions peuvent constituer un lieu
intermédiaire de rencontre. Les jeunes résidents peuvent y
évoquer des problèmes précis et particuliers,
centrés sur le court terme. Les administrateurs peuvent y expliquer en
quoi ces soucis proches s'insèrent dans une problématique plus
vaste, courant sur le moyen ou le long terme. Cela peut
170 Francis RATIER, compte rendu de la journée «
Participation des habitants du 31 janvier 2002 » organisée par
RésO Villes (centre de ressources politiques de la ville
Bretagne/Pays-de-Loire), disponible sur
www.resoville.com, p.21
171 Francis RATIER, RésO Villes, 2002, p.9
permettre aux jeunes de comprendre que leur participation
s'inscrit sur une échelle qui dépasse le cadre de leur
séjour, et aura des effets positifs pour d'autres après eux. Nous
sommes bien là dans l'apprentissage de l'intérêt
général. D'un autre côté, cela peut permettre aux
administrateurs de se rendre compte qu'il n'y a pas de problèmes anodins
ou mineurs. Dans le contexte de Foyers qui accueillent un certain nombre de
jeunes disqualifiés socialement, les « petits soucis » sans
réponses peuvent être vécus comme dégradants, la
dimension symbolique étant en ce cas bien plus importante que la
dimension réelle.
Conclusion
« La préoccupation des pouvoirs publics et
des adultes est généralement concentrée sur l'inscription
de représentants des jeunes dans les organismes dont les adultes
contrôlent le fonctionnement, sans se préoccuper d'abord de la
formation d'une parole collective dont les délégués
seraient porteurs »172. Ce constat, qui corrobore des
éléments relevés dans l'enquête auprès des
FJT, est a rapprocher d'un des points fondamentaux de l'agora grecque : il faut
une concitoyenneté pour créer la vie publique commune, or
l'octroi de la parole par un mouvement descendant met à mal l'un des
piliers de la citoyenneté, l'iségoria. Le manque
d'égalité dans la proposition et la prise de décision
collective entraîne que nous ne sommes pas réellement dans une vie
publique commune, mais plutôt dans une vie publique avec des «
titulaires » et des « suppléants » invités des
premiers. C'est ici que nous retrouvons toute l'ambiguïté de la
participation, qui d'une contribution active lorsque la parole est « prise
» dans un mouvement ascendant, peut devenir simple caution lorsque la
parole est « donnée » dans un mouvement descendant.
La prise de décision collective est un aspect majeur
de la citoyenneté, c'est aussi ce qui crée un hiatus dès
le départ dans les instances destinées à favoriser la
participation. Ces instances sont des lieux d'énonciation mais pas des
lieux de décision. Elles contribuent au dialogue, permettent de
créer du lien entre les participants et sont sans nul doute
constitutives d'une éducation à la citoyenneté. Mais ce ne
sont pas des assemblées où la communauté des citoyens
élabore la loi, or « Si on ne donne pas d'influence aux
personnes qui participent à un processus d'implication, on ne voit pas
pourquoi ils trouveraient un intérêt à participer aux
démarches qu'on leur propose »173.
L'écueil que l'étude dans les FJT montre
clairement, c'est le passage de ces instances « pré-citoyennes
» aux lieux de décision. Le Conseil de la vie sociale, pour
reprendre le terme générique, est un lieu destiné à
la parole de l'usager. La décision, elle, est du ressort du Conseil
d'administration de l'organisme. Les efforts et la réflexion doivent
porter sur le passage, ou du moins sur l'articulation, sur le dialogue de l'un
à l'autre. Pour cela, il faut intervenir à deux niveaux. D'abord
au niveau de l'explication, c'est à dire de la pédagogie qui est
développée pour que le public puisse comprendre le rôle et
la spécificité de chaque instance, puis s'en saisir. C'est
là lui permettre d'accéder au niveau de l'auto-nomos, de
la règle qu'il a faite sienne et donc qu'il pourra utiliser. Ensuite, au
niveau pratique, en rapprochant et coordonnant les différents
acteurs.
Au niveau des écueils concernant la mise en place de
la participation et des interrogations sur l'accès à la
citoyenneté qu'elle permet, les constats ne sont pas différents
qu'il s'agisse de FJT, de conseil de quartier ou de toute autre instance.
Toutefois, il faut dépasser ces écueils et poursuivre l'effort,
« Pour impliquer, mobiliser des personnes, généralement
en situation d'exclusion, autour d'initiatives culturelles ou sociales, il faut
porter et réaliser des projets qui les concernent. Ces personnes ont des
choses à dire, il convient de leur donner la parole et de leur permettre
de faire savoir ce qu'elles sont au-delà des portes du foyer
»174. Les FJT ont deux atouts qu'il faut utiliser.
172 Institut de l'enfant et de la famille in «
Problèmes politiques et sociaux » n°862, p.66
173 Francis RATIER, compte rendu de la journée «
Participation des habitants du 31 janvier 2002 » organisée par
RésO Villes (centre de ressources politiques de la ville
Bretagne/Pays-de-Loire), disponible sur
www.resoville.com
174 Extrait du journal de l'Unafo (Union des professionnels de
l'hébergement social), Action habitat n°12,
été 2005, disponible sur
www.unafo.org
Tout d'abord le taux de participation y est plutôt
important. Ensuite, notre expérience intime des FJT nous fait affirmer
qu'il y demeure un élément tout à fait spécifique,
celui du brassage social et culturel. Cet élément, pourtant
très utopique, fonctionne. C'est un atout majeur par rapport à
d'autres lieux, d'autre contextes participatifs où le capital social et
culturel contribue à la confiscation de la parole.
Bibliographie
Ouvrages :
· BASTIEN Bernard, BATAILLE Philippe,
Conseilleriez-vous à un(e) ami(e) de venir ici ? Vivre en FJT, pour
une interprétation de situations de jeunesse, Paris, Les
éditions de l'atelier, juin 1998.
· CASTILLO Monique, La citoyenneté en
question, Collection philo, Paris, Éditions Ellipses, 2002.
· CNPD/Ministère de l'éducation nationale et
de l'enseignement supérieur, L'idée républicaine
aujourd'hui, guide républicain, Paris, Éditions Delagrave,
2004.
· FERREOL Gilles (ouvrage collectif sous la direction de),
Rapport à autrui et personne citoyenne, Villeneuve d'Ascq,
Presses Universitaires du Septentrion, 2002.
· GASPARD Françoise, UFJT d'une jeunesse
ouvrière à une jeunesse incertaine, 40 ans d'histoire d'un
mouvement associatif 1955-1995, Paris, Les éditions de l'atelier,
novembre 1995.
· HANSOTTE Majo, Les intelligences citoyennes, comment
se prend et s'invente la parole collective, Bruxelles, Éditions De
boeck Université, 2ème édition 2005.
· ION Jacques, L'engagement au pluriel,
Saint-Étienne, Presses Universitaires de SaintÉtienne, 2001.
· JANVIER Roland, MATHO Yves, Mettre en oeuvre le droit
des usagers dans les organisations sociales et médico-sociales,
Paris, Dunod, 2004, 3ème édition.
· LE GALIC Mathias, La démocratie participative,
le cas Nantais, Paris, L'Harmattan, 2005.
· LE PORS Anicet, La citoyenneté,
Collection Que sais-je ?, Presses Universitaires de France, Paris,
3ème édition 2004.
· LEGROS Robert, La question de la souveraineté
: droit naturel et contrat social, collection philo, Paris,
Éditions Ellipses, 2001.
· MADEC Annick, MURARD Numa, Citoyenneté et
politiques sociales, Paris, Domino Flammarion, 1995.
· MOURRE Michel, Dictionnaire d'histoire
universelle, Paris, Editions Bordas, 1981.
· MUXEL Anne, L'expérience politique des
jeunes, Paris, Presses de Sciences Po, 2001.
· PUGEAULT-CICCHELLI Catherine, CICCHELLI Vincenzo, RAGI
Tariq, Ce que nous savons des jeunes, Collections sciences sociales et
société, Paris, Presses Universitaires de France, 2004.
· ROSANVALLON Pierre, La nouvelle question
sociale, Paris, Éditions du Seuil, janvier 1995
· ROSSINI Nathalie, Les jeunes conseillers
engagés dans la démocratie locale, Marly-le-Roi, Institut
National de la Jeunesse et de l'Education Populaire, publication n°63
printemps 2003.
· SCHNAPPER Dominique avec la collaboration de BACHELIER
Christian, Qu'est ce que la
citoyenneté ?, Collection Folio Actuel, Paris,
Gallimard, 2000.
· SCHNAPPER Dominique, La communauté des
citoyens, Collection Folio Essais, Paris, Gallimard, 2003.
· SUE Roger, Renouer le lien social : liberté,
égalité, association, Paris, Éditions Odile Jacob,
janvier 2001.
Mémoires :
· LETILLEUX Séverine, Démocratiser
l'accès à la citoyenneté, mémoire de MST-IDS,
Nantes 2002.
· SPAROSVICH-ODDONE Alexander, La participation des
habitants, des conditions et des compétences pour l'exercice de la
démocratie locale et urbaine, mémoire de MST-IDS / DSTS,
Nantes octobre 2004.
Revues :
· « Citoyenneté et société
», Cahiers Français, Aubervilliers, La documentation
française, n°281, mai-juin 1997.
· « Jeunes, engagement et démocratie »,
Agora débats/jeunesses, Paris, L'Harmattan, n°30,
4ème trimestre 2002.
· « L'engagement des jeunes », Dossier
documentaire sur la jeunesse, Marly-le-Roi, Institut National de la
Jeunesse et de l'Education Populaire, n°4, mars 2003.
· « L'engagement syndical et associatif des jeunes
», Agora débat/jeunesses, Paris, L'Harmattan, n°31,
1er trimestre 2003.
· « L'entrée des jeunes dans la vie adulte
», Problèmes politiques et sociaux, Aubervilliers, La
documentation française, n°794 du 5 décembre 1997.
· « La loi du 2 janvier 2002, état des lieux
», Les Cahiers, Laval, Techne Conseil, n°5, octobre 2003.
· « Le partenariat : définitions, enjeux,
pratiques », Education Permanente, Arcueil, n°131,
février 1997.
· « Le travail social à l'épreuve de la
participation », Vie sociale, Paris, Cedias-musée social,
n°1-2004.
· « Les nouvelles dimensions de la citoyenneté
», Cahiers Français, Aubervilliers, La documentation
française, n° 316, octobre 2003.
· « Participations et implications sociales »,
Vie sociale, Paris, Cedias-musée social, n°1-2002.
· « Participer : le concept », Information
sociale, Paris, CNAF, n°43, 1995.
· « Quelle participation pour quels habitants ?
», Lien Social, Toulouse, n°563 du 8 février 2001, p.
4-9.
· ACCARIER Jean-Claude, « Quelles
itinérances des jeunes ? Analyse de la mobilité
géographique des résidents d'un FJT », Forum
n°89 septembre 1999.
· BOUTROUE Yves, « La citoyenneté des usagers
est-elle soluble dans les pratiques institutionnelles ? », Les Cahiers
de l'Actif, n°330-331, p. 125-164
· ELLEFSEN Bjenk & HAMEL Jacques , «
Citoyenneté, jeunesse et exclusion. Lien social et politique à
l'heure de la précarité », RIAC, Montréal
Québec, n°43, printemps 2000, p.133 à 141.
· ION Jacques, « Le temps de l'engagement pluriel
», Sciences humaines, Auxerre, hors série n°39
décembre 2002/janvier-février 2003, p 58-63.
· LAGREE Jean-Charles, LONCLE Patricia, « Jeunes et
citoyenneté », Problèmes politiques et sociaux,
Aubervilliers, La documentation française, n°862 du 31 août
2001.
· ROUX Marie-Agnès, « Promouvoir la place de
l'usager », Les Cahiers de l'Actif, n°318-319, p.137-147
· SARRAMAGO José, « Que reste-t-il de la
démocratie ? », Le Monde diplomatique, août 2004,
p.20
· SCHEHR Sébastien , « Processus de
singularisation et formes de socialisation de la jeunesse », RIAC,
Montréal Québec, n°43, printemps 2000, p.49 à
58.
· SUE Roger, « L'affirmation politique de la
société civile », Cité, PUF, n°17-2004,
p 25-37.
· Quelques références sitographiques :
·
www.erudit.org , site de promotion
et de diffusion des résultats de la recherche universitaire à
l'Université de Montréal et à l'Université Laval
à Québec, met à disposition un très bon moteur de
recherche thématique, de nombreux articles sont disponibles
gratuitement, téléchargeables au format PDF.
·
www.injep.fr , site de l'Institut
National de la Jeunesse et de l'Education Populaire, le centre de documentation
de l'INJEP met à disposition sur le site un moteur de recherche
documentaire thématique, et certaines revues de presse et de magazine
sont disponibles en ligne, ainsi que tous les sommaires des publications de
l'INJEP.
·
www.ufjt.fr , site de l'Union Nationale
des Foyers de Jeunes Travailleur, nombreux documents disponibles en ligne au
format PDF, juridiques (statuts, conventions, règlements...),
statistiques, politiques (chartes d'orientation) et aussi des travaux
d'enquête (sur la parité...).
· www.vie -
publique.fr , site de La documentation
française.
Annexes
1/ Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
2/ Composition et organisation de conseil de la vie sociale 3/
Le questionnaire d'enquête
4/ Brèves n°79, avril 2005
5/ Exemple d'une expérience menée en FJT
1/ Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (
source : site du Conseil constitutionnel)
Les représentants du Peuple français,
constitués en Assemblée nationale, considérant que
l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'hom m e sont les
seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouverne m e nts,
ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits
naturels, inaliénables et sacrés de l'hom m e, afin que cette
déclaration, consta m m e n t présente à tous les mem bres
du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin
que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif,
pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute
institution politique, en soient plus respectés ; afin que les
récla mations des citoyens, fondées désor mais sur des
principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la
constitution et au bonheur de tous. En conséquence, l'Assem blée
nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les
auspices de l'Être suprême, les droits suivants de l'hom m e et du
citoyen.
Article premier.
Les hom m e s naissent et demeurent libres et égaux en
droits. Les distinctions sociales ne peuve nt être fondées que sur
l'utilité commune.
Article II.
Le but de toute association politique est la conservation des
droits naturels et imprescriptibles de l'hom m e. Ces droits sont la
liberté, la propriété, la sûreté et la
résistance à l'oppression.
Article III.
Le principe de toute souveraineté réside
essentiellem e nt dans la nation ; nul corps, nul individu ne peut exercer
d'autorité qui n'en émane expressé m e nt.
Article IV.
La liberté consiste à pouvoir (1 ) faire tout
ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de
chaque hom m e n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membr es de la
société, la jouissa nce de ces mêm es droits. Ces bornes ne
peuvent être détermi nées que par la loi.
Article V.
La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles
à la société. Tout ce qui n'est pas
défend u par la loi ne peut être
empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce
qu'elle n'ordon ne pas.
Article VI.
La loi est l'expression de la volonté
générale. Tous les citoyens ont droit de concourir
personnellem e nt, ou par leurs représentants,
à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit
qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant
égaux à ses yeux, sont égalem ent admissibles à
toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité,
et sans autre distinction que celle (2) de leurs vertus et de leurs talents.
Article VII.
Nul hom m e ne peut être accusé,
arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés
par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent,
expédient, exécutent ou font exécuter des ordres
arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou
saisi en vertu de la loi, doit obéir à l'instant : il se rend
coupable par la résistance.
Article VIII.
La loi ne doit établir que des peines strictem e nt et
évidem m e nt nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en
vertu d'une loi établie et promulgué e antérieure m e nt
au délit, et légalem ent appliquée.
Article IX.
Tout hom m e étant présum é innocent
jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable,
s'il est jugé
indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait
pas nécessaire pour s'assurer de sa personne, doit être
sévère me nt répri mée par la loi.
Article X.
Nul ne doit être inquiété pour ses opinions,
même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre
public établi par la loi.
Article XI.
La libre com m u nication des pensées et des opinions
est un des droits les plus précieux de l'hom m e ; tout citoyen peut
donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre
de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la
loi.
Article XII.
La garantie des droits de l'hom m e et du citoyen
nécessite une force publique ; cette force est donc instituée
pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de
ceux auxquels (3 ) elle est confiée.
Article XIII.
Pour l'entretien de la force publique, et pour les
dépenses d'ad ministration, une contribution
com m u n e est indispensable ; elle doit être
égalem e nt répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs
facultés.
Article XIV.
Tous les citoyens (4) ont le droit de constater par eux-
mêmes, ou par leurs représentants, la
nécessité de la contribution publique, de la
consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en
déterminer la quotité, l'assiette, le recouvre m e
nt et la durée.
Article XV.
La société a le droit de demander compte à
tout agent public de son administration.
Article XVI.
Toute société dans laquelle la garantie des droits
n'est pas assurée, ni la séparation des
pouvoirs détermi née, n'a point de
constitution.
Article XVII.
La propriété (5 ) étant un droit
inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est
lorsque la nécessité publiq ue, légale m e nt
constatée, l'exige évidem m e nt, et sous la condition d'une
juste et préalable indemnité.
La Déclaration discutée par l'Asse m
blée nationale constituante du 20 au 26 août 1789, acceptée
par le roi le 5 octobre et promulg ué e le 3 novem bre, a
été placée ensuite, avec quelques variantes par rapport au
texte initial, en tête de la Constitution de 1791. C'est ce dernier texte
qui a été repris par le Journal officiel en 1958.
Les notes ci-dessous reproduisent les variantes du texte
initial, qui ont fait l'objet d'une
modification ultérieure.
1 - Le mot « pouvoir » a été
ajouté.
2 - On trouve initialem ent le pluriel : « sans autres
distinctions » et « celles ».
3 - Certaines versions mentionnent « à qui
».
4 - Les premières versions donnent « Chaq ue citoyen
» ; la version acceptée par le roi, le 5 octobre 1789, mentionne
« Les citoyens ».
5 - Le texte de 1789 retenait le pluriel : « Les
propriétés ».
2/ Composition et organisation de conseil de la vie
sociale
Décret n° 2004-287 du 25 mars 2004
relatif au conseil de la vie sociale et aux autres formes de participation
institués à l'article L. 311-6 du code de l'action sociale et des
familles (Journal officiel du 27 mars 2004)
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des affaires sociales, du travail et
de la solidarité et du ministre de la santé, de la famille et des
person nes handicapées,
Vu le code de l'action sociale et des familles, nota m m e nt
l'article L. 311- 6 ;
Après avis du Conseil d'Etat (section sociale),
Décrète :
Art. 1er. - Les différentes formes de participation
prévues à l'article L. 311- 6 du code de l'action sociale et des
familles sont instituées dans les conditions suivantes :
Le conseil de la vie sociale est obligatoire lorsque
l'établisse m e nt ou le service assure un
héberge m e nt ou un accueil de jour continu ou une
activité d'aide par le travail au sens du
premier alinéa de l'article L. 344-2. Il n'est pas
obligatoire lorsque l'établisse m e nt ou service accueille
majoritairem e nt des mineurs de moins de onze ans, des personnes relevant du
dernier alinéa de l'article 6 et du III de l'article L. 312- 1 du code
de l'action sociale et des familles.
Lorsque le conseil de la vie sociale n'est pas mis en place, il
est institué un groupe d'expression ou toute autre forme de
participation.
Lorsque la personne publique ou privée gère
plusieurs établisse m e nt s ou services sociaux ou médico-
sociaux, il peut être institué pour une même
catégorie d'établisse m e nts ou services, au sens de l'article
L. 312- 1 du même code, une instance commune de participation.
Section I
Conseil de la vie sociale Paragraph e 1
Institution
Art. 2. - La décision institutive du conseil de la vie
sociale fixe le nombre et la répartition des membres titulaires et
suppléants de ce conseil.
Paragraph e 2 Composition
Art. 3. - I. - Le conseil de la vie sociale comprend au moins
:
- deux représenta nts des personnes accueillies ou
prises en charge, soit un représenta nt des titulaires de l'exercice de
l'autorité parentale à l'égard des mineurs, soit un
représenta nt des représenta nts légaux des person n es
accueillies dans les établisse m e nt s receva nt des personnes majeures
;
- un représentant du personnel ;
- un représentant de l'organis m e gestionnaire.
II. - Toutefois :
- dans les établisse m e nt s mention nés au
8° du I de l'article L. 312- 1 du code de l'action sociale et des
familles, seule est assurée la représentation des usagers ;
- dans les autres établisse m e nts recevant des
personnes majeures, l'organis m e gestionnaire peut prévoir des
modalités complé m e nt aires d'association des mem bres des
familles des
personnes accueillies au fonctionne m e n t de
l'établissem e nt.
Art. 4. - L'absence de désignation de titulaires et
suppléants ne fait pas obstacle à la mise en place du conseil de
la vie sociale sous réserve que le nombre de représentants des
personnes accueillies et de leurs familles ou de leurs représentants
légaux soit supérieur à la moitié du nombre total
des mem bres du conseil désignés.
Art. 5. - Lorsqu'en raison du jeune âge des
bénéficiaires la représentation du collège des
personnes accueillies ne peut être assurée, seul le collège
des familles ou représentants légaux est constitué.
Art. 6. - Le président du conseil de la vie sociale
est élu au scrutin secret et à la majorité des votants par
et parmi les mem bres représentant les personnes accueillies. En cas de
partage égal des voix, le candidat le plus âgé est
déclaré élu.
Le président suppléa nt est élu selon
les mêmes modalités parmi les mem bres représenta nt soit
les personnes accueillies, soit les titulaires de l'exercice de
l'autorité parentale ou les représentants légaux.
Le directeur ou son représentant siège avec voix
consultative.
Toutefois, dans les établisse m ents ou services
prenant en charge habituellem ent les mineurs faisant l'objet de mesures
éducatives ordonnées par l'autorité judiciaire en
application des dispositions législatives relatives à l'enfance
délinq ua nte ou à l'assista nce éducative, le directeur
ou son représentant siège en tant que président avec voix
délibérative.
Art. 7. - Le conseil de la vie sociale peut appeler toute
personne à participer à ses réunions à titre
consultatif en fonction de l'ordre du jour.
Paragraphe 3
Modalités de désignation
Art. 8. - Les me m bres du conseil de la vie sociale sont
élus pour une durée d'un an au moi ns et de trois ans au plus.
Art. 9. - Sous réserve des dispositions de l'article
28, les représentants des personnes accueillies et les
représentants des titulaires de l'exercice de l'autorité
parentale ou des représentants légaux sont élus par vote
à bulletin secret à la majorité des votants respective m e
nt par l'ensem ble des personnes accueillies ou prises en charge et par l'ensem
ble des personnes titulaires de l'exercice de l'autorité parentale
à l'égard des mineurs ou des représenta nts légaux
des personnes majeures. Des suppléants sont élus dans les
mêmes conditions.
Sont élus le ou les candidats ayant obtenu le plus grand
nombre de voix. A égalité de voix, il est procédé
par tirage au sort entre les intéressés.
Art. 10. - Sont éligibles :
- pour représenter les personnes accueillies, toute
personne âgée de plus de onze ans ;
- pour représenter les personnes titulaires de
l'exercice de l'autorité parentale ou les représentants
légaux, toute personne disposant de l'autorité parentale, tout
représentant légal d'un majeur, tout parent d'un
bénéficiaire jusqu'au quatrièm e degré.
Art. 11. - Les personnels des établisse m ents et
services de droit privé soit salariés, soit salariés mis
à la disposition de ceux-ci sont représentés au conseil de
la vie sociale :
1° Dans ceux occupant moins de onze salariés, par
des représentants élus par l'ensem ble des
personnels ci-dessus définis ;
2° Dans ceux occupant onze salariés ou plus, par
des représenta nts élus, parmi l'ensem ble des personnels, par
les mem bres du comité d'entreprise ou, à défaut, par les
délégués du personnel ou, s'il n'existe pas d'institution
représentative du personnel, par les personnels eux-mêm es.
Ces représentants sont élus au scrutin secret
selon les modalités fixées par le règlement
intérieur.
Art. 12. - Dans les établissem e nts et services
publics, les représentants des personnels sont désignés
parmi les agents y exerçant par les organisations syndicales les plus
représentatives. Dans les établisse m ents ou services dont les
personnels sont soumis aux dispositions de la loi n° 84-16 du 11 janvier
1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique
de l'Etat , les sièges leur sont attribués dans les conditions
fixées pour leur représentation au comité technique
paritaire. Dans les établisse m ents ou services dont le personnel est
soumis aux dispositions de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant
dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale,
les sièges sont attribués aux organisations syndicales
proportionnelle m e nt au nombre de voix qu'elles ont obtenu
aux élections organisées pour la désignation des
représentants du personnel au comité technique paritaire
compétent pour les agents du service social ou médico-social.
Dans les établissem ents ou services dont le personnel est soumis aux
dispositions de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions
statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, les
sièges sont attribués dans les conditions fixées pour leur
représentation aux com missions administratives paritaires
compétentes sans qu'il y ait lieu de procéder à de
nouvelles élections. S'il n'existe pas d'organisation syndicale au sein
de l'établissem e nt ou du service, les représentants du
personnel sont élus par et parmi l'ensem ble des agents nom m és
dans des emplois permanents à temps complet. Les candidats doivent avoir
une ancienneté au moi ns égale à six mois au sein de
l'établissem e nt ou service ou dans la profession s'il s'agit d'une
création. Le scrutin est secret et majoritaire à un tour. En cas
d'égal partage des voix, le candidat ayant la plus grande
ancienneté dans l'établissem e nt ou service ou dans la
profession est proclam é élu.
Art. 13. - Les suppléants des personnels sont
désignés dans les mêmes conditions que les titulaires.
Paragraphe 4 Compétence
Art. 14. - Le conseil de la vie sociale donne son avis et peut
faire des propositions sur toute question intéressant le fonctionne m
e nt de l'établissem e nt ou du service, nota m m e n t sur
l'organisation
intérieure et la vie quotidienne, les
activités, l'ani mation socioculturelle et les services théra
peutiq ues, les projets de travaux et d'équipe m e nts, la nature et le
prix des services rendus, l'affectation des locaux collectifs, l'entretien des
locaux, les reloge ments prévus en cas de travaux ou de fermeture, l'ani
mation de la vie institutionnelle et les mesures prises pour favoriser les
relations entre ces participants ainsi que les modifications substantielles
touchant aux conditions de prises en charge.
Art. 15. - Le conseil de la vie sociale se réunit au
moi ns trois fois par an sur convocation du président ou, dans les
établissem e nts mentionnés au dernier alinéa de l'article
6, du directeur, qui fixent l'ordre du jour des séances. Celui-ci doit
être communiqué au moins huit jours avant la tenue du conseil et
être accompagné des informations nécessaires. En outre,
sauf dans les établissem e nts mentionnés au dernier
alinéa de l'article 6, le conseil est réuni de plein droit
à la demande, selon le cas, des deux tiers de ses mem bres ou de la
personne gestionnaire.
Art. 16. - Le conseil délibère sur les questions
figurant à l'ordre du jour, à la majorité des mem bres
présents.
Les avis ne sont valablem ent émis que si le nombre
des représentants des personnes accueillies et des titulaires de
l'exercice de l'autorité parentale ou des représentants
légaux présents est supérieur à la moitié
des mem bres.
Dans le cas contraire, l'exa men de la question est inscrit
à une séance ultérieure. Si lors de cette séance,
ce nombre n'est pas atteint, la délibération est prise à
la majorité des mem bres présents.
Art. 17. - Le conseil de la vie sociale établit son
règlement intérieur dès sa première
réunion.
Art. 18. - Le relevé de conclusions de chaque
séance est établi par le secrétaire de séance,
désigné par et parmi les personnes accueillies ou prises en
charge, assisté en tant que de besoin par l'administration de
l'établissem e nt, service ou lieu de vie et d'accueil. Il est
signé par le président. Avant la tenue de la séance
suivante, il est présenté pour adoption en vue de la transmission
à l'instance compétente de l'organis m e gestionnaire.
Section II
Autres formes de participation Paragraphe 1
Modes de participation
Art. 19. - La participation prévue à l'article L.
311- 5 du code de l'action sociale et des familles peut également
s'exercer :
- par l'institution de groupes d'expression institués au
niveau de l'ensem ble de l'établissem e nt, du service ou du lieu de vie
et d'accueil, ou d'un service ou d'un ensemble de services de ceux-ci ;
- par l'organisation de consultations de l'ensem ble des
personnes accueillies ou prises en charge sur toutes questions concernant
l'organisation ou le fonctionne m e nt de l'établissem e nt, du service
ou du lieu de vie ou d'accueil ;
- par la mise en oeuvre d'enquêtes de satisfaction. Ces
enquêtes sont obligatoires pour les services prenant en charge à
domicile des personnes dont la situation ne permet pas de recourir aux autres
formes de participation prévues par le présent décret.
Paragraphe 2
Composition et fonctionne m e nt
Art. 20. - L'acte institutif des instances de participation
autres que le conseil de la vie sociale précise la composition et les
modalités de fonctionne m e nt de ces instances qui comportent
obligatoire m e nt des représentants des usagers et de leurs familles ou
représentants légaux en nombre supérieur à la
moitié.
Art. 21. - Le règlement de fonctionne m e nt adapte les
modalités de consultation mises en oeuvre compte tenu des formes de
participations instituées.
Toutefois :
- l'ordre du jour des séances accom pagné des
explications nécessaires à sa compréhension est
obligatoire m e nt notifié aux mem bres des instances sept jours au plus
tard avant leur tenue ;
- l'enquête de satisfaction adressée aux personnes
accueillies ou prises en charge concerne obligatoire m e nt les sujets
énoncés à l'article 14 ci-dessus.
Art. 22. - Les modalités d'établisse m ent et de
délibération des comptes rendus de séance des
instances de participation autres que le conseil de la vie
sociale sont prévues par le règlement de fonctionne m e n t
compte tenu des caractéristiques particulières des modes de
participation instituées.
Paragraphe 3 Désignation
Art. 23. - Sous réserve des dispositions de l'article
28, les modalités d'élection ou de désignation aux
instances de participation autres que le conseil de la vie sociale des
représentants des personnes accueillies ou prises en charge, de ceux des
titulaires de l'exercice de l'autorité parentale ou des
représentants légaux, de ceux des mem bres du personnel et de
ceux de l'organis m e gestionnaire sont précisées par le
règle me nt de fonction ne m e n t de l'établissem e nt, du
service ou du lieu de vie et d'accueil.
Section III
Dispositions communes aux conseils de la vie sociale et aux
autres formes de participation
Art. 24. - Les instances de participation prévues
à l'article 1er sont obligatoire m e nt consultées sur
l'élaboration et la modification du règlement de fonctionne m e
nt et du projet d'établissem e nt ou de service prévus aux
articles L. 311- 7 et L. 311- 8 du mêm e code. L'enquête de
satisfaction citée à l'article 19 questionne les personnes
accueillies sur ces mêmes règlement et projet d'établissem
ent ou de service.
Art. 25. - L'acte institutif du conseil de la vie sociale ou
des autres instances de participation mises en place dans l'établissem e
nt, le service ou le lieu de vie ou d'accueil est adopté par l'instance
compétente de l'organis m e gestionnaire ou établi par la
personne physique gestionnaire du lieu de vie et d'accueil.
Art. 26. - Les informations concernant les personnes,
échangées lors des débats, restent
confidentielles.
Art. 27. - Les instances de participation doivent être
tenues informées lors des séances ou enquêtes
ultérieures des suites réservées aux avis et propositions
qu'elles ont émis.
Art. 28. - Dans les établissem e nts et services
prenant en charge habituelle m ent des mineurs faisant l'objet de mesures
éducatives ordonnées par l'autorité judiciaire en
application des dispositions relatives à l'enfance délinquante ou
à l'assistance éducative, le directeur peut convier la
totalité des personnes accueillies ou prises en charge au fonctionne m e
n t des instances. Dans ce cas, il n'est pas procédé aux
élections ou aux autres désignations prévues par le
présent décret ou le règlement de fonctionne m e nt.
Art. 29. - Le temps de présence des personnes
handicapées accueillies en centre d'aide par le travail dans les
instances de participation est considéré com m e temps de
travail.
Art. 30. - Le temps de présence des personnes
représentant les personnels est considéré com m e temps de
travail.
Art. 31. - Les représentants des personnes accueillies
peuvent en tant que de besoin se faire
assister d'une tierce personne afin de permettre la
compréhension de leurs interventions.
Section IV
Dispositions transitoires
Art. 32. - Les instances de participation prévues par le
présent décret sont installées dans un délai de
six mois à compter de sa publication. Le mandat des mem bres des
instances existantes pour l'application du décret n° 91-1415 du
31 décembre 199 1 relatif aux conseils d'établisse m e nt des
institutions sociales et médico-sociales
mentionnées à l'article 3 de la loi n° 75-535 du 30 juin
1975 cesse de plein droit dès cette installation.
Le décret du 31 décembre 199 1
susmentionné reste applicable au fonctionne m e nt de chacune des
instances existantes à la date d'entrée en vigueur du
présent décret jusqu'à l'installation de l'instance qui
lui est substituée en application du premier alinéa du
présent article.
Art. 33. - Le ministre de l'intérieu r, de la
sécurité intérieure et des libertés locales, le
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, le garde
des sceaux, ministre de la justice, le ministre de la santé, de la
famille et des personnes handicapées, le ministre
délégué aux libertés locales, le ministre
délégué à la famille, la secrétaire d'Etat
à la lutte contre la précarité et l'exclusion, la
secrétaire d'Etat aux personnes handicapées et le
secrétaire d'Etat aux personnes âgées sont chargés,
chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent
décret, qui sera publié au Journal officiel de la
République française.
3/ Le questionnaire d'enquête
La participation des résidents aux instances des FJT
(enquête réalisée pour un mémoire
de DSTS, Diplôme Supérieur de Travail Social))
Vous êtes : une femme un homme
Votre âge :
ans
|
Vous êtes dans un FJT qui peut accueillir : 0
à 39 résidents
40 à 79 résidents
80 à 119 résidents
+ 120 résidents
|
|
|
|
1/ L'assemblée générale des
résidents du FJT
Y-a-t-il une assemblée générale annuelle
des résidents dans votre FJT ? je ne sais pas (dans ce cas passez au
chapitre 2)
non (dans ce cas passez au chapitre 2)
oui
Y-a-t-il un ordre du jour préparé et
diffusé avant cette assemblée générale ? je ne sais
pas
non
oui, veuillez préciser sous quelle forme* :
Si oui, par qui est préparé et diffusé cet
ordre du jour ? (vous pouvez cocher plusieurs cases)
les résidents
le(s) professionnel(s) du FJT
le(s) administrateur(s) du FJT
Y-a-t-il un compte-rendu préparé et diffusé
après cette assemblée générale ? je ne sais pas
non
oui, veuillez préciser sous quelle forme* :
Si oui, par qui est rédigé ce compte rendu ? (vous
pouvez cocher plusieurs cases) les résidents
le(s) professionnel(s) du FJT
le(s) administrateur(s) du FJT
Lors de l'assemblée générale, y-a-t-il une
élection des représentants des résidents pour
l'année ?
je ne sais pas
non
oui
Si oui, comment sont remplacés les représentants
qui partent en cours d'année ? par l'organisation de nouvelles
élections
sur la base du volontariat
autre (veuillez préciser) :
2/ La réunion régulière avec les
résidents
Comment se nomme la réunion régulière avec
les résidents dans votre FJT ?
conseil des résidents conseil de la vie sociale
conseil de maison groupe d'expression
comité d'établissement autre, veuillez
préciser :
(pour simplifier, le terme « réunion des
résidents » sera conservé pour désigner cette
instance dans la suite de ce questionnaire)
Y-a-t-il des commissions à thèmes en dehors de
cette réunion des résidents ? je ne sais pas
non
oui, veuillez préciser les thèmes :
A quelle fréquence se déroule la réunion
des résidents : une fois par trimestre
une fois par mois
autre, veuillez préciser s'il vous plaît :
Quels résidents peuvent participer à la
réunion ?
tous les résidents intéressés
seulement les résidents élus lors de
l'assemblée générale autre, veuillez préciser s'il
vous plaît :
Combien de résidents participent à cette
réunion :
un nombre fixe de personnes
un nombre variable allant de à personnes
Combien de professionnels participent à cette
réunion :
un nombre fixe de personnes
un nombre variable allant de à personnes
Quels sont le(s) professionnel(s) qui participent à cette
réunion : personnel éducatif (animateur, éducateur,
conseiller...)
directeur adjoint/coordinateur adjoint directeur/coordinateur
autre, veuillez préciser s'il vous plaît :
Les administrateurs peuvent-ils participer à la
réunion des résidents ? non oui
Si oui, y-participent-ils :
régulièrement exceptionnellement jamais
Y-a-t-il un ordre du jour préparé et
diffusé avant la réunion des résidents ? je ne sais pas
non
oui, veuillez préciser sous quelle forme* :
Si oui, par qui cet ordre du jour est-il préparé
et diffusé ? (vous pouvez cocher plusieurs cases)
les résidents
le(s) professionnel(s) du FJT
le(s) administrateurs du FJT
Y-a-t-il un compte-rendu préparé et diffusé
après cette réunion ? je ne sais pas
non
oui, veuillez préciser sous quelle forme* :
Si oui par qui ce compte-rendu est-il rédigé ?
(vous pouvez cocher plusieurs cases) les résidents
le(s) professionnel(s) du FJT
le(s) administrateurs du FJT
Parmi les thèmes suivants cochez ceux qui font
régulièrement partie de la réunion des résidents et
barrez ceux qui n'en font jamais partie :
l'animation/les loisirs la vie quotidienne
les travaux dans le FJT les tarifs du FJT
le règlement intérieur
|
le restaurant du FJT
la situation individuelle de certains résidents
la prévention (santé, sécurité
routière)
comment gérer son budget autre(s) (veuillez
préciser) :
|
|
Pour vous, les résidents participent à la
réunion pour : (classez de 1 à 6 les propositions, 1 étant
le plus important et 6 le moins important)
faire des propositions rencontrer d'autres résidents
prendre des décisions présenter des
revendications
recevoir des informations débattre avec les responsables
du FJT
3/ Les résidents et l'organisme gestionnaire du FJT
Les résidents ont-ils des représentants au
conseil d'administration du FJT ? je ne sais pas (dans ce cas passez au
chapitre 4)
non (dans ce cas passez au chapitre 4)
oui
Si oui, les résidents présents au conseil
d'administration sont-ils : élus par les autres résidents
délégués avec l'approbation simple des
autres résidents volontaires s'étant proposés à
l'équipe du FJT
volontaires sur la demande de l'équipe du FJT
Pour préparer le Conseil d'Administration les
représentants des résidents ont-ils : une information simple
(ordre du jour)
une information plus une explication du fond et de la forme
un accompagnement (exemple parrainage par un administrateur)
Pendant le conseil d'administration y-a-t-il un moment
spécifique réservé à l'expression des
représentants des résidents ?
jamais
quelquefois
systématiquement
Après le conseil d'administration, les
représentants des résidents font-ils un compterendu aux autres
résidents :
non
oui, veuillez préciser sous quelle forme* :
4 / Votre opinion sur la participation des résidents
Pour vous, quel est l'intérêt pour le FJT de faire
participer les résidents (trois choix possibles maximum):
utiliser les idées des résidents
répondre à une obligation légale mieux
connaître les résidents responsabiliser les résidents
favoriser la citoyenneté des résidents
|
échanger des informations
permettre l'expression des résidents ressentir l'ambiance
et prévenir les tensions dans le FJT
autre :
|
|
Pour vous, la participation des résidents est quelque
chose qui fonctionne (un seul choix possible)
parfaitement plutôt bien très mal
très bien plutôt mal pas du tout
Pour vous, proposer aux résidents de participer aux
différentes instances du FJT c'est (deux choix possibles maximum) :
indispensable souhaitable inutile
nécessaire illusoire impossible
Si vous souhaitez rajouter des explications ou des
commentaires sur les thèmes abordés dans ce questionnaire, je
vous invite à utiliser l'espace ci-après ou à rajouter une
feuille à l'intérieur de ce document.
Merci beaucoup pour votre participation
Contact : Gildas Cadudal, 79 rue Paul Guieysse 56100
LORIENT,
gildas.cadudal@laposte.net, janvier
2005.
4/ Brèves n°79, avril 2005
5/ Exemple d'une expérience menée en FJT
Premier document : orga n i s a t i o n de l'électi
o n des délég u é s des résidents
Le conseil de résidents - instance insta u r é e
depuis 19 8 3 au FJT est élu au m ois d'octo b r e de cha q u e ann
é e.
Tout un travail de motivation de la part de l'équi p e
socio-éduc a tiv e est réalisé en a m o n t. En effet,
septe m b r e est décré té « moi s de l'inté g
r a ti o n » au foyer avec des animations spécifi q u e s : rallye
dans la ville orga n i s é par l'équi p e socio-éduc a ti
v e et quel q u e s ancie n s résidents qui font le lien avec les
nouveaux arriva n t s , suivi d'une autre animation où les
résidents sont acte u rs (ex : soirée inter région,
soirée report a g e s ... ).
Fin septe m b r e, l'équi p e socio-éduc a tiv e
« repèr e» les résidents impli q u é s dans le
collec tif ; c'est le mom e n t de leur parler du conseil de
résidents.
Dés le début octo br e, les me m b r e s du cons
eil de résidents de l'an n é e précé d e n t e
expliq u e n t à leur faço n en quoi consist e le conseil de
résidents lors d'une soirée convivi al e a la
cafété r i a.
Les résidents intér es s é s par la
participation à ce conseil de résidents ont alors une se m a i n
e pour se porter can di d a t à l'électi o n.
Arrive alors la se m a i n e des élections (autour de
mi-octo br e) qui se déroul e en deux temps :
· le me rc r e d i soir, les can di d a t s à
l'électi o n du conseil de résidents se prése n t e n t
à la
cafété ri a... c'est aussi l'occa si o n de re
-sollicite r de futurs candi d a t s encore hésita n t s... Ensuite
cha q u e résident du foyer reçoit une liste des candi d a t
s.
· le jeudi soir a lieu l'électi o n ou chaq u e
résident va pouv oir re m e t tr e sa liste, sur laqu ell e il aura
rayé des no m s, dans une urne prése n t e dans le hall d'acc u e
il entre 17 h et 20h ; le bureau de vote est tenu par les résidents de
l'anci e n conseil.
A 20h, le dépo uill e m e n t a lieu à la
cafété ri a : il suffit d'avoir au moi n s 15 % des voix pour
être élu ; les 8 résidents aya n t le plus de voix sont
élus ; les 4 autre s suiva n t sont supplé a n t s et
re m p l a c e n t les élus s'ils parte n t en cours de m
a n d a t.
Deuxième document : un accompagnement vers la prise
de responsabilité
Ces trois dernières années, beaucoup ont
effectué ce qu'on pourrait appeler un parcours initiatique à la
prise de responsabilité en quatre étapes successives :
1/ Un jeune sera systématiquement « membre
résident » de l'Association. Il pourra se satisfaire de ce statut
et restera à cette étape, utilisant les services du foyer selon
son besoin en respectant les autres et ayant eu connaissance de ce
qu'était une Association Loi 1901.
2/ Une deuxième étape, franchie par beaucoup
à l'invitation des animateurs consiste à devenir « membre
actif », à utiliser ses compétences pour « animer
» la vie collective. En 2003, les résidents se sont
organisés pour ouvrir leur cafétéria le soir, faire
fonctionner le labo-photo, initier les nouveaux à Intemet, organiser une
opération prévention routière, etc...
3/ C'est souvent parmi les membres actifs que sont élus
les membres responsables du conseil de résidents car ils sont
légitimes compte tenu de ce qu'ils ont fait. Ils vont alors exercer 3
fonctions prioritaires.
· représenter les résidents lors des Conseils
d'Administration de l'Association.
· gérer la Caisse Culturelle abondée par les
jeunes (1.52 €/mois) qui alimente les activités de loisirs qu'il
s'agit de bien choisir et de bien budgétiser.
· gérer le Fonds de Prévoyance (1,52
€/mois également). A la fois organisme de crédit permettant
d'attendre des revenus qui tardent à venir (APL, FSL), caisse de secours
pour palier un coup dur et fonds d'aide pour engager un projet.
4/ Cet investissement pédagogiquement encadré
qui vise l'apprentissage de la représentation et du mutualisme
amène souvent les jeunes à regarder de près le
fonctionnement et la gestion du foyer. Certains qui vont rester sur la ville ou
le département veulent participer à la vie de l'Association pour
qu'elle continue de rendre service à des jeunes. Ils deviennent
militants et élus responsables au Conseil d'Administration.
Table des matières
Introduction 2
Première partie 4
Chapitre 1 : Citoyenneté et participation, entre
mouvement de fond et mottiroir 5
I/ De l'état de citoyen à l'idée de
citoyenneté 6
1/ La citoyenneté, vingt-cinq siècles d'histoire
6
2/ Citoyenneté plurielle ou citoyenneté en miettes
? 11
II/ La participation 18
1/ Une notion récente et évolutive 18
2/ Les différents niveaux de participation 19
3/ Recréer l'agora ? 22
Chapitre 2 : Les jeunes entre itinérance et
construction 26
I/ « On met très longtem ps à devenir jeune
» 27
1/ Approches par âge et par cycles 27
2/ De la jeunesse aux jeunes 28
II/ Des jeunes sollicités pour participer 29
1/ Expérimentation et participation sociale 29
2/ Socialisation politique des jeunes 30
3/ Participer dans un cadre spécifique ? 32
Deuxième partie 34
Chapitre 1 : Les Foyers de Jeunes Travailleurs
35
I/ Présentation des FJT 36
1/ Histoire du mouve me nt 36
2/ Cadre et missions 42
3/ Public accueilli 44
II/ Le cadre participatif dans les foyers 52
1/ Plusieurs instances légales 52
2/ Une affirmation politique forte de l'UFJT 55
Chapitre 2 : L'enquête menée auprès
des FJT 58
I/ Objectifs, formes et mise en oeuvre 59
1/ Croiser connaissance formelle et opinions 59
2/ Méthodologie et protocole 60
3/ Présentation du questionnaire 61
II/ Résultats de l'enquête 62
1/ Les retours 62
2/ Les résultats 63
III/ Enseigne m e nts retirés 80
1/ Interprétations des résultats 80
2/ Préconisations 82
Conclusion 87
Bibliographie 89
Annexes 92
|