DIRECTION DU TRESOR
ANALYSE DU FINANCEMENT BANCAIRE
EN CÔTE D'IVOIRE
(1999-2008)
2
I. LE CREDIT BANCAIRE AU COURS DES DIX DERNIERES ANNEES
4
I.1. Evolution Globale du crédit bancaire de 1999
à 2008 4
I.2. Evolution globale du crédit bancaire selon le terme
5
II. STRUCTURE DU CREDIT BANCAIRE DE 1999 A 2008
6
II.1. Les secteurs faiblement financés en Côte
d'Ivoire 7
II.2. Les secteurs moyennement financés en Côte
d'Ivoire 9
II.3. Les secteurs privilégiés dans le financement
bancaire en Côte d'Ivoire 10
III. CAUSES DU SOUS FINANCEMENT BANCAIRE DE CERTAINS
SECTEURS D'ACTIVITES 11
III.1. Agriculture et sylviculture 11
III.2. Industries extractives 11
III.3. Electricité, gaz et eau 12
III.4. Bâtiments et travaux publics 12
III.5. Assurance, immobilier et services aux entreprises 12
IV. RECOMMANDATIONS POUR UN FINANCEMENT EFFICACE DE
L'ECONOMIE 13
CONCLUSION 14
BIBLIOGRAPHIE 15
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3
L'avènement d'une économie moderne au sein d'un
pays peut se mesurer par rapport au degré de modernisation de son
système financier. Ce dernier regroupe généralement les
secteurs des assurances, de la microfinance et le secteur bancaire (banques et
établissements financiers).
Le dynamisme et la prépondérance des banques
dans ce système tiennent non seulement à leur fonction principale
dans le financement de l'économie mais également à leur
place incontournable dans la mobilisation de l'épargne des agents
économiques. La banque intervient ainsi à la fois sur le
marché financier (par l'intermédiaire des Sociétés
de Gestion et d'Intermédiation) et monétaire (par la
dette/créance interbancaire et par l'acquisition des titres du
Trésor Public).
Rappelons que la finalité de toute économie est
de réaliser durablement un taux de croissance peu volatile et
satisfaisant nécessaire à la mise en place des infrastructures
adéquates pour susciter et atteindre le développement social des
populations. Au regard de cette ambition légitime, le secteur bancaire
sollicité par l'ensemble des acteurs économiques, se voit
confié une lourde responsabilité. Il s'agit de réaliser un
financement efficient de la croissance économique grâce aux
crédits octroyés aux ménages, aux entreprises
privées et publiques voire à l'Etat lui-même. Dans ce
cadre, la question essentielle qui se pose est de savoir si la structure du
financement bancaire dans son état actuel en Côte d'Ivoire, de
1999 à 2008, profite efficacement à l'économie. Pour
répondre à cette préoccupation, notre examen s'appuiera,
dans une première partie, sur l'évolution du montant total de
crédits octroyés par les banques et établissements
financiers à l'économie ivoirienne. Une deuxième partie
analysera, quant à elle, la structure de ces crédits en
considérant les différents secteurs d'activités
économiques ayant bénéficié des financements
bancaires au cours des dix dernières années. Dans une
troisième partie, nous avons exposé quelques raisons du sous
financement de certains secteurs. Enfin, au niveau de la dernière
partie, il sera question des recommandations en vue d'un financement efficace
de l'économie ivoirienne.
La présente analyse a été
élaborée grâce aux informations recueillies dans les
rapports annuels de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest
(BCEAO) de 2000 à 2008 à l'exception de celles relatives aux
données de 2009 qui proviennent, elles, de la note de conjoncture
bancaire du Trésor Public de mars 2010.
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4
I. LE CREDIT BANCAIRE AU COURS DES DIX DERNIERES
ANNEES
L'économie ivoirienne peut compter sur le financement
bancaire pour poursuivre la consolidation et la diversification de son
système productif. Il ressort de l'activité bancaire des dix
dernières années qu'un concours appréciable à
été apporté aux différents secteurs
d'activités. Les réalités sectorielles étant
différentes, les mobilisations des fonds ont respecté cette
diversité. Toutefois, avec un taux de croissance moyen de la masse de
crédit de 5,72% sur la période allant de 1999 à 2008, les
banques et établissements financiers ont octroyé des
crédits à hauteur de 13 974 milliards de FCFA sur les dix ans,
soit un montant moyen annuel de 1 397,4 milliards de FCFA. Ces montants peuvent
sembler énormes, mais au regard des besoins importants en
équipements et infrastructures de toute sorte, ils se sont
avérés insuffisants.
I.1. Evolution Globale du crédit bancaire de 1999
à 2008
Le crédit bancaire était à 1 117,5
milliards de FCFA en 1999. Il a progressé pour atteindre 1 427 milliards
de FCFA en 2001 avant de baisser successivement de -1,33% puis de 8,95% pour
s'établir à 1 282 milliards de FCFA en 2003. Cette chute du
financement bancaire de 2003 peut être imputable aux effets pervers de la
crise militaro politique qui a débuté le 19 septembre 2002. En
2004, le crédit a atteint 1 394 milliards de FCFA avant de baisser
jusqu'à 1 344 milliards de FCFA en 2006. Les conditions de
sécurité financière et de confiance créées
par l'Accord Politique de Ouagadougou (APO) ont favorisé la reprise des
engagements des banques. Les crédits ont ainsi amorcé une
croissance depuis 2007, passant de 1 652 milliards de FCFA à 1 862,5
milliards de FCFA en 2009. Cette tendance devrait se poursuivre au cours des
prochaines années. Le graphique 1 ci-dessous illustre cette
évolution des crédits bancaires en Côte d'Ivoire de 2001
à 2009.
Graphique 1 : Evolution du crédit
bancaire en Côte d'Ivoire
(SOURCE : BCEAO et nos calculs)
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I.2. Evolution globale du crédit bancaire selon le
terme
Le crédit bancaire peut être analysé en
considérant le délai indiqué dans le contrat de
prêt. Pour rendre facile ce type d'analyse, la BCEAO a défini la
période distinguant les trois termes généralement pris en
compte dans le domaine économique et financier. Ainsi, le court terme
n'excède pas deux ans, le moyen terme est compris entre deux et sept
ans, quant au long terme, il se situe au delà de sept ans.
Par ailleurs, il importe de mentionner que dans cette partie
l'on n'a pas pris en compte les crédits-bails et les encours de
crédits. La conséquence de ce choix se verra sur les montants
totaux annuels qui seront différents de ceux retenus dans la partie
précédente. Le résultat des investigations sur le
crédit à court, moyen et long terme est représenté
dans le graphique 2 cidessous.
Graphique 2 : Evolution du crédit
bancaire selon le terme
SOURCE : BCEAO et nos calculs.
La réalité du crédit bancaire transcrite
ici montre une situation diversement appréciée. En effet, les
crédits à court terme se taillent la plus grande part avec
près de 71,35% en moyenne sur la période. Ce type de
crédit semble être apprécié des banquiers car,
déjà en 2000, il représentait 66,6% des crédits
octroyés. Cette part a connu une progression jusqu'à atteindre
76,6% en 2005, représentant son plus haut niveau sur la période
d'études. En 2006, les crédits courts ont baissé
légèrement pour être à 69,1% puis, l'année
suivante, ils sont montés à 74,6% avant de descendre à
69,7%. Pour rappel, ces crédits sont constitués d'avances de
trésorerie, de crédits de campagne et de découverts mis
à la disposition des clients. Leur terme (moins de deux ans) et leur
nature doivent justifier la propension très forte des
établissements de crédit pour ces crédits. Il faut
également noter qu'ils constituent un véritable outil de gestion
courante de la trésorerie auxquels les Directeurs financiers des
entreprises recourent très souvent. Ils
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permettent ainsi de pallier un temps soit peu le défaut de
liquidité nécessaire pour honorer certains engagements. La
confiance du créancier au débiteur étant maintenue
intacte.
En ce qui concerne les crédits à moyen terme,
ils ne portent que sur 24.47% en moyenne des crédits octroyés sur
les neuf ans. Cette part est restée presque stable car en 2000, elle
représentait 26,8% de l'ensemble des crédits et en 2008, elle est
à 26,7%. Mais entre temps, les crédits à moyen terme ont
chuté en 2004 et 2005 avec respectivement 18,5% et 19,5% des
crédits. L'on peut citer ici les investissements autres que ceux
orientés vers l'immobilier. D'ailleurs, il est de pratique constante de
considérer que les risques de recouvrement augmentent avec la
durée du prêt. Or, le banquier veut garantir au mieux ses
ressources.
Enfin, quant aux crédits longs, ils concernent à
peine 5% du total des crédits accordés chaque année en
Côte d'Ivoire entre 2000 et 2008. Ils sont sollicités
généralement pour la réalisation d'infrastructures
importantes ; notamment l'immobilier. Cette tendance mérite d'être
améliorée sinon inversée afin de créer les
conditions adéquates pour résoudre le problème
récurrent de manque d'habitats économiques dans les grandes
agglomérations ivoiriennes. Bien avant, les observations
évoquées dans la première partie seront orientées
vers les secteurs d'activités économiques.
II. STRUCTURE DU CREDIT BANCAIRE DE 1999 A 2008
L'analyse du crédit peut se faire de plusieurs
manières. L'on peut s'orienter vers la segmentation en trois
compartiments des bénéficiaires à savoir : les
particuliers, les petites et moyennes entreprises et les grandes entreprises.
Dans la présente note, nous avons opté pour une
considération des secteurs d'activités selon la structure
adoptée par les autorités monétaires dans leurs rapports
annuels. A cet effet, neuf secteurs sont identifiés. Il s'agit des
secteurs d'activités suivants :
o agriculture, sylviculture ;
o industries extractives ;
o industries manufacturières ;
o électricité, gaz, eau ;
o bâtiments, travaux publics ;
o commerce, restaurants, hôtels ;
o transports, entrepôts et communications ;
o assurance, immobilier, services aux entreprises ; o services
divers.
Dans le graphique 3 qui suit, la structure annuelle des
crédits bancaires est présentée en faisant ressortir la
part accordée aux secteurs d'activités indiqués
auparavant.
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Graphique 3 : Evolution de la structure du
crédit bancaire en Côte d'Ivoire de 1998 à 2008
SOURCE : BCEAO et nos calculs.
En considérant cette répartition du
crédit sur la période prise en compte, trois groupes peuvent
être distingués. Plusieurs raisons peuvent être
évoquées pour justifier le manque ou l'afflux de financement dans
un secteur donné. La rentabilité financière des
investissements ajoutée à la sécurité et à
la nature des garanties présentées fréquemment par
certains acteurs du secteur peuvent, entre autres, justifier cette
réalité. Certains secteurs apparaissent alors plus attractifs que
d'autres.
Au regard de ce qui précède, l'on étudiera
successivement les secteurs faiblement financés, les secteurs
moyennement financés et les secteurs privilégiés par les
crédits bancaires.
II.1. Les secteurs faiblement financés en
Côte d'Ivoire
Certains secteurs ont perçu au plus 5% du montant annuel
total des crédits bancaires octroyés à l'économie.
Les cinq (5) secteurs qui sont dans cette classe sont :
o agriculture, sylviculture ;
o industries extractives ;
o électricité, gaz, eau ;
o bâtiments, travaux publics ;
o assurance, immobilier, services aux entreprises.
8
Au cours de la période allant de 1999 à 2008,
aucun des secteurs susvisés n'a reçu un crédit bancaire
au-delà de 5% des montants annuels. Les industries extractives, n'ayant
bénéficié que de 1% en moyenne du volume de crédits
octroyés de ces montants annuels semblent être les laissés
pour compte. Pour les années 2002 et 2003, il y a eu une absence totale
de crédit bancaire pour ces secteurs. Suivent les bâtiments et les
travaux publics qui ne sont pas mieux lotis avec une part constante de 2%
depuis 2003 après une légère hausse à 4% en 2001
suivie d'une chute brutale à 1% en 2002.
Le secteur de l'agriculture et la sylviculture subissent
également ce déficit de financement lié probablement
à la nature aléatoire de ce domaine. Toutefois, c'est le lieu de
noter que plusieurs exploitations agricoles méritent de
bénéficier d'un financement adéquat pour le rajeunissement
des plants. En outre, des efforts supplémentaires doivent être
faits par les banques en vue de soutenir nos pays dans le cadre de la politique
d'autosuffisance alimentaire.
Quant aux secteurs de l'électricité, gaz, eau et
celui de l'assurance, immobilier, services ils ont attiré plus ou moins
de crédits bancaires atteignant même la barre des 5% pour le
premier en 2000 et 4% pour le second en 2004. Ensuite leur part de
crédit a connu une chute avant de se stabiliser à 3% et 2%. Le
graphique 4 montre l'évolution des crédits octroyés
à ces secteurs faiblement financés.
Graphique 4 : Les secteurs faiblement
financés (au plus 5% du financement bancaire annuel)
SOURCE : BCEAO et nos calculs.
Ce seuil est très faible ; car il ne peut pas permettre
d'amorcer de réelles modifications d'ampleur dans les secteurs
concernés. Il va sans dire que les acteurs de ces secteurs
d'activités iront accroître le nombre de ceux qui soutiennent que
le crédit bancaire est rare, voire exceptionnel. Ils n'auront pas torts
si on ne considère que les crédits qu'ils reçoivent. Un
effort doit être demandé aux établissements de
crédit en vue d'accroitre le financement de ces secteurs. Mais, bien
avant, un diagnostic objectif doit être établi.
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II.2. Les secteurs moyennement financés en
Côte d'Ivoire
Pour les besoins de cette analyse, ce deuxième groupe
concentre les secteurs ayant retenu plus de 5% des crédits bancaires
pendant au moins une année entre 1999 et 2008. Cependant, leur part dans
le crédit bancaire annuel n'atteint pratiquement jamais le quart (25%)
du montant total octroyé par les banques et établissements
financiers. On y trouve le secteur des transports, entrepôts et
communications ainsi que celui des services divers. La tendance observée
montre deux parties présentées par le graphique qui suit.
Graphique 5 : Les secteurs moyennement
financés (au plus 25% du financement bancaire annuel)
SOURCE : BCEAO et nos calculs.
En effet, on constate que le financement bancaire vers ces
secteurs couvre deux périodes. La première période court
de 1999 à 2004. Pendant cette période, la part du financement
accordé aux services baisse de 22% à 14% après une
légère remontée à 18% en 2003. Mais, ces
proportions demeurent tout de même supérieures à celles
reçue par l'autre secteur. Le financement orienté vers le
transport, entrepôts et communications ne représentait que 10% du
crédit total en 1999. Cette part a baissé au fil du temps pour se
situer à 8% en 2001 avant de remonter jusqu'à 11% en 2003 et
2004.
Quant à la deuxième période qui
débute en 2005 pour finir en 2008, la tendance est inversée.
Pendant que la part des transports, entrepôts et communications a
poursuivi sa hausse passant de 13% à 16%, la part des services divers de
1999 à 2005 a légèrement baissé. Ensuite, ces
derniers restent stables à 4% en 2005 et 2007 avant de remonter
légèrement à 5% en 2008. A ce niveau, une limite à
cette analyse a été l'impossibilité de distinguer
l'affectation ciblée du financement du secteur transport. En fait, il
aurait été instructif de déterminer avec précision
la part du financement orientée vers l'acquisition de matériels
(véhicules par exemple) et celle consacrée aux infrastructures.
Les informations disponibles n'ont pas permis cette analyse
supplémentaire.
Sur la période étudiée, le financement
bancaire en Côte d'Ivoire semble avoir privilégié certains
secteurs.
10
II.3. Les secteurs privilégiés dans le
financement bancaire en Côte d'Ivoire
L'analyse des informations disponibles fait apparaître
que deux secteurs sont privilégiés par le financement bancaire.
Les deux secteurs privilégiés au regard du crédit bancaire
sont le secteur des industries manufacturières et celui du commerce,
restaurants, hôtels.
En effet, le cumul annuel de leurs parts se situe au moins
à 58% du montant total des crédits octroyés. Ce cumul a
même atteint 70% en 2006 avant de baisser légèrement pour
se situer à 67% en 2008. C'est dire qu'à eux deux, ils
reçoivent chaque année plus de la moitié, et mieux, plus
des deux tiers certaines années (66%) des crédits
distribués par les banques et établissements financiers en
Côte d'Ivoire. En rappelant que l'ensemble des ressources est
orienté vers neuf secteurs en compétition, il faut remarquer que
moins de la moitié est repartie entre les sept autres secteurs
d'activités. D'ailleurs, au cours de ces dernières années
(2005 à 2008), c'est le tiers du montant total de ces crédits qui
a été capté par ces sept secteurs. Cette
inégalité mérite d'être corrigée dans les
prochaines années. L'évolution du financement de ces secteurs est
illustrée dans le graphique 6 ci-dessous.
L'on pourrait tout de même déduire que dans ces
domaines les garanties exigées aussi bien par les banques commerciales
que par la Banque Centrale sont relativement acceptables. En outre, ils
semblent plus dynamiques que les autres en matière de demandes de
prêts formulées auprès des banques et établissement
bancaires. La possibilité de fournir tous les documents exigés
les encourage dans ce sens. L'une des explications de ce dynamisme serait due
au fait que les opérateurs de ces secteurs utilisent les intrants issus
des produits des autres secteurs d'activités.
Graphique 6 : Evolution du financement bancaire
des secteurs d'activités privilégiés en Côte
d'Ivoire
SOURCE : BCEAO et nos calculs.
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III. CAUSES DU SOUS FINANCEMENT BANCAIRE DE CERTAINS
SECTEURS D'ACTIVITES
A l'issue de l'analyse du financement bancaire, le constat est
net, les secteurs d'activités sont inégalement financés
par le crédit bancaire en Côte d'Ivoire. Pendant que les secteurs
des industries manufacturières et celui du commerce, restaurants et
hôtels sont sur financés, les autres secteurs demeurent sous
financés. De façon générale, la grande
concentration du financement bancaire sur les crédits courts pourrait
s'expliquer essentiellement par les risques politiques créés par
le contexte socio économique de ces dix dernières années
Nous discuterons tout de même dans cette partie des autres causes
probables de cette répartition inégale du financement
bancaire.
Plusieurs raisons peuvent justifier la faiblesse de
crédits bancaires vers un secteur d'activités. Pour faire
ressortir certaines spécificités, les raisons seront
présentées successivement secteur après secteur.
III.1. Agriculture et sylviculture
L'agriculture ne bénéficie pas, sinon peu, du
financement bancaire, car les plantations ne commencent
généralement à produire qu'après plusieurs
années. Le délai et le niveau de production anticipés
peuvent augmenter en fonction des mauvaises conditions climatiques. Pendant
toute la période d'entretien, le paysan supporte des charges sans aucune
recette en contre partie. Ce secteur a donc besoin des crédits longs
dont la rentabilité est incertaine. Le banquier ne peut octroyer des
prêts dans ces conditions car il est soumis au respect de plusieurs
normes de gestion. Ce manque de financement de l'agriculture a
entraîné la baisse de la production cacaoyère depuis
2002.
Au niveau de la sylviculture, la situation est pire puisque
l'exploitation ne peut être véritablement commercialisée
qu'après vingt ans au moins sous la contrainte des mêmes
aléas indiqués plus haut. Faute d'investissement ici
également, la plus grande partie de la forêt ivoirienne avait
été exploitée. La crise sociopolitique a accentué
encore cette surexploitation anarchique.
III. 2. Industries extractives
Le manque de financement dans les industries extractives tient
à deux raisons principales. En effet, les décideurs politiques
n'ont pas accordé une place importante à cette activité au
cours de la période d'analyse. Il y avait certes, beaucoup de potentiel
économique à ce niveau, mais les choix de politique
économique étaient tournés vers d'autres activités.
Néanmoins, il importe d'indiquer que plusieurs licences d'exploitation
minières ont été délivrées au cours des deux
dernières années même si l'exploitation effective n'a pas
encore débuté sur de nombreux sites. En fait, le pays
possède 32 concessions, offshore et onshore, dont 19 sont
déjà attribués, parmi lesquelles 4 seulement sont en cours
de production.
En outre, ce sont des firmes multinationales
étrangères ayant une surface financière
très importantes qui exercent généralement cette
activité en partenariat avec Pétroci Holding. Elles
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disposent sürement d'une capacité
d'autofinancement nécessaire leur permettant de faire face à
leurs investissements. Dans le cas contraire, elles recourent aux
établissements de crédit situés dans leurs pays d'origines
pour bénéficier d'un financement au lieu de le faire
auprès des banques et établissements financiers ivoiriens. Ce
sont ces raisons qui peuvent justifier le faible financement bancaire de ce
secteur.
III.3. Electricité, gaz et eau
Il s'agit d'un secteur où règne le monopole. Que
ce soit au niveau de l'électricité, de l'eau ou encore du gaz, ce
sont des entreprises publiques ou des entreprises privées
exerçant sous concession de l'Etat. Le financement des investissements
se fait selon des mécanismes prévus dans les contrats de
concession et non par le crédit bancaire. Le recours à ce dernier
n'est pas proscrit mais il est très encadré, ce qui fait que le
financement bancaire de ce secteur est très faible.
Généralement, c'est à partir des financements publics (sur
le budget de l'Etat) que les investissements son effectués.
III.4. Bâtiments et travaux publics
Le sous financement de ce secteur est justifié dans un
contexte où les infrastructures de communication n'ont pas
été aménagées depuis plusieurs années et
où aucun nouveau chantier n'a été ouvert entre temps. Ce
secteur est l'un des plus sinistrés car depuis 2002 aucun investissement
majeur n'y a été effectué. Auparavant, les projets
étaient financés en dernier ressort par les bailleurs de fonds
internationaux. Ce qui donnait des garanties aux banques pour accorder des
crédits aux opérateurs économiques de ce secteur. Depuis
que les bailleurs n'accordent que des appuis budgétaires, le domaine du
bâtiment et des travaux publics ne perçoit que très peu de
crédits bancaires. Avec le prolongement de l'autoroute du Nord
jusqu'à Yamoussoukro et la réfection de plusieurs routes urbaines
et nationales, nous osons croire que cette tendance s'inversera.
III.5. Assurance, immobilier et services aux
entreprises
Le manque de crédit aux maisons d'assurance ne doit pas
surprendre car ces entreprises exerçant dans le secteur financier, ont
la possibilité de mobiliser des ressources nécessaires à
leurs besoins sans s'adresser à une banque. Par contre, la faible part
du financement dont bénéficie l'immobilier est surprenante. En
effet, les projets immobiliers sont devenus nombreux et en considérant
les charges supportées par les promoteurs de ces projets, l'on peut
déduire que des fonds importants sont mobilisés. Puisque la
présente analyse montre que ce financement provient d'une manière
très marginale de la banque, il faut s'interroger sur la provenance des
ressources impliquées dans ces projets. Quand on sait que c'est le
domaine privilégié pour le blanchiment d'argent, une
réflexion mérite d'être menée sur ce
phénomène.
Par ailleurs, il importe d'indiquer que l'immobilier
nécessite des financements à long terme alors que nos banques ne
reçoivent que des dépôts à court terme. Il est
évident que les établissements de crédit font un arbitrage
difficile entre le respect de la norme prudentielle de la BCEAO relative
à la couverture des emplois longs par des ressources stables et la
satisfaction
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des clients. Dans la plupart des cas, ce sont ces derniers qui
sont rationnés. Les projets à court terme sont financés au
détriment des projets à long terme.
Quant au secteur des services, il semble majoritairement
constitué par des PME assimilées au secteur informel. Seule cette
raison pourrait justifier, en partie, le manque de financement en leur
faveur.
IV. RECOMMANDATIONS POUR UN FINANCEMENT EFFICACE DE
L'ECONOMIE
Le développement n'est possible qu'avec un financement
bancaire adapté aux besoins de l'économie. C'est pourquoi la
première exigence pour faciliter la tâche des
établissements de crédits est de faire la promotion des
dépôts à long terme auprès des agents à
capacité de financement au détriment des dépôts
courts. A ce niveau, les pouvoirs publics doivent inclure cette action dans la
politique financière nationale à côté de la
promotion de la bancarisation. Ainsi, ces ressources stables seront
utilisées pour financer des emplois à long terme.
La seconde recommandation tient à la
spécificité de certains secteurs notamment l'agriculture qui, du
fait de leur nature, n'attireront que rarement les crédits bancaires. Il
serait indiqué que des subventions soient accordées aux paysans
ou mettre en place un système de fonds de garantie aux crédits
bancaires orientés vers des activités précises. Par
ailleurs, les pouvoirs publics doivent favoriser la mise en place des
structures de transformation en charge de l'encadrement et du financement des
plantations.
La dernière recommandation porte sur le recours
éventuel au système financier décentralisé. Il sera
d'un apport appréciable surtout pour les entreprises exerçant
dans des secteurs marginalisés comme les services. Il en sera de
même des autres acteurs qui ne peuvent pas se soumettre aux exigences
liées aux crédits bancaires. Ces entreprises pourront profiter
des conditions relativement abordables et des fonds disponibles auprès
des institutions de microfinance pour combler leur déficit en
matière de financement bancaire.
14
CONCLUSION
En définitive, il est temps que le financement
octroyé par les banques et établissements financiers soit
encadré à travers une politique économique et
financière du crédit en vue d'impulser une véritable
modification de notre système de production. Depuis la période
coloniale jusqu'à nos jours, force est de constater que notre
économie est encore tributaire de l'exportation des matières
premières agricoles et minières. Avec l'existence sur le
marché de l'emploi de cadres compétents capables de
conférer des plus values à ces produits, il est nécessaire
d'accompagner ces derniers et particulièrement, ceux qui ont
déjà pris le risque de créer leurs propres entreprises.
Par ailleurs, il n'est pas fortuit de s'interroger sur la
structure des crédits mise en relief par cette analyse. Elle serait
tributaire de l'obligation liée au respect par les établissements
de crédit des ratios prudentiels en vigueur dans la zone UMOA. A ce
niveau, l'on peut rappeler le ratio relatif à la couverture des emplois
longs par des ressources stables ainsi que les conditions rigides du recours au
refinancement BCEAO dans le cadre des accords de classement. Même s'il
semble évident que la majeure partie des acteurs de certains secteurs
économiques exercent dans l'informel, il n'en demeure pas moins que des
dispositions spécifiques d'accès au crédit soient mises en
place pour satisfaire leurs demandes. En fait, il est établi, selon des
études menées par le Bureau International du Travail (BIT) depuis
les années 1970 que le secteur informel contribue d'une manière
importante à la création de richesses au sein de nos pays en
développement.
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BIBLIOGRAPHIE
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Commission Bancaire de l'UMOA-2002. BCEAO (2003) : Rapport
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